Première séance du jeudi 06 février 2025
- Présidence de Mme Nadège Abomangoli
- 1. Renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Philippe Gosselin et plusieurs de ses collègues visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte (nos 693, 864).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Philippe Gosselin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Sept semaines après le passage du cyclone Chido, et quelques jours après l’adoption du projet de loi d’urgence pour Mayotte par l’Assemblée nationale puis le Sénat, nous sommes de nouveau réunis pour évoquer la situation de l’archipel durement touché par cette catastrophe naturelle. Une fois encore, je voudrais, devant la représentation nationale, assurer les Mahorais de tout notre soutien.
J’adresse aussi un salut amical à Mansour Kamardine, ancien député de Mayotte, qui avait souligné, bien avant que d’autres le fassent, dans un rapport sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d’outre-mer, les risques qui pouvaient frapper Mayotte, et qui vient de publier, fort à propos, un livre sur le droit du sol à Mayotte, sujet dont nous débattons aujourd’hui même.
Le cyclone Chido est un révélateur et un catalyseur de la situation critique que connaît l’archipel. Nous pouvons nous réjouir de l’adoption de la loi d’urgence pour Mayotte, cependant nous restons sur notre faim. Elle apportera de premières réponses pour la reconstruction du département, mais ce texte demeure très incomplet, nous l’avons déjà dit, car il ne s’attaque pas à certaines difficultés, notamment les problèmes structurels dont fait partie la situation migratoire. Il faudra bien sûr un plan global. Cette proposition de loi a vocation à faire le lien entre le projet de loi adopté la semaine dernière et le projet de loi de refondation de Mayotte à venir qui intégrera, nous l’espérons, monsieur le garde des sceaux, beaucoup plus de mesures relevant du domaine régalien, sur l’ordre et la sécurité, mais aussi des dispositions économiques.
Plus que tout autre territoire de la République, Mayotte – ceux qui y sont allés le savent – est confrontée à une pression migratoire et démographique exceptionnelle. Elle nécessite une adaptation urgente de toutes nos politiques publiques.
Mayotte connaît une immigration massive, en provenance principalement des Comores – cet État un peu voyou, qui ne joue pas le jeu mais fait tout, au contraire, pour saturer le pays –, mais pas seulement. En effet, de nombreux migrants viennent de la région des Grands Lacs ou de l’Afrique australe, à travers des filières beaucoup plus agressives et très organisées. En raison de cette immigration, le département le plus pauvre de France connaît une croissance non maîtrisée de sa population. Selon l’Insee, la population de l’archipel est estimée à 320 000 personnes mais, en réalité, elle est sans doute plus proche de 380 000 ou 400 000 habitants – il faut avoir ces chiffres en tête ; plus de la moitié de cette population est étrangère, dont 87 % de nationalité comorienne, et un tiers des habitants sont en situation irrégulière. Voilà le tableau qu’il fallait dresser.
M. Thibault Bazin
Il a raison !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Cette crise migratoire se caractérise également par un nombre important de mineurs isolés, estimé en 2019 à plus de 4 000, mais qui augmente d’année en année.
La population de Mayotte a quadruplé de 1985 à 2017. Vous avez bien entendu : elle a été multipliée par quatre en trente ans ! Ce solde démographique s’explique par la forte natalité des mères étrangères qui représente désormais les trois quarts – j’y insiste – des naissances enregistrées dans le département. En 2023, 10 280 naissances y ont été dénombrées, ce qui en fait la première maternité de France et même d’Europe.
M. Philippe Juvin
C’est tout à fait vrai !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Le département pourrait même compter 760 000 habitants en 2050 si les flux n’étaient pas maîtrisés et demeuraient à la hauteur de ceux observés entre 2012 et 2017.
Les conséquences de ces évolutions migratoires et démographiques sont connues. Elles pèsent sur tous les aspects du quotidien de nos compatriotes : saturation de l’ensemble des services publics, les écoles ou l’hôpital en premier lieu, multiplication des habitats insalubres, les bangas ; on parle d’« habitat informel » pour désigner ces constructions qui forment en réalité des bidonvilles, qui représentent 40 % du total de l’habitat. Cela entraîne des dégradations de l’environnement et de l’insécurité. Comme l’ont dit Manuel Valls et d’autres, « l’immigration irrégulière et l’habitat illégal […] s’autonourrissent. »
Bien sûr, les causes des migrations sont multiples. Je n’oublie pas que Mayotte est un îlot de très relative prospérité qui ne peut qu’attirer dans un environnement bien pauvre. Cependant les perspectives d’accès à la nationalité française constituent un facteur indéniable d’attraction pour l’immigration irrégulière. C’est pour cela que la Droite républicaine veut que nous agissions. Oui, nous voulons des actes et pas simplement des paroles.
Mais revenons au droit du sol. Le droit du sol « simple » permet à un enfant né en France de deux parents étrangers, même en situation irrégulière, d’obtenir la nationalité française dès ses 13 ans, du seul fait d’être né et d’avoir résidé sur le sol français. L’intérêt est direct pour les parents : il s’agit d’obtenir un titre de séjour en qualité de parents d’enfants français, titre qui les protège de l’éloignement, c’est-à-dire d’une reconduite aux frontières, et peut ouvrir le bénéfice des prestations sociales.
Mme Marie-Christine Dalloz
C’est ça, le problème !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Une mission d’inspection interministérielle estimait en 2022 qu’en moyenne 1 600 mineurs deviennent français du fait du droit du sol, chaque année à Mayotte. Mais n’oubliez pas les parents : plus de la moitié des titres de séjour délivrés à Mayotte en 2022 l’étaient pour des parents d’enfants français. CQFD. Par comparaison, ce motif concerne 20 % des titres délivrés à La Réunion et 14 % en Guyane.
Ce constat a déjà conduit, en 2018, à adapter le régime du droit du sol à Mayotte, à travers l’« amendement Thani ». Selon l’article 2493 du code civil, modifié par la loi du 10 septembre 2018, un enfant né à Mayotte de parents étrangers ne peut acquérir la nationalité française « que si, à la date de sa naissance, l’un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois. »
Comme la modification de 2018 a été fort contestée et a fait beaucoup de bruit – je regarde vers la gauche de l’hémicycle –, je souhaite rappeler utilement que le Conseil constitutionnel a validé sans réserve ces dispositions, considérant qu’elles ne portaient atteinte ni au principe d’égalité ni à l’indivisibilité de la République. Le juge constitutionnel a très clairement souligné, au contraire, que les caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte, qui connaît des flux migratoires très importants, comme je l’ai rappelé, justifiaient au contraire de telles adaptations du droit de la nationalité. Cette jurisprudence est l’état du droit ; elle est également l’État de droit, auquel nous sommes très attachés.
Bien sûr, monsieur le garde des sceaux, une réforme constitutionnelle serait envisageable ; cependant, compte tenu du rapport de force politique, elle est fort improbable. Il nous paraît donc très important d’agir maintenant, plutôt que de le faire dans un avenir hypothétique.
L’urgence sociale et migratoire à Mayotte nous incite à aller plus loin. Je le répète, le cyclone Chido a été un révélateur et un catalyseur. La proposition de loi défendue par le groupe de la Droite républicaine dont nous débattons aujourd’hui prévoit, en premier lieu, que la condition relative au séjour régulier des parents de l’enfant s’applique, sauf exception, aux deux parents. Cette disposition – dont j’espère qu’elle sera suffisante, mais la question se pose encore – vise à prévenir les reconnaissances frauduleuses de paternité, sujet loin d’avoir été épuisé.
En deuxième lieu, l’article unique de la proposition de loi porte de trois mois à un an la durée minimale de résidence régulière exigée au moment de la naissance de l’enfant. Cette durée d’un an nous paraît proportionnée et conforme à l’article 73 de la Constitution, qui prévoit des adaptations de la loi pour certaines collectivités. On rappellera que l’allongement de ce délai a déjà été voté par le Parlement en décembre 2023, lors de la discussion de la fameuse loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. Si cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, c’est parce qu’il a jugé qu’il s’agissait d’un cavalier législatif, et non sur le fond. Une fois encore, soyons concrets et agissons.
En troisième lieu, la proposition de loi comporte une disposition de coordination qui tend à modifier l’article 2495 du code civil pour qu’il soit conforme aux nouvelles dispositions.
Nous sommes convaincus que cette proposition de loi, en alignant la législation sur les réalités démographiques et sociales de Mayotte tout en respectant les principes constitutionnels et les spécificités locales, permettra de restaurer un équilibre et de mieux contrôler les flux migratoires. Nul ne prétend, monsieur le garde des sceaux, qu’elle constitue l’alpha et l’oméga des politiques publiques, que c’est la solution absolue à toutes les questions posées par l’immigration. C’est une pièce d’un puzzle, une mesure attendue par nos concitoyens mahorais, qui sont des Français « à part à entière » et non « entièrement à part », pour paraphraser la formule d’Aimé Césaire. Nous la leur devons, et nous la devons à la République.
Ce texte répond à une demande forte des élus et de la population de Mayotte, qui subit des conséquences trop importantes dans leur quotidien, notamment dans l’accès aux services publics qui sont embolisés. Il y a urgence à agir. C’est ce qui nous réunit aujourd’hui, car chacun connaît la réalité. La Droite républicaine vous donne l’occasion de passer des paroles aux actes. Chiche ! Je vous invite à nous rejoindre. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et plusieurs bancs du groupe Dem. – Mme Naïma Moutchou applaudit également.)
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Ugo Bernalicis
Ministre de l’intérieur bis, faisant office de garde des sceaux !
M. Thibault Bazin
Respectez-le !
M. Fabien Di Filippo
Jaloux !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux
Je vous prie d’excuser mes quelques minutes de retard.
M. Fabien Di Filippo
Trois minutes !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux
Le débat sur l’accès à la nationalité, sur tout ou partie du territoire national, est important pour nos compatriotes mahorais et pour la France. À plusieurs reprises, je me suis exprimé personnellement en faveur de l’abolition du droit du sol à Mayotte, dans des conditions plus larges et plus claires que celles prévues par ce texte.
Je tiens à remercier le rapporteur pour son travail et sa connaissance fine de ce territoire magnifique qu’est Mayotte. Comme lui, je pense qu’à droit constant, des mesures peuvent être prises sans être censurées par le Conseil constitutionnel. Cependant, il faudra bien qu’un jour une réforme constitutionnelle prenne en compte les particularités de Mayotte, notamment pour l’accès à la nationalité.
M. Hervé de Lépinau
Chiche !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux
Face à cette situation, les gouvernements qui se sont succédé ont fait ce qu’ils ont pu. Depuis 2017, des moyens très importants ont été engagés, et les effectifs des forces de l’ordre ont été doublés. En 2023, avec plus de 25 000 reconduites à la frontière, le nombre de personnes expulsées a pour la première fois dépassé le nombre d’arrivées. De plus, 592 passeurs ont été interpellés et présentés devant la justice. L’opération Wuambushu s’est concentrée, quant à elle, sur le démantèlement des bangas et la lutte contre l’habitat illégal. Je regrette qu’elle ait été ralentie et limitée par des recours politiques et juridiques, malgré le fort soutien de la population mahoraise et le travail de la députée Estelle Youssouffa, infatigable défenseure de ce magnifique archipel. Sans doute y aurait-il eu moins de décès et de drames lors de l’épisode terrible de Chido si tout le monde avait été à l’unisson de l’action de l’État et de la demande des Mahorais. Les bons sentiments, surtout ceux qui sont exprimés depuis l’Hexagone, ne font pas toujours de la bonne politique.
Aucun territoire de la République n’aurait accepté ce que vit Mayotte. L’immigration irrégulière empêche l’accès à l’égalité républicaine, à la liberté, à la fraternité et au travail collectif des services publics de l’État et des collectivités locales, dont je salue le courage.
Mme Léa Balage El Mariky
Il n’est pas ministre de l’intérieur !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Dans le domaine de la santé, sur les 10 000 naissances au moins qui ont lieu chaque année, les trois quarts des mères sont de nationalité étrangère ; en matière d’éducation, les maires de tous bords réclament, fait inédit, l’arrêt de la construction des écoles, dont les bâtiments sont pourtant financés à 100 % par l’État – nous l’avions bien vu avec Philippe Vigier, lorsque ce dernier était chargé des outre-mer à mes côtés.
Sur ce territoire, où l’intégration est quasiment impossible, prospèrent l’habitat et l’économie informels, à quoi s’ajoute – il faut bien reconnaître – la pratique frauduleuse de fausses reconnaissances en paternité, avec la complicité d’une part, certes minime, de la société mahoraise. À cet égard, la dernière loi « immigration », que nous avons été nombreux à voter, a non seulement criminalisé l’activité de passeur, désormais passible d’une peine allant jusqu’à vingt ans d’emprisonnement, mais elle a également donné à la police judiciaire et aux tribunaux les moyens de condamner la production de faux certificats de paternité – je pense à certains cas de reconnaissance de quatre-vingt – voire quatre-vingt-dix – enfants par père.
Nous devons construire de nouvelles infrastructures à Mayotte : un nouvel aéroport et un hôpital à l’extérieur de Mamoudzou, ainsi que des autoroutes, des routes et des transports fluviaux. L’économie agricole doit se développer et l’égalité sociale progresser, afin d’aligner la situation de l’archipel sur celle du territoire national.
Bien sûr, Mayotte ne se définit pas seulement par la question migratoire, mais cette dernière empêche le bon fonctionnement des institutions, obérant son avenir dans la République. Depuis l’adoption de la loi du 10 septembre 2018, dite loi Collomb, une première adaptation a été introduite dans le droit de la nationalité à Mayotte. Actuellement, les enfants nés à Mayotte de parents étrangers ne peuvent acquérir la nationalité française que si l’un des deux parents réside en France de manière régulière et ininterrompue depuis au moins trois mois avant la naissance. À l’époque, le ministre d’État Gérard Collomb avait souhaité prendre cette disposition en raison de l’arrivée en kwassa-kwassa de femmes enceintes ou de parturientes, qui accouchaient dans les bateaux ou sur la plage, mettant en danger leur vie et celle de leur bébé. En échange de quelques centaines d’euros payés aux passeurs, l’accès à la nationalité française de l’enfant, et donc des parents, était garanti. Si les dispositions de la loi Collomb sont efficaces, elles ne le sont pas au point d’avoir réglé la situation migratoire.
En réalité, trois quarts des bébés nés chaque année à l’hôpital de Mamoudzou – qui n’est pas le seul lieu de naissance –, ont une mère de nationalité étrangère, et près de la moitié ont deux parents étrangers. De plus, les sapeurs-pompiers aident à l’accouchement de plus de 1 000 enfants en dehors de la maternité, ce qui fait de Mayotte le deuxième département où l’on naît le plus, après la Seine-Saint-Denis.
M. Jean-Paul Lecoq
Heureusement qu’ils sont là pour soutenir la natalité !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Il est évident qu’en raison de son attractivité, le système est saturé. C’est insoutenable. L’organisation du système de soins, qui connaît des défaillances profondes et anciennes, ne peut prendre en charge tous les Mahorais et les étrangers qui en ont besoin.
La République a parfois été incohérente à Mayotte.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Parfois, oui.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
L’archipel est français depuis plus longtemps que le comté de Nice et la Savoie, par la volonté du peuple, exprimée en deux référendums, mais le droit du sol n’y est appliqué que depuis la loi du 22 juillet 1993. Peut-être était-ce une erreur, mais nous ne sommes pas là pour juger nos prédécesseurs.
Mme Dominique Voynet
L’erreur a été d’en faire un département !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Aujourd’hui, le ministre de l’intérieur, le ministre des outre-mer Manuel Valls et moi-même sommes particulièrement mobilisés sur le sujet. Le texte que nous examinons ce matin vise à modifier l’article 2493 du code civil – ce qui explique ma présence – afin d’allonger la condition de durée de résidence régulière sur le territoire national des parents à un an minimum avant la conception de l’enfant, contre trois mois actuellement. En exigeant la régularité du séjour des deux parents, et non plus d’un seul, il permettra également de porter un coup sévère aux reconnaissances frauduleuses de paternité.
Ces mesures ne régleront évidemment pas tous les problèmes…
Mme Léa Balage El Mariky
Elles ne changeront rien !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Une réforme constitutionnelle sera nécessaire pour mettre fin au double droit du sol qui s’applique aux enfants nés à Mayotte d’au moins un parent également né en France. Nous en reparlerons. En attendant, le texte s’inscrit pleinement dans l’équilibre souhaité par le Conseil constitutionnel, notamment dans sa décision du 6 septembre 2018, qui a expressément reconnu que Mayotte présentait des caractéristiques et des contraintes particulières justifiant une adaptation du droit de la nationalité. Il a alors admis qu’il était possible de moduler les conditions d’accès à la nationalité française sur ce territoire, dès lors que les mesures étaient limitées, adaptées et proportionnées. C’est ce que nous avons voulu faire il y a un an, quand le Parlement a voté la loi « immigration ». Si cette disposition a été censurée, alors qu’elle avait été proposée par le rapporteur Olivier Serva – qui ne compte pas parmi les soutiens du gouvernement –, c’est parce qu’elle était un cavalier législatif, comme M. le rapporteur l’a rappelé. La délégation aux outre-mer, qui n’était pas totalement favorable au texte et à notre majorité, l’avait adoptée. Il s’agit donc d’une disposition de bon sens, pour laquelle je salue le travail du rapporteur et du groupe Droite républicaine.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Un travail collectif !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
L’unanimité doit pouvoir se trouver sur ces bancs pour répondre aux difficultés de nos compatriotes mahorais. Ces derniers ont besoin de notre aide ; nous devons voir les choses telles qu’elles sont, et non pas comme elles devraient être. C’est cela qui marque la différence entre les gens responsables et ceux qui s’expriment par incantations. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe Dem. – M. le rapporteur applaudit également.)
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à M. Ian Boucard.
M. Ian Boucard
Le groupe de la Droite républicaine et son président Laurent Wauquiez soutiendront ce premier texte de notre niche parlementaire, qui illustre notre attachement aux outre-mer et à l’archipel de Mayotte, particulièrement touché par l’immigration irrégulière – plus de trois naissances sur quatre y ont lieu au sein de la population immigrée.
À ceux qui invoqueront l’humanisme pour rejeter la mesure proposée, je répondrai que ce dernier doit d’abord s’appliquer à nos compatriotes mahorais. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Thibault Bazin
Il a raison !
M. Ian Boucard
Ces derniers subissent la surpopulation et la pression démographique qui ont des conséquences en termes de logement, d’éducation et de sécurité. Tous ceux qui se sont intéressés à la question mahoraise savent que le règlement de la question migratoire est le principal enjeu.
Mme Léa Balage El Mariky
Cela ne résout rien !
M. Ian Boucard
Monsieur le ministre, vous avez eu raison de lancer l’opération Wuambushu, soutenue par la droite dès le début et sans aucune réserve. Ceux qui s’y sont opposés par des recours ont eu tort. Notre groupe, avec Laurent Wauquiez, soutiendra évidemment ce texte. Nous appelons à une large mobilisation pour faire avancer la question mahoraise. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. Thibault Bazin
Excellent !
Mme la présidente
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet
Il n’aura fallu que deux jours, à la suite du passage de Chido, pour que la droite et l’extrême droite refassent de l’immigration leur bouc émissaire, la tenant pour responsable de la détresse dans laquelle est plongée Mayotte.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
La proposition de loi a été déposée avant le cyclone, le 3 décembre !
Mme Dominique Voynet
Les pluies et les vents extrêmes ont tout détruit sur cette île qui souffre, depuis des années, d’un sous-investissement chronique et de l’impréparation de l’État face aux catastrophes liées au dérèglement climatique. Depuis, tous les habitants de Mayotte, en situation régulière ou non, sont confrontés à une dure réalité. Cette situation devrait nous appeler à la raison, nous inciter à éviter tout débat inopportun et nous pousser à la mise en place de solutions immédiates et concrètes pour l’hébergement d’urgence et la reconstruction des écoles, ainsi que la réhabilitation des réseaux d’eau et d’assainissement. Deux mois après le passage de Chido et de Dikeledi, alors que nous ne disposons toujours pas d’un bilan humain exhaustif et concret, et que nous avons voté un maigre projet de loi, qui n’a d’urgence que le nom, les habitants de Mayotte restent démunis.
Mme Estelle Youssouffa
Et les Français aussi ! C’est incroyable !
Mme Dominique Voynet
Dans ce contexte, le gouvernement, ainsi que le reste de la droite et de l’extrême droite, tentent de déplacer la focale : comme d’habitude, ils s’en prennent à l’immigration, tenue pour responsable de la situation misérable de Mayotte. Plus un mot sur l’urgence ; sur la nécessité d’assurer l’accès à l’eau, aux soins et aux services publics ; sur la réhabilitation des infrastructures, notamment des logements ou des écoles ; et sur le nombre de disparus. Pour certains, l’émotion n’aura duré que quelques semaines ; pour d’autres, quelques heures.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Allons donc !
M. Thibault Bazin
Vous n’avez pas écouté !
Mme Dominique Voynet
Depuis, c’est immigration, immigration, immigration !
M. Thibault Bazin
Mais non…
Mme Dominique Voynet
Au plus haut niveau de l’État, on reprend les formules chocs et choquantes de l’extrême droite. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.) Plutôt que d’assumer ses responsabilités, on fait diversion et, pour cela, on n’a rien trouvé de mieux que l’immigration. La droite s’est dit qu’il serait de bon ton de mettre en première position de sa niche un texte qui s’en prend au droit du sol, pour restreindre toujours plus l’accès à la nationalité française à Mayotte.
Cet examen aura au moins un avantage : il devrait permettre de clarifier les sottises entendues lors du débat en commission. Non, la moitié de la population de Mayotte n’est pas en situation irrégulière !
M. Thibault Bazin
Ce n’est pas ce qui a été dit !
Mme Dominique Voynet
Si, une parlementaire l’a affirmé en commission.
M. Jean-François Coulomme
Quelle honte !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
C’est un tiers ! Prenez les vrais chiffres : vous avez dirigé l’agence régionale de santé de Mayotte !
Mme Dominique Voynet
Non, il ne suffit pas de mettre un enfant au monde à Mayotte pour bénéficier d’aides sociales. Non, monsieur le ministre – on a le sentiment que vous êtes encore davantage celui de l’intérieur que celui de la justice – non, il ne suffit pas qu’un enfant accède à la nationalité par le droit du sol pour que ses parents deviennent eux aussi français.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Il n’a pas dit cela !
Mme Dominique Voynet
Vous l’avez dit deux fois au cours de votre intervention. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Il faut revenir à la vérité des chiffres. Le droit du sol est déjà très restreint à Mayotte.
Mme Frédérique Meunier
Regardez les chiffres !
Mme Dominique Voynet
Il l’a été par la loi du 10 septembre 2018. Depuis plus de six ans, il faut, pour qu’un enfant devienne français à Mayotte, qu’au moins l’un de ses parents ait résidé sur le territoire mahorais de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, de manière ininterrompue depuis plus de trois mois. Un minimum de sérieux parlementaire devrait nous conduire, avant d’adopter une nouvelle mesure, à évaluer d’abord l’efficacité et les conséquences des mesures adoptées en 2018. Il est assez étonnant que cette demande ait été repoussée par votre commission, alors que le Sénat l’a également formulée à plusieurs reprises, notamment en 2021, à travers le rapport d’information rédigé, entre autres, par François-Noël Buffet et Thani Mohamed Soilihi.
Les quelques données dont nous disposons nous permettraient de montrer que ce n’est pas pour devenir français que l’on vient à Mayotte. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN, DR et UDR.)
M. Philippe Gosselin, rapporteur
C’est un des éléments : ce n’est pas le seul, mais c’en est un. Ouvrez les yeux !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Quelle déconnexion…
M. Fabien Di Filippo
Vous êtes complètement hors-sol !
Mme Dominique Voynet
C’est pour manger à sa faim ; c’est pour accéder à des soins médicaux de base ; c’est pour envoyer ses enfants à l’école ; c’est pour travailler, même clandestinement, sur des chantiers, dans des champs, en étant exploité pour 100 à 200 euros par mois. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
Voilà ce qui se passe à Mayotte. Et vous voulez adopter une mesure qui est indécente, qui ne respecte pas les valeurs de la France…
Mme Frédérique Meunier
Vous êtes ridicule !
Mme Dominique Voynet
…et qui n’aura aucune efficacité en matière de maîtrise de l’immigration. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) La réalité, c’est que vous faites de l’idéologie, parce que vous êtes incapables d’être efficaces sur le terrain ! (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Les députés du groupe EcoS applaudissent cette dernière.)
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Vous, vous avez été très efficace, manifestement !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Très, très mauvais !
Mme la présidente
Chers collègues, je vous invite à rester calmes, car vos interruptions allongent la durée des interventions.
M. Fabien Di Filippo
C’est une tactique : c’est de l’obstruction !
Mme la présidente
La parole est à Mme Blandine Brocard.
Mme Blandine Brocard
Aujourd’hui, nous parlons de Mayotte. De ses habitants, de ses défis, de ses souffrances – et j’ai une pensée toute particulière pour nos compatriotes, frappés par ce terrible cyclone –, mais aussi des espoirs que Mayotte place en nous, législateurs. Mayotte, c’est ce bout de France dans l’océan Indien, un territoire trop souvent oublié, mais qui porte sur ses épaules des enjeux d’une ampleur colossale.
Depuis des décennies, cette île fait face à une pression migratoire et démographique sans commune mesure avec ce que nous connaissons dans l’Hexagone. Imaginez : en 2020, trois enfants sur quatre nés à Mayotte avaient au moins un parent étranger. Trois enfants sur quatre ! Ce n’est pas un simple chiffre, c’est une réalité quotidienne qui met à genoux les écoles, les hôpitaux, les services publics et les logements – qui n’en sont pas.
Mme Céline Thiébault-Martinez
Quel est le rapport ?
Mme Blandine Brocard
Et cette pression ne cesse de croître, comme l’Insee nous le dit clairement. À l’horizon 2050, Mayotte pourrait compter jusqu’à 760 000 habitants, ce qui représenterait un doublement de sa population en un peu moins de trente ans – ne vous en déplaise, chers collègues de gauche. Nous ne pouvons pas continuer à détourner les yeux. Nous ne pouvons pas laisser nos compatriotes mahorais affronter seuls cette situation.
M. Thibault Bazin
Elle a raison !
Mme Blandine Brocard
La proposition de loi que nous examinons apporte une réponse. Elle n’est pas parfaite, elle n’est pas suffisante, mais elle est nécessaire. Elle vise à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte. D’abord, en exigeant que les deux parents, et non plus un seul, remplissent les conditions de résidence régulière. C’est une mesure forte, qui vise à réduire des mécanismes d’attractivité migratoire bien identifiés sur le terrain. Mais, comme je l’ai dit en commission, cette disposition soulève des questions. Que fait-on, par exemple, pour les enfants dont un parent est absent ou décédé ? Ne risque-t-on pas d’introduire des inégalités ? Ces interrogations sont légitimes, et nous attendons des réponses pour garantir la solidité de ce texte. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir avancé sur ce sujet, comme vous vous y étiez engagé en commission.
Ensuite, cette proposition tend à allonger la durée de résidence nécessaire pour les parents, passant de trois mois, une durée manifestement trop courte, à un an. Ce n’est pas excessif, ce n’est pas insurmontable. C’est une étape raisonnable, proportionnée, et adaptée aux défis spécifiques auxquels est confrontée Mayotte.
Enfin, le texte clarifie les règles administratives, en exigeant que les actes de naissance des enfants concernés mentionnent explicitement la régularité du séjour des parents. Cela peut sembler anodin mais, pour les autorités locales, c’est un outil indispensable pour mieux appliquer la loi. J’ai constaté, lors de mon déplacement à Mayotte en mai dernier, que cela faisait partie des attentes des Mahorais.
Chers collègues, il ne s’agit pas de simples données ou de considérations techniques. Il s’agit de vies humaines, des réalités que vivent nos compatriotes et de l’avenir de Mayotte. Les Mahorais vivent une situation que beaucoup, ici, auraient du mal à imaginer : des écoles surchargées, des logements plus que précaires, une insécurité qui gangrène les relations sociales. Quand on parle de pression migratoire, ce n’est pas une abstraction. Que ceux qui sont pleins de bons sentiments aillent voir la réalité : c’est une femme qui accouche sous une tente, faute de place à l’hôpital…
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Tout à fait !
Mme Blandine Brocard
…c’est un enfant qui n’a pas de place en maternelle ; c’est une famille qui s’entasse à dix dans un endroit insalubre ; c’est un père qui, lorsque son fils part à l’école le matin, ne sait pas s’il va revenir.
Ce texte, je le répète, n’est qu’une première pierre. Il ne réglera pas tout, mais il envoie un signal aux Mahorais : nous avons entendu leur cri et nous ne les laissons pas seuls face à ces défis.
Je tiens aussi à souligner ce que cette proposition de loi n’est pas : elle ne touche pas au droit du sol. (« Si ! » sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Nous ne remettons pas en cause un principe fondamental de notre république ; nous adaptons simplement les conditions d’accès à la nationalité à une réalité territoriale exceptionnelle.
M. Jean-François Coulomme
Voilà votre prétexte !
Mme Blandine Brocard
Mais, en tant que législateurs, nous avons une responsabilité immense : trouver cet équilibre, fragile, entre fermeté et justice, entre efficacité et respect de nos valeurs. Et c’est bien ce que propose ce texte.
Pour toutes ces raisons, le Modem soutiendra cette proposition de loi, sous réserve que sa rédaction finale garantisse sa parfaite conformité constitutionnelle. Nous devons être rigoureux et ambitieux, mais surtout, nous devons être à la hauteur des attentes des Mahorais qui, eux, n’ont plus le luxe d’attendre. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Naïma Moutchou.
Mme Naïma Moutchou
Mayotte est en train de s’effondrer sous le poids de l’immigration clandestine et, pendant ce temps, pendant que les Mahorais luttent pour s’en sortir, certains ici veulent jouer la montre. Ils se reconnaîtront, puisqu’ils sont les auteurs d’une soixantaine d’amendements hors sujet…
M. Ian Boucard
Tout à fait !
Mme Naïma Moutchou
…qui visent à faire de l’obstruction pour tenter de retarder l’inévitable, à savoir un débat clair et un vote responsable. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. le rapporteur applaudit également.) Mon intervention sera brève, car je souhaite que nous puissions avancer : nous le devons aux Mahorais.
Pendant que certains théorisent, les Mahorais, eux, subissent. Pendant que certains s’accrochent à des principes figés, refusant de voir qu’ils ne tiennent plus face au réel…
M. Pierre Pribetich
Ce sont les principes de la République !
M. Ian Boucard
Nous les défendons aussi, les principes de la République !
Mme Naïma Moutchou
…les Mahorais, eux, se heurtent quotidiennement à l’explosion de l’insécurité, à la saturation des services publics et à la pression migratoire qui transforme leur île en poudrière. L’hôpital croule sous les urgences, les écoles débordent, l’accès à l’eau et à l’électricité devient un combat quotidien, Mayotte ne tient plus. Nous devons regarder et dire la vérité sans sourciller : le droit du sol, dans sa forme actuelle, n’a plus aucun sens à Mayotte. Il n’est plus un principe républicain ; il est devenu un instrument de pression. L’immigration clandestine est organisée, instrumentalisée et exploitée pour faire basculer le territoire. L’accès à la nationalité nécessite dès lors d’être durci.
Combien de temps allons-nous accepter que des citoyens français soient piégés dans un territoire où la démographie est hors de contrôle ? Ce qui est inhumain, c’est de s’accommoder du pire, de la misère et du désordre, sous le prétexte du dogme, pour ne rien corriger, ne rien atténuer, laisser faire et donc ne rien faire.
Avec mon groupe, nous avons fait notre choix. Le rapporteur l’a dit : ce texte n’est pas une fin en soi, il nous faudra construire un grand plan pour sauver Mayotte et redresser le territoire, mais ce texte est un premier pas nécessaire. Nous le voterons, parce que refuser d’agir, c’est abandonner Mayotte. Je m’adresse à ceux qui multiplient les manœuvres dilatoires : ayez le courage d’assumer vos responsabilités, retirez vos amendements et laissez la République protéger ses citoyens. Vive la République et vive Mayotte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs des groupes DR. – M. le rapporteur applaudit également.
M. Thibault Bazin
Excellent !
M. Fabien Di Filippo
C’est elle qui devrait présider Horizons, elle est bien meilleure qu’Édouard Philippe !
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa
Merci à Naïma Moutchou pour ses mots. Je souhaite d’emblée rappeler ma position sur le droit du sol à Mayotte. Je demande son abrogation, mais uniquement à Mayotte. Il ne s’agit pas de remettre en cause le droit du sol dans l’Hexagone. Depuis plus de dix ans, Les Républicains défendent cette idée pour Mayotte, et le président Macron l’a lui-même évoquée, par la voix de son ministre de l’intérieur de l’époque, M. Gérald Darmanin, ici présent. Pour ma part, j’ai déposé, en octobre, une proposition de loi constitutionnelle en ce sens.
Mes chers collègues, il faut regarder la situation de Mayotte en face et ne pas l’utiliser pour alimenter vos peurs, vos postures et vos joutes de salon. Je sais que cela va être dur, mais vous allez y arriver.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Certains vont devoir se forcer !
Mme Estelle Youssouffa
Je vous demande le courage de regarder la situation pour ce qu’elle est et d’agir en conséquence : Mayotte se trouve dans une situation migratoire catastrophique, sans équivalent en France, mais comparable à celle de Lampedusa et de Lesbos. Mayotte est revendiquée par un pays voisin, l’Union des Comores, qui conteste la souveraineté française et instrumentalise les flux migratoires. Il s’agit, en l’espèce, d’une attaque hybride, consistant à pousser des milliers de personnes à franchir la frontière, pour asphyxier nos infrastructures et faire peser un risque sur l’intégrité territoriale de la France. C’est le sujet qui nous occupe et qu’à gauche, on semble toujours oublier.
Mayotte subit un détournement massif du droit du sol, devenu un outil d’ingérences étrangères pour mettre fin à la souveraineté française sur notre archipel. Historiquement, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le droit du sol n’existait pas à Mayotte : il y a été introduit en 1993. Son introduction a facilité la venue de nombreuses femmes enceintes, dont 74 % sont étrangères, et 67,6 % comoriennes. C’est cela, la natalité à Mayotte : une natalité étrangère à 74 % ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) En 2023, l’Insee recense ainsi plus de 10 000 naissances sur l’île, pour un taux de fécondité de 4,5 enfants par femme, le plus élevé de France. Mais ce n’est pas une natalité française : c’est une natalité issue de l’immigration.
M. Jean-Pierre Taite
Vous entendez, madame Voynet ?
Mme Estelle Youssouffa
Il faut le savoir, les enfants sont utilisés à Mayotte comme des passeports, puisque lorsqu’un enfant naît sur l’île, lui et ses parents deviennent presque inexpulsables jusqu’à sa majorité. Dans la pratique, la venue d’un enfant garantit à sa famille des titres de séjour et, in fine, la nationalité. Selon la préfecture de Mayotte, 85 % des titres de séjour délivrés ou renouvelés relèvent de l’immigration familiale – contre 38 % en métropole ; 46 % de ces titres concernent des parents d’enfants potentiellement français – contre 5 % dans le reste du pays ; 37 % sont liés à des liens privés et familiaux, contre 14 % pour l’ensemble du territoire national. En clair, à Mayotte, pour être régularisé, il faut faire des enfants. Vous y verrez certainement un lien avec l’explosion démographique que connaît notre département.
Nous assistons à un renversement démographique qui met en péril la souveraineté française. Les Comores, lesquelles, je le répète, n’ont pas renoncé à Mayotte, coordonnent désormais, avec le soutien de la Russie et de l’Azerbaïdjan, l’arrivée de demandeurs d’asile venus du continent africain ! En 2018, vous l’avez rappelé, notre assemblée a restreint l’application du droit du sol à Mayotte, exigeant trois mois de présence régulière pour au moins l’un des parents : reste que cette mesure, validée par le Conseil constitutionnel en vertu de l’article 73 de la Constitution, commencera à produire ses effets en 2031 ! Quant au texte de notre collègue Gosselin, certes positif, il est moins-disant :…
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Dans le cadre juridique actuel !
Mme Estelle Youssouffa
…je voterai en sa faveur, mais cela ne réglera pas la question de fond. Il nous faut des mesures radicales, à la hauteur du problème. Le temps des demi-mesures est révolu : Mayotte n’en peut plus.
Nous ne sommes pas dupes : beaucoup, dans le cadre de luttes partisanes, se servent de notre île comme d’un épouvantail. La réalité est qu’une population entière vit dans la crainte, que nos services publics sont asphyxiés, que la violence a explosé, que le cyclone Chido n’a fait qu’aggraver encore l’extrême tension sociale : arrivée quotidienne d’embarcations chargées de migrants, occupation de bâtiments publics par des réfugiés. Les accusations de xénophobie que j’ai pu entendre sont indécentes envers les Mahorais, mêlés de plus de 50 % d’étrangers ; indécentes également si l’on considère que les gouvernements successifs refusent de supprimer le visa territorialisé…
M. Jean-Paul Lecoq
Le visa « Balladur » !
Mme Estelle Youssouffa
…et d’appliquer à Mayotte la circulaire du 31 mai 2013, dite Taubira, concernant la prise en charge des mineurs étrangers isolés.
Si le droit du sol pose problème, il s’agit avant tout d’empêcher les entrées irrégulières, de protéger notre frontière,…
Mme la présidente
Merci de conclure, madame Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa
…de matérialiser le rideau de fer promis, en mobilisant la marine nationale, en implantant des radars qui fonctionnent, en suspendant la délivrance de permis de séjour et l’examen des demandes d’asile – n’oublions pas que les services compétents ont eux-mêmes souffert du cyclone. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et UDR. – Mme Dieynaba Diop et M. le rapporteur applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Davy Rimane.
M. Davy Rimane
Par une manœuvre grossière, le groupe Droite Républicaine tente de réécrire l’histoire et prétend que celle de Mayotte ne remonterait pas plus loin que son rattachement à la France, nation mère qui non seulement aurait pacifié, unifié, développé l’île, mais chercherait désormais à la préserver d’une submersion migratoire planifiée. Qu’il est facile, pour nombre d’entre vous, de flatter votre bonne conscience coloniale (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS. – Exclamations sur les bancs des groupes RN, DR et UDR)… Calmez-vous, collègues, j’y arrive ! De flatter, disais-je, votre bonne conscience coloniale en répétant à l’envi que Mayotte est devenue française en 1841, dix-neuf ans avant Nice et la Savoie !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
C’est vrai !
M. Davy Rimane
Mais, alors que Niçois et Savoyards étaient d’emblée citoyens français à part entière, les Mahorais, eux, restaient des indigènes dénués de tout droit politique, ne devenant français qu’en 1946, soit quatre-vingt-six ans – presque un siècle – plus tard. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.) Ce n’est encore pas pour autant que citoyenneté s’est soudainement mise à rimer avec égalité.
Il est question aujourd’hui, dans le débat public, de submersion, d’assimilation, de grand remplacement. Relisez l’histoire : ce sont la France et l’Europe qui, par l’exploitation, la violence et le travail forcé, ont pratiqué la submersion d’autres territoires, avant de se draper dans une indignation victimaire face au choc en retour ; ce sont elles qui ont pratiqué une forme de grand remplacement, dont les conséquences sur les peuples autochtones demeurent incontestables. (Mêmes mouvements.) Derrière la question du droit du sol, qui ne se pose pas, soit dit en passant, là où la société française est encore préservée de la multiculturalité, reparaît le concept fumeux d’assimilation, consistant à nier l’enracinement et à prôner l’effacement.
M. Jean-Paul Lecoq
Excellent !
M. Davy Rimane
Le sujet migratoire à Mayotte, à propos duquel le ministre des outre-mer a employé un verbe révélateur, « nécroser », témoigne ainsi d’un racisme colonial qui a fait la preuve de sa résilience et qui a encore de beaux jours devant lui. J’en veux pour preuves la volonté de privilégier l’immigration européenne, la politique de retours forcés qui a succédé aux décolonisations, l’intention assumée du ministre de l’intérieur d’ériger des frontières entre Français de souche et Français de papier. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) À vous écouter, les problèmes que connaît l’île ne résulteraient ni du sous-investissement ni du sous-développement, mais d’une complaisance en matière d’accès à la nationalité française !
Nous entendrons certainement beaucoup, aujourd’hui, dans cet hémicycle, les termes de République, de principes républicains, d’idéaux républicains. Aucun de leurs trois fondements ne s’est pourtant jamais appliqué à Mayotte – ni la liberté, ni l’égalité, ni la fraternité. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS. – M. Aurélien Taché applaudit également.)
M. Jean-Paul Lecoq
C’est vrai !
M. Davy Rimane
Comment nous satisferions-nous de vous entendre crier sur les toits que Mayotte a toute sa place dans le giron de la République, tandis que vous refusez constamment que les principes de cette même République s’y appliquent de plein droit ? À vous croire, la réponse ne serait ni économique, ni sociale, ni diplomatique, ni régalienne, mais démagogique et presque méprisante à force de paternalisme : vous supposez qu’en mutilant un peu plus le droit du sol dans le seul territoire français où il est déjà restreint, vous verrez les kwassa-kwassa faire subitement demi-tour. Depuis 2018, le nombre d’enfants nés à Mayotte de parents étrangers n’a pourtant pas diminué : en 2022, celui des nouveau-nés ayant une mère étrangère était même supérieur de 14 % au chiffre de 2018.
Plutôt que de révéler l’ampleur des inégalités sociales et économiques que la France fait sciemment peser sur Mayotte, la proposition de loi de M. Gosselin ramène tous les malheurs de l’île à la question migratoire.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
On n’a jamais prétendu que c’était la seule !
M. Davy Rimane
Si le seul spectacle qui vous paraisse souhaitable est celui de charters en route vers l’Afrique,…
Mme Frédérique Meunier
Nous n’avons jamais dit ça ! Hors sujet !
M. Davy Rimane
…les prochains que vous affréterez seront-ils destinés à ceux qui, de près ou de loin, constituent un obstacle sur la route de la préférence nationale, que ce pays ambitionne ouvertement d’emprunter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.) Par ma voix, celle d’un député français… de papier, nous exprimons notre opposition constante à tout texte dont émanent les relents racistes, xénophobes, de l’extrême droite et de la droite extrême ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bernard Chaix.
M. Bernard Chaix
Au moment de débuter mon propos, je ne peux qu’avoir une pensée pour nos compatriotes mahorais, dont certains, depuis mi-décembre, sont toujours privés de toit, d’eau potable, de vivres en quantité suffisante. Au nom du groupe UDR, je leur adresse l’expression de notre plus sincère solidarité : ils méritent que nous la leur prouvions en répondant réellement, pour une fois, à leurs appels, au désespoir suscité par une situation doublement dramatique.
Mayotte, collègues de la gauche et de l’extrême gauche, c’est cette France du bout du monde que vous ne pouvez comprendre…
Mme Elsa Faucillon
Dire ça à Davy Rimane, qui vient de Guyane, c’est une bonne blague !
M. Bernard Chaix
…car son amour de notre nation, son choix réitéré, dès 1848, puis en 2009, d’une appartenance pleine et entière à la République, heurte vos préjugés, votre clientélisme sournois. La question qui se présente à nous est la suivante : au sein de cette assemblée, à Paris, en métropole, sommes-nous à la hauteur de la belle Mayotte, du patriotisme extraordinaire des Mahorais, de l’attachement et de la confiance sans faille qu’ils vouent à la France ? Le sommes-nous quand le président de la République, fidèle à sa morgue, traite avec mépris les victimes du cyclone et disparaît après une visite au pas de course ? quand Mme Borne, fidèle à elle-même, tourne le dos à des professeurs qui lui faisaient part de leur détresse ? De telles anecdotes sont éloquentes.
Comment mettre un terme à cet insupportable mépris, qui blesse profondément les Mahorais ? En écoutant enfin leur voix, leurs revendications légitimes, parmi lesquelles, en premier lieu – car c’est la mère de toutes les batailles –, la fin de la submersion migratoire de leur île, phénomène dont M. le premier ministre a reconnu qu’il ne pouvait être contesté.
Mme Dieynaba Diop
C’est vraiment honteux !
M. Bernard Chaix
Depuis 2019, selon l’Insee, la majorité des habitants de Mayotte est étrangère ; les trois quarts des naissances, au moins, y proviennent de l’immigration comorienne. Cette situation terrifiante déstabilise l’île socialement et économiquement, mais aussi d’un point de vue environnemental : des bidonvilles remplacent peu à peu la mangrove et le lagon, l’un des plus beaux du monde, se meurt, symboles terribles du sort qui attend Mayotte si nous n’y déterminons pas un changement complet. Or les clandestins qui gagnent ses rivages le font quasi exclusivement dans l’espoir d’acquérir, pour eux-mêmes ou leurs enfants, la nationalité française : logiquement, afin de les décourager, il convient de supprimer cette perspective.
Les Mahorais réclament des mesures fortes et claires, non un énième durcissement – un peu plus, pas trop – des conditions d’application du droit du sol prévues par le code civil. Bien sûr, nos collègues de la Droite républicaine ne peuvent proposer que des demi-mesures, prisonniers qu’ils sont de leurs nouveaux alliés socialistes.
M. Thibault Bazin
N’importe quoi !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Nous ne sommes les prisonniers de personne ! On convoque le Congrès et on en reparle !
M. Bernard Chaix
Ne vous méprenez pas, chers collègues : nous voterons en faveur de votre texte. Contrairement à vous, nous ne sommes pas sectaires et ne repousserons jamais, d’où qu’elle vienne, une mesure qui améliore le sort de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Pour autant, je le répète, ce n’est pas cela que réclament de manière quasi unanime les représentants des Mahorais, mais la suppression pure et simple du droit du sol dans leur île !
Mme Dieynaba Diop
La République est une et indivisible !
M. Bernard Chaix
Le groupe UDR a déposé en ce sens un amendement qui recevra, lors d’un vote de clarification, le soutien de tous les défenseurs sincères des Mahorais. J’ajouterai que ce qui est bon pour Mayotte l’est aussi pour l’Hexagone : la première vit, avec peut-être dix ans d’avance, ce que vivra la seconde. Attendrons-nous que la submersion migratoire nous emporte aussi ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Il est encore temps de réagir, à condition de le faire vigoureusement et sans trembler. C’est donc la suppression du droit du sol dans l’intégralité du territoire national que le groupe UDR appelle de ses vœux ! (Mêmes mouvements.)
Mme Dieynaba Diop
Merci d’être aussi clair !
M. Bernard Chaix
Chers amis du Modem, successeur de l’UDF, Valéry Giscard d’Estaing réclamait déjà cette mesure en 1991. Nous ne voulons plus que l’on puisse devenir français par hasard. La restauration du droit du sang constitue désormais la condition de la survie collective de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Yoann Gillet.
M. Laurent Lhardit
Essayez de faire pire !
M. Yoann Gillet
Mayotte, l’île aux Parfums, devrait être un paradis ; ses habitants la décrivent comme un enfer. Loin de briller, ce joyau de la République fait face à une menace existentielle : l’immigration de masse y a atteint une ampleur dramatique. Totalement abandonnés, les Mahorais voient leur quotidien ravagé par ce fléau, qui remet en cause leur culture, leur travail, leur intégrité physique, leur avenir.
La population de Mayotte a doublé en vingt ans, quadruplé depuis 1958. Des nombreux enfants qui y viennent au monde, 42 % ont deux parents étrangers. En 1985, 12 % des habitants de l’île n’en étaient pas natifs ; aujourd’hui, ce taux dépasse 55 %, c’est-à-dire que Mayotte est majoritairement peuplée d’étrangers, pour la plupart en situation irrégulière. Dès lors, l’expression « submersion migratoire », qui a tant fait la une des médias au cours des dernières semaines, paraît même bien faible pour rendre compte de la situation de ce petit bout de France au cœur de l’Océan Indien. (M. Pierre Pribetich s’exclame.)
Chers collègues, les deux députées mahoraises de notre assemblée vivent cette réalité. Les Mahorais la vivent. Ceux d’entre nous qui ont eu l’occasion de se rendre sur place, comme je l’ai fait, il y a quatre mois, à l’occasion d’une mission parlementaire, l’ont constatée. Nos compatriotes mahorais sont d’autant plus consternés que depuis des années, en dépit de nos alertes répétées, de leurs cris de détresse, les gouvernements successifs, plutôt que de prendre les mesures qui s’imposaient, ont accumulé demi-mesures, promesses creuses et discours vides. Fermer les yeux est tellement plus confortable ! Pendant ce temps, dans ce territoire laissé à l’abandon, la situation est devenue explosive : services publics étouffés, insécurité galopante. Livrée à elle-même, la population, française à part entière et fière de l’être, ne peut que désespérer chaque jour davantage.
Combien de temps ferez-vous semblant de ne pas voir ce que les Mahorais subissent dans leur chair, leur dignité ? Rétablir l’ordre et lutter contre les causes du chaos migratoire doivent être des priorités !
M. Jean-François Coulomme
Et on fait comment ? On est curieux de savoir !
M. Yoann Gillet
La proposition de loi, qui vise à restreindre les conditions d’acquisition de la nationalité française par le droit du sol à Mayotte, reste molle, tiède ; vous avez si peu pris la mesure de la situation que son application ne serait guère efficace.
En raison du contexte particulier qui prévaut à Mayotte, les règles d’acquisition de la nationalité y ont été légèrement adaptées. Cependant, en dépit de quelques maigres restrictions, le droit du sol y demeure une véritable machine à produire de l’immigration clandestine. Comme en métropole, un étranger né sur place peut obtenir automatiquement la nationalité française, sans avoir aucun lien réel avec notre pays. Comme en métropole, le droit du sol ne protège ni les Mahorais, ni la France.
Mme Dieynaba Diop
Le droit du sol est l’un des principes de la République !
M. Yoann Gillet
À Mayotte, plus encore qu’ailleurs, il met à genoux les services publics, il fracture la cohésion sociale et nourrit une insécurité grandissante. C’est pourquoi le Rassemblement national s’oppose au maintien du droit du sol dans l’ensemble du territoire français : seule sa suppression pure et simple aura un effet positif. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Et comme le rappelle Marine Le Pen – qui a déposé, dès 2018, une proposition de loi spécifique à ce sujet –, sans cette réforme essentielle, toute autre action serait vaine. Supprimer le droit du sol, c’est mettre fin à l’attribution automatique de la nationalité à ceux qui naissent sur notre sol, sans avoir de lien avec notre pays.
Mme Dieynaba Diop
C’est ouvrir la boîte de Pandore !
M. Yoann Gillet
C’est protéger nos services publics, saturés par une immigration massive. C’est redonner à la nationalité française son sens profond : une appartenance ou un choix et, dans tous les cas, une responsabilité. (M. Ugo Bernalicis s’exclame.) C’est protéger nos compatriotes, nos valeurs, notre identité. C’est rappeler qu’être Français, cela s’hérite ou se mérite.
M. Pierre Pribetich
Oh là là !
M. Ugo Bernalicis
C’est beau comme du Philippe Pétain !
M. Yoann Gillet
Vous l’aurez compris, ce n’est pas la proposition de loi que nous attendions ; ni celle qu’attendent les Mahorais. En adoptant nos amendements, vous aurez l’occasion d’agir courageusement et concrètement et de répondre aux légitimes aspirations de nos compatriotes. Saisissez-vous en ! Supprimons purement et simplement le droit du sol et tournons la page de l’indécision et du laxisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Dieynaba Diop
Merci pour votre clarté ! Au moins, c’est limpide !
M. Pierre Pribetich
C’est une honte ! Une honte !
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Caure.
M. Vincent Caure
Mayotte, c’est la France. Cette France d’outre-mer qui, quelques semaines après le passage du cyclone Chido, demeure durement touchée par la catastrophe naturelle et que notre assemblée a voulu soutenir en adoptant à l’unanimité, il y a quelques semaines, le projet de loi d’urgence pour Mayotte. Cette France d’outre-mer que nous devons préserver face à la menace que représente, en particulier, une situation migratoire exceptionnelle qu’aucun autre territoire de la République – ni l’Hexagone ni un autre territoire ultramarin – ne connaît.
J’insiste sur ce point, puisque c’est précisément son caractère exceptionnel qui nous conduit à examiner ce texte, dont le groupe Ensemble pour la République partage l’objectif final : lutter contre l’immigration illégale à Mayotte. C’est aussi parce que cette exception est circonscrite à Mayotte que le groupe Ensemble pour la République ne soutiendra jamais, comme le propose le Rassemblement national, une extension pleine et entière du droit du sol à l’ensemble du territoire de la République.
Le point sur lequel nous nous accordons tous, c’est l’élément démographique. Depuis l’indépendance des Comores et le maintien de Mayotte dans la République, la population de l’île a considérablement augmenté : elle a quadruplé entre 1985 et 2017, même s’il est difficile de la recenser précisément, puisqu’un habitant sur deux est de nationalité comorienne et en situation irrégulière ; elle pourrait doubler d’ici à 2050.
Il s’agit d’un fait qu’aucune idéologie partisane ou vision préconçue depuis Paris ne peut réfuter. Mayotte est le territoire ultramarin le plus concerné par la lutte contre l’immigration irrégulière : en 2022, l’archipel représentait près de 95 % des mesures d’éloignement prononcées en outre-mer.
À cela s’ajoute la difficulté réelle, encore mal comprise et mal perçue, des ingérences étrangères et des tentatives de déstabilisation de la part des Comores, dont les autorités ne se cachent même pas d’instrumentaliser les flux migratoires pour déstabiliser l’archipel.
Mayotte ne prendra pas le chemin du plein développement ni du plein épanouissement dans la République ni même, à court terme, de la reconstruction effective après le passage du cyclone Chido, sans une réduction de l’immigration illégale.
Dans son évaluation de la prise en charge des mineurs à Mayotte, une mission interinspections précisait que « la maîtrise du nombre d’étrangers en situation irrégulière [à Mayotte] est une condition impérative pour que les politiques publiques puissent fonctionner correctement et apporter l’espoir d’une vie meilleure aux habitants ». Ce n’est donc pas nous qui l’affirmons, mais les six inspections générales missionnées par le gouvernement de l’époque.
Permettez-moi de poser une question à mes collègues du groupe La France insoumise : où est votre responsabilité, en ce moment particulier que vivent nos compatriotes mahorais et que notre collègue Estelle Youssouffa a rappelé ? Vos raisonnements sur l’égalité pure et parfaite ne résistent pas à la réalité des faits à Mayotte. C’est pour garantir aux résidents légaux dans l’île l’accès à des services publics de qualité que nous ne pouvons éluder le sujet.
En ce qui concerne l’argument que vous avancez dans vos premiers amendements quant à la non-constitutionnalité du texte, je rappelle que le Conseil constitutionnel s’est prononcé de manière constante sur cette question depuis 1993 ; il l’a encore fait en 2018, à propos de l’introduction, dans la loi Collomb, d’une durée de résidence minimale de trois mois pour l’un des parents d’un enfant né à Mayotte.
Ce texte ne résoudra pas seul les problèmes de Mayotte – je rejoins sur ce point ma collègue Estelle Youssouffa et le rapporteur. Mais il est un maillon dans une chaîne d’actions plus vastes. Contrairement à ce que certains affirment sur ces bancs, nous ne pensons pas que l’immigration irrégulière est la source de tous les maux à Mayotte. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme Sandrine Rousseau
Oh là là ! Quel courage !
M. Vincent Caure
Nous ne pensons pas qu’il suffit de diminuer les flux migratoires pour que nos compatriotes mahorais vivent mieux. C’est pourquoi nous avons soutenu et voté une loi d’urgence pour Mayotte, qui comprend des mesures de soutien économique et social, ainsi qu’en matière d’urbanisme. C’est aussi pourquoi nous avons prévu une augmentation de 700 millions d’euros des crédits de la mission Outre-mer par rapport à la version initiale du projet de loi de finances – celui-là même que vous avez bloqué à de multiples reprises.
Mme Dieynaba Diop
Vous parlez tellement vite qu’on ne comprend rien à ce que vous dites ! Vous n’assumez pas vos propos !
M. Vincent Caure
Ce texte a des faiblesses, que vous avez évoquées, monsieur le rapporteur : je pense notamment à l’approche qui vise à tenir compte de la situation des deux parents. Vous avez, je l’espère, entendu les craintes qu’il suscite. Je salue ici le fait que la proposition de loi que vous défendez recherche l’efficacité politique sans faire l’économie de la robustesse juridique. La lutte contre l’immigration illégale passera tout autant par la réaffirmation de notre souveraineté, la bonne exécution des mesures d’éloignement vis-à-vis des Comores et, enfin, la pleine mobilisation de l’État dans la lutte contre les réseaux de passeurs.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
C’est un tout, effectivement.
Mme Dieynaba Diop
Et elle ne passera pas par le bon respect de la Constitution !
M. Vincent Caure
Entre, d’un côté, le statu quo ou le retour à un monde disparu et fantasmé et, de l’autre, une fascination pour la fin du droit du sol et le rejet constant de l’étranger, pour sa nature même d’étranger,…
M. Emeric Salmon
C’est vous que nous rejetons !
M. Vincent Caure
…un chemin existe pour Mayotte ; c’est celui que défend ce texte. Il constitue une réponse à l’immigration illégale à Mayotte et aux besoins exprimés par nos compatriotes mahorais. C’est pourquoi nous le soutiendrons. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR. – Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Taché.
M. Aurélien Taché
C’est avec gravité que je prends la parole ce matin, alors que notre assemblée examine de nouvelles dérogations au droit du sol à Mayotte et s’apprête dans les faits – quoi que vous en disiez, monsieur le ministre – à le supprimer si la proposition de loi est adoptée. En exigeant une condition de régularité du séjour d’au moins un an pour les deux parents, vous priverez la quasi-totalité des enfants nés à Mayotte de parents étrangers de la possibilité d’accéder à la nationalité française.
Un député du groupe RN
Très bien !
M. Aurélien Taché
Seront également concernés des enfants nés sur l’archipel et qui y ont grandi jusqu’à leur majorité ou encore ceux élevés par un parent seul.
La France insoumise refuse de participer à cette ignominie.
Nous avons parfaitement conscience de tous les problèmes auxquels l’île est confrontée.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
C’est déjà bien !
M. Aurélien Taché
Nous savons très bien que la moitié de la population y vit avec moins de 260 euros par mois, que l’accès à l’eau potable y est difficile, que les écoles sont si peu nombreuses que les enfants ne vont en classe que par roulement et qu’il n’y a qu’un seul hôpital pour tout l’archipel. Nous savons aussi qu’après le passage de Chido, lorsque les soignants pouvaient enfin examiner les patients, il ne leur restait parfois plus qu’à procéder à des amputations. Nous savons que les centres d’hébergement des sinistrés ont été pillés,…
Un député du groupe RN
Par qui ?
M. Aurélien Taché
…car personne n’était là pour les sécuriser et que la solidarité reposait en premier lieu sur les doukas, ces épiceries communautaires déjà très modestes et qui ont renoncé à leur marge pour que les plus pauvres aient de quoi manger un peu.
La cause de ces problèmes, indignes d’un grand pays comme la France, est toujours la même. Ils résultent tous, sans exception, d’un seul et même fléau : celui du désengagement de l’État et de la destruction des services publics. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Dominique Voynet applaudit également.)
Supprimer le droit du sol ne changera donc absolument rien ! Depuis son intégration à la République française en 1976 et sa départementalisation en 2011, Mayotte n’a en effet cessé d’être traitée comme un territoire en dehors de la République. Et même après la crise que ce département vient de traverser, le gouvernement refuse de le faire entrer dans le droit commun ! Pour que les Français détournent le regard, on pointe toujours les mêmes boucs émissaires et on répète la même rengaine : l’immigration !
Oui, c’est vrai, la population à Mayotte est trop importante.
M. Emeric Salmon
Ah !
M. Aurélien Taché
Cependant, comment pourrait-il en être autrement, alors que l’archipel est enserré par celui des Comores – qui a d’ailleurs été français –, avec lequel il partage une histoire commune de plus de deux mille ans ? Aucune barrière n’empêchera cela, et c’est par la solidarité nationale, plutôt que par la préférence nationale, que nous ferons face à cette situation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
Des voies de migration légales vers la métropole doivent être créées, et une répartition nationale des exilés instaurée (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN), comme cela avait été fait en 2015 pour les migrants installés à la porte de la Chapelle ou pour ceux présents dans la lande de Calais !
Rappelons d’ailleurs que nombre de ceux qui débarquent à Mayotte arrivent d’Afrique continentale et demandent non pas la nationalité française, mais le statut de réfugié !
Votre proposition de loi n’aura donc aucun effet sur la taille de la population dans l’île. Je ne suis d’ailleurs pas le seul à le dire, puisque le sénateur mahorais Thani Mohamed Soilihi, devenu depuis ministre délégué chargé de la francophonie, le déclarait également le 17 mai dernier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Dominique Voynet applaudit également.) L’autre sénateur du département, Saïd Omar Oili, ajoutait même, je cite : « L’objectif de cette réforme [de 2018], c’était quand même de limiter les naissances à Mayotte. Six ans plus tard, est-ce qu’elle a porté ses fruits ? Non, nous en sommes à 12 000 naissances par an. Je doute de l’efficacité de cette mesure spectaculaire. » Depuis, il a d’ailleurs quitté le groupe du camp présidentiel au Sénat, dans des termes qu’il serait fâcheux de rappeler ici. Voilà qui devrait vous faire réfléchir.
Au fond, monsieur le rapporteur, votre proposition de loi est non pas un texte pour Mayotte mais un texte contre le droit du sol – vous le savez parfaitement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Il n’apportera aucune solution aux problèmes des Mahorais. En revanche, il vise à faire de Mayotte le laboratoire d’une politique voulue par l’extrême droite de cet hémicycle et je ne peux que regretter que vous y souscriviez ! Si le Rassemblement national et votre socle commun tiennent tant à ce texte, c’est parce que, après Mayotte, ce sera le tour de la Guyane, puis de Saint-Martin, puis, un beau jour, de l’ensemble du territoire français ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et UDR.) Si le Rassemblement national et ses affidés rêvent de mettre fin au droit du sol, à l’obligation de scolariser les enfants et à celle de proposer un toit à tous ceux qui n’en ont pas, c’est parce qu’ils savent que c’est le cœur du projet républicain qui se joue ici. Votre texte est une honte, en ce sens qu’il met fin à ce beau projet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
J’en veux d’ailleurs énormément à ceux qui, en refusant de censurer hier le gouvernement, ont permis l’examen du texte ce matin !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Nous en arrivons aux règlements de comptes !
M. Aurélien Taché
Oui, je vous en veux de ne pas avoir pensé aux dizaines de milliers d’enfants qui, par votre faute, seront privés d’accès à la citoyenneté, au nom d’une pseudo-stabilité !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Où étiez-vous il y a quelque temps, monsieur Taché ? À quel groupe apparteniez-vous ?
M. Aurélien Taché
Et de quelle stabilité parle-t-on ? De celle de François Bayrou et de ses propos sur la submersion migratoire, de Bruno Retailleau et de son immonde circulaire contre les sans-papiers ou encore de Manuel Valls, qui dit vouloir une immigration proche de zéro !
Je terminerai en exprimant une pensée pour tous les enfants dont la vie sera détruite par ce texte, pour ces générations entières qui seront nées et qui auront grandi à Mayotte, entourées de leurs camarades français, mais qui, à cause de la proposition de loi, ne deviendront jamais des Français. Chaque enfant devrait avoir le droit de devenir citoyen du pays dans lequel il est né. Songez-y au moment de voter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle
Alors que l’île de Mayotte a connu la plus grosse catastrophe de son histoire, vous osez, à contretemps des urgences, de l’humanisme, de la fraternité et de la solidarité que nous devons apporter à nos compatriotes, restreindre les conditions d’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte de parents étrangers. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Manifestement, vous avez oublié le message de Jacques Chirac qui affirmait en 2007 : « Dans notre histoire, l’extrémisme a déjà failli nous conduire à l’abîme. C’est un poison. Il divise. Il pervertit, il détruit. Tout dans l’âme de la France dit non à l’extrémisme. Le vrai combat de la France, le beau combat de la France, c’est celui de l’unité, c’est celui de la cohésion. Oui, nos valeurs ont un sens. » (Mêmes mouvements.) En choisissant délibérément de présenter en tête du palmarès de vos textes nauséabonds cette proposition de loi visant à restreindre le droit du sol à Mayotte, vous tournez le dos à ce message. Vous pouvez effacer le mot « républicain » de l’intitulé de votre parti ; vous êtes sur la pente descendante du populisme. Le trumpisme a, décidément, traversé l’océan Atlantique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. Olivier Faure
Voilà !
Mme Colette Capdevielle
L’ancienne majorité présidentielle se compromet également. Alors que nous aurions pu espérer un dialogue républicain, nous assistons à une capitulation honteuse. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Ces alliances contre nature du centre avec le RN en disent long sur la dérive politique actuelle, en vertu de laquelle l’opportunisme écrase les valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Le groupe Socialistes et apparentés s’oppose fermement à cette proposition de loi, qui n’est qu’une attaque directe contre les fondements de notre république. Sans nier les réels problèmes auxquels Mayotte est confrontée, ce texte du groupe Droite républicaine est à la fois inefficace et inique. Inefficace, car aucune étude sérieuse de la réforme adoptée en 2018 n’a été menée pour justifier aussi rapidement un réexamen du droit du sol à Mayotte. Un récent rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer publié en janvier 2025 – Mme Voynet l’a évoqué – appelle d’ailleurs à disposer d’une étude d’impact sérieuse pour éclairer la décision du législateur. Mais cela vous est complètement égal ; vous vous en moquez !
Les observateurs sur place nous indiquent que les règles d’accès à la nationalité française n’ont pas d’effet direct sur les flux migratoires.
M. Olivier Faure
Arrêtez les préjugés !
Mme Colette Capdevielle
Le Conseil constitutionnel a censuré des articles de la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, au motif qu’il s’agissait de cavaliers législatifs. Alors que la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie était présentée comme une extraordinaire barrière pour les endiguer, les flux migratoires ont continué d’augmenter depuis 2018.
Cette proposition de loi est inique : les territoires et départements d’outre-mer sont souvent utilisés par nos collègues de droite comme des laboratoires d’expérimentation et de dérogation au droit commun métropolitain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.)
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Allons !
Mme Colette Capdevielle
Les Mahorais ont exactement les mêmes droits que les autres Français : le droit d’accéder à l’eau, à la santé, à l’éducation, à la sécurité et à des logements dignes.
Alors que l’heure devrait être aux débats sur la mise en œuvre de l’aide humanitaire effective et d’urgence, à la reconstruction et aux perspectives de développement social et économique à moyen et long termes (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC),…
M. Olivier Faure
Bravo !
Mme Colette Capdevielle
…qui sont les véritables priorités pour les Mahorais, vous êtes encore aveuglés par votre obsession migratoire.
Quand nous voulons octroyer des moyens, vous vous contentez de changer la règle. Le droit du sol est un pilier de notre république et il le restera, sur tout le territoire. Je vous le dis solennellement : modifier le droit du sol à Mayotte, c’est ouvrir la brèche par laquelle les idées d’extrême droite s’infiltrent dans le débat public. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Je vois bien que certains, gênés, ont préféré aller à la piscine ce matin plutôt que de défendre ce texte nauséabond sur les bancs de cette assemblée. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et DR.) Ce texte est indigne pour nos concitoyens mahorais ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS – M. Sacha Houlié applaudit également.)
Mme Dieynaba Diop
Indigne de la République !
Mme Colette Capdevielle
Certains de nos collègues de droite – pas d’extrême droite – ont dit ce matin sur des grandes chaînes de télévision qu’ils souhaitaient que ce texte soit appliqué sur tout le territoire national. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Nous nous battrons pour que ce texte inquiétant pour le droit de la nationalité ne soit pas adopté. (Les députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sacha Houlié.
M. Sacha Houlié
Au florilège de la démagogie, le groupe Droite républicaine a choisi d’ajouter ce matin un texte relatif au droit du sol à Mayotte. Cette longue journée aurait pourtant pu débuter par une bonne nouvelle. Ce texte acte l’impuissance à mener une réforme constitutionnelle qui n’est ni souhaitable ni utile. Hélas, c’est là la seule réjouissance. Aujourd’hui, le Parlement va vivre un moment pénible : un groupe parlementaire, qui jouit de l’exclusivité de l’ordre du jour, va enchaîner les textes d’opinion en dépit de toute rationalité.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Ce n’est pas votre rationalité, mais c’est très rationnel !
M. Sacha Houlié
Ce groupe parlementaire va passer par pertes et profits toutes les évaluations des politiques publiques qui auraient normalement dû le conduire à s’abstenir de présenter de telles inepties. Il sera accompagné par d’autres, qui se prévalent de victoires idéologiques, et d’autres encore qui s’engagent dans une immense fuite en avant, synonyme de perte de repères.
Mme Elsa Faucillon
Tout à fait !
M. Sacha Houlié
Si à droite, on dit aimer l’histoire de France, c’est de façon sélective. Comment expliquer sinon que l’on soit si prompt à balayer d’un revers de main cinq cents ans d’histoire ? Qu’est-ce qui justifie de s’asseoir sur la jurisprudence du parlement de Paris, qui décidait, le 23 février 1515, de consacrer, en matière d’héritage, le droit du sol ?
Mme Elsa Faucillon
Eh oui ! Ils ne retiennent que Marignan !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Vous en appelez à l’Ancien Régime, cher collègue ? C’est assez étonnant !
M. Sacha Houlié
Même pas l’efficacité de vos mesures, j’y reviendrai.
Chers collègues du bloc central, il est inutile de vous réfugier dans l’idée confortable que l’effet d’une telle loi demeurera limité au canal du Mozambique. Quand on ouvre la boîte de Pandore, on libère d’incontrôlables opinions.
N’aurait-il pas fallu tirer les conséquences de la loi du 10 septembre 2018 qui a limité l’accès à la nationalité aux enfants nés à Mayotte d’au moins un parent résidant régulièrement sur le territoire depuis plus de trois mois ?
Il y a un an, quand vous aviez relancé ce débat s’agissant de Mayotte, monsieur le ministre, un grand quotidien du soir nous a apporté des réponses. Depuis 2018, le nombre d’acquisitions de la nationalité française à Mayotte à la majorité par effet du droit du sol a été divisé par trois. Dans le même temps, le nombre de passage d’étrangers en situation irrégulière a été multiplié par dix. Trois fois moins de demandes, dix fois plus de passages : qui peut encore croire sans se mentir qu’il existe une corrélation entre le droit du sol et l’immigration clandestine à Mayotte ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Je ne dis pas que cette dernière ne pose pas de difficultés à Mayotte. Contrairement à beaucoup ici, je m’y suis rendu et y ai séjourné plusieurs jours. Mais, si l’État entend lutter efficacement contre l’immigration irrégulière dans ce territoire, il doit en définir les causes avec précision. La principale, c’est la dictature sans merci de l’autocrate comorien Azali Assoumani, allié de la Russie et de l’Iran, qui utilise, contre la France, le désordre migratoire comme un moyen d’ingérence. Face à ce type de tyran, on ne lutte pas avec un tigre de papier.
M. Davy Rimane
Franchement !
M. Sacha Houlié
On prend des mesures diplomatiques, ce que la France n’a pas fait. On intervient sur les flux financiers entre le territoire hexagonal et l’archipel des Comores, ce que la France n’a pas fait. De ce pouvoir autoritaire découlent les maux qui favorisent l’exil, la corruption, l’impossibilité de travailler à Grande Comore ou à Anjouan, l’inexistence des services publics essentiels comme les hôpitaux et les écoles. Ainsi, pour les Anjouanais, qu’importent les conditions de vie dans les bidonvilles de Mayotte, elles sont toujours préférables à celles d’Anjouan !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Il y a moins d’applaudissements !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Il n’y en a aucun !
M. Sacha Houlié
Quant aux passages, aussi pénibles soient-ils, ils sont toujours favorisés par l’absence d’aménagement par la France des côtes nord de Grande-Terre, l’inefficacité historique des radars de contrôle et l’inexistence de toute coordination entre les forces de police terrestres, maritimes et aériennes chargées de lutter contre l’immigration irrégulière.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
C’est un vrai sujet !
M. Sacha Houlié
Quand, d’un point de vue opérationnel, on ne fait rien pour restreindre l’immigration irrégulière, faut-il en plus faire de la communication politique sur le dos de nos principes républicains ?
Plus globalement, nous feignons de croire que le droit du sol constitue la motivation profonde de l’immigration dans le canal du Mozambique. Aussi pauvre soit-elle pour la République, Mayotte est un phare pour sa région. Son PIB par habitant s’élève à 9 000 euros : c’est deux fois moins que dans l’Hexagone, mais c’est douze fois plus qu’aux Comores, où il s’élève à 700 euros, et vingt fois plus qu’à Madagascar.
Qui dissuaderez-vous de venir dans ces conditions ? Personne.
M. Olivier Faure
C’est clair !
M. Sacha Houlié
Qui pensez-vous satisfaire avec ces mesures ? Pas même les Mahorais : vous les encouragez dans leur mirage. Chez collègues de la Droite républicaine, je ne tâcherai pas de vous convaincre, c’est peine perdue. Je ne peux que vous avertir du service que vous êtes en train de rendre au Rassemblement national en banalisant ses propositions – il en sera le seul bénéficiaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Elsa Faucillon applaudit également)
Enfin, chers collègues du bloc central, vous n’êtes pas obligés de prêter main-forte à cette mauvaise entreprise. Vous n’êtes pas condamnés à être les complices de l’union des droites qui se fait à vos dépens, d’un point de vue moral comme électoral.
Peut-être n’êtes-vous pas convaincus de la gravité de la remise en cause du droit du sol.
M. Olivier Faure
Écoutez-le ! Cela vous changera !
M. Sacha Houlié
Mais mesurez que cette compromission n’aura pas le moindre effet positif pour le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
J’apporterai quelques précisions et je laisserai à M. le ministre le soin de compléter. Quiconque ne s’est pas rendu à Mayotte plusieurs fois dans sa vie ne peut pas se rendre compte de la situation réelle.
M. Davy Rimane
Mais si !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Nous pouvons tenir des discours incantatoires : les faits nous poussent à agir. Madame Voynet, rappelons que 50 % de la population de Mayotte est étrangère et qu’un tiers est en situation irrégulière. Pas moins de 40 % de la population vit dans des bangas.
Mme Dieynaba Diop
Votre loi n’y changera rien !
Mme Léa Balage El Mariky et M. Aurélien Le Coq
Quel rapport avec le droit du sol ?
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Le droit du sol est un élément d’attractivité, mais ce n’est pas le seul. On peut être directrice de l’agence régionale de santé (ARS) et méconnaître totalement les réalités d’un territoire, il est bon de le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Et l’on voit comment certains défendent la République, au nom de l’État. (Exclamations sur les bancs des groupes EcoS et GDR.)
Madame Capdevielle, selon vous, ce texte serait indigne. Ce qui serait indigne, ce serait de ne pas répondre aux attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme Léa Balage El Mariky
Ce n’est pas ce qu’ils attendent ! Ils veulent des services publics !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Oui, aujourd’hui, il y a un problème d’hôpital, de logement et d’éducation.
M. Thibault Bazin
Tout est lié !
M. Aurélien Le Coq
Réglez les problèmes de logement !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Il faut le prendre à bras-le-corps. Monsieur Houlié, personne ne prétend que le droit du sol est la réponse absolue. Cela ne suffit pas, vous avez raison. Nous partageons le diagnostic : il faut renforcer les contrôles migratoires, installer les radars, augmenter les reconduites à la frontière.
Mme Léa Balage El Mariky
On parle de 860 acquisitions de nationalité !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Mais les arguments que vous énoncez devraient vous inciter à vous prononcer en faveur de notre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme Léa Balage El Mariky
N’importe quoi !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je remercie les orateurs.
M. Aurélien Le Coq
Tous ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Oui, tous. Il est intéressant d’avoir ce débat démocratique sur un sujet important pour nos compatriotes mahorais, qui touche au code civil.
Monsieur Bernalicis, qu’auriez-vous dit si c’était le ministre de l’intérieur qui avait défendu la modification du code civil ?
M. Aurélien Le Coq
Attendez ! M. Bernalicis n’a pas parlé !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Vous auriez demandé la présence du ministre de la justice.
M. Ugo Bernalicis
C’est vrai !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je vous ai trop manqué dans cet hémicycle, on dirait.
Mme Dieynaba Diop
Oui, vous êtes notre chouchou !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je suis heureux de vous voir. Je change de ministère, mais vous n’êtes toujours pas à Beauvau, monsieur Bernalicis.
La démonstration de M. Rimane m’a beaucoup intéressé, même si j’ai trouvé ses propos sur la colonisation excessifs – c’était sans doute une manière de renforcer l’efficacité de son argumentation. Il a oublié de dire qu’à l’occasion de deux référendums, l’immense majorité des Mahorais a exprimé clairement son attachement à la France. Et cette population, intégralement mahoraise, contrairement à celle de la Nouvelle-Calédonie, la France devrait la renvoyer vers les Comores ? Ce ne serait pas digne de la grande république égalitaire que nous défendons.
Mme Dieynaba Diop
Vous la piétinez par ce texte !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
M. Houlié a été peu applaudi quand il a évoqué le président Azali Assoumani et les ingérences étrangères, de l’Azerbaïdjan à la Russie. La France insoumise applaudissait moins ! (M. le rapporteur applaudit. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Elsa Faucillon
Ce n’est pas sérieux !
M. Ugo Bernalicis
Là, on ne vous applaudit pas !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
M. Houlié a dit beaucoup de choses justes, en particulier s’agissant des nombreuses difficultés à Mayotte. Vous avez en grande partie raison, mais permettez-moi de vous corriger sur un point. La modification du droit du sol par la loi Collomb a montré une certaine efficacité, sans tout régler – c’est la raison pour laquelle nous nous penchons à nouveau sur le sujet. Elle a permis qu’il n’y ait plus de parturientes, sous l’emprise de passeurs, qui accouchent dans les kwassa-kwassa ou sur les plages de Mayotte. Même s’il ne s’agissait que de quelques femmes chaque année, l’accès au droit du sol sur le fondement de la naissance sur le territoire français à Mayotte mettait en danger des bébés et des femmes. On ne peut pas rejeter cela d’un revers de la main. Le Parlement a fait œuvre utile en modifiant le code civil en 2018.
Monsieur Gillet, selon vous, ce qui est proposé ne suffit pas. Cela me fait penser à la citation de Clemenceau à propos de Jean Jaurès : « On reconnaît un discours de Jaurès à ce que tous les verbes sont au futur. » On n’a toujours pas compris si vous vous prononcerez en faveur du texte. Que vous remerciiez ou non le groupe Droite républicaine, le socle commun et le gouvernement pour ces mesures, pour ma part, ce qui m’intéresse, c’est leur efficacité pour nos compatriotes mahorais, pas les postures idéologiques.
Mme Dieynaba Diop
Bien sûr ! N’est-ce pas vous qui trouviez Marine Le Pen trop molle ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Enfin, chers députés de La France insoumise, connaissez-vous M. Abdullah Mikidadi ? Ce porte-parole local de La France insoumise à Mayotte a déclaré en novembre 2023, lorsque nous réfléchissions sur l’opération Wuambushu et le droit du sol à Mayotte, qu’il fallait beaucoup plus de fermeté sur l’île mais aussi revoir les conditions d’octroi de la nationalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe LIOT.)
En janvier 2018, Jean-Luc Mélenchon avait, quant à lui, déclaré à l’Assemblée nationale : « C’est une situation ingérable […]. L’île ne peut plus accepter de flux migratoires […]. Tout est saturé, tout est débordé […]. » (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et LIOT.)
M. Emeric Salmon
Ils n’applaudissent pas Jean-Luc Mélenchon !
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de loi.
Article unique
Mme la présidente
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet
« On voit comment certains défendent la République », vient de nous dire le rapporteur. On voit aussi comment la vérité est malmenée par d’autres, et parfois par les mêmes. Non, on n’accouche pas sous des tentes à Mayotte, comme vient de le dire une parlementaire. Non, on ne calcule pas l’heure d’un accouchement pour accoucher sur la plage, comme vient de le prétendre le ministre de l’intérieur…
M. Philippe Gosselin, rapporteur
De la justice !
Mme Dominique Voynet
Oui, de la justice… ou de l’injustice, on ne sait pas ! (Sourires sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Vous vous surpassez, madame la ministre !
Mme Dominique Voynet
Ce qui est certain, c’est que les sottises répétées en commission et encore ce matin alimentent le refus du droit du sol par les Mahorais. On nous dit qu’ils n’en veulent pas, qu’ils n’en veulent plus : évidemment, cela fait des années que des personnes bien intentionnées débarquent des avions pour raconter au piquet de grève, devant le bureau des étrangers, les centres de santé et les écoles, que les parents d’un enfant né à Mayotte ne sont pas expulsables, jusqu’à ce que celui-ci ait atteint sa majorité. Pendant plus d’une décennie, les étrangers qui viennent concevoir ou mettre au monde un enfant à Mayotte ne seraient donc pas expulsables mais automatiquement régularisés. Et si un enfant ne suffit pas, on en fait un autre : voilà ce qui nous a été dit en commission.
Il faut quand même rappeler les chiffres issus du rapport annuel sur la rétention administrative de 2023 et produits par le ministère de l’intérieur : sur les 24 467 personnes expulsées de Mayotte vers Anjouan en 2023, 3 262 d’entre elles – soit 15 % – étaient mineures, contre 87 % pour l’Hexagone.
On nous a dit également que la naissance d’un enfant sur le territoire mahorais conférait un droit au séjour de plein droit aux parents en situation irrégulière. Ce n’est pas le cas : en réponse à une question parlementaire, le même ministère de l’intérieur répondait le 3 octobre 2023 que seules 442 des 860 acquisitions de la nationalité en 2022 étaient intervenues à l’initiative des parents. La démonstration est faite qu’on ne va pas à Mayotte pour la nationalité, mais pour manger !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
On y va aussi pour la nationalité !
Mme Léa Balage El Mariky
Mais non, 0,6 % !
Mme la présidente
La parole est à M. Davy Rimane.
M. Davy Rimane
Monsieur le ministre, vous avez qualifié mes propos d’excessifs.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
On a le droit !
M. Davy Rimane
Pourtant, mon argumentaire ne se fonde que sur des faits historiques. Contrairement à ce que vous dites, je n’ai pas remis en cause le choix des Mahorais, que je respecte au plus haut point, mais bien la politique de l’État dans ce territoire depuis des décennies, pour ne pas dire des siècles. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) J’ai rappelé que les Mahorais ne sont devenus des citoyens à part entière qu’en 1946, alors que Mayotte était un territoire pleinement français depuis le XIXe siècle – pendant presque un siècle, ses habitants ont eu le statut d’indigène.
Quand vous nous donnez des leçons, je vous demande simplement de vous rappeler que ce territoire est français depuis longtemps. Or, pour m’y être rendu il y a quelques jours, il n’est pas excessif de dire que pas grand-chose n’a changé. Le jour où l’État fera ce qu’il faut à Mayotte dans les bonnes conditions, nous pourrons en reparler. Le fait de vouloir imputer la situation de Mayotte aux seuls migrants est donc une tromperie éhontée. Alors, de grâce, monsieur le ministre, ne pervertissez pas mes propos ! Je respecte les vôtres, respectez les miens !
Pourquoi les Mahorais en ont-ils assez ? Parce que l’État a laissé la situation aller à la dérive sur le territoire de Mayotte ; s’il avait fait son travail régalien depuis le début, on n’en serait pas là. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Dès lors que l’on constate un flux migratoire énorme, il faut le réguler. J’ai évoqué le sujet avec le préfet, qui partage ce constat. Mais il faut analyser les causes de cette réalité mahoraise, dans le contexte géographique particulier de l’archipel des Comores.
Enfin, vous ne réglerez pas les problèmes en prétendant que les gens viennent à Mayotte pour obtenir la nationalité française. Ce n’est pas vrai ! La Guyane connaît le même phénomène : les gens n’y vont pas principalement pour la nationalité, ils y vont pour vivre, boire et manger, et rien d’autre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anchya Bamana.
Mme Anchya Bamana
Subordonner l’acquisition de la nationalité française à un séjour régulier continu des deux parents durant au moins un an est une mesure de bon sens. Je crains simplement que nous ne soyons en train de fabriquer une monstrueuse usine à fausses déclarations de paternité. Je regrette d’ailleurs que mon amendement sur le sujet ait été rejeté. Dans la réalité, les Mahorais veulent la fin du droit du sol…
Mme Dominique Voynet
Ce n’est pas vrai !
Mme Anchya Bamana
…qui, seul, adressera aux Comoriens le message que leurs enfants nés à Mayotte ne seront pas Français. Dans la réalité, les Mahorais veulent la fin du visa territorialisé spécifique à Mayotte,…
Mme Dominique Voynet
Ça, oui !
Mme Anchya Bamana
…une dérogation au droit commun qui concentre les migrants sur les 374 kilomètres carrés du territoire. C’est la seule manière de procéder à Mayotte, parallèlement à une politique ferme et volontariste de contrôle des frontières et de reconduite des clandestins. Mayotte brûle et nous regardons ailleurs – tous ! –, avec les meilleures raisons du monde, parmi lesquelles, au premier chef, un raisonnement biaisé qui fait toujours préférer l’étranger au citoyen français, surtout si celui-ci habite à 10 000 kilomètres de Paris.
Mayotte est un joyau de l’océan Indien situé sur un des passages stratégiques mondiaux, le canal du Mozambique. Il devrait s’y trouver une base navale de premier niveau,…
M. Emeric Salmon
Oui !
Mme Anchya Bamana
…capable de recevoir nos navires, nos marins et nos sous-marins, afin de défendre la souveraineté française dans cette zone stratégique. C’est le seul rideau de fer qui vaille… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Les députés des groupes RN et UDR applaudissent cette dernière.)
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
M. le ministre a très envie de débattre avec La France insoumise ce matin : c’est une bonne nouvelle. En effet, nos camarades de Mayotte pensent, comme nous, que le droit de la nationalité dérogatoire à Mayotte est problématique, c’est pourquoi nos amendements visent à le rendre de nouveau identique à celui qui s’applique à l’Hexagone.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État et M. Philippe Gosselin, rapporteur
Ce n’est pas ce qu’ils disent sur place !
M. Ugo Bernalicis
Certes, d’autres problèmes sont pendants, en matière de droit au séjour et d’accès à la nationalité, plus précisément à propos du titre de séjour territorialisé, mais nous ne pouvons pas en débattre formellement aujourd’hui, puisque nos amendements ont été jugés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution, sous prétexte qu’ils n’auraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé : on se pince ! Bien sûr qu’il s’agit du même sujet, puisque le problème n’est pas celui de la nationalité, dont vous faites un sujet idéologique et de principe pour avancer votre agenda de droite extrême et d’extrême droite. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe RN.) C’est sûr et certain !
Je constate d’ailleurs avec gourmandise que vos propos, monsieur le ministre, figuraient déjà en substance dans un article du Journal du dimanche du 23 janvier dernier. Quand on veut obtenir les argumentaires de Gérald Darmanin, il suffit de garder un œil sur la presse d’extrême droite, ce qui permet souvent d’obtenir les fiches par avance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous avons des principes, monsieur le ministre ! Or quand on les applique selon une géométrie variable, c’est qu’on n’a plus de principes et qu’on ne défend plus rien. Le débat est légitime. En commission, certains défendaient le fait que Mayotte connaît déjà tellement d’exceptions dans l’application des principes républicains qu’une exception supplémentaire sur le droit du sol n’était pas un problème. Nous pensons exactement l’inverse : il y a trop d’exceptions, voire uniquement des exceptions à Mayotte (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), et il faut se donner les moyens pour que les principes de la République s’appliquent pleinement, dans tous les domaines, et surtout en ce qui concerne la République sociale et la présence des services publics. Or vous n’avez jamais agi en ce sens en sept ans de pouvoir, jamais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Dieynaba Diop.
Mme Dieynaba Diop
Monsieur le ministre, la République est une et indivisible. Lorsque vous restreignez le droit du sol à Mayotte, c’est toute la République que vous mettez en danger. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.) Je vous mets en garde : vous ne devriez pas jouer aux apprentis sorciers avec les principes fondamentaux de notre république – Liberté, Égalité, Fraternité – qui fondent ce que nous sommes. (Mêmes mouvements.) Sans le droit du sol, aucun député dans cet hémicycle ne s’appellerait M. Ciotti ou M. Jacobelli, aucune députée ne s’appellerait Mme Moutchou ou Dieynaba Diop (Mêmes mouvements) : nous sommes toutes et tous des enfants de la République !
Nous, nous avons des principes, que nous avons rappelés, et nous sommes là pour nous opposer à ce que vous faites. (Mêmes mouvements.) Vous ne pouvez pas faire une république à géométrie variable : ce que subissent les Mahorais, c’est d’abord la faim et l’absence d’accès à l’eau potable – une honte dans notre république ! Ce n’est pas parce qu’ils sont à 10 000 kilomètres que les Mahorais ne devraient pas être protégés par les missions régaliennes de l’État.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Eh oui !
Mme Dieynaba Diop
C’est ce que vous ne faites pas depuis sept ans, et c’est ce que vous devriez corriger. La restriction du droit du sol déjà en vigueur à Mayotte n’a absolument rien réglé, mais n’a fait qu’aggraver la situation parce qu’elle a créé des migrants clandestins supplémentaires. La loi du 10 septembre 2018 n’a fait l’objet d’aucune évaluation. C’est pourquoi nous nous dresserons contre cette proposition de loi ignominieuse. (Exclamations sur les bancs du groupe DR.)
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Allons, allons !
M. Thibault Bazin
Ce qui est excessif est insignifiant !
Mme Dieynaba Diop
On ne fait pas la loi sur des préjugés, mais sur les valeurs de la République une et indivisible. Nous serons là pour nous dresser devant vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Madame la députée de Mayotte, le groupe Rassemblement national est donc favorable à la proposition de loi – j’ai cru le comprendre à la fin de votre intervention – mais également à la fin des visas territorialisés : c’est là une différence substantielle entre nous. Jusqu’à présent, votre parti ne s’était pas exprimé en faveur de l’abolition de ces visas. Il s’agit certes d’une demande forte de la population mahoraise, mais leur suppression poserait de fortes difficultés au reste du territoire national, notamment à La Réunion. Nous aurons peut-être l’occasion d’en reparler dans la suite des débats.
Je souhaite aussi répondre à l’interrogation de M. Rimane au sujet de l’histoire de la citoyenneté à Mayotte. À ce propos, nous pourrions éviter de nous donner les uns aux autres des leçons d’histoire et d’attachement ou non à la colonisation. Ce n’est qu’après le discours du général de Gaulle en 1958 et l’indépendance algérienne qui s’ensuivit que mon grand-père a pu devenir citoyen français – ce n’était pas le cas des musulmans au sein de l’Algérie française –, donc bien après les citoyens mahorais. Évitons donc de nous renvoyer des histoires coloniales à la figure et de susciter des débats personnalisés !
Mme Elsa Faucillon
Et donc ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je veux dire aussi à Mme Diop que le premier gouvernement qui a restreint le droit du sol était socialiste. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
M. Pierre Cazeneuve
Eh oui !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Vous l’avez fait à plusieurs reprises, pour d’autres territoires de la République, comme la Nouvelle-Calédonie.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Tout à fait !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
J’appartiens à une famille politique qui n’a jamais réduit le droit du sol, alors gardez vos grandes leçons et assumez ce qu’a fait le Parti socialiste !
Mme Dieynaba Diop
Je n’étais pas d’accord, justement !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Il l’a d’ailleurs fait pour de bonnes raisons. Évitons tous de dire des bêtises : comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, notamment par Sacha Houlié, le droit du sol est un droit d’Ancien Régime, justifié par le fait que le serf appartenait au seigneur. Au contraire, le droit du sang fut un droit républicain, dont l’objectif était de donner à la Révolution française des enfants, utiles lors des batailles de Valmy, de Jemmapes et de Tourcoing : en cela, la République française se voulait plus une idée qu’une féodalité.
M. Philippe Vigier
Absolument !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Évitons donc les grands discours, les mots tels qu’« ignominieux »,…
Mme Dieynaba Diop
Ça s’appelle un débat de valeurs, monsieur Darmanin !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…et les fausses oppositions entre les républicains et ceux qui ne le seraient pas. C’est contraire à la réalité de l’histoire, cela ne fait pas avancer le débat et ce n’est pas conforme, madame Diop, à l’histoire de votre parti. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
Mme la présidente
Je suis saisie de six amendements identiques, nos 1, 55, 61, 69, 80 et 82, qui tendent à supprimer l’article unique.
La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir l’amendement no 1.
M. Aurélien Taché
Personne n’a jamais dit que l’île de Mayotte n’était pas confrontée à la surpopulation ; je l’ai moi-même évoquée dans mon discours. Le problème, c’est que votre texte ne va y apporter aucune solution. Les restrictions au droit du sol, voire sa suppression, ne régleront rien. Il conviendrait plutôt, comme cela vient d’être rappelé sur différents bancs, de mettre fin au titre de séjour territorialisé et d’assurer une vraie solidarité nationale. Pour cela, monsieur le ministre, il faut faire preuve de fermeté face à l’extrême droite et à tous ceux qui refusent la solidarité nationale sur l’ensemble du territoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) En nous appuyant sur les grands principes républicains, nous devons, comme nous l’avons fait par le passé dans d’autres départements, assurer une répartition sur l’ensemble du territoire des populations en situation de détresse et d’exil. (« Et voilà ! » sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Le département de Mayotte est un département, au même titre que les départements du Pas-de-Calais ou de Paris, dans lesquels nous avons déployé ces solutions. Monsieur le ministre, vous savez parfois faire preuve de fermeté, mais c’est face à l’extrême droite, sur la base des grands principes républicains, que nous attendons plus de fermeté de votre part. Vous verrez qu’alors, nous trouverons les solutions pour les Mahorais. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 55.
Mme Colette Capdevielle
Le texte que nous examinons a trait à la nationalité, c’est d’ailleurs pourquoi le gouvernement est représenté par le ministre de la justice – ancien ministre de l’intérieur, certes. En cela, il s’agit d’un détournement de l’article 73 de la Constitution. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.) Les principes républicains ne peuvent absolument pas évoluer au gré des fantasmes, voire des obsessions, migratoires et sécuritaires de certains ici.
Les principes que, pour notre part, nous défendons sont intangibles. L’article 73 de la Constitution permet d’adapter les services publics aux réalités des territoires d’outre-mer, pas de toucher à un pilier de la République comme le droit du sol ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.) Il ne l’a jamais permis. Quand le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur cette mesure il y a un an, il l’a censurée en tant que cavalier législatif au sein d’un texte qui portait pourtant sur l’immigration. C’est dire si vos propos sont hors sujet. C’est pourquoi le Conseil constitutionnel devra être saisi pour se prononcer sur la constitutionnalité de cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.) Le texte porte atteinte au principe d’égalité présent dans notre Constitution, à l’égalité de tous les enfants sur le territoire de la République ! S’il est adopté, les petits Mahorais n’auront pas les mêmes droits que les autres.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Ce n’est pas vrai !
M. Hervé de Lépinau
Non, puisqu’ils ne seront pas mahorais !
Mme Colette Capdevielle
Quant à l’atteinte à la fraternité, je préfère ne pas en parler. Vous la foulez aux pieds ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky, pour soutenir l’amendement no 61.
Mme Léa Balage El Mariky
Je vais vous parler d’un chiffre : 0,6 %.
M. Emeric Salmon
C’est le score des écolos à Mayotte ?
Mme Léa Balage El Mariky
C’est le taux d’acquisition de la nationalité, qui est le même en France hexagonale et à Mayotte. Pour ce taux de 0,6 %, vous nous servez 100 % de fake news. Le droit du sol n’est pas automatique ; on ne délivre pas un passeport français avec la première couche d’un nourrisson. Il faut attendre treize années pour demander la nationalité, à l’initiative des parents.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
On n’a jamais dit le contraire !
Mme Léa Balage El Mariky
Cela a été fait dans 442 cas parmi les 160 000 personnes étrangères que compte Mayotte, dont la moitié sont en situation irrégulière. Cessez donc de faire croire que cette proposition de loi serait efficace ou utile. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC.) Elle ne vise pas à lutter contre un supposé appel d’air, mais à faire un appel du pied à l’extrême droite. (Mêmes mouvements.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Excellent ! Elle a raison !
Mme Léa Balage El Mariky
J’en veux pour preuve les propos du ministre de la justice, qui vient d’annoncer ici même sa volonté de mener une réforme constitutionnelle concernant le droit du sol pour l’ensemble des départements français.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je l’ai toujours dit !
Mme Léa Balage El Mariky
Cette proposition de loi est donc inutile et dangereuse. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Sacha Houlié, pour soutenir l’amendement no 69.
M. Sacha Houlié
Un argument n’a pas été démenti ce matin : les chiffres attestent de l’inutilité de la réforme de 2018. L’accroissement du nombre de naissances est inégalé – le chiffre de 12 000 par an a été avancé lors de nos travaux préparatoires – et le nombre de passages de personnes en situation irrégulière a été multiplié par dix en sept ans. Il est donc établi que l’efficacité des dispositions de la loi de 2018, que personne n’a d’ailleurs proposé d’abroger – M. le ministre le sous-entendait dans sa réponse –, est parfaitement nulle.
Ayant établi l’inutilité de la réforme du droit du sol, on peut se demander si elle est dangereuse. Oui, elle l’est car, comme l’ont montré les collègues qui ont soutenu les amendements précédents, la suppression du droit du sol à Mayotte n’est que le premier pas vers sa suppression d’abord dans d’autres territoires ultramarins, puis sur l’ensemble du territoire national, menant à une révision constitutionnelle à laquelle, pour l’heure, vous semblez heureusement avoir renoncé.
Par ailleurs, le texte concerne uniquement la nationalité. Nous n’avons guère entendu de réponse aux propositions que nous avons faites pour permettre à Mayotte de surmonter la crise migratoire : le contrôle des frontières, l’aménagement de l’îlot Mtsamboro, la coordination des forces de police terrestres, maritimes et aériennes, ou encore le bras de fer à mener avec le dictateur Azali Assoumani. Vous avez éludé ou balayé d’un revers de la manche toutes ces options, comme si le droit du sol était tellement central qu’on ne pouvait étudier aucune autre voie.
Enfin, tout en vous réclamant de la volonté des Mahorais – c’est même votre seul argument récurrent –, vous avez éludé leur demande concomitante consistant à mettre fin au dispositif du visa territorialisé. Ni le rapporteur ni le ministre n’ont répondu à ce sujet.
Au regard de tous ces éléments, nous n’avons d’autre choix que de demander la suppression de l’article unique de la proposition de loi et de lui préférer des propositions un peu plus utiles pour les Mahorais. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Dominique Voynet applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 80.
Mme Elsa Faucillon
Je m’adresserai d’abord aux collègues qui ont choisi, par le premier texte de leur niche parlementaire, de s’attaquer à l’un des fondements de notre nation. Nous assumons de prendre le temps de dévoiler vos très nombreuses fake news…
M. Hervé de Lépinau
Parole d’expert !
Mme Elsa Faucillon
…et les marottes xénophobes qui vous prennent régulièrement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR, SOC et EcoS.) Nous prenons le temps de souligner combien les données que vous avez présentées tiennent de la réalité alternative. Nous prendrons le temps de débattre et de nous opposer à votre proposition de remettre en cause le droit du sol à Mayotte.
Par ailleurs, comme l’ont montré plusieurs collègues, vous n’avez que faire de la réalité à Mayotte. Si vous vous préoccupiez de ce que vivent les Mahorais, vous ne défendriez pas cette proposition, dont vous savez très bien qu’elle ne changera rien aux flux migratoires vers Mayotte.
M. Emeric Salmon
La liste de Jordan Bardella a fait 52,42 % aux élections européennes à Mayotte, le parti communiste 0,99 % ! Les Mahorais ont ouvert les yeux !
Mme Elsa Faucillon
Depuis 2018, le droit du sol est déjà restreint à Mayotte. Les arrivées sont pourtant de plus en plus nombreuses. Le seul effet de cette mesure a été de placer dans une situation précaire, voire dans l’irrégularité, des enfants qui vivent depuis des années sur le sol mahorais – car le droit du sol français, contrairement à celui des États-Unis, n’accorde pas automatiquement la nationalité aux enfants naissant sur le territoire – et qui ont été éduqués au prix de grands efforts de la société mahoraise. Vous vous attaquez donc non seulement au droit du sol, mais aussi à la cohésion nationale et aux droits des enfants. Voilà pourquoi nous nous opposerons frontalement au texte. Quant aux collègues de la majorité qui le cautionneront, ils se livrent à une grave et honteuse fuite en avant ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 1, 55, 61, 69, 80 et 82 visant à supprimer l’article unique, je suis saisie par les groupes La France insoumise-Nouveau Front populaire, Droite républicaine et Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Émeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 82.
Mme Émeline K/Bidi
Il est vrai, monsieur le ministre, que certaines personnes à Mayotte demandent la suppression du droit du sol.
M. Emeric Salmon
La majorité, même !
Mme Émeline K/Bidi
Néanmoins, les Mahorais demandent aussi que le montant des prestations sociales soit le même que sur l’ensemble du territoire français. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR et EcoS.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est vrai !
M. Fabien Di Filippo
C’est toujours facile d’être généreux avec l’argent des autres !
Mme Émeline K/Bidi
Ils demandent encore des écoles en quantité suffisante pour que la durée des cours ne soit pas réduite à une demi-journée.
M. Fabien Di Filippo
Le problème des écoles, c’est l’immigration clandestine !
Mme Émeline K/Bidi
Ils demandent que le service de soins soit à la hauteur. Ils demandent des logements en quantité suffisante. Pourtant, sur tous ces points, l’État ne semble pas si pressé de répondre à leurs attentes.
Depuis quelque temps, j’entends chez moi, à La Réunion, un discours que j’estime inquiétant. Des Réunionnais considèrent que trop de Mahorais viennent à La Réunion, du fait de la pauvreté et des conditions de vie très difficiles à Mayotte, et qu’il faudrait limiter les déplacements entre les deux territoires. Si une majorité de Réunionnais se rangeait à cette opinion, interviendriez-vous aussi pour limiter à titre dérogatoire les déplacements entre deux territoires français, au seul motif que certains le demandent ?
Quand on touche à quelque chose d’aussi important que la nationalité, que les fondements de notre république et les principes de notre nation, il faut le faire avec parcimonie et s’assurer que les mesures qui le justifient sont efficaces. Or les chiffres montrent que 16 % des enfants nés à Mayotte en 2024 sont issus de parents étrangers ; c’est la même proportion qu’en 2012, alors que la loi qui a restreint le droit du sol date de 2018. Visiblement, cette mesure n’est donc pas suffisante. En la promouvant, vous répondez à une attente populiste sans vous assurer de l’efficacité de votre proposition. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Comme chaque fois, vous convoquez les grands principes de la République et des droits de l’homme. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)
M. Ugo Bernalicis
Eh oui ! C’est ce qui en fait des principes !
Mme Elsa Faucillon
On vous parle de faits !
Mme Léa Balage El Mariky
Nous avons cité des chiffres !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
C’est totalement méconnaître la position du Conseil constitutionnel ! Le débat est déjà tranché. Le Conseil lui-même, en 2018, compte tenu de la situation particulière de Mayotte, a reconnu qu’il était possible de restreindre le droit du sol dans ce territoire.
Mme Léa Balage El Mariky
Mais est-ce souhaitable ? Non !
Mme Dominique Voynet
Est-ce efficace ? À quoi cela sert-il ?
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Nous poussons ici au maximum de ses possibilités cette jurisprudence du Conseil constitutionnel pour parvenir à quelque chose qui nous paraît réaliste. Vous êtes nombreux à contester la situation sans la connaître, sans être jamais allés sur place. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme Dominique Voynet
Si !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Mme Voynet est allée sur place pendant deux ans en tant que directrice de l’ARS de Mayotte, mais n’a manifestement pas vu la même chose que d’autres. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN. – Vives protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Manifestement, elle en a une vision très partielle et très partiale.
Soyons réalistes ! Oui, il y a un problème d’immigration. Oui, les services publics du logement, de la santé ou encore de l’éducation sont embolisés. Pour remédier à ce vrai problème, nous vous proposons d’adapter le droit local, comme le permet l’article 73 de la Constitution. Cela ne porte pas atteinte aux grands principes. Nous ne prétendons pas que cette mesure est l’alpha et l’oméga, mais c’est une pièce du puzzle. Si vous voulez refuser l’ensemble du puzzle, c’est votre affaire ; nous, nous prenons nos responsabilités. Plutôt que des paroles, nous voulons des actes ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme Dieynaba Diop
Ce que nous refusons, c’est l’ignominie !
Rappels au règlement
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain, pour un rappel au règlement.
Mme Cyrielle Chatelain
Il se fonde sur l’article 70, alinéa 3, de notre règlement, relatif aux mises en cause personnelles. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et SOC. – « Oh ! » sur quelques bancs des groupes RN et DR.) Monsieur le rapporteur, quelle fébrilité, quel manque d’assurance, quel manque d’arguments vous a conduit à attaquer une députée de mon groupe ! Vous n’avez que ça à faire de mettre en cause le travail et l’intégrité de Dominique Voynet ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.) Je vous le dis très clairement : elle parle en connaissance de cause et pour l’ensemble du groupe Écologiste et social.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Exactement !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
C’est encore pire, alors !
Mme Cyrielle Chatelain
Sa parole doit être prise au sérieux et avec respect. Je tiens d’autant plus à le rappeler que d’autres députés ont tenu des propos similaires à l’encontre de Mme Voynet au cours de l’examen du projet de loi d’urgence pour Mayotte. Arrêtons ce petit jeu, cela suffit ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.) Nous débattons d’un sujet extrêmement grave et nous avons donné des arguments de fond. Nous attendons donc de vous non des attaques personnelles, mais des réponses, point par point, aux arguments qu’ont émis l’ensemble des groupes de gauche. (Mêmes mouvements.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Des excuses !
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Hignet, pour un rappel au règlement.
Mme Mathilde Hignet
Il se fonde sur l’article 70, alinéa 3, relatif aux mises en cause personnelles.
M. Ian Boucard
C’est déjà fait !
Mme Mathilde Hignet
Monsieur le rapporteur, il me semble que vous ne devez pas commencer l’examen du texte en accusant tel ou tel de ne pas être allé à Mayotte. C’est faux : j’y suis moi-même allée, y ai vécu et y ai travaillé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Plusieurs députés du groupe RN
Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme Mathilde Hignet
En réalité, vous êtes mal à l’aise.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Je suis très à l’aise, il n’y a pas de problème !
Mme Mathilde Hignet
Vous êtes mal à l’aise parce que votre texte est inutile et parce qu’il permet au Rassemblement national de faire étalage de ses idées les plus crasses. (Applaudissements les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS. – Mme Stella Dupont applaudit également.) J’en veux pour preuve ses amendements visant à abroger le droit du sol partout sur le territoire de la République.
Mme Émilie Bonnivard et M. le rapporteur
Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme la présidente
Vous sortez du cadre du rappel au règlement. (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – De nombreux députés des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS applaudissent cette dernière.)
Article unique (suite)
Mme la présidente
Comme les débats commencent à être agités, je rappelle qu’il est possible de demander à s’exprimer en réponse à un amendement, après le rapporteur et le ministre. Si vous voulez, comme plusieurs députés l’ont déjà fait, vous inscrire pour prendre la parole sur les amendements de suppression, c’est le moment.
Plusieurs députés du groupe DR
Il faut appliquer la règle du « un pour, un contre » !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
C’est « un pour, un contre », ce n’est pas open bar !
Mme la présidente
Cela n’a pas été décidé en conférence des présidents. (Protestations sur les bancs du groupe DR.)
M. Ian Boucard
C’est toujours le cas lors des niches !
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Quand Mayotte a connu une crise de l’eau pendant plusieurs mois, vous avez été moins rapides à débloquer des fonds et à faire une loi que vous l’êtes désormais, après un cyclone dont on ne connaît pas encore le nombre de victimes, pour remettre en question le droit du sol sur une partie du territoire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Ne faites même pas semblant d’agir dans l’intérêt des Mahorais, comme vous le prétendez à chaque intervention. Si vous défendez cette mesure, c’est parce que vous pensez que vous pouvez remporter cette victoire s’agissant de Mayotte et qu’elle vous servira de cheval de Troie (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC)…
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Cela fait longtemps qu’on n’avait pas entendu cet argument !
Mme Sandrine Rousseau
…pour remettre en question le droit du sol sur l’ensemble du territoire français. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Je vous le rappelle : Mayotte est un département !
Au moins c’est clair, tout comme le sont vos positions ! Voilà ce que vous êtes, vous les macronistes, si vous soutenez cette proposition de loi ! Vous soutiendrez en réalité une réforme constitutionnelle qui remettrait en cause nos droits fondamentaux, nos droits constitutionnels ! (Mêmes mouvements.) Mais nous serons toujours ici pour vous empêcher d’y parvenir, parce que sur le fronton de tous nos bâtiments publics, trois mots sont gravés, trois mots absolument essentiels à notre vivre ensemble : Liberté, Égalité, Fraternité ! (Les députés des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR reprennent en chœur la devise de la République, puis applaudissent.)
Mme la présidente
Comme il s’agit d’amendements de suppression importants, je vais donner la parole à toutes celles et tous ceux qui le souhaitent. Nous reviendrons à la pratique habituelle dans la suite de la discussion.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Un orateur par groupe maximum ! Ce n’est pas open bar, madame la présidente !
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa
Je note que dans les multiples prises de parole à la gauche de l’hémicycle, on ne revient à aucun moment sur les revendications des Comores, qui utilisent les flux migratoires comme un abus du droit du sol pour prendre le contrôle de Mayotte. Nos collègues sont implicitement en train d’appuyer la revendication comorienne sur Mayotte.
Je vais maintenant me placer sur le terrain de ceux d’entre eux qui ont abordé la position du Conseil constitutionnel, en rappelant seulement sa décision no 2018-770 du 6 septembre 2018 : après avoir constaté la latitude donnée par la Constitution au législateur en la matière, il relève que « la population de Mayotte comporte, par rapport à l’ensemble de la population résidant en France, une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu’un nombre élevé et croissant d’enfants nés de parents étrangers » ; il ajoute que le code civil peut ainsi instaurer une différence de traitement qui tienne compte « au sens de l’article 73 de la Constitution, des ’’caractéristiques et contraintes particulières’’ » propres à Mayotte, et qui sont en rapport avec l’objet de la loi. Dès lors, il considère que le législateur n’a méconnu ni le principe d’égalité devant la loi ni les exigences découlant de l’article 1er de la Constitution, et pas davantage les dispositions de l’article 3 de la Constitution, le seizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 et le droit de mener une vie familiale normale. Il en conclut que les griefs invoqués sur le fondement de la violation de ces exigences constitutionnelles sont infondés et doivent être écartés.
M. Ugo Bernalicis
C’est une honte ! Mais on persistera !
Mme Estelle Youssouffa
Je sais que vous le saviez très bien, puisque beaucoup d’entre vous avaient déposé un recours,…
M. Ugo Bernalicis
Eh oui !
Mme Estelle Youssouffa
…lequel a été rejeté par la décision susmentionnée, contrairement aux fake news que vous essayez de propager en disant des choses absolument fausses. Alors je vous en prie, de grâce, arrêtons les discussions sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel : il a été très clair. Les dérogations au droit du sol sont applicables à Mayotte, que vous le vouliez ou non. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Trois points très clairs sont à rappeler pour le groupe Rassemblement national : premièrement, le droit du sang est majoritaire dans beaucoup de pays d’Afrique et d’Asie (« Et alors ? » sur quelques bancs du groupe SOC), il n’y aurait donc rien de nouveau ; deuxièmement, le texte ne remet absolument pas en cause le droit du sol,…
Mme Ayda Hadizadeh
Ce n’est pas vrai !
M. Hervé de Lépinau
…il fixe simplement des conditions plus restrictives liées à la parentalité et à la durée de séjour – c’est une fake news de la gauche et de l’extrême gauche que de prétendre le contraire ; enfin, l’ire de la gauche et de l’extrême gauche concernant Mayotte procède du fait que des ultramarins majoritairement musulmans ne votent pas à gauche ni à l’extrême gauche – et cela, ils ne le supportent pas ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR et sur plusieurs bancs du groupe DR. – Rires sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme Sabrina Sebaihi
Il y en a !
Mme la présidente
La parole est à Mme Naïma Moutchou.
Mme Naïma Moutchou
Le groupe Horizons et indépendants s’opposera évidemment à ces amendements de suppression. J’en profite pour faire une mise au point, car je dois dire que je suis plus qu’agacée : j’en ai assez d’entendre la gauche donner des leçons, se prendre pour le camp du bien, de l’humanité, de la générosité. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, DR et UDR et sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Et vous, vous prenez-vous pour le camp du mal ?
Mme Naïma Moutchou
De plus, j’en ai marre que la gauche me renvoie systématiquement à mes origines. Et alors quoi ? Parce que je suis issue de l’immigration, il faudrait que je ne voie pas la réalité en face et que j’adhère à vos thèses angéliques sur l’immigration ? C’est cela votre conception de l’individu, madame Diop ? Des clichés, des caricatures et de l’essentialisation, encore et encore ? (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, DR et UDR et sur quelques bancs du groupe RN. – Mme Estelle Youssouffa et M. Éric Martineau applaudissent aussi.) Qu’est-ce que cela veut dire ? Que je serais dans cet hémicycle par charité de la France, peut-être ? Non ! La France est un beau et grand pays, et nous avançons précisément sur le droit du sol parce que nous avons un cadre légal. (« Oui ! » sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Je tiens aux principes, mais ils ne sont rien s’ils ne sont pas confrontés au réel ! Sinon, ils se transforment en dogme ! Voilà ce qu’est devenue la gauche : une gauche dogmatique qui ne fera rien pour les Mahorais ni pour les Français issus de l’immigration, précisément parce qu’elle ne les traite pas comme des Français ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RN, DR et UDR. – M. Gabriel Attal et M. Pierre Cazeneuve applaudissent également. – Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Je ne reviens même pas sur les applaudissements venant à l’instant de l’arc réactionnaire (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Édouard Bénard applaudit également),…
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Ah, toujours dans la modération !
M. Ugo Bernalicis
…uni pour montrer visuellement qui veut piétiner les principes de la République. Je rappelle tout de même que ces principes sont faits pour être appliqués et respectés. Sinon, ce ne sont pas des principes ! (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Pierre Taite
Allez à Villeneuve-Saint-Georges !
M. Ugo Bernalicis
J’en reviens au débat constitutionnel. Notre collègue Faucillon a rappelé en commission que le droit du sol n’était pas uniquement un principe républicain, puisqu’il existait dans notre pays bien avant. C’est donc un principe plus profond, inhérent à la nation française. Il est vrai qu’à travers le temps, il y a toujours eu des réactionnaires de tout poil pour s’opposer à l’inclusion du droit du sol dans le bloc de constitutionnalité ou dans le texte de la Constitution elle-même afin qu’il devienne impossible d’y toucher. Et la tâche nous incombera donc, le moment venu, de constitutionnaliser et donc de rendre intangible le droit du sol que vous remettez en cause aujourd’hui, parce que les principes ne sont pas négociables. (Mêmes mouvements.) Et si notre recours contre la loi de 2018 a été admis par le Conseil constitutionnel, c’est bien parce que notre loi fondamentale permet l’adaptation de certaines règles.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Votre argumentation est à géométrie variable !
M. Ugo Bernalicis
Mais nous restons en désaccord avec son analyse. Car sur la base d’autres fondements, comme les principes d’égalité et d’indivisibilité, il aurait pu dire : « Non, on n’est pas là pour permettre l’adaptation de ce principe fondamental de la République. » Mais ceux qui croient qu’il n’est qu’un organe juridictionnel n’ont pas compris ce qu’il en était. Regardez les nominations à venir : je crois que le message est assez clair ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Hors sujet ! Concentrez-vous !
M. Ugo Bernalicis
Ce n’est pas parce que la précédente modification du droit du sol a été déclarée constitutionnelle sur la base d’une interprétation des adaptations permises par l’article 73 de la Constitution qu’il en ira de même la prochaine fois. En tout cas, nous saisirons le Conseil. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud
Je tiens à dire à nos collègues du bloc central et à Mme Moutchou qu’il ne suffit pas de se tenir droit dans ses bottes. Encore faut-il qu’il s’agisse des siennes. Or j’ai peur que vous ayez chaussé celles de l’extrême droite. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs du groupe RN.) J’entends plus souvent qu’à mon tour convoquer l’ordre, mais de quel ordre parlez-vous ? Celui qui règne à Budapest ? Celui de Mme Meloni ? Celui de M. Trump ? L’ordre qui tire sa légitimité de la peur et de la terreur ? L’ordre qui s’oppose à la justice ?
M. Laurent Jacobelli
Ça y est, il est retourné au bercail, chez LFI ! Le PS est toujours à vendre !
M. Boris Vallaud
C’est la justice qui donne sa certitude à l’ordre. Et nous devrions en toutes choses, dans le moment que nous traversons, nous poser la question de savoir ce que fera demain des lois de la République la réaction si elle devait emporter le pouvoir. Notre devoir de républicains nous imposait, après les élections de juillet, une seule obligation : ne rien céder ni même concéder à l’extrême droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe DR.) Tout le reste n’est qu’un grand mensonge. Nous ne sous-estimons pas le fait que la question migratoire taraude les Françaises et les Français, mais nous ne pouvons pas leur répondre à coups de grands mensonges, d’effets de manche et d’enflures sonores qui disqualifieront la politique et la République avec elle ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et DR.)
M. Fabien Di Filippo
Aucune crédibilité !
M. Nicolas Forissier
Quel théâtre ! C’est du cinéma !
M. Boris Vallaud
J’aimerais bien savoir ce qu’en pense le ministre de l’outre-mer. Il y a moins d’un an, il disait que « croire que le droit du sol est responsable de la situation insupportable que connaît Mayotte est une erreur d’analyse ». Sur ce point en tout cas, nous pouvons dire que nous sommes d’accord avec lui.
Je vous rappelle que nous avons ici en partage un héritage long, ancien, conquis dans la lutte, y compris contre l’extrême droite,…
M. Laurent Jacobelli
Oh là là !
M. Boris Vallaud
…qui n’a jamais été aux grands rendez-vous de l’histoire de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Tout ce que nous avons construit de grand… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe SOC, ainsi que Mme Elsa Faucillon, applaudissent ce dernier.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Blandine Brocard.
Mme Blandine Brocard
J’avoue qu’à cet instant, une seule chose me préoccupe : savoir ce que nos compatriotes mahorais peuvent bien penser de nos débats. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et DR.) À un moment, il faut tout de même arrêter d’être dupe, surtout après avoir entendu notre collègue Estelle Youssouffa, qui connaît mieux que quiconque ici ce qui se passe là-bas.
M. Fabien Di Filippo
Aucun collègue qui vit à Mayotte n’est contre notre proposition de loi !
Mme Blandine Brocard
Ne soyons pas dupes : certains se servent de ce coin de l’océan Indien pour déstabiliser notre pays.
M. Ugo Bernalicis
Oui, le RN !
Mme Blandine Brocard
On peut certes se draper dans de grands et très nobles principes, mais aujourd’hui, ce ne sont pas eux qui vont venir en aide à nos concitoyens.
M. Antoine Léaument
Si !
M. Benjamin Lucas-Lundy
La France, c’est d’abord des principes !
Mme Blandine Brocard
La réalité de ce texte, c’est qu’il propose seulement d’allonger de trois mois à douze mois la condition de durée de résidence. On peut bien sûr, de bonne foi, agiter des chiffons rouges en invoquant le principe de la fraternité, taxer certains de populisme ou les traiter de démagogues, considérer que nous avons des préjugés, nous donner des leçons de morale,…
M. Ugo Bernalicis
Non, des leçons de principes !
Mme Blandine Brocard
…mais aujourd’hui, ce dont notre pays a besoin, c’est que change la réalité du quotidien de nos compatriotes mahorais. Ils attendent à tout le moins de la décence de notre part. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme Dieynaba Diop
Vous oubliez qu’on a fait le front républicain !
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 55, 61, 69, 80 et 82.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 304
Nombre de suffrages exprimés 303
Majorité absolue 152
Pour l’adoption 113
Contre 190
(Les amendements identiques nos 1, 55, 61, 69, 80 et 82 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 2, 63, 7, 85 et 87, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 2 et 63 sont identiques, de même que les amendements nos 7 et 85.
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur les amendements nos 2 et 63, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire ; sur les amendements nos 7 et 85, par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir l’amendement no 2.
M. Aurélien Taché
J’entends sur les bancs d’en face prendre des exemples un peu partout dans le monde pour justifier le droit du sang, et je trouve que ces collègues ne sont pas légitimes à donner des leçons de patriotisme. Je les entends en plus nous reprocher d’essentialiser les personnes, comme si nous étions en colère contre ceux qui, à Mayotte, ne voteraient pas pour nous alors qu’ils sont noirs ou musulmans… C’est abject ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Mathilde Hignet
Exactement !
M. Aurélien Taché
J’entends d’autres bancs s’en prendre à la gauche sous prétexte qu’elle se considérerait comme le camp du bien, comme la seule à défendre les grands principes ; mais nous regrettons bien d’être les seuls à défendre ce beau principe du droit du sol ! Nous souhaiterions qu’à droite et au centre de l’hémicycle, certains le fassent aussi ! (Mêmes mouvements.)
Cet amendement vise à revenir sur la dérogation votée en 2018 pour – déjà – amoindrir le droit du sol à Mayotte. Non seulement nous sommes fiers de défendre ce principe, mais elle n’a servi à rien, comme je l’ai rappelé dans la discussion générale : les sénateurs mahorais en ont fait le bilan, et il y a toujours 12 000 naissances par an à Mayotte. Croire que les gens qui partent des Comores ou d’ailleurs savent que le Parlement a introduit telle ou telle disposition en matière de dérogation au droit du sol, c’est une vue de l’esprit, d’autant plus que la plupart viennent maintenant d’Afrique continentale pour demander le statut de réfugié, et absolument pas la nationalité française. Voilà pourquoi tout cela est inopérant ! (Mêmes mouvements.)
Soit on se paie de mots, comme vous le faites, soit on applique vraiment le principe de solidarité nationale. Dans cette option, une partie des étrangers présents à Mayotte qui le souhaitent devraient être accueillis en métropole. Cela aiderait les Mahorais, car cela contribuerait à faire baisser la surpopulation que leur archipel connaît, à la différence de la proposition de loi dont nous débattons, qui n’est pas un texte pour Mayotte mais un texte contre le droit du sol. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir l’amendement no 63.
Mme Dominique Voynet
Il vise à revenir à la situation qui prévalait avant la loi de 2018, qui n’a eu qu’un impact extraordinairement limité. La plupart des personnes qui émigrent vers Mayotte, en provenance de Madagascar ou des Comores pour la majorité, le font avec l’espoir fou de vivre un peu mieux et non avec l’idée d’utiliser perversement tous les ressorts de la loi pour que leur enfant devienne français. La disposition de 2018 a surtout contribué au développement de contournements ingénieux de la loi, notamment avec un grand nombre d’enfants reconnus par des pères de papier.
M. Julien Odoul
Incroyable ! Vous devriez le condamner !
M. Laurent Jacobelli
Et sinon, vous avez de la place chez vous ?
Mme Dominique Voynet
Je suis très choquée par de nombreux témoignages qui indiquent que certains pères en situation irrégulière renonceraient à reconnaître leurs enfants. Il est très dangereux de remettre en cause la solidité des familles, des couples et des liens de filiation. Cela conduit certains à reprendre à leur compte le chiffre de 4 000 mineurs isolés, sans être en mesure d’étayer leur affirmation. Cette estimation circule depuis le début des années 2000 sans jamais avoir été prouvée. (Mme Cyrielle Chatelain applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Yoann Gillet, pour soutenir l’amendement no 7.
M. Yoann Gillet
Mayotte est au bord de l’effondrement. Nous avons la responsabilité de mettre un terme à une situation qui n’est plus tenable. Les statistiques officielles confirment que l’immigration subie par les Mahorais est massive et incontrôlée. Elle est encouragée par une législation obsolète et dévoyée, et en premier lieu par le droit du sol.
Ne nous voilons pas la face : à Mayotte, le droit du sol entraîne un appel d’air.
Mme Sandrine Rousseau
Respirez, si c’est un appel d’air !
M. Yoann Gillet
Des milliers de personnes y affluent chaque année, non pour s’intégrer ou pour contribuer à l’économie mais pour profiter d’un système qui garantit la nationalité française à leurs futurs enfants. À cela s’ajoute la fraude massive aux reconnaissances de paternité, que j’ai dénoncée dans un rapport parlementaire il y a quelques semaines et que dénoncent depuis longtemps Marine Le Pen et ma collègue Anchya Bamana, députée de Mayotte.
L’acquisition de la nationalité française ne doit pas être automatique.
Mme Elsa Faucillon
Elle ne l’est pas !
M. Yoann Gillet
Elle ne doit pas non plus être un objet de marchandage. Cette nationalité est un honneur et une responsabilité. Elle doit se mériter. L’amendement défendu par le Rassemblement national vise à mettre fin à cette dérive en abrogeant purement et simplement le droit du sol à Mayotte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) C’est indispensable pour protéger ce territoire, ses infrastructures et surtout ses habitants, qui subissent depuis trop longtemps une pression migratoire insupportable.
Disons-le sans détour, cette mesure devrait être prise pour l’ensemble du territoire national. (M. Emeric Salmon applaudit.) C’est ce que nous avions proposé par la voie d’un amendement, qui a été discuté mais rejeté en commission et injustement déclaré irrecevable pour la séance.
Toutefois, notre amendement visant à supprimer le droit du sol à Mayotte donne à l’Assemblée la possibilité d’agir concrètement. Les Mahorais ne demandent pas de discours, pas plus qu’une énième loi sans effets. Ils demandent des actes, ils demandent de pouvoir vivre dignement sur leur territoire, sans craindre pour leur avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa, pour soutenir l’amendement no 85.
Mme Estelle Youssouffa
Il vise à abroger le droit du sol à Mayotte. J’ai déjà évoqué la situation du département, mais je veux revenir sur ce qui vient d’être dit. Depuis le passage du cyclone Chido, il y a plus de huit semaines, des dizaines de migrants arrivent quotidiennement à Mayotte par bateau. Expliquer que ces personnes viennent y chercher de l’eau, de la nourriture, une éducation, un accès à la santé ou un espoir de richesse, comme cela vient d’être fait, revient à nier la réalité que connaît une île où, tout simplement, plus rien ne fonctionne.
La seule chose qui fonctionne toujours, malgré la demande insistante des élus mahorais, c’est la distribution de papiers. La préfecture continue de donner des titres de séjour, d’en renouveler et d’examiner les demandes d’asile.
Mme Dominique Voynet
Non, ce n’est pas vrai !
Mme Estelle Youssouffa
Les migrants ont parfaitement compris que plus aucun radar n’est en état de marche, que les bateaux de la gendarmerie ont été détruits, que les frontières sont donc grandes ouvertes, et continuent d’arriver.
Pourtant, à gauche, vous soutenez que cette immigration n’a rien à voir avec la possible obtention de la nationalité, que seule la prétendue prospérité de Mayotte, quel que soit son état réel, l’explique. Mayotte, où plus rien ne fonctionne, est à genoux, mais vous dites qu’on y vient parce que la situation serait bien meilleure qu’ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Mme Sandra Marsaud applaudit également.) Voilà votre premier déni, un déni total de la réalité.
Votre second déni concerne les revendications territoriales des Comores sur Mayotte, que vous soutenez en continuant à nier le choix des Mahorais de rester français. En pseudo-démocrates, vous niez le choix des Mahorais, exprimé à plusieurs reprises dans les urnes, de rester les Français qu’ils sont depuis 1841. (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes RN, EPR, DR, HOR et UDR.)
M. Fabien Di Filippo
C’est ça, la vraie voix de Mayotte !
Mme Estelle Youssouffa
Vous parlez de liberté, d’égalité et de fraternité, mais vous refusez aux Français de Mayotte le droit de rester français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, EPR, DR, HOR et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Fayssat, pour soutenir l’amendement no 87.
M. Olivier Fayssat
Nous sommes confrontés à Mayotte à des faits indiscutables : une pression migratoire sans précédent et des arrivées massives de populations étrangères. Si ce n’est par idéologie, comment peut-on nier que le droit du sol soit un facteur d’attraction, et donc de tensions sociales et d’insécurité ? Contrairement à ce que soutient la gauche, le droit du sol signe la fin programmée de la République à Mayotte. Nous demandons donc sa suppression pure et simple. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Il est défavorable, car nous avons déjà rejeté ces amendements en commission. Volontairement pour certains, en faisant un peu d’amalgames pour d’autres, nos collègues veulent créer une polémique dans laquelle nous ne devons pas tomber. Il n’est pas question de sortir aujourd’hui du cadre donné par l’article 73 de la Constitution, qui permet des adaptations. C’est ce que nous faisons.
Pour autant, l’extension de la suppression du droit du sol à l’ensemble du territoire national n’est pas un sujet tabou. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas poser la question à un moment ou à un autre. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
M. Olivier Faure
Et voilà !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Ce n’est pas l’objet du débat du jour, mais je suis sûr qu’on en parlera au moment de la prochaine campagne présidentielle. À Mayotte, en revanche, il y a urgence à mieux contrôler un flux migratoire qui provoque une embolie totale du territoire.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Il est défavorable pour tous les amendements. À propos de l’amendement no 87, je dirai que si le débat peut se poser, il faudrait changer la Constitution pour appliquer ce qui est proposé – d’où mon avis défavorable.
M. Taché n’a pas tort de dire que les immigrés qui viennent à Mayotte ne le font pas seulement dans l’espoir d’avoir des papiers français. En revanche, il est faux de dire que la majorité des immigrants illégaux arrivant à Mayotte proviennent de la Corne de l’Afrique. Dans cette région, le contexte, entre islamisme radical, dictatures et difficultés climatiques ou sociales, pousse un certain nombre de gens à quitter leur pays, vers les Comores ou vers la France via Mayotte ou La Réunion. En général, nous répondons favorablement à leurs demandes d’asile, comme c’est le cas en ce moment pour les ressortissants de la République démocratique du Congo ou du Mozambique. Ensuite, ils viennent en France hexagonale – c’est ce que j’ai organisé quand j’étais ministre de l’intérieur. Mais, contrairement à ce qu’a dit M. le député, ces cas représentent moins de 10 % de l’immigration irrégulière constatée.
Le texte dont nous débattons ne touche pas aux règles de l’asile. Les demandes d’asile sont étudiées à Mayotte, où nous avons créé une agence de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Ce texte ne change rien non plus aux protections offertes par la loi, par la Constitution ou par les conventions internationales que nous avons signées.
M. Ugo Bernalicis
Ça viendra plus tard, on l’a compris !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Nous accueillons les demandeurs d’asile à Mayotte – cela nous a d’ailleurs été reproché, au moment de l’existence du camp installé dans le stade de Cavani.
Toutefois, 90 % des immigrés arrivant à Mayotte sont soit malgaches, pour une petite partie d’entre eux, soit comoriens, pour l’immense majorité. Ceux-là déposent non des demandes d’asile, mais des demandes de titre de séjour…
M. Ugo Bernalicis
Pas la nationalité, donc !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…ou d’accès à la nationalité. Il faut distinguer les choses et M. Taché a eu raison de le faire. Mais ce texte ne vise pas les personnes qui viennent demander refuge constitutionnel à Mayotte. Avis défavorable.
Mme la présidente
À propos de ces amendements en discussion commune, j’ai reçu plusieurs demandes de prise de parole émanant des bancs du Rassemblement national, d’EPR, du PS, du groupe Écologiste et social, etc. Nous sommes dans le cadre d’une niche parlementaire, il faut que les textes soient examinés dans les meilleures conditions. Que fait-on ? Soit je suspends brièvement la séance le temps que nous nous mettions d’accord, soit j’applique la règle habituelle : un orateur pour, un orateur contre.
M. Fabien Di Filippo
Un pour, un contre !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Oui : un pour, un contre, c’est la règle les jours de niche !
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures trente.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Voici ce qui a été décidé après discussion avec les présidents de groupe : je donnerai la parole à un orateur pour et un orateur contre les amendements en discussion, comme il est d’usage dans le cadre d’une niche parlementaire ; mais lorsque des amendements relevant de sujets différents sont en discussion commune, comme c’est le cas ici, je laisserai s’exprimer deux orateurs pour et deux orateurs contre.
La parole est à M. Ian Boucard.
M. Ian Boucard
Je répète que nous sommes pour l’abrogation du droit du sol à Mayotte, mais que celle-ci ne serait pas constitutionnelle. L’adoption des amendements nos 7 et 85 ferait tomber la proposition de loi – elle ne passerait pas, en effet, le filtre du Conseil constitutionnel…
M. Ugo Bernalicis
Ce ne serait pas mal, finalement ! (Sourires.)
M. Ian Boucard
…et, de fait, la situation de Mayotte ne s’améliorerait pas. C’est pourquoi, bien que nous soyons favorables, je le redis, à l’abrogation du droit du sol à Mayotte, nous nous abstiendrons sur lesdits amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Nous ne tomberons pas dans le piège !
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Avec ces amendements de suppression du droit du sol, le Rassemblement national fait la démonstration qu’il ne connaît rien à l’histoire de France. (Protestations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) La France s’est construite comme peuple et comme nation sur un principe simple édicté en 1793 : « Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis ; – Tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année – Y vit de son travail – Ou acquiert une propriété – Ou épouse une Française – Ou adopte un enfant – Ou nourrit un vieillard ; – Tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l’humanité – Est admis à l’exercice des droits de citoyen français. » (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Marie Pochon applaudit aussi.)
Voilà le sens du drapeau tricolore de la République, voilà le sens de la devise Liberté, Égalité, Fraternité, voilà le sens de ce qui nous réunit ici, dans cette Assemblée nationale !
En déclarant vouloir supprimer le droit du sol, vous voulez supprimer ce qui fait de nous des Français, des Français quelle que soit notre origine ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Et 20 millions de nos compatriotes ont une origine étrangère !
Enfin, en supprimant l’article 21-12 du code civil, puisque tel est l’objet de votre amendement no 7, monsieur Gillet, madame Le Pen, vous proposez de supprimer, pour des enfants adoptés, le droit de devenir Français ! C’est une honte ! Vous êtes la honte de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Et jusqu’à notre mort, s’il le faut, vous nous trouverez face à vous, dans l’opposition à vos idées nauséabondes !
M. Philippe Juvin
Quel comédien !
M. Antoine Léaument
Jamais, jamais nous ne céderons, quelles que soient les menaces, quelles que soient les agressions, quels que soient vos rires ! (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. Philippe Juvin
Le temps de parole n’est-il pas limité à deux minutes ?
M. Antoine Léaument
Mais enfin, il faut dire à vos électeurs ce que vous êtes : les ennemis de la France, parce que vous êtes les ennemis de la République ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent pour applaudir.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Mme Marine Le Pen
Je serais bien tentée de vous imiter à nouveau, monsieur Léaument, mais, à la différence de vous, je ne crois pas trop au comique de répétition. (Sourires sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Tout cela pour vous dire qu’honnêtement, votre discours est comme d’habitude assez ridicule, voire grotesque.
Vous invoquez les grands principes. Ces grands principes figurent dans la Constitution et par définition, ce qui n’y figure pas ne relève donc pas des grands principes. Or il se trouve que le droit du sol n’est pas dans la Constitution et que, par une simple loi, nous pourrions et même devrions le supprimer pour l’ensemble du territoire national. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) C’est pourquoi nous allons voter cette proposition de loi, qui est un signal, même s’il est insuffisant comme l’était le précédent.
Le problème est que dès que vous laissez une brèche, des gens vont s’y engouffrer. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Ugo Bernalicis
La brèche, c’est vous !
Mme Marine Le Pen
Si un migrant clandestin sur cinq a une chance qu’un de ses enfants devienne Français, quinze prendront la mer. S’il y en a un sur vingt, 120 prendront la mer.
Mme Dominique Voynet
Oh là là !
Mme Marine Le Pen
Il faut donc réduire ces chances à zéro. Dès lors, personne ne risquera plus sa vie en tentant la traversée pour espérer obtenir à terme la nationalité française. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Estelle Youssouffa a parfaitement raison : dès le lendemain du cyclone Chido, des kwassa-kwassa arrivaient à Mayotte. Ce n’était donc pas la nourriture, l’eau ou le confort matériel qu’on venait chercher, mais bien l’espérance d’avoir un jour la nationalité française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Il faut faire cesser cet appel d’air de l’immigration clandestine. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Ugo Bernalicis
Et pas un mot sur l’adoption !
Mme la présidente
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet
On a le droit d’être en désaccord, de s’affronter argument contre argument ; mais, dans cet hémicycle, on n’a pas le droit de proférer des insultes. Or j’en ai reçu quelques-unes, depuis quelques semaines, ici même. (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.) On n’a pas le droit aux mensonges, aux fake news.
M. Nicolas Forissier
Quelle hypocrisie !
Mme Dominique Voynet
Je tiens donc à corriger quelques-unes des sottises – le mot est gentil – entendues depuis le début de la séance. Ainsi, il vient de nous être dit que la préfecture de Mayotte continuait de délivrer des passeports et des titres de séjour sans être capable de renvoyer des étrangers. C’est l’inverse qui se produit.
Mme Cyrielle Chatelain
Exactement !
Mme Dominique Voynet
Le bureau des étrangers est fermé depuis le 13 octobre (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et SOC), date à laquelle on a installé à Bouéni un barrage qui y empêche tout accès. Et, dans notre pays où l’on se targue de faire respecter la loi, la libre circulation et l’accès aux services publics ne sont pas garantis à Mayotte : le préfet n’a en effet pas fait évacuer ce barrage. Donc, depuis le 13 octobre, les personnes dont le titre de séjour vient à échéance sont projetées dans l’illégalité, on nie leurs droits.
En revanche, le renvoi des étrangers, lui, a commencé le 2 janvier. Mayotte était dévastée et si des gens sont arrivés par kwassa depuis, ils ont été renvoyés. Voilà quelque chose qui fonctionne très bien, je vous rassure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 63.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 279
Nombre de suffrages exprimés 277
Majorité absolue 139
Pour l’adoption 90
Contre 187
(Les amendements identiques nos 2 et 63 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 85.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 276
Nombre de suffrages exprimés 251
Majorité absolue 126
Pour l’adoption 119
Contre 132
(Les amendements identiques nos 7 et 85 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 87.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 282
Nombre de suffrages exprimés 257
Majorité absolue 129
Pour l’adoption 112
Contre 145
(L’amendement no 87 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 78, par le groupe Rassemblement national ; sur les amendements identiques nos 12 et 81, par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouveau Front populaire.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Ces trois amendements peuvent être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 78.
Mme Elsa Faucillon
Je l’ai déjà dit en commission, mais je suis prise d’un certain vertige lorsque je vois combien les collègues de la majorité, celles et ceux qui ont largement bénéficié du front républicain lors des élections de juin dernier (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS – Exclamations sur les bancs du groupe RN),…
M. Nicolas Forissier
Vous avez été élus grâce à la droite !
Mme Elsa Faucillon
…sont en train de glisser – le mot est faible –, de bazarder nos grands principes, qu’ils soient fondamentaux ou non, nos valeurs, cela à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi du groupe LR…
M. Fabien Di Filippo
Il n’y a pas de groupe LR ici, il s’agit du groupe Droite républicaine – DR !
Mme Elsa Faucillon
…qui elle-même répond à de vieilles aspirations du Front national devenu Rassemblement national. C’est la honte, chers collègues, vraiment ! Comment ne pas voir à quel point ce glissement est dramatique pour le pays ?
Certains se réclament du pragmatisme. Mais de quel pragmatisme est-il question ? C’est de vos renoncements à faire appliquer la promesse républicaine dans les territoires ultramarins que nous parlons ici !
M. Davy Rimane
Voilà !
Mme Elsa Faucillon
Vos renoncements, voilà quel est votre pragmatisme ! Répondre au problème de l’accès à l’eau dans l’île de Mayotte, à la demande de nos collègues d’avoir un centre hospitalier universitaire en Guyane, au besoin de logements à La Réunion, à la vie chère en Martinique…
M. Nicolas Forissier
Et vous, qu’avez-vous fait pendant toutes ces années ? Rien pour maîtriser l’immigration, en tout cas !
Mme Elsa Faucillon
Voilà ce que serait faire preuve de pragmatisme, mais aussi répondre à la promesse républicaine – Égalité, Liberté, Fraternité –, qui est elle aussi indivisible. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Nicolas Forissier
Quel cinéma !
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir l’amendement no 12.
M. Aurélien Taché
Vous m’avez répondu, monsieur le ministre, que seule une faible part de ceux qui venaient à Mayotte demandaient l’asile – autour de 10 % – et qu’ils étaient hébergés dans le parc qui leur est dévolu, y compris dans l’Hexagone. On pourrait élargir ce principe. Quand on a dû faire face à la crise en 2015-2016, Porte de la Chapelle ou à Calais, on a considéré que les gens en grande détresse, dont il fallait examiner la situation au regard du droit au séjour, pouvaient être accueillis plus facilement sur l’ensemble du territoire national.
Pourquoi n’applique-t-on jamais le droit commun à Mayotte ? Pourquoi le département de Mayotte est-il le seul à avoir un titre de séjour territorialisé ? Vous ne nous avez pas répondu. Car oui, il n’y a qu’à Mayotte que l’on est tenu de rester dans l’archipel quand on a un titre de séjour, sans pouvoir se rendre dans un autre département. Ce sont toutes ces questions que nous devons aborder si nous voulons traiter sérieusement celle de la population de Mayotte.
Notre collègue Elsa Faucillon vient de rappeler plusieurs dispositions qui ne s’appliquent pas à Mayotte. Je pourrais en citer d’autres. Pour que les gens vivent mieux, il va falloir œuvrer résolument à l’égalité en matière de services publics, mais aussi à l’égalité sociale. Pourquoi le niveau du RSA n’est-il pas le même que dans l’Hexagone ? Pourquoi le niveau du Smic n’est-il pas le même que dans l’Hexagone ?
M. Thibault Bazin
Parce que l’assiette des cotisations n’est pas la même ! Allez donc jusqu’au bout du raisonnement !
M. Aurélien Taché
Vous multipliez les dérogations, les dispositions propres à l’archipel de Mayotte. Ce matin encore, sur un principe aussi important que le droit du sol, vous faites un autre choix que celui du droit commun, un autre choix que celui de respecter les grands principes de la République française. Or, s’ils avaient été appliqués de la même manière à Mayotte – département depuis 2011 – que dans les autres départements, nous n’aurions pas toutes les difficultés auxquelles nous sommes confrontés.
Il est encore temps de changer de braquet, mais il faut le faire vite : les Mahorais souffrent, nous devons répondre à des attentes énormes. Encore une fois, ce n’est pas en dérogeant au droit du sol au point de le rendre inopérant que nous allons régler quoi que ce soit dans l’archipel ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Laurent Jacobelli
Le porte-parole du Hamas est donc aussi celui des Comores !
Mme la présidente
La parole est à Mme Émeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 81.
Mme Émeline K/Bidi
Il vise à supprimer les alinéas 2 à 4, qui tendent à durcir les conditions d’octroi de la nationalité par droit du sol en étendant aux deux parents, au lieu d’un seul actuellement, l’exigence de résidence régulière sur le territoire et en allongeant la durée de celle-ci à un an.
L’article soulève en effet de nombreuses difficultés, notamment pour les familles monoparentales, dont le cas n’est pas envisagé. Qu’en est-il du parent qui élève seul son enfant ? Exigerons-nous qu’on retrouve le second parent pour s’assurer qu’il est en situation régulière ? Faut-il craindre que les enfants n’ayant qu’un seul parent ne puissent jamais accéder à la nationalité française ? L’article n’est pas abouti, sans parler des autres raisons qui nous ont conduits à déposer cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Ces amendements visent en réalité à supprimer purement et simplement l’avancée votée en 2018. Il n’est pas question de revenir dessus : aucun retour en arrière n’est envisageable, puisque nous voulons au contraire aller au-delà. Les dispositions que nous proposons ne correspondent d’ailleurs pas au maximum de ce que nous souhaitons, mais nous sommes tenus par l’interprétation du Conseil constitutionnel – en tout cas, nous y sommes fidèles.
Au vu des problèmes d’accès aux services publics, aux écoles, au logement et à la santé que nous constatons, il faut pouvoir limiter l’immigration. Sans être l’alpha et l’oméga, ce texte permettra d’envoyer un signal. Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.
M. Manuel Bompard
Vous ne répondez pas à la question posée !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Avis défavorable. Monsieur Taché, je me suis déjà exprimé au sujet des visas territorialisés – pardon si je n’ai pas été très clair. J’ai toujours été défavorable à leur suppression.
M. Ugo Bernalicis
Ah bon ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Oui, bien sûr, et je le resterai tant qu’on n’aura pas réglé la question migratoire à Mayotte, dont vous avez vous-même souligné la complexité – elle a d’autres raisons que le droit du sol, qui ont été évoquées. C’est la raison pour laquelle je me suis permis d’interpeller le groupe Rassemblement national, dont l’oratrice s’est exprimée en faveur de la suppression des visas territorialisés. Il y a là une vraie divergence, car je n’y ai jamais été favorable.
M. Ugo Bernalicis
Vous les trouvez trop mous ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Du reste, je ne suis pas le seul : des députés d’autres groupes ne le sont pas non plus. Nous avons reçu il y a quelques jours M. Maillot, du groupe GDR, et M. Ratenon, du groupe La France insoumise – je le dis à l’intention de Mme K/Bidi –, qui demandaient le retour des Mahorais de La Réunion à Mayotte, refusant qu’il y en ait davantage. Un communiqué de presse a d’ailleurs été publié.
M. Manuel Bompard
Vous racontez n’importe quoi depuis le début !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
La demande émane d’un député du groupe La France insoumise et d’un député du groupe GDR. Arrêtons l’hypocrisie, mettez-vous d’accord entre vous ! Nous savons tous quelles sont les difficultés.
Par ailleurs, monsieur Taché, je suis entièrement d’accord avec vous : j’ai proposé de porter les minima sociaux à Mayotte au même niveau que dans l’Hexagone, puisqu’il s’agit d’un département français. Vous avez parfaitement raison, un rattrapage – une convergence sociale, comme on dit – est nécessaire. Il faut toutefois tenir compte de la différence d’assiette et de taux de cotisation.
M. Ugo Bernalicis
Et alors ? On doit pouvoir faire quelque chose !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Si nous augmentons immédiatement les taux de cotisation des salariés et des entreprises mahorais pour les aligner sur ceux de l’Hexagone afin d’ouvrir droit aux mêmes prestations sociales contributives, nous tuerons le peu d’économie existant à Mayotte. Il faut donc le faire intelligemment, sous la forme d’une convergence.
M. Ugo Bernalicis
Vous n’étiez pas au gouvernement, vous ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Quant aux prestations non contributives, par exemple le RSA, j’ai toujours été favorable à ce qu’elles soient accordées dans les mêmes conditions que dans l’Hexagone. L’une de ces conditions, quinze ans de résidence sur le territoire national, avait d’ailleurs été imaginée par Lionel Jospin lui-même. Il ne me semble pas qu’il ait siégé du côté droit de l’hémicycle !
On peut être d’accord sur la complexité de l’immigration et de ses conséquences à Mayotte. Nul ne prétend que cette proposition de loi règle tous les problèmes, mais soutenir qu’elle n’en règlera aucun serait tout aussi caricatural.
Mme la présidente
La parole est à M. Yoann Gillet.
M. Yoann Gillet
Par la voix de Mme Faucillon, l’extrême gauche nous dit qu’il serait dramatique de toucher au droit du sol. Mais ce qui est dramatique, ce sont ces Mahorais qui ne peuvent plus se soigner et qui sont obligés d’aller à La Réunion ou en métropole parce que la submersion migratoire fait qu’ils n’ont plus accès à l’hôpital. (Mme Léa Balage El Mariky s’exclame.) Ce qui est dramatique, c’est que les petits Mahorais n’ont plus accès à l’école dans les mêmes conditions que nos petits ici, en métropole.
M. Manuel Bompard
Et pourquoi ?
M. Yoann Gillet
Ce qui est dramatique, c’est que les Mahorais vivent dans l’insécurité, en raison notamment de l’immigration massive. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Ce qui est dramatique, c’est qu’ils n’aient pas accès à l’eau.
M. Aurélien Le Coq
Quel rapport avec le droit du sol ?
M. Yoann Gillet
Ce qui est tout aussi dramatique, c’est que des Comoriens meurent en mer parce que des gens comme vous les incitent à traverser en kwassa-kwassa. Voilà ce qui est dramatique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Davy Rimane.
M. Davy Rimane
Je souhaite réagir aux propos de M. Gillet concernant la situation à Mayotte.
M. Hervé de Lépinau
Quel rapport avec l’amendement ?
M. Davy Rimane
Collègues, vous êtes un peu hypocrites.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Ils ne sont pas les seuls !
M. Davy Rimane
Voici pourquoi : nous parlons de l’égalité républicaine dans les territoires d’outre-mer. (M. Yoann Gillet proteste.)
Je vous ai écouté avec une grande attention, collègue Gillet : laissez-moi vous répondre ! Puisque vous parlez de l’accès au droit, je vais vous dire ce qu’il en est dans mon territoire : là où l’État ne veut pas investir, les enfants se lèvent à quatre heures du matin, font une, voire deux heures de pirogue pour aller à l’école ; ils ne suivent qu’une demi-journée de cours avant de devoir rentrer chez eux. Pourquoi ? Parce que l’État refuse de construire des routes, alors que la Guyane est française depuis cinq cents ans. De quoi nous parlez-vous ? Vous êtes dangereux : vous mettez le non-développement, le non-investissement et le non-aménagement sur le dos des étrangers et des immigrés ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.)
M. Laurent Jacobelli
Quelle mauvaise foi !
Mme Danièle Obono
Il a raison !
M. Davy Rimane
Parlons du manque de places dans les écoles. Chaque année, l’Insee fournit des chiffres permettant de mesurer l’évolution de la population : il revient à l’État d’anticiper par ses politiques publiques, notamment en construisant les infrastructures nécessaires. (Mêmes mouvements.) Alors vos histoires de gamins mahorais qui n’auraient pas accès à l’école à cause de l’immigration, c’est faux, nul et non avenu en ce qui nous concerne ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 78.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 267
Nombre de suffrages exprimés 265
Majorité absolue 133
Pour l’adoption 94
Contre 171
(L’amendement no 78 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 et 81.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 266
Nombre de suffrages exprimés 265
Majorité absolue 133
Pour l’adoption 93
Contre 172
(Les amendements identiques nos 12 et 81 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 56, 13 et 77, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 13 et 77 sont identiques.
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 56.
Mme Colette Capdevielle
Il s’agit d’un amendement de repli visant à supprimer la condition supplémentaire tenant à la résidence des deux parents sur le territoire de Mayotte.
Tout à l’heure, la gauche a été mise en cause. Je voudrais donc rappeler qu’en l’espèce, elle respecte la loi, les textes nationaux comme internationaux, et qu’elle se montre très attentive à ce qu’écrit la Défenseure des droits dans une lettre adressée au président de la commission des lois. Je m’étonne d’ailleurs que Mme Youssouffa ne l’ait pas lue. (Mmes Dieynaba Diop et Dominique Voynet applaudissent.)
Si ce texte pose un problème de constitutionnalité, il pose aussi un problème de conventionnalité. En effet, la France est signataire de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Convention internationale des droits de l’enfant, dont l’article 3 nous enjoint de privilégier l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les décisions qui le concernent. Pourtant, certains ne seront pas gênés de voter en faveur d’un texte qui sacrifie les enfants mahorais, en les privant de la possibilité d’acquérir la nationalité de leur pays natal au motif de l’irrégularité du séjour de leurs parents ou de l’un d’entre eux alors même qu’ils justifieraient résider en France depuis leur naissance. Si vous votez en faveur de cette proposition de loi, vous inscrirez dans la loi l’inégalité entre les enfants mahorais et les autres enfants français, simplement parce que les premiers n’auront pas eu la chance de naître en dehors de ce département. La Défenseure des droits le rappelle, elle nous alerte toutes et tous sur ce véritable problème juridique. Manifestement, soit vous ne savez pas lire, soit vous ne le voulez pas. Vous feriez un bel effort en lisant cette lettre, qui nous rappelle l’essentiel de nos textes et des conventions que nous avons signées, notamment la Convention européenne des droits de l’homme – les enfants étant des hommes et des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 56, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir l’amendement no 13.
M. Éric Coquerel
Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à atténuer la dangerosité de ce texte. Permettez-moi de répondre au ministre de la justice, qui affirmait tout à l’heure que cette loi ne réglerait pas tout, mais pouvait améliorer la situation. Je ne le crois pas, monsieur le ministre ; je crois cette loi dangereuse et inutile.
Elle est dangereuse parce qu’elle constitue une brèche – pour reprendre l’expression employée par Mme Le Pen –, dans un contexte de remise en question du droit du sol à l’échelon national. Quand un ministre de l’intérieur parle de « Français de papier », quand M. Gosselin affirme qu’il n’est pas tabou de remettre en question le droit du sol,…
M. Philippe Gosselin, rapporteur
On peut en discuter, quand même !
M. Éric Coquerel
…nous voyons bien que l’exception que nous ferions pour Mayotte pourrait être étendue à tout le pays dans l’avenir. Telle est bien l’ambiance du temps.
M. Laurent Jacobelli
Puissiez-vous dire vrai !
M. Éric Coquerel
Certains ne manqueraient pas de prendre appui sur ce précédent pour dire : ce qui est valable à Mayotte l’est ailleurs. Comme je défends une France une et indivisible,…
M. Fabien Di Filippo
C’est quand ça vous arrange, la France une et indivisible. Sinon, c’est plutôt le communautarisme !
M. Éric Coquerel
…je suis pour la suppression du visa territorialisé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
En outre, le texte est inutile. Quoi que vous puissiez en dire, le nombre d’acquisitions de la nationalité française à Mayotte a été divisé par deux depuis 2018, alors que la migration n’a cessé de s’amplifier, notamment depuis les Comores. Cela montre bien que l’acquisition de la nationalité n’en constitue pas le ressort principal, qui est économique.
Pour répondre à Mme Youssouffa, il ne s’agit pas de prospérité, mais du niveau du PIB, trois fois supérieur à Mayotte à ce qu’il est aux Comores. Pour régler ce problème, il faut certes garantir à ce département un niveau d’équipement et de prestations égal à celui dont n’importe quel autre pourrait bénéficier, mais aussi assumer le rôle régional qui nous incombe du fait que Mayotte est un département français. Cela passe par l’aide au développement, qui ne cesse pourtant de diminuer, à fournir aux Comores et à d’autres entités régionales, seule à même de mettre fin à ces disparités. Nous ne réglerons pas le problème tant que cela ne sera pas fait. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 77.
Mme Elsa Faucillon
Il faut manifestement le répéter : accès à la nationalité et flux migratoires ne présentent pas la corrélation que certains tentent d’établir.
M. Hervé de Lépinau
Quel déni de réalité !
Mme Elsa Faucillon
Il est même impossible d’en démontrer l’existence depuis que le régime dérogatoire instauré en 2018 a restreint les possibilités d’accéder à la nationalité française sans réduire les flux migratoires.
Il faut aussi répéter que malgré la construction de murs – c’est malheureusement la direction que le monde est en train de prendre –, si hauts soient-ils, des gens continueront à prendre tous les risques, mus par l’aspiration à vivre mieux. Point à la ligne. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.)
Mme Clémentine Autain
Eh oui !
Mme Elsa Faucillon
Avec vos barrières et vos fils barbelés, vous ne réduisez pas les flux migratoires, mais vous causez plus de souffrances et plus de morts ! Voilà la réalité de la politique de militarisation de nos frontières ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Quant aux femmes qui viennent accoucher à Mayotte – le ventre des femmes est vraiment une obsession chez vous, les réactionnaires –, sachez qu’elles n’ont pas de stratégie machiavélique. Simplement, quand vous ne bénéficiez pas d’un suivi médical de votre grossesse, vous traversez, à la recherche d’un endroit où faire en sorte que votre enfant naisse en bonne santé. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Ugo Bernalicis
C’est humain !
M. Hervé de Lépinau
Mais allez-y, aux Comores !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Au sujet de cette corrélation, il faut tout de même rappeler quelques éléments. Les titres délivrés pour des raisons familiales au sens large représentent 78 % des titres de séjour à Mayotte et 56 % sont accordés à des étrangers parents d’enfants français. Force est de constater l’existence d’un lien direct.
Il n’existe pas de droit acquis à la nationalité française. C’est un point important, qu’il convient de rappeler, de marteler même. La nationalité n’est pas l’alpha et l’oméga du droit de l’immigration à Mayotte, mais c’est une pierre importante de l’édifice.
Je reviens sur les amendements et sur l’argument concernant les familles monoparentales, avancé dans l’exposé sommaire de l’amendement no 56, mais guère repris dans le propos des orateurs. Il y a un problème, c’est vrai, et je défendrai tout à l’heure un amendement, le no 86, qui vise à le résoudre. Avis défavorable sur les trois amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Avis défavorable. Je veux juste corriger Mme la ministre Voynet, si elle me le permet, car elle a mis en cause quelqu’un qui n’est pas présent, le préfet de Mayotte. Les barrages ont été levés il y a cinq semaines et la préfecture a recommencé à renouveler des titres de séjour, ceux des travailleurs et des Mahorais. Il est préférable de dire des choses justes, surtout quand on a été ministre de la République…
Mme Danièle Obono
Il sait de quoi il parle !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…et fonctionnaire sur le territoire de Mayotte,…
Mme Dominique Voynet
Je n’ai pas mis en cause le préfet de Mayotte, j’ai contesté les propos de Mme Youssouffa !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…en évitant d’attaquer des fonctionnaires de la République qui ne sont pas là pour répondre. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Perrine Goulet.
Mme Perrine Goulet
Je veux intervenir à titre personnel, en vertu de mon engagement auprès des enfants. Pour ma part, je vais soutenir les amendements nos 13 et 77, parce que la condition de résidence des deux parents en situation régulière me pose problème. En effet, si une personne qui est en situation régulière tombe amoureuse de quelqu’un qui ne l’est pas, l’enfant issu de leur union ne pourra pas obtenir la nationalité française. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) C’est un problème !
En outre, monsieur le rapporteur, vous présenterez tout à l’heure un amendement ayant trait aux familles monoparentales. Il me pose également problème, parce que son adoption reviendrait à discriminer les femmes. Je m’explique : si une femme en situation régulière a un conjoint qui ne l’est pas, elle va se déclarer en situation de monoparentalité, afin d’être certaine que son enfant aura la nationalité. En revanche, une femme qui n’aurait pas la chance d’être en situation régulière et serait donc en situation irrégulière, mais dont le conjoint serait, lui, en situation régulière, ne pourrait pas faire de même : son enfant n’aurait donc pas droit à la nationalité française. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Vous le voyez : je ne suis pas favorable à l’ajout d’une condition supplémentaire tenant à la résidence des deux parents en situation régulière, surtout si l’on y ajoute l’amendement que vous voulez faire adopter à propos des familles monoparentales. Je suis pour un allongement de la période de résidence, car je pense que c’est une bonne chose, mais ces deux mesures reviendraient à discriminer de nombreuses femmes et à les mettre en difficulté.
M. Jérôme Guedj
Très bien !
Mme Ayda Hadizadeh
Ils s’en fichent, des femmes et des enfants !
Mme Perrine Goulet
Je suis désolée, mais je soutiendrai donc les amendements de M. Bernalicis et de Mme Faucillon. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – Mme Josy Poueyto applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa
Nous sommes très rarement d’accord, monsieur Taché, mais en l’occurrence, vous avez raison : Mayotte demande expressément la fin du visa territorialisé qui, du fait de sa géographie, transforme notre île en camp pour réfugiés. À 10 000 kilomètres de la métropole, une telle exception est bien pratique ! À Mayotte, les visas et les titres de séjour sont généreusement distribués, ce qui permet aux migrants d’y rester.
Je suis également d’accord avec le collègue Rimane sur un point : le déficit en infrastructures publiques et les difficultés d’accès aux services publics sont un vrai problème à Mayotte. Mais je veux vous renvoyer à votre histoire : la gauche a été aux affaires,…
M. Nicolas Forissier
Eh oui !
Mme Estelle Youssouffa
…et elle n’a rien fait pour Mayotte !
M. Nicolas Forissier
Rien !
M. Fabien Di Filippo
Elle n’a rien fait pour personne !
Mme Estelle Youssouffa
Pendant les années Hollande ou les années Mitterrand, en matière d’approvisionnement en eau potable, de construction d’infrastructures scolaires ou d’accès aux droits, il ne s’est rien passé ! (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
M. Nicolas Forissier
Et ils viennent donner des leçons !
Mme Estelle Youssouffa
En vous écoutant, on pourrait penser que vous n’avez jamais été aux affaires, ni les uns ni les autres, et que la situation que nous connaissons aujourd’hui n’est que récente. Mais Mayotte est française depuis 1841 ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Quand vous dites que l’immigration n’a rien à voir avec les problèmes dont nous parlons, il faut vous rappeler que la moitié de la population de Mayotte, au bas mot, est étrangère. Dans nos classes, ce sont 80 % des élèves qui sont étrangers ! Nous n’avons pas assez de salles de classe et les enfants doivent donc subir un système de rotation. À l’hôpital, qu’une députée ici présente connaît très bien, notre service principal, c’est la maternité, où 75 % des naissances sont étrangères. (« Voilà ! » sur les bancs du groupe RN.) Cela signifie que les maigres services publics, à Mayotte, sont monopolisés par des étrangers, la plupart en situation irrégulière. Voilà notre réalité !
Ainsi, vous appelez au déploiement de politiques publiques sur notre territoire, mais vous êtes complètement myopes ! Dire que le sujet de l’immigration n’existe pas, c’est vraiment vivre au pays des Bisounours. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR. – M. Didier Le Gac applaudit également.)
M. Nicolas Forissier
Très bien !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 56.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 277
Nombre de suffrages exprimés 275
Majorité absolue 138
Pour l’adoption 102
Contre 173
(L’amendement no 56 n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 13 et 77 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 14 et 84.
Sur ces amendements, je suis saisie par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouveau Front populaire de demandes de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 14.
M. Ugo Bernalicis
C’est un amendement de repli qui vise à conserver la situation actuelle, alors que vous voulez allonger la durée de résidence exigée en la faisant passer de trois mois à un an. Je disais tout à l’heure que ce n’est pas parce que le Conseil constitutionnel a accepté trois mois qu’il acceptera un an ! Trois mois, c’est une durée qui lui est apparue raisonnable, eu égard à la situation particulière de Mayotte qui justifiait d’introduire une exception au principe du droit du sol – le Conseil constitutionnel s’est appuyé sur l’article 73 de la Constitution pour adapter ce droit.
Néanmoins, nous avons désormais des arguments nouveaux à lui présenter, des arguments dont nous ne disposions pas en 2018 ! Votre loi « immigration » de 2018 s’applique depuis cette date ; il est donc possible d’en dresser un premier bilan. Or la restriction, par la loi de 2018, de l’acquisition de la nationalité par le droit du sol n’a pas eu les conséquences que vous escomptiez sur les arrivées à Mayotte, donc sur la situation migratoire du territoire. Voilà la réalité ! Il n’y a pas de corrélation entre ce que vous proposez et l’objectif censément poursuivi.
Nous aurons donc de nouveaux arguments à présenter. Je tiens par ailleurs à préciser que j’ai été particulièrement choqué par l’intervention du collègue Boucard au tout début de l’examen du texte.
M. Hervé de Lépinau
Mise en cause personnelle !
M. Ugo Bernalicis
Il a dit qu’à gauche, nous allions parler d’humanisme – oui, c’est vrai, nous allons vous parler d’humanisme –, avant d’ajouter : « l’humanisme, c’est d’abord pour nos compatriotes. »
M. Ian Boucard
Mahorais !
M. Ugo Bernalicis
Mahorais ? Peu importe, vous pouvez compléter la phrase comme bon vous semble, ça ne change rien. L’humanisme, dites-vous, c’est d’abord pour nos compatriotes mahorais.
M. Ian Boucard
Je l’assume sans problème ! Aucun souci !
M. Ugo Bernalicis
Ne voyez-vous pas la contradiction dans vos propos ? L’humanisme, ce ne peut être « d’abord pour » ! Le principe même de l’humanisme, c’est qu’il est universel (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS)…
M. Ian Boucard
Aucun souci !
M. Ugo Bernalicis
…et qu’il ne conduit jamais à trier les êtres humains ! Les êtres humains, ne vous en déplaise, sont égaux en droits, point.
M. Emeric Salmon
Nous sommes députés de la nation, pas députés du monde !
M. Ugo Bernalicis
Et je sais que votre cible, au fond, c’est la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ! Votre vraie cible politique, ce sont les droits humains. (« Exactement ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Emeric Salmon
Faites-vous élire député de l’ONU, si vous voulez !
M. Ugo Bernalicis
Alors je me dois de poser une question à M. Darmanin, ainsi qu’aux membres de la Droite républicaine : n’êtes-vous là que pour faire monter le Rassemblement national ?
M. Ian Boucard
Plus c’est gros, plus ça passe !
M. Ugo Bernalicis
Ou voulez-vous grand-remplacer le Rassemblement national ? (Sourires et applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Voilà la question qui se pose au vu de nos débats !
M. Ian Boucard
M. Bernalicis était plus pertinent avant de trouver des collègues qui font plus de buzz que lui !
M. Aurélien Le Coq
Les voilà, les véritables grand-remplaçants !
Mme la présidente
La parole est à Mme Émeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 84.
Mme Émeline K/Bidi
Cette durée d’un an que vous voulez introduire pose en effet problème, d’autant plus que les services de l’État, à Mayotte, n’ont pas toujours été en mesure de faire fonctionner correctement les bureaux de la préfecture, ce qui a entravé la délivrance de visas et de titres de séjour aux personnes qui en avaient besoin. Un article est paru dans Le Monde, il y a quelques jours, expliquant que sur douze mois, en 2024, les bureaux en question n’avaient fonctionné normalement que pendant à peine deux mois, à cause des manifestations qui ont émaillé cette période. Il était souvent impossible d’accéder à la préfecture, alors que la plupart des démarches n’étaient pas accessibles de façon dématérialisée ; certaines personnes qui voulaient quitter Mayotte et avaient simplement besoin d’un laissez-passer l’attendaient depuis plus d’un an !
La question se pose donc : si vous exigez d’un parent qu’il ait résidé un an en situation régulière sur le sol français avant la naissance de son enfant, garantirez-vous, en contrepartie, un fonctionnement normal des bureaux ? Lorsqu’une personne ayant besoin de renouveler son titre n’est pas en mesure de le faire parce que les services de la préfecture ne fonctionnent pas correctement, allez-vous considérer que c’est de sa faute si elle est en situation irrégulière ?
Mme Frédérique Meunier
Mais arrêtez !
Mme Émeline K/Bidi
Lors de l’examen du projet de loi d’urgence pour Mayotte, un excellent amendement a été présenté pour prolonger automatiquement les titres de séjour des personnes qui en bénéficiaient, compte tenu des problèmes liés au cyclone Chido. Défendu par notre collègue Voynet, il a été refusé ! Toutes ces questions se posent. Nous étions déjà opposés à cet allongement de la durée de résidence exigée, mais eu égard à votre refus de faire fonctionner correctement les services de l’État, la mesure nous apparaît désormais comme une hérésie ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Gosselin, rapporteur
S’agissant du fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le ministre de l’intérieur s’est exprimé, tout comme le ministre des outre-mer : l’État est bien présent à Mayotte et le restera. Votre argument ne tient donc plus vraiment, même si les problèmes que vous décrivez ont pu se poser ici ou là pendant un certain temps.
En ce qui concerne la durée de résidence exigée et sa proportionnalité, je crois que le débat est clos. La décision du Conseil constitutionnel du 6 septembre 2018 est très claire : la différence de traitement est tout à fait proportionnée, compte tenu de la situation propre à Mayotte. La durée d’un an ne poserait donc pas de difficulté majeure. Je comprends votre raisonnement, mais notre logique est la suivante : nous voulons aller aussi loin que nous le pouvons, dans les limites de ce qu’il est possible de faire constitutionnellement. Un an, c’est possible ; nous maintenons donc la mesure. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle Obono
En déposant ces amendements de repli, nous avons voulu mettre en lumière la situation ubuesque dans laquelle vont se retrouver énormément de gens, notamment des enfants, si cette loi est adoptée. Le fait de rendre l’accès à la nationalité française de plus en plus difficile ne répondra pas aux problèmes soulevés en particulier par la collègue Youssouffa !
En réalité, il y a erreur ou incompréhension de votre part : nous ne disons pas qu’il n’y a pas de problème migratoire à Mayotte. Mayotte est une île française dans un archipel comorien ; il y a donc bien évidemment un sujet migratoire sur lequel il faut se pencher. Ce faisant, il faut évaluer les politiques qui ont été menées sur ce sujet ! Or les évaluations dont nous disposons montrent que la politique menée par l’État depuis des décennies – qui témoigne d’ailleurs, quel que soit le gouvernement, d’une certaine continuité – n’a pas permis de résoudre les difficultés du territoire.
C’est donc aussi sur la base de cette évaluation que nous l’affirmons : ce n’est pas par le biais du tout-sécuritaire que nous parviendrons à régler ce problème. (Mme Estelle Youssouffa s’exclame.) Si vous disposez d’autres chiffres ou d’autres études qui nous disent le contraire, alors il faut les verser au débat ! En attendant, ce dont nous disposons ne va pas dans votre sens.
Par ailleurs, le débat ne porte pas sur la nécessité – ou non – de prendre en compte l’immigration : ce dont nous parlons, c’est de l’accès à la nationalité française. Et ce que nous disons depuis le début, c’est qu’il n’y a pas de corrélation entre les deux ! Encore une fois, si vous avez à votre disposition des éléments qui vont dans le sens de cette corrélation, versez-les au débat ! Ce que nous observons, c’est tout le contraire, et limiter l’accès à la nationalité ne résout pas les difficultés migratoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Yoann Gillet.
M. Yoann Gillet
Mme Youssouffa a également demandé la parole ; je la lui laisse, car il faut faire preuve de galanterie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Hervé de Lépinau
C’est ça, la classe !
Mme Dominique Voynet
Ils disent la même chose, de toute façon.
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa
Merci, cher collègue. Vous parlez, madame Obono, d’évaluer les politiques publiques ; je vous invite donc à évaluer celle qui a trait à la coopération avec les Comores, qui a été évoquée par le collègue Coquerel. Un accord de coopération a été signé en 2019 avec la république des Comores ; or il ignore complètement le fait que les Comores revendiquent Mayotte. Le Quai d’Orsay n’en tient pas compte : quelle amnésie de notre diplomatie ! Quand nous coopérons avec un voisin qui envoie sa population chez nous et qui réclame aux Nations unies, dans sa Constitution, une partie de notre territoire national, pour ma part, j’appelle ça de la collaboration – mais fermons cette parenthèse.
En vertu de l’accord de coopération signé avec les Comores en 2019, donc, 27 000 reconduites à la frontière ont eu lieu cette année-là. Contre plusieurs centaines de millions d’euros, les Comoriens se sont engagés à lutter contre l’immigration clandestine. Quel marché de dupes ! En 2022 – ce sont les derniers chiffres dont nous disposons –, il y a encore eu 24 000 reconduites à la frontière, ce qui signifie que l’accord de coopération n’a pas fonctionné. Et bizarrement, durant cette période, les Comores, qui trônent au sommet de tous les classements relatifs à la corruption ou à la mauvaise gouvernance, ne se sont toujours pas développées. On voit donc que l’argent public et l’aide publique au développement sont totalement mis à la poubelle : l’argent du contribuable mahorais, qui contribue au même titre que le reste des contribuables français, sert à aider un pays qui est en train de déstabiliser un département français !
J’invite donc mes collègues de gauche à se remettre en question (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR et HOR), car cette politique publique nous coûte beaucoup et ne nous rapporte rien. Les chiffres sont accablants ! Alors que l’immigration en provenance des Comores continue à augmenter, vous ne vous dites pas qu’il faut y mettre un terme ; au contraire, ce que vous nous dites, c’est qu’il faut continuer à enrichir le président Azali Assoumani et consorts ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs des groupes RN, EPR, HOR et UDR.) De la même manière, vous continuez à nier l’existence d’une ingérence étrangère à Mayotte et l’instrumentalisation de l’immigration par les Comores, que l’Otan et l’Union européenne qualifient même de « menace hybride » !
Mme Émilie Bonnivard
C’est le problème de l’idéologie !
Mme Estelle Youssouffa
Mais vous, vous continuez à être les agents d’un État étranger qui revendique et déstabilise une partie du territoire national ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR, HOR et UDR et sur quelques bancs des groupes LIOT et EPR.)
M. Jean-Paul Lecoq
Agents d’un État étranger ? Ces attaques sont incessantes ! Je suis tantôt un agent d’Alger, tantôt un agent des Comores ! C’est n’importe quoi !
M. Fabien Di Filippo
Il semble que la vérité dérange M. Lecoq !
M. Manuel Bompard
C’est scandaleux ! Mise en cause personnelle !
Mme la présidente
Faites un rappel au règlement, si vous le souhaitez !
Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 et 84.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 282
Nombre de suffrages exprimés 282
Majorité absolue 142
Pour l’adoption 98
Contre 184
(Les amendements identiques nos 14 et 84 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de dix-neuf amendements, nos 25, 24, 23, 95, 22, 57, 21, 58, 20, 93, 59, 19, 18, 15, 16, 17, 70, 10 et 88, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 20 et 93 sont identiques.
La parole est à M. Manuel Bompard, pour soutenir l’amendement no 25.
M. Manuel Bompard
C’est un amendement de repli par rapport aux précédents. Il s’agit de se rapprocher du droit commun.
Madame Youssouffa, vous ne pouvez pas enchaîner ainsi, à longueur d’interventions, les contrevérités. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Nicolas Forissier
C’est elle qui est députée de Mayotte ! Elle connaît la situation !
M. Manuel Bompard
Notre groupe nierait, avez-vous dit, le fait que Mayotte est un département français. Bien au contraire : c’est précisément parce que nous ne contestons pas ce fait que nous souhaitons que s’y appliquent les mêmes lois, les mêmes droits et les mêmes investissements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
C’est plutôt vous qui voulez que Mayotte ne soit pas vraiment un département français, puisqu’il faudrait que les droits ne s’y appliquent pas de la même manière que sur le reste du territoire national. En outre, vous acceptez l’idée que le sous-investissement y soit chronique, tout en pointant du doigt notre responsabilité. Or nous n’avons jamais été au pouvoir.
M. Emeric Salmon
Jean-Luc Mélenchon n’a jamais été ministre ?
M. Manuel Bompard
En tout cas, vous avez raison : c’est une honte que Mayotte ait été abandonnée, ces dernières années, par tous les gouvernements successifs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
En 2018, l’ensemble des élus mahorais et des forces vives du territoire avaient demandé 2 milliards d’euros d’investissements pour l’égalité réelle à Mayotte. Où sont donc ces 2 milliards dans le budget que l’actuel gouvernement vient de faire passer en force par 49.3 ? Nulle part ! (Mêmes mouvements. – M. Emmanuel Duplessy applaudit également.)
Pourtant, hier, vous n’avez pas voté la motion de censure. Vous n’avez pas bloqué ce budget pour en promouvoir un autre qui aurait enfin prévu les investissements nécessaires à Mayotte.
M. Laurent Jacobelli
Parlons des Mahorais ! Arrêtez de faire de la politique ! Quelle indécence !
M. Manuel Bompard
De même, monsieur Darmanin, ne dites pas n’importe quoi dans le débat ; ne multipliez pas les contre-vérités… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent ce dernier.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 24.
M. Bastien Lachaud
« Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, […] l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. » Ainsi s’exprimait Ernest Renan en 1882. Telle était, selon lui, la conception française de la nation : une nation contractuelle ;…
M. Philippe Juvin
Contractuelle ?
M. Bastien Lachaud
…une nation créolisée, en 1882 déjà ; une nation qui se constitue et se renforce par l’apport des générations successives, d’où que viennent ces personnes, pour faire nation, dans un esprit commun. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Fabien Di Filippo
Même avec un costume trois pièces, cela reste une idéologie dangereuse !
M. Bastien Lachaud
Voilà ce qu’est la nation française ; voilà ce que vous voulez détruire avec cette proposition de loi, qui est un cheval de Troie.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Un cheval de Troie ? Ben voyons !
M. Bastien Lachaud
Au-delà de Mayotte, c’est bientôt la Guyane qui sera concernée, puis la France tout entière. Tel est votre objectif, monsieur le rapporteur : détruire ce qu’est la nation française. Nous ne pouvons l’accepter. Votre vision réductrice et rétrograde nous enfermerait, sonnerait la fin de la France, non seulement de la France révolutionnaire, que vous honnissez, mais aussi de la France millénaire, que vous vantez. En effet, le droit du sol n’est pas né avec la Révolution française : c’est un des principes féodaux qui était en vigueur sous la monarchie. Voilà ce que vous voulez abattre.
Le problème, à Mayotte,…
M. Laurent Jacobelli
Que c’est long !
M. Philippe Juvin
Et hors sujet !
M. Bastien Lachaud
…vient non pas de cette conception française de la nation, mais du désinvestissement de la part de l’État. Depuis des années, tous nos territoires ultramarins sont méprisés par les gouvernements qui se succèdent, quels qu’ils soient. C’est donc vers eux qu’il faut se tourner… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent ce dernier.)
Mme la présidente
Chers collègues, je fais respecter le temps de parole de deux minutes. Inutile de me faire signe au bout d’une minute pour essayer d’en obtenir davantage…
M. Laurent Jacobelli
Il y a des minutes qui paraissent des heures !
Mme la présidente
Sur chacun des amendements nos 24, 23, 95 et 22, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 23.
M. Jean-François Coulomme
Il va dans le même sens que ceux qui viennent d’être défendus. Nous tenons à préciser que, contrairement à tout ce qui a été avancé, les Comoriens…
Un député du groupe RN
Et les Comoriennes !
M. Jean-François Coulomme
…ne viennent pas chercher une nationalité, un joli papier estampillé « République française ». (Exclamations sur les bancs des groupes RN et DR.)
M. Laurent Jacobelli
Quelle naïveté !
M. Jean-François Coulomme
Ce n’est pas le premier de leurs soucis.
M. Fabien Di Filippo
Alors, que viennent-ils chercher ? Des aides sociales ?
M. Jean-François Coulomme
Dans ce monde en proie au chaos, notamment à cause des politiques que vous menez, toutes les migrations sont le fait de personnes qui cherchent à se mettre à l’abri, à échapper aux conditions qui règnent dans leur pays d’origine. Qui plus est, dans cette zone du monde existe une tradition nomade ; on ne connaissait ni les frontières ni les nations. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Ces personnes ne viennent pas en se disant qu’elles franchissent une frontière ; elles fuient des menaces, des dangers. Voilà ce qui les amène à Mayotte.
Si vous voulez les en dissuader, il faudra que vous instauriez, sur le territoire de Mayotte, des mesures de rétorsion et de répression, en quelque sorte des persécutions qui soient supérieures à celles qu’ils subissent dans leur pays d’origine. Le paroxysme de votre logique serait d’établir une sorte de peine capitale…
M. Laurent Jacobelli
Au bas mot !
M. Jean-François Coulomme
…contre l’intention de rejoindre Mayotte, de recourir à des outils de dissuasion qui soient d’une violence supérieure à celle que fuient les peuples qui viennent à Mayotte – c’est cette même violence que fuient tous les migrants, partout dans le monde.
Le paroxysme de votre proposition de loi, c’est un régime absolument inhumain. Vous ne faites preuve d’aucun humanisme.
M. Fabien Di Filippo
La seule chose inhumaine, c’est ce qui se passe aujourd’hui !
M. Jean-François Coulomme
L’humanisme est sans nation, sans frontières, sans caractères génétiques et sans religion. C’est tout le contraire de ce que vous promouvez dans ce texte abominable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Tristan Lahais applaudit également.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour un rappel au règlement.
M. Bastien Lachaud
Je le formule sur le fondement de l’article 98 du règlement. Le groupe La France insoumise avait déposé des sous-amendements à certains des amendements que nous sommes en train d’examiner. Ils ont été déclarés irrecevables par la présidente de l’Assemblée nationale, alors qu’ils n’entraient en aucun cas en contradiction avec les amendements sur lesquels ils portaient. Nous ne comprenons pas pourquoi leur irrecevabilité a été opposée et souhaiterions une explication de la part de la présidence à ce sujet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Nous allons interroger les services compétents pour vous apporter une réponse.
Article unique (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Davy Rimane, pour soutenir l’amendement no 95.
M. Davy Rimane
Avec votre accord, madame la présidente, je défends par la même occasion le no 93, qui est similaire.
Il s’agit d’amendements de repli, qui visent à réduire le temps de résidence minimal des parents sur le territoire français prévu par le texte de notre collègue Gosselin. Nous aurons l’objectivité de reconnaître, unanimement, je l’espère, que les mesures de cette nature ne fonctionnent pas : loin de baisser, le taux de natalité a continué à augmenter. Ce n’est donc pas la démarche appropriée.
Sur la question migratoire, j’ai proposé une autre approche globale. La réalité mahoraise n’est pas celle du continent européen, et encore moins celle de la Guyane en Amérique du Sud. Ces situations différentes appellent des approches différenciées. On ne peut pas généraliser en affirmant que le droit du sol crée un appel d’air ; c’est totalement faux et infondé.
Prenons le cas concret de la Guyane. Des membres d’une même famille mais de nationalités différentes vivent de chaque côté du fleuve qui forme la frontière. Va-t-on les empêcher de se voir ? Cela ne marchera pas.
Le préfet de Mayotte, avec qui j’ai discuté il y a quelques jours, a une approche très pragmatique et intelligente du sujet, qui pourrait nous permettre de répondre à certains problèmes que connaît ce territoire. Je vous invite à discuter vous aussi avec lui.
Mme la présidente
La parole est à M. Manuel Bompard, pour soutenir l’amendement no 22.
M. Manuel Bompard
Il s’agit de nouveau d’un amendement de repli, qui vise à rapprocher le texte du droit commun.
Je poursuis mon intervention précédente. Monsieur Darmanin, vous avez dénoncé la mise en cause d’une personne qui n’était pas présente dans l’hémicycle et corrigé, à juste titre, des propos qui lui avaient été attribués. Or vous avez fait exactement la même chose tout à l’heure : vous avez attribué au représentant de La France insoumise à Mayotte des propos qu’il n’a jamais tenus.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Si !
M. Manuel Bompard
Il a démenti ces propos et indiqué, dans le journal Politis, que vous mentiez ; tout le monde peut le vérifier. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Appliquez à tous les mêmes règles, et de la même manière !
Par ailleurs, vous avez relevé que tous les députés ne défendaient pas le même point de vue sur la question du visa territorialisé, mettant en cause les élus réunionnais de notre groupe. Or ceux-ci, comme tous les membres de notre groupe, sont favorables à la fin du visa territorialisé. Ils vous disent simplement que ce n’est pas à La Réunion seule d’assumer le devoir de solidarité, mais à la nation tout entière. (Mêmes mouvements.)
La seule chose vraie que vous avez dite, monsieur Darmanin, c’est que notre collègue du Rassemblement national élue à Mayotte s’est déclarée elle aussi favorable à la fin du visa territorialisé. Or c’est un changement radical, car les dirigeants et élus du Rassemblement national ont toujours refusé la remise en cause de ce visa territorialisé ; ils s’opposent à ce qu’une personne titulaire d’un titre de séjour à Mayotte puisse circuler librement sur l’ensemble du territoire national. Chère collègue mahoraise du Rassemblement national, vous êtes la seule à avoir exprimé cette position dans votre groupe. Je crois, en vérité, que vous vous êtes trompée de groupe ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 57.
Mme Colette Capdevielle
Il est de repli. La condition de résidence d’un an, nous l’avons dit, pose un véritable problème de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel a pu admettre à un moment donné le délai de trois mois, mais nous n’avons aucun recul, aucune analyse, aucune étude sérieuse sur l’impact de la loi de 2018. Rien ne justifie de passer de trois mois à un an.
Mme la présidente
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 21.
Mme Danièle Obono
C’est de nouveau un amendement de repli, qui vise à réduire le temps de résidence imposé aux parents pour que l’enfant puisse entreprendre une démarche d’accès à la nationalité.
Nous en revenons toujours à cette question : les obstacles administratifs, quels qu’ils soient, n’ont pas d’impact sur les causes de départ. En revanche, ils auront un impact profond sur la matrice même de notre république, car ils remettent en cause un droit fondamental des habitants et habitantes de notre territoire.
Dans ce débat sur l’accès à la nationalité, nous parlons d’autres aspects de la situation à Mayotte, notamment de la question sociale, et c’est heureux. Mais il est malheureux que nous l’abordions seulement à une telle occasion. Il aurait été plus intéressant que ceux qui disent se préoccuper de la situation à Mayotte proposent des mesures positives en faveur de ce territoire, qui permettent de progresser.
Plusieurs collègues ont évoqué les relations avec les Comores, notamment les accords conclus avec ce pays. À cet égard, les propos de notre collègue Youssouffa appellent une clarification : parler « d’agents d’un État étranger », c’est une mise en cause très grave. Les collègues visés – qui n’appartiennent pas à notre groupe – s’étaient simplement placés du point de vue du droit international, rappelant la position de l’ONU, qui a son importance en la matière.
Nous considérons pour notre part que les relations entre la France et les Comores sont un sujet, mais, nous le répétons, cela relève de la responsabilité de l’ensemble des gouvernements.
Mme la présidente
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 58.
Mme Colette Capdevielle
Cet amendement de repli vise à réduire à trois mois le délai de résidence imposé par le texte pour permettre l’accès à la nationalité sur le territoire de Mayotte.
Puisque j’ai la parole et que le texte concerne les enfants, j’en profite pour interpeller Mme Youssouffa au sujet du bureau des étrangers.
M. Emeric Salmon
Interpeller un député est contraire au règlement !
Mme Colette Capdevielle
Tout à l’heure, Mme Voynet nous a dit, sans être contredite, que le bureau des étrangers de la préfecture de Mayotte était fermé depuis le 14 octobre 2024 – soit avant le passage du cyclone – et que les services préfectoraux n’instruisaient plus les demandes de titres de séjour pour les dossiers.
Mme Estelle Youssouffa
C’est faux !
Mme Colette Capdevielle
À la suite du passage des deux cyclones, les services ne fonctionnent plus. Ainsi, aujourd’hui, les étrangers en situation régulière sur le territoire de Mayotte peuvent, comme leurs enfants, se retrouver en situation irrégulière lorsque leurs titres de séjour arrivent à échéance. À 13 ou 18 ans, au moment où ils demanderont la nationalité française, les enfants auront de graves difficultés à justifier de la régularité du séjour de leurs parents, notamment à la date de leur naissance. Ce sujet ne semble pas vous inquiéter, alors qu’il devrait vous alerter et vous conduire à voter ces amendements.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir l’amendement no 20.
M. Aurélien Taché
C’est encore un amendement de repli. La question n’est pas celle de l’accès à la nationalité – étant observé qu’augmenter le délai de résidence requis pour l’obtenir ne réglera rien –, mais celle du droit commun de l’immigration et du visa territorial, question sur laquelle nous pourrions partager des positions communes, madame Youssouffa.
Selon vous, nous pourrions nous battre ensemble contre le sous-investissement chronique dans les services publics. Si je peux comprendre qu’en tant qu’élue de Mayotte, vous soyez échaudée par des décennies d’incurie dans ce domaine, je comprends moins que lors de l’examen du projet de loi d’urgence pour Mayotte, vous ayez refusé en commission ma proposition d’augmenter le taux de scolarisation des enfants. Nous en sommes là ! Pour vous, augmenter le taux de scolarisation des enfants n’est pas une bonne chose !
L’école est pourtant au cœur du projet républicain, raison pour laquelle j’ai interpellé le rapporteur Philippe Gosselin lors de mon intervention initiale. Comment défendre l’idée qu’il faut aller vers le droit commun et l’application des grands principes républicains sans soutenir l’extension de la scolarité à Mayotte ?
Je vais vous dire ce qui va se passer si nous ne la défendons pas ensemble : après s’être attaqués au droit du sol, le Rassemblement national, ses amis et ceux qui soutiennent aujourd’hui cette proposition de loi s’en prendront à l’idée qu’il faut scolariser tous les enfants ; demain, ils contesteront l’hébergement inconditionnel et il faudra montrer ses papiers pour dormir dans un centre d’hébergement… (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Non ! La République, ce n’est pas cela ! Si l’on naît en France, on peut devenir français ; quand on réside sur le territoire français, on scolarise ses enfants ; quand quelqu’un dort dans la rue, on lui propose un toit. Voilà la République française ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – M. Édouard Bénard applaudit également.)
Mme la présidente
M. Davy Rimane a déjà soutenu l’amendement no 93.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 59.
M. Arthur Delaporte
Il s’agit encore une fois d’un amendement de repli qui vise, puisque vous avez refusé de supprimer cet article, à sauvegarder le peu qu’il reste de conscience républicaine.
Si nous sommes aujourd’hui mobilisés pour défendre les principes républicains, nous le sommes aussi pour défendre le droit des individus à ne pas subir le spectre de vos fantasmes. Car tout ceci ne repose sur rien !
M. Laurent Jacobelli
Le déni socialiste !
M. Arthur Delaporte
Vous n’avez aucun argument matériel ou réel ! Aucune étude n’établit l’existence d’une influence – éventuellement positive – du droit de la nationalité sur les flux migratoires. Vous avez beau pérorer, vous êtes uniquement dans le mensonge et la diffusion de préjugés. Et l’extrême droite n’est pas la seule à les diffuser : le gouvernement de la République française le fait aussi !
M. Laurent Jacobelli
Ce sont vos amis !
M. Arthur Delaporte
Il n’y a pas de submersion migratoire causée par l’application du droit du sol en France en général et à Mayotte en particulier. Voici la cause de notre hostilité à ce texte.
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 19.
M. Bastien Lachaud
« Étudie, et tu verras que, dans cette magnifique création, rien, sinon l’acte même de créer, rien, sinon l’art même de construire, et le style de l’ensemble, rien n’est à toi seul, Français (Exclamations sur les bancs du groupe RN) ; rien n’est à toi en propre, à toi exclusivement. Tous les matériaux qui leur ont servi à bâtir, à construire leur civilisation, la civilisation française, tes aïeux les ont pris de toutes parts, de toutes mains, partout où ils les trouvaient, où ils les pouvaient prendre. C’est vrai des plantes, des arbres, des légumes et des fleurs qui composent le paysage si vanté de ton pays. C’est vrai des aliments dont tu te nourris chaque jour, toi et les tiens. Vrai des vêtements qui te protègent du chaud et du froid. De la machine à coudre que ta mère fait marcher le soir à la veillée (Exclamations sur les bancs du groupe RN), de la bicyclette que ton père enfourche pour aller au travail ou, le dimanche, pour aller à la campagne. Tout cela qui est à toi maintenant. Mais qui n’est pas de toi, je veux dire de toi seul. Exclusivement et jalousement. Tout cela que tu as adopté, modifié souvent pour mieux l’adapter à tes besoins, perfectionné parfois. Mais, initialement, ne l’as-tu point, en partie ou en totalité, emprunté à autrui ? »
Voilà ce qu’écrivait en 1950 Lucien Febvre, ce grand historien, collègue de Marc Bloch – bientôt panthéonisé –, dans ce magnifique ouvrage : Nous sommes des sang-mêlés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il décrivait ce qu’est la France, le résultat du pacte consensuel évoqué par Ernest Renan, cette France qui s’est construite, qui s’est créolisée avec ces apports multiples et variés. Voilà ce que vous voulez détruire et mettre à terre ! (Mêmes mouvements.)
M. Laurent Jacobelli
Débranchez-le !
M. Bastien Lachaud
Vous voulez empêcher que l’ensemble de la nation française bénéficie de l’apport de ceux qui rejoindraient aujourd’hui Mayotte,…
M. Hervé de Lépinau
C’est quatre minutes par amendement, maintenant ?
M. Bastien Lachaud
…tout simplement parce que vous refusez de donner à ce territoire les moyens d’accueillir enfin décemment l’ensemble de ces personnes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont les députés se lèvent. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Raphaël Arnault, pour soutenir l’amendement no 18. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
Un fiché S !
M. Raphaël Arnault
Les suprémacistes blancs sont épatants dans leur capacité à diviser, briser et broyer toute possibilité de lien entre des peuples qui partagent, à l’instar de Mayotte et des Comores, des cultures communes datant de plus de deux mille ans.
Ce mardi soir, j’assistais au concert de Rohff, Comorien puis Français, qui a rappelé toute sa solidarité avec Mayotte. Là est la solution : l’amour et la solidarité entre les peuples dépassent toutes les horreurs racistes que l’on peut entendre ici. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Marie Pochon applaudit également.)
Certains ici font mine de s’étonner que les libéraux et le RN s’applaudissent à tour de rôle : c’est le résultat de la venue de l’extrême droite dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Protestations sur les bancs du groupe RN.) Nous n’aurions jamais dû leur offrir la possibilité de pénétrer nos institutions. Le fascisme s’infiltre comme de l’acide dans nos démocraties et nos institutions et détruit tout de l’intérieur (Mêmes mouvements), mais il n’est pas trop tard ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Michel Guiniot
Onze millions de Français ont voté pour nous !
Mme Virginie Duby-Muller
Dehors, le fiché S !
M. Raphaël Arnault
Et pour cela, il ne faudra jamais laisser un centimètre de terrain à l’extrême droite et il faudra les faire partir ! Vive la République, vive la France et vive l’antiracisme ! Que vive la solidarité entre les peuples ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont plusieurs députés se lèvent, ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Je rappelle que chaque député dispose de deux minutes pour s’exprimer.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 15. S’il vous plaît, continuons dans la tranquillité !
Mme Danièle Obono
Il s’agit d’un nouvel amendement de repli qui nous permet de rebondir sur les interpellations déjà formulées dans ces débats.
Pour ma part, je voudrais revenir sur la question des relations entre la France et les Comores. Restreindre l’accès à la nationalité française est présenté par certains comme une arme contre les ingérences comoriennes.
N’oublions pas l’histoire : dans le passé, c’est la France qui s’est immiscée dans la vie des Comores ! Pensons au fameux Bob Denard, agent d’un certain nombre de coups d’État qui ont contribué à déstabiliser les Comores et à y maintenir des dirigeants autoritaires. Si nous voulons discuter des ingérences, il nous faut tenir compte des responsabilités de la France dans la déstabilisation de ce territoire. (Mme Estelle Youssouffa s’exclame.)
M. Laurent Jacobelli
Rendez-nous le poète !
Mme Danièle Obono
J’en viens à la question des accords de coopération. Les premiers accords entre la France et des Comores datent de 1978. À ce jour, tous les gouvernements, tous les partis qui se sont succédé aux affaires ont conclu des accords avec les Comores et l’on vient dire que La France insoumise et Jean-Luc Mélenchon seraient responsables de la situation, alors qu’ils n’ont jamais été au pouvoir ! (Mme Estelle Youssouffa s’exclame.) C’est incompréhensible ! Si nous devons procéder à une évaluation de ces accords, elle doit être demandée à celles et ceux qui les ont signés et qui n’en ont jamais fait le bilan. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l’amendement no 16.
Mme Andrée Taurinya
Voilà où nous en sommes : après avoir échoué hier à obtenir le vote de la motion de censure destinée à faire tomber le gouvernement, nous remettons aujourd’hui en question les valeurs humanistes qui fondent notre république !
M. Frédéric Weber
Passez mes amitiés à Rima Hassan !
Mme Andrée Taurinya
Mon groupe s’opposera toujours à la xénophobie qui s’installe dans la société (Exclamations sur les bancs du groupe RN) et qui s’observe particulièrement ici, puisque la Macronie décomplexe la parole raciste et xénophobe de la droite et de l’extrême droite. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Manuel Valls qui, depuis des décennies, cherche à rogner le droit des étrangers et le droit du sol, est membre du gouvernement Bayrou ! Et nous en sommes réduits à défendre des amendements de repli ! Il est honteux d’avoir à quémander la réduction du délai de résidence des parents de douze à dix mois alors que le principe du délai est antirépublicain et antihumaniste.
La France insoumise s’opposera toujours au suprémacisme blanc. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Delogu, pour soutenir l’amendement no 17. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.)
M. Sébastien Delogu
Certains ont peut-être envie de jouer avec moi avec le marteau, mais je doute qu’ils en aient le courage !
M. Ian Boucard
Le niveau monte !
Mme Valérie Bazin-Malgras
Même pas peur !
M. Sébastien Delogu
Par cet amendement de repli, nous nous opposons totalement à cette proposition de loi xénophobe qui souhaite aggraver les dérogations au droit du sol spécifiques à Mayotte.
Depuis quelques semaines, nous vous voyons passer à la télévision et défendre Mayotte dans cet hémicycle. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Frédérique Meunier
C’est plutôt vous !
Mme la présidente
S’il vous plaît, laissez l’orateur s’exprimer ! Plus vous l’interrompez, plus ce sera long ! (Bruits et protestations sur les bancs du groupe RN.) Ou alors je suspends la séance !
M. Sébastien Delogu
Je peux reprendre au début…
Mme la présidente
Non, le chronomètre a été arrêté. Il vous reste une minute.
M. Sébastien Delogu
J’ai vu certains d’entre vous à plusieurs reprises à la télévision, tout comme Mme Youssouffa. Vous y défendiez une cause qui était défendable, bien sûr. Mais où étiez-vous pendant les fêtes lorsque nous, députés de La France insoumise, parcourions l’ensemble du territoire pour récolter des dons, envoyer de l’eau et des denrées alimentaires à Mayotte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations prolongées sur les bancs des groupes RN, DR et UDR.)
M. Emeric Salmon
Non, mais ça ne va pas ? Mme Youssouffa était à Mayotte !
Mme Estelle Youssouffa
Vous êtes sérieux ?
M. Sébastien Delogu
Où étiez-vous lorsqu’il fallait censurer le gouvernement parce qu’il ne fournit pas les moyens nécessaires à nos compatriotes mahorais et mahoraises ? Bien sûr, vous n’étiez pas là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et DR.)
M. Emeric Salmon
Honte à vous !
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa, pour soutenir l’amendement no 70.
Mme Estelle Youssouffa
Je veux d’abord répondre à M. Delogu qu’au moment des fêtes, pendant que son groupe lançait sa tournée des popotes, j’étais sur mon île en train de tenter de faire les comptes, aux côtés de la population ! (Les députés des groupes RN, DR et UDR, ainsi que quelques députés des groupes EPR, Dem et HOR se lèvent et applaudissent longuement. – Les autres députés des groupes EPR, Dem et HOR applaudissent également.) Je ne comprends même pas où vous voulez en venir !
Pendant que vous étiez absents, j’étais sur mon île, avec une population qui n’a plus de toit, ni de nourriture, ni de services publics, ni d’hôpital ! Rien ! La population comme moi-même, nous n’avons plus rien ! Nous avons tout perdu ! Et vous venez vous vanter d’aller faire la charité ! Vous êtes sérieux ? Vous n’avez plus aucune décence !
De toute façon, vos arguments sont à la hauteur de votre comportement ! Car lorsqu’il a fallu voter la loi d’urgence pour Mayotte, LFI s’est abstenue ou a voté contre – j’ai bien dit contre ! (Les députés des groupes RN, DR et UDR se lèvent pour applaudir. – Les députés des groupes EPR, Dem et HOR, ainsi que quelques députés du groupe LIOT, applaudissent également.)
M. Hervé de Lépinau
Exactement !
Mme Estelle Youssouffa
Puisque vous voulez faire l’archéologie des votes, allons-y ! Lorsqu’on est au fond du trou, on compte ses amis ! Les ennemis, eux, ont tombé les masques ! Voilà ce qu’a vu Mayotte ! Car lorsque nous débattons de Mayotte, qu’entend-on de votre côté ? Qu’il faut défendre les Comores ! C’est formidable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR.) Alors que nous parlons du droit du sol à Mayotte, vous nous racontez que vous êtes allé à un concert, que vous vous êtes bien amusé, et vive l’amitié ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR et sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est ça : pendant qu’un pays revendique une partie du territoire national, vous préférez aller danser ! C’est bien connu, un petit conflit territorial se règle avec un concert : après tout, il n’y a rien de mieux que la musique !
C’est ainsi que vous considérez le drame que nous vivons à Mayotte ! Vous vous asseyez sur l’enjeu de l’intégrité territoriale, vous allez danser puis festoyer avec nos adversaires ! Vous estimez que la défense de l’intégrité territoriale, d’un département français, c’est une vaste blague, c’est du divertissement !
Mme la présidente
Madame la députée, il faut conclure.
Mme Estelle Youssouffa
C’est une honte ! J’en viens à mon amendement. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Les députés des groupes RN, DR et UDR et quelques députés des groupes EPR et LIOT se lèvent et applaudissent longuement. – Les autres députés du groupe EPR, ainsi que ceux des groupes Dem et HOR, applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. René Lioret, pour soutenir l’amendement no 10.
M. René Lioret
J’aimerais répondre à M. Delogu, grand donneur de leçons devant l’Éternel, que s’il a fait la tournée des popotes, il n’était pas non plus interdit de faire des dons à la Croix-Rouge. Nombre de mes collègues l’ont fait, comme moi-même. Mais pour la gauche, c’est toujours avec l’argent des autres ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Rappels au règlement
Mme la présidente
La parole est à Mme Danièle Obono, pour un rappel au règlement.
Mme Danièle Obono
Il se fonde sur l’article 100, relatif à la bonne tenue des débats, et sur l’article 70, qui porte sur les attaques ad hominem. La collègue Youssouffa, qui s’adressait à notre groupe à la suite de l’intervention du collègue Delogu, nous a pris à partie – et ce n’est pas la première fois. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et DR.)
Mme Béatrice Roullaud et M. Emeric Salmon
Il l’a mise en cause !
Mme Danièle Obono
Nous avons déjà interpellé la présidence à la suite de précédentes mises en cause assez graves – il a notamment été question du soutien à des ennemis de la nation. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Ian Boucard
Qu’a fait M. Delogu juste avant ?
Mme Danièle Obono
J’ajoute que nous avons répliqué, non pas à Mme Youssouffa mais à l’extrême droite, pour témoigner du fait que nous avons contribué à la solidarité nationale en soutien aux Mahorais, quelles que soient les insultes dont nous avons fait l’objet sans discontinuer – on nous a traités de tous les noms. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Sandra Marsaud
Aucun soutien ! Vous n’avez pas voté la loi !
M. Philippe Juvin et M. Nicolas Forissier
C’est bon, arrêtez !
M. Jean-Didier Berger
Il faut la faire cesser !
Mme Danièle Obono
Par ailleurs, nous assumons de dire que la solidarité, cela signifie aussi ne pas laisser mourir près d’un millier de personnes chaque année dans les mers mahoraises. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Sandra Marsaud
Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme Danièle Obono
Nous assumons aussi cet humanisme. Nous ne pratiquons pas une solidarité à géométrie variable, nous ne demandons pas de papiers aux gens qu’il faut aider. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN, EPR et DR.)
Mme la présidente
Un peu de calme, s’il vous plaît !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme Danièle Obono
Si nous voulons poursuivre nos débats jusqu’à la fin de cette journée de niche – j’en viens à la fin de mon rappel au règlement… (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
Mme la députée dispose de deux minutes pour son rappel au règlement : laissez-la terminer !
Mme Danièle Obono
Pour la bonne tenue des débats, il serait bon de cesser de se livrer à des mises en cause – comme cela a été le cas sans discontinuer à notre encontre –,…
Mme Laure Miller
Assumez !
Mme Danièle Obono
…d’entendre les arguments et d’y répondre. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Cazeneuve
Il se fonde sur l’article 70, alinéa 3. Mme la députée Youssouffa ne s’est pas livrée à une mise en cause personnelle, mais à une remise en cause de l’ensemble des députés du groupe La France insoumise (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP), qui, au-delà de l’indécence des propos tenus depuis ce matin et de leur manque d’humilité envers les élus mahorais, polluent cette niche parlementaire en pratiquant une obstruction qui ne trompe personne. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme Laure Lavalette
Je rappelle que Marine Le Pen a obtenu plus de 40 % des voix à Mayotte !
Article unique (suite)
Mme la présidente
L’amendement no 88 de Mme Sophie Ricourt Vaginay est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Je vais essayer de ramener un peu de calme dans les esprits et de m’en tenir au droit. La commission a déjà examiné plusieurs de ces amendements. Je vois bien que certains sont tentés d’augmenter la durée de résidence régulière exigée, que le texte fixe à un an, d’autres de la réduire, d’autres encore de supprimer la condition aujourd’hui en vigueur d’une résidence régulière de trois mois.
Avec le délai d’un an, disposition qui avait déjà été votée dans le cadre de la loi « immigration », avant d’être censurée – pour des raisons de pure forme, je le rappelle –, nous étions arrivés à un point d’équilibre, à une mesure proportionnée, acceptable pour le Conseil constitutionnel.
Nous pourrions pousser le curseur plus loin, mais ce serait prendre des risques. Or ce n’est pas ce que nous voulons. Plutôt qu’un texte très ambitieux, dont l’applicabilité serait hypothétique et qui risquerait d’être déclaré inconstitutionnel, nous préférons mettre réellement un pied dans la porte et ainsi envoyer un signal très utile, qui permettra d’avancer. Il faut le répéter avec force.
Monsieur Lachaud, vous vous êtes plu à citer, avec grandiloquence, Ernest Renan. Vous avez raison, mais Renan prend aussi en considération les éléments du passé. Certes, il intègre les immigrés, mais contrairement à vous, il parle bien de ceux qui acceptent les lois de notre pays, et non de ceux qui sont en situation irrégulière. Il est important de le rappeler, car Renan ne doit pas être instrumentalisé, cher ami ! (M. Bastien Lachaud proteste.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement no 10, par le groupe Rassemblement national, et sur l’amendement no 88, par le groupe UDR.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Tout d’abord, puisque M. Bompard a affirmé que je mentais, je le renvoie aux déclarations faites par votre porte-parole à Mayotte dans une émission diffusée sur Mayotte La Première le 21 avril 2023 et qui lui était entièrement consacrée. Il vous suffit de la regarder. C’est même un peu plus clair que dans la revue Politis, où j’imagine que le Politburo local lui a demandé de corriger ses propos. Chacun pourra le constater.
M. Manuel Bompard
Non, non, monsieur Darmanin ! Ne mentez pas !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je note que vous ne corrigez absolument pas non plus les propos de votre président, M. Mélenchon, qui expliquait en 2018, devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, qu’il fallait lutter contre ce que certains peuvent nommer « submersion ». Il appelait même à mettre fin aux flux migratoires qui absorbent tout à Mayotte. Manifestement, il a changé d’avis depuis, et vous aussi. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Par conséquent, ne parlons pas de mensonges. Vous avez le droit de changer d’avis et d’avoir des correspondants locaux qui ne pensent pas comme vous,…
M. Ugo Bernalicis
C’est une mise en cause personnelle !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…mais nous devons pouvoir le signaler.
M. Manuel Bompard
En revanche, vous avez visiblement le droit de mentir !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Ensuite, je répondrai à Mme Capdevielle, qui a interpellé tout à l’heure Mme Youssouffa, que le problème qu’elle évoque ne se pose pas aujourd’hui. Vous avez affirmé que des étrangers en situation régulière, désireux de renouveler leur titre de séjour, risquaient de se retrouver en situation irrégulière à cause de la fermeture de la préfecture. C’est faux. J’ai posé une nouvelle fois la question directement à M. le préfet de Mayotte, qui m’a répondu que l’on procédait bien, à Mayotte, au renouvellement des titres de séjour. (Mme Colette Capdevielle proteste.) Si, madame, c’est bien le cas, le préfet l’a dit ! Ce sont les demandes de régularisation, de titre de séjour par des personnes en situation irrégulière qui, depuis Chido, ne sont pas possibles. Les personnes en situation régulière qui ont des enfants ne se retrouveront pas en situation irrégulière en raison d’un mauvais fonctionnement des services de la République.
J’en viens au problème soulevé par Mme Goulet, du groupe Modem, que je peux comprendre. Vous avez évoqué la situation d’une personne en situation régulière qui tomberait amoureuse d’une personne en situation irrégulière, ou inversement. Or, vous le savez, la reconnaissance de paternité n’intervient pas au nom d’un cadre légal ou d’un lien contractuel – par exemple le mariage ou le pacs –, mais lorsque le père se présente devant un officier de l’état civil pour reconnaître l’enfant. Le fait d’être unis par un lien contractuel, ou même d’être simplement amoureux, ne change rien à l’affaire ; cela n’a rien à voir avec la procédure de reconnaissance d’un enfant.
Mme Perrine Goulet
Ce n’est pas mon sujet !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je rappelle que le fait d’être amoureux ou non, comme le cadre légal, ne changent rien à la condition d’un séjour de plus de trois mois, prévue par loi Collomb de 2018 que vous avez votée, madame la députée.
J’en viens à l’idée selon laquelle le présent texte entraînerait un risque de fraude supplémentaire, avec par exemple une femme qui inciterait son mari à ne pas reconnaître un enfant parce qu’il est en situation irrégulière, si bien que la famille deviendrait monoparentale.
Tout d’abord, ce n’est pas parce qu’une fraude est possible qu’il faut renoncer à une disposition. En effet, le cadre législatif actuel est pire, avec des cas de fraude très nombreux. Nous devons lutter contre les reconnaissances frauduleuses de paternité. D’ailleurs, j’évoquais tout à l’heure à la tribune le cas de pères mahorais qui ont reconnu quatre-vingt-dix enfants contre rémunération. Car il ne s’agit pas de dire que seules les personnes en situation irrégulière ou les passeurs sont responsables de la situation actuelle : il existe aussi dans la société mahoraise des phénomènes de compromission, des complicités, y compris parfois au sein des offices d’état civil. Je pense notamment à une affaire, à Mamoudzou, lorsque j’étais ministre de l’intérieur, dans laquelle des fonctionnaires de la République ou des collectivités locales étaient complices.
Il faut bien sûr combattre toutes ces fraudes. Le texte dont nous parlons s’y emploie. Le rapporteur a évoqué le cadre légal. Cependant, je rappelle que vous avez voté, dans le cadre de la loi « immigration », puis d’une autre loi concernant Mayotte, des dispositions qui prévoient une judiciarisation des certificats de paternité, donnent davantage de moyens à la préfecture pour les contrôler, et visent à centraliser les demandes à Mamoudzou alors que celles-ci étaient jusqu’ici autorisées sur l’ensemble des communes de l’île, ce qui pouvait attiser les tentations de fraude.
En résumé, votre remarque est pertinente mais n’entre pas dans le cadre de la proposition de loi de M. Gosselin. Encore une fois, ce n’est pas parce qu’il existe un risque de fraude qu’il ne faut pas corriger les travers du cadre actuel.
Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour un rappel au règlement.
M. Bastien Lachaud
Il se fonde sur l’article 98 de notre règlement. Je vous avais demandé, madame la présidente, quelle était la justification de l’irrecevabilité de plusieurs sous-amendements qui, s’ils avaient été acceptés, auraient fait partie de cette discussion commune. Avant que nous passions au vote des amendements auxquels ils se rattachaient, il me semble utile que l’Assemblée soit éclairée sur ce point.
Mme la présidente
J’ai sollicité les services de l’Assemblée, qui m’ont indiqué que les amendements que vous avez déposés constituaient des propositions concurrentes aux amendements de la discussion, avec d’autres types de calcul et d’autres durées. Conformément à la procédure habituelle, ils ont donc été déclarés irrecevables. (M. Bastien Lachaud proteste.)
Mme Marie-Christine Dalloz
Voilà, vous avez votre explication !
M. Ugo Bernalicis
Je demande une suspension de séance !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Le scrutin public a déjà été annoncé, madame la présidente !
Mme la présidente
Il est douze heures cinquante-neuf et nous nous apprêtons à voter.
M. Ugo Bernalicis
Cette demande est de droit !
Mme la présidente
Dans ce cas, je vais lever la séance.
Mme la présidente
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte ;
Discussion de la proposition de loi visant à prioriser les travailleurs dans l’attribution de logements sociaux ;
Discussion de la proposition de loi visant à plafonner le cumul de prestations sociales et à rétablir le caractère universel des allocations familiales dès le premier enfant ;
Discussion de la proposition de loi visant à exclure les heures supplémentaires du calcul du revenu fiscal de référence ;
Discussion de la proposition de loi visant à interdire l’importation de produits agricoles non autorisés en France ;
Discussion de la proposition de loi visant à suspendre les allocations familiales aux parents de mineurs criminels ou délinquants ;
Discussion de la proposition de loi visant à renforcer l’arsenal législatif face à la multiplication d’actions d’entrave à des activités agricoles, cynégétiques, d’abattage ou de commerce de produits d’origine animale ;
Discussion de la proposition de loi visant à abroger le titre de séjour pour étranger malade.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra