Deuxième séance du mercredi 12 février 2025
- Présidence de M. Jérémie Iordanoff
- 1. Restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents
- Présentation
- Motion de rejet préalable
- M. Hervé Saulignac
- M. Jean Terlier, rapporteur
- Mme Sylvie Josserand (RN)
- M. Gabriel Attal (EPR)
- Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP)
- Mme Marie-José Allemand (SOC)
- Mme Alexandra Martin (DR)
- M. Pouria Amirshahi (EcoS)
- M. Éric Martineau (Dem)
- Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR)
- Mme Elsa Faucillon (GDR)
- M. Olivier Fayssat (UDR)
- Discussion générale
- Discussion des articles
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Jérémie Iordanoff
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Gabriel Attal et plusieurs de ses collègues visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents (nos 448, 628).
Présentation
M. le président
La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
« Tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies ; tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter. » (« Ah ! » sur les bancs du groupe EPR. – M. Gabriel Attal lève un pouce en l’air.)
C’est avec cette formule, prononcée lors de son discours de politique générale, que Gabriel Attal, alors premier ministre, propose de répondre à la délinquance des mineurs. Je tiens ici à le remercier…
Mme Isabelle Santiago
Un grand merci !
M. Jean Terlier, rapporteur
…de l’honneur qu’il me fait et de la confiance qu’il m’accorde en me permettant de rapporter sa proposition de loi.
La délinquance des mineurs – de plus en plus jeunes, de plus en plus violents, auteurs d’infractions de plus en plus graves – est un défi majeur pour notre pays. Cette délinquance est d’autant plus dramatique que les premières victimes de ces mineurs, bien souvent, sont également des mineurs. Nous pensons bien évidemment ce soir à la mort tragique d’Elias, 14 ans, tué pour un téléphone portable après son entraînement de foot par deux mineurs multirécidivistes de 16 et 17 ans.
C’est ce type de délinquants qui, précisément, fait l’objet de la présente proposition de loi. Si ce drame a brisé une famille, c’est toute la nation qui a été touchée. Chaque parent s’est alors dit : « Ça aurait pu être mon fils. »
Mais cette tragédie n’est malheureusement pas un fait isolé. Bien au contraire, elle symbolise « une montée en puissance de la violence des mineurs, qui devient insupportable » – pour reprendre les mots de Laurent Nuñez, préfet de police de Paris.
M. Ugo Bernalicis
Ah oui, ce n’est pas Didier Lallement !
M. Jean Terlier, rapporteur
Je ne veux pas vous assommer de statistiques, mais j’ai entendu trop de contrevérités en commission des lois (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) pour ne pas insister sur l’ampleur de la délinquance des mineurs. Les mineurs âgés de 13 à 17 ans ne comptent que pour 6 % de la population, mais représentent près de 40 % des mis en cause dans les vols avec violence, selon les chiffres qui m’ont été communiqués dans le cadre de mes travaux.
M. Ugo Bernalicis
Ça va, les ischios ?
M. Jean Terlier, rapporteur
Un tiers des personnes interpellées lors des émeutes qui ont ravagé notre pays à l’été 2023 étaient des mineurs.
M. Ugo Bernalicis
Est-ce le même Jean Terlier que la dernière fois ? il disait le contraire !
M. Jean Terlier, rapporteur
Je l’ai dit, les mineurs sont les premières victimes des mineurs délinquants. Un seul chiffre, mais tellement accablant : le nombre de mineurs mis en cause pour coups et blessures volontaires sur personne de moins de 15 ans a augmenté de 350 % entre 2002 et 2019 – 350 % !
De récents événements survenus à Marseille nous l’ont rappelé : ceux qui dirigent le narcotrafic utilisent les mineurs, non seulement comme petites mains…
M. Sébastien Delogu
C’est vrai !
M. Jean Terlier, rapporteur
…mais aussi pour commettre des « narchomicides » contre leurs rivaux.
M. Ugo Bernalicis
Victimes ou auteurs, alors ?
M. Jean Terlier, rapporteur
Lors de sa dernière conférence de presse, le procureur de la République de Marseille a particulièrement insisté sur le rajeunissement inquiétant des narcotrafiquants. (M. Ugo Bernalicis s’exclame.)
Les mineurs sont toujours plus impliqués dans les narcotrafics, dans les rixes mortelles entre bandes ou encore dans la délinquance de rue qui exaspère, à bon droit, nos concitoyens. Occulter cette réalité alarmante par posture idéologique, comme c’est trop souvent le cas à la gauche de cet hémicycle, revient à nier ce que les Français subissent au quotidien…
M. Ugo Bernalicis
Pas mal comme posture !
M. Jean Terlier, rapporteur
…– Français qui, face à cette délinquance des mineurs, soutiennent largement, selon les sondages, un renforcement de notre politique pénale. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
La justice, sans perdre son âme (Rires et applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), doit relever ce défi. La justice pénale des mineurs obéit à des principes fondamentaux, reconnus par les lois de la République, et qui font partie du socle de l’État de droit : l’atténuation de la peine, la primauté de l’éducatif sur le répressif, la spécialisation des juridictions. Un mineur, même délinquant, n’a pas le même discernement qu’un majeur. Le lien avéré entre enfance en danger et enfance délinquante impose également un traitement spécifique de la justice pénale des mineurs.
M. Ugo Bernalicis
Donc vous faites le contraire !
M. Jean Terlier, rapporteur
Nous avons déjà fait beaucoup pour adapter notre justice à l’évolution de la délinquance des mineurs. La création, en 2021, du code de la justice pénale des mineurs a été une réforme particulièrement ambitieuse, saluée par l’ensemble des acteurs concernés. Elle a permis de réduire considérablement les délais de jugement, de renforcer la prise en charge du délinquant et d’impliquer davantage la victime comme de permettre son indemnisation plus rapide.
Dans le prolongement de cette réforme, nous devons amplifier nos efforts dans deux domaines…
M. Ugo Bernalicis
La répression ?
M. Jean Terlier, rapporteur
…qui n’avaient pas alors reçu toute l’attention qu’ils méritaient.
C’est tout l’objet de cette proposition de loi du président du groupe Ensemble pour la République,…
M. Ugo Bernalicis
Il a bien dit pour la paix publique ?
M. Jean Terlier, rapporteur
…Gabriel Attal.
Un député du groupe SOC
À droite toute !
M. Jean Terlier, rapporteur
Notre effort doit tout d’abord porter sur la responsabilisation des parents. Sanctionner le parent dont la défaillance a conduit son enfant mineur dans la délinquance, instaurer une obligation de déférer aux convocations du juge des enfants ou encore affirmer la responsabilité civile de plein droit des deux parents en cas de dommage causé par leur enfant mineur (Mme Isabelle Santiago s’exclame), ces trois dispositifs créés par la proposition de loi ont une même finalité : mettre les parents face à leurs responsabilités.
M. Jean-Pierre Vigier
Il a raison !
M. Jean Terlier, rapporteur
Ce ne sont pas les parents de bonne foi dépassés par leurs enfants qui sont ici visés,…
M. Ugo Bernalicis
De quelle proposition parle-t-il ?
M. Jean Terlier, rapporteur
…mais les parents démissionnaires, défaillants, ceux qui se soustraient sciemment à leurs obligations et plus particulièrement, disons-le, les pères, qui trop souvent, et comme le reconnaissent de nombreux acteurs de la justice des mineurs, se désintéressent du sort de leurs enfants délinquants.
Il nous faut, ensuite, adapter nos procédures aux mineurs récidivistes de plus de 16 ans, responsables des infractions les plus graves. Là encore, cette proposition de loi fournit de nouveaux outils,…
M. Ugo Bernalicis
Vous voulez dire la proposition de loi initiale, avant l’examen en commission !
M. Jean Terlier, rapporteur
…à la main du juge, pour restaurer l’autorité de la justice face à ce type spécifique de mineurs délinquants.
La possibilité de juger certains mineurs de plus de 16 ans le jour même…
M. Ugo Bernalicis
Dans l’heure, dans la minute !
M. Jean Terlier, rapporteur
…comme celle d’aménager – dans certains cas bien précis – l’atténuation de leur responsabilité, sont de nature à accroître la célérité et la crédibilité de la réponse pénale.
Permettez-moi d’insister sur un point. Cette proposition de loi ne remet aucunement en cause les principes fondamentaux de la justice pénale des mineurs (« Mais non ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC) qui découlent de l’ordonnance de 1945, principes repris dans le code de la justice pénale des mineurs. Je regrette, chers collègues de la gauche de l’hémicycle, que les débats que nous avons eus en commission n’aient pas été à la hauteur de la gravité de ces enjeux. Trop souvent, ils ont cédé la place à l’anathème et aux postures purement idéologiques.
Les articles 3 et 5 ont en effet été balayés d’un revers de la main, parfois sans aucune discussion sur le fond. (M. Manuel Bompard applaudit.)
M. Ugo Bernalicis
Ils étaient où, vos amis ?
M. Jean Terlier, rapporteur
Je proposerai donc des amendements pour rétablir les dispositifs supprimés, tout en les adaptant afin de renforcer davantage les garanties procédurales requises.
Pour nos concitoyens, la délinquance des mineurs est un sujet de préoccupation majeur. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Un député
Pour Valeurs actuelles !
M. Ugo Bernalicis
Mineur, ce n’est pas majeur !
M. Jean Terlier, rapporteur
Les Français attendent du législateur une réponse forte. La proposition de loi de Gabriel Attal répond à cette aspiration, avec des mesures opérationnelles et efficaces, mais également respectueuses de nos principes fondamentaux en matière de justice pénale des mineurs. (M. Sacha Houlié s’exclame).
J’espère que cette séance sera l’occasion de restaurer la cohérence du texte, au service d’une justice plus réactive et plus à même de faire face à l’aggravation de la délinquance des mineurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. Ugo Bernalicis
Il faut saluer la souplesse de M. Terlier ! Il est capable de dire tout et son contraire !
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice
Avant de commencer l’examen de cette proposition de loi, je voudrais avoir une pensée – comme vous tous, j’imagine – pour la famille du jeune Elias et garder à l’esprit les drames qui touchent chacun d’entre nous. Si nous ne devons pas légiférer sous le coup de l’émotion,…
Mme Zahia Hamdane
Mais qu’êtes-vous en train de faire ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…nous ne sommes pas aveugles et sourds à la douleur d’une famille qui a perdu un enfant.
C’est un des premiers principes de l’État que de protéger les mineurs : comme victimes, mais aussi contre eux-mêmes. Ils sont en effet souvent à la fois victimes et auteurs, qu’il s’agisse du trafic de drogue dans lequel les adultes les entraînent, des violences qu’ils reproduisent ou des difficultés qui touchent la société en général.
M. Ugo Bernalicis
Vous êtes au pouvoir depuis sept ans ! Sept ans d’échecs !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Le code de la justice pénale des mineurs, voulu par un de mes prédécesseurs et largement adopté par cette assemblée,…
M. Ugo Bernalicis
Pas par nous !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…a maintenant quelques années, et nous pouvons tirer de son bilan un point positif. La sanction, quand elle est prononcée, est connue dans un meilleur délai. Il fallait dix-huit mois, avant le code de la justice pénale des mineurs, pour pouvoir juger un mineur : ceux qui, comme moi, étaient élus locaux, ont connu l’absurdité de voir des mineurs, à qui l’on reprochait des faits graves, passer devant la cour d’assises des mineurs alors qu’ils étaient devenus majeurs – délai source d’incertitude et allant à l’encontre du caractère éducatif de la sanction.
De dix-huit mois, nous sommes passés, en moyenne, à huit mois, pour un objectif fixé par la loi de six mois. Je ne doute pas que nous finirons par y parvenir.
M. Ugo Bernalicis
Les assises, ce n’est pas la même procédure !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Les difficultés que nous rencontrons naissent d’un certain nombre d’imperfections juridiques que la proposition de loi de Gabriel Attal, comme M. le rapporteur vient de le rappeler, vient utilement corriger.
Elles ont aussi leur source dans un manque de moyens : un seul juge des enfants doit instruire environ 400 dossiers.
Mme Isabelle Santiago
Voire 600 !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Il en existe environ 500, et nous avons décidé – je remercie les parlementaires qui n’ont pas voté la motion de censure, nous permettant ainsi de nous doter d’un budget – de consacrer des moyens supplémentaires à la justice, aux greffiers, aux enquêteurs, aux personnels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et aux acteurs sociaux.
M. Jean-Luc Bourgeaux
Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Nous allons augmenter de 100, à partir du mois d’avril et jusqu’au mois d’avril 2027, suivant en cela les arbitrages…
M. Ugo Bernalicis
Ce ne sont pas des arbitrages ! C’était dans la loi de programmation !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…que j’ai proposés à M. le premier ministre, le nombre de juges des enfants.
De plus, si quatre nouvelles structures ont été créées depuis 2017, notamment des centres éducatifs fermés (CEF),…
Mme Marianne Maximi
Pour quels résultats ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…nous nous engageons, comme je l’ai fait devant la commission des lois (Mme Zahia Hamdane s’exclame), à ce que dix-huit autres voient le jour d’ici la fin du quinquennat du président de la République.
La proposition de loi de M. Attal et de ses collègues vise également à renverser, si j’ose dire, le principe d’atténuation des peines. Aujourd’hui, l’excuse de minorité n’est effacée que dans moins de 1 % des cas, pour les crimes les plus graves. Elle continuera bien sûr à exister dans notre droit, mais demander au juge de motiver dorénavant sa décision de l’appliquer est une incontestable avancée.
L’amende civile, monsieur le rapporteur,…
M. Ugo Bernalicis
Vous n’êtes pas si vil que ça ! (Sourires)
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…constitue aussi une avancée importante.
Il y a trois points sur lesquels je voudrais particulièrement insister, et je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’avancer à ce sujet lors de nos débats, notamment en deuxième lecture.
Premier point : le non-respect des mesures éducatives prises à l’encontre d’un jeune reconnu coupable d’infractions n’est pas sanctionné.
Mme Zahia Hamdane
Il n’y a pas de moyens ! Il n’y a pas d’éducateurs !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Dans le cas du meurtre du jeune Elias, les magistrats avaient prononcé une interdiction d’entrer en contact à l’encontre des deux jeunes connus des services de police et de la justice pour de nombreux faits d’extorsion. Si les policiers avaient constaté à l’occasion d’un contrôle…
M. Ugo Bernalicis
S’il y avait eu une police de proximité ou la prévention spécialisée !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…qu’ils étaient regroupés en dépit de cette interdiction, alors que la protection judiciaire de la jeunesse avait rédigé un rapport signalant qu’ils ne respectaient pas la mesure éducative, il ne se serait rien passé.
M. Ugo Bernalicis
C’est la faute de la police, alors !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Nous devons en tirer des conclusions. En cas de non-respect de la mesure éducative, il faut prononcer une sanction immédiate et placer le mineur dans un centre éducatif fermé ou dans un lieu privatif de liberté.
M. Mathieu Lefèvre
Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Les mesures éducatives doivent toujours être mises en œuvre avant les mesures répressives, conformément à la Constitution et aux conventions européennes et internationales. Cela ne veut pas dire que leur non-respect ne doit pas être sanctionné. Chacun sait que la bonne éducation implique parfois des sanctions, certes proportionnées, mais annoncées et appliquées immédiatement.
M. Ugo Bernalicis
À la seconde !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Deuxième point : le couvre-feu, que le député Marleix évoquera sans doute plus tard dans la soirée ou demain. Cette mesure s’applique aujourd’hui de vingt-deux heures à sept heures. Ces horaires ne coïncident ni avec ceux auxquels les rixes sont les plus nombreuses ni avec ceux pendant lesquels les jeunes doivent respecter les interdictions prononcées par les magistrats.
M. Aurélien Rousseau
Dura lex Marleix !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
À titre personnel, je suis favorable à l’amendement de M. Marleix, et de façon plus générale, à étendre le couvre-feu, comme l’a décidé en Espagne un gouvernement socialiste. Un couvre-feu de dix-sept heures à sept heures du matin et le week-end permettrait de vérifier que le mineur n’est pas présent en dépit de la mesure. En cas de violation de celle-ci, il pourrait être placé en centre éducatif fermé ou dans un lieu privatif de liberté.
Troisième point : la responsabilité des parents. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Personne n’ignore que les causes de la violence des mineurs sont multiples. Elles incluent les situations de précarité, les défaillances de l’État et des collectivités locales en matière d’aide sociale à l’enfance (ASE),…
M. Ugo Bernalicis
Jamais condamnées !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…la grande difficulté à faire respecter l’intégration, voire l’assimilation, ainsi qu’un rendez-vous manqué autour de l’autorité, dans l’éducation nationale comme dans l’éducation populaire. Quand un mineur passe à l’acte, en particulier s’il récidive, c’est que toute une chaîne d’acteurs n’a pas été au rendez-vous, en particulier s’agissant de mineurs élevés courageusement par des femmes seules, au sein de familles parfois déstructurées.
De même qu’il existe une assistance éducative pour les mineurs, je souhaite que nous instaurions une injonction de conseils et d’aide à la parentalité pour les parents, afin de les accompagner dans l’exercice de leurs obligations parentales. C’est seulement dans un second temps, dans l’hypothèse où les parents ne respecteraient pas cette injonction et refuseraient l’aide de la société, que des sanctions seraient appliquées. Figurez-vous que certains parents convoqués à l’audience ne s’y rendent pas, sans même un mot d’excuse au magistrat,…
Mme Marianne Maximi
Combien ? Seulement 30 % !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…alors que leur enfant a commis des actes délictuels – des magistrats vous ont certainement fait part de telles situations dans vos circonscriptions.
Le gouvernement soutient donc ce texte relatif à un sujet très sensible, mais aussi très important. Le débat permettra de l’améliorer. Nous connaissons l’opinion de nos concitoyens : ils attendent davantage d’efficacité, de fermeté et de moyens. Surtout, ils souhaitent que dans le plus beau pays du monde, nous soyons à l’écoute de nos enfants tout en étant capables de sanctions rapides et fermes. La procédure d’audience unique et les autres propositions du président Attal visent à réagir beaucoup plus rapidement à des faits inacceptables, qui sont pour nombre d’entre nous traumatiques.
M. Ugo Bernalicis
Sept ans d’échecs !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Monsieur le rapporteur, nous aurons je l’espère une discussion constructive avec l’ensemble des députés. Le gouvernement n’a pas déposé d’amendements, pour donner à l’Assemblée la possibilité d’aller au fond des choses. J’ai cru comprendre que cela n’avait pas été tout à fait le cas en commission des lois. Compte tenu de l’émotion qui touche les parents du jeune Elias et d’autres parents qui ont vu leur enfant basculer dans la criminalité ou dont l’enfant a été victime d’actes criminels, je demande à l’ensemble des députés de faire preuve d’un peu de dignité. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Motion de rejet préalable
M. le président
J’ai reçu de M. Boris Vallaud et des membres du groupe Socialistes et apparentés une motion de rejet préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Hervé Saulignac.
M. Hervé Saulignac
Avant d’aborder le fond du texte, permettez-moi d’avoir à mon tour une pensée pour le jeune adolescent poignardé le 24 janvier à Paris. Elias a perdu la vie à la sortie de son entraînement de football dans des conditions terrifiantes qui doivent tous nous interpeller. Cette tragédie est une injonction à construire une réponse complète et ambitieuse face à un phénomène qui, dès lors qu’il est placé sous la loupe des médias et des réseaux sociaux, échappe à la raison des commentateurs et, je le crains, du législateur.
Sur ce sujet grave, au-delà de nos appréciations divergentes, je veux croire que nous partageons quelques objectifs sur ces bancs, notamment ceux de la justice et de l’efficacité de la réponse pénale.
M. Guillaume Garot
Très bien !
M. Hervé Saulignac
Quiconque a en tête ce double objectif trouvera ce texte injuste, régressif et, sans aucun doute, aussi incomplet qu’inefficace. II ne constitue pas seulement une mauvaise réponse à la délinquance des mineurs, il est aussi le signal inquiétant d’une dérive politique : l’autorité, quand elle veut remplacer le droit, témoigne d’une forme de renoncement.
M. Guillaume Garot
Très bien !
M. Hervé Saulignac
Votre boussole n’indique plus le cap de la justice et de l’efficacité. Elle s’affole et surtout, elle nous affole. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.) Elle devrait d’ailleurs affoler jusque dans les rangs de la majorité,…
Un député du groupe SOC
Quelle majorité ?
M. Hervé Saulignac
…puisque ce texte dégrade le code de la justice pénale des mineurs défendu par Nicole Belloubet, que vous avez voté. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.) Et, comble de l’incohérence, celui qui, avec notre ancienne collègue Cécile Untermaier, a évalué ce nouveau code et a conclu à son efficacité, c’est précisément M. le rapporteur ! Mon cher collègue Terlier, comment pouvez-vous opérer un tel virage et renoncer à l’esprit de 2021 ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Excellent rapporteur !
M. Hervé Saulignac
J’entends le procès en naïveté et en laxisme ; faites-en l’économie. Nous savons trop ce que représente la violence des mineurs, qui détruit des familles, gangrène des quartiers et dévaste des mères souvent dépassées. Nos intentions ne dénotent ni laisser-aller ni laisser-faire, mais une volonté farouche de rappeler que punir plus et rechercher des responsabilités là où elles ne sont pas pour faire oublier les siennes n’a jamais fait reculer la délinquance d’un iota. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Je ne lis dans ce texte que de vieilles recettes réactionnaires qui ont maintes fois fait la preuve de leur inefficacité.
M. Arthur Delaporte
Exactement !
M. Hervé Saulignac
Nous regrettons profondément que le camp présidentiel y ait succombé et se saisisse de la belle valeur d’autorité, utilisée ici comme un mauvais prétexte, pour écraser la fonction protectrice du droit, qui semble devenue honteuse pour les vôtres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Au fond, ce texte me rappelle la tirade nerveuse de Nicolas Sarkozy en pied d’immeuble : « Vous en avez assez de cette bande de racailles ? On va vous en débarrasser ! ». On connaît la suite de l’histoire : ce sont les Français qui se sont débarrassés de Nicolas Sarkozy, parce que ses résultats ont été à peu près nuls en la matière. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR. – Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.) Et si vous vous entêtez sur ce texte, vous obtiendrez les mêmes résultats que lui, sur le plan pénal comme sur le plan politique ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)
M. Aurélien Rousseau
Remarquable !
M. Hervé Saulignac
Vous avez entrepris de dépeindre une société en proie à un déchaînement de violence juvénile, suggérant, jusque dans le titre de la proposition de loi, que la justice aurait capitulé et qu’il faudrait donc la « restaurer ». Vous décidez, sans débat et sans concertation, de tourner le dos à la philosophie de l’ordonnance de 1945 sur la protection de la jeunesse, qui nous a jusque-là toujours servi de guide. Or il se trouve que votre rhétorique alarmiste ne repose sur aucune donnée tangible.
M. Arthur Delaporte
C’est vrai !
M. Hervé Saulignac
D’après les données du ministère de la justice, les condamnations de mineurs ont diminué de 48 % en quinze ans.
M. Boris Vallaud
Bravo !
M. Hervé Saulignac
Ce qui a évolué, c’est la nature des violences, le niveau de brutalité, l’âge des délinquants, mais aussi la visibilité des violences, désormais exposées sur tous les réseaux sociaux.
La vérité, c’est que vous alimentez le mythe d’une violence qui explose et que vous imputez cette explosion à un prétendu laxisme judiciaire. À cet égard, les professionnels de la justice dénoncent les accusations de laxisme dont ils sont trop souvent l’objet. Tous réclament d’abord une stabilité normative, et non une inflation législative.
M. Aurélien Rousseau
Eh oui !
M. Hervé Saulignac
Ils réclament ensuite des moyens matériels et humains pour mener leurs missions. Malgré les nombreuses alertes à ce sujet, la justice demeure le parent pauvre des budgets que nous votons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Les juges des enfants eux-mêmes ne défendent pas ce texte. Les syndicats de la protection judiciaire de la jeunesse, qui sont venus nous rencontrer à l’Assemblée, le contestent également. Nous, nous les avons écoutés. Vous, vous ne les avez pas entendus.
M. Sylvain Maillard
C’est faux !
M. Hervé Saulignac
Tous nous interpellent au sujet de la faiblesse des dispositifs de soutien aux familles et du manque de réflexion et d’ambition en matière de lutte contre la récidive. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Sébastien Delogu applaudit également.)
Au lieu d’ouvrir grand la réflexion et de renforcer les moyens des magistrats, des éducateurs et des services sociaux, vous proposez un texte dans lequel votre obsession répressive vous conduit à ne traiter que des symptômes, sans jamais interroger les causes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.) Pratiquement pas un mot sur le narcotrafic, sur les réseaux sociaux, qui abreuvent nos enfants de vidéos d’une violence extrême, ni sur la précarité, qui demeure le terreau sur lequel prospère la délinquance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Sacha Houlié applaudit également.)
Mais je dois vous reconnaître une certaine cohérence, monsieur Attal. Le 21 février dernier, vous avez annulé par décret 327 millions d’euros de crédits de la mission Justice. Ces annulations ont grandement affecté la PJJ dans sa politique de recrutement et de renouvellement de contrats. On ne peut pas couper les ailes d’un service et lui reprocher d’être défaillant.
Au-delà des moyens, ce texte balaie d’un revers de manche nos droits fondamentaux. D’abord, l’article 1er place une partie des familles sur le banc des accusés. Ces parents que vous condamnez par des amendes ou des sanctions, ce sont parfois des familles qui se débattent pour donner à leurs enfants un avenir meilleur. Elles ne sont pas systématiquement les coupables que vous décrivez. Comment imaginer que des mères de famille monoparentale, sans emploi ou avec des conditions de vie précaires, puissent être tenues pour seules responsables des errements de leurs enfants ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. Arthur Delaporte
Il a raison !
M. Hervé Saulignac
La précarité éducative et sociale n’est pas une défaillance parentale, c’est un échec collectif. C’est notre échec, celui d’un État qui fait le choix de serrer le poing plutôt que de tendre la main à sa jeunesse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Une députée du groupe SOC
Bravo !
M. Hervé Saulignac
Non seulement vous vous exonérez de cet échec, mais en plus, vous reportez la responsabilité sur les familles, que vous proposez de sanctionner et donc de fragiliser un peu plus. Ce texte repose ainsi sur une fiction : celle de parents qui seraient tous indifférents, voire complices de la délinquance de leurs enfants.
Je suppose que les auteurs de ce texte ont passé du temps avec ces parents d’enfants délinquants. Je n’ose pas imaginer une seconde que vous ayez pu écrire la loi sans avoir échangé avec ceux qu’elle concerne. Si vous avez dialogué avec ces parents, vous avez dû observer deux cas de figure assez fréquents : soit le ou les parents sont eux-mêmes délinquants et dans ce cas, il faut extraire les enfants d’un environnement mortifère ; soit les parents sont irréprochables et dans ce cas, ils sont désespérés et impuissants ; il faut mobiliser des moyens pour les aider.
Des sanctions aggravées à l’encontre des parents ne constitueront jamais une solution à la délinquance. L’affirmer est mensonger et dangereux : vous alimentez les idées reçues de millions de Français, qui sont convaincus que l’approche punitive donnera des résultats alors que c’est faux. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)
Tous les professionnels le disent : transformer les familles en coupables ne résoudra rien ; réduire la justice des mineurs à une machine à punir, incapable de tendre la main, est une impasse.
Subsiste encore dans ce texte la possibilité pour le juge des enfants de prononcer une amende civile à l’encontre des parents qui ne se présenteraient pas aux audiences d’assistance éducative. Soyons clairs : ces absences aux audiences sont assez rares et presque toujours liées à des éléments de contexte familial complexes. Mais ces parents, vous ne les connaissez pas. Si vous pensez qu’une amende civile les conduira à assister aux audiences, c’est que vous ignorez tout de leur quotidien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Stéphane Peu et Mme Dominique Voynet applaudissent également.)
Alors qu’il faudrait créer les conditions d’une coopération avec les services sociaux et judiciaires, votre mesure fera naître un sentiment d’hostilité et de rejet, aux effets contre-productifs. Pour qu’une mesure d’assistance éducative soit efficace, elle doit s’appuyer sur une adhésion volontaire des parents. Tout le monde sait que c’est la condition à remplir pour établir un dialogue fondé sur la confiance et travailler dans l’intérêt de l’enfant – qui manifestement, vous intéresse assez peu, chers collègues de la majorité ! (Brouhaha.)
M. Christophe Bentz
À gauche aussi, apparemment !
M. Hervé Saulignac
Vous fragilisez précisément ce lien de confiance. Pire encore, ce texte établit un lien de causalité entre l’acte de délinquance commis par un mineur et la responsabilité du ou des parents. Il n’y a pas et il ne peut y avoir, en droit pénal, un lien de causalité direct qui conduirait à une sanction automatique des parents. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.) Cette culpabilité automatique est une menace pour notre État de droit et pour chacun d’entre nous. (Brouhaha persistant.)
M. Stéphane Peu
Demandez le silence, monsieur le président !
Mme Dominique Voynet
Certains prennent des photos, c’est normal ?
M. Hervé Saulignac
L’article 3 propose d’inscrire dans la loi la responsabilité solidaire des parents pour les dommages causés par leur enfant mineur. Cette disposition est présentée comme une avancée, alors qu’elle consacre simplement la jurisprudence établie par la Cour de cassation. Or légiférer quand la jurisprudence fonctionne très bien est parfaitement inutile.
Ce texte n’est pas seulement un mauvais texte d’un point de vue du droit. Il est aussi – et j’en terminerai par là (« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes RN et EPR) – le signe d’un glissement politique inquiétant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – MM. Sacha Houlié et Stéphane Peu et Mme Dominique Voynet applaudissent également.) Soutenu timidement par un camp présidentiel qui a perdu tous ses repères,…
Mme Marie-Charlotte Garin
Il n’en a pas !
M. Hervé Saulignac
…il a trouvé son seul soutien enthousiaste dans les rangs de l’extrême droite. Je ne peux pas croire que les inspirateurs de ce texte imaginent une seconde tirer le moindre profit des thèses du Rassemblement national.
M. Arthur Delaporte
Si, ils le pensent !
M. Hervé Saulignac
J’en appelle sans provocation à la conscience personnelle de chaque député du bloc central, qui n’aura plus rien de central si ce texte venait à être adopté. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR. – M. Sacha Houlié applaudit également.) Vous vous êtes souvent présentés comme le camp de l’efficacité, de l’État de droit, de la pensée complexe et même comme un rempart face au populisme. Regardez ce texte en face, regardez à quel point il vous éloigne des rives d’une République qui, dans son histoire, a toujours privilégié l’action éducative au profit de ses enfants avant la répression des délits ! (Mêmes mouvements.)
M. Arthur Delaporte
Il a raison !
M. Hervé Saulignac
Mesurez à quel point ce texte, s’il était adopté, révélerait l’immensité du malaise de notre société, une société qui ferait le choix d’un retour en arrière en décidant de punir ses enfants et seulement de punir ses enfants. Il est encore temps de ne pas être complice de cette forfaiture. Il y a des thèses que l’on ne peut ni normaliser ni légitimer, à moins de faire sauter des digues qui submergeront très vite les instigateurs de cette normalisation. Devant une telle dérive, la gauche sera fidèle à ses principes.
M. Laurent Jacobelli
Ce qu’il en reste !
M. Hervé Saulignac
Mais je vous le dis solennellement : la question n’est plus de savoir si seule la gauche sera à la hauteur. La question est de savoir si vous allez rester fidèles à des principes fondamentaux de notre République…
Plusieurs députés du groupe EPR
Mais non !
M. Boris Vallaud
Mais si !
M. Hervé Saulignac
…ou si vous allez rompre avec la tradition singulière de la législation française à l’égard des mineurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.) Les dispositions qui subsistent à l’issue de la commission font beaucoup de mal à une justice des mineurs qui doit éduquer, réparer et protéger.
À cet égard, chacun a en mémoire la désormais fameuse tirade : « Tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies ; tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter. » (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et GDR. – À l’énoncé de la citation, Mme Prisca Thevenot applaudit également.) Mais, monsieur le député Attal,…
Mme Prisca Thevenot
Monsieur le premier ministre !
M. Hervé Saulignac
…quelle réparation, quel apprentissage dans ce texte ? Rien de tout cela n’y figure ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR. – M. Sacha Houlié applaudit également.)
M. Sacha Houlié
Où sont les promesses ?
M. Hervé Saulignac
Vous savez comme moi que la justice dit des choses de notre temps, au-delà des actes qu’elle rend. À cet égard, les mots de Robert Badinter devraient résonner à vos oreilles,…
Mme Dominique Voynet
Il se retourne dans sa tombe !
M. Hervé Saulignac
…quand il rappelait que la justice « exprime les valeurs de notre société au nom desquelles elle punit et condamne ». Mes chers collègues, ne cédez pas à la tentation de réponses simplistes face à des problèmes complexes.
Mme Prisca Thevenot
Pas simplistes, efficaces !
M. Hervé Saulignac
La délinquance des jeunes est un sujet grave, la sécurité de nos concitoyens est une préoccupation majeure, mais ces réalités ne sauraient justifier un texte dont les conséquences politiques constitueraient un tournant dans le droit pénal des mineurs.
M. Jérôme Guedj
Excellent !
M. Hervé Saulignac
Rejeter cette proposition de loi, ce n’est pas faire preuve de faiblesse face à la délinquance. C’est un acte de courage et de clairvoyance. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR et sur plusieurs bancs du groupe EcoS. – M. Sacha Houlié applaudit également.) Rejeter ce texte, c’est s’opposer à ceux qui font commerce de la peur. C’est aussi défendre une République éclairée, qui recherche inlassablement un équilibre, qui ne méconnaît pas le sens de la répression, mais surtout, qui ne renonce jamais à l’éducation et à la prévention. (Mêmes mouvements.)
Repoussons cette vision étriquée de la justice ! Défendons une République qui ne stigmatise pas, mais ouvre des perspectives ! Ouvrons un débat ambitieux qui dotera la France d’une véritable stratégie de long terme visant à traiter efficacement de la violence chez les jeunes ! Voilà le sens de notre combat ! Voilà le sens de cette motion de rejet, que nous vous appelons à voter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR. – Les députés du groupe SOC se lèvent, rejoints par quelques députés des groupes EcoS et GDR.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Terlier, rapporteur
Je souhaite apporter quelques éléments de réponse à notre collègue Saulignac.
M. Boris Vallaud
Vous n’avez rien à dire, gardez le silence !
M. Jean Terlier, rapporteur
Si, je pense que c’est nécessaire ! En vous écoutant, j’avais l’impression de me retrouver en 2021, lorsque nous débattions du code de la justice pénale des mineurs. Vous me teniez alors à peu près le même discours. (M. Hervé Saulignac s’exclame.) Non, vous avez voté contre, monsieur Saulignac, vous et le groupe socialiste (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem), et aujourd’hui, vous portez aux nues le code de la justice pénale des mineurs comme étant le prolongement de l’ordonnance de 1945, alors que vous ne l’avez même pas voté en 2021 ! (Mêmes mouvements.)
M. Hervé Berville et M. Guillaume Kasbarian
Eh oui !
M. Jean Terlier, rapporteur
Nous nous connaissons depuis sept ans,…
Mme Ayda Hadizadeh
Justement !
M. Boris Vallaud
C’est long !
M. Jean Terlier, rapporteur
…je sais que vous êtes un fin juriste et que vous avez lu attentivement les dispositions de cette proposition de loi déposée par Gabriel Attal et le groupe Ensemble pour la République : au fond, rien dans ce texte ne remet en cause les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
M. Sacha Houlié
Si !
M. Jean Terlier, rapporteur
Dans quelle mesure considérez-vous que ce que nous proposons remet en cause la primauté de l’éducatif sur le répressif ? (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.) Demain encore, le code de la justice pénale des mineurs conservera la césure pénale et garantira la primauté de l’éducatif sur le répressif.
Mme Ayda Hadizadeh
Il n’y a rien sur la prévention !
M. Jean Terlier, rapporteur
Le juge décidera de la culpabilité, puis proposera d’abord une mesure éducative avant d’apprécier la sanction en fonction du comportement du mineur : cela demeurera la procédure principale.
Mme Ayda Hadizadeh
C’est faux !
M. Jean Terlier, rapporteur
Mais il faut prévoir une procédure plus rapide pour une certaine catégorie de mineurs, âgés de plus de 16 ans et multirécidivistes (Mme Marina Ferrari applaudit) : pensez au meurtrier présumé de ce jeune –…
M. Sylvain Maillard
Elias !
M. Jean Terlier, rapporteur
…douze condamnations à son casier ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Comment voulez-vous qu’on traite de la même manière le cas d’un mineur primo-délinquant de 14 ans et celui d’un mineur de 17 ans qui a déjà commis de multiples infractions ? Instaurer un traitement différencié est une mesure responsable.
M. Didier Le Gac
Eh oui, c’est de la responsabilité !
M. Jean Terlier, rapporteur
Quand on constate l’échec des mesures éducatives, qui certes doivent toujours primer, il faut accepter que le juge des enfants ait la possibilité de condamner plus sévèrement un mineur.
Mme Isabelle Santiago
C’est déjà le cas !
M. Jean Terlier, rapporteur
Oui, vous avez raison, on peut lever l’atténuation de la responsabilité pénale du mineur, mais celle-ci n’est prononcée que dans moins de 1 % des affaires, comme le garde des sceaux l’a rappelé. Cette mesure ne fonctionne pas. C’est pourquoi Gabriel Attal propose de donner au juge des exceptions complémentaires pour lui permettre d’appréhender plus finement les situations dont il a à connaître.
Mme Estelle Mercier
Les juges n’en veulent pas !
M. Jean Terlier, rapporteur
Vous affirmez qu’il ne faut pas juger les mineurs plus rapidement. Bien sûr que le temps long est nécessaire, mais lorsqu’on a affaire à un mineur multirécidiviste, de plus de 16 ans et qui a commis des infractions très graves, il faut le juger dès l’audience.
M. Stéphane Peu
Il faut l’envoyer à Bétharram ?
M. Jean Terlier, rapporteur
Les garanties procédurales seront bien sûr préservées : la convocation des parents et la présence de l’avocat. Le juge, comme lorsqu’il s’agit de personnes majeures, pourra refuser de juger selon la procédure rendue possible par ce texte. Ne restons pas figés dans les caricatures,…
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Jean Terlier, rapporteur
…entrons dans le détail des dispositions du texte. En agissant ainsi, nous pourrons trouver un chemin. Ce texte ne s’appliquera pas à un mineur primo-délinquant, mais propose des dispositions qui permettront de sanctionner plus rapidement et plus sévèrement les mineurs multirécidivistes. Nous le devons à nos concitoyens et les faits malheureux que nous avons vécus ces dernières semaines nous l’imposent. Je vous demande d’avoir ces éléments de contexte à l’esprit et de faire preuve de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Vincent Descoeur applaudit également.)
M. le président
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à Mme Sylvie Josserand.
Mme Sylvie Josserand (RN)
Comme à son habitude, l’aile gauche préfère les postures idéologiques à la réalité des faits. Dans une stratégie assumée du désordre et des possibles qu’ils laissent espérer, les auteurs de la motion de rejet préalable tentent d’empêcher le débat dans cet hémicycle. Pourtant, il s’impose, comme le démontrent les chiffres – éloquents. Le service statistique ministériel de la sécurité intérieure a publié la semaine dernière les chiffres provisoires pour l’année 2024 : 31 % des auteurs présumés de vol avec arme, 35 % des auteurs présumés de vol avec violence et 21 % des auteurs présumés de violences sexuelles sont des mineurs de 13 à 17 ans.
User d’euphémismes tels que « les enfants » ou « les jeunes » pour désigner les mineurs délinquants ne saurait dissimuler une réalité catastrophique dont le législateur doit s’emparer. Cette motion de rejet préalable rime avec inconséquence. Inconséquence parce que la politique de l’autruche et la négation des évidences pourraient conduire certains de nos compatriotes à se faire justice eux-mêmes (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) ; inconséquence parce que le sentiment d’impunité qui prévaut chez les mineurs délinquants est un incontestable facteur de passage à l’acte ; inconséquence parce que la confiscation du débat serait un signal d’encouragement pour les auteurs d’actes délictueux et criminels, et, à terme, une bombe à retardement.
Le débat sur la restauration de l’autorité de la justice à l’égard des mineurs et de leurs parents doit avoir lieu, parce qu’il a pour enjeu majeur la sécurité et la tranquillité publique. Les Français le savent bien et le réclament. Aussi le groupe Rassemblement national votera-t-il contre cette motion inconséquente de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur plusieurs bancs du groupe UDR.)
M. le président
La parole est à M. Gabriel Attal.
M. Gabriel Attal (EPR)
Je remercie les différents intervenants, notamment le rapporteur et le ministre, qui ont rappelé la gravité avec laquelle nous devons aborder ce sujet. De la gravité, car il y a quelques jours, dans notre pays, un jeune de 14 ans a été tué à coups de machette pour son téléphone portable.
M. Hendrik Davi
On ne fait pas une loi ainsi !
M. Gabriel Attal
Ce texte n’a pas été rédigé ou déposé après ce drame, mais c’est un drame de plus, un drame de trop, et nous devons à la famille d’Elias la gravité dans nos échanges. De la gravité aussi, parce qu’il s’agit d’un sujet complexe – et personne ne le nie. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
Mme Ayda Hadizadeh
Aucune politique sérieuse !
M. Gabriel Attal
De très nombreux mécanismes amènent des mineurs, malheureusement, à sortir du droit chemin et parfois à commettre l’irréparable. Les réponses sont évidemment complexes, en matière de soutien à la parentalité, de prise en charge de la santé mentale, de réforme de l’aide sociale à l’enfance. Dans tous ces domaines, nous avons engagé des actions qu’il nous faut prolonger. Mais ce soir, nous débattons d’une proposition de loi qui porte sur la justice pénale des mineurs ; les mesures que nous proposons relèvent donc du code de la justice pénale des mineurs.
Nous pourrons débattre des différentes mesures, une par une, mais j’avoue avoir beaucoup de mal à comprendre comment le groupe socialiste peut simplement refuser tout débat sur la justice des mineurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et Dem.) Nous devrions pouvoir en discuter ! Vous pourrez ensuite vous prononcer sur chaque mesure, mais refuser le débat, c’est refuser de reconnaître que le sujet mérite que nous agissions et que nous prenions nos responsabilités. Je suis fier d’être à la tête d’un groupe qui, lui, est capable de prendre ses responsabilités, de débattre et d’agir pour les Français ! (Mêmes mouvements.)
M. le président
La parole est à Mme Zahia Hamdane.
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP)
Je parlerai avec mon cœur et avec colère. (Exclamations sur quelques bancs des groupes EPR et DR.) Quarante années passées à protéger les enfants, à accompagner des jeunes en souffrance, à tenter de réparer les failles d’un État qui les abandonne ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) J’ai vu des vies brisées, j’ai vu des enfants ballottés d’un foyer à l’autre dormir dans des hôtels insalubres, livrés à eux-mêmes, oubliés de tous. J’ai vu des éducateurs à bout de souffle pleurer d’impuissance face au manque de moyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS. – Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.)
Un député du groupe EPR
Hors sujet !
Mme Zahia Hamdane
J’ai vu des familles écrasées par la misère, désespérées, qui n’avaient besoin ni de mépris ni de sanctions, mais de solidarité et de soutien pour garder leur dignité. Et ce soir, que fait-on ? On s’acharne sur ces familles, on criminalise la détresse (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Ayda Hadizadeh applaudit également),…
M. François Cormier-Bouligeon
Arrêtez, c’est insupportable !
Mme Zahia Hamdane
…on prétend par cette proposition de loi restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs. Mais en réalité, le texte s’inscrit dans une logique autoritaire qui sacrifie prévention et éducation sur l’autel de la répression. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Le gouvernement, au lieu d’affronter la réalité, préfère surenchérir avec l’extrême droite, parler de sévérité quand il faudrait parler d’espoir, agiter des peurs pour masquer ses propres échecs. Pourtant, plus de la moitié des mineurs poursuivis relèvent de la protection de l’enfance. Ce chiffre accablant démontre que la misère sociale et les défaillances institutionnelles sont au cœur du problème (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS), mais que fait l’État ? Il se dérobe, abandonne ses responsabilités et se défausse sur les départements. La vérité dérange : la délinquance naît du chaos social, du renoncement de l’État à protéger les enfants. Je refuse de détourner le regard, je refuse de voir encore ces enfants sombrer, ces jeunes grandir sans avenir, ces éducateurs s’épuiser dans un combat perdu d’avance, parce que l’État n’assume plus ses responsabilités. (Mêmes mouvements. – M. Stéphane Peu applaudit également.)
Alors oui, nous voterons cette motion de rejet, parce qu’il faut du courage et de la volonté politique pour regarder la réalité en face, pour dire qu’on ne sauve pas une jeunesse avec des menottes devant les tribunaux, mais avec des écoles, des éducateurs, des psychologues, du soin et du respect ! Honte à ceux qui… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’oratrice. Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent pour applaudir cette dernière. – Quelques députés des groupes SOC, EcoS et GDR applaudissent également.)
M. Pierre Cazeneuve
Quelle honte !
M. le président
La parole est à Mme Marie-José Allemand.
Mme Marie-José Allemand (SOC)
Le groupe Socialistes et apparentés est fortement opposé à cette proposition de loi (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC) qui contribue à une tendance préoccupante consistant à décliner à l’excès notre droit pénal au gré des faits divers, sans jamais prendre le temps de s’interroger sur la nécessité des mesures proposées. Votre texte n’a ainsi fait l’objet d’aucune étude d’impact préalable, ni d’aucune concertation avec les professionnels concernés.
Mme Ayda Hadizadeh
Eh oui !
Mme Marie-José Allemand
Si vous aviez pris la peine de les consulter, ils vous auraient dit que la justice des mineurs a moins besoin d’une énième réforme du droit que des moyens nécessaires à son application. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.) À la place, vous proposez un texte empreint de facilité dont vous voulez faire croire aux Français qu’il contribuera à lutter efficacement contre la délinquance des jeunes. C’est non seulement faux, mais également dangereux. En poussant le curseur toujours plus à droite, vous installez l’idée d’une France laxiste, ouverte à tous les vents de la délinquance. C’est tromper les Français que d’agir ainsi. La justice des mineurs n’est pas laxiste. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les chiffres : en 2022, sur les 31 000 mineurs condamnés, un tiers l’ont été à une peine de prison.
Sur le fond, notre groupe s’opposera à toute remise en cause des principes fondamentaux qui structurent la justice des mineurs depuis 1945. (Mme Marie Récalde applaudit.) En commission, nous avons supprimé la procédure de comparution immédiate que vous souhaitiez instaurer. (Mme Estelle Mercier applaudit.) Nous sommes opposés à la suppression et à la remise en cause du principe d’atténuation de la peine pour les mineurs de plus de 16 ans, qui feraient de l’excuse de minorité non plus un principe, mais une dérogation. Nous nous opposons également au renforcement des sanctions à l’encontre des parents ; certaines familles n’ont pas besoin de plus de répression, mais de plus de soutien et d’accompagnement. Par ailleurs, le droit permet déjà de sanctionner un parent qui manquerait à ses obligations.
En raison tant de l’inefficacité de vos propositions que de la stigmatisation qu’elles induisent, le groupe Socialistes et apparentés votera la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Tristan Lahais applaudit également.)
M. le président
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par les groupes Ensemble pour la République et La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je signale également que les rires sur différents bancs s’entendent dans tout l’hémicycle. (Mme Estelle Mercier et M. Charles Fournier applaudissent.)
Mme Marie Mesmeur
C’est pour vous qu’il parle ! (Mme Mesmeur désigne les bancs du groupe EPR.)
M. le président
Je vous demanderai de faire preuve de respect envers les différents orateurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
La parole est à Mme Alexandra Martin.
Mme Alexandra Martin (DR)
Ce qui nous affole, chers collègues du groupe Socialistes et apparentés, c’est votre déni de la réalité. Nous parlons d’une réalité factuelle qui grève l’avenir de ces jeunes, dont la plupart pourraient être sauvés ; de la réalité d’une délinquance juvénile de plus en plus préoccupante par son extrême violence et sa précocité ; de la réalité d’une politique judiciaire qui n’est plus adaptée à ce phénomène.
M. Ugo Bernalicis
Sept ans de macronisme !
Mme Alexandra Martin
Ce débat touche avant tout à la sécurité que nous devons garantir à nos concitoyens.
Voici les chiffres : 88 % des Français sont favorables à la suppression de l’excuse de minorité (Mme Sandra Regol s’exclame), 89 % des jeunes de 12 à 17 ans souhaitent une évolution du code de la justice des mineurs. Les Français seraient-ils simplistes ? Non ; ils sont inquiets et veulent vivre en paix.
Nous rejetterons bien sûr cette motion pour pouvoir examiner le texte qui nous est proposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi (EcoS)
Monsieur Attal, puisque vous voulez qu’on parle de la jeunesse, allons-y ! En 2024, on constate une hausse de 50 % des tentatives de suicide chez les jeunes de 18 à 24 ans, un taux de chômage de plus de 15 % chez les jeunes, ou encore que 24 % des étudiants sont pauvres en conditions de vie. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et SOC.)
M. Gabriel Attal
Quel est le rapport ?
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est cela, la réalité !
M. Pouria Amirshahi
Nous pourrions évoquer d’autres inquiétudes, mais rien à faire ! Nous voilà repartis une énième fois sur le terrain boueux du prétendu ensauvagement de la jeunesse où, plutôt que de s’attaquer sérieusement aux causes de la délinquance juvénile, d’aucuns cèdent à la facilité du coup de menton. (Mêmes mouvements.) En digne héritier de Nicolas Sarkozy, vous choisissez de faire de chaque fait divers dramatique l’objet d’une nouvelle loi, vous instrumentalisez l’Assemblée nationale, vous détournez l’esprit même de la loi ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.) Et qu’importe si ce sont toujours les mêmes sujets – là l’immigration, là, tiens, l’insécurité – qui jaillissent de votre frénésie législative inconséquente.
Monsieur Attal, vous voici accueilli dans l’orchestre de Mme Le Pen (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. – Mme Marine Le Pen mime un chef d’orchestre) en mauvais flûtiste, mais en bon élève, puisque, de l’aveu même de l’extrême droite, votre proposition « va dans le bon sens ».
M. Benjamin Lucas-Lundy
Belle médaille !
M. Pouria Amirshahi
Puisque je parle de bon sens, permettez-moi de dire pourquoi votre démarche devrait être mieux réfléchie et plus aboutie. Une bonne loi procède d’abord de l’évaluation de celle qui l’a précédée. (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe SOC.) Or le nouveau code de la justice pénale des mineurs de 2021 n’a même pas eu le temps de produire pleinement ses effets, et les juridictions peinent encore à s’adapter aux changements qu’il implique. Pourtant, vous choisissez déjà de tout remettre en cause. Ce n’est là ni une bonne façon de gouverner, ni une bonne façon de légiférer ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, SOC et GDR.)
La deuxième raison pour laquelle nous demandons le rejet du texte, c’est qu’un tel sujet ne peut faire l’économie d’une écoute respectueuse des professionnels. Or le rapporteur les a auditionnés au pas de charge.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Eh oui !
M. Pouria Amirshahi
Ces professionnels – magistrats, avocats, professionnels de l’enfance, Défenseur des droits – ont tous exprimé de très fortes réserves ; vous le savez bien et la presse s’en est fait l’écho toute la journée. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et GDR.) Et pour cause : le texte, en cherchant à rapprocher toujours plus le sort des mineurs de celui des majeurs, opère une rupture avec un principe, celui de 1791, qui… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur. – Les députés des groupes EcoS et SOC, ainsi que quelques députés des groupes LFI-NFP et GDR, applaudissent ce dernier.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Très bien !
M. le président
La parole est à M. Éric Martineau.
M. Éric Martineau (Dem)
Dans un contexte où la délinquance des mineurs progresse – émeutes de juillet 2023, meurtres de jeunes –, cette proposition de loi vise à adapter le droit pour donner à la justice des outils supplémentaires pour lutter contre ce phénomène.
Mme Ayda Hadizadeh
Les professionnels du droit n’en veulent pas !
M. Éric Martineau
Rejeter le texte, c’est refuser de débattre.
M. Ugo Bernalicis
Refuser de sombrer, plutôt !
M. Éric Martineau
Nous sommes ici pour débattre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Les Français nous regardent et attendent des solutions pour restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Démocrates ne votera pas la motion de rejet. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, EPR et HOR. – M. Jean-François Coulomme s’exclame.)
M. Jean-René Cazeneuve
Bien sûr !
M. Gabriel Attal
Très bien !
M. le président
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR)
Le groupe Horizons & indépendants votera bien évidemment contre la motion de rejet préalable déposée par le groupe socialiste. Nous devons avoir un débat de fond sur la justice des mineurs. Quelle que soit la position de chacun, il est clair qu’il ne s’agit pas d’un petit sujet, encore moins d’un sujet qu’on peut écarter sans même en débattre.
L’actualité confirme malheureusement la tendance qui se dessine depuis quelques années, c’est-à-dire une forme de radicalisation de certains mineurs délinquants. Les exemples sont de plus en plus fréquents, les histoires de plus en plus dramatiques. La proposition de loi, dans sa mouture initiale, répond efficacement à la situation que je viens de décrire.
M. Maxime Laisney
Cela reste à prouver !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Elle contient en effet des mesures à la fois nécessaires et équilibrées au regard des principes constitutionnels de la justice pénale des mineurs.
M. Stéphane Peu
Mais non ! C’est honteux !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Le groupe Horizons & indépendants regrette donc que le texte ait été dénaturé en commission. Nous formulons le souhait que les dispositions initiales supprimées soient réintroduites, même si cela suppose de les retravailler.
Notre assemblée ne peut faire l’impasse sur ce sujet d’importance majeure. Nous le devons aux jeunes, aux parents et aux victimes. N’éludons pas le débat, comme le propose le groupe socialiste, mais débattons sans tabou, sans déni et avec responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe EPR. – M. Marc Fesneau applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon (GDR)
Nous voterons cette motion de rejet, car nous refusons que notre travail législatif, a fortiori lorsqu’il s’agit de la jeunesse et plus encore lorsqu’il s’agit de drames qui touchent des familles, serve à la course aux postes de M. Attal. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.) C’est encore plus vrai quand il s’agit de flatter les électeurs en reprenant les idées de l’extrême droite.
M. Laurent Croizier
Il s’agit d’éviter le laxisme !
Mme Elsa Faucillon
J’en veux pour preuve son agenda médiatique chargé. Il semble qu’il n’a pas trouvé le temps de venir défendre son texte lorsque nous l’avons examiné – et balayé – en commission des lois. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS. – Exclamations sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
Nous refusons que les drames qui touchent des familles soient exploités pour fournir des réponses démagogiques à des problèmes complexes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Laurent Croizier
Allez dans les quartiers, vous verrez ! Ouvrez les yeux !
Mme Elsa Faucillon
Monsieur Attal, vous avez acté l’été dernier, alors que vous étiez premier ministre démissionnaire, la suppression de 500 postes de personnels socio-éducatifs de la protection judiciaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.) Vous ne pouvez pas vous draper de responsabilité alors que vous avez fait cela. Vous êtes irresponsable face au drame qui touche la jeunesse !
Nous refusons ce texte qui part d’une vision faussée du débat et qui fustige une justice des mineurs sous-financée sous votre gouvernement.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Exactement !
Mme Elsa Faucillon
Non, la justice des mineurs n’est pas laxiste. Elle rêve que ses jugements soient financés et appliqués. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.) Oui, la jeunesse connaît des problèmes, mais les bancs du bloc central n’ont jamais été aussi garnis lorsque nous abordions, dans le cadre du budget de la nation, les moyens nécessaires pour les traiter qu’ils le sont ce soir. (Mêmes mouvements.) Je parle de la santé psychique des jeunes, de l’explosion des suicides chez les jeunes, de la nécessité de débloquer des moyens pour la prévention. Oui, nous voterons cette motion de rejet ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Stéphane Peu
Vous avez entendu la vérité !
M. le président
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat (UDR)
Une motion de rejet préalable, c’est un refus d’obstacle chez les cavaliers, un refus de saut chez les parachutistes. Nous sommes dans l’enceinte du débat parlementaire, et j’ai envie d’entendre celles et ceux qui souhaitent s’exprimer, dans un sens ou dans l’autre.
M. Ugo Bernalicis
Même moi ?
M. Olivier Fayssat
Il faut vraiment être à court d’arguments pour craindre à ce point la confrontation des idées, ou être épris de totalitarisme. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Maxime Laisney
Autant supprimer le règlement de l’Assemblée, dans ce cas !
M. Olivier Fayssat
Quel sujet important que la délinquance des mineurs ! Chaque semaine, notre pays sombre dans la barbarie. Nous comptabilisons les blessés, les morts, les familles et les vies brisées. Le groupe UDR soutiendra le rétablissement de la proposition de loi de Gabriel Attal, défigurée en commission des lois. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. – M. Maxime Laisney désigne d’une main les bancs du groupe EPR et de l’autre les bancs des groupes RN et UDR, puis rapproche ses deux mains.)
M. Nicolas Sansu
Et voilà !
M. Olivier Fayssat
Honorons le mandat que les Français nous ont donné : débattons. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
Je mets aux voix la motion de rejet préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 298
Nombre de suffrages exprimés 298
Majorité absolue 150
Pour l’adoption 96
Contre 202
(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Discussion générale
M. le président
Je prie celles et ceux qui souhaitent sortir de bien vouloir quitter l’hémicycle en silence.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sylvie Josserand.
Mme Sylvie Josserand
« Si la délinquance des mineurs n’est pas un phénomène nouveau, la situation actuelle est réellement préoccupante, parce que cette délinquance s’est massifiée, qu’elle est plus violente et concerne des mineurs plus jeunes. » Ces lignes n’ont pas pris une ride. Extraites du rapport de la commission d’enquête sénatoriale publié en juin 2002 et intitulé « Délinquance des mineurs. La République en quête de respect », elles sonnent, vingt-deux ans plus tard, après les émeutes de 2005 et de 2023, comme un cruel constat d’échec. Loin d’être endigué, le phénomène de la délinquance et de la criminalité des mineurs se révèle désormais être le fait de bandes organisées, qui utilisent des armes lourdes et des mortiers d’artifice et prennent pour cible les bâtiments publics et les symboles de l’État.
Selon le ministère de l’intérieur, un tiers des 3 500 personnes interpellées entre la fin du mois de juin et le 4 juillet 2023 étaient des mineurs. Parmi eux, 38,5 % étaient âgés de 12 à 15 ans. L’édition 2024 des chiffres clés publiés par le ministère de la justice fait état de 161 000 mineurs auteurs d’infractions pénales connues en 2023, dont 40 % âgés de 13 à 15 ans. Selon le livre blanc de l’Institut pour la Justice, le nombre des tentatives d’homicides commises par des mineurs a augmenté de 144 % depuis 1996 et « le phénomène est aggravé par l’émergence des mineurs non accompagnés ». (Protestations sur les bancs du groupe EcoS.)
Nous sommes à la croisée des chemins. Si les postures idéologiques totalement déconnectées du réel perdurent, comme l’illustrent les positions de l’aile gauche lors de l’examen de ce texte par la commission des lois la semaine dernière, lorsqu’elle a voté la suppression des articles 3 à 5 de la proposition de loi pour la vider de sa substance, ou ce soir, si l’État ne se donne pas les moyens de combattre le phénomène avec fermeté, alors que ni la famille ni l’école ne sont plus des remparts contre la violence, qui s’invite au contraire au cœur des établissements, si le sentiment d’impunité domine face à une justice des mineurs qui ne fait pas sens parce qu’elle intervient trop tard et parce que la loi oppose éducation à sanction, alors le point de bascule sera irréversiblement atteint et cette proposition de loi ne s’inscrira que dans la chronique d’un échec annoncé, celui de la restauration de l’autorité de l’État et de la justice.
Certes, cette proposition de loi n’est pas parfaite, étant donné l’ampleur des enjeux de tranquillité et de sécurité publique que soulèvent la délinquance et la criminalité des mineurs en 2025. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) On peut regretter qu’elle comporte des mesures cosmétiques et de vieilles recettes qui n’ont pas fait leurs preuves, telles que le délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales ou l’amende civile encourue par les parents qui ne défèrent pas aux convocations du juge des enfants.
Du fait même de son existence, cette proposition présente cependant trois intérêts. Le premier réside dans la volonté de rendre à l’autorité judiciaire le rôle qu’elle n’aurait jamais dû perdre à l’égard des mineurs délinquants, le sentiment d’impunité étant un facteur majeur de passage à l’acte. L’affirmation du rôle de la sanction pénale dans l’éducation est un message fort à leur intention.
Le deuxième intérêt réside dans l’approche non dissociée des mineurs et de leurs parents.
Mme Élisa Martin
Ça n’existe pas ! La justice est individualisée !
Mme Sylvie Josserand
S’il est des parents dépassés, il en est aussi dont la passivité conduit à s’interroger face au comportement infractionnel chronique de leur progéniture. L’affirmation solennelle de l’aptitude des parents à répondre de leurs propres actes face à la délinquance du mineur constitue un autre message fort.
Le troisième intérêt réside dans le refus d’une bienveillance naïve vis-à-vis des chers enfants dont la minorité est interprétée comme une incapacité naturelle à comprendre et vouloir leurs actes délinquants. S’ils sont autorisés à conduire motos et scooters sur la voie publique dès l’âge de 14 ans, pourquoi devraient-ils être présumés sans discernement dans la commission d’une infraction et bénéficier d’une excuse de minorité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Le durcissement de la réponse pénale par l’exclusion de l’excuse de minorité de plein droit est un troisième message de fermeté qu’il convient de saluer,…
Mme Élisa Martin
Vous faites de l’idéologie !
Mme Sylvie Josserand
…tout en rappelant qu’il s’agit d’une mesure prônée de longue date par le Rassemblement national et qui a donné lieu à plusieurs propositions de loi. Il faut rendre à César ce qui est à César. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Sous réserve de l’adoption de nos amendements, nous voterons en faveur de ce texte. Nous serons particulièrement attentifs au rétablissement de l’article 3 relatif à la responsabilité civile de plein droit des parents dont les enfants ont leur résidence habituelle à leur domicile,…
Mme Élisa Martin
Ça n’existe pas dans notre droit !
Mme Sylvie Josserand
…au rétablissement de l’article 4 relatif à la procédure de comparution immédiate et à celui de l’article 5 relatif à l’excuse de minorité.
M. le président
Merci de conclure.
Mme Sylvie Josserand
La gravité du phénomène, dont les victimes sont aussi souvent des mineurs, exige des lois faites pour être appliquées et non pour l’affichage et la communication électorale. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Le groupe Rassemblement national, conscient de l’urgence depuis bien longtemps, votera cette proposition de loi. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Laure Miller.
Mme Laure Miller
Je viens de Reims, une ville où comme partout en France, les cas de conflits entre des mineurs de plus en plus jeunes et de plus en plus violents se multiplient dangereusement. C’est ainsi que le 21 novembre dernier, dans le tramway, un jeune de 17 ans s’est fait agresser par plusieurs mineurs du quartier adverse. Frappé au visage, il a reçu quinze coups de marteau dans la figure. Le journal local rapporte : « L’agression est tellement bestiale que des projections de sang éclaboussent quelques-uns des passagers, tous terrorisés ». Le lendemain, par vengeance, un jeune du quartier opposé a été suivi à la sortie du lycée et a reçu plusieurs coups de couteau à la cuisse, qui ont touché une artère. Le point commun de ces violentes agressions est l’extrême jeunesse de leurs auteurs. Il ne s’agit à travers cet exemple ni de décrire une situation de chaos dans nos villes, ni de généraliser cette violence à toute notre jeunesse. Il s’agit simplement de considérer ce qu’est la réalité et de doter la justice des moyens efficaces pour y répondre.
Chers collègues, la situation du pays et les attentes de nos concitoyens nous imposent de raisonner avec pragmatisme et de rejeter avec force tous les dogmes qu’on tente de nous imposer, celui du tout répressif comme celui de la culture de l’excuse.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme Laure Miller
La France insoumise a déclaré lors de l’examen du texte en commission des lois que nous visions « des enfants qui sont souvent les premières victimes de leurs conditions de vie, du désengagement de l’État et de la défaillance de l’action sociale ». (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Les socialistes n’ont pas été en reste : ils nous ont expliqué que ces jeunes étaient « au ban de la République, délaissés par les services publics les plus fondamentaux ». Cet argument selon lequel les jeunes ne seraient violents que parce que la société a échoué à s’occuper d’eux n’est pas acceptable. (Mêmes mouvements.) Nous connaissons tous des jeunes de quartiers dits sensibles, avec une vie difficile, nous croisons leur route : dans leur grande majorité, ils ne donnent pas des coups de marteau au risque de tuer sous prétexte qu’ils seraient délaissés par les institutions de la République.
M. Pierre Cazeneuve
Très bien !
Mme Laure Miller
Prétendre que rien n’est fait pour accompagner les familles, pour encadrer les enfants, pour retisser du lien social, c’est d’ailleurs ignorer la vie dans nos quartiers.
Mme Élisa Martin
Embauchez des profs !
Mme Sandra Regol
Vous voulez punir les parents !
Mme Laure Miller
Le dédoublement des classes, les dispositifs du réseau d’éducation prioritaire (REP) et du réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+), l’engagement des enseignants, des travailleurs sociaux, celui de nombre d’associations soutenues par l’État comme par les communes ne sont certes pas parfaits, mais parler de « jeunes mis au ban de la République » est aussi excessif que malhonnête.
Mme Zahia Hamdane
Il faut mettre les moyens !
Mme Laure Miller
Dans le seul quartier Croix-Rouge à Reims, en plus des enseignants, de la police municipale et nationale, il y a deux maisons de quartier avec des animateurs, neuf éducateurs des bataillons de la prévention, six éducateurs spécialisés du service départemental de prévention, des centres culturels. Tous ces professionnels agissent au quotidien pour accompagner des jeunes et leurs familles. Je tiens à leur rendre un hommage sincère. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
L’autre argument développé lors de l’examen du texte en commission, et encore aujourd’hui, consiste à soutenir qu’adopter cette proposition de loi serait piétiner l’ordonnance du 2 février 1945. C’est totalement faux. En réalité, nous permettons au juge de s’adapter au profil du jeune qui est face à lui.
Mme Zahia Hamdane
Les magistrats ne veulent pas de cette proposition de loi !
Mme Laure Miller
Nous sommes convaincus que le juge doit pouvoir, face à un jeune de plus de 16 ans, en état de récidive légale et qui a commis des infractions si graves qu’elles l’exposent à une peine de sept ans d’emprisonnement, faire usage de la comparution immédiate.
Nous assumons aussi de permettre le renversement de l’excuse de minorité pour un mineur de plus de 16 ans, en situation de double récidive légale, ayant commis des crimes ou des délits d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne, ou d’agression sexuelle – bref, pour les infractions les plus graves.
Sur la forme, le recours quasi systématique à l’argument selon lequel nous porterions atteinte à nos grands principes me semble bien plus grave. Nous connaissons tous la fable du jeune berger qui, par ennui, criait au loup et effrayait les villageois ; nous nous souvenons tous de la fin.
M. Emmanuel Maurel
Arrêtez avec les contes pour enfants ! Ce n’est pas possible !
Mme Laure Miller
Eh bien, chers collègues de gauche et d’extrême gauche, depuis des années, vous criez au loup systématiquement. Nous voulons expulser les étrangers délinquants ? Vous nous qualifiez d’extrême droite. Nous voulons renforcer la laïcité et les règles de la République dans les établissements scolaires ? Vous nous qualifiez d’extrême droite.
Nous voulons remettre de l’autorité dans la rue et renforcer notre arsenal juridique pour les mineurs délinquants ? Vous nous qualifiez d’extrême droite. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Pierre-Yves Cadalen
C’est l’extrême droite elle-même qui vous qualifie d’extrême droite !
Mme Sandra Regol
Vous avez lu la proposition de loi ?
Mme Laure Miller
Chers collègues, l’extrême droite, la vraie, veut revenir sur nos grands principes. L’extrême droite, la vraie, n’a que faire de l’État de droit ; elle le dit et le répète sans filtre, notamment en commission des lois. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.) Mais à force de crier au loup chaque jour, à force de nous diaboliser, vous contribuez à rendre l’extrême droite fréquentable, et donc à la normalisation de ses idées ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme Anne Genetet
Exactement !
Mme Laure Miller
Ce soir, mes chers collègues, montrons-nous à la hauteur de ce qu’attendent les Français. Débattons avec modération et honnêteté, dans le seul souci d’élaborer des dispositions efficaces pour restaurer l’autorité afin de mieux protéger nos enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
M. le président
La parole est à Mme Marianne Maximi.
Mme Marianne Maximi
Monsieur le ministre, personne n’est aveugle et sourd à la douleur d’une famille qui a perdu son enfant.
Mais votre texte prétend combattre la délinquance des mineurs, or c’est un mensonge. À l’origine de cette fable, l’ancien premier ministre Gabriel Attal voulait mettre en scène son autorité. Face à une jeunesse en colère, caricaturée en bandes violentes lors des révoltes qui ont suivi l’assassinat de Nahel, il avait annoncé ici : « tu casses, tu répares », comme un parent fâché qui s’emporte. Ces surenchères sont ridicules.
La proposition de loi n’apporte aucune réponse et elle est dénoncée par tous les professionnels. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Pire, elle s’inscrit dans la continuité de ce qui est déjà fait et échoue à prévenir la délinquance : punir, punir, punir. Depuis la création du code de la justice pénale des mineurs, les tribunaux pour enfants ne tiennent pas les délais ; actuellement, 2 700 mesures de protection ne sont pas exécutées. Comment faire autrement quand cet été, des centaines de postes ont été supprimés dans la PJJ ?
Mme Sandra Regol
Eh oui !
Mme Marianne Maximi
Cependant, la mobilisation des éducateurs, que je salue, a payé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Sandra Regol applaudit également.) En fait, vous punissez, mais seulement sur le papier.
Depuis l’entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs, il y a trois ans, le nombre de mineurs détenus a augmenté de 34 %. Vous vous réjouissez de mettre des enfants en prison, quand votre seul résultat a été d’augmenter la récidive. C’est vous, finalement, qui êtes les champions de la récidive ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Céline Thiébault-Martinez applaudit également.)
Mme Marie Mesmeur
Bravo !
Mme Marianne Maximi
Vous punissez et vous aggravez la situation. En attaquant la prétendue excuse de minorité, vous franchissez un nouveau pas. Relisez l’ordonnance de 1945 et tentez de comprendre la philosophie qui l’a inspirée : elle considère que l’éducatif prime sur le répressif (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) car un enfant n’a pas atteint le même stade de développement qu’un adulte ; il ne peut donc pas avoir la même conscience de ses actes. Voilà pourquoi un mineur délinquant est d’abord un mineur en danger.
Ce texte est un épouvantail. En mettant l’accent sur la délinquance des mineurs, vous détournez le regard d’un phénomène massif : les violences faites aux mineurs par les adultes. Depuis deux ans, j’alerte dans cette assemblée et je constate que toutes les morts d’enfant ne suscitent pas la même indignation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.) Il y a les meurtres qui vous révoltent et ceux qui ne semblent pas vous préoccuper, au point que j’en viens à douter que vous en ayez connaissance.
Savez-vous par exemple qu’en France, tous les cinq jours, un enfant meurt sous les coups de ses parents ? Nous devrions en parler au moins tous les cinq jours. Pourtant, ce sujet n’existe pas.
M. Jean-François Coulomme
Eh oui ! Ça s’appelle l’hypocrisie !
Mme Marianne Maximi
De tout cela, vous ne parlez jamais ; vous ne traitez jamais ces sujets ; vous ne vous indignez pas, sauf dans un cas de figure : quand le délit sert le narratif que vous voulez promouvoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Pour les macronistes, c’est le mépris de classe : il s’agit d’enfants de pauvres qui ne se tiennent pas sages. Pourtant, on trouve des parents d’enfants délinquants jusqu’au plus haut sommet de l’État – parfois même sur les bancs des ministres. (Mêmes mouvements. – Mmes Marie-José Allemand, Estelle Mercier et Sandra Regol applaudissent également.) Pour l’extrême droite, c’est le racisme : des enfants de Blancs, exclusivement, sont victimes d’adultes et d’enfants racisés, ou bien d’immigrés. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
Vous ne vous en rendez même pas compte !
Mme Marianne Maximi
En projetant vos obsessions autoritaires sur la réalité, vous ne réglez rien. Vous ne restaurez pas non plus l’autorité de la justice, qui ne peut punir que parce qu’elle protège.
Mme Liliana Tanguy
Quelle caricature !
Mme Marianne Maximi
Quand les violences faites aux enfants restent massivement impunies, il n’y a plus d’autorité de la justice ; quand 440 enfants par jour sont victimes de violences sexuelles, il n’y a plus d’autorité de la justice ; quand, dans certains départements, des parents attendent dix-huit mois pour obtenir une mesure d’aide éducative, il n’y a plus d’autorité de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Dominique Voynet applaudit également.)
Vous criminalisez les parents, alors qu’ils font ce qu’ils peuvent : plus de 70 % d’entre eux sont présents aux audiences de leurs enfants. Dès lors que la protection de l’enfance est détruite, c’est l’État qui est un bien mauvais parent, puisqu’il abandonne des milliers de familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Liliana Tanguy
Vous mélangez tout !
Mme Marianne Maximi
Tant que votre intérêt pour la délinquance sera à deux vitesses, vous ne réglerez rien. Ce texte est à votre image : il promeut une autorité brutale, sans légitimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.) Vous pavez la voie à l’extrême droite ; vous marchez dans les traces de leurs bottes. Une fois de plus, vous vous couvrez de honte. Nous appelons donc au rejet de ce texte indigne.
M. Sylvain Maillard
C’est une honte !
Mme Marianne Maximi
Si la justice des mineurs vous préoccupe tant, commencez par soutenir les enfants victimes de violences pédocriminelles, comme à Bétharram. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Les révélations de la presse sur les alertes ignorées par M. le premier ministre ne sont ni des polémiques ni des faits divers ; c’est un scandale d’État.
M. Sylvain Maillard
Ce que vous dites est honteux !
Mme Marianne Maximi
Vous ne protégez pas les enfants ; c’est intolérable.
M. Laurent Croizier
Vous les instrumentalisez !
Mme Marianne Maximi
Gardez donc vos leçons d’autorité et commencez par rétablir un État de droit où les crimes sexuels sur les enfants sont punis, et non étouffés. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Quelques députés du groupe SOC applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme Céline Thiébault-Martinez.
Mme Céline Thiébault-Martinez
La proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents est un texte saisissant d’ignorance vis-à-vis de notre histoire et de tous les principes que la République a su bâtir au fil des ans, pour faire grandir les citoyens et les mettre sur la voie de l’émancipation, indépendamment de leur milieu et de leur parcours,…
M. Pierrick Courbon
Elle a raison !
Mme Céline Thiébault-Martinez
…indépendamment, aussi, de leurs erreurs. Ce texte est empreint de préjugés. L’idée de restaurer l’autorité sous-entend que celle-ci est malmenée, ce qui est faux, n’en déplaise au Rassemblement national et à nos amis macronistes.
M. Emeric Salmon
Ah, ce sont vos amis !
Mme Céline Thiébault-Martinez
On a le droit de faire de l’ironie ? Vous savez ce que c’est, non ?
Depuis 2009, le nombre d’affaires poursuivables concernant des mineurs a baissé de 11 %. À lire ce texte, on comprend qu’il suffirait selon vous d’une bonne éducation et de bons parents pour que les enfants ne commettent jamais d’erreurs, qu’ils ne dérapent pas.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
C’est mieux !
Mme Céline Thiébault-Martinez
Reconnaissez-le, collègues macronistes : vous avez un problème avec la jeunesse.
Mme Liliana Tanguy
Et vous, vous avez un problème avec l’autorité !
Mme Céline Thiébault-Martinez
Les jeunes ne trouvent pas de travail ? Ils n’ont qu’à traverser la rue pour être embauchés !
M. Jean-François Coulomme
Ou aller chez Stanislas !
Mme Céline Thiébault-Martinez
Les bacheliers se cherchent avant d’entrer à l’université ? Confions leur avenir aux algorithmes de Parcoursup.
M. Antoine Léaument
Bien dit !
M. Laurent Croizier
Ce ne sont pas des algorithmes ! Travaillez vos dossiers !
Mme Céline Thiébault-Martinez
La Macronie salit beaucoup en jetant l’opprobre sur les parents qui font tout ce qu’ils peuvent pour leurs enfants. (Mme Estelle Mercier applaudit.) Elle casse aussi énormément, en supprimant pied à pied, avec une application constante, tous les dispositifs d’accompagnement qui empêchent les plus fragiles d’entre nous de s’enfoncer, de sombrer davantage.
M. Sylvain Maillard
Quels dispositifs ? C’est une attaque gratuite !
Mme Céline Thiébault-Martinez
Il faut bien l’avouer : vous avez pour seul horizon une conception libérale de la société, qui renvoie le destin de chaque Français à sa propre responsabilité.
Mme Liliana Tanguy
Il y a un minimum, quand même !
Mme Céline Thiébault-Martinez
Robert Badinter défendait l’idée que les jeunes sont des adultes en devenir. Pour vous, ils ne sont que des adultes en réduction, qui devraient, à ce titre, être aussi responsables que leurs parents.
Mme Liliana Tanguy
Caricature !
Mme Céline Thiébault-Martinez
En leur refusant le droit à l’erreur,…
Mme Liliana Tanguy
On parle de récidivistes !
Mme Céline Thiébault-Martinez
…vous leur volez leur enfance et leur adolescence. En effet, votre proposition de loi n’aborde cette question que sous l’angle répressif. La prévention est pourtant essentielle. Il a fallu plus d’un siècle à la société française pour développer des dispositifs qui préviennent, accompagnent et sauvent des jeunes dont la destinée sociale était, au XIXe siècle et jusque dans les années soixante, le bagne, l’enfermement et la mise au ban de la société. (Mme Estelle Mercier applaudit.)
Une fois encore, vous voulez, avec votre texte, détruire ce qui crée du lien entre nous tous et raccroche les individus à ce collectif que nous appelons société. Avec les amendements déposés en séance, alors même que la commission des lois a supprimé plusieurs articles, vous allez jusqu’à mettre en cause les principes fondamentaux de la justice des mineurs, en particulier l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs, érigée en principe à valeur constitutionnelle en 2002. (M. Arthur Delaporte applaudit.)
M. Laurent Croizier
Ce serait bien qu’un jour, vous viviez dans la vraie vie !
Mme Céline Thiébault-Martinez
Votre peur de la jeunesse vous amène à ignorer nos engagements internationaux, en particulier la Convention internationale des droits de l’enfant, qui est l’un des textes les plus reconnus par la communauté internationale.
Mme Estelle Mercier
Quelle honte !
Mme Céline Thiébault-Martinez
Deux principes guident cette convention : protéger et émanciper. À lire votre proposition de loi et vos amendements, on se demande comment le terme « protéger » résonne en vous : pensez-vous réellement protéger des mineurs, lorsque vous les mettez sous le coup d’une comparution immédiate pour la commission d’un délit qui peut entraîner jusqu’à sept ans de prison ? Sept ans de prison à l’issue d’une comparution immédiate ! Fidèles à vos orientations, vous poursuivez le travail de durcissement de la réponse pénale à l’égard des mineurs,…
M. Jean Terlier, rapporteur
Des mineurs délinquants !
Mme Céline Thiébault-Martinez
…dans un contexte où les infractions commises sont stables ou en baisse. Quant à l’émancipation, pensez-vous sérieusement y contribuer en enfermant les jeunes, encore et encore ?
Votre proposition de loi et vos amendements ne répondent ni aux besoins des familles en difficulté, ni à ceux des professionnels qui œuvrent quotidiennement auprès des jeunes. Vous faites l’impasse sur la situation des enfants en danger. Pire, vous occultez les moyens indispensables nécessaires à la justice chargée de les protéger.
Notre préoccupation devrait être de construire une politique ambitieuse de protection de l’enfance et d’émancipation de notre jeunesse. Il est urgent et impératif de s’y atteler. De toute évidence, ce n’est pas le choix que vous avez fait en inscrivant ce texte de la honte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
M. Laurent Jacobelli
Ce texte vient de Gabriel Attal, pas de l’extrême droite !
Mme Céline Thiébault-Martinez
Victor Hugo écrivait : « Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne. […] L’ignorance est la nuit qui commence l’abîme. » Cette dernière phrase est malheureusement celle qui guide votre action. C’est la raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Alexandra Martin.
Mme Alexandra Martin
La délinquance juvénile explose. Chaque jour, des mineurs s’enfoncent dans la violence, menaçant la sécurité de nos concitoyens et sacrifiant leur propre avenir. C’est une réalité brutale, que nous ne pouvons plus tolérer. La question n’est pas seulement judiciaire : c’est aussi un défi sociétal et civilisationnel. Nous devons restaurer l’autorité et briser la spirale de l’impunité qui gangrène notre société. (M. Laurent Wauquiez applaudit.)
Si la prévention et l’éducation demeurent des piliers incontournables pour lutter contre ce fléau, il est également indispensable que la réponse pénale soit à la hauteur. L’éducation doit être soutenue par des sanctions fermes, proportionnées et dissuasives. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Le cadre actuel ne permet pas toujours de répondre efficacement à la gravité et à la répétition des actes commis. Le constat est malheureusement sans appel : la violence des mineurs est de plus en plus grave, précoce et organisée ; elle n’épargne plus aucune commune. Il n’est pas rare que des enfants de 12 ou 13 ans commettent des actes délictueux. Les réseaux criminels, notamment les narcotrafiquants, instrumentalisent des jeunes pour commettre des délits et des crimes, sachant bien qu’en raison de leur minorité, ils sont protégés par la loi et moins exposés à des peines de prison sévères. Des adultes sans scrupules manipulent des enfants et les envoient dans nos rues pour commettre des actes de violence extrême ; cette situation est intolérable.
L’actualité récente nous démontre l’ampleur de ce phénomène. Ces jeunes voyous, parfois criminels, ne connaissent plus aucune limite – encore moins celles du droit et de la morale. Ils deviennent tueurs à gages, narcotrafiquants ou ultra-violents pour voler un téléphone – ou même, gratuitement.
Il est impératif de réagir avec la plus grande fermeté. Le signal envoyé doit être fort. Face à cette situation alarmante, il faut un système judiciaire capable de répondre avec rapidité et détermination, et de redonner aux parents le sens de leur responsabilité. (Mêmes mouvements.)
La proposition de loi est une étape dans la bonne direction. Le groupe de la Droite républicaine regrette la suppression, par une gauche déconnectée de la réalité, de plusieurs articles en commission des lois. (Mêmes mouvements. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
Il y en a ras le bol !
Mme Alexandra Martin
Je pense à l’extension de la responsabilité solidaire de plein droit des parents, à la procédure de comparution immédiate et à la suppression partielle de l’atténuation de peine pour les mineurs récidivistes. Notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi si elle revient à sa version initiale.
Nous défendrons en outre plusieurs amendements pour renforcer le dispositif, notamment l’inversion du principe d’excuse de minorité pour en faire une exception, la suspension des allocations familiales dans certaines conditions (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP)…
M. Antoine Léaument
Vous êtes ridicules ! C’est facile, quand on est riche ! Vous irez dire ça aux mères célibataires !
Mme Alexandra Martin
…et la responsabilisation des parents pour le respect du couvre-feu – vous avez évoqué ce point, monsieur le ministre. Cette position reflète notre volonté de défendre des mesures fermes pour responsabiliser les familles et garantir une justice pénale des mineurs réellement dissuasive, en elle-même éducative.
M. Antoine Léaument
Commencez par vous-mêmes ! Commencez par M. Sarkozy, tiens !
Mme Alexandra Martin
Nous avons l’obligation morale et politique de restaurer l’autorité de l’État, de la justice et de la famille. Nous devons donner à nos forces de l’ordre, à nos magistrats, à nos institutions les moyens de lutter efficacement contre cette délinquance juvénile. La sécurité de nos concitoyens en dépend. La justice doit être à la hauteur de cet enjeu. C’est un combat que nous devons mener, avec rigueur et sans relâche. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR. – M. le rapporteur applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Jean-François Coulomme
C’est un monde de cauchemar ! Le macronisme, c’est une machine à produire des délinquants ! Et ensuite, ils veulent se venger sur eux !
M. le président
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
Voici la quarante et unième réforme de la justice des mineurs depuis l’ordonnance du 2 février 1945. Rappelons, puisque vous semblez l’oublier, que la justice des mineurs repose sur des principes fondamentaux, parmi lesquels l’atténuation des peines en fonction de l’âge du mineur, la spécialisation des juridictions et des procédures, la primauté de l’éducatif sur le répressif. Issus de l’ordonnance de 1945, ces principes à valeur constitutionnelle ne sont pas le fruit d’un angélisme naïf. S’ils ont été réaffirmés en 2021 dans le code de la justice pénale des mineurs, c’est précisément parce qu’ils constituent la meilleure voie pour prévenir la délinquance et favoriser la réinsertion.
Alors qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, la délinquance juvénile était massive, dangereuse et bien plus élevée qu’aujourd’hui, en raison du nombre d’enfants, parfois armés, livrés à eux-mêmes ou élevés par des mères veuves et célibataires, nos prédécesseurs ont justement conçu les trois principes que je viens de rappeler. Or vous abandonnez cette intelligence.
Mme Laure Miller
Non, nous n’y touchons pas !
Mme Liliana Tanguy
Il ne s’agit pas des mêmes jeunes !
M. Pouria Amirshahi
Votre texte ne reconnaît que les vertus de la répression, faisant de la comparution immédiate – et donc, de l’enfermement – l’unique solution face à la délinquance juvénile.
Mme Laure Miller
Vous n’avez pas lu notre texte !
M. Pouria Amirshahi
L’instruction par le coup de bâton est-elle donc la vision pédagogique de l’ancien ministre de l’éducation ?
Une députée du groupe LFI-NFP
Ben oui !
M. Pouria Amirshahi
D’autre part, vous vous acharnez à culpabiliser des parents déjà en grande difficulté, en les criminalisant, en les sanctionnant plus durement encore et en les rendant coresponsables d’actes qu’ils n’ont pas commis, à rebours de notre droit. En fait, le renvoi des familles à leur seule responsabilité est un cache-misère destiné à dissimuler la défaillance des institutions, en particulier de toutes celles qui sont chargées de la protection de nos enfants. Vous criminalisez les parents et masquez la réalité.
Nous l’avions déjà constaté : à peine plus de six mois après l’éclatante démonstration populaire aux élections législatives, la discipline républicaine réclamée par nos concitoyens dans les urnes ne s’est jamais traduite en actes.
M. Tristan Lahais
Oui, il faudrait vous en souvenir !
M. Pouria Amirshahi
Quand, précisément, s’est-elle effondrée dans les esprits ? Au moment même où le premier ministre cède aux sirènes identitaires du Rassemblement national, M. Attal, lui, s’aligne sur les injonctions sécuritaires de ce dernier, sans répondre à la question de l’autorité.
Cette proposition de loi traduit la bascule triste de notre époque : celle par laquelle la répression devient le seul horizon d’un pouvoir en mal de solution de fond, et qui fait de l’autorité une fin en soi. Monsieur Attal, nous refusons cette société-là. (M. Tristan Lahais applaudit.)
En premier lieu, ce texte prétend répondre aux révoltes urbaines de 2023, après la mort par tir à bout portant de Nahel, tué par un policier. Mais il ne tire aucune leçon de ces événements : ni de ces faits, ni de leurs origines. Une vie fauchée, la colère généralisée d’une jeunesse des quartiers contre des institutions qui ne sont plus perçues comme protectrices : voilà la réalité qu’il nous faudrait affronter collectivement et lucidement.
Tout, dans cette proposition de loi, témoigne d’un dévoiement de nos principes. Ce texte traite la jeunesse, les familles et les professionnels de la justice de la même manière : avec brutalité et avec un virilisme imbécile (M. Laurent Jacobelli sourit), assortis d’une désinvolture devenue systématique, puisque vous votez et affichez des dispositions sans y mettre les moyens.
Ce texte, enfin, contribue à la normalisation d’une justice dont l’objectif est non pas de mieux juger, mais de juger toujours à la hâte, donc toujours plus mal. Les professionnels, déjà soumis à des délais insoutenables, ne peuvent plus garantir l’effectivité des mesures prononcées – ils vous l’ont dit, monsieur le rapporteur. À cet égard, votre proposition de loi est un pas de plus dans le sens de la défiance envers la justice et envers tous ses professionnels, au moment même où il convient de lui donner les moyens nécessaires. Vous ne soutenez ni les éducateurs, ni les juges, ni les professionnels de l’enfance. Ils sont unanimes : s’il est adopté, ce texte provoquera une désorganisation totale et constituera un recul dramatique des principes de la justice réintégrative. Nous nous retrouvons ainsi face à une situation qui ne fait qu’aggraver l’injustice.
Sans surprise, le groupe Écologiste et social votera contre cette proposition de loi. Ce texte prétend « responsabiliser » les jeunes délinquants et leurs parents, mais c’est d’abord à M. Gabriel Attal que nous demandons d’assumer ses responsabilités, car il était encore premier ministre, à l’été 2024, lorsqu’un plan social a supprimé 500 postes au sein de la protection judiciaire de la jeunesse. Or c’étaient des postes essentiels, d’éducateurs, de psychologues et d’assistants sociaux. Ce sont eux qui empêchent la marginalisation et offrent une chance de réinsertion. Enlevez-les, et alors, oui, il y aura plus de délinquance !
Monsieur Attal, flatter les mauvais instincts ne fait pas une politique pénale. (Mme Sandra Regol applaudit.) Avec ce texte, vous faites le choix d’une réponse exclusivement répressive, sécuritaire et carcérale. Je vous invite plutôt à faire à la jeunesse de notre pays une promesse de considération et à soutenir enfin ceux qui s’investissent chaque jour pour sortir ces jeunes de la spirale dans laquelle ils s’enferment. Méditons ceci : « La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. » (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.)
M. le président
La parole est à M. Éric Martineau.
M. Éric Martineau
L’ambition de cette proposition de loi est de faire face à la délinquance juvénile, qui est de plus en plus préoccupante, tout en préservant les spécificités de la justice des mineurs.
Il est impératif d’apporter une réponse pénale à la montée des violences chez les jeunes, ainsi qu’au sentiment d’impunité grandissant, qui donne lieu à des agissements défiant de plus en plus violemment tout type d’autorité. Destruction ou détérioration de biens publics, atteinte aux personnes, agressions physiques ou verbales : ces agissements n’ont évidemment pas leur place dans notre société et appellent une réponse ferme et rapide.
Cependant, nous sommes profondément attachés à la nécessité de trouver un équilibre entre sanction, éducation et réinsertion. Il ne faut pas occulter le fait que, derrière l’acte répréhensible commis, se trouve potentiellement un jeune privé de repères, auquel il faut offrir une chance de reconstruction, tout en prévenant la récidive. Nous soutenons ainsi une évolution de la justice pénale des mineurs dans le respect des principes constitutionnels que sont l’atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l’âge, la primauté de l’éducatif sur le répressif et la spécialisation de cette justice.
Dans sa version initiale, la proposition de loi visait à responsabiliser davantage les parents, en soulignant leur rôle dans l’encadrement et l’éducation des mineurs. La création d’un dispositif renforçant les obligations des parents vis-à-vis de leurs enfants nous semble nécessaire pour répondre à certaines situations de défaillance parentale et pour les sanctionner. Lorsqu’un délit est commis par un mineur, il faut établir une chaîne de responsabilités et évaluer les différentes influences à l’œuvre, y compris de la part de ceux qui profitent de leur ascendant sur les plus jeunes pour les inciter à commettre des délits qui vaudraient à des majeurs un séjour en prison.
Nous regrettons que l’article 3 ait été supprimé en commission des lois…
Une députée du groupe LFI
Pas nous !
M. Éric Martineau
…et appelons à son rétablissement, tel que proposé dans l’amendement de réécriture du rapporteur. Nous regrettons également la suppression des articles 4 et 5. En effet, l’introduction d’une procédure de comparution immédiate pour les mineurs de 16 à 18 ans dans les cas les plus graves, strictement encadrée, équilibrée, proportionnelle et garantissant le respect des droits des jeunes, nous semble pertinente. Tout comme la possibilité de déroger au principe d’atténuation des peines pour les jeunes de 16 ans et plus, multirécidivistes, et ayant commis un crime ou un délit grave d’atteinte à la vie ou à l’intégrité des personnes.
Bien évidemment, les principes d’atténuation des peines et de spécialisation des juridictions doivent rester des piliers intangibles de notre système, conformément à nos engagements internationaux et à nos valeurs républicaines. Nous y veillerons. L’atténuation de responsabilité des mineurs, ancrée dans notre droit, reste un impératif. La réponse judiciaire doit tenir compte de la personnalité et du parcours du jeune, tout en permettant une sanction ferme et adaptée aux actes commis.
Nous appelons de nos vœux la réintroduction des articles 3, 4 et 5 du texte initial, à travers des amendements déposés par le rapporteur, qui a veillé à encadrer davantage ces mesures pour les entourer de nouvelles garanties. Sous réserve du rétablissement de ces articles, le groupe Les Démocrates soutiendra la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Nous sommes réunis ce soir pour traiter d’un sujet difficile, qui préoccupe nombre de nos concitoyens : la justice des mineurs.
La gravité des violences commises par certains mineurs se renforce année après année, tandis que l’âge des auteurs diminue. Tant les chiffres que l’actualité nous le rappellent jour après jour ; c’est indéniable. N’oublions pas ce qui s’est passé dans notre pays en juillet 2023. En ce début d’année, les exemples sont déjà trop nombreux : en seulement deux mois, deux adolescents – Abass, 16 ans, et Elias, 14 ans – sont morts, poignardés devant leur établissement scolaire à Paris. Des mineurs sont mis en cause dans des drames familiaux qui sont aussi des drames pour l’ensemble des élèves, pour la communauté scolaire et, en réalité, pour toute la société. Ces violences témoignent d’une forme de radicalisation d’une partie de la jeunesse. Dans ce contexte, que faire ?
Face à cette question, deux visions s’opposent. La première est celle d’une gauche dont le discours se veut humaniste : il s’agit pour elle de privilégier l’école et les mesures éducatives, en laissant les mineurs délinquants loin d’une justice punitive et en refusant toute évolution du code de la justice pénale des mineurs dans le sens d’une réponse plus ferme et plus réactive.
M. Antoine Léaument
C’est exactement cela !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
La droite, quant à elle, est accusée de tenir un discours autoritaire et paternaliste.
M. Antoine Léaument
C’est le cas !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Je tiens à dire que la droite à laquelle j’appartiens n’est ni réactionnaire ni paternaliste.
M. Sylvain Carrière
Si !
M. Antoine Léaument
Et c’est ce qui est dommage !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Elle délivre un message de fermeté. Elle prône un retour de l’autorité et d’un certain nombre de repères, dont les adolescents ont besoin. Elle propose enfin des solutions pour agir contre le sentiment d’impunité d’une certaine partie de la jeunesse.
La divergence entre ces visions s’est illustrée en commission, où la proposition de loi déposée par Gabriel Attal a tout simplement été vidée de sa substance, ce que le groupe Horizons & indépendants déplore.
Chers collègues de gauche, que jugez-vous bon de faire dans le cas malheureux où les mesures éducatives prévues par le code de la justice pénale des mineurs ne fonctionnent pas ? Que jugez-vous bon de faire, alors que la gravité des actes de délinquance de certains mineurs se renforce ? Vous faites courir un risque aux mineurs délinquants : celui de ne pas avoir une justice qui leur réponde fermement…
Mme Zahia Hamdane et M. Antoine Léaument
Elle existe déjà !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
…et qui leur permette de retrouver le cadre républicain. N’en faites pas une question de principe ! (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Vous risqueriez, avec une certaine naïveté, de ne pas voir ce qui est à l’œuvre : le rajeunissement des mineurs délinquants et le caractère de plus en plus décomplexé de cette délinquance.
Dans ce contexte, le groupe Horizons & indépendants estime nécessaire de faire évoluer la justice pénale des mineurs.
M. Pierre Pribetich
Donnez des moyens à la justice !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
En premier lieu, les familles doivent assurer leur rôle éducatif, ce qui suppose de mettre les parents face à leurs responsabilités. Remettre l’autorité parentale au centre du dispositif de prévention et de sanction, voilà le premier objectif de cette proposition de loi. Elle tend notamment à faciliter la caractérisation du délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales.
Mais, en cas d’échec des parents, lorsque cette défaillance mène un enfant à la délinquance, c’est à la justice de prendre le relais. Nous soutenons donc également le second objectif de cette proposition de loi : il nous apparaît indispensable de renforcer l’autorité de la justice lorsque les mineurs eux-mêmes commettent des actes dont la gravité se renforce. Au demeurant, quand bien même la réponse pénale serait renforcée, elle resterait strictement encadrée et conforme aux principes constitutionnels qui irriguent la justice pénale des mineurs.
C’est pourquoi le groupe Horizons & indépendants soutient l’introduction de dispositions tendant à restreindre les modalités d’atténuation de la peine dans les cas où des mineurs de plus de 16 ans auraient commis des infractions particulièrement graves, en état de récidive légale. Ce faisant, nous ne nous opposons pas à la nécessité de renforcer les mesures éducatives, de tendre la main aux parents en difficulté et de respecter les principes fondamentaux de la justice des mineurs.
En tout état de cause, le groupe Horizons & indépendants ne votera pas pour cette proposition de loi telle qu’elle a été amendée en commission, c’est-à-dire vidée de sa substance. Nous souhaitons que l’examen en séance publique permette la réintroduction de mesures qui nous semblent nécessaires, à savoir l’extension de la responsabilité solidaire de plein droit des parents et l’accélération des procédures de comparution des mineurs délinquants lorsqu’ils ont au moins 16 ans.
Responsabilité, pragmatisme et dignité doivent guider les débats que nous entamons. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. le rapporteur, Mme Laure Miller et Mme Liliana Tanguy applaudissent également.)
M. le président
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
La violence et les fractures qui traversent notre société touchent directement les mineurs. Les émeutes urbaines de 2023 ont choqué par leur ampleur. En réalité, aucun territoire, ni dans l’Hexagone ni dans les outre-mer, n’est épargné par ces violences. Cette délinquance, avec près de 169 000 mineurs impliqués dans des affaires traitées par les parquets et 30 000 condamnations au pénal, est inquiétante.
À nos yeux, ce sujet sensible mérite un débat serein et apaisé, ce qui n’a manifestement pas été le cas en commission. Ce sujet aurait mérité un texte d’ampleur, adossé à une étude d’impact ou à un avis du Conseil d’État, et comprenant à la fois un volet préventif et un volet répressif. Force est de constater que ce n’est pas le cas.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires comprend les objectifs de votre proposition de loi, mais nous tenons à ce que toute évolution se fasse dans le respect des principes de la justice pénale des mineurs. En la matière, la priorité doit être l’implication et la responsabilisation des parents.
L’article 1er répond en partie à ce problème en renforçant les peines lorsqu’un parent manque à ses obligations. Notre groupe salue notamment la création d’une peine complémentaire de travail d’intérêt général. Dans le même sens, obliger les parents à se présenter devant le juge des enfants dans le cadre d’une assistance éducative est plus que souhaitable.
Notre groupe s’oppose toutefois à la création d’une amende civile contre ces parents. Certes, toute obligation impose une sanction, mais une sanction financière n’est pas adaptée. Le risque est d’abord que les parents concernés n’aient jamais les moyens de régler cette amende, ce qui rendrait la sanction non dissuasive ; et, en toute hypothèse, cela ne ferait qu’ajouter de la précarité à la précarité. Une sanction alternative, comme un stage de responsabilité parentale, aurait été plus pertinente.
Par ailleurs, notre groupe regrette de voir que ce texte ne contient aucune mesure d’accompagnement pour aider les parents en difficulté. Un enfant qui tombe dans la délinquance, c’est un échec pour notre société. Si la réponse pénale est utile, elle ne résoudra pas le problème dans la durée. Il faut de la prévention et de l’accompagnement, et nous n’en trouvons guère de trace dans ce texte.
J’en viens à l’article 5, qui contient l’une des mesures les plus contestées du texte – si contestée, d’ailleurs, que la commission a décidé de la supprimer. Cet article visait à déroger aux règles d’atténuation des peines pour les mineurs. Vous n’êtes pas sans savoir que cette atténuation est l’un des fondements de la justice pénale des mineurs, le principe étant qu’un mineur ne doit pas être jugé comme un majeur. Vous souhaitiez instaurer une exception pour les délinquants de plus de 16 ans en cas de récidive ou de commission de certains crimes et délits.
Encore une fois, notre groupe comprend vos objectifs, mais outre le risque d’inconstitutionnalité, votre mesure péchait par excès : il aurait été plus prudent de limiter ces dérogations aux crimes les plus graves, comme le viol ou l’atteinte volontaire à la vie. Faute de compromis, l’article a été supprimé.
Enfin, je tiens à insister sur l’un des grands angles morts du texte : vous n’y traitez pas des étrangers mineurs non accompagnés. Il y a pourtant là un vrai phénomène de délinquance, puisque 20 % des mineurs incarcérés sont des MNA. L’État a presque démissionné ; il laisse se débrouiller, sans soutien financier, les départements et les élus locaux. Dans certains territoires, surexposés, l’ASE est saturée. C’est un véritable gâchis, et notre groupe regrette que ce sujet n’ait pas été abordé.
La proposition de loi ayant été vidée de sa substance lors de son passage en commission, notre groupe attendra le résultat des débats en séance pour se prononcer. (M. Laurent Panifous, Mme Marina Ferrari et M. Éric Martineau applaudissent.)
M. le président
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
La justice des mineurs manque cruellement de moyens, non d’autorité. Du reste, le titre même du texte dont nous débattons se fonde sur des données faussées et des arguments démagogiques, très éloignés des réalités de la jeunesse – y compris des jeunes en conflit avec la loi. Le nombre de mineurs mis en cause dans le cadre d’une procédure pénale diminue depuis plusieurs années. Et la justice des mineurs n’est pas laxiste, non ! Les peines sont non seulement plus fréquentes, mais plus sévères ; on dénombre désormais environ 800 mineurs incarcérés, contre 700 aux cours des dernières années. Les faits graves commis par des mineurs, qui plongent dans une indicible douleur des familles endeuillées, sont rares et déjà condamnés avec sévérité. Comment éviter ces faits graves ? Telle est la question qui nous est posée. Rappelons qu’en 2023, sur plus de 179 000 adolescents poursuivis, 178 ont été condamnés pour crime par une cour d’assises des mineurs.
J’ai entendu répéter que la jeunesse devenait de plus en plus violente. Que la violence soit de moins en moins tolérée par la société constitue une bonne nouvelle ; reste que la délinquance des mineurs n’est pas plus violente qu’auparavant. Sans remonter à 1945, où la criminalité était extrêmement importante, regardons les chiffres des dernières années : le nombre de mineurs mis en cause dans des affaires violentes a été de 20 171 en 2023, contre 23 583 en 2018. Voilà les faits, sur lesquels nous devrions nous pencher avant d’aborder la question de la jeunesse délinquante ! Seulement, ces chiffres ne peuvent pas servir l’offensive réactionnaire contre les droits des enfants qui, sous prétexte d’un laxisme judiciaire, vise à faire primer le répressif sur l’éducatif, sur l’excuse de minorité, sur le principe de relèvement ; une offensive réactionnaire qui appelle à juger les enfants comme des adultes, au risque d’une répétition de la violence.
De plus, la prévention et la protection de l’enfance sont largement sous-dotées. De tous les départements monte un cri d’alarme : faute de moyens humains et financiers, au moins 3 335 mesures de placement ne sont pas exécutées, sans parler de celles qui le sont mal, ni plus généralement des problèmes de la jeunesse. Je pense en particulier à la santé psychique : le nombre de suicides commis par des jeunes explose dans notre pays ! Voilà ce à quoi il faudrait s’attaquer, y compris pour faire diminuer la violence. Mais c’est vrai, monsieur Attal,…
Mme Dominique Voynet
Il est parti se coucher !
Mme Elsa Faucillon
…quoi de mieux qu’un texte démagogique et simpliste pour répondre à un problème complexe ? Non seulement vous ne vous êtes pas attaqué aux vrais problèmes, mais vous avez acté à l’été 2024, alors que vous étiez premier ministre démissionnaire, la suppression de 500 postes du personnel socio-éducatif au sein de la protection judiciaire de la jeunesse.
Dans votre exposé des motifs, vous faites référence à une séquence particulièrement triste pour notre pays, qui a commencé par le meurtre d’un enfant, Nahel. Les discours politiques sur ce drame ont été émaillés de nombreux stéréotypes, pourtant démentis par les chiffres ministériels relatifs aux révoltes de juin 2023. Je relève aussi que, lorsque les enfants délinquants sont ceux de ministres, on plaint les parents ;…
M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Où avez-vous vu ça ?
Mme Elsa Faucillon
…lorsqu’il s’agit de familles populaires, on les fustige, au lieu de les accompagner. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Hervé Saulignac et Mme Dominique Voynet applaudissent également.)
L’ordonnance de 1945, que vous ne cessez de démonter, était d’une modernité et d’une intelligence incroyables.
M. Hervé Saulignac
Elle a raison !
Mme Elsa Faucillon
Elle a permis de faire reculer la criminalité des jeunes. Vous scandez le mot de fermeté, alors que vous organisez l’inefficacité de la justice et la récidive. Vous instrumentalisez les drames – seulement certains, d’ailleurs, car les suicides survenus dans des foyers de l’ASE ne suscitent de votre part aucune réaction ; vous continuez sur la même lancée. Ne tentez pas de vous draper de responsabilité : face aux drames qui touchent les jeunesses de notre pays, vous êtes irresponsables !
J’espère vraiment que, de même que la commission a supprimé les articles 4 et 5 de la proposition de loi, nous en éliminerons, à la faveur de nos débats dans l’hémicycle, les dispositions non seulement démagogiques,…
Mme Liliana Tanguy
C’est vous la démagogue ! Sur quoi vous fondez-vous ?
Mme Elsa Faucillon
…mais dangereuses pour les jeunesses de notre pays, c’est-à-dire les articles 1er, 2 et 3. Bien évidemment, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine se battra contre ce texte, et votera contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.
Mme Sophie Ricourt Vaginay
Depuis plusieurs mois, notre nation est secouée par une montée inexorable de la délinquance juvénile et une multiplication de violences urbaines d’une gravité sans précédent, auxquelles s’ajoutent des violences corporelles qui endeuillent des familles et affaiblissent le pacte républicain. Pas une semaine ne s’écoule sans que nos rues soient le théâtre d’actes de délinquance d’une brutalité, sinon d’une sauvagerie, choquante. Les auteurs en sont de plus en plus jeunes, de plus en plus décomplexés dans l’expression de leur violence. Comment n’être pas révolté devant la mort du jeune Elias, froidement poignardé, pour un téléphone portable, par deux autres mineurs ? Ces actes ignobles, qui heurtent nos consciences et s’ajoutent à une longue série de tragédies similaires, illustrent dans l’horreur la perte de tout repère moral chez une partie de notre jeunesse.
Si le groupe UDR a salué en commission l’intention des auteurs de la proposition de loi – restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents –, nous devons malheureusement constater que les mesures présentées en séance sont loin d’être à la hauteur des enjeux. En effet, le texte a été complètement dénaturé en commission, où on a cédé aux vieux réflexes socialistes : le laxisme et la culture de l’excuse.
Face à la recrudescence d’une délinquance juvénile toujours plus violente et multiforme, la proposition de loi devait mettre en lumière une évidence trop longtemps ignorée : la responsabilité des parents. Oui, c’est d’abord aux familles qu’il revient d’inculquer aux enfants les valeurs de la République et le respect des autres. Or le bloc central a supprimé du texte deux mesures importantes : l’extension de la responsabilité solidaire de plein droit des parents pour les dommages causés par leurs enfants mineurs et la comparution immédiate pour les mineurs, mesure défendue depuis de longues années par Éric Ciotti.
Il est temps d’en finir avec la philosophie de l’excuse, qui a trop souvent réduit la responsabilité individuelle, insistant sur les effets prétendument inévitables d’un contexte social ou familial. Depuis trop longtemps, cette complaisance intellectuelle gangrène nos institutions ; elle n’est plus admissible. Les défaillances éducatives coûtent cher à la société, plus cher encore pour la cohésion nationale et pour le respect de l’ordre public. Jamais les politiques d’accompagnement n’ont été si nombreuses, ni le niveau de protection sociale si élevé.
Un député du groupe LFI-NFP
C’est faux !
Mme Sophie Ricourt Vaginay
Ce n’est donc pas ce qui pèche, contrairement à ce que veulent nous faire croire l’angélisme de la gauche et le dogmatisme de l’extrême gauche.
Mme Zahia Hamdane
Il n’y a pas d’extrême gauche !
Mme Sophie Ricourt Vaginay
La protection de l’enfance, aussi légitime soit-elle, ne doit pas être un blanc-seing pour des actes délictueux. Le préfet de police de Paris l’a rappelé lors de son audition : dans la capitale, un tiers des violences et 40 % des vols sont commis par des mineurs. En l’état, ce texte manque de fermeté et de clairvoyance ; il passe à côté des solutions nécessaires face à une violence qui s’intensifie.
Nous regrettons que la loi dite Ciotti du 26 décembre 2011, qui visait à responsabiliser les parents et encadrer plus fermement les mineurs délinquants, ne soit plus appliquée depuis le passage de Mme Taubira au ministère de la justice. Cette loi avait introduit notamment la possibilité pour les mineurs d’accomplir un service, faisant l’objet d’un contrat, au sein de l’Établissement public d’insertion de la défense, ce qui leur offrait un cadre structuré de type militaire et une formation adaptée. Elle prévoyait aussi des mesures concrètes pour les parents de récidivistes et une responsabilisation accrue des familles, dispositions qu’il nous faut remettre à l’ordre du jour.
Avec Éric Ciotti et le groupe UDR, nous ne céderons ni à l’angélisme de la gauche, ni à l’opportunisme des macronistes, ni, comme le font Les Républicains, à l’abandon de nos valeurs. La justice n’a pas vocation à être seulement réparatrice, elle doit aussi se montrer dissuasive.
Censée apporter une réponse nécessaire, attendue par nos concitoyens, cette proposition de loi manque désespérément de souffle et d’audace. La situation exige des mesures fortes, courageuses et sans ambiguïté, que nous continuerons à défendre avec Éric Ciotti et le groupe UDR. Nous voterons pour le texte si les mesures initiales y sont rétablies.
Éduquer, selon l’historien Jules Michelet, c’est élever un enfant à la dignité d’homme.
M. Emmanuel Maurel
Laissez Jules Michelet tranquille, s’il vous plaît !
Mme Sophie Ricourt Vaginay
Loin d’être une option, l’autorité est une nécessité, si nous voulons préserver la paix civile et garantir que chaque citoyen, aussi jeune soit-il, respecte les valeurs de notre République. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
La parole est à M. Sacha Houlié.
M. Antoine Léaument
Dis bien, Sacha !
M. Sacha Houlié
Ce texte témoigne d’une rare et grave incohérence. Durant huit ans, l’ex-majorité présidentielle a défendu la spécialité et les principes de la justice des mineurs. Nicole Belloubet, Éric Dupond-Moretti, Cécile Untermaier, vous-même, monsieur le rapporteur, avez contribué à l’élaboration et à l’adoption du code de la justice pénale des mineurs. Tous avaient à l’esprit un précepte qui leur tenait à cœur : on ne juge pas un enfant comme on juge un adulte, tout simplement parce qu’un mineur est un citoyen en formation.
Dans la continuité de l’ordonnance fondatrice de 1945, la justice des mineurs obéit à des principes fondamentaux : l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs ; la prééminence des mesures éducatives, en vue de « rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées » ; la spécialisation du juge des enfants, juge des mineurs en danger comme des mineurs délinquants. En nous présentant cette proposition de loi, vous prenez le contre-pied de vos engagements passés. Que s’est-il passé pour que vous dériviez ainsi ?
M. Antoine Léaument
Ils ont trop regardé CNews !
M. Sacha Houlié
Si l’évocation des précédents gardes des sceaux ne suffit pas, appuyez-vous sur les travaux parlementaires. Au cours des quatre dernières années, la commission des lois a étudié le sujet à deux reprises, en 2019 et en 2023. Or, à chaque fois, les rapporteurs ont écarté les cinq mesures qui figuraient dans la version initiale du présent texte, réaffirmant les bénéfices et les vertus de la césure du procès pénal du mineur, et à aucun moment il n’a été question de responsabiliser les parents. Cette démarche n’a jamais produit d’effet auprès de parents désemparés. Elle élude la possibilité qu’au sein d’une fratrie, un seul enfant cause des difficultés ; elle nie la réalité des familles monoparentales, souvent des femmes, laissées seules pour pourvoir à l’éducation des enfants.
Mme Dominique Voynet et M. Antoine Léaument
Eh oui !
M. Sacha Houlié
Pourquoi punir quelqu’un qui, déjà, a besoin d’aide ? Personne non plus n’a préconisé l’introduction d’une procédure de comparution immédiate, encore moins telle que la prévoyait la version initiale du texte, à savoir sous une forme plus dure que celle en vigueur pour les majeurs ! Même Nicolas Sarkozy ne l’avait pas osé :…
Mme Anne Stambach-Terrenoir
C’est vrai !
M. Sacha Houlié
…la procédure de présentation immédiate, ancêtre de l’actuelle audience unique, avait peu à voir avec la comparution immédiate – que vous proposez. Enfin, s’agissant de l’excuse de minorité, aucune mission parlementaire n’a prescrit l’inversion de la motivation.
Que l’on ne cherche pas à le minimiser : le reniement de vos convictions est total. Vous trahissez jusqu’à la maxime que vous proclamez : « Tu casses, tu répares. Tu salis, tu nettoies. » En effet, il n’est question ni de travaux d’intérêt général ni de justice restaurative, mais bien de sanctions pénales et civiles à l’encontre des parents, d’extension d’une procédure expéditive déjà défaillante en droit commun, de négation de l’état de minorité et des travers de l’enfance. Votre proposition de loi n’est justifiée ni par la réalité, nouveau mot-valise du ministre de l’intérieur lorsqu’il est acculé par les faits, ni par le pragmatisme, avatar d’une pseudo-efficacité.
Considérons tout d’abord les faits, puisque ce sont les faits divers sordides et révoltants, relatés en boucle sur nos chaînes d’information, qui auraient motivé votre virage. De l’aveu même du ministère de l’intérieur, la délinquance des mineurs n’explose pas ! (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) En dix ans, le nombre des actes de délinquance est passé de 200 000 au mitan des années 2010 à 121 000 en 2023.
M. Antoine Léaument
Voilà !
M. Sacha Houlié
La part des mineurs impliqués dans les délits commis est passée de 22 % en 1998 à 12 % en 2023.
M. Antoine Léaument
Il a les mêmes fiches que nous !
M. Sébastien Delogu
Nous voyons qui manipule les chiffres !
M. Sacha Houlié
En revanche, c’est vrai, il y a un problème dans l’exécution des mesures, faute de moyens – d’autres orateurs l’ont souligné. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – MM. Romain Eskenazi et Pierre Pribetich applaudissent également.) Pourtant, dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice, nous avions voté des moyens en faveur de la protection judiciaire de la jeunesse et des juges, avant que vous n’annuliez 250 millions de crédits dans le budget pour l’année 2025, en plus des annulations de crédits décidées en 2024. La conséquence, c’est que les mesures édictées par la justice des mineurs sont attribuées avec retard et mises en œuvre plus tardivement encore.
Dès lors, quels effets peut-on attendre des dispositions que vous défendez ? Une amplification du désordre dans les juridictions ! Est-ce le rôle d’un juge civil de prononcer une amende contre des parents lorsqu’il doit statuer sur les mesures d’assistance éducative d’un mineur ? Non ! Il y a confusion des genres. Qui peut raisonnablement penser que la place d’un mineur est au dépôt d’un tribunal, à attendre la machine à mal juger qu’est l’audience de comparution immédiate ?
M. Antoine Léaument
Mais oui !
M. Sacha Houlié
Le seul effet de cette mesure populiste sera, comme pour les adultes, la saturation de l’audience pénale.
M. Antoine Léaument
Voilà !
M. Sacha Houlié
Comment comprendre que la dérogation à l’excuse de minorité, qui ne concerne que 0,5 % des audiences pénales des mineurs, soit érigée en principe ? Qu’attendez-vous d’autre qu’une accumulation du retard dans le traitement du stock judiciaire ? Êtes-vous déterminés à emboliser toutes les juridictions pour seulement quelques affaires et pour soutenir votre communication politique ? Dans d’autres circonstances, vous diriez qu’on marche sur la tête, et vous auriez raison.
Nous examinons ce soir le texte de la commission. Il y a une évolution par rapport au texte initial, et c’est tant mieux. J’invite l’Assemblée à conserver les avancées obtenues : la simplification procédurale et la communication des coordonnées de l’assureur, la fourniture au juge des libertés et de la détention d’un rapport préalable à la détention, la limitation des cas de recours à l’audience unique, la priorité donnée à l’édiction d’une mesure de justice restaurative ou encore la réorganisation des conditions de l’appel.
Ce soir, nous avons l’occasion d’adopter un texte utile pour les juridictions. Mais, pour cela, il faudra poursuivre le travail engagé en commission et revenir à l’esprit des lois adoptées jusqu’à présent en matière de justice des mineurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – M. Romain Eskenazi, M. Pierre Pribetich et Mme Elsa Faucillon applaudissent également.)
M. le président
La discussion générale est close.
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Article 1er
M. le président
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Ce texte ne changera rien. (Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.) Il sera inefficace : il n’empêchera pas les mineurs de commettre des actes criminels ou délictuels. Vous savez, en réalité, qu’il ne permettra pas de les prévenir.
Vous avez une vision terroriste de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
C’est un peu excessif !
M. Antoine Léaument
Vous estimez que c’est en faisant peur que l’on parviendra à éviter la commission d’actes de délinquance. (MM. Jean-François Coulomme et Sébastien Delogu applaudissent.) Vous avez beaucoup raillé nos positions humanistes. Cependant, nous considérons que les enfants sont des êtres humains et que ces êtres humains en construction doivent être éduqués. À cet égard, le rôle de l’école est bien plus essentiel que la violence d’un État qui punit les actes criminels ou délictuels.
Une députée du groupe EPR
Il faut respecter les règles, tout de même !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Il faudrait qu’il se calme, lui !
M. Antoine Léaument
La science et les chercheurs spécialisés sur le sujet ont montré que le basculement vers la commission d’actes répréhensibles se produit, en réalité, dès le plus jeune âge, et que la construction de l’enfant joue un rôle majeur pour la suite.
M. Ugo Bernalicis
Ils n’aiment pas la science !
M. Antoine Léaument
Le sociologue Marwan Mohammed, qui a travaillé sur les rixes, explique que les enfants qui décrochent du système scolaire dès l’âge de 5 ans ont davantage de risques de devenir des délinquants ou d’être entraînés dans des rixes. Que faites-vous pour eux ?
Pour ma part, j’ai été écœuré par les propos que vous avez tenus. Les gamins qui meurent, qui se font tuer ou qui se battent entre eux sont ceux de nos circonscriptions. Or vous n’avez rien à leur dire, si ce n’est que vous les punirez durement, ainsi que leurs parents. Pensez-vous régler les problèmes de cette façon ? Vous savez, au fond de vous, j’en suis sûr, qu’on ne règle pas le problème d’un enfant délinquant en le faisant punir par la justice.
M. Emeric Salmon
On ne peut pas punir ceux qui sont tués !
M. Antoine Léaument
En l’envoyant en prison, vous en ferez un délinquant encore plus dur. Construisez des écoles et non pas des prisons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Tristan Lahais applaudit également. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
Mais arrêtez !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
« C’était vraiment très intéressant ! »
M. le président
La parole est à Mme Julie Ozenne.
Mme Julie Ozenne
Les mesures que vous défendez ne sont que des coups de communication. Vous êtes incapables de démontrer les potentiels effets positifs de ces dispositions. Et pour cause ! Non seulement elles seraient inefficaces, mais elles seraient contre-productives. L’aide sociale à l’enfance est en crise. L’isolement des professionnels, des parents et des enfants est dénoncé. Un tiers des mineurs suivis par la protection de l’enfance font l’objet de poursuites pénales à un moment de leur parcours, et 50 % des mineurs pris en charge pénalement ont été suivis au titre de l’enfance en danger.
Or que faites-vous ? Proposez-vous d’augmenter les moyens de l’ASE, de la prévention spécialisée, du soutien à la parentalité et de l’accompagnement socio-éducatif des familles ? Non. Plutôt que d’assumer l’échec de vos politiques de protection de l’enfance, plutôt que d’engager les moyens nécessaires pour accompagner les parents en difficulté, en situation de précarité, d’isolement social ou de monoparentalité, vous préférez leur rejeter la faute. En se focalisant sur la répression des parents, l’article 1er nous détourne des vrais enjeux, des causes sociales qui rendent possible la situation que vous dénoncez.
Mme Laure Miller
Elles ont bon dos !
Mme Julie Ozenne
Vous êtes prêts à tout pour masquer vos propres échecs. Monsieur Attal, ne vous couvrez pas davantage de honte et renoncez à ces propositions démagogiques ! La jeunesse attend autre chose de nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Sur le vote des amendements identiques nos 7, 9, 12, 20 et 31, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Romain Eskenazi.
M. Romain Eskenazi
Je m’inscris en faux, avec force, contre les accusations de déni proférées sur les bancs macronistes et de la droite. Je ne siège dans cette assemblée que depuis six mois, mais j’ai déjà vécu le moment le plus fort et le plus difficile de ma vie de député, en rendant visite à la mère d’un jeune de 17 ans, tué à la sortie du bus, il y a quelques mois, dans ma circonscription, par un jeune du même âge. Deux mois plus tard, j’ai assisté à la pose d’une plaque en mémoire d’un jeune âgé de 15 ans, également assassiné dans ma circonscription, il y a un an. Le meurtrier du jeune de 15 ans est en prison. Et, pour avoir discuté avec les autorités judiciaires, je suis en mesure de vous annoncer que l’assassin du jeune de 17 ans sera également incarcéré.
Notre pays manque de mesures de prévention, de mesures éducatives et de moyens pour lutter contre la précarité. Il faut donner un avenir et des perspectives à ces gamins et non les mettre en prison. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR.) Dans les faits, des enfants meurent et leurs meurtriers, mineurs, vont déjà en prison. (Mêmes mouvements.)
M. le président
Nous en venons aux amendements à l’article 1er.
Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 7, 9, 12, 20 et 31, visant à supprimer l’article.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 7.
Mme Elsa Faucillon
Il vise en effet à supprimer l’article 1er, qui tend à créer une circonstance aggravante du délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales. Cet article est inopérant. D’une part, il risque, par son caractère flou, d’amoindrir le délit de soustraction, qui existe déjà. D’autre part, il risque de détourner l’État de ses responsabilités en matière d’accompagnement des familles qui en ont besoin.
Monsieur le rapporteur, vous et moi étions tout à l’heure sur un plateau de télévision, en présence d’une juge des enfants du tribunal de Bobigny : elle expliquait qu’il fallait bien souvent attendre deux ans pour que des mesures d’accompagnement des familles soient appliquées, alors même qu’elles ont été prononcées précisément pour prévenir les actes de délinquance. Elle ajoutait que, parfois, dans ce laps de temps, des basculements dans la délinquance s’opèrent, alors même que des juges, des services sociaux ou des directeurs et directrices d’école ont signalé le problème. C’est donc l’État qui est défaillant. Et vous, vous le déresponsabilisez en pointant les familles. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 9.
M. Jean-François Coulomme
Cette proposition de loi traduit la frénésie répressive d’un ambitieux qui voudrait chausser les bottes du Rassemblement national. Nous ne nous y trompons pas !
L’article 1er, que nous voulons supprimer, prévoit un délit pour les parents défaillants. Sur le plan philosophique, moral et légistique, il s’agit d’une aberration qui, de plus, rendra la tâche des magistrats impossible. En effet, l’article 121-1 du code pénal dispose : « Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait. » L’article 121-3 du même code précise : « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. » Comment articulerez-vous, avec des deux articles, la pénalisation des parents pour les actes commis par leurs enfants ? Dans ce cas, déposez un amendement pour supprimer ces deux articles du code pénal !
Une députée du groupe LFI-NFP
Eh oui !
M. Jean-François Coulomme
Si l’on entend suivre votre logique, il faut tout bouleverser ! Comment pouvez-vous, dans un même texte, charger les enfants auteurs de délits ou de crimes et, dans le même temps, en faire endosser la responsabilité aux parents ? Ce n’est pas logique ! Vous ne pouvez pas, d’un côté, vous en prendre aux enfants et, de l’autre, considérer que ce sont les parents qui sont les véritables responsables ou les véritables coupables ! Il y a là une double condamnation pénale pour un même fait. C’est une forme de punition collective.
En réalité, ce que vous voulez punir collectivement, ce sont non pas ces enfants ou leurs parents, mais toute une classe sociale en difficulté : je pense, par exemple, aux mères qui élèvent seules leurs enfants et vivent dans un environnement criminogène, en quelque sorte, en raison d’un manque de services publics et d’une école défaillante ; je pense aux parents qui connaissent des conditions matérielles difficiles. Dans cette même logique, pourquoi ne remontez-vous pas jusqu’aux grands-parents, qui sont certainement responsables du fait que leurs enfants élèvent mal leurs propres enfants ?
M. le président
La parole est à M. Sacha Houlié, pour soutenir l’amendement no 12.
M. Sacha Houlié
L’article 1er est relativement simple : il facilite la caractérisation d’une infraction et crée une peine complémentaire. En somme, il reprend tout le registre de ce qui ne fonctionne pas dans le code pénal pour l’intégrer dans le code de la justice pénale des mineurs.
Une députée du groupe LFI-NFP
Eh oui !
M. Sacha Houlié
Pour partir de bases saines, à savoir d’un constat et d’une analyse partagés, je tiens à me référer aux bons auteurs, c’est-à-dire à ceux qui ont rédigé, en 2019, le rapport d’information sur la justice des mineurs, préfigurant le code de la justice pénale des mineurs.
M. Ugo Bernalicis
Vous citez Jean Terlier ? C’est impossible ! Je n’y crois pas !
M. Sacha Houlié
Les rapporteurs, Jean Terlier – en effet – et Cécile Untermaier, listaient quatre principaux facteurs de la délinquance juvénile : le lien entre l’enfance en danger et l’enfance délinquante, la déscolarisation, les addictions, la radicalisation. Ce même rapport d’information considérait que les mauvaises conditions d’éducation – les violences sexuelles, l’atteinte au développement, l’absence de suivi médical ou l’abandon des parents – ne constituaient qu’un facteur aggravant, et non un facteur déclenchant, de la délinquance juvénile. Autrement dit, la responsabilisation des parents que vous recherchez avec l’article 1er est inutile, car là n’est pas la cause de la délinquance du mineur.
Enfin, permettez-moi de répéter ce que j’ai souligné tout à l’heure à la tribune : dans une fratrie, il arrive qu’un seul des enfants pose une difficulté. Faut-il alors punir les parents et, partant, l’intégralité de la fratrie ? Faut-il punir les familles monoparentales, des femmes bien souvent, qui sont forcément désemparées face à des mineurs livrés à eux-mêmes ?
M. Dominique Potier
Voilà ! C’est bien !
M. Sacha Houlié
Voilà pourquoi cette communication pure et simple, cet affichage politique sur le dos des mineurs, est regrettable. Chers collègues, je comprends que vous soyez en délicatesse, compte tenu de ce que vous avez défendu huit ans durant ! Je pense qu’il faut supprimer cet article. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Kévin Pfeffer
Il est applaudi par les socialistes !
M. le président
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l’amendement no 20.
M. Hervé Saulignac
Le délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales existe déjà : il est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. C’est loin d’être anecdotique, mais cela ne sert absolument à rien ! Par l’article 1er, vous proposez de créer une circonstance aggravante liée à une infraction commise par un mineur, qui ne servira absolument à rien – j’y insiste.
Ce qui est savoureux, c’est que vous ajoutez une peine de travail d’intérêt général pour les parents dits défaillants. J’imagine une mère de famille seule qui ne parvient pas à faire rentrer son adolescent à la maison le soir – lequel finira par commettre un délit à un moment ou à un autre –, à qui vous imposerez d’effectuer un travail d’intérêt général. Vous rendrez sa situation plus précaire encore. Bravo ! Croyez-vous donner l’image d’une justice qui répare, qui fait sens et contre laquelle aucun citoyen ne se retournera ? Ce n’est pas sérieux ! Ce texte est une simple opération de communication.
À la fin de l’année 2024, 4 200 mesures pénales étaient en attente d’exécution du fait de l’absence d’éducateur dédié ou de place dans un lieu d’accueil. Plutôt que d’adopter de nouvelles lois, débloquez les moyens nécessaires pour appliquer celles que vous avez déjà votées ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
M. le président
La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir l’amendement no 31.
M. Pouria Amirshahi
Les juges auront bien du mal à prouver le lien direct entre la carence parentale et les fautes délictuelles commises par les enfants ! Ce sera d’autant plus compliqué que ce n’est pas leur métier – c’est celui des travailleurs sociaux, je vous l’ai déjà dit en commission. Qui parmi vous a été travailleur social ? (Mme Laure Miller s’exclame.) Je l’ai été pendant plusieurs années et je vous assure que cela ne se passe pas comme vous l’envisagez.
En outre, indépendamment de la capacité du juge à établir un lien de causalité direct entre la carence parentale et la faute commise par l’enfant, beaucoup de mesures sont déjà possibles, y compris des mesures punitives.
Mais cela ne vous suffit visiblement pas de voir des familles en difficulté. Plutôt que de renforcer le soutien à la parentalité, vous préférez les enfoncer !
M. Franck Riester
Quelle naïveté !
M. Pouria Amirshahi
La peine de prison passe de deux à trois ans et l’amende, de 30 000 à 45 000 euros, le tout pouvant être assorti d’une peine complémentaire de travail d’intérêt général. Vous rendez-vous compte de votre délire sécuritaire ?
M. Franck Riester
Oh là là !
M. Pouria Amirshahi
Je ne dis pas qu’il n’y a pas de sujet, mais focalisons-nous sur le débat de fond : sincèrement, on ne peut pas dire qu’il n’existe rien pour ces familles en difficulté. Que faites-vous des dispositifs de recadrage ? Que faites-vous du rôle des travailleurs sociaux, qui sont là pour remettre les enfants sur la bonne voie et pour discuter avec les parents, et qui ne demandent rien d’autre que de pouvoir bien faire leur métier ?
Mme Liliana Tanguy
Allez voir comment cela se passe ailleurs !
M. Pouria Amirshahi
Enfin, en cas de difficultés parentales, nous le savons, la situation s’améliore lorsque les parents adhèrent aux solutions qui leur sont proposées dans le cadre de mesures administratives ou judiciaires d’assistance éducative en milieu ouvert (AEMO). C’est ce qui fonctionne le mieux.
Envoyez les parents en prison, et les enfants se retrouveront sans boussole. Envoyez les enfants en prison, et vous ne réglerez rien : quand ils en sortiront, la situation sera encore pire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
Mme Liliana Tanguy
Ce n’est pas de la prison, c’est de la prévention !
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
M. Jean Terlier, rapporteur
Sans surprise, mon avis est défavorable. Nous avons déjà largement débattu en commission des lois, mais je répondrai rapidement.
Notre collègue LFI semble découvrir que l’article 227-17 du code pénal – relatif au délit de soustraction des parents à leurs obligations – existe. Les collègues socialistes l’ont dit, et ils ont raison, le délit existe déjà. Mais à quoi correspond-il ? Il permet par exemple la condamnation d’une mère partie faire le djihad en Syrie avec son enfant, quand elle revient. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
M. Pierre Pribetich
Ce n’est pas caricatural du tout…
M. Jean Terlier, rapporteur
Chers collègues, en l’état du droit, c’est cela, le délit de soustraction. (Mêmes mouvements.) Pourquoi ne pourrait-on pas retenir la responsabilité pénale d’une mère qui emmène son fils en Syrie faire le djihad ? Vous préférez fermer les yeux ?
Vous avez raison, monsieur Saulignac, je le répète, le délit de soustraction existe, et il répond à des cas très précis, dont celui que je viens de vous citer. (Brouhaha.)
L’article 1er vise à sanctionner non pas les parents de bonne foi qui ont des difficultés avec leurs mineurs, mais bien les parents défaillants qui, par leur comportement et leurs manquements aux obligations éducatives, vont contribuer à ce que ces mineurs commettent des actes de délinquance. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme Sandra Regol
Ah bon ? Et vous avez la bonne définition ?
Mme Ségolène Amiot
Comment fait-on la différence ?
M. Jean Terlier, rapporteur
C’est le seul objectif que nous visons : il s’agit de faciliter la caractérisation du délit de soustraction par un parent à ses obligations légales prévues à l’article 227-17 du code pénal. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Marie Mesmeur
Commencez par créer des places dans les services de protection de l’enfance et par recruter des magistrats !
M. Jean Terlier, rapporteur
Quand on a la responsabilité d’un mineur de 11 ans, est-ce normal de le laisser sortir sur un théâtre d’émeutes ? Les parents savent très bien que leur enfant risque de commettre des infractions pénales. (Mêmes mouvements.)
Demain, un magistrat pourra ainsi plus facilement caractériser les défaillances et les manquements des parents, et prouver qu’il y a un lien de causalité entre ces défaillances et les actes de délinquance commis par les mineurs.
Mme Élise Leboucher
Mais ça existe déjà ! Quel est l’intérêt ?
Un député du groupe RN
Mais enfin !
M. Jean Terlier, rapporteur
Cela permettra de mieux caractériser le délit de soustraction. Nous ne créons rien, nous proposons seulement d’élargir les critères pour que la sanction soit appropriée.
Mme Sandra Regol
Vous n’aimez pas les pauvres !
M. Jean Terlier, rapporteur
Je le répète, nous ne visons pas les parents de bonne foi, mais ceux qui sont défaillants et ne remplissent pas leurs obligations. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme Élisa Martin
Les magistrats savent déjà faire !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je suis défavorable à ces amendements. Lors de la discussion générale, des prises de parole à l’article 1er ou de la défense des amendements, beaucoup ont évoqué les moyens donnés à la justice pour accompagner les mineurs.
Mme Ségolène Amiot
Vous voulez dire les moyens qui ne lui sont pas donnés ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Reprenons les faits, si vous le voulez bien. Les bleus budgétaires sont disponibles et vous avez encore discuté du budget du ministère de la justice il y a quelques jours. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Depuis 2017, le nombre d’agents de la PJJ a augmenté très fortement.
Certes, ce n’est sans doute pas assez, étant donné leur travail. Vous nous dites que la délinquance des mineurs n’est pas un sujet, mais vous ne pouvez nier qu’elle est en augmentation : nous sommes passés de 135 000 mesures en milieu fermé en 2013 à 185 000 en 2024, auxquelles s’ajoutent 135 000 mesures en milieu ouvert.
Mme Zahia Hamdane
C’est dans la main des juges !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Ce sont les juges indépendants qui prennent ces décisions, non pas le gouvernement ou la majorité parlementaire.
Dans le même temps, la PJJ est passée de 8 865 à 9 286 agents. Vous parlez de 500 postes supprimés, mais cela n’a jamais été le cas. Les 239 contrats différés évoqués dans les lettres plafonds ne sont plus d’actualité depuis les corrections effectuées par le gouvernement à la mi-octobre et à la mi-novembre.
M. Ugo Bernalicis
C’est laborieux…
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
En 2024, en tenant compte des départs et des arrivées, la PJJ a bénéficié de 87 équivalents temps plein supplémentaires.
Mme Ségolène Amiot
Quatre-vingt-sept pour toute la France ? Bravo !
Mme Zahia Hamdane et Mme Élise Leboucher
Quatre-vingt-sept, tout va bien…
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
En 2025, il y aura encore une cinquantaine de postes en plus. Si cette augmentation n’est pas à la hauteur de ce qu’il faudrait faire, on ne peut tout de même pas parler de suppression de postes !
Ce qui est sûr, par contre, c’est que vous n’avez voté ni pour la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice, ni pour les budgets ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)
Mme Sandra Regol
Laissez-nous voter, et on verra !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
C’est une vérité de La Palice ! Depuis sept ans, vous votez contre toutes les augmentations de budget du ministère de la justice !
M. Ugo Bernalicis
Il faut « être gentil avec les gentils » et « méchant avec les méchants » !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
C’est comme si vous déploriez les conséquences de vos propres actes.
Un député du NFP
Assumez votre bilan calamiteux !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Selon vous, monsieur Coulomme, les parents ne seraient pas responsables des actes de leurs enfants. Mais que faites-vous des obligations légales des parents envers les mineurs ?
M. Emmanuel Duplessy
Ça suffit !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
On peut toujours déformer la réalité, mais chacun sait qu’elles existent.
Mme Marie Mesmeur
Celles de l’État existent aussi : en matière de protection de l’enfance !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je me tourne maintenant vers le groupe socialiste – ceux qui siègent sur les bancs de La France insoumise avaient peut-être déjà pris leurs distances à l’époque. Je voudrais rappeler ce que disait votre candidate à l’élection présidentielle de 2007, Mme Royal. Certains, qui viennent de prendre la parole, étaient de ses soutiens fervents.
M. Pouria Amirshahi
Ah, non, pas moi !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Dans Le Journal du Dimanche, elle a indiqué : « Déjà, en 2007, j’en appelais, sous les critiques effarouchées d’une partie de la gauche, à l’ordre juste et à l’encadrement militaire des jeunes délinquants. ». Elle plaidait alors pour des sanctions contre les parents. N’est-ce pas plus radical que les propositions de M. Attal ?
Lors d’un Grand Jury RTL, n’a-t-elle pas dit qu’elle était favorable à la suppression des allocations familiales pour les jeunes délinquants ?
M. Jean-François Coulomme
Ça, ce n’est pas Royal, c’est Hollande !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Toujours dans Le Journal du Dimanche, elle a estimé que la sanction est une éducation pour les mineurs délinquants, qu’il faut sanctionner là où est l’autorité défaillante, c’est-à-dire chez les parents, qu’il faut « remettre au carré les familles ». Jamais ni le rapporteur, ni M. Attal, ni moi-même n’aurions osé employer de tels mots, tout à fait insupportables ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Il y a une grande différence entre les propos que vous teniez quand vous entrepreniez la conquête du pouvoir et ce que vous affirmez aujourd’hui. On en est à regretter Ségolène Royal, c’est dire ! (Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et DR.)
M. le président
Je donnerai la parole à deux orateurs opposés aux amendements et à deux orateurs qui y sont favorables.
La parole est à Mme Caroline Yadan.
Mme Caroline Yadan
Peut-on faire un peu de droit dans cet hémicycle ? Nous sommes législateurs, je vous le rappelle. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Collègues Insoumis, si vous souhaitez quitter l’hémicycle, libre à vous. Après votre départ qui a fait suite à ma dernière prise de parole, nous étions très tranquilles ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, RN, DR et Dem. – Vives protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Si vous voulez partir, allez-y, nous en serons ravis ! (Brouhaha.)
Je vous propose de faire un peu de droit.
M. Sébastien Delogu
Respectez le droit international !
M. Emmanuel Fernandes
Le droit international, tu connais ?
Mme Caroline Yadan
En l’état du droit, l’infraction – le délit de soustraction – existe déjà, à l’article 227-17 du code pénal. L’article 1er vise simplement à faciliter la caractérisation de cette infraction. Il prévoit que le délit est constitué lorsque le manquement aux obligations légales est « par son caractère répété ou sa gravité » de nature à compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de l’enfant. Tels sont les termes que nous entendons ajouter, pour renforcer l’article en question du code pénal.
Nous devrions tous nous en réjouir, car une infraction mieux encadrée et plus facile à caractériser permet au juge de faire son travail dans de meilleures conditions.
M. le président
Je vous prie de bien vouloir conclure.
Mme Caroline Yadan
L’article 1er crée en outre une circonstance aggravante. En cela, il s’inscrit dans la continuité de la philosophie… (Le temps de parole étant écoulé, le président coupe le micro de l’oratrice. – Quelques députés du groupe EPR applaudissent cette dernière.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour un rappel au règlement.
M. Ugo Bernalicis
Sur le fondement de l’article 70, alinéa 3, du règlement, je tiens à m’élever contre les provocations de notre collègue (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Elles seront faciles à caractériser puisqu’elle les a prononcées au micro. C’est d’ailleurs une multirécidiviste, qui mériterait probablement une comparution immédiate devant le bureau de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
En effet, de précédents propos, similaires, ont déjà provoqué de vives réactions. Il faudrait y regarder de plus près, d’autant que Mme Yadan a brillé par ses qualités de juriste ces derniers temps, notamment en commission des lois.
Mme Caroline Yadan
Essayez de faire du droit et de vous pencher sur l’article !
M. Ugo Bernalicis
Elle est vraiment très forte. J’invite tous ceux qui ne l’auraient pas remarqué à visionner les vidéos de la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Merci de conclure.
M. Ugo Bernalicis
Méfiez-vous : ce n’est pas parce que Mme Yadan est avocate qu’elle a toujours raison… (Le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Merci, monsieur Bernalicis. Pas d’interpellations supplémentaires inutiles. Continuons, s’il vous plaît.
Mme Caroline Yadan
Inutiles et ridicules !
M. Ugo Bernalicis
Appelez-moi « monsieur le professeur », madame Yadan !
Mme Caroline Yadan
Vous polémiquez inutilement, monsieur le professeur. C’est inutile et ridicule !
Article 1er (suite)
M. le président
La parole est à Mme Sylvie Josserand.
Mme Sylvie Josserand
J’ai entendu que la responsabilité pénale du parent pour l’infraction commise par le mineur violerait le principe de la responsabilité pénale personnelle, seul le mineur pouvant être responsable des actes qu’il commet. C’est faux : ce qui peut être reproché au parent, c’est le fait de se soustraire à ses obligations, autrement dit sa négligence, son manque de vigilance, son absence ou sa passivité. C’est le comportement du parent qui est en cause. Il ne s’agit pas de responsabilité pénale pour autrui.
J’ai également entendu que la mère de famille qui ne parviendrait pas à faire rentrer son enfant à la maison serait injustement poursuivie. J’invite mes collègues à relire l’article 227-17 du code pénal : il vise précisément « le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales ». Dès lors qu’un motif légitime est invoqué – le gamin mesure deux mètres et ne veut pas entendre parler de rester à la maison, par exemple –, le délit n’est pas constitué. On rencontre de tels cas, et il n’y a pas de difficulté. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Monsieur Terlier, vous avez parlé des mères qui emmènent leurs enfants faire le jihad ; c’était assez ridicule, car ce n’est pas ce dont nous parlons. Dans sa rédaction actuelle, l’article 227-17 du code pénal protège les mineurs ; vous voulez en faire un outil pour punir les parents de mineurs délinquants, quoi qu’ait pu en dire le Rassemblement national. En punissant les parents d’une fratrie dont un des enfants commet des délits, vous punirez toute la fratrie – c’est absurde.
M. Emeric Salmon
Non !
M. Antoine Léaument
Monsieur Darmanin, vous ressemblez au dieu romain dont une représentation orne notre tribune – Janus, le dieu aux deux visages. Côté pile, vous dites aujourd’hui dans Le Parisien que la justice manque de moyens, que des mineurs sont en attente de placement et que cela les met en danger.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Oui, je le dis aussi !
M. Antoine Léaument
Côté face, vous dites dans le même entretien qu’il faut mettre des bracelets électroniques à des jeunes de 16 ans. Vous n’avez absolument aucune cohérence idéologique.
Il faut choisir : soit vous êtes dans une logique de protection des mineurs, auquel cas il faut agir pour défendre correctement les enfants ; soit vous suivez la logique du Rassemblement national, qui prône la punition permanente de tous – les mineurs et les parents. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et EPR.) Vous ressemblez d’autant plus au dieu aux deux visages qu’en 2021, vous manifestiez avec Alliance en affirmant que le problème de la police, c’était la justice, alors qu’aujourd’hui vous semblez avoir découvert que le problème de la justice, c’est le manque de moyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Enfin, madame Yadan, puisque vous voulez prendre des cours de droit, je vous conseille de réviser le droit international ! (Mêmes mouvements.)
M. le président
La parole est à M. Sacha Houlié.
M. Sacha Houlié
Monsieur le rapporteur, pour justifier votre disposition, vous avez pris deux exemples. Vous avez commencé par évoquer les femmes jihadistes rapatriées depuis la Syrie, situation qui concerne, en tout et pour tout, quinze femmes et trente-deux enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Vous avez ensuite pris l’exemple d’un parent qui aurait laissé son enfant de 11 ans sortir pendant les émeutes, notamment celles de juillet 2023. Selon le rapport d’information que le Sénat a consacré à ces émeutes, aucun mineur de 11 ans n’y a participé. (Mêmes mouvements. – Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
Mme Béatrice Roullaud
C’est faux !
M. Sacha Houlié
Sur les 3 500 personnes interpellées, on compte un seul mineur âgé de 12 ans. La moyenne d’âge des émeutiers se situait entre 17 et 18 ans.
J’en viens à la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice, que j’ai votée, pour ma part. Elle prévoyait l’engagement de 10,7 milliards d’euros de crédits en 2025. Or le projet de loi de finances pour 2025, qui a été adopté, ne prévoit que 10,44 milliards. Il manque donc 250 millions, qui feront défaut aux services judiciaires, notamment aux juridictions et à la PJJ. (M. Arthur Delaporte applaudit.)
Enfin, vous constatez probablement que la disposition actuelle n’est pas opérante, sinon vous ne chercheriez pas à la modifier.
M. Franck Riester
Eh oui !
M. Sacha Houlié
J’attends toujours une réponse quant à la corrélation entre la mesure que vous proposez et les causes de la délinquance des mineurs. Vous n’avez pas répondu à ma précédente intervention. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Monsieur le président Houlié, je respecte toujours vos arguments, car je sais que vous travaillez sur les textes de manière approfondie. Nous pouvons avoir des désaccords sur le fond, mais nos échanges s’appuient toujours sur des arguments.
Néanmoins, si vous entendez convoquer la vérité, il n’est guère raisonnable de remettre en cause les propos du rapporteur sur les émeutes de 2023. Vous étiez président de la commission des lois lorsque je me suis rendu devant la commission, à votre invitation, pour en parler – vous aviez reçu ultérieurement le garde des sceaux de l’époque, Éric Dupond-Moretti. En tant que ministre de l’intérieur, je les ai vécues en étant jour et nuit aux côtés des services de police et de gendarmerie. Nous l’avons dit à plusieurs reprises : 70 % des 3 500 personnes interpellées étaient des mineurs. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe EPR. – M. Sacha Houlié interpelle le ministre d’État en lui montrant un document sur son écran d’ordinateur.)
Mme Sandra Regol
Oui, mais ils n’étaient pas âgés de 11 ans !
M. Nicolas Sansu
Dans les cordes, le ministre !
M. Emeric Salmon
Il est interdit de montrer des images dans l’hémicycle !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Monsieur le président Houlié, non seulement je n’ai pas une bonne vue, mais en plus, c’est souvent mauvais signe quand l’on commence à produire des documents établis par la commission que l’on a soi-même présidée !
M. Sacha Houlié
Il s’agit du rapport du Sénat !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
À votre demande, je vous ai même transmis le rapport de l’Inspection générale de la justice et de l’Inspection générale de l’administration, qui sont, vous en conviendrez, tout à fait indépendantes…
M. Ugo Bernalicis
Ça, franchement…
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…et à l’écoute du Parlement. Monsieur Bernalicis, je ne vous permets pas de critiquer ces hauts fonctionnaires courageux !
M. Ugo Bernalicis
Je me le permets ! Leur statut n’a pas été garanti ! (« Chut ! » sur les bancs du groupe EPR.)
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Il y avait une immense majorité de mineurs parmi les émeutiers, et plus de 30 % de ces mineurs avaient moins de 16 ans. Dans ma propre commune de Tourcoing, j’ai moi-même constaté que trois mineurs de 12 ans avaient été interpellés au bout de la troisième nuit pour avoir mis le feu à des bâtiments publics, notamment à une école publique dans le quartier de la Bourgogne.
M. Pouria Amirshahi
Mais il existe déjà des lois pour ça !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je tiens à votre disposition les procès-verbaux et les déclarations du procureur de la République de Lille. On doit pouvoir débattre de tout sans déformer la réalité ! Dans les émeutes de 2023, il y avait aussi et surtout, pour diverses raisons, une question de violence des mineurs – vous-même en conveniez à l’époque.
Comme tous les parlementaires qui ne veulent pas déformer la réalité mais regarder les choses telles qu’elles sont, j’ai vu de mes yeux…
M. Nicolas Sansu
Vous venez d’admettre que votre vue est mauvaise !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…des parents très courageux se mettre en danger pour aller chercher des mineurs qui incendiaient des magasins, des commissariats ou des écoles. Mais j’ai aussi vu des parents accompagner des mineurs, porter des jerricans d’essence ou piller des magasins de vêtements, par exemple à Marseille. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Les deux réalités coexistent. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Oui, je l’ai vu de mes yeux, car quand on est ministre de l’intérieur, on est, à une heure du matin, auprès des policiers pour regarder ce qui se passe dans les rues. J’ai pu observer ces faits grâce aux caméras de vidéosurveillance que le maire socialiste de Marseille a fait installer, et je l’en remercie. D’ailleurs tout le monde s’y met désormais – Mme Aubry, la maire de Strasbourg, et même le maire écologiste de Bordeaux. (Mêmes mouvements.) Les socialistes ouvrent désormais les yeux sur les caméras de surveillance, et c’est une très bonne chose.
M. Hervé Saulignac
Décidément, ce soir, vous adorez les socialistes !
Mme Sandra Regol
Vous n’êtes plus ministre de l’intérieur, mais de la justice !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Certains parents sont responsables et il convient de les aider, y compris à éduquer de leurs enfants ; d’autres sont irresponsables et doivent être sanctionnés. Méditez ces mots de bon sens : vous comprendrez alors pourquoi vous perdez systématiquement les élections. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR ainsi que sur quelques bancs des groupes DR et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Nicolas Sansu
Disent ceux qui perdent les élections !
Mme Elsa Faucillon
Vous avez défendu les policiers mais vous avez oublié les juges des enfants !
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Terlier, rapporteur
Je remercie M. le garde des sceaux d’avoir rétabli la vérité. Monsieur Houlié, vous avez remis en cause le fait que des mineurs âgés de 11 ans ont commis des infractions lors des violences de l’été 2023. Vous auriez mieux fait d’assister vous-même aux auditions menées pour préparer l’examen de ce texte, notamment à celle de la direction nationale de la police judiciaire. Malheureusement vous n’étiez pas présent, sinon vous auriez entendu ces chiffres. Je me permets de vous rendre la politesse, car je trouve votre position profondément désagréable. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
M. Ugo Bernalicis
Et vous ? Où étiez-vous quand d’autres collègues ont organisé des auditions ? Vous êtes présent à toutes les auditions ?
M. Jean Terlier, rapporteur
Monsieur Léaument, vous m’accusez de m’être ridiculisé en disant qu’une mère avait été condamnée sur le fondement de l’article 227-17 du code pénal parce qu’elle avait emmené son enfant en Syrie, c’est-à-dire sur un théâtre de guerre.
M. Antoine Léaument
Non !
M. Jean Terlier, rapporteur
Si vous aviez travaillé un peu, vous auriez lu le rapport de la commission des lois, et vous auriez appris que la Cour de cassation a rendu un arrêt le 20 juin 2018 à ce sujet. Ces cas-là existent donc bien et sont sanctionnés sur le fondement de l’article en question.
M. Antoine Léaument
Je n’ai pas dit qu’ils n’existaient pas !
M. Jean Terlier, rapporteur
Travaillez sur le texte, lisez le rapport de la commission, et tout ira bien ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Nicolas Sansu
Quel mépris, monsieur le rapporteur ! C’est honteux !
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 7, 9, 12, 20 et 31.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 190
Nombre de suffrages exprimés 188
Majorité absolue 95
Pour l’adoption 63
Contre 125
(Les amendements identiques nos 7, 9, 12, 20 et 31 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Discussion, selon la procédure d’examen simplifiée, du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif à l’apprentissage transfrontalier ;
Discussion, selon la procédure d’examen simplifiée, du projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du grand-duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et la fortune ;
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 13 février 2025, à zéro heure dix.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra