XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Première séance du mercredi 19 mars 2025

Sommaire détaillé
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Première séance du mercredi 19 mars 2025

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quatorze heures.)

    1. Questions au gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.

    Évacuation de la Gaîté lyrique

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.

    M. Alexandre Allegret-Pilot

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    Trois mois de squat d’un établissement, du chômage partiel, un État de droit défaillant, un milieu culturel de gauche mis face à ses contradictions : nous avons vu le visage des associations qui organisent la venue et le maintien de clandestins, pour satisfaire leur plaisir bourgeois et leur complexe de supériorité, toujours au détriment des Français. Les mêmes qui veulent abaisser la majorité à 16 ans nous vendent des mineurs qui en ont 35.
    Dans un nouvel épisode, ces militants, qui se prennent pour des saints des temps modernes et qui sont subventionnés par l’État, ont empêché des clandestins d’évacuer la Gaîté lyrique pour monter de toutes pièces un affrontement avec les forces de l’ordre. Est-ce cela, la charité qu’ils affichent ? Ces clandestins ne sont que les marionnettes d’une gauche qui n’a de considération ni pour eux ni pour les Français.
    Si la Gaîté lyrique a été évacuée, ce n’est que pour reloger les clandestins en dehors de Paris. Quelle fermeté des pouvoirs publics ! Seulement six d’entre eux ont accepté l’offre de relogement proposée par la préfecture ; on marche sur la tête ! Comme toujours, ce sont les Français qui vont payer les pots cassés d’un État défaillant et complaisant avec des associations d’extrême gauche qui instrumentalisent la misère humaine. Qui commande dans ce pays ? La France est-elle encore souveraine ? Décide-t-elle encore qui a le droit d’entrer et de rester sur son territoire ? La réponse est manifestement négative. Je rappelle que nous avons affaire à des délinquants dont la place n’est pas dans nos campagnes mais dans un avion.
    J’ai fait un rapide calcul : il y a 400 clandestins et 193 députés du NFP, vos alliés. Monsieur le premier ministre, quand allez-vous imposer l’accueil de deux clandestins chez chaque député du NFP ? (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. –⁠ « C’est honteux ! » sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC.) Avec un salaire de 7 500 euros, ces députés font partie des Français les plus riches ; s’ils ne peuvent ni ne veulent accueillir les clandestins, les Français non plus ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. –⁠ M. Pouria Amirshahi se lève pour protester.)

    Mme Danielle Simonnet et M. Pouria Amirshahi

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    De tels propos sont une honte !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

    M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur

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    Les services de l’État ont été parfaitement mobilisés pour procéder à l’évacuation du théâtre de la Gaîté lyrique. Même si vous la connaissez, je rappelle la procédure d’une telle évacuation. Sauf en cas de flagrance, il faut une action judiciaire intentée par le propriétaire des lieux. Pendant la période de flagrance, l’État, par l’intermédiaire du préfet, a proposé de faire évacuer le théâtre. La municipalité et la maire de Paris l’ont refusé. Nous étions alors en décembre. Il a fallu attendre une procédure, engagée en janvier, qui prévoit un délai d’un mois que nous avons prolongé jusqu’à mi-mars. Aucune demande d’évacuation n’a été faite mais les problèmes d’ordre public étaient devenus tels que le préfet de police a décidé d’intervenir et a fait évacuer la Gaîté lyrique hier.

    M. Thibault Bazin et M. Patrick Hetzel

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    Très bien !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Il l’a fait avec fermeté et clarté, en constatant les dégâts au sein du théâtre. Sur les 450 personnes évacuées, seules six ont demandé à être relogées, les autres ayant, semble-t-il, disparu. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme Caroline Parmentier

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    Ce n’est pas croyable !

    M. Ian Boucard

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    Écoutez le ministre ! Il vous répond précisément.

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Je ne fais là qu’un constat : les propositions de relogement n’ont pas été acceptées. La fermeté existe, dans ce cas précis comme dans l’ensemble de la politique migratoire, en particulier à l’encontre des réseaux que vous avez évoqués, qui permettent l’arrivée sur le territoire d’étrangers en situation irrégulière. Le démantèlement des réseaux est un travail de longue haleine réalisé au quotidien par l’ensemble des services du ministère de l’intérieur, que je tiens à saluer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.

    M. Alexandre Allegret-Pilot

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    Si le droit est insuffisant, changeons-le ! À propos des clandestins, la seule ligne de conduite du gouvernement est une ligne de fuite. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Vos propos sont démentis par tous les chiffres. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme Constance Le Grip

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    Eh oui !

    M. Thibault Bazin

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    Écoutez bien !

    M. Alexandre Dufosset

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    Ce sont les chiffres de Darmanin !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Toutes les statistiques démontrent qu’en 2024 les mesures d’expulsion ou de retour vers les pays d’origine ont augmenté par rapport aux années précédents. Votre discours ne correspond pas à la réalité de l’action des services de police et du gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)

    Menaces sur la filière chimique

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Magnier.

    M. David Magnier

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    Monsieur le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, voilà encore une usine qui ferme, une nouvelle saignée industrielle que vous regardez sans broncher. Dans ma circonscription, la fermeture de l’entreprise Chemours est un choc. Cinquante-neuf emplois sont balayés aujourd’hui. Combien ensuite : cent, deux cents ? Jusqu’où irons-nous dans cette spirale mortifère ?
    La plateforme chimique de Villers-Saint-Paul, spécialisée dans les mousses anti-incendie de catégorie B qu’utilisent les pompiers, est en train de sombrer, à cause de Reach, un énième règlement européen, et de la surenchère bureaucratique de l’Anses. Sous prétexte de protéger l’environnement, vous imposez des normes qui étranglent les usines françaises tout en déléguant la pollution à d’autres. Le résultat est que la France se prive d’une industrie essentielle pendant que la production continue ailleurs Cette fermeture n’est que le début d’un effet domino : de nombreuses entreprises de la plateforme chimique de Villers-Saint-Paul, dont Arkema, risquent de suivre, menaçant encore des centaines d’emplois.
    Chemours prévoyait d’investir 186 millions d’euros dans l’hydrogène vert. Ce projet, pourtant aligné avec vos objectifs de transition écologique, est aujourd’hui balayé d’un revers de main. Est-ce cela, votre vision de l’industrie en France ?
    Au Rassemblement national, nous refusons d’enfoncer davantage nos industries, c’est pourquoi nous n’avons pas voté la proposition de loi interdisant les PFAS, qui n’ont pas tous la même dangerosité pour la santé humaine. En revanche, chaque licenciement économique est un drame humain. En suivant aveuglément les beuglements des ayatollahs verts, vous sacrifiez notre souveraineté industrielle sur l’autel de l’idéologie.
    Jusqu’où irez-vous dans cette soumission aux technocrates de Bruxelles et aux petits militants d’ONG radicales ? Allez-vous laisser l’Union européenne et votre surinterprétation de ses normes achever nos usines ou allez-vous défendre l’industrie française avant qu’il n’en reste plus rien ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.

    M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie

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    Vous m’interpellez sur une filière en difficulté, celle de la chimie.
    Votre question me permet de rappeler que, face aux difficultés structurelles de la filière de la chimie,…

    Un député du groupe RN

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    Il n’y a pas que celle-là !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    …face à la concurrence asiatique, notamment chinoise, qui s’exerce le plus souvent dans des conditions déloyales avec des produits subventionnés, nous agissons, au niveau français comme au niveau européen.
    Au niveau français, le soutien à la filière passe notamment par une action sur chaque dossier. L’entreprise que vous venez d’évoquer n’est pas la seule en difficulté. Je pourrais citer le cas de WeylChem Lamotte, qui exerce dans votre département de l’Oise, pour laquelle nous nous sommes battus : un accord visant à pérenniser son modèle économique et financier vient d’être trouvé, avec l’appui du comité interministériel de restructuration industrielle ainsi que des collectivités territoriales et avec un soutien financier de l’État.
    Nous nous battons ainsi sur chaque dossier, de même que nous le faisons au niveau européen. Vous avez raison de dire que le sujet est également européen. Lors du dernier Conseil compétitivité, qui s’est tenu à Bruxelles la semaine dernière, j’ai interpellé la Commission européenne et obtenu le lancement à l’échelle européenne d’un dialogue stratégique en faveur de la filière chimie, avec des mesures de protection contre la concurrence déloyale et de soutien. En effet, c’est aussi en soutenant financièrement les entreprises, dans ce secteur comme dans ceux de l’acier ou de l’automobile, que nous apporterons les réponses structurelles nécessaires.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Problème capital !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Nous ne baissons et ne baisserons jamais les bras pour soutenir les entreprises –⁠ qu’elles soient en difficulté ou qu’elles aillent bien –  et l’innovation. Nous le faisons au niveau français et au niveau européen. Nous avons réussi à aligner un certain nombre de nos partenaires sur cette démarche de soutien à la filière. Nous aurons sans doute l’occasion d’en rediscuter dans les prochaines semaines.

    M. Philippe Ballard

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    On attendait autre chose !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Magnier.

    M. David Magnier

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    En fin de compte, vous êtes toujours dans la parole et jamais dans l’action ; vous sacrifiez l’industrie française au nom de l’écologie. Venez le dire directement aux licenciés de Chemours !

    Concurrence déloyale de la fast fashion

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Olivia Grégoire.

    Mme Olivia Grégoire

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    Alors que la semaine de la mode vient de se terminer, l’occasion est belle pour rappeler que ce secteur représente pour la France plus de 150 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 600 000 emplois. Lorsqu’on est champion, comme la France sait l’être, on est forcément défié. Toutefois, si la concurrence est le moteur d’une économie dynamique et innovante, encore faut-il qu’elle soit loyale.
    Or plusieurs dizaines de milliers d’articles apparaissent chaque jour sur les plateformes de fast fashion, stimulant de façon affolante une surconsommation de produits de faible qualité. Ces plateformes profitent de seuils d’exonération pour échapper aux droits de douane et bénéficient d’un régime qui entraîne des contrôles fort limités.
    Quand les entreprises françaises respectent strictement le droit du travail, ces fournisseurs l’ignorent trop souvent. Nos commerçants respectent les périodes de promotions, à la différence de ces plateformes. Nos marques investissent pour produire durablement ; ces sites inondent le marché de vêtements jetables. Nos marques respectent la propriété intellectuelle, que ces plateformes pillent.
    Face à ces pratiques intolérables, nous devons rétablir l’ordre économique et une réponse à l’échelle européenne semblait indispensable. Pourtant, en même temps qu’elle sacrifie la directive CSRD, la directive omnibus prévoit le report de l’obligation du devoir de vigilance.
    Il est urgent de muscler la législation nationale. Il est essentiel que la proposition de loi sur le sujet, qui a été adoptée à l’Assemblée et qui arrive au Sénat, détermine des seuils différenciés ne pénalisant pas nos PME et les plateformes multimarques qui les valorisent. Il faut sanctionner et contrôler ceux qui contournent les règles, mais sans provoquer de dommages collatéraux sur notre tissu économique.
    Madame la ministre chargée du commerce, pouvez-vous nous indiquer clairement quelles actions concrètes le gouvernement entend mener pour mettre fin à cette concurrence déloyale tout en protégeant nos entreprises du textile et ses nombreux emplois ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)

    M. Inaki Echaniz

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    Il est où, Christophe Castaner ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.

    Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire

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    Je connais votre engagement en faveur de la mode durable et responsable ainsi que votre attachement à tout ce qui concerne les savoir-faire. Effectivement, des plateformes étrangères, de plus en plus nombreuses, ont créé un nouveau modèle, la fast fashion, qui a d’importantes répercussions environnementales, sociales et économiques. Face à cela, il nous faut agir sur plusieurs axes. Le premier est européen et nous ne pouvons que nous réjouir que la France appuie de tout son poids la révision des seuils d’exemption des droits de douane pour les colis de faible valeur. C’est aussi un enjeu de lutte contre la fraude, que je partage avec ma collègue Amélie de Montchalin. Toujours au niveau européen, une réflexion est en cours à propos de frais de gestion non discriminatoires pour financer les services douaniers.
    Il nous faut également agir au niveau national. C’est l’objet de la proposition de loi qui a été examinée en commission au Sénat ce matin et qui, je vous l’annonce, sera probablement à son ordre du jour en mai –⁠ le gouvernement pousse pour que ce soit la semaine du 19 mai.
    Je tiens à saluer le travail réalisé à l’Assemblée nationale sous l’égide d’Anne-Cécile Violland et d’un certain nombre d’autres députés, dont Antoine Vermorel-Marques. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes EPR et DR. –⁠ M. Paul Molac applaudit également.)
    Cette proposition de loi comprend plusieurs apports, dont une définition plus précise de la fast fashion, qui cible la largeur de gamme ainsi que le fait que de tels prix n’incitent pas à la réparation ; surtout, elle précise, ce qui était essentiel, que des malus pourront être infligés aux produits en fonction non seulement de leur durabilité mais également des pratiques commerciales particulières à ces plateformes.
    Voyez l’engagement du gouvernement sur le sujet ! (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Relations avec l’Algérie

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Guiraud.

    M. David Guiraud

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    Monsieur le ministre de l’intérieur,…

    M. Thibault Bazin

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    Il n’est pas là !

    M. David Guiraud

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    …vous vous êtes visiblement trompé de ministère, puisque vous ne parlez que de l’extérieur et surtout de l’Algérie, alors que le taux d’exécution des OQTF est pourtant le même pour les Algériens que pour les Marocains, les Tunisiens ou les Maliens. Cela témoigne de ce que vous vous agitez non pour les Français, mais pour vos propres intérêts. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Avec votre « riposte graduée » et vos menaces de démission, vous jouez tous les jours une nouvelle partition qui ne vous mène qu’à des défaites. Pour exister, vous copiez les méthodes des fascistes d’outre-Atlantique –⁠ mais vous n’êtes pas Trump, vous êtes juste un joueur de trompette. (Mêmes mouvements.)
    Oui, il faut parler de Sansal –⁠ nous avons tous appelé à sa libération –, mais l’escalade des tensions lui nuit gravement. La vérité, c’est que vous êtes en train de le sacrifier pour gagner votre congrès.
    Vous dites agir pour la France mais comment prétendre qu’on la défend quand on piétine ses lois, quand on piétine des droits, quand on piétine la foi de millions de Français musulmans ? (Mêmes mouvements.)
    Pourquoi vous et le gouvernement vous acharnez-vous à couper le fil de l’histoire délicate tissée entre nos deux peuples qui ont tant d’enfants en partage ? Ces enfants-là n’ont pas à tourner la page de la colonisation, ils ont besoin de vérité, parce que les crises s’enchaînent à cause des non-dits et de toute cette histoire qu’on a voulu laisser enfouie.
    Vous qui dénoncez la cancel culture, pourquoi ne pas vous insurger quand un documentaire sur l’usage des armes chimiques en Algérie est déprogrammé à la télé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Christine Arrighi applaudit également.)
    Monsieur le premier ministre, votre gouvernement n’est pas à la hauteur de notre histoire commune, pas à la hauteur de ces Algériens qui ont fait couler leur sang à Monte Cassino ou lors du débarquement en Provence (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe LFI-NFP, M. Antoine Léaument et Mme Ersilia Soudais s’étant levés. –⁠ Mme Danielle Simonnet applaudit aussi), pas à la hauteur de nos anciens qui ont mêlé leur sueur dans les mines et les usines de toute la France. Il n’est nullement ici question de repentance, il s’agit juste d’apporter du respect et de la reconnaissance.
    Ce n’est pas l’Algérie qui nous agresse, monsieur le premier ministre, c’est vous qui agressez la France lorsque les vôtres osent parler des « belles heures de la colonisation ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Danielle Simonnet applaudit également. –⁠ Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) En disant cela, vous insultez Gisèle Halimi, Simone de Beauvoir, Jacques Vergès, Fernand Iveton et tous ces Français qui ont su, contrairement à vous, s’opposer à l’inhumanité et qui ont milité dans l’ombre et la lumière pour rapprocher ces deux peuples que vous essayez aujourd’hui de séparer. (Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent debout. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Ces agressions verbales à l’encontre du ministre de l’intérieur sont tout simplement inacceptables. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, Dem et HOR, sur plusieurs bancs du groupe EPR et sur quelques bancs des groupes RN et UDR. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    En agissant ainsi et en agressant verbalement aussi le ministère de l’intérieur, qui agit au quotidien pour faire respecter le droit dans notre pays (Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback applaudit), pour reconduire à la frontière les étrangers qui s’y trouvent en situation irrégulière, vous n’aidez en rien à réduire la tension que nous connaissons avec l’Algérie, ni à améliorer le sort de Boualem Sansal (Mme Maud Petit applaudit),…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Répondez à la question !

    M. Jean-Noël Barrot, ministre

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    …ni à résoudre le problème de la réadmission des étrangers en situation irrégulière sur notre territoire, ni à engager la coopération que nous appelons de nos vœux en matière de renseignement et de lutte contre le terrorisme. (M. Jimmy Pahun applaudit.)
    Nous ne sommes pas à l’origine des tensions que connaissent la France et l’Algérie (« Si ! » sur certains bancs des groupes LFI-NFP et GDR) et nous souhaitons qu’elles soient résolues durablement. Mais ce n’est pas la France qui détient arbitrairement un ressortissant franco-algérien et ce n’est pas elle qui refuse de réadmettre des ressortissants qui se trouvent en situation irrégulière sur notre sol alors même que les accords qui régissent la relation entre nos deux pays prévoient que ces réadmissions se fassent sans difficulté particulière.
    Pour coopérer, il faut être deux. Nous souhaitons retrouver une relation constructive et équilibrée avec l’Algérie, mais cela ne se décrète pas ; cela suppose que la ligne qui a été fixée par le premier ministre lors du comité interministériel de contrôle de l’immigration puisse être suivie.

    M. Julien Odoul

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    Il faut arrêter la tremblote !

    M. Jean-Noël Barrot, ministre

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    Nous avons présenté vendredi dernier une liste d’une dizaine d’Algériens en situation irrégulière sur le territoire national et qui présentent une menace à l’ordre public. Il appartient aux autorités algériennes, dans un délai qui a été fixé par le premier ministre, d’examiner cette liste et de réadmettre leurs ressortissants, sur le fondement des accords qui régissent notre relation, notamment celui de 1994. C’est ainsi que nous pourrons cheminer vers une relation plus constructive et équilibrée. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et HOR. –⁠ M. Ian Boucard applaudit également.)

    Application de la Charte sociale européenne dans les outre-mer

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Elie Califer.

    M. Elie Califer

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    Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, je souhaite interpeller le gouvernement sur la non-application de la Charte sociale européenne dans les territoires ultramarins.
    Adoptée en 1961, ratifiée par la France en 1973 et révisée en 1996, cette charte est un traité du Conseil de l’Europe qui garantit aux individus des droits sociaux et économiques fondamentaux tels que les droits à l’emploi, au logement, à la santé, à l’éducation, à la protection sociale ou encore à la non-discrimination. La Charte protège également les personnes en situation de vulnérabilité comme les personnes âgées, les enfants et les personnes en situation de handicap.
    Nous sommes en 2025 et la France n’a toujours pas intégré les outre-mer dans la Charte sociale européenne. Pire : en 2024, dans les observations faites au Comité européen des droits sociaux, le gouvernement a affirmé que la Charte ne s’appliquait qu’aux territoires métropolitains !
    Monsieur le ministre, considérez-vous, comme en 1961, qu’il y a en France des citoyens métropolitains et des sous-citoyens ultramarins vivant dans les colonies ? Êtes-vous prêt à adresser au secrétaire général du Conseil de l’Europe une déclaration permettant d’intégrer les territoires ultramarins dans le champ d’application de la Charte ?
    En outre, le Gouvernement est-il prêt à lever immédiatement son opposition à la réclamation collective de la Fédération internationale pour les droits humains portant sur l’accès à l’eau potable en Guadeloupe et sur l’empoisonnement au chlordécone dans les Antilles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Merci pour votre question qui permet de mettre en valeur l’institution du Conseil de l’Europe, qui a fêté ses 75 ans l’année dernière et qui veille, bien au-delà du périmètre de l’Union européenne, au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans tout l’espace géographique qu’il couvre. Parmi les traités dont il est le gardien, il y a la Charte sociale européenne, qui prévoit que soient préservés les droits sociaux et économiques des populations des pays membres du Conseil de l’Europe.
    Ce traité a été signé en 1961 et la France a été parmi les premiers à s’y associer, mais en excluant les territoires ultramarins du champ d’application. Manuel Valls, qui vous aurait sans doute répondu s’il n’était pas en déplacement, s’est penché sur la question. Nous sommes prêts à réparer cet « écart » par rapport à d’autres pays européens qui, eux, ont dès l’origine intégré leurs territoires ultramarins dans la protection offerte par le traité. Notre ambassadeur chargé de la coopération régionale dans la zone Atlantique est en train de traiter cette question. La position de la France devrait pouvoir évoluer très prochainement.
    Cela étant, l’aide aux territoires ultramarins ne s’arrête pas à la Charte sociale européenne. Ma collègue Amélie de Montchalin me faisait justement remarquer que, dans un contexte budgétaire pourtant particulièrement exigeant, les crédits de la mission Outre-mer ont été augmentés, à la suite des discussions budgétaires, de 760 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 450 millions en crédits de paiement par rapport au projet de loi de finances pour 2025 ; ces sommes ont été fléchées notamment vers la convergence, la continuité territoriale, l’aide aux entreprises et le redressement des collectivités.
    Vous le voyez : que ce soit dans la discussion budgétaire ou au Conseil de l’Europe, la France tout entière est impliquée et la métropole n’est pas coupée des territoires d’outre-mer. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

    Énergie photovoltaïque

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Eric Liégeon.

    M. Eric Liégeon

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    Monsieur le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, « un pas en avant, deux pas en arrière » : voilà ce que nous disent les agriculteurs dans nos territoires ces dernières semaines, au sujet de la position du gouvernement concernant l’installation de panneaux photovoltaïques sur les toitures de bâtiments agricoles.
    Alors que votre prédécesseur annonçait le 5 avril 2024 des mesures pour accélérer le déploiement des panneaux solaires, vous revenez, à peine dix mois plus tard, sur le tarif bonifié de rachat de l’électricité solaire, le faisant passer de 105 à 80 euros par mégawattheure pour les projets d’une puissance comprise entre 100 et 500 kilowatts-crête.

    M. Ian Boucard

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    Quelle honte !

    M. Eric Liégeon

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    Cette politique du stop and go, difficilement compréhensible, met en péril de très nombreux projets d’installations photovoltaïques sur des toitures promus par des agriculteurs impliqués dans la transition énergétique.
    À l’heure où l’on parle de la sortie de la dépendance aux énergies fossiles, de la décarbonation, de la souveraineté énergétique et de l’augmentation des besoins électriques, pourquoi affaiblir un secteur qui génère 800 millions d’euros de retombées économiques et participe à la production d’électricité verte sans empiéter sur les terres agricoles ?
    La baisse du tarif, couplée à l’obligation de recourir aux appels d’offres dès 2026,…

    M. Paul Molac

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    Eh oui !

    M. Eric Liégeon

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    …menace non seulement la rentabilité économique des futures installations mais aussi les compléments de revenus non négligeables qu’elles procureraient aux agriculteurs.
    S’il n’y a pas de retour en arrière, cette décision stoppera les investissements dans le secteur et portera atteinte à la compétitivité de nos exploitations agricoles. Par ricochet, les entreprises spécialisées dans l’installation de panneaux solaires seront également touchées.
    Monsieur le ministre, alors que le monde agricole a déjà connu bien des turbulences ces derniers mois, comment justifiez-vous cette volte-face ? Quelles solutions comptez-vous apporter aux agriculteurs pour garantir la pérennité de leurs projets photovoltaïques et les encourager à rester des acteurs de la transition énergétique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe HOR. –⁠ MM. Paul Molac et Dominique Potier applaudissent également.)

    M. Ian Boucard

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    Excellent !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.

    M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie

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    Sur ce sujet, je pense que nous avons besoin de poser un diagnostic partagé et de dialoguer avec la filière –⁠ et c’est ce que nous essayons de faire.
    D’abord, je rappelle que les contrats qui ont déjà été signés prévalent sur cet arrêté tarifaire, qui est encore en cours de rédaction ; ils ne seront donc aucunement remis en question et les personnes qui ont déjà installé des panneaux continueront de bénéficier des conditions fixées par l’arrêté en vigueur.
    Ce dernier, publié en octobre 2021, a connu un très grand succès ; le nombre de souscriptions a été bien supérieur à l’objectif qui lui avait été assigné. En janvier, par exemple, les demandes de contrat ont porté sur une puissance de 1 gigawatt au total, soit la moitié de l’objectif fixé pour l’ensemble de l’année. Nous assistons donc à un emballement, auquel nous voulons répondre en modifiant le soutien qui est apporté au développement du photovoltaïque sur bâtiment –⁠ pas simplement agricole, d’ailleurs.
    Pour ce faire, nous employons une méthode fondée sur le dialogue. Mon cabinet et la direction générale de l’énergie et du climat ont engagé avec la filière des discussions exigeantes, qui se sont traduites notamment par des échanges dans le cadre du Conseil supérieur de l’énergie, le 6 mars. Nous avons pris note des inquiétudes exprimées par la filière ainsi que de son anxiété et nous sommes en train d’apporter des modifications au projet d’arrêté. En particulier, nous travaillons à un appel d’offres simplifié qui aura vocation à réguler les volumes –⁠ parce que tel est l’enjeu – tout en poursuivant le soutien à la filière du photovoltaïque.
    Enfin, s’agissant des installations agricoles, un arrêté portant sur le petit photovoltaïque au sol sera prochainement publié –⁠ il est particulièrement attendu par le monde agricole.
    Nous continuerons donc à soutenir la filière du photovoltaïque tout en étant attentifs à ce que ce soutien soit cohérent avec les besoins énergétiques du pays.

    Évacuation de la Gaîté lyrique

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danielle Simonnet.

    Mme Danielle Simonnet

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    Faute de ministre des droits de l’enfant, ma question s’adresse au ministre de l’intérieur.
    Hier, nous étions à la Gaîté lyrique. Un peu avant 6 heures du matin, la préfecture de police a violé la Convention internationale des droits de l’enfant en jetant violemment à la rue plus de 400 mineurs.

    Mme Caroline Parmentier

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    N’importe quoi !

    Mme Danielle Simonnet

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    Hier soir, ils ont dormi à la rue, sans aucune solution d’hébergement. Nombre d’entre eux ont été l’objet d’une véritable chasse dans les rues de Paris, arrêtés jusque dans des cafés.
    Monsieur le ministre, qui gagne à de telles indignités,…

    M. Kévin Pfeffer

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    Les Français !

    Mme Danielle Simonnet

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    …si ce n’est une extrême droite raciste…

    Mme Caroline Parmentier

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    On en a marre !

    Mme Danielle Simonnet

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    …dont vous partagez désormais l’agenda, du RN jusqu’à Elon Musk, qui vous encourage depuis son bureau à la Maison-Blanche ?

    M. Philippe Gosselin

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    Toujours dans la nuance !

    Mme Caroline Parmentier

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    Arrêtez un peu !

    Mme Danielle Simonnet

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    La plupart de ces mineurs sont engagés dans une procédure de recours contre la contestation de leur minorité. Si le département de Paris avait suivi les recommandations de présomption de minorité de l’ancien Défenseur des droits Jacques Toubon, ces jeunes seraient pris en charge, ils iraient à l’école et logeraient en foyer comme tous les autres mineurs, conformément à nos obligations. Ils seraient certainement demain des citoyens accomplis.
    Vous avez laissé pourrir la situation, mettant en péril un lieu emblématique au cœur de Paris qui venait de renaître autour d’un projet citoyen magnifique : la Gaîté lyrique. D’autres solutions étaient possibles depuis des mois, notamment la réquisition de lycées vides comme Brassaï ou Brassens.
    Il n’y a pas qu’à Paris qu’en ne soutenant pas les départements vous avez renoncé à porter assistance à des mineurs en danger. C’est une honte !

    Mme Caroline Parmentier et M. Thibault Bazin

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    C’est vous, la honte !

    Mme Danielle Simonnet

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    Hissez-vous à la hauteur de la République, qui a su accueillir 140 000 Ukrainiens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Pierre Cordier

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    Si on ne peut même plus aller au théâtre !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

    M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur

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    Je ne reviens pas sur les conditions dans lesquelles la Gaîté lyrique a été occupée, que j’ai évoquées dans une précédente réponse. Il convient en revanche de dire les choses telles qu’elles sont. Vous avez affirmé que tous les occupants étaient mineurs, mais ce n’est pas vrai (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EcoS),…

    Mme Caroline Parmentier

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    Bien sûr !

    M. Pouria Amirshahi

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    Elle n’a pas dit cela !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    …puisque la mairie de Paris a reconnu la majorité de l’ensemble des occupants. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR, RN et HOR.)

    Mme Danielle Simonnet

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    Ne vous substituez pas à la justice !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Je rappelle la règle : pour reconnaître la minorité d’une personne, il appartient au département, en la circonstance la ville de Paris, d’engager les procédures. Or la ville a indiqué qu’ils étaient tous majeurs. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
    Je mets toutefois un bémol : les services sociaux n’ont pas eu la possibilité d’entrer dans l’établissement pour s’assurer que tous les occupants étaient bien majeurs ou, du moins, vérifier ce qu’il en était de la minorité alléguée par certains.
    Qu’en est-il à cette heure ? La situation de ceux qui ont déposé un recours sera examinée à nouveau : s’ils sont reconnus comme mineurs, ils ne seront pas renvoyés dans leurs pays d’origine ; dans le cas contraire, s’il est établi qu’ils sont majeurs, ils seront renvoyés, comme il se doit.
    Il faut dire les choses telles qu’elles sont et non telles qu’on veut les rêver ou les faire croire. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs des groupes EPR et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danielle Simonnet.

    Mme Danielle Simonnet

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    Ces jeunes ont déposé un recours contre la contestation de leur minorité,…

    Mme Caroline Parmentier

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    C’est une escroquerie !

    Mme Danielle Simonnet

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    …ne vous substituez pas à la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
    J’ai été meurtrie par la déclaration de la maire de Paris, Anne Hidalgo, je suis outrée par la vôtre. Il est urgent de respecter la Convention internationale des droits de l’enfant, dont la France est signataire. La place de ces jeunes, de ces mineurs, n’est ni dans les CRA (Exclamations sur les bancs du groupe RN), ni dans les commissariats, ni à la rue, mais à l’école et dans des foyers adaptés ! (Les exclamations sur les bancs du groupe RN vont crescendo.) Hissez-vous à la hauteur de ces principes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François-Noël Buffet, ministre.

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Je ne veux pas en rajouter, d’autant que je partage le point de vue selon lequel les personnes reconnues comme mineures doivent être prises en charge et s’engager dans le parcours que vous évoquez.

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Ce n’est pas ce que vous faites !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Mais la réalité juridique, c’est que la mairie de Paris n’a pas reconnu cette minorité.

    Mme Danielle Simonnet

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    Ça fait des mois que vous auriez dû le faire !

    Situation en Serbie

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Maud Petit.

    Mme Maud Petit

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    J’associe à ma question mon collègue Frédéric Petit, député des Français des Balkans.
    Samedi dernier, s’est déroulée à Belgrade l’une des plus importantes manifestations de l’histoire moderne de la Serbie. Entre 107 000 et 300 000 manifestants ont battu le pavé dans les rues de la capitale pour dénoncer la corruption du pouvoir en place : une véritable marée humaine, où se sont côtoyées des personnes de toutes tendances politiques, de tous les âges et issues de tous les pans de la société.
    Ce mécontentement a pour origine l’effondrement le 1er novembre dernier de l’auvent en béton de la gare de Novi Sad, pourtant récemment rénovée. Ce terrible accident a causé la mort de quinze personnes et suscité une profonde émotion dans le pays. Il a aussi provoqué la colère d’une partie de la population et, plus particulièrement, celle des étudiants.
    À la suite de ce drame, de nombreuses manifestations menées par les étudiants ont éclaté un peu partout dans le pays ; elles n’ont cessé de prendre de l’ampleur ; elles perdurent. Les manifestants entendent dénoncer « la négligence et la corruption des pouvoirs publics dans la construction de cet auvent » et, plus globalement, la corruption endémique du régime en place.
    Face à cette situation, le président serbe a réprimé ces manifestations, en faisant arrêter les principales figures estudiantines du mouvement et en rappelant qu’il « ne se laisserait pas dicter les règles par la rue ». Le gouvernement accuse les meneurs de ces manifestations d’être payés par des agences étrangères, de préparer des actions violentes, voire une révolution. Le pays semble dans une impasse.
    Après avoir déposé sa candidature d’adhésion à l’Union européenne en décembre 2009 et obtenu le statut de candidat en 2012, la Serbie pourrait en devenir le vingt-huitième membre d’ici à 2030. Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, quel regard la France porte-t-elle sur des événements secouant un pays qui aspire à nous rejoindre dans l’Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Comme vous, nous suivons avec attention les événements se déroulant en Serbie depuis l’accident survenu le 1er novembre dernier à la gare de Novi Sad, qui a suscité une très vive émotion –⁠ vous l’avez justement rappelé. Nous observons avec inquiétude les tensions qu’illustrent aussi bien la multiplication des attaques verbales et des intimidations contre les organisations de la société civiles que la forte perturbation des travaux du parlement serbe le 4 mars dernier.
    Le 8 février, le président de la République s’est entretenu avec le président serbe, Aleksandar Vucic ; il lui a rappelé que le futur de la Serbie est en Europe et l’a invité à continuer de faire progresser son pays sur le chemin de l’adhésion à l’Union européenne, en écartant toute violence et en créant les conditions d’un dialogue respectueux des sensibilités de tous.
    Pour ma part, le 9 février dernier, je me suis entretenu avec mon homologue serbe, Marko Djuric, et je lui ai adressé les mêmes messages.
    La France a noté l’ampleur de la manifestation de samedi 15 mars dernier et son caractère pacifique. Aucun incident n’a été rapporté, bien que les autorités soient soupçonnées d’avoir utilisé une arme interdite à l’occasion de cette manifestation. Il appartient désormais au peuple serbe et à ses dirigeants de trouver la voie d’un rétablissement de la confiance dans les institutions, nécessaire à la poursuite du processus d’adhésion de la Serbie à l’Union européenne.
    Si nous soutenons ce pays dans ce processus, c’est évidemment dans l’intérêt de la population serbe, mais aussi dans celui de la France et des Français. En effet, si cette enclave au cœur de l’Europe que forment les Balkans occidentaux n’adopte pas les règles que nous nous sommes démocratiquement données au fil des années afin de retrouver une forme de stabilité, elle risque de nous conduire à importer de l’instabilité au sein de l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

    Répercussions en Corse du blocage du port de Marseille

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul-André Colombani.

    M. Paul-André Colombani

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    Depuis le mois de janvier, la Corse a de nouveau été fortement affectée par la grève nationale des dockers, qui a durablement perturbé les liaisons maritimes avec le continent.
    Sans remettre aucunement en cause la légitimité de ce mouvement social,…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Encore heureux !

    M. Paul-André Colombani

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    …nous ne pouvons que souligner les lourdes répercussions des débrayages successifs et des journées de blocage total pour toute l’économie insulaire.
    Nous avons appris lundi que ce mouvement social venait d’être suspendu. Cette trêve permet dès à présent une reprise progressive du trafic maritime et offre un répit bienvenu aux acteurs économiques de l’île. Je me réjouis donc de la tenue de ces négociations entre le gouvernement et les représentants du secteur portuaire, que tous les parlementaires corses appelaient de leurs vœux. J’espère surtout qu’elles aboutiront rapidement.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il suffit de respecter la parole donnée sur les retraites !

    M. Paul-André Colombani

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    Toutefois, cette crise pose à nouveau la question de la dépendance de la Corse au transport maritime et de sa grande vulnérabilité en cas de conflit social dans les ports continentaux. Il n’est pas acceptable que notre île soit régulièrement prise en otage et que des blocages fragilisent son tissu économique et social.
    Aussi je relaie les demandes des chambres de commerce et des syndicats de transporteurs de relever les quotas de remplissage des navires en période de grève. Actuellement fixé trop bas, à 35 %, ce quota entraîne des retards de livraison, une hausse des coûts logistiques et une insécurité économique. Le porter à 50 % permettrait de réduire l’impact des grèves sur les chaînes d’approvisionnement et d’éviter les ruptures de stocks de produits essentiels à la Corse.
    Quelles autres mesures prévoyez-vous, monsieur le ministre des transports, afin de garantir, même en période de crise, la continuité des liaisons maritimes entre la Corse et le continent ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé des transports.

    M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports

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    La situation de la Corse est particulière : du fait de son insularité, elle est particulièrement dépendante du transport maritime.
    Nous avons pleinement conscience de l’impact du conflit social sur l’économie de l’île, sur le quotidien des concitoyens et, plus largement, sur l’ensemble des places portuaires. Je suis pleinement mobilisé pour parvenir à un accord, aussi important pour la Corse que pour nos ports, et par conséquent pour notre souveraineté.
    Une réunion avec les partenaires sociaux s’est tenue vendredi dernier ; elle a permis la suspension du mouvement social et les discussions se poursuivent. Mon cabinet et moi-même restons mobilisés et prêts à vous recevoir pour poursuivre nos échanges.
    Vous évoquez ensuite la liaison maritime entre le continent et la Corse. Grâce aux efforts du gouvernement et de la collectivité de Corse, la délégation de service public pour la desserte de l’île entre 2023 et 2029 a été validée par la Commission européenne en novembre dernier, ce qui consolide les perspectives de desserte pour l’ensemble des acteurs du transport vers la Corse comme pour nos concitoyens sur place.
    Enfin, vous soulevez le problème de la continuité territoriale en période de crise. Je rappelle qu’un contrat de délégation de service public s’établit entre une collectivité territoriale et un délégataire. Il s’agit donc d’une compétence de la collectivité corse, à qui il appartient de définir ses priorités dans ce cadre avec les transporteurs.
    Nous prenons bonne note de votre proposition de rehausser le taux de remplissage des navires en période de grève. Elle doit être expertisée par la collectivité. D’autres solutions existent certainement.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Négocier !

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    Soyez assuré que le gouvernement, mon collègue François Rebsamen en particulier, est pleinement mobilisé sur les enjeux de continuité territoriale de l’île de Beauté.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul-André Colombani.

    M. Paul-André Colombani

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    Je vous remercie de votre invitation. Sans doute faudra-t-il l’étendre à l’ensemble des parlementaires corses qui avaient signé il y a quelques semaines la lettre adressée au premier ministre, le plus urgent étant de travailler à résoudre ce conflit. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

    Dysfonctionnements du logiciel Arpège

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre Henriet.

    M. Pierre Henriet

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    Depuis cet automne, l’expérimentation du logiciel Arpège par les caisses primaires d’assurance maladie de Vendée et de Loire-Atlantique est un fiasco. Conçu pour remplacer l’actuel système de paiement des indemnités journalières, ce logiciel présente de graves dysfonctionnements sur des dossiers aussi sensibles que les mi-temps thérapeutiques, les accidents du travail ou les maladies professionnelles.
    Malgré les efforts déployés par les agents des CPAM et le soutien logistique d’autres caisses, les assurés concernés perçoivent, dans le meilleur des cas, des acomptes, mais seulement quand le droit à indemnités a été vérifié.
    Résultats : plus de 10 000 assurés plongés dans une détresse financière insupportable ; des indemnités versées au compte-gouttes –⁠ quand elles le sont ; des agios qui s’accumulent et des familles incapables de justifier leurs revenus pour maintenir leurs prestations sociales. Dans nos deux départements, la colère gronde. Sans cette ressource, certains de nos concitoyens ne parviennent plus à régler leurs factures quotidiennes.
    Monsieur le ministre de la santé et de l’accès aux soins, comment peut-on laisser un tel chaos s’installer au détriment des plus fragiles ? Plusieurs députés, sur tous les bancs, vous ont sollicité depuis plusieurs semaines, sans obtenir que la gravité de la situation soit vraiment prise en compte. Les moyens d’action sont toujours insuffisants pour gérer les demandes des 10 000 assurés en attente.
    Bien que le déploiement national, initialement prévu en 2025, soit reporté, quand allez-vous déployer suffisamment de personnels formés à la réglementation et au logiciel Arpège ? Quand et comment allez-vous mettre fin à cette situation inacceptable ? Il y va de la crédibilité de notre solidarité nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

    M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins

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    Votre question me permet d’exposer la position du gouvernement en réaction au dysfonctionnement que vous avez mis en évidence.
    En développant un nouveau logiciel, la Cnam avait pour objectif d’améliorer la prise en charge : les résultats ne sont pas au rendez-vous.
    Cependant, nous avons pu réagir à peu près dans les temps : dès décembre dernier, à notre prise de fonctions, Astrid Panosyan-Bouvet, Catherine Vautrin et moi-même avons mobilisé l’ensemble des forces de notre ministère pour agir. Ainsi, 190 techniciens experts ont été mobilisés et des acomptes ont été versés à 41 600 habitants de Loire-Atlantique et à 15 600 habitants de Vendée.

    M. Pierre Henriet

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    Et les autres ?

    M. Yannick Neuder, ministre

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    L’ensemble des partenaires concernés, la CAF, les impôts et d’autres organismes sont également intervenus. La situation est la suivante : 237 000 arrêts de travail ont été payés depuis octobre, pour un montant de 236 millions d’euros, et 85 % des liquidations sont désormais automatiques ; elles sont réalisées dans un délai moyen de six jours. Certaines difficultés que vous avez évoquées subsistent ; elles ont trait aux accidents de travail et aux maladies professionnelles, qui nécessitent encore un traitement manuel et représentent 15 % des demandes.
    Nous avons dépêché quarante-cinq téléconseillers spécialisés pour répondre au téléphone ; trente experts répondent manuellement et ils seront cinquante-cinq à la fin du mois pour que, d’ici quelques semaines, l’ensemble du retard soit comblé. Il n’est pas question de se justifier, car ce dysfonctionnement n’est pas acceptable, mais sachez que l’ensemble des moyens du ministère et des services de la Cnam sont mobilisés pour le régler dans les meilleurs délais. (Mme Sylvie Dezarnaud et M. Nicolas Ray applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre Henriet.

    M. Pierre Henriet

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    Ce ne sont pas 15 % des demandes qu’il faut traiter : il faut régler chaque situation, car ce sont des milliers de familles qui sont en détresse ! Nous comptons sur vous et sur votre ministère pour mettre plus de moyens à disposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. –⁠ Mme Nicole Dubré-Chirat applaudit également.)

    Conclave sur les retraites

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Émeline K/Bidi.

    Mme Émeline K/Bidi

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    Avec un certain sens de la formule, monsieur Bayrou,…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Trop tard, il nous quitte déjà !

    Mme Émeline K/Bidi

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    …vous avez instauré un conclave sur les retraites, une méthode, selon vos mots, « originale » et « de rupture ». L’originalité et la rupture auraient pu se traduire –⁠ nous l’espérions – par des discussions à huis clos, autonomes et libres de toute contrainte extérieure pour les partenaires sociaux.
    Or dès que les discussions ont commencé, le gouvernement a acculé le conclave en déclarant haut et fort que le pays était en économie de guerre ; et bien que le président ait affirmé qu’aucun impôt supplémentaire ne financerait cette économie, vous vous êtes empressé de plaider pour le pire d’entre eux : l’impôt sur la vie des travailleurs et des retraités. Il leur faudra donc travailler plus, plus longtemps et percevoir des pensions plus réduites : quelle injustice, particulièrement pour les travailleurs pauvres de notre pays, dans l’Hexagone comme en outre-mer !
    Devant la résistance des organisations syndicales et leur insistance à débattre de tous les sujets, y compris d’un âge de départ à la retraite à 62 ans, le premier ministre a porté un coup fatal au conclave, en affirmant que c’était quasiment chose impossible. Il a ainsi perverti le rapport de forces qui est pourtant la base de tout dialogue social, en donnant le poids du gouvernement au patronat et en réduisant la parole des syndicats à presque rien.
    Alors, à ce stade, puisque le conclave s’est transformé en une grande scène ouverte où chaque membre du gouvernement donne son avis pour influencer les discussions, et puisque le premier ministre prétend n’être qu’un simple citoyen qui s’exprime –⁠ c’est ce qu’il a dit hier –, n’est-il pas temps de redonner la parole au peuple, comme notre groupe l’a toujours défendu à la demande d’une majorité de nos concitoyens ?
    « Lorsque des questions sont bloquées, lorsqu’il n’y a pas de résolution possible, le référendum est une issue ». Ces mots auraient pu être les miens mais ce sont ceux que François Bayrou a tenus le 27 février dernier, à l’ouverture du conclave. L’organisation d’un référendum sur l’âge de départ à la retraite : voilà une décision courageuse qui serait enfin « originale » et « de rupture » ! La vraie question, toutefois, demeure : avec qui voulez-vous rompre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.

    M. Inaki Echaniz

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    Où est le premier ministre ?

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi

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    Je tiens à excuser le premier ministre : il a dû se rendre au Sénat où, comme vous le savez, la séance des questions au gouvernement va s’ouvrir.

    M. Inaki Echaniz

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    Il y a un problème d’organisation !

    M. Pierre Cordier

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    C’est plus important ici : nous avons le dernier mot !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Je voulais le préciser, puisque la question m’était posée : au Sénat, les questions au gouvernement commencent à 15 heures.
    Madame la députée, je veux vous rassurer. La position du gouvernement et les règles du jeu ne changent pas : nous faisons toujours confiance aux partenaires sociaux…

    Mme Christine Arrighi

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    Ce sont eux qui ne vous font plus confiance !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    …et au dialogue social. L’initiative que nous avons lancée est inédite et complexe ; nous faisons d’abord le pari de nous appuyer sur l’expertise de la Cour des comptes, qui a livré un rapport incontestable.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    On a l’habitude de vos opérations de com’ !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Ce rapport, qui n’a pas été remis en cause par les partenaires sociaux, montre la gravité de la situation, puisque le déficit s’élève d’ores et déjà à près de 7 milliards d’euros.
    Par ailleurs, une lettre de mission envoyée par le premier ministre demande aux partenaires sociaux, au minimum, de trouver le chemin de l’équilibre dès 2030, parce que l’équilibre est la condition sine qua non d’un régime par répartition. Enfin, un ordre du jour a été défini par les partenaires sociaux eux-mêmes ; des réunions, qui se tiennent le jeudi, sont consacrées à des sujets tels que l’âge de départ, la pénibilité, les carrières hachées, les femmes –⁠ naturellement –, l’épargne retraite, la gouvernance,…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Les dockers !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    …parmi d’autres. Voilà ce qu’il en est : les règles du jeu ne changent absolument pas. Nous pensons que ces discussions doivent se poursuivre pour aller jusqu’à leur terme, et plusieurs organisations syndicales et patronales ont dit la même chose ce matin. À elles, d’ailleurs, de déterminer si elles souhaitent élargir l’ordre du jour et passer plus de temps sur certaines thématiques. Nous devons conserver un régime par répartition –⁠ c’est la base de notre régime de retraite – qui soit équilibré, tout en l’améliorant, en particulier s’agissant de la pénibilité et des femmes.

    Mme Émeline K/Bidi

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    Et le référendum ?

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Clémence Guetté.)

    Présidence de Mme Clémence Guetté
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    2. Sortir la France du piège du narcotrafic

    Suite de la discussion d’une proposition de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic (nos 907, 1043 rectifié).

    Discussion des articles (suite)

    Mme la présidente

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    Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant aux amendements nos 9 et identiques à l’article 23 quinquies.

    Article 23 quinquies (appelé par priorité - suite)

    Mme la présidente

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    Nous en venons donc à cinq amendements identiques, nos 9, 396, 532, 735 et 755, tendant à supprimer l’article 23 quinquies.
    Sur ces amendements, je suis saisie de demandes de scrutin public, par les groupes Rassemblement national, Ensemble pour la République, Socialistes et apparentés, et Écologiste et social.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 9.

    Mme Colette Capdevielle

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    Nous demandons, pour plusieurs raisons, la suppression de l’article 23 quinquies, qui vise à créer des quartiers de lutte contre la criminalité organisée.
    Premièrement, ce nouveau régime ne fait pas la différence entre les prévenus, qui bénéficient de la présomption d’innocence, et les condamnés. Il faut d’ailleurs faire attention : si les prévenus sont relaxés ou acquittés, l’État s’expose au risque de devoir verser une indemnisation.
    Deuxièmement, le dispositif altère le sens de la peine, puisqu’il ne respecte pas sa dimension rédemptrice.
    Troisièmement, l’article 23 quinquies pourrait être jugé comme un cavalier législatif, car il semble hors du champ de la proposition de loi. Ces dispositions n’ont d’ailleurs pas été examinées par le Sénat en première lecture.
    Quatrièmement, le dispositif porte atteinte à la séparation des pouvoirs. Il n’appartient tout de même pas au garde des sceaux de décider à qui doit s’appliquer ce régime de garde à vue ! Cette décision doit revenir à un juge judiciaire, au terme d’un débat contradictoire, et doit être susceptible d’appel.
    Cinquièmement, la sortie de ce régime exclusivement sécuritaire n’est pas prévue. Or toutes les femmes et tous les hommes privés de liberté sortent un jour de prison, et le moment de la sortie, nous le savons bien, est essentiel.
    Enfin, il y a lieu de craindre un effet cocotte-minute. Surtout, nous avons entendu la réelle inquiétude exprimée par les personnels de l’administration pénitentiaire, à propos de leur formation –⁠ déjà insuffisante –, du risque de corruption et du danger d’une reconstitution des mafias.
    En France, l’isolement doit rester exceptionnel. J’invite chacune et chacun à lire les travaux des chercheurs spécialisés, qui ont démontré… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 396.

    M. Antoine Léaument

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    S’agissant de ces prisons de haute sécurité, j’ai bien compris que les arguments que nous avons avancés quant au respect des droits humains vous intéressent bien peu. C’est inquiétant, car cela en dit long sur notre société. Peut-être parviendrons-nous à vous convaincre en soulevant la question de la corruption.
    Lorsque je vous ai rencontré au ministère, monsieur le garde des sceaux, j’ai fait valoir que ces prisons de haute sécurité allaient poser un risque corruptif majeur. Vous avez répondu par la négative, précisant que l’on mettrait en place, à l’intérieur des prisons, des dispositifs permettant d’éviter que les agents pénitentiaires ne soient soumis à un tel risque. Vous avez notamment évoqué la constitution d’équipes de deux agents –⁠ je vous ai dit qu’il faudrait plutôt des équipes de trois, pour réduire encore ce risque. Vous avez indiqué aussi que l’on ferait tourner les équipes.
    Cependant, lorsque je vous ai demandé ce que vous aviez prévu à l’extérieur de la prison, vous n’avez apporté aucune réponse. Autrement dit, vous allez concentrer au même endroit des personnes que l’on pense être de grands trafiquants de stupéfiants –⁠ rappelons qu’elles n’en seront que suspectées. Si tel est le cas, il s’agira de personnes qui détiennent dans leurs mains des moyens financiers considérables. Les mécanismes corruptifs peuvent être financiers, mais il existe aussi, nous le savons bien, des phénomènes de pression, visant à instiller la peur. C’est précisément sur ce point que les personnels pénitentiaires sont les plus vulnérables : à la sortie de prison, des trafiquants de ce type peuvent se rendre au domicile des agents et exercer, non seulement sur eux mais aussi sur leur famille, une forme de terreur. J’aimerais vous entendre à ce sujet, monsieur Darmanin.
    Nous n’avons pas confiance dans ce que vous proposez et nous entendons supprimer l’article.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Émeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 532.

    Mme Émeline K/Bidi

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    Nous sommes nous aussi inquiets, car ces quartiers de haute sécurité risquent de porter atteinte aux droits humains et aux libertés fondamentales. Nous sommes confortés dans notre analyse par l’avis que vient de rendre le Conseil d’État : plusieurs dispositions –⁠ les modalités de prise de décision, la population visée par ce régime, les fouilles systématiques, les restrictions applicables dans les parloirs – sont susceptibles de violer le droit international et la Constitution. Nous sommes également confortés par la position de l’Association française des magistrats instructeurs (Afmi) : celle-ci estime que ces quartiers pourraient mettre en danger les personnels pénitentiaires et devenir la cible de tentatives d’évasion planifiées par des réseaux de criminalité organisée.
    Toutes ces réserves devraient nous inciter à repenser le dispositif. Bien évidemment, les criminels les plus dangereux de notre société doivent faire l’objet d’une attention particulière et être placés sous surveillance, mais non au point de faire l’amalgame entre ceux qui sont encore présumés innocents et ceux qui ont été condamnés définitivement, et de les regrouper dans des quartiers où s’appliquent des restrictions très graves aux libertés fondamentales.
    Selon nous, l’article 23 quinquies ne résulte absolument pas d’un travail abouti. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement de suppression.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir l’amendement no 735.

    M. Pouria Amirshahi

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    Nous l’avons expliqué hier soir, ces dispositions sont problématiques à plus d’un titre. Ajoutons que le recours à la prison relève chez vous d’un réflexe pavlovien !
    Dans notre système de détention, 20 000 personnes sur 80 000 sont en détention provisoire, autrement dit en attente de jugement. Il s’agit d’une situation dérogatoire, censée demeurer exceptionnelle ; or, quand on parle de 20 000 détenus, elle n’a plus rien d’exceptionnel.
    Vous voulez continuer à remplir les prisons, alors même que, dans des pays comme le Royaume-Uni et l’Espagne, démonstration a été faite qu’en diminuant le recours à la prison pour les faibles peines, c’est-à-dire en privilégiant les mesures alternatives, non seulement on facilitait le travail du personnel pénitentiaire et on favorisait ensuite la réinsertion, mais on pouvait aussi mieux se concentrer sur l’encadrement des peines de prison pour les personnes qui le nécessitent le plus. Dans votre approche, cela reste un impensé. Je crois qu’avec le régime que vous proposez, vous aggraverez nos problèmes.
    Surtout, ces dispositions sont attentatoires aux libertés et aux principes fondamentaux. Le Conseil d’État a émis des réserves réelles et sérieuses, qu’il conviendrait de rappeler. En particulier, il est question de « fouilles intégrales systématiques ». Se rend-on compte, indépendamment du crime commis par la personne concernée, de l’humiliation que constitue une fouille intégrale ? (Murmures sur les bancs du groupe RN. –⁠ M. Romain Daubié s’exclame.) Expliquez-moi en quoi durcir à ce point les conditions de détention permettra de faciliter le démantèlement des réseaux ou l’arrestation des chefs du narcotrafic ?
    Je rappelle en outre qu’aux termes de l’article 23 quinquies, les personnes en question seront en détention préventive, et seront donc considérées comme coupables ou responsables sur le fondement non pas de faits établis, mais de suspicions. J’attends à ce sujet votre réaction aux remarques formulées par le Conseil d’État.
    Dernier élément très important : les restrictions prévues à la relation familiale constituent une privation de droits fondamentaux. Quelles conclusions entendez-vous tirer en la matière des recommandations du Conseil d’État ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sacha Houlié, pour soutenir l’amendement no 755.

    M. Sacha Houlié

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    L’article 23 quinquies mérite d’être supprimé, car il pose deux séries de problèmes, en droit et en fait.
    Lorsque vous avez fait voter ce dispositif par la commission des lois, monsieur le ministre, vous nous avez assurés de sa conventionnalité et de sa constitutionnalité. Toutefois, l’avis du Conseil d’État, que j’ai lu avec attention, ne confirme pas ce que vous avez dit hier soir en séance lorsque nous avons discuté de l’article 23 quinquies. En effet, plusieurs motifs d’inconventionnalité ont été relevés : les restrictions automatiques applicables à la vie privée et familiale –⁠ on ne peut pas imposer de telles restrictions « sans offrir la moindre dose de flexibilité » ; l’incapacité du gouvernement, en tout cas à ce stade, « à démontrer, par une analyse circonstanciée et détaillée, que la nature et la spécificité de la criminalité organisée placée au sein des quartiers de lutte contre la criminalité organisée justifient de prévoir un tel régime » d’incarcération ; le caractère disproportionné de la durée de ce placement ; le régime de l’accès aux correspondances, qui ne prévoit pas l’accès à un avocat ; une difficulté au regard du droit à un procès équitable.
    Tels sont les problèmes de droit relevés dans l’avis du Conseil d’État, même si ce n’est pas la présentation que vous en avez faite hier soir.
    En fait, bien que vous vous en défendiez, vous rétablissez les quartiers de haute sécurité (QHS) supprimés par Robert Badinter lorsqu’il était garde des sceaux. Qui plus est, quoi qu’en dise le Conseil d’État, le régime que vous proposez est plus sévère que le placement à l’isolement, pour deux raisons : sa durée d’application est supérieure et les restrictions sont plus importantes.
    Par ailleurs, vous avez affirmé qu’il n’existait pas en France de régime de cette nature. Or il en existe bel et bien un, pour certains détenus. Ainsi M. Rédoine Faïd a-t-il contesté ses conditions de détention devant le juge de l’application des peines (JAP). La décision rendue par ce dernier ayant été annulée par la chambre de l’application des peines, il s’est pourvu en cassation.
    En définitive, ce régime n’est justifié ni en droit ni en fait. Voilà pourquoi il faut supprimer l’article 23 quinquies, que vous nous avez fait voter en commission en invoquant de mauvais arguments.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Vincent Caure, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements de suppression.

    M. Vincent Caure, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Je souhaite apporter quelques éléments en complément de ceux dont nous avons discuté hier soir, pour vous convaincre de ne pas supprimer l’article.

    Mme Elsa Faucillon

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    Ça va être difficile !

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Le dispositif proposé est au cœur à la fois du texte et de la réponse attendue : nous avons besoin d’isoler certains détenus de leur organisation criminelle.
    Vous évoquez la position unanime de certains syndicats. Pour ma part, je tiens à rappeler que les syndicats de l’administration pénitentiaire soulignent unanimement l’utilité du dispositif. De ce point de vue, on peut en reconnaître le bien-fondé.
    Nous comprenons que le dispositif tel qu’il se présente à ce stade puisse susciter des débats, voire des inquiétudes. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il doit être aménagé. C’est précisément l’objet de très nombreux amendements à l’article 23 quinquies. J’espère que nous pourrons les examiner après avoir repoussé les présents amendements de suppression. Ils visent à préciser les modalités d’application du régime prévu, notamment la place de l’avocat, les conditions de visite dans les parloirs, l’application du régime des fouilles et le rôle de l’autorité administrative en la matière.
    Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Je ne peux pas laisser M. le président Houlié…

    M. Sacha Houlié

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    Vous n’allez pas encore nous refaire le coup !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    C’est la première fois que je m’exprime devant vous sur ce texte, monsieur le président Houlié, car, hier soir, vous n’étiez pas là.
    On ne peut pas établir un parallèle, comme Elsa Faucillon l’a fait hier soir et d’autres orateurs viennent de le faire, entre le dispositif que nous proposons et les quartiers de haute sécurité créés dans les années 1970 et supprimés par Robert Badinter en 1982. Rappelons qu’il s’agissait d’un enfermement vingt-quatre heures sur vingt-quatre et que le système était fondé sur des brimades et des vexations, notamment la fouille corporelle intégrale et systématique dès la sortie de la cellule. (M. Sacha Houlié s’exclame en brandissant l’avis du Conseil d’État.)
    Rappelons aussi qu’après la suppression des quartiers de haute sécurité ont été créés les quartiers d’isolement, dont le régime est plus dur que celui qui est proposé dans l’article 23 quinquies. (M. Sacha Houlié fait un signe de dénégation.)
    J’en viens à la manière dont le débat s’est déroulé. Ceux d’entre vous qui, comme moi, sont parlementaires depuis un certain temps ont vu les gouvernements successifs déposer en séance des amendements déterminants, qui donnaient parfois une tout autre orientation à un projet ou une proposition de loi. En l’espèce –⁠ je me dois de le dire en tant que président de la commission des lois –, les choses ont été faites dans la plus grande transparence. Le gouvernement a effectivement déposé en commission l’amendement dont est issu cet article important. Le garde des sceaux l’a défendu personnellement, alors qu’il n’y était pas tenu. Il a annoncé que toutes les dispositions seraient prises pour tenir compte très précisément des propositions du Conseil d’État, qu’il avait lui-même souhaité saisir –⁠ plusieurs d’entre nous ont d’ailleurs assisté au débat qui s’est tenu devant la section de l’intérieur du Conseil.
    S’agissant du renouvellement de la décision d’affectation dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée, le texte prévoit qu’il intervient au bout de quatre ans. Le Conseil d’État propose de réduire ce délai à deux ans, et nous nous alignerons. Nous suivrons également ses recommandations concernant les fouilles systématiques.
    Nous irons même au-delà de ses préconisations sur la question de la séparation physique des prévenus et des condamnés avec leurs avocats lors des parloirs. Ainsi, nous tiendrons compte de tous les éléments de l’avis de la haute juridiction tendant à garantir les libertés publiques dans le contexte évidemment très particulier de l’emprisonnement.
    Je voudrais aborder deux autres points : vous nous reprochez de mélanger des prévenus et des condamnés. Or ils cohabitent déjà dans les deux types de quartiers spécialisés existants : unités pour personnes détenues violentes et quartiers de prise en charge de la radicalisation.

    Mme Elsa Faucillon

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    C’est déjà problématique.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    De ce point de vue, le dispositif ne comporte aucune innovation.
    J’en viens au champ d’application des quartiers de lutte contre le crime organisé. La version initiale du gouvernement –⁠ dont nous avons débattu devant la section de l’intérieur du Conseil d’État – prévoyait que l’ensemble des infractions visées par les articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du code de procédure pénale pouvaient justifier la détention dans l’un de ces quartiers, ce qui représentait plus de 10 000 personnes. Sur les recommandations du Conseil d’État et selon son estimation, nous allons restreindre ce champ d’application de manière à ce qu’il concerne entre 800 et 600 personnes –⁠ le Conseil d’État pousse même à aller jusqu’à 1000 personnes. En tout état de cause, appliqué à 600 personnes environ, le dispositif restera contenu.
    Je termine par ce qui me semble le plus important. Nombre d’entre vous ont dit que le garde des sceaux –⁠ sur proposition, comme il l’a expliqué, d’un certain nombre de services et de magistrats – allait placer des personnes dangereuses dans ces quartiers de lutte contre le crime organisé. En réalité, c’est moins la dangerosité d’un individu que sa capacité à rester en lien pendant la durée de sa détention avec le réseau criminel auquel il appartient ou dont il est l’instigateur, voire le principal instigateur, qui déterminera son placement. Il s’agit de couper le lien, de mettre en place une séparation étanche entre la personne et le réseau auquel elle a contribué.
    Pour beaucoup de Français, il est inacceptable qu’un détenu continue, depuis son lieu de détention, à coordonner et animer le réseau criminel auquel il a appartenu. Les quartiers de lutte contre la criminalité organisée, encadrés par les garanties que j’ai indiquées, sont la réponse que nous souhaitons apporter à ce problème.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du gouvernement sur ces amendements.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Je souhaiterais commencer par lire un extrait du compte rendu de la séance d’hier, que j’ai pu consulter. Madame Capdevielle, vous m’aviez dit n’avoir pas tenu les propos que je vous avais reprochés. J’avais compris que, selon vous, je dénonçais souvent l’Association des magistrats instructeurs comme constituée d’une bande de gauchistes. Le compte rendu établi par les services de l’Assemblée nationale indique : « Je voudrais vous faire part, monsieur le garde des sceaux, d’un communiqué daté de ce jour, publié par l’Association française des magistrats instructeurs. Il ne s’agit pas d’une assemblée de gauchistes, comme vous avez l’habitude de le dire pour, souvent, vous en moquer. » J’attends donc vos excuses dans quelques instants.
    Peut-être ces propos s’expliquent-ils par l’heure tardive à laquelle ils ont été prononcés et ne correspondent-ils pas tout à fait à votre pensée, mais je vous remercie de les rectifier.

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous n’avez pas parlé d’ultragauche plutôt que de gauchistes ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Sur le fond, je suis défavorable aux amendements de suppression des quartiers de lutte contre la criminalité organisée. Il me semble que le rapporteur et le président de la commission des lois ont répondu à la plupart des objections qui leur sont opposées. Hier, je me suis entretenu longuement avec le président Houlié sur le sujet, que j’ai également abordé pendant vingt minutes lors de la discussion générale. Je n’y reviendrai donc pas. Tout ce qui a été dit sur les quartiers de haute sécurité relève de l’évidence : il s’agit de quartiers d’étanchéité plutôt que de quartiers d’isolement, étant observé qu’actuellement, l’isolement dure parfois bien plus que quatre ans.

    M. Ugo Bernalicis

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    À cause des renouvellements !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Cela étant, j’ai précisé au président Houlié que, conformément aux recommandations du Conseil d’État, la durée d’isolement serait réduite à deux ans. La question est donc réglée.
    Actuellement, l’isolement est bien supérieur à deux ans pour un certain nombre de détenus. Nous créons le cadre légal d’un dispositif distinct de celui des quartiers d’isolement. Dans de tels quartiers, on se promène seul dans la cour ; cela ne sera pas le cas ici.
    Je terminerai en répondant au reproche selon lequel les dispositions relatives à ces quartiers constitueraient un cavalier législatif. Rien n’est plus faux ! Indépendamment du fait que la commission des lois a étudié ce dispositif sous l’égide de son président sans l’écarter, que le rapport sénatorial et la proposition de loi initiale contenaient des articles pénitentiaires, et qu’enfin le Conseil d’État, saisi de la question de l’existence d’un cavalier, a répondu par la négative, je crains que l’on n’essaie de faire du juridisme, alors qu’il s’agit d’un régime fondamental pour nos prisons et pour nos agents pénitentiaires.
    Enfin, la question de la détention provisoire est très importante : ces personnes sont dangereuses ; elles ont été qualifiées comme telles par les services de police et par les magistrats instructeurs.

    M. Ugo Bernalicis

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    Mais ce ne sont pas eux qui vont décider, c’est vous !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Il s’agit de personnes à l’encontre desquelles une procédure judiciaire a été ouverte. Selon M. Amirshahi, il n’y aurait pas d’indice de leur dangerosité. En réalité, la mise en examen, décidée par un magistrat instructeur et susceptible de recours devant la chambre de l’instruction, suppose l’existence d’indices graves et concordants rendant vraisemblable qu’une personne ait pu participer à la commission d’une infraction. Nous ne parlons pas de personnes faisant l’objet d’une enquête préliminaire sans saisine d’un juge, au sujet desquelles le procureur de la République et le ministre pourraient s’entendre dans leur coin. Ne disons pas quelque chose qui n’est pas exact !
    M. Amra est toujours présumé innocent ; il se trouve dans un quartier d’isolement à Condé-sur-Sarthe. Il était en détention provisoire comme la plupart des amis qui l’auraient aidé à commettre son évasion, doublée d’un assassinat au péage d’Incarville. C’est parce qu’ils sont en détention provisoire, que, pour diverses raisons tenant au monde carcéral, ces hommes ne bénéficient pas du régime permettant de les protéger.
    Outre qu’il ouvre la faculté de bénéficier du régime du repenti, le dispositif des quartiers autorise la visioaudience. Le Conseil d’État a précisé que cette possibilité ne pouvait être ouverte qu’à la condition de concerner un petit nombre de personnes. La visioconférence empêche l’extraction judiciaire. Or il n’y a quasiment pas d’extraction judiciaire pour les condamnés. Exclure les prévenus en détention provisoire du dispositif des quartiers de lutte contre la criminalité organisée reviendrait ainsi à faire sortir presque toutes les personnes que nous ciblons de ce régime carcéral qui protège les agents pénitentiaires.
    Ainsi, tous ces amendements doivent-ils être rejetés pour le bien et la sécurité de nos concitoyens.

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de nombreuses demandes de prises de parole. Cela me paraît logique compte tenu de l’importance de l’enjeu attaché à la suppression de l’article, dont témoignent les temps de réponse des orateurs précédents. Je laisserai les différents groupes s’exprimer sur ce sujet en considérant que nous avancerons plus vite ensuite, notamment parce que plusieurs orateurs se sont exprimés hier soir.
    La parole est à Mme Gabrielle Cathala.

    Mme Gabrielle Cathala

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    Je vais naturellement soutenir cet amendement de suppression déposé par mon groupe.
    Contrairement à ce que M. le président de la commission des lois et M. le ministre ont défendu, l’article 23 quinquies recréé les quartiers de haute sécurité supprimés par M. Badinter, en 1982 : c’est une terrible régression de plus de quarante ans en matière de respect des droits humains.
    M. Badinter disait lui-même que ces quartiers instauraient un régime inhumain qui broie les hommes. Dans le même sens, la Défenseure des droits a précisé dans son avis que votre article viole les stipulations de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) et institue un traitement inhumain et dégradant. À l’époque de la suppression de ces quartiers en 1982, une commission indépendante avait d’ailleurs estimé : « Il y a bien plus à craindre que le séjour en QHS n’aggrave au lieu de tempérer la dangerosité de ceux qui y sont affectés et ce, d’autant plus que le séjour est prolongé. »
    Rien ne va dans votre article : même si, par amendement, vous la réduisez à deux ans, la durée de placement est disproportionnée ; c’est vous-même et non un magistrat indépendant qui allez décider du placement en quartier. Enfin, rien de ce qui est prévu –⁠ fouilles systématiques, réduction des activités – ne permettra de prévenir la récidive ou, ainsi que l’a souligné mon collègue Antoine Léaument, de limiter les risques de corruption au sein des établissements.
    Je rappelle qu’aux termes des dispositions de l’article 130-1 du code de procédure pénale –⁠ qu’en votre qualité de ministre de la justice, vous devriez connaître – « la peine a pour fonctions 1o De sanctionner l’auteur de l’infraction ; 2o De favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion. » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
    Comment favoriserait-on la réinsertion des détenus quand l’on viole leur droit à la vie privée et familiale, quand on les prive d’activité et qu’on les condamne à de la « torture blanche », pour reprendre les termes utilisés par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Romain Baubry.

    M. Romain Baubry

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    Il est bon de rappeler les raisons pour lesquelles nous avons besoin de prisons de haute sécurité. Au Rassemblement national, nous prônons depuis longtemps déjà la création d’établissements pénitentiaires spécifiques en fonction du profil des détenus. Premièrement, il s’agit de mettre hors d’état de nuire des individus dangereux qui, même incarcérés, peuvent commanditer des assassinats, préparer leur évasion et gérer leurs trafics.
    Deuxièmement, gérées de manière stricte, ces prisons devraient permettre de protéger les surveillants pénitentiaires qui travaillent dans des conditions difficiles sous la pression de détenus disposant d’importants moyens financiers et logistiques. Elles préserveraient aussi d’une menace de plus en plus pesante les greffiers et magistrats qui traitent des procédures impliquant des narcotrafiquants.
    Pour finir, nos prisons sont de véritables passoires où drogues, téléphones et armes pénètrent sans la moindre difficulté. Si j’entends ceux qui s’indignent de la création de ces conditions de détention et qui évoquent les droits des personnes détenues, je les renvoie au devoir de protéger notre société et les personnels de l’administration pénitentiaire, ainsi qu’à celui de prendre des mesures strictes après le dramatique assassinat de deux surveillants en mai dernier.
    Il est regrettable que, lors de l’examen du budget 2025, tous les groupes se soient opposés à nos propositions tendant à allouer des moyens supplémentaires destinés à améliorer la sécurité des établissements et des agents pénitentiaires.
    Au Rassemblement national, nous sommes partisans de l’ordre et de la protection de la société, c’est pourquoi nous soutiendrons la création de ces prisons de haute sécurité et leur gestion spécifique. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Olivier Marleix.

    M. Olivier Marleix

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    Évidemment, je comprends qu’on ait des valeurs et qu’on soit attaché à améliorer des conditions de détention trop souvent indignes –⁠ je pense aux cellules trop petites où l’on dispose des matelas par terre – dans nos prisons. S’il y a là un chantier à mener et s’il convient de réfléchir aux conditions de réalisation des courtes peines dans des prisons moins onéreuses, nous ne parlons pas de cela ce soir.
    Nous évoquons les individus les plus dangereux, des caïds qui continuent à faire la loi derrière les murs de leur prison. L’affaire Amra, qui a coûté la vie à deux fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, devrait nous amener à nous remettre en question. Avoir des valeurs, c’est bien, mais il ne faut pas tomber dans le déni de la réalité !
    À l’époque où Robert Badinter était garde des sceaux, le téléphone portable n’existait pas. Au lendemain de l’affaire Amra, j’ai visité la prison de la Santé. J’y ai passé quatre heures en compagnie du directeur afin de recueillir ses explications sur certains points. J’ai vu que, malgré les filets de sécurité placés au-dessus des cours, tout un tas de méthodes existent pour balancer des couteaux –⁠ qui mettent la vie de nos agents en danger – depuis l’école maternelle voisine ou introduire tout et n’importe quoi –⁠ y compris des téléphones portables – grâce à des systèmes de yo-yo confectionnés avec des draps.

    M. Patrick Hetzel

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    Eh oui !

    M. Olivier Marleix

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    Ainsi, nous devons imaginer de nouvelles conditions de détention pour assurer la sécurité des fonctionnaires de la pénitentiaire. À cet égard, le projet du garde des sceaux, qui ne concerne que quelques centaines de gros bonnets et de caïds, est très raisonnable. Le travail sur l’humanité des prisons reste à accomplir mais c’est un autre sujet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. Patrick Hetzel

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Huyghe.

    M. Sébastien Huyghe

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    Pendant cinq ans, j’ai été rapporteur pour avis du budget de l’administration pénitentiaire : chaque année, j’ai proposé de spécialiser nos établissements pénitentiaires dans un but d’efficacité. Je me réjouis que le garde des sceaux ait décidé d’emprunter cette voie et de créer ces quartiers de lutte contre la grande criminalité destinés à empêcher que les malfrats continuent leurs trafics depuis leurs cellules.
    Vous ne pouvez pas déplorer qu’ils agissent ainsi et, en même temps, combattre un dispositif qui permettra d’y mettre fin. Vous êtes hostiles au Pnaco, le parquet national anti-criminalité organisée –⁠ nous l’avons vu hier soir – et aux quartiers spécialisés : en fait, vous êtes contre tout ce qui peut permettre de lutter efficacement contre la criminalité organisée.

    M. Pierre Pribetich

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    Non !

    M. Sébastien Huyghe

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    Je ne peux que déplorer une certaine complaisance de votre part, pour ne pas dire une certaine complicité, envers ces narcotrafiquants. (Protestations sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon

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    Je vais essayer de développer mes arguments concernant ces amendements de suppression même si je tiens à souligner le caractère particulièrement indigne des propos de l’orateur précédent. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.) Compte tenu de la façon dont vous respectez les valeurs et les principes, nous pourrions, nous aussi, nous en donner à cœur joie. Pourtant, nous nous efforçons de maintenir un débat de qualité.
    M. le président de la commission nous a expliqué que des prévenus côtoyaient déjà, dans certains, cas, des personnes condamnées. C’est vrai et d’ailleurs, à ce niveau, c’est un réel problème. Je rappelle que, jusqu’à leur condamnation, les prévenus sont présumés innocents, par conséquent ils ne devraient pas être aussi nombreux en prison. Or certains passent beaucoup de temps sous les verrous –⁠ un temps perdu du point de vue du sens de la peine puisque, pendant cette période, le travail d’insertion n’est pas effectué.
    Vous avez également dit que les quartiers de lutte contre la criminalité organisée n’étaient pas identiques aux quartiers de haute sécurité fermés en 1982.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    C’est totalement différent !

    Mme Elsa Faucillon

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    Encore heureux que nous soyons capables de tirer deux ou trois leçons d’un dispositif qui a été abandonné pour que les conditions de détention soient en adéquation avec nos valeurs démocratiques ! Au début des années 1980, il a été décidé de prendre un virage –⁠ nous ne sommes d’ailleurs pas encore arrivés au bout du processus – en considérant que le respect de la dignité humaine était un gage d’efficacité en matière de réinsertion et de lutte contre la récidive. Nous ne nous contentons pas d’énoncer de beaux principes pour faire joli. Nous nous y tenons coûte que coûte parce qu’ils assurent le maintien du vivre ensemble et la cohésion sociale.
    Par ailleurs, monsieur le ministre, les agents pénitentiaires demandent une chose depuis longtemps, et de manière unanime : que leurs effectifs soient suffisants par rapport au nombre de personnes détenues en prison –⁠ prévenus et condamnés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.) S’ils en viennent aujourd’hui à demander des dispositifs tels que celui que vous proposez, c’est parce que leurs conditions de travail ne leur permettent pas d’exercer leur métier en toute sécurité.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sacha Houlié.

    M. Sacha Houlié

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    Je comprends que la comparaison avec les quartiers de haute sécurité vous mette mal à l’aise, monsieur le président de la commission. Il n’empêche que votre réponse, qui mentionnait l’exemple des fouilles intégrales, vient contredire vos arguments en prouvant que l’on peut parfaitement faire une analogie entre le dispositif d’hier et celui que vous proposez aujourd’hui.
    Si l’on vous prenait au mot, on devrait considérer que les quartiers de haute sécurité présentent une efficacité. Or ce n’est pas le cas, sinon cela se saurait depuis François Besse ou Jacques Mesrine.
    Par ailleurs, on ne peut pas prétendre que la criminalité était moins importante dans les années 1970, à l’époque de la French Connection, qui était en tous points comparable aux réseaux de narcotrafic tels que nous les connaissons aujourd’hui.

    M. Ugo Bernalicis

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    La French Connection, c’étaient pas des gentils !

    M. Sacha Houlié

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    Le dispositif que vous proposez a donc déjà été expérimenté et s’est révélé totalement inefficace, c’est d’ailleurs pourquoi il a été supprimé. Par conséquent, vouloir le rétablir au nom des mêmes arguments n’a pas de sens.
    Au fond, votre tâche est difficile puisque vous devez corriger le mensonge de la commission des lois, laquelle a prétendu que le dispositif fonctionnait, qu’il était conventionnel et conforme à la Constitution. Or cela ne correspond pas à l’avis du Conseil d’État qui nous a été transmis.
    Plusieurs dispositions posent un grave problème. Ainsi, selon l’avis du Conseil d’État, le dispositif ne s’appliquera pas à seulement 800 détenus mais, au vu des infractions visées, il pourrait concerner jusqu’à 27 000 personnes –⁠ vous pouvez soupirer, monsieur le ministre, mais c’est la réalité.

    M. Ugo Bernalicis

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    Eh oui !

    M. Sacha Houlié

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    Enfin, monsieur le ministre, vous vous êtes arrogé le pouvoir –⁠ comme si vous aviez hérité de ce privilège en tant qu’ancien ministre de l’intérieur – de décider du placement d’un détenu dans l’un de ces quartiers. Or le placement à l’isolement est décidé par l’autorité administrative, c’est-à-dire l’administration pénitentiaire, ou par l’autorité judiciaire. Là réside une autre faille de cet article, qu’il faut supprimer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff

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    De nombreux arguments ont déjà été avancés car j’arrive à la fin de la discussion.

    Mme la présidente

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    Pas tout à fait ! (Sourires.)

    M. Jérémie Iordanoff

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    Le sujet que nous abordons est lourd. Les mesures que nous voterons aujourd’hui affecteront des vies humaines, c’est pourquoi nous devons nous attarder sur les conséquences de l’adoption de cet article.
    Tout d’abord, monsieur le garde des sceaux, votre présentation, hier soir, de l’avis du Conseil d’État m’a semblé lacunaire –⁠ je vous ai bien écouté et ai lu attentivement l’avis –, notamment s’agissant du recours à la visioconférence pour les audiences, même si vous êtes un peu revenu sur vos propos tout à l’heure. Sur cette question, le Conseil d’État s’exprime au conditionnel, il conviendrait donc de connaître le point de vue du Conseil constitutionnel sur ce point.
    J’aimerais revenir sur les arguments que vous avez avancés hier soir pour justifier la création de ces quartiers qui reposent sur un principe d’étanchéité ou d’isolement –⁠ on ne sait plus trop comment le qualifier.
    Vous avez d’abord expliqué que leur objectif était de garantir une étanchéité entre la prison et le monde extérieur, et d’empêcher les narcotrafiquants détenus de continuer à piloter leur trafic. On peut être d’accord avec cette idée.
    Toutefois, hier soir, vous nous avez fait douter de l’utilité de ces quartiers lorsque vous avez précisé que l’objectif du régime dit 41 bis, en Italie, était de faire accepter aux détenus le statut de repenti.
    J’aimerais donc savoir si votre intention, en les créant, est de faire accepter le statut de repenti ou de garantir une étanchéité entre la prison et le monde extérieur. Il est fondamental de savoir lequel de ces deux objectifs totalement différents vous visez, avant de voter sur le dispositif. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
    Par ailleurs, vous aviez d’abord opté pour une durée de quatre ans même si, à la suite de l’avis du Conseil d’État, vous semblez à présent vouloir la réduire de moitié. Toutefois si l’objectif est d’assurer une étanchéité entre la prison et l’extérieur, pourquoi une durée de six ou neuf mois ne serait-elle pas suffisante ? Si un chef de réseau cesse de piloter son trafic pendant ce laps de temps, le business s’écroule. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Colette Capdevielle.

    Mme Colette Capdevielle

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    Monsieur le garde des sceaux, vous avez un talent fou pour créer un dossier dans le dossier lorsqu’une question vous gêne. Je serai très franche avec vous : je me suis probablement mal exprimée et vous m’avez peut-être mal comprise.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Non, non !

    Mme Colette Capdevielle

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    En tout cas, si vous avez été blessé par les propos que j’ai tenus hier soir, je vous présente mes plus plates excuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    M. Antoine Léaument

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    C’est ça, la justice restaurative !

    Mme Colette Capdevielle

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    Je serai beaucoup plus claire cette fois car nous sommes au milieu de l’après-midi. Ce qui vous gêne en réalité, c’est le communiqué publié hier par l’Association française des magistrats instructeurs qui, en effet, n’est pas un syndicat de gauchistes mais une association apolitique de praticiens qui croulent sous les dossiers.
    Ils estiment, dans leur conclusion, que toute décision reposant sur l’idée que la panacée consisterait à créer des zones sécurisées dans lesquelles serait concentrée la grande délinquance organisée, avec un accès limité aux juges, ne peut que démontrer la faiblesse de l’État et un recul de l’État de droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, LFI-NFP et EcoS.)
    Je comprends que ces propos vous gênent beaucoup car ce constat est dressé, au terme d’une démonstration très argumentée, par des personnes qui travaillent beaucoup sur ces questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Il n’en a rien à faire, des magistrats !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Ciotti.

    M. Éric Ciotti

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    (« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Je sens votre impatience !

    M. Antoine Léaument

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    Il faut dire qu’on ne vous voit pas souvent !

    Mme Dieynaba Diop

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    Ils l’ont libéré du siège !

    M. Éric Ciotti

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    Monsieur le garde des sceaux, nous soutiendrons votre disposition. Elle permet d’apporter une réponse de bon sens –⁠ pas la seule, évidemment, tant la question est grave est complexe – au problème du trafic de drogue.
    Ce fléau gangrène notre société, est au cœur de tous les réseaux de criminalité et de délinquance, avec des enjeux financiers considérables, une multiplication du nombre d’emplois qui en dépendent et des quartiers entiers mis en coupe réglée par des mafias.
    Il faut s’attaquer à ces mafias qui emploient différentes armes –⁠ le chantage, la menace, la pression ou la corruption – et rompre avec l’impuissance et la naïveté.
    La réponse carcérale est indispensable pour que l’État, qui a été faible depuis de trop longues années face aux cartels mafieux et aux narcotrafiquants, regagne du terrain.
    La prison a une fonction punitive. Elle peut avoir une fonction réparatrice…

    M. Pouria Amirshahi

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    Elle l’a !

    M. Éric Ciotti

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    …mais elle doit aussi protéger la société de ceux qui la menacent. Or, en matière de narcotrafic, nous sommes confrontés à de grands criminels. Nous ne pouvons plus accepter que des assassinats soient commandités depuis les cellules, comme nous l’avons vu, à Marseille, avec des meurtres commis par des mineurs. Nous ne pouvons plus accepter que des trafics soient organisés depuis la prison et que celle-ci devienne un lieu de villégiature. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)

    Mme Dieynaba Diop

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    Depuis quand c’est un lieu de villégiature ?

    M. Ugo Bernalicis

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    Dans ce cas, allez y passer vos vacances !

    M. Éric Ciotti

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    Oui, il faut changer de braquet et d’optique. Voilà pourquoi nous nous opposons à ces amendements de suppression qui sont totalement inadaptés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    On ne peut renoncer au principe des prisons de haute sécurité car on ne peut s’accommoder de ce qui se passe aujourd’hui dans plusieurs établissements pénitentiaires. Nous savons que des narcotrafiquants –⁠ y compris des têtes de réseau – peuvent, depuis leur cellule, grâce à des téléphones portables et divers appareils, continuer à alimenter des trafics, à menacer des familles, à exercer une pression sur des témoins et même à commanditer des crimes, y compris en instrumentalisant des mineurs, des enfants de 13, 14 ou 15 ans. C’est inacceptable.
    Nous sommes donc favorables à la création d’établissements différenciés en fonction des profils –⁠ par exemple des prisons plus petites pour les courtes peines –, y compris, bien sûr, pour les plus dangereux d’entre eux.
    Nous savons bien aussi que, parmi les centaines d’agressions commises chaque année sur les agents pénitentiaires, certaines sont l’œuvre de trafiquants soucieux de conserver leur autorité dans les prisons.
    Certes, ce régime carcéral est sévère mais nous devons assumer cette sévérité. Il ne s’agit pas de sadisme –⁠ contrairement à ce que j’ai entendu hier – mais de lucidité, de bon sens.
    J’ajoute que le texte proposé par le gouvernement tient compte des recommandations faites par le Conseil d’État qui, dans son avis, a validé le principe de ces établissements tout en préconisant d’encadrer le dispositif. Après le vote sur les amendements de suppression, nous pourrons discuter des différentes modalités de fonctionnement de ces établissements, comme la durée de détention ou les mesures de contrôle, mais leur existence est indispensable si nous voulons être à la hauteur de la lutte contre le narcotrafic. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument, pour un rappel au règlement.

    M. Antoine Léaument

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    Il se fonde sur l’article 24 de la Constitution qui prévoit que le Parlement contrôle l’action du gouvernement et sur l’article 56 du règlement de l’Assemblée nationale qui indique que les ministres s’expriment quand ils le souhaitent.
    Monsieur le garde des sceaux, je vous ai posé une question très précise à propos de la corruption et des menaces qui pèsent sur les agents à l’extérieur de la prison. Vous n’y avez pas répondu. Or, pour éclairer l’Assemblée nationale –⁠ surtout après certains propos qui ont été tenus –, il serait utile que vous nous disiez ce que vous comptez faire pour protéger les agents des prisons, à l’extérieur des établissements, là où, à cause des narcotrafiquants, ils pourraient se retrouver le plus en danger. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Article 23 quinquies (appelé par priorité - suite)

    Mme la présidente

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    Je vous informe que je suis saisie de demandes de scrutin public, sur l’amendement no 174 par le groupe Socialistes et apparentés, et sur le sous-amendement no 969 par le groupe Écologiste et social.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Monsieur Sacha Houlié, vous avez évoqué le « mensonge » de la commission des lois. Pardonnez-moi mais la commission des lois travaille, débat et délibère ; elle ne ment pas. Elle a pris une décision qui est souveraine.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Très bien !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Elle a d’ailleurs adopté l’article 23 quinquies mais supprimé certaines dispositions dont nous débattrons de nouveau –⁠ je serai moi-même défavorable à certaines d’entre elles, comme celles prévues par l’article 8 ter. (MM. Éric Bothorel et Jean-René Cazeneuve applaudissent.)
    J’aimerais rétablir la vérité sur deux points très précis. Madame Cathala, vous avez dit que le Conseil d’État avait considéré que les fouilles, telles qu’elles sont prévues par l’article, étaient contraires à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
    Or ce que dit le Conseil d’État –⁠ j’ai l’avis entre les mains, je pourrai vous le transmettre –, c’est que, si ces fouilles devaient constituer une pratique routinière, sans aucune restriction, alors elles seraient contraires à l’article 3 de la CEDH. Or ce n’est pas le cas.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est déjà le cas !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Je vous invite à relire le paragraphe 16 de l’avis du Conseil d’État du 13 mars –⁠ rédigé après que nous en avons discuté avec la section de l’intérieur. Il y est bien indiqué que les fouilles intégrales systématiques sont conformes à la Convention européenne des droits de l’homme dès lors qu’elles visent des personnes qui ne sont pas « restées sous la surveillance constante d’un personnel de l’administration pénitentiaire ».
    La différence avec les quartiers de haute sécurité des années 1970 et 1980 est colossale : à l’époque, la fouille était systématique, corporelle et intégrale dès la sortie de la cellule.

    Mme Elsa Faucillon

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    Waouh ! Quarante ans pour en arriver là !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Par conséquent, n’établissez pas une comparaison qui n’a pas lieu d’être –⁠ comme en témoigne d’ailleurs votre réaction à l’instant.
    Je le redis : après la décision prise par Robert Badinter de supprimer les quartiers de haute sécurité, c’est le dispositif de l’isolement que l’on a instauré. Or ce dispositif est bien plus dur que celui des quartiers de lutte contre la criminalité organisée dont l’article prévoit la création.
    Nous avons pris en considération toutes les propositions et recommandations formulées par le Conseil d’État, en toute transparence et sans mensonge. La commission des lois a délibéré. Nous pouvons aujourd’hui délibérer à notre tour en séance publique, sur le fondement des travaux de la commission et de l’avis rendu par le Conseil d’État. Toutes les garanties sont réunies pour que nous puissions décider en toute transparence.

    M. Antoine Léaument

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    Et la corruption ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Antoine Léaument

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    Ah !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Cet article très important, au sein d’un texte qui est lui-même très important, peut soulever les difficultés que vous avez mises en avant, mais il correspond à la manière dont l’État doit exercer son autorité.
    D’abord, ne pas adopter le régime que nous proposons, c’est se satisfaire du régime actuel, c’est-à-dire du fait que des détenus soient mis à l’isolement pendant de nombreuses années. Aujourd’hui, le détenu soumis depuis le plus longtemps à ce régime a été placé à l’isolement il y a seize ans !

    M. Pouria Amirshahi

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    Avant d’être jugé !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Seize ans d’isolement ininterrompu, sans jamais croiser personne, sans pouvoir se promener ailleurs que dans une cour de quelques mètres carrés ! Je m’adresse plus particulièrement à M. Houlié qui, lorsqu’il présidait la commission des lois pendant la précédente législature, ne s’est manifestement pas ému de cette situation. Les propos que vous tenez aujourd’hui sont fort éloignés de vos positions passées.

    M. Antoine Léaument

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    Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis !

    M. Ugo Bernalicis

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    Alors que nous… !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Quand on laisse des personnes à l’isolement total pendant seize ans, on ne donne pas de leçon sur les libertés individuelles !
    J’en viens à présent à l’affaire Amra. Le sourire de M. Amra ne saurait rester impuni ! L’État doit faire respecter son autorité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.) Ce sourire ne vous gêne-t-il pas, n’a-t-il pas fait vibrer votre fibre républicaine, ne vous a-t-il pas donné envie de protéger les pères et mères de famille que sont les agents pénitentiaires ? (Mme Elsa Faucillon s’exclame.)
    Vous évoquez la torture blanche, madame la députée, mais même la CGT pénitentiaire n’est pas d’accord à ce sujet avec le parti communiste –⁠ vous devriez vous rapprocher de votre base. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Lisez donc ses tracts : elle n’est pas d’accord avec la façon dont vous traitez les agents de l’administration pénitentiaire ! Respectez les organisations syndicales !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Quand on voit le sourire de M. Amra et ce qu’il révèle de l’autorité de l’État, on se dit qu’il faut en finir avec la permissivité et la naïveté dont font preuve certains dirigeants politiques. Nous faisons face à des organisations criminelles ultraviolentes, très différentes de celles que nous avons connues par le passé, y compris à l’époque de la French Connection. Aujourd’hui, monsieur Houlié, des gamins de 14 ans font office de tueurs à gages ; ce n’était pas le cas il y a trente ou quarante ans.

    M. Antoine Léaument

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    On a compris !

    M. Rodrigo Arenas

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    Et les apaches, vous en faites quoi ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Ces organisations criminelles…

    M. Rodrigo Arenas

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    Quelle honte !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Quelle honte ? Ce qui est honteux, ce sont les organisations criminelles ! Ce qui est honteux, c’est que des avocats, des journalistes, des hommes et des femmes politiques, des agents pénitentiaires, des policiers se font assassiner dans les rues d’Amsterdam et de Liège ! C’est cela qui devrait vous faire réagir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)

    Mme Émilie Bonnivard

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    Eh oui !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Ce qui compte, c’est de faire respecter l’autorité de l’État et de ses agents. Et c’est en coupant le lien des détenus concernés avec l’extérieur que l’on obtient ce respect –⁠ je réponds ainsi à M. Iordanoff. En effet, les organisations criminelles continuent de recevoir les ordres que donnent leurs dirigeants depuis leurs cellules –⁠ M. le président Marleix l’a évoqué avec beaucoup d’ingénuité et l’on pourrait encore en dire bien des choses.
    Comment a-t-on procédé en Irlande et en Italie ? On a, précisément, coupé le lien des détenus avec l’extérieur, sans pour autant couper tout lien social. Où avez-vous vu qu’ils ne pourraient se livrer à aucune activité,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Ça, c’est ce que prévoit la circulaire que vous venez de prendre ! Et elle concerne tout le monde !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    …qu’ils ne pourraient pas suivre des cours de français ni accéder à la bibliothèque, de recourir à des dispositifs de santé, de passer des communications téléphoniques, de contacter leurs familles ? Ils pourront le faire ! Le Conseil d’État a validé ce régime en recommandant certaines modifications, auxquelles nous procéderons, bien évidemment. Ce qui compte est en tout cas de couper le lien avec l’extérieur, qui permet par exemple à un individu détenu aux Baumettes, à Marseille, de percevoir les loyers de trente-deux appartements à Dubaï ! L’État fait-il donc la preuve de son autorité en lui permettant d’organiser, à partir de sa cellule, son trafic et le blanchiment de ses capitaux ?

    M. Manuel Bompard

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    Les mesures que vous prônez n’y changeront strictement rien !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Les magistrats instructeurs sont la cible de menaces ! Quinze d’entre eux vivent sous protection policière, en raison du courage dont ils ont fait preuve dans l’exercice de leurs fonctions. Lorsque je suis arrivé au ministère de la justice, j’ai constaté que 150 magistrats faisaient l’objet de menaces de mort –⁠ et je ne parle même pas des très nombreux chefs de détention et agents pénitentiaires qui sont dans le même cas parce qu’ils font respecter les règles du législateur et de la République !

    M. Antoine Léaument

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    Vous devriez en rajouter, des fonctionnaires pénitentiaires !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Monsieur Houlié, vous demandez pourquoi c’est le ministre de la justice qui devra choisir les détenus concernés par ce nouveau régime de détention mais, au fond, vous le savez très bien, et c’est la raison pour laquelle vous vous rendez malheureusement coupable d’un crime contre l’esprit ! Si c’est le ministre de la justice qui signe, c’est parce qu’il est le chef de l’administration pénitentiaire et que, si de telles décisions étaient prises par un magistrat ou un agent pénitentiaire, ils seraient menacés de mort ! Le chef de l’administration doit prendre ses responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Il y a un directeur de l’administration pénitentiaire !

    M. Antoine Léaument

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    Arrêtez de dire n’importe quoi !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    En Italie, c’est justement le ministre de la justice qui assume cette responsabilité ! Contrairement à vous, j’entends prendre ma part en assurant aux chefs de détention, au directeur de l’administration pénitentiaire et aux magistrats que j’assume l’application du régime pénitentiaire que je demande aux parlementaires d’approuver ! Voilà où en est notre République, monsieur Houlié : ses agents ont peur de faire leur travail et demandent à demeurer anonymes et à être protégés jusqu’en dehors des parkings des établissements pénitentiaires !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Eh oui !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Cessez de sourire, je vous prie, monsieur Houlié ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. –⁠ Mme Émilie Bonnivard applaudit.) La responsabilité des parlementaires est d’éviter que ne se produisent d’autres affaires Amra ;…

    M. Ugo Bernalicis

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    Non, c’est la vôtre ! C’est vous qui avez failli dans cette affaire !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    …celle des hommes et des femmes politiques est de réaliser que des commandos sont susceptibles de prendre d’assaut nos prisons, de voir le monde tel qu’il est et non tel qu’il devrait être, comme si c’était celui des Bisounours. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR et sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.) La prochaine fois qu’un agent pénitentiaire ou un magistrat sera mis en bière, vous le déplorerez et vous vous lèverez dans cet hémicycle pour respecter une minute de silence, alors même que vous n’aurez pas voté les dispositions, semblables à celles qui s’appliquent en Italie et en Irlande, qui les protègent !

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Ce ne sont pas des arguments !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Si, ce sont des arguments ! En Italie, c’est un gouvernement social-démocrate qui a créé un régime semblable à celui que nous défendons. Faut-il attendre, comme l’Italie, d’avoir à déplorer soixante morts, pour qu’un gouvernement français prenne une telle décision ? Regardez les organisations criminelles telles qu’elles sont !

    M. Patrick Hetzel

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    Très bien !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Le régime proposé concerne en effet entre 600 et 900 personnes dont les chefs de la police judiciaire, le renseignement pénitentiaire et les magistrats établissent eux-mêmes les profils ! (M. Ugo Bernalicis s’exclame.) Ce n’est pas le ministre ni le Parlement qui s’en chargent ! N’ayez pas la naïveté dont nous avons tous fait preuve lorsqu’il s’est agi de lutter contre le terrorisme ! Il a fallu que des actes horribles soient commis pour que le président Hollande et ses ministres de l’intérieur successifs prennent courageusement les dispositions nécessaires. Ne soyez pas du mauvais côté de l’histoire : quand vous exercerez des responsabilités, vous aurez à prendre de telles décisions.
    De ce point de vue, je réponds à M. Iordanoff qu’il ne s’agit pas de viser soit à obtenir des détenus, par le durcissement de leur régime de détention, qu’ils acceptent de se voir attribuer le statut de repenti afin qu’ils parlent, soit à les couper de l’extérieur, mais bien de chercher à atteindre les deux objectifs à la fois ! Quand un repenti parle, nous démantelons une organisation criminelle active à l’extérieur : c’est le modèle italien, qui a fait ses preuves. La surface financière de ces organisations est immense : M. Amra a proposé 2 millions d’euros aux policiers roumains qui l’avaient interpellé !

    Mme Émilie Bonnivard

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    C’est surréaliste !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Aujourd’hui, on séquestre le dirigeant d’une entreprise du domaine des cryptomonnaies ; mais demain, ce sont des personnes qui s’occupent de blanchiment qui pourront subir de tels agissements. Nous sommes tous potentiellement concernés ! M. Van Quickenborne, qui fut ministre de la justice du gouvernement belge, a dû demeurer reclus, avec sa famille, pendant trois mois, sans même pouvoir se rendre à son ministère, car il était menacé par des organisations criminelles ! Or, comme vous le savez, la Belgique est à quelques centimètres de la France.

    M. Ugo Bernalicis et M. Antoine Léaument

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    Non, elle est collée à la France, en fait ! (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je ne vois pas ce que La France insoumise trouve de drôle à ce que je dis, ni en quoi il serait opportun de ricaner au milieu des tombes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, Dem et HOR.)

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est vous qui êtes ridicule !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Rien de tout cela n’est amusant !

    M. Michel Herbillon

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    Ce sont des naïfs provocateurs !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    C’est la vérité de la criminalité organisée ! Je veux dire à M. Iordanoff que, si des personnes soumises à ce régime de détention vont voir leur juge d’instruction pour balancer leurs relations criminelles, nous aurons fait œuvre utile parce que nous aurons sauvé des vies ! Et que, si ce régime permet à un détenu de discuter par visioconférence avec son juge d’instruction, et d’éviter ainsi une extraction judiciaire qui le conduirait à ne passer que quelques instants dans le bureau du juge pour lui dire qu’il ne veut pas parler, nous aurons sauvé des vies et fait œuvre utile !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Exactement !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je souligne que les dispositions que nous proposons sont tout à fait conformes à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. L’Irlande et l’Italie, deux pays européens, appliquent un tel régime depuis de nombreuses années, qui a été validé par les instances européennes. Il arrive que l’on ne puisse pas agir parce que la Constitution et les conventions européennes nous en empêchent. Mais il arrive aussi que nous puissions agir, avec l’accord du Conseil d’État, avec l’accord du Sénat, qui a voté à l’unanimité les textes en discussion –⁠ certes alors que l’article créant le régime de détention dont nous débattons n’y avait pas encore été intégré –, dans le respect de la CEDH et de la Constitution, alors que d’autres pays européens l’ont fait. Il n’y a aucune raison de ne pas protéger la République contre les organisations criminelles et, dans un pays normalement constitué, l’ensemble des parlementaires devraient le reconnaître ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR, ainsi que sur quelques bancs du groupe UDR.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument, pour un rappel au règlement. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes RN, DR et UDR.)

    M. Antoine Léaument

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    Ce rappel se fonde sur l’article 24 de la Constitution relatif au contrôle parlementaire de l’action du gouvernement. Monsieur le ministre, vous avez parlé de la protection des agents pénitentiaires, je vous ai posé une question à ce sujet et vous n’y avez pas répondu !

    Article 23 quinquies (appelé par priorité - suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux, pour répondre à ce rappel.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je répondrai bien volontiers à M. Léaument si cela lui permet de continuer de participer à notre discussion. Je lui ai d’ailleurs déjà répondu quand nous nous sommes vus,…

    M. Antoine Léaument

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    Non !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    …sans autre témoin, il est vrai, que son collaborateur et ma collaboratrice.

    M. Antoine Léaument

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    Justement, ils pourront témoigner !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Mais, puisque la répétition fixe la notion, je veux bien me répéter, au bénéfice de la représentation nationale !
    S’agissant des agents pénitentiaires, le texte prévoit leur habilitation par voie réglementaire. On n’imaginerait pas que les agents, les greffiers, les magistrats ou les directeurs de prisons qui s’occuperaient de questions relevant du terrorisme ne soient pas habilités ; pourtant, nous n’habilitons pas ceux qui se trouvent face à des organisations criminelles susceptibles d’exploiter leurs faiblesses. Je pense par exemple au surendettement : un agent pénitentiaire surendetté est soumis à la tentation très aiguë d’accepter de se voir rémunérer 10 000 ou 15 000 euros pour faire entrer un téléphone portable dans un établissement pénitentiaire –⁠ ce n’est pas déontologique, mais c’est humain ! Pour les protéger, nous les habiliterons donc et retirerons des prisons où s’appliquera le nouveau régime les agents dont les mensonges ou les faiblesses font obstacle à cette habilitation, afin de les déplacer vers des établissements où sont enfermés des détenus moins dangereux.
    Deuxième point : les agents pénitentiaires concernés ne passeront jamais plus de six mois dans chaque aile de détention, suivant le modèle italien. Le centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil, par exemple, comporte douze ailes de détention distinctes. Grâce à cette mesure, les prisonniers ne croiseront jamais les agents de manière répétée et ne pourront pas prendre l’habitude de les fréquenter. Par ailleurs, les agents seront toujours en binôme.

    M. Bastien Lachaud

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    Avec quels effectifs ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Troisièmement, nous anonymiserons le travail des agents pénitentiaires, qui ne l’est pas aujourd’hui. De la même manière, lorsque j’étais ministre de l’intérieur, j’ai mené à bien l’anonymisation des officiers de police judiciaire sous l’autorité du procureur de la République. Ces derniers faisaient en effet l’objet de menaces lorsque leurs noms étaient repérés dans les procès-verbaux. Nous permettrons de même aux agents pénitentiaires de ne pas faire apparaître leurs noms et prénoms dans les procès-verbaux, mais seulement leurs numéros de matricule, afin qu’on ne les identifie pas.
    Quatrièmement, les 5 millions d’euros que nous avons prévu de consacrer à l’aménagement de Vendin-le-Vieil et de Condé-sur-Sarthe serviront à sécuriser leurs abords immédiats. D’ailleurs, le texte prévoit, à l’article 23 bis, la création d’une infraction consistant, sans motif légitime, à s’introduire ou à tenter de s’introduire sur le domaine matériellement délimité affecté à un établissement pénitentiaire. Aujourd’hui, quiconque s’introduit frauduleusement sur un terrain affecté à l’autorité militaire peut être puni pour ce délit ; mais si, par exemple, je pénètre sur le parking de Vendin-le-Vieil et que j’y stationne, je ne puis être interpellé ou poursuivi pour ce fait.

    M. Ugo Bernalicis

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    Oui, dès lors que vous n’aurez rien fait de mal !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Demain, la loi prévoira une infraction qui permettra de le faire.

    M. Nicolas Forissier

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    Très bien !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Cinquièmement, je déduis de vos propos que vous réclamez l’installation de caméras de vidéoprotection…

    M. Antoine Léaument

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    Non !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    …–⁠ c’est une bonne nouvelle que La France insoumise formule de telles demandes ! Il n’en existe pas aujourd’hui aux abords immédiats des parkings et des points d’accès à l’autoroute à Vendin-le-Vieil. Nous les installerons !

    M. Patrick Hetzel

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    Excellent !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Sixième point : comme nous le faisons s’agissant des policiers et des maires, nous communiquerons à la police et à la gendarmerie l’intégralité des numéros de téléphone fixe et de téléphone portable et des adresses des agents pénitentiaires, afin que, si ces derniers appellent les forces de l’ordre, elles prennent ces appels en priorité en vue d’intervenir.
    J’ai encore évoqué avec vous, monsieur Léaument,…

    M. Antoine Léaument

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    Non !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    …d’autres dispositions que je ne puis mentionner ici pour d’évidentes raisons de sécurité.

    M. Antoine Léaument

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Ne doutez pas que nous nous efforcerons autant que possible de protéger les agents pénitentiaires !

    M. Antoine Léaument

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    Il ment ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes DR et HOR.)

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Il est vrai que policiers, gendarmes, douaniers, agents pénitentiaires… (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, chers collègues, veuillez écouter le ministre d’État !

    M. Michel Herbillon

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    Il serait bien que la présidente préside !

    Mme la présidente

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    Je me passe de vos commentaires, monsieur le député, vous n’avez pas à remettre en cause la présidence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Chacun a le loisir de s’exprimer sur cet article, qui est important. Le ministre fait une réponse longue aux diverses demandes d’explication et j’attends que tout le monde l’écoute dans le calme. Puis nous passerons au vote.
    Veuillez poursuivre, monsieur le ministre d’État.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Il est vrai, disais-je, que policiers, gendarmes, douaniers et agents pénitentiaires font un métier difficile et qu’ils peuvent rencontrer la mort –⁠ ils le savent quand ils prennent l’uniforme. Je pense, monsieur Léaument, que c’est une bonne raison pour soutenir ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 9, 396, 532, 735 et 755.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        262
            Nombre de suffrages exprimés                261
            Majorité absolue                        131
                    Pour l’adoption                91
                    Contre                170

    (Les amendements identiques nos 9, 396, 532, 735 et 755 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 174.

    Mme Colette Capdevielle

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    Il est de repli et vise à réécrire l’article de façon à modifier la définition des personnes à qui serait réservé le régime des quartiers de lutte contre la criminalité organisée, à retirer au garde des sceaux le pouvoir de les y placer, à réduire de quatre à un an la durée maximale d’affectation et à maintenir l’application des dispositions relatives aux unités de vie familiale.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    C’est presque un amendement de suppression, dans la mesure où il aurait pour effet de vider en grande partie l’article de sa substance.
    Tout d’abord, sur les motifs du placement dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée, vous vous écartez de l’avis du Conseil d’État, que nous souhaitons au contraire suivre, comme le garde des sceaux et le président de la commission l’ont indiqué. Le Conseil nous recommande d’indiquer spécifiquement le lien avec une organisation extérieure, alors que vous vous concentrez sur le risque d’atteinte très grave au bon ordre de l’établissement.
    Ensuite, vous excluez les personnes en détention provisoire du champ du dispositif alors que, nous l’avons dit, une personne condamnée peut présenter un moindre risque d’entretenir des liens avec une organisation criminelle qu’une autre personne attendant une décision de justice –⁠ je ne reviendrai pas sur les faits divers que nous avons déjà évoqués.
    Enfin, nous sommes bien sûr en désaccord sur la durée du placement dans ledit quartier de lutte contre la criminalité organisée, que votre amendement tend à réduire à un an. J’entends ceux qui considèrent que quatre ans sont une durée excessive. Je pense que nous parviendrons à tomber d’accord sur une solution intermédiaire.
    L’avis est donc défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Nous soutenons évidemment cet amendement de repli.
    Je reviens sur la distinction entre prévenus et condamnés. On peut tous au moins reconnaître que leur situation est fondamentalement différente puisque les premiers, même poursuivis pour des faits très graves, sont présumés innocents. C’est un principe de base. Et puisque vous vous référez, monsieur le ministre, au magistrat pour qualifier la gravité des faits, vous auriez dû prévoir à tout le moins que pour les prévenus concernés, ce ne soit pas le garde des sceaux, c’est-à-dire l’exécutif, qui prenne la décision du placement, mais l’autorité judiciaire. Je rappelle qu’au titre de l’article 66 de la Constitution, c’est bien l’autorité judiciaire qui est garante des libertés individuelles et non pas Gérald Darmanin –⁠ parce que sinon, on serait déjà tous en prison, nous en avons bien conscience. (Sourires.)
    Second point –⁠ je l’évoque aussi parce que je sais que le Conseil constitutionnel lit le compte rendu de nos débats, y compris vos propres arguments : oui, monsieur le ministre, votre objectif est de faire mal. Vous ne recherchez pas vraiment l’étanchéité de l’incarcération –⁠ cet argument sert à amadouer le badaud dans l’hémicycle qui ne suivrait pas nos débats ;…

    M. Erwan Balanant

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    Le badaud dans l’hémicycle ? Vous entendez ça, madame la présidente ?

    M. Philippe Gosselin

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    Il ne faut pas être condescendant, monsieur Bernalicis, nous faisons tous partie du même hémicycle.

    M. Ugo Bernalicis

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    …la vérité, c’est que vous voulez qu’ils souffrent, qu’ils aient mal ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et UDR.)

    M. Bernard Chaix

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    Oh là là !

    M. Ugo Bernalicis

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    La preuve : vous dites vous-même que vous proposerez aux repentis un régime de détention plus tranquille, dans lequel ils souffriront moins. Vous précisez même qu’en Italie, ils parlent parce que sinon, ils vont souffrir durement dans le régime du carcere duro. Tel est votre objectif. Assumez-le ! Vous voulez les faire souffrir… Ce n’est pas notre conception de la justice ! Et que d’autres pays soient allés dans cette direction n’est pas à leur honneur !
    Nous ici, c’est la République française : Liberté, Égalité, Fraternité ! C’est la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ! Voilà ce que nous… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. –⁠ Plusieurs députés du groupe LFI-NFP applaudissent ce dernier.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michaël Taverne.

    M. Michaël Taverne

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    Un petit peu de sagesse et de bienveillance, cela ferait du bien, puisque, aux côtés de Marine Le Pen,…

    M. Olivier Marleix

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    Ah, enfin ! (Sourires.)

    M. Michaël Taverne

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    …nous assurerons bientôt les responsabilités dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. –⁠ Exclamations sur divers bancs.) Faisons preuve d’un peu de bienveillance, donc, et surtout travaillons dans l’intérêt des Français, avant tout pour assurer leur sécurité.
    Nous voterons bien évidemment contre cet amendement, et ce pour plusieurs raisons.
    En commission des lois, c’est extraordinaire, nous recevions sans cesse des leçons de la gauche qui prétendait que nos propositions étaient inconstitutionnelles –⁠ on entendait cela du matin au soir. Je n’ai pas fait de droit, je suis diplômé en études sportives, mais je connais la vraie vie puisque j’ai été sur le terrain pendant plus de vingt ans. Or le Conseil d’État dit bien que le régime envisagé est d’une moindre sévérité que le placement à l’isolement. Il considère également, et c’est très intéressant, que lors du conflit en Irlande du Nord, le placement de détenus dans des camps militaires n’était pas contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Par conséquent, la création de prisons de haute sécurité ou de quartiers semblables sera sans aucun doute jugée conforme à cet article.
    Mais pourquoi nous en sommes là aujourd’hui ? Je vous rappelle que vous avez tous été aux responsabilités.

    M. Antoine Léaument

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    Non, pas nous !

    M. Michaël Taverne

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    M. Marleix nous dit qu’à Fresnes, on lance des couteaux dans la cour. Merci pour l’information, mais il y a vingt-cinq ans, c’était déjà le cas ! Et si nous en sommes là, c’est à cause de vous tous, de votre irresponsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Gouverner, c’est prévoir ; or les agents pénitentiaires vous l’ont dit vers 2002, 2003, quand on a commencé à supprimer les fouilles en prison : « Dans dix ou quinze ans, vous en subirez les conséquences. » Nous y sommes, et vous êtes tous responsables.

    Mme la présidente

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    Je vous remercie, monsieur le député.

    M. Michaël Taverne

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    Nous, nous ferons preuve de responsabilité en proposant d’autres amendements pour améliorer… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. –⁠ Plusieurs députés du groupe RN applaudissent ce dernier.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Il n’y a pas, à gauche, une vision de Bisounours sur la question de la détention des personnes ayant été jugées coupables. Nous faisons preuve de responsabilité, mais ce n’est pas tout ou rien : il y a d’autres choix que d’adopter votre vision, monsieur le ministre. Il s’agit d’élaborer un texte conforme à la Constitution. Les conclusions du Conseil d’État ne garantissent en rien que le Conseil constitutionnel aura in fine la même lecture, ni que la Cour européenne des droits de l’homme ne cassera pas nos décisions pour les mêmes motifs que ce qu’elle a jugé en 2011 concernant les fouilles au corps répétés.
    Nous, nous proposons le dialogue dans la responsabilité. Je souligne que l’amendement du gouvernement est arrivé au dernier moment en commission et que c’est donc la première fois que nous pouvons vraiment discuter des dispositions de l’article 23 quinquies. De plus, à chaque fois que nous avons posé la question du cadre légal des quartiers de lutte contre la criminalité organisée et du respect des droits au sein de ces quartiers, au mieux, vous nous avez envoyés balader, monsieur le garde des sceaux. Pouvons-nous enfin sortir de ce jeu de ping-pong et avoir un débat sérieux sur le futur traitement des prisonniers en France ? C’est tout l’enjeu de cet amendement de ma collègue Capdevielle ainsi que des suivants. Mais de grâce, arrêtez de nous prendre pour des perdreaux de l’année en prétendant que c’est tout ou rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur de nombreux bancs du groupe SOC.)

    M. Emmanuel Duplessy

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Brigitte Barèges.

    Mme Brigitte Barèges

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    Puisqu’on en est à faire des rappels historiques, je voudrais vous parler de Christine Taubira. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.) Christiane Taubira, voulais-je dire, pardonnez-moi, je sais que c’est une copine à vous. (Rires sur les bancs du groupe UDR.)

    M. Inaki Echaniz

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    Un peu de respect, madame Barèges !

    Mme Brigitte Barèges

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    En 2012, quand elle arrive au gouvernement comme garde des sceaux, que fait-elle ? Elle gèle un plan de construction de prisons de 24 000 places que nous avions voté sous Nicolas Sarkozy. Elle pensait que la prison devait être l’exception… Et on en est finalement toujours là aujourd’hui. Je rappelle qu’un an à peine après cette décision, il y avait 68 000 détenus pour seulement 52 000 places.

    M. Laurent Jacobelli

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    C’était bien des socialistes !

    M. Antoine Léaument

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    Nicolas Sarkozy a été condamné, depuis !

    Mme Brigitte Barèges

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    Et que s’est-il passé depuis 2013 ? Depuis douze ans, depuis Hollande, depuis Macron, aucune place de prison supplémentaire n’a été créée.

    M. Antoine Léaument

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    Ce n’est pas vrai !

    Mme Brigitte Barèges

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    Vous parlez tous de la surpopulation carcérale, mais vous en êtes responsables ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDR),…

    M. Antoine Léaument

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    Pas nous !

    Mme Brigitte Barèges

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    …et c’est aujourd’hui un des problèmes qu’il vous faut assumer.

    Mme Dieynaba Diop

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    Vous êtes toujours dans la fonction politicienne !

    Mme Brigitte Barèges

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    Vous faites toujours preuve d’angélisme : vous continuez aujourd’hui à penser que la prison, c’est la grosse pénitence, alors que la prison est là pour nous protéger, pour protéger de potentielles victimes. Et c’est la raison pour laquelle nous soutiendrons jusqu’au bout cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR et sur de nombreux bancs du groupe RN.)

    M. Antoine Léaument

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    Le bracelet électronique, c’est seulement pour Nicolas Sarkozy !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je ne pense pas utile de rappeler à M. Taverne qu’il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Un peu de modestie devant le corps électoral, c’est toujours une bonne chose. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.) On l’a bien vu après le premier tour des élections législatives : le second n’était pas celui auquel vous vous attendiez. (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Laure Lavalette

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    Une LFI s’est désistée pour vous faire élire !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse.
    Moi aussi, madame Regol, je voudrais que nous ayons un débat digne, mais quand un certain député de votre hypothétique majorité future affirme qu’un garde des sceaux veut mettre tout le monde en prison, avouez que ce n’est justement pas très digne. Pour ma part, je ne prétends pas que, si ça ne tenait qu’à lui, tout le monde serait en liberté, y compris les prévenus et les gens condamnés. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Si votre appel à la dignité et à la modération valait pour le garde des sceaux, j’espère qu’il vaut aussi pour vos amis et pour vos camarades.

    Mme Sandra Regol

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    Vous n’êtes pas forcé de rebondir !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je fais ce que je veux, madame la députée. Ma parole est aussi libre que la vôtre dans cet hémicycle.
    Monsieur Bernalicis, la distinction entre les personnes en détention provisoire, c’est-à-dire les prévenus, et celles condamnées définitivement, est évidemment une question très importante. Vous dites que dans le premier cas, il faudrait au moins que ce ne soit pas le garde des sceaux qui décide de leur placement dans ces quartiers de lutte contre la criminalité organisée. Mais je voudrais d’abord préciser, notamment à Mme Regol, qu’il ne s’agit pas de punir davantage les prisonniers : l’objet de ce régime carcéral est de rendre la prison plus étanche. Il faut que des personnes dangereuses, pas forcément de par leur statut devant la justice mais du fait qu’elles commanditent des assassinats, entretiennent des liens avec des organisations criminelles ou, comme M. Amra, tentent de s’évader dans des conditions absolument ignobles, ne puissent plus avoir ces agissements.
    C’est pourquoi, monsieur Taverne, nous assumons le fait que ce régime soit en fait moins dur que le régime d’isolement, ce qu’a d’ailleurs relevé le Conseil d’État, vous l’avez rappelé. Il ne s’agit pas, je le redis, de punir davantage, voire de torturer ou de détruire le prisonnier. Ce n’est pas le rôle de ce régime carcéral.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est tout de même loin d’être romantique ! Assumez !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Il n’y a pas de vision doloriste, voire sadique, de la peine,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Si !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    …mais uniquement la volonté, devant les faits que nous constatons, d’étanchéifier pour empêcher l’individu de communiquer avec l’extérieur. J’ai expliqué à M. Léaument précisément ce qui est à cet égard prévu dans le texte ; je l’ai dit également devant votre commission, le compte rendu en fait foi : pour les personnes condamnées définitivement, c’est déjà l’administration pénitentiaire, sous l’autorité du ministre et plus directement du directeur de ladite administration, qui décide où va tel ou tel détenu. Le texte ne changera rien sur ce point. Pour les prévenus, l’administration pénitentiaire suggérera tel ou tel placement au magistrat instructeur et au juge des libertés et de la détention.
    Quand M. Amra a été arrêté, heureusement que le garde des sceaux et ses services, sachant bien que perseverare diabolicum est, se sont demandé dans quel centre pénitentiaire le mettre en détention ! Nous avons ainsi suggéré au magistrat instructeur et au juge des libertés et de la détention que M. Amra, quoiqu’en détention provisoire, puisse être incarcéré dans l’une des prisons les plus sécurisées de France, celle de Condé-sur-Sarthe.
    Le magistrat avait tout le loisir de refuser, mais il a accepté. Pourquoi ? Parce que contrairement à ce que vous pensez, les magistrats et les agents de l’administration pénitentiaires ne sont pas opposés.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je n’ai jamais dit cela ! C’est vous qui les opposez !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Ils sont menacés de la même manière et travaillent de la même manière.
    Pour les personnes placées en détention provisoire, nous prévoyons un dispositif validé par le Conseil d’État et qui le sera également, j’en suis sûr, par le Conseil constitutionnel. Il est proche de ceux, applicables aux prévenus et aux condamnés, qui ont été instaurés en Irlande et en Italie et ont été validés par la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de justice de l’Union européenne.
    En quoi consiste-t-il ? Lorsque tel ou tel régime de détention sera préconisé au vu des renseignements transmis par la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), l’administration pénitentiaire, la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) ou le nouveau parquet national que nous allons créer, le magistrat instructeur pourra, avant même que la décision du ministre soit rendue, refuser de suivre cet avis. En cas d’opposition du magistrat instructeur, le ministre ne pourra pas prendre un arrêté pour fixer les conditions d’incarcération. La proposition de loi tend seulement à demander au magistrat instructeur de motiver son refus –⁠ c’est l’une des mesures nouvelles qu’elle comprend.
    Le motif peut être le risque de confrontations avec d’autres prévenus, la nécessité de garder le prévenu à proximité de son bureau, ou celle de l’interroger sur le lieu de détention, ce que ne permettrait pas un placement à Vendin-le-Vieil ou à Condé-sur-Sarthe. Le magistrat instructeur peut aussi exprimer son désaccord vis-à-vis de l’appréciation qu’ont fait les services de la dangerosité du prévenu ou du condamné.
    Si le magistrat s’oppose au régime de détention provisoire de l’accusé mis en examen pour des faits graves et concordants, le garde des sceaux ne pourra pas prendre la décision de placement. Ainsi, nous distinguons bien les personnes placées en détention provisoire des personnes condamnées.
    Le sujet est important, je le reconnais volontiers, et il a bien été pris en considération.

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour un rappel au règlement.

    Mme Brigitte Barèges

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    Oh non, ça va, là !

    M. Ugo Bernalicis

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    Il se fonde sur les articles 39 et 61 de la Constitution, qui portent respectivement sur les avis du Conseil d’État et sur les règles de saisine du Conseil constitutionnel. Pour la clarté de nos débats, je veux rappeler qu’un avis favorable du Conseil d’État ne garantit pas la conformité à la Constitution.
    Le Conseil d’État avait ainsi rendu un avis positif sur l’intégralité de la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine, que défendait Yaël Braun-Pivet. Le Conseil constitutionnel a intégralement censuré ce texte. À bon entendeur !

    M. Laurent Jacobelli

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    Ce n’est pas un rappel au règlement !

    Mme Brigitte Barèges

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    C’est n’importe quoi !

    Article 23 quinquies (appelé par priorité - suite)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 174.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        200
            Nombre de suffrages exprimés                199
            Majorité absolue                        100
                    Pour l’adoption                59
                    Contre                140

    (L’amendement no 174 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 740, qui fait l’objet du sous-amendement n°969.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Il tend à modifier les critères justifiant l’affectation dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée. Le Conseil d’État a conseillé au gouvernement d’établir le critère suivant : « la poursuite ou l’établissement de liens avec les réseaux de la criminalité et de la délinquance organisée, quelles que soient les finalités et les formes de ces derniers. »
    Jusqu’à présent, le statut de détenu particulièrement signalé (DPS), qui vaut au détenu un accompagnement permanent par les policiers et gendarmes, était réservé aux coupables de troubles à l’ordre public. Le critère que nous souhaitons ici adopter est bien plus intéressant du point de vue de la lutte contre la criminalité organisée.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir le sous-amendement no 969.

    Mme Sandra Regol

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    Le Conseil d’État ne donne qu’un cadre et en l’occurrence, il propose un critère peu objectif, qui repose avant tout sur des suppositions. Alors que l’affectation dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée ne devait concerner que le haut du panier du narcotrafic, elle pourrait s’appliquer à tout trafiquant suspect de liens avec les réseaux de la criminalité et de délinquance organisée.
    Plutôt que sur des faits avérés, on se fonderait sur des suspicions : nous y voyons la marque d’une certaine légèreté, tant du point de vue du cadre normatif lui-même que des conséquences de son application.
    Monsieur le ministre, vous accusez d’autant plus cette légèreté que vous souteniez plus tôt que le nouveau régime carcéral ne visait pas à punir ceux à qui il s’appliquait : les fouilles systématiques, intégrales et à nu, à quoi servent-elles pourtant, sinon à punir ?

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Elles ne sont pas systématiques.

    Mme Sandra Regol

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    Ces fouilles ont été plusieurs fois caractérisées ainsi et la France a été condamnée pour les avoir fait appliquer.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Nous sommes défavorables au sous-amendement. Ce n’est tout de même pas rien que de s’en tenir à la recommandation du Conseil d’État, qui plus est lorsqu’elle porte sur un sujet aussi important.
    L’affectation dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée s’appuiera sur des éléments objectifs, dont le garde des sceaux a indiqué qu’ils pourraient provenir du parquet national anti-criminalité organisée lui-même ou de la DACG. Elle sera également justifiée par des éléments subjectifs, qui pourront provenir du renseignement pénitentiaire.
    Critères objectifs et subjectifs permettront de prendre une décision qui tiendra compte des faits déjà survenus et des faits qui risquent de survenir. Il faut donc conserver le critère d’affectation tel qu’il a été formulé par le Conseil d’État, c’est-à-dire repousser le sous-amendement et adopter l’amendement du gouvernement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement sur le sous-amendement no 969 ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Il est défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Chantal Jourdan.

    Mme Chantal Jourdan

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    Comme cela a été dit plus tôt par Mme Capdevielle, nous ne sommes pas opposés à la création de dispositifs adaptés aux narcotrafiquants, dont les profils sont particuliers et qui doivent être encadrés par des agents pénitentiaires très bien formés.
    Par ailleurs, l’adoption de la proposition de loi aurait pour conséquence l’hyperconcentration des narcotrafiquants dans un même lieu et à ce sujet, je m’interroge. Je ne reviendrai pas sur les conditions de détention, qui nous posent problème, mais sur la concentration de détenus de même profil.
    Le centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe se trouve dans ma circonscription et ses surveillants peuvent se préparer à accueillir des détenus au profil nouveau, ceux condamnés pour narcotrafic. Cependant, détenir cent narcotrafiquants dans un même lieu implique de revoir l’organisation du centre de détention. Certaines de ses ailes accueillent aujourd’hui des détenus en semi-liberté. Que va-t-on en faire ? Comment le travail des agents évoluera-t-il ?
    Par ailleurs, l’accueil de cent narcotrafiquants à Condé-sur-Sarthe aura des conséquences sur l’environnement, auxquelles il faut penser. Je vous ai déjà interrogé à ce sujet. Quels moyens humains engagerez-vous et quels moyens consacrerez-vous à la sécurité du centre de détention ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pouria Amirshahi.

    M. Pouria Amirshahi

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    Ne vous en déplaise, monsieur le ministre, il est vrai qu’un avis du Conseil d’État ne vaut pas conformité à la Constitution : celle-ci reste donc à vérifier. N’en faites pas, s’il vous plaît, un élément intangible, qui rendrait impossible toute discussion.
    En l’état, ce qui fait autorité, c’est bien la conversation démocratique que nous entretenons ici.
    Je le répète, ce texte est inspiré par une vision doloriste de la peine –⁠ je ne dis cependant pas que cela correspond à votre intention, nous en avons d’ailleurs déjà discuté. En effet, il y a quelque chose d’exceptionnel à appliquer un tel niveau de privations, surtout à des détenus qui ne sont incarcérés qu’à titre préventif. C’est une disposition exorbitante du droit commun !
    Tous les exemples que vous avez cités sont réels, mais valent pour des détenus condamnés.
    Nous débattrons plus tard de la durée du placement dans ces nouveaux quartiers. En attendant, votre amendement pose un problème : alors qu’on cherche à lutter contre le haut du spectre du narcotrafic, les troubles dans l’établissement ou les troubles à l’ordre public constituent un critère très large, bien plus que celui retenu en Italie. D’après l’article 41 bis de la loi pénitentiaire italienne, que vous invoquez, seuls les éléments matériels qui attestent de liens avérés avec une organisation criminelle encore en activité à l’extérieur du centre de détention et dont la personne incarcérée serait le chef peuvent être retenus.
    En réalité, nous serions bien inspirés de suivre l’exemple italien en restreignant la caractérisation des personnes que l’on cherche à atteindre, pour mieux traiter l’essentiel.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Eléonore Caroit.

    Mme Eléonore Caroit

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    Je remercie le garde des sceaux de nous avoir apporté un certain nombre d’explications sur la manière dont les détenus seraient placés dans ces quartiers de haute sécurité.
    Dans leur grande majorité, les députés comprennent la nécessité d’imposer des conditions de détention particulièrement sévères aux détenus qui présentent cette dangerosité. Ce qui m’inquiète toutefois dans la formulation que propose le gouvernement, c’est qu’elle fait disparaître l’assurance que nous traitons d’un nombre limité d’individus extrêmement dangereux.
    La restriction aux détenus entrant dans le champ d’application des articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74 du code de procédure pénale ne m’apparaît pas clairement dans la rédaction que vous proposez. Ainsi, je peine à comprendre comment l’amendement du gouvernement permettra le ciblage des individus les plus dangereux : pouvez-vous nous apporter des explications et nous garantir qu’il est encore question ici du haut du panier ?

    M. Pouria Amirshahi

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    Très bonne question, elle a raison de la poser !

    Mme Eléonore Caroit

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    À la lecture de l’article 23 quinquies et de l’amendement no 740, je peine à identifier la manière dont nous ciblerons ceux que la proposition de loi veut atteindre. (Mme Colette Capdevielle et M. Emmanuel Duplessy applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michaël Taverne.

    M. Michaël Taverne

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    Nous voterons contre le sous-amendement no 969, puisqu’il vise à restreindre les critères d’affectation des détenus particulièrement dangereux dans les quartiers de lutte contre la criminalité, comme si le haut du spectre de la criminalité était composé de gentils petits détenus.
    Nous voterons pour l’amendement no 740 du gouvernement, qui va dans le sens du Rassemblement national : beaucoup plus de sévérité pour plus d’efficacité.

    Mme la présidente

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    J’indique aux différents coordinateurs des groupes –⁠ les whips – qu’ils doivent absolument organiser les prises de parole des membres de leur groupe. Plusieurs orateurs d’un même groupe me demandent la parole et je n’ai pas à choisir qui, parmi eux, doit s’exprimer. Mettez-vous d’accord et notre tâche sera plus facile.
    Afin que le débat avance, nous n’entendrons désormais que deux orateurs pour et deux orateurs contre les amendements mis au débat.
    La parole est à M. le garde des sceaux.

    Mme Élisa Martin

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    J’avais demandé la parole !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Madame Jourdan, je vous remercie pour vos propos et j’entends vos avertissements. Députée de la circonscription où se trouve la prison de Condé-sur-Sarthe, vous connaissez bien la prison et ses agents.
    La concentration des détenus permet de lutter plus efficacement contre les éventuelles intrusions, la menace et la corruption, mais également de mieux organiser l’habilitation des agents.
    Le taux d’occupation des centres pénitentiaires de Condé-sur-Sarthe et de Vendin-le-Vieil est inférieur à 100 % et cette jauge ne serait toujours pas atteinte si l’on y emprisonnait cent narcotrafiquants. Comme nous nous y sommes engagés, du personnel supplémentaire sera recruté dans ces deux établissements, où des travaux très importants auront lieu pour préparer l’application ce régime de détention –⁠ ne serait-ce que pour construire de vraies salles de visioconférence. Un scanner à ondes millimétriques sera installé à Vendin-le-Vieil –⁠ le site de Condé-sur-Sarthe en possède déjà un. Ainsi, il est préférable de concentrer les moyens, pour agir plus rapidement contre une menace importante.
    Enfin, vous le savez mieux que moi, les ailes de détention et les cours de promenades différentes sont autant de mini-prisons dans la prison.
    La concentration ne signifie pas que les détenus se fréquenteront. Ils ne se verront ni à la cantine, car ils mangeront en cellule, ni dans la cour, car il n’y aura pas de cour commune mais des mini-cours dans chaque aile de détention.
    Monsieur Amirshahi, je suis tout à fait d’accord pour dire que le travail législatif revient au Parlement et non au Conseil d’État. Vous avez raison, l’Assemblée a le dernier mot. Avouez tout de même que si l’avis du Conseil d’État avait été défavorable, vous me l’auriez opposé.

    M. Philippe Gosselin

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    Ce n’est pas faux !

    M. Antoine Léaument

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    Ce n’est pas faux, mais ce n’est pas une raison !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Puisqu’il est favorable, je le souligne.
    Il est normal de s’appuyer sur l’avis du Conseil d’État. En l’occurrence, il me semble aller dans le sens des arguments du gouvernement, même si, comme vous le dites, ce n’est pas parce que le Conseil d’État dit quelque chose qu’il faut le faire.
    Monsieur Bernalicis, le Conseil d’État a parfois rendu un avis négatif sur des textes qui ont ensuite été validés par le Conseil constitutionnel. Par exemple, lorsque nous débattions de la loi « séparatisme », vous m’avez expliqué que le Conseil d’État vous donnait raison. En fin de compte, malheureusement pour vous et heureusement pour la République, c’est à moi que le Conseil constitutionnel a donné raison.
    L’avis du Conseil d’État n’est donc pas parole d’Évangile, mais il n’en est pas moins intéressant. C’est pour cela qu’il est sollicité.
    Madame Caroit, la rédaction du Conseil d’État nous paraît plus inspirée encore que la nôtre. Nous avions considéré que le critère déterminant était le danger pour la sécurité publique ou pour la prison ; le Conseil d’État resserre la formulation –⁠ ce qui est plus efficace, car ce point fera l’objet d’une circulaire de la DACG et de l’administration pénitentiaire – pour se concentrer sur les détenus appartenant à une organisation criminelle avec laquelle ils pourraient rester en lien depuis la prison.
    Il est vrai que le dispositif permettrait d’éviter des drames tels que celui que nous avons connu lorsque M. Amra s’est évadé, mais il arrive aussi qu’un détenu soit enlevé contre son gré, lors d’une extraction, par une organisation criminelle qui souhaite par exemple l’empêcher de parler. L’absence d’extraction peut donc également constituer une protection pour les détenus.
    Je conclurai en soulignant que le débat n’est pas binaire. De nombreux élus locaux directement concernés par ces problèmes sont favorables à la proposition de loi. Je tiens d’ailleurs à remercier les maires socialistes et communistes qui ont signé la tribune de soutien au texte parue ce matin dans Le Point, parmi lesquels le maire communiste de Fleury-Mérogis et les maires socialistes de Chilly-Mazarin, d’Alfortville ou encore d’Alençon, ce dernier étant d’ailleurs ancien parlementaire et ancien directeur de prison. Je déclare devant la représentation nationale, mais aussi devant les Français qui nous écoutent, qu’il y a des élus de gauche tout à fait conscients des difficultés que le texte cherche à résoudre ; c’est notamment le cas lorsque leur commune accueille un établissement pénitentiaire. (Mme Elsa Faucillon s’exclame.) Nous avons nos désaccords, mais je nous invite tous à éviter les caricatures lors du débat parlementaire. J’ai reçu tous les groupes qui souhaitaient l’être et, comme je l’ai dit, je serai favorable à plusieurs amendements du groupe Écologiste et social. J’espère qu’ainsi, comme l’ont fait ceux du Sénat, tous les groupes de l’Assemblée nationale pourront voter ce texte important pour la République. Nous le devons au moins aux maires qui subissent ces problèmes dans leur territoire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix le sous-amendement no 969.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        165
            Nombre de suffrages exprimés                165
            Majorité absolue                        83
                    Pour l’adoption                48
                    Contre                117

    (Le sous-amendement no 969 n’est pas adopté.)

    (L’amendement no 740 est adopté ; en conséquence, les amendements identiques nos 155, 207, 310 et 795 et l’amendement no 714 tombent.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements, nos 436 et 175, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 436.

    Mme Élisa Martin

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    J’ose revenir sur quelques arguments déjà présentés. Des prévenus, c’est-à-dire des personnes présumées innocentes et dont la culpabilité n’est pas établie par une enquête ni par les autres procédures requises dans un État de droit, seront soumis à ce régime de détention spécifique. Cela est d’autant plus préoccupant que le texte –⁠ même dans la nouvelle rédaction qui vient d’être votée – ne précise pas exactement de qui on parle. Les articles du code de procédure pénale cités concernent l’ensemble des infractions liées aux stupéfiants, de la cession au transport en passant par la fabrication. L’article 23 quinquies n’identifie donc pas suffisamment clairement les personnes susceptibles de subir –⁠ il n’y a pas d’autre mot – ce régime de détention alors même que leur culpabilité n’est pas établie. Que signifie concrètement avoir des liens avec une organisation criminelle ? Nous sommes en droit de le savoir avant de prendre une décision qui affectera aussi gravement la vie des gens.
    D’ailleurs, vous affirmez souvent que les détenus pourront avoir des contacts avec leur famille à travers un hygiaphone –⁠ cela se passe de commentaire –, mais je pense que ce n’est pas vrai et que vous le savez. En effet, la famille elle-même pourrait être un moyen d’entrer en contact avec une organisation criminelle ; on peut du moins imaginer que vous le soupçonnerez, puisqu’en soulignant que le dispositif s’appliquerait à des gens susceptibles de s’évader de façon sanglante, vous vous placez dans une logique de justice prédictive.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 175.

    Mme Colette Capdevielle

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    Monsieur le garde des sceaux, vous avez reconnu que ce régime pénitentiaire était le dispositif le plus faible de la proposition de loi en cela qu’il pouvait s’appliquer tant aux condamnés qu’aux prévenus. Vous voyez bien qu’il y a un problème. Les personnes non condamnées bénéficient de la présomption d’innocence et leur placement en détention aux côtés de personnes condamnées entraîne un risque de contamination criminelle.
    Par ailleurs, il arrive que des prévenus soient relaxés ou acquittés. En les soumettant à un tel régime de détention, vous engagez la responsabilité de l’État et prenez un risque important.
    Vous donnez régulièrement l’Italie en exemple. Or, en Italie, ce régime de détention ne concerne que 12 établissements et 700 détenus. Il faut garder le sens des proportions. D’ailleurs, la mafia italienne n’est pas comparable aux réseaux de trafiquants : c’est une véritable pieuvre ! (Mme Émilie Bonnivard s’exclame.) Les réseaux de trafiquants sont certes très organisés, mais comparaison n’est pas raison. Quand vous parlez de l’Italie, citez donc les bons chiffres, et rappelez que les 700 détenus concernés –⁠ principalement des condamnés – ne sont pas tous concentrés au même endroit, mais répartis entre douze établissements.
    Cet amendement vise à réserver le dispositif aux personnes condamnées. Cela nous paraît plus sérieux, compte tenu des problèmes constitutionnels et conventionnels que pose l’application de ce régime de détention dérogatoire et très privatif à des personnes qui ne sont pas condamnées.

    Mme la présidente

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    Sur les amendements nos 717 et 715, je suis saisie par le groupe Écologiste et social de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements en discussion commune ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Vous souhaitez réserver les quartiers de lutte contre la criminalité organisée aux personnes condamnées, à l’exclusion de celles placées en détention provisoire. Cette proposition va contre la logique même de l’article, qui vise à adapter le régime d’incarcération non au statut du détenu, mais à sa dangerosité.

    Mme Élisa Martin

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    Vous avez modifié la rédaction !

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Le niveau de danger sera évalué à partir de plusieurs éléments transmis au garde des sceaux, car nous tenons à ce que ce dernier reste décisionnaire quant au placement d’un détenu dans ces quartiers, même si la rédaction de l’article évolue.
    Bien sûr, le distinguo entre un prévenu et un condamné n’est pas anodin. C’est pourquoi nous vous proposerons de préciser dans le texte le rôle du juge. Nous écrirons ainsi que, dans le cas d’une personne condamnée, le juge d’application des peines devra être informé du placement du détenu en quartier de lutte contre la criminalité organisée et que, s’agissant des personnes en détention provisoire, le magistrat chargé de l’instruction pourra, avant la décision du garde des sceaux, s’opposer au placement.
    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Romain Baubry.

    M. Romain Baubry

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    Les détracteurs de l’article s’inquiètent beaucoup du sort des détenus qui pourraient intégrer ces prisons de haute sécurité, mais il ne faut pas oublier que de nombreuses personnes en détention provisoire sont extrêmement dangereuses, entretiennent des liens avec une organisation criminelle à l’extérieur et mettent en danger le personnel pénitentiaire. Celui-ci doit parfois surveiller une cinquantaine ou une centaine de détenus sur une même coursive ; il a donc affaire à de nombreux profils différents allant du détenu souffrant de troubles psychiatriques à l’individu radicalisé en passant par le détenu lié au narcotrafic. Il est dangereux pour un agent pénitentiaire de devoir appliquer une gestion différenciée à chaque ouverture de cellule. La création d’établissements spécifiques en fonction des profils permettra une gestion plus sécurisée de la détention et diminuera drastiquement les risques, car les agents sauront quel type de personne se trouve dans la cellule. Pensez donc aux personnels pénitentiaires plutôt qu’au sort des détenus ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN. –⁠ Mme Elsa Faucillon proteste.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Étant député de la ville de Fleury-Mérogis, je ne vous laisserai pas dire que je ne pense pas aux personnels pénitentiaires. Au contraire, c’est pour cela que j’ai interrogé le ministre au sujet de leur sécurité ; il a affirmé m’avoir répondu, ce qui était un mensonge.
    Ce n’est pas parce que nous avons des désaccords qu’il faut nous considérer comme les amis du crime, les amis de la délinquance ou encore les ennemis des personnels pénitentiaires.

    M. Laurent Jacobelli et M. Matthias Renault

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    Ah ?

    M. Antoine Léaument

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    Nous avons une approche différente des problèmes. Nous considérons comme prioritaires certains principes fondamentaux qui, d’ailleurs, ont trait à notre identité nationale. Notre nation s’est fondée en faisant tomber une bastille dans laquelle des gens étaient incarcérés par l’arbitraire d’une lettre de cachet !

    Mme Brigitte Barèges

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    De la part des héritiers de Robespierre, c’est osé !

    M. Antoine Léaument

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    Nos grands principes fondamentaux sont contenus dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen –⁠ qui se trouve d’ailleurs dans le bureau de M. le garde des sceaux – et dans la Constitution, dont l’article 66 dispose que « nul ne peut être arbitrairement détenu ».
    Si nous soutenons l’amendement, c’est parce que l’article vise à instaurer des règles dérogeant fortement au droit commun et à les appliquer à des personnes non condamnées. Je ne nie pas qu’il puisse y avoir des personnes dangereuses en détention provisoire ; notre différence réside dans notre manière de traiter le problème. La méthode que vous avez choisie pose des problèmes majeurs du point de vue de nos principes fondamentaux. Si nous faisons tomber des bastilles, ce n’est pas pour les reconstruire quelques siècles plus tard. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    Le raisonnement intellectuel consistant à différencier les détenus provisoires et les condamnés définitifs est recevable, mais je rappelle que, dans l’état actuel de l’institution judiciaire, la détention provisoire peut durer longtemps –⁠ des mois, un an, voire plus de deux ans si l’affaire est complexe. Or les affaires de criminalité organisée sont généralement complexes. Pendant leur détention provisoire, certains individus restent dangereusement actifs, tout présumés innocents qu’ils soient.
    En attendant la condamnation définitive, l’État doit assurer la sécurité. Dans l’attente de la décision de justice, les services du renseignement pénitentiaire étudient le comportement, les failles et la dangerosité du détenu. Ces éléments ne peuvent pas être mis de côté jusqu’à la fin de la procédure judiciaire. Il nous semble donc que ce régime carcéral strict est adapté et que le réserver aux condamnés définitifs viderait partiellement le dispositif de son sens.
    En effet, l’enjeu ne porte pas sur l’issue du processus judiciaire mais sur la nécessité d’écarter les profils dangereux, notamment pour protéger les agents pénitentiaires –⁠ que M. Léaument a mentionnés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.)

    M. Antoine Léaument

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    Pas nécessairement ! Cela peut être contre-productif !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon

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    Les conditions de détention et les conditions de travail du personnel pénitentiaire sont intimement liées. Lorsque nous proposons un mécanisme de régulation et de déflation carcérales, c’est aussi en faveur des surveillants pénitentiaires, car la surpopulation dégrade leurs conditions de travail. Les solutions que nous préconisons pour assurer la sûreté des agents pénitentiaires sont différentes des vôtres, mais même lorsque ces derniers formulent des exigences concernant leurs conditions de travail, vous ne les reprenez pas. Vous ne nous soutenez pas non plus lorsque nous les défendons. Nous demandons régulièrement à ce que les équivalents temps plein (ETP) soient calculés sur les effectifs réels et non sur les effectifs théoriques de ces agents. Assurer leur sûreté requiert des efforts budgétaires importants.

    M. Romain Baubry

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    Vous avez voté contre !

    Mme Elsa Faucillon

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    Lorsque nous défendons des mesures de lutte contre la surpopulation carcérale qui participent à la fois d’une plus grande dignité des détenus et d’une amélioration des conditions de travail des agents pénitentiaires, vous êtes aux abonnés absents. En réalité, vous ne vous souciez pas des conditions de travail des agents pénitentiaires : ce qui vous importe, c’est de pouvoir dire que vous êtes méchants avec les gens dangereux.

    M. Antoine Léaument

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    Eh oui !

    Mme Elsa Faucillon

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    C’est complètement ridicule : nous ne sommes pas dans une cour d’école ! Bien sûr qu’il faut faire preuve d’une vigilance particulière à l’égard des détenus dangereux, mais pas au prix d’un recul sur nos valeurs ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Quand bien même votre dispositif viserait les détenus extrêmement dangereux, il ne manquera pas d’être étendu aux détenus très dangereux, puis seulement dangereux, puis à l’ensemble des personnes incarcérées.

    M. Philippe Ballard

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    Non !

    Mme Elsa Faucillon

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    Quand un orateur précédent a déclaré que la devise Liberté, Égalité, Fraternité ne devait pas s’appliquer aux individus les plus dangereux, il a ouvert la voie à un danger plus grand encore : si nous ne faisons plus respecter nos valeurs pour toutes les personnes, y compris les plus dangereuses, alors elles finiront par ne plus s’appliquer du tout ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Pierre Pribetich applaudit également.)

    (Les amendements nos 436 et 175, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 717.

    M. Hendrik Davi

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    Nous sommes opposés à la création de ces quartiers sécurisés. L’Assemblée ayant rejeté nos amendements de suppression, nous proposons plusieurs amendements, dont celui-ci, destinés à circonscrire le recours à ce dispositif. Monsieur le ministre, vous avez promis dans la presse et lors de notre discussion que ces quartiers ne viseraient que les grands trafiquants. Or rien dans le texte ne le garantit, bien que sa rédaction ait été quelque peu améliorée par l’adoption de l’amendement no 740 du gouvernement. Aucun critère clair n’est mentionné, si bien que rien n’empêche l’extension de ce dispositif à un large éventail de personnes indépendamment de leur niveau d’implication dans le trafic. Afin d’éviter toute dérive, le présent amendement vise donc à préciser son champ d’application en le restreignant aux personnes détenues pour « crimes » et non pour « infractions ».
    Prenons un peu de recul. J’aimerais vous convaincre par deux autres arguments. J’ai visité la prison des Baumettes, que vous avez évoquée. Le fait d’y détenir des narcotrafiquants qui, parce qu’ils demeurent en possession d’un téléphone portable, continuent ainsi à gérer leurs affaires depuis la prison pose effectivement problème. Cependant, votre raisonnement est erroné : vous pensez que le narcotrafic est une affaire d’individus, et qu’il suffit de placer l’individu dans un espace où il ne pourra plus avoir de contact avec personne pour que le narcotrafic disparaisse. Or le narcotrafic est un système global : si vous privez cet individu d’un accès à l’extérieur, il y aura toujours une seconde, une troisième, voire une quatrième personne pour le remplacer. (Mme Naïma Moutchou s’exclame.)
    Le second défaut de votre raisonnement est que vous croyez pouvoir protéger de cette manière les agents pénitentiaires. Or l’institution carcérale a besoin avant tout de moyens, de meilleures rémunérations et d’une augmentation des effectifs –⁠ ce dont le texte ne parle pas. Si vous n’augmentez pas les effectifs, le personnel pénitentiaire n’aura jamais les moyens de détecter le téléphone portable dont vous voulez bannir l’usage en détention. Et pour augmenter les effectifs, il faut diminuer le nombre d’incarcérations injustifiées, relatives à de petits délits. Voilà l’approche globale qu’il convient d’adopter pour traiter le problème, qui ne peut être résolu par de simples quartiers sécurisés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS. –⁠ Mme Colette Capdevielle applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Cet amendement vise à substituer le mot « crimes » à celui d’« infractions » dans la rédaction du dixième alinéa de l’article 23 quinquies. Cette proposition va à rebours de ce que cet article cherche à faire. Il s’agit de lutter contre les réseaux criminels liés au narcotrafic. Aux termes de l’article 222-36 du code pénal, « l’importation ou l’exportation illicites de stupéfiants » constitue un délit. Or c’est bien ce genre d’acte que nous visons et qui peut motiver le placement dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    J’entends la demande du groupe Écologiste et social de resserrer les critères d’affectation au sein d’un quartier de lutte contre la criminalité organisée et de s’assurer que les personnes visées sont bien les plus dangereuses, celles qui requièrent d’être placées dans un dispositif suffisamment étanche. Je vais essayer, monsieur Davi, de vous convaincre.
    Tout d’abord, ce n’est pas le garde des sceaux qui décide, mais la DNPJ, les magistrats instructeurs et l’administration pénitentiaire qui, à trois, proposent le placement. Dans le cas d’une détention provisoire, le magistrat instructeur peut s’opposer à la mesure. Plusieurs garde-fous sont donc prévus.
    Pourquoi est-ce, à mon avis, une mauvaise idée de restreindre le dispositif aux détenus pour crimes, bien que je comprenne votre démonstration ? En premier lieu parce que, comme le rapporteur l’a indiqué, certains délits permettent de penser que nous avons affaire à des chefs de réseau ou à des personnes qui poursuivent, pendant leur détention, une activité très dangereuse pour la nation. C’est le cas, par exemple, du blanchiment : une partie des activités de blanchiment reprochées à la criminalité organisée relèvent du délit. Le narcotrafic ne se résume pas à ceux qui commettent des homicides ou des tentatives d’homicides ; il s’étend à tous ceux qui font office de lessiveuse d’argent sale. Le chef d’une organisation criminelle, quand cette dernière est installée, n’a plus besoin de tuer : il laisse cela à d’autres. C’est surtout le lumpenprolétariat qui tue ; le chef mafieux, lui, tient le livre de comptes. On dit que certains très grands trafiquants se sont fait avoir par leur comptable –⁠ ce n’est pas faux. Si l’on parvient à caractériser le fait que l’auteur d’un délit de blanchiment dirige en réalité tout un réseau, il n’y a pas de raison de l’exclure du dispositif d’étanchéité.
    En second lieu, si votre amendement venait à être adopté, des demandes de criminalisation de certains délits ne manqueraient pas d’être formulées, au Sénat ou à l’Assemblée nationale, afin de pouvoir placer leurs auteurs dans ce régime de détention. (M. Ugo Bernalicis s’exclame.) En effet, si les chefs de réseaux, qui ne s’en prennent plus physiquement à personne mais n’ont affaire qu’à l’argent capté par leur organisation mafieuse, se voient exonérés de ce régime carcéral, nous serons tous conduits à penser que celui-ci a été mal conçu.
    J’entends donc votre demande d’éclaircissement et l’esprit de votre amendement, mais je ne peux donner un avis favorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hendrik Davi.

    M. Hendrik Davi

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    Votre réponse est éclairante : elle montre bien à quel point le terrain est glissant. Au départ, vous annoncez constituer des quartiers de haute sécurité en réponse à des individus extrêmement dangereux, dont il faut restreindre les libertés afin de ne pas mettre en danger le personnel pénitentiaire. Puis, vous reconnaissez que certains individus seront placés dans ces quartiers non pas parce qu’ils sont dangereux, mais parce qu’ils gèrent ou blanchissent beaucoup d’argent. Or dès que vous faites du trafic, vous commettez un délit. Dès lors, un trafiquant qui n’est pas un chef de réseau, qui n’a jamais été dangereux physiquement, ni violent, pourra se retrouver dans vos quartiers sécurisés. Comment ferez-vous la distinction entre le trafiquant de base et celui qui est réellement dangereux ?
    Vous mélangez deux dimensions : celle de la sécurité, qui requiert effectivement de placer les individus dangereux dans des quartiers d’isolement, et celle du narcotrafic en général. Ce faisant, vous ouvrez la voie à ce que n’importe quelle personne condamnée pour un délit puisse se retrouver dans une prison ou un quartier de haute sécurité. Voilà le glissement problématique que vous opérez.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Romain Baubry.

    M. Romain Baubry

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    Loin de moi l’idée de donner des leçons à quiconque dans cet hémicycle, mais je connais bien les conditions de travail du personnel pénitentiaire pour avoir exercé dans ses rangs durant cinq ans.

    Mme Elsa Faucillon

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    Je sais bien !

    M. Romain Baubry

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    Vous évoquez la surpopulation carcérale ; on devrait plutôt parler de sous-dotation carcérale, tant nous manquons d’établissements pénitentiaires et de places de prison pour incarcérer les individus dangereux de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Vous demandez des effectifs et des moyens supplémentaires pour l’administration pénitentiaire, mais lors de l’examen de ses crédits, il y a quelques mois, la gauche dans son ensemble s’est opposée à toute hausse permettant notamment d’augmenter le nombre de surveillants pénitentiaires…

    Mme Elsa Faucillon

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    Nous nous sommes opposés à l’augmentation du nombre de places de prison, pas à l’augmentation des crédits ! Soyez transparents !

    M. Romain Baubry

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    …ainsi que le nombre de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation –⁠ il faut croire que même la réinsertion des détenus ne vous intéresse pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme Ségolène Amiot

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    C’est totalement faux !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Monsieur Baubry, vous dites qu’il faut construire des places de prison : j’attends le retour des maires du Rassemblement national pour identifier les lieux où les construire ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. –⁠ Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.) Comme ministre de l’intérieur durant quatre ans, j’ai écrit à plusieurs reprises à tous les maires du Rassemblement national et personne… (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Claire Marais-Beuil

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    Et les autres ?

    M. Guillaume Florquin

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    Tu attends quoi ?

    M. Emmanuel Grégoire

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    Une prison à Fréjus !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Comme je le disais à M. Taverne sans méchanceté, vous êtes croyants mais pas pratiquants. Je ne vous lirai pas in extenso –⁠ quoique je pourrai le faire après le dîner – la lettre du maire de Fréjus, mais elle vaut son pesant de cacahuètes s’agissant des centres de rétention administrative ! Proposez donc des terrains : comme je ne suis pas sectaire, je pourrai donner l’occasion aux maires du Rassemblement national de construire des prisons !
    Monsieur Davi, nous ne nous comprenons pas. Quelqu’un qui fait du blanchiment d’argent et permet ainsi aux organisations criminelles de se financer est tout aussi dangereux que quelqu’un qui commet directement des homicides ou tente de le faire. La personne qui aurait mis à disposition de l’argent pour que M. Untel puisse s’évader après avoir payé des complices –⁠ ces derniers, en général, demandent un acompte –, quitte à assassiner des agents pénitentiaires pour cela, est tout aussi dangereuse que celles qui passent physiquement à l’acte.
    Je m’étonne que le groupe écologiste n’adhère pas à cet argument, lui qui a dès le début de la discussion –⁠ comme il l’avait fait au Sénat, et nous convergeons sur ce point – souligné que la délinquance en col blanc et les auteurs de blanchiment d’argent devaient être condamnés par les magistrats aussi sévèrement que ceux qui commettent des violences physiques.
    Le délit de blanchiment doit permettre de mettre à l’écart des personnes qui, en ayant mis à disposition de l’argent, ont participé à la commission du crime –⁠ soit qu’elles aient commandité un assassinat,…

    M. Jiovanny William

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    Commanditer un assassinat, c’est un crime !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    …soit qu’elles aient permis des évasions ou corrompu des agents publics. Il n’y a donc pas de glissement.
    Vous devez –⁠ et je sais que vous le faites – faire confiance aux fonctionnaires de la République. Trois services proposeront au garde des sceaux le placement en quartier sécurisé : la DNPJ, comme la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) le fait pour le terrorisme ; l’administration pénitentiaire qui, c’est vrai, est placée sous l’autorité du garde des sceaux, ce qui fait que je peux comprendre votre questionnement ; enfin, les magistrats instructeurs, dont la Constitution garantit l’indépendance et auxquels le garde des sceaux ne peut donner aucune consigne. Si ces trois services ne sont pas d’accord, alors le placement en quartier sécurisé ne sera pas possible. Écarter les délits me paraît donc une fausse bonne idée.

    Mme la présidente

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    Voici la situation : six orateurs se sont inscrits et chaque groupe me fait les gros yeux ou crie au scandale s’il n’obtient pas la parole. Or de nombreux amendements restent à examiner. Je donnerai donc la parole, sur cet amendement, à trois orateurs pour et à trois orateurs contre. Je vous proposerai ensuite de suspendre la séance afin que les représentants des groupes puissent s’accorder sur le rythme du débat et sur les règles de défense des amendements.

    Mme Brigitte Barèges

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    Car entendre des réclamations à chaque amendement, alors que les équilibres politiques sont globalement respectés, c’est un peu usant !
    La parole est à Mme Eléonore Caroit, pour le groupe Ensemble pour la République.

    Mme Eléonore Caroit

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    Je ne sais pas si je m’exprime au nom de mon groupe, car vous l’aurez compris, les avis divergent en son sein.

    M. Antoine Léaument

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    Ce n’est pas grave !

    Mme Eléonore Caroit

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    Monsieur le garde des sceaux, vous avez –⁠ et je salue cette démarche – consulté le Conseil d’État et ce dernier vous a demandé de mieux cibler les personnes qui pourront être affectées au sein de quartiers de lutte contre la criminalité organisée, d’où l’amendement du gouvernement no 740 que nous venons d’adopter.
    Or l’article en discussion continue de viser –⁠ pardon d’être technique, mais c’est important lorsqu’on touche aux libertés fondamentales – l’article 706-73 du code de procédure pénale dans son intégralité.
    J’avais proposé un superbe amendement prévoyant de circonscrire le champ d’application du dispositif aux 1o, 3o et 15o de cet article, mais l’amendement no 740 du gouvernement l’a fait tomber.
    Seront donc concernées toutes les personnes susceptibles d’avoir commis un des délits ou des crimes mentionnés à l’article 706-73 :…

    Mme Élisa Martin

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    Eh oui !

    Mme Eléonore Caroit

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    …crime de vol commis en bande organisée, crimes en matière de fausse monnaie, délit de non-justification de ressources, et j’en passe.
    L’efficacité même du dispositif proposé –⁠ dispositif sans doute très utile à la lutte contre le narcotrafic – commande qu’on en restreigne davantage la portée. Dans le cas contraire, comment la restriction que vous appelez de vos vœux pourrait-elle s’appliquer concrètement au regard de cet article du code de procédure pénale ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Le spectre des infractions qui pourraient conduire un détenu à se retrouver dans un de ces quartiers de haute sécurité est en effet très large. Vous avez opposé à l’amendement de M. Amirshahi –⁠ que je trouve pour ma part fort habile – qu’il conduirait à en exclure le blanchiment d’argent. Toutefois, une personne qui se serait rendue coupable à plusieurs reprises d’actes de blanchiment –⁠ ce qui est souvent le cas pour celles qui participent à l’organisation de ces trafics – s’est bien rendue coupable d’un crime, pouvant être puni de dix ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende. Il s’agit du crime de blanchiment aggravé, vous pouvez vérifier. Cet amendement est donc très pertinent, très clair, et permet de couvrir le cas que vous lui avez opposé.

    M. Antoine Léaument

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    C’est vrai !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    Je n’ai pas eu l’impression, madame la présidente, que mon groupe ou moi-même ayons particulièrement accaparé la parole jusqu’à maintenant. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    Je ne reproche à personne d’accaparer la parole, mais je ne vois pas comment organiser le débat autrement qu’en limitant les prises de parole, en répartissant les pour et les contre.

    Mme Naïma Moutchou

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    Mais c’est à moi que vous avez adressé à plusieurs reprises des signes…

    Mme la présidente

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    Vous faites malheureusement partie des personnes qui lèvent la main quand j’ai déjà pris quatre ou cinq orateurs.

    Mme Naïma Moutchou

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    J’ai levé la main à plusieurs reprises pour que vous me remarquiez –⁠ je tâcherai dorénavant de faire plus de bruit, comme d’autres.

    M. Inaki Echaniz

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    On ne conteste pas la présidence !

    Mme Naïma Moutchou

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    Je voulais intervenir parce que des collègues de gauche ont, plusieurs fois, scandé la devise républicaine.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est par ici !

    Mme Naïma Moutchou

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    Je trouve cela totalement déplacé : on la détourne de son sens. De quelle liberté, de quelle égalité, de quelle fraternité parle-t-on ? De la liberté, pour les narcotrafiquants, d’organiser leurs affaires depuis les cellules de nos prisons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes EPR et UDR.)

    M. Ugo Bernalicis

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    La liberté de voir ses enfants, ça vous parle ?

    Mme Naïma Moutchou

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    De l’égalité de traitement entre ces narcotrafiquants et des détenus ordinaires, comme s’il s’agissait de simples voleurs de tomates ? De la fraternité, entre elles, des têtes de réseaux ?
    La devise républicaine n’a rien à voir avec cela : c’est une devise de justice, qui doit nous garder de toute collusion avec ces criminels. Nous avons l’habitude d’entendre certains de nos collègues utiliser de grands mots –⁠ il n’est pas mauvais d’en rappeler le sens de temps en temps. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR et EPR. –⁠ Mme Ségolène Amiot s’exclame.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Deux pour et deux contre, ça suffirait !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Colette Capdevielle.

    Mme Colette Capdevielle

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    Le groupe Socialistes soutiendra cet amendement, très raisonnable et conforme à ce qu’a dit hier le garde des sceaux : on veut atteindre, dans ces deux centres, le haut du spectre. Ce sont bien des crimes que vous avez décrits, monsieur le garde des sceaux, et non pas des délits.
    Vous visez les personnes les plus dangereuses, mais c’est une notion difficile à définir objectivement, surtout s’agissant de prévenus : quels en sont les critères ? Vous n’avez pas été très clair à ce sujet, et nous aimerions en savoir un peu plus.
    Vous dites que le placement dans ces quartiers relève de la décision du juge des libertés et de la détention (JLD), du procureur ou du juge d’instruction. Mais il me semble bien que cette décision revient au garde des sceaux, à moins qu’un amendement visant à revenir sur ce point m’ait échappé.

    M. Ugo Bernalicis

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    Eh oui !

    Mme Colette Capdevielle

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    Pourriez-vous apporter un éclaircissement à ce sujet ?
    Nous allons voter cet amendement car il est conforme à l’avis du Conseil d’État, en particulier au premier des aménagements qu’il recommande : mieux cibler le champ d’application du régime pour viser les « réseaux de criminalité » –⁠ or qui dit réseaux de criminalité dit crime.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Je voudrais répondre à ma collègue Caroit, pour dissiper ce qui semble être une mécompréhension. Il faut différencier le champ infractionnel défini par les articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du code de procédure pénale, qui visent les crimes et délits de la criminalité organisée ainsi que leur version en bande organisée et qui constituent le vivier des infractions commises par des personnes qui pourraient être conduites en quartier de lutte contre la criminalité organisée, et la question de la motivation d’un tel placement qui est, elle, selon les termes de l’amendement no 740, fondée sur des éléments tels que « la poursuite ou l’établissement de liens avec les réseaux de la criminalité et de la délinquance organisées, quelles que soient les finalités et les formes de ces derniers. »
    La logique est d’isoler certains détenus des réseaux existant à l’extérieur, afin d’éviter que ces liens ne perdurent.

    Mme Eléonore Caroit

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    Quand c’est en lien avec le narcotrafic ?

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 717.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        158
            Nombre de suffrages exprimés                158
            Majorité absolue                        80
                    Pour l’adoption                48
                    Contre                110

    (L’amendement no 717 n’est pas adopté.)

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures vingt.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.
    La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir l’amendement no 715.

    M. Pouria Amirshahi

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    Cet amendement s’inscrit dans la continuité de nos débats. Vous avez raison, monsieur le ministre : peut-être ne caractérisons-nous pas l’enjeu de la même façon, puisque nous ne le comprenons pas de la même façon.
    Vous avez également raison, il ne faut pas seulement intégrer les personnes condamnées pour crimes de sang, mais plus largement les hauts responsables des organisations criminelles qui contribuent et participent à la commission de ces infractions graves.
    Cependant, votre rédaction est beaucoup trop large pour viser précisément ces responsables. Quel est le risque ? Celui du trop-plein et de l’embolisation du dispositif.
    Puisque notre précédent amendement a été rejeté, celui-ci propose que ne soient concernées par le dispositif que les personnes « qui ont participé de manière régulière et déterminante à la commission de l’une de ces infractions ». Cette formulation est conforme à celle du dispositif italien, dont vous vous inspirez.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Je comprends la logique qui vous anime, mais comme je l’expliquais avant la suspension, les infractions visées sont celles relevant des articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74 du code de procédure pénale.
    À l’alinéa 10, vous ajoutez que les personnes visées doivent avoir « participé de manière régulière et déterminante à la commission de l’une de ces infractions ». Cet ajout ne me semble pas pertinent sur le plan juridique.
    Comment peut-il fonctionner ? Si vous êtes mis en cause pour l’une des infractions relevant des articles du code de procédure pénale que j’ai mentionnés, c’est que vous êtes suspecté d’avoir commis une telle infraction, ou d’avoir été complice. C’est la même chose si vous êtes condamné. Comment peut-on être suspecté ou condamné pour y avoir participé de manière plus ou moins régulière ou déterminante ?
    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Il aurait bien sûr été plus simple de viser uniquement les crimes, comme le proposait l’amendement précédent, mais vous avez émis un avis défavorable, monsieur le rapporteur. Nous faisons donc comme nous pouvons pour essayer de vous convaincre que le périmètre retenu est beaucoup trop large.
    Pudiquement, nos camarades écologistes ne le soulignent pas, mais l’article vise par exemple la destruction de biens en bande organisée. Des militants écologistes en détention provisoire suspectés de telles destructions pourraient ainsi être concernés. C’est un exemple, mais il y en a beaucoup d’autres !
    Les militants de Bure, poursuivis pour association de malfaiteurs, auraient ainsi pu subir ce régime que vous réservez, selon vos propres termes, au haut du spectre.
    D’ailleurs, en Italie, des militants que l’on peut qualifier de politiques –⁠ et pas seulement des narcotrafiquants ou des membres de la criminalité organisée – sont détenus sous le régime de l’article 41 bis de la loi pénitentiaire italienne. (Mme Brigitte Barèges s’exclame.)
    Votre dispositif est poreux et vous n’apportez aucune garantie. Vous nous avez répondu qu’en détention provisoire, le juge d’instruction pourra s’opposer à ce régime de détention s’il motive sa demande. Mais c’est le monde à l’envers !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Ah, ça faisait longtemps…

    M. Ugo Bernalicis

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    Au titre de l’article 66 de la Constitution, c’est normalement l’autorité judiciaire qui décide des conditions de détention. Ce sont donc les juges qui devraient avoir la main et vous, monsieur le ministre, pourriez éventuellement donner votre avis motivé.
    Ce renversement de situation illustre votre défiance envers l’autorité judiciaire et la magistrature. Vous avez choisi votre camp depuis longtemps, assumez-le !
    Mais sachez aussi que c’est un problème politique et juridique. Quand une personne est provisoirement détenue, qui détient le plus d’informations sur sa dangerosité et sur ce qui lui est reproché ? C’est le magistrat qui suit l’enquête, et non le ministre ou les services de renseignement.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Il s’agit d’un énième amendement d’obstruction de La France insoumise et des écologistes –⁠ il y en aura d’autres. Comme d’habitude, ils défendent avec force et conviction les criminels au lieu de s’occuper des victimes.
    Monsieur le ministre, à plusieurs reprises, vous avez essayé de semer la zizanie au sein du Rassemblement national…

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Non !

    M. Jocelyn Dessigny

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    …en visant nos maires, qui refuseraient leurs terrains pour construire des prisons alors même que nous réclamons ces nouvelles prisons.
    Vous aviez déjà fait le coup aux députés DR en 2023 lors de nos débats sur la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Ce n’était pas moi ! Je n’étais pas ministre de la justice !

    Mme Elsa Faucillon

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    Ce n’était pas lui !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Cela avait plutôt bien marché avec eux, mais la trahison est dans leurs gènes et ils ont donc toujours des doutes les uns sur les autres. Mais chez nous, cela ne fonctionne pas !

    M. Emmanuel Duplessy

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    Les héritiers de la collaboration, c’est pourtant vous !

    M. Jocelyn Dessigny

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    La semaine dernière, vous avez affirmé avoir écrit un courrier convaincant à tous les maires RN et leur avoir demandé des terrains, que vous étiez même prêt à acheter, pour construire vos prisons.
    C’est faux ! Je regrette d’avoir à vous le dire devant la représentation nationale, mais c’est un mensonge, monsieur le ministre.
    C’est en juin 2023 que vous avez écrit aux maires RN pour leur demander des terrains pour construire des centres de rétention administrative (CRA). Considérez-vous les CRA comme des centres pénitentiaires ?

    M. Ugo Bernalicis

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    Ce n’est pas la même chose ?

    Mme Elsa Faucillon

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    Vous avez voté pour la hausse du nombre de CRA !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Il faudrait revoir vos fiches, parce que ce n’est pas tout à fait la même chose ! Arrêtez de diffuser de fausses informations et de mentir à la représentation nationale comme à toutes les personnes qui nous écoutent.
    Dites la vérité : ces 15 000 places de prison n’existent pas et vous ne savez pas où les construire. Vous évoquez la possibilité de créer vos quartiers prioritaires au sein des centres pénitentiaires, mais ces derniers explosent déjà !
    Je vous demande, comme vous l’avez demandé à notre collègue socialiste, de bien vouloir rectifier ce mensonge ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Vous ne devriez pas jouer à ce jeu-là : vous allez perdre.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pouria Amirshahi.

    M. Pouria Amirshahi

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    Je ne comprends pas votre réponse, monsieur le rapporteur. Par souci d’efficacité, et pour vous aider, nous souhaitons restreindre le périmètre de la disposition. Il ne s’agit pas d’exonérer des auteurs de crimes et délits et de leur permettre d’échapper à la justice, mais de bien identifier les têtes de réseaux.
    Préciser que ces personnes doivent avoir « participé de manière régulière et déterminante à la commission de l’une de ces infractions » ne pose pas de difficulté juridique en France, puisque l’on retrouve ces termes, par exemple, en matière de lutte contre le terrorisme.
    Notre amendement est donc conforme aux objectifs recherchés.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 715.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        137
            Nombre de suffrages exprimés                137
            Majorité absolue                        69
                    Pour l’adoption                46
                    Contre                91

    (L’amendement no 715 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements no 415 et identique, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire ; sur les amendements no 208 et identiques, par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 415, 756, 176, 208, 311, 538 et 961, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 415 et 756 sont identiques, de même que les amendements nos 208, 311, 538 et 961.
    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 415.

    M. Antoine Léaument

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    Par cet amendement, nous proposons que ce soit le juge de l’application des peines ou le juge des libertés et de la détention qui décide du placement en quartier de lutte contre la criminalité organisée, et non le ministre de la justice.
    Je voudrais répondre à notre collègue Naïma Moutchou, qui a souligné tout à l’heure que nous invoquions souvent, de notre côté de l’hémicycle, la devise Liberté, Égalité, Fraternité,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Exactement !

    M. Antoine Léaument

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    …et que nous défendions ces principes républicains. Vous avez dit que nous soutenions la liberté pour les narcotrafiquants, l’égalité pour les narcotrafiquants, la fraternité pour les narcotrafiquants.
    Je voudrais rappeler quelques grands principes énoncés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. L’article 1er affirme ainsi : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » (Exclamations sur les bancs des groupes RN et HOR.) L’article 2 précise : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. » L’article 23 quinquies touche précisément à la sûreté et à la résistance à l’oppression. La sûreté renvoie en effet à la sécurité de la personne, mais aussi à celle de ses droits. La Déclaration définit également le concept de liberté : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. »

    M. Michel Guiniot

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    La liberté d’empoisonner nos enfants ?

    M. Antoine Léaument

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    Lorsque les narcotrafiquants sortent de ce cadre…

    M. Laurent Jacobelli

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    Recevoir des leçons de républicanisme de ces gens !

    M. Antoine Léaument

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    Calmez-vous, collègues du Rassemblement national ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Je comprends que vous ayez du mal à suivre quand on évoque les principes républicains…

    Mme la présidente

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    Monsieur Léaument, veuillez poursuivre la défense de votre amendement.

    M. Antoine Léaument

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    Je comprends la difficulté, mais veuillez écouter jusqu’au bout.
    Comme la liberté consiste à pouvoir faire ce qui ne nuit pas à autrui, on peut remettre en cause la liberté d’une personne qui ne respecte pas ce principe. Nous n’avons pas de problème là-dessus ! Défendre l’idée derrière notre devise, c’est justement défendre l’égalité en droits devant la loi !

    M. Laurent Jacobelli

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    L’égalité dans l’horreur !

    Mme la présidente

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    Merci, monsieur le député.

    M. Antoine Léaument

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    Je finirai mon argumentation tout à l’heure. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sacha Houlié, pour soutenir l’amendement no 756.

    M. Sacha Houlié

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    Comme nous n’avons pas supprimé le dispositif, je propose par cet amendement que ce soit le juge de l’application des peines ou le juge des libertés et de la détention, selon que la personne est condamnée ou prévenue, qui décide du placement en quartier de haute sécurité, et non le ministre de la justice, garde des sceaux.
    Il ne me semble pas souhaitable que le ministre prenne de telles décisions. Actuellement, c’est le directeur interrégional des services pénitentiaires qui décide du placement à l’isolement des condamnés et un magistrat, un juge, qui tranche s’agissant des prévenus.
    Il y a une importation et une confusion. La présente disposition s’inspire du code de la sécurité intérieure, qui prévoit que les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, notamment, relèvent de la responsabilité du ministre de l’intérieur. Par ailleurs, on confond les rôles : ce n’est pas au ministre de la justice de se prononcer sur un régime de détention.
    Enfin, il existe une imprécision : le ministre nous répète qu’il ne s’agira pas d’une décision solitaire et discrétionnaire, puisque des magistrats –⁠ procureur, juge des libertés et de la détention, juge de l’application des peines – seraient susceptibles de rendre un avis empêchant le placement. Ce n’est écrit nulle part dans le texte, ni à l’alinéa 10, que nous sommes en train d’examiner, ni à un autre alinéa de l’article 23 quinquies. Ces imprécisions, ces confusions, ces inconventionnalités qui résultent du dispositif adopté en commission des lois se multiplient. Il paraît donc préférable de ne pas l’adopter en l’état. Notons aussi la nervosité avec laquelle le ministre répond quand on porte simplement le principe du contradictoire.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 176.

    Mme Colette Capdevielle

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    Par cet amendement de même nature que les précédents, nous proposons que ce ne soit pas le garde des sceaux qui décide du placement en quartier de lutte contre la criminalité organisée, mais le juge des libertés et de la détention. Le rôle de ce magistrat est précisément de statuer sur le maintien en liberté –⁠ qui est le principe par défaut – et le placement en détention. Une décision qui déroge autant à l’ordre ordinaire ne peut pas être exclusivement confiée au pouvoir exécutif. Cela entraînerait un vrai risque de détournement à des fins de communication. Par ailleurs, le garde des sceaux a autre chose à faire que de s’occuper de ces placements. Laissons au juge la faculté de juger !

    Mme la présidente

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    Je vous redonne la parole, madame Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 208.

    Mme Colette Capdevielle

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    Il s’agit d’un amendement de repli. Nous proposons de préciser que ce n’est pas le garde des sceaux qui décide du placement en quartier de lutte contre la criminalité organisée, mais l’autorité administrative pour les personnes condamnées, et sur avis conforme de l’autorité judiciaire pour les personnes détenues à titre provisoire.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Eléonore Caroit, pour soutenir l’amendement no 311.

    Mme Eléonore Caroit

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    Il est dans la continuité des précédents : qui décide du placement dans ces quartiers de haute sécurité des criminels les plus dangereux ? Le texte prévoit que ce soit le garde des sceaux, avec qui nous avons discuté de ce point hier soir, après la séance.
    Je comprends la menace qui peut peser sur les magistrats et leur famille et qu’il faille prendre toutes les dispositions nécessaires pour les protéger. Mais le placement en détention ordinaire présentant les mêmes risques, que doit-on faire ? Il n’est pas possible de déléguer au garde des sceaux la compétence du magistrat judiciaire, qui décide du maintien en liberté et du placement en détention. Même si je comprends l’argument relatif à la protection des magistrats, je m’interroge sur sa pertinence, dans la mesure où il pourrait tout aussi bien s’appliquer au jugement initial –⁠ placement en détention provisoire, condamnation de personnes impliquées dans la criminalité organisée.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Émeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 538.

    Mme Émeline K/Bidi

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    Nos inquiétudes sont les mêmes que celles des orateurs précédents. Nous nageons dans le flou total. Sur quels critères sera décidé le placement dans ces quartiers de lutte contre la criminalité organisée ? Qui cela concernera-t-il exactement ? Le texte prévoit que la décision reviendra au garde des sceaux. Cette décision pourrait être plus politique que juridique. C’est la raison pour laquelle nous proposons que la décision soit prise par l’administration pénitentiaire, sur avis conforme du juge de l’application des peines. Compte tenu du degré d’atteinte aux droits et libertés, cela nous semble une garantie minimale.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Laurent Mazaury, pour soutenir l’amendement no 961.

    M. Laurent Mazaury

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    Nous soutenons pleinement ce texte, mais il faut le consolider. Je m’inscris dans la lignée des interventions précédentes, en particulier s’agissant de la détention provisoire. C’est la raison pour laquelle nous présentons nous aussi un amendement sur la détention provisoire. Notre proposition est de nature à garantir la parfaite conformité de la disposition, en la structurant juridiquement. (M. Jiovanny William applaudit.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Ils reviennent à donner à l’autorité judiciaire la faculté de placer un détenu dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée, alors que dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit de la conférer au garde des sceaux.
    Il faut éloigner les pressions qui pourraient être exercées sur l’autorité décisionnaire –⁠ qu’il s’agisse du juge ou du directeur d’établissement pénitentiaire – en confiant la décision au garde des sceaux.

    M. Ugo Bernalicis

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    Parce qu’il ne peut pas subir de pressions, le garde des sceaux ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Certains de ces amendements impliquent d’instituer une double procédure : une décision d’une autre autorité administrative que le garde des sceaux en ce qui concerne les condamnés, et sur avis conforme de l’autorité judiciaire pour les personnes en détention provisoire.
    On cherche à donner l’impression que nous proposons de créer quelque chose de complètement neuf, en rupture absolue avec ce qui existe déjà. Actuellement, le placement en unité pour détenus violents a lieu sur décision administrative. Il existe donc déjà des cas où c’est l’autorité administrative qui prend une décision de placement dans des unités spécifiques, et non le juge de l’application des peines.
    Le sujet est sensible, et une précision écrite ne fait jamais de mal. Nous avons eu des échanges longs et nourris à ce sujet en commission, et entre la commission et la séance. Je donne un avis défavorable sur ces sept amendements, soit parce qu’ils suppriment complètement la décision administrative, ce qui n’est pas approprié, soit parce qu’ils renvoient de manière vague et imprécise en certains points à l’autorité judiciaire.
    Je pense que nous pouvons trouver un compromis satisfaisant l’ensemble des groupes : l’amendement no 716 de M. Amirshahi, qui sera examiné juste après cette discussion commune, me paraît ainsi constituer un point d’atterrissage possible. Il propose de prévoir un avis du juge de l’application des peines pour les personnes condamnées, et une information du magistrat chargé de l’instruction pour les prévenus –⁠ ce magistrat pourra s’opposer au placement en rendant un avis sous huit jours. Je donnerai un avis favorable à cet amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Nous nous sommes déjà longuement exprimés sur ce sujet. Comme M. le rapporteur vient de le préciser, le magistrat pourra s’opposer à la décision.
    Je voudrais rappeler trois points importants.
    Vous prétendez que c’est au magistrat, et donc au juge judiciaire, de se prononcer sur le contentieux du fonctionnement carcéral, notamment de l’isolement. Ce que vous essayez de mettre en place, c’est le contraire de ce qui se passe actuellement. Ainsi, si aujourd’hui M. Amra voulait contester son placement à l’isolement au sein de la prison de Condé-sur-Sarthe, il saisirait le juge administratif, et non le juge judiciaire : ce que nous proposons est donc en cohérence avec ce qui existe déjà. La décision administrative du garde des sceaux, prise après avis conforme ou non du magistrat judiciaire, pourra être contestée, en référé ou non, devant le juge administratif. Les amendements ne correspondent pas à l’état actuel du droit : ils modifient l’ordre de juridiction compétent.
    Vous semblez l’avoir balayé d’un revers de la main, mais j’ai précisé que les agents pénitentiaires, les chefs de détention, les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire et les magistrats sont menacés personnellement lorsqu’ils prennent ce genre de décisions. Je propose d’instaurer le même régime qu’en Italie, où la décision de placement en quartier de haute sécurité revient au ministre de la justice : après proposition de ses services, le ministre incarne la signature et assume une décision très difficile, celle de placer un individu très dangereux dans un de ces quartiers –⁠ si cette décision est prise, c’est bien que l’individu pose un grave danger.
    Monsieur Houlié, cela m’embête de vous rappeler l’état du droit. L’article D. 215-12 du code pénitentiaire…

    M. Sacha Houlié

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    Qui relève du réglementaire !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Oui, mais c’est le droit existant, monsieur le président Houlié, c’est dans le code ! (M. Sacha Houlié s’exclame.) Monsieur Houlié, ne soyez pas agressif, cela ne sert à rien. (M. Sacha Houlié proteste.) En plus, nous n’entendons pas ce que vous dites ! L’article D. 215-12 du code pénitentiaire prévoit déjà la possibilité pour les magistrats de s’opposer à tous les régimes carcéraux –⁠ y compris celui que nous proposons, évidemment. Du reste, les conditions d’application de cette disposition seront définies par décret en Conseil d’État. Or je me suis engagé à ce que les textes réglementaires soient lus en commission des lois, et même à ce qu’ils puissent y être modifiés si celle-ci le souhaite. C’est ce que nous avions fait avec les précédents présidents de la commission pour la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) et la loi « séparatisme », dont vous étiez le rapporteur, monsieur le président de la commission.
    Je voudrais aussi rappeler au président Houlié…

    Plusieurs députés du groupe RN

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    Il n’est plus président !

    M. Laurent Jacobelli

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    Non mais c’est vrai, il n’est plus président !

    M. Ian Boucard

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    Heureusement, d’ailleurs !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    …qu’aux termes de l’article D. 57 du code de procédure pénale, les magistrats peuvent exiger la translation des détenus. Pour répondre à Mme Capdevielle, qui avait utilisé cet argument si mes souvenirs sont exacts, un magistrat pourra toujours décider de sortir un détenu du régime nouvellement créé, et cela sans l’avis du garde des sceaux –⁠ quel que soit le statut du détenu, mais en particulier s’il se trouve en détention provisoire –, pour le placer à l’isolement ou dans un régime de détention plus classique. S’il devait y avoir un acquittement ou un abandon des poursuites, le magistrat ferait évidemment sortir la personne en question de ce régime, sans même demander l’avis du garde des sceaux.
    Bref, l’isolement relève déjà du contentieux administratif et les magistrats peuvent déjà s’opposer à une décision d’affectation dans un quartier spécialisé –⁠ il suffit de se reporter au code de procédure pénale et au code pénitentiaire pour s’en convaincre. Nous ne réinventons donc pas l’eau chaude. L’argument de M. Mazaury tombe, puisque le Conseil d’État, dans son avis, rappelant le droit en vigueur, s’est montré favorable à la disposition en discussion. En outre, il ne faut pas sous-estimer les menaces qui feront suite à la décision de soumettre un détenu à ce régime de détention.
    L’avis du gouvernement sur cette série d’amendements est donc défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Olivier Marleix.

    M. Olivier Marleix

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    Pour un prévenu, la détention provisoire sera décidée par le juge des libertés et de la détention ; ce n’est pas le garde des sceaux qui va décider, tout seul, de mettre quelqu’un en prison.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ça viendra…

    M. Olivier Marleix

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    C’est ici de la protection de l’enquête qu’il s’agit, d’une modalité d’incarcération, à savoir l’affectation au sein d’un quartier d’isolement, et de rien d’autre. Le garde des sceaux vient de le rappeler, le droit prévoit déjà que la mise à l’isolement d’un prévenu –⁠ je parle bien d’un prévenu, non de quelqu’un qui serait condamné définitivement – peut être décidée par le juge des libertés et de la détention, mais également par l’autorité administrative. On n’invente donc absolument rien : on se donne seulement des moyens supplémentaires de protéger l’enquête, et non les caïds. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    La mise à l’isolement d’un détenu est aujourd’hui renouvelée tous les trois mois et ne peut durer plus de deux ans. Le texte envisageant de passer de deux à quatre ans, il faut prévoir des garanties supplémentaires. C’est d’ailleurs suivant cette logique que le Conseil constitutionnel examinera le texte et si vous n’en tenez pas compte, cela ne me pose pas de problème puisqu’il censurera –⁠ ce que nous demanderons d’ailleurs avec grand plaisir.
    Vous-même avez déclaré qu’il ne s’agissait pas vraiment d’isolement. Certes, mais ce que vous prévoyez est pire : l’étanchéité avec l’extérieur plus le statut de DPS, dont vous ne parlez pas trop, voilà ce qui s’appliquera aux détenus concernés. Le régime sera donc encore plus restrictif que ce que prévoit l’article.
    Ensuite, quand elle est l’objet d’une décision judiciaire, la mise à l’isolement ne sera pas contestée devant le tribunal administratif. Quand l’isolement est une décision administrative, il n’est pas une sanction envers le détenu –⁠ sinon ce dernier est placé dans un quartier disciplinaire – mais une mesure de protection. C’est le cas en particulier pour des personnalités politiques, pour d’anciens policiers, d’anciens surveillants pénitentiaires qui seraient en danger s’ils étaient dans des lieux de détention classiques. Aussi les parallèles que vous dessinez, monsieur le ministre, ne tiennent-ils pas. C’est pourquoi je vous invite plutôt à établir une distinction entre les différents régimes de détention.
    Quant à soutenir que c’est au garde des sceaux de prendre la décision d’affectation au sein d’un quartier spécialisé parce que les chefs d’établissement seraient soumis à des pressions, je ne crois pas que le personnel politique soit lui-même au-delà de pressions, de tentatives de corruption diverses et variées…

    M. Antoine Léaument

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    Tout à fait !

    M. Ugo Bernalicis

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    Ce que vous présentez comme une garantie n’en est donc pas une. Si vous voulez centraliser la décision afin de l’éloigner du contexte local, le directeur de l’administration pénitentiaire est là pour ça. Faites un minimum confiance à votre administration !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Huyghe.

    M. Sébastien Huyghe

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    On l’a dit, l’affectation dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée n’est pas une sanction particulière : il s’agit de placer un individu dans un quartier étanche destiné à l’empêcher de poursuivre ses activités au sein de l’établissement où il se trouve. Il n’est donc pas nécessaire que ce soit l’autorité judiciaire qui prenne cette décision ; cela peut être une décision administrative. En outre, monsieur le ministre, nous sommes très sensibles aux menaces dont certains fonctionnaires de l’administration pénitentiaire peuvent faire l’objet. Le groupe EPR votera donc contre l’ensemble de ces amendements.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Entendons-nous bien, messieurs Bernalicis et Amirshahi, et je m’adresse également au groupe Socialistes et au groupe LIOT : si ce qui vous préoccupe, c’est le fait que la décision revienne au garde des sceaux, sachez qu’il ne s’agit pas d’une demande personnelle, d’autant que je ne serai peut-être plus à ce poste lorsque les prisons de haute sécurité seront opérationnelles –⁠ du moins si j’en juge par l’instabilité qui caractérise l’Assemblée.

    M. Antoine Léaument

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    Chiche !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    J’ajoute que le garde des sceaux répond de ses actes devant la Cour de justice de la République –⁠ comme c’est le cas en Italie – et qu’il bénéficie d’une protection policière grâce à laquelle il a moins peur que ceux qui en sont dépourvus –⁠ encore que tout soit relatif. Le directeur de l’administration pénitentiaire, lui, n’est pas protégé par la République.
    Vous supposez que le ministre pourrait utiliser ce pouvoir de décision à des fins personnelles. Pourtant, il ne devrait pas compter d’amitiés parmi le public concerné –⁠ même s’il est vrai que nous n’avons pas forcément les mêmes amitiés.
    Et si un garde des sceaux –⁠ moi ou un autre – commettait la folie d’affecter au sein d’un quartier de lutte contre la criminalité organisée un détenu qui n’a rien à y faire, on peut penser que l’Assemblée et le Sénat feraient leur travail : en tant que membres de la représentation nationale, vous pourriez l’interpeller, puisque tous ses actes sont publics.
    Cependant, si cela permet d’éviter certains fantasmes, j’accepte bien volontiers de renvoyer au directeur de l’administration pénitentiaire la responsabilité de cet acte –⁠ même si, je le redis, il ne bénéficie pas de la même protection juridique, politique et sécuritaire que le ministre.
    Je n’aborde pas l’examen du texte dans un esprit doloriste et je ne cherche pas particulièrement à être menacé par les narcobandits. Je vous demande donc de suspendre un instant la séance, madame la présidente, pour que les responsables des groupes puissent, s’ils le souhaitent, se mettre d’accord avec moi pour élaborer un sous-amendement susceptible de convaincre l’Assemblée de voter l’article.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinq.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.
    La parole est à M. le ministre d’État, pour soutenir le sous-amendement no 988 à l’amendement no 208.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je vous prie de m’excuser pour cette longue interruption : mes collaborateurs en avaient besoin pour rédiger le sous-amendement. Je les en remercie.
    Afin qu’il n’y ait aucun doute quant aux intentions du gouvernement, à commencer par les miennes, je propose, par ce sous-amendement à l’amendement no 208 de Mme Capdevielle, que ce soit le directeur de l’administration pénitentiaire –⁠ et non le garde des sceaux – qui décide de l’affectation dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée. Je m’en remets donc sur ce point à la sagesse de votre assemblée.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    La commission n’a pas pu examiner ce sous-amendement. J’ai bien compris qu’il y avait un débat –⁠ les discussions que nous avons eues sur les précédents amendements et pendant la suspension en attesten –, mais je m’en étonne.
    Encore une fois, confier à une autorité administrative la compétence d’affectation au sein d’un quartier de lutte contre la criminalité organisée ne bouleverse en rien le droit existant. C’est déjà une autorité administrative qui décide, par exemple, du placement d’un détenu dans une unité pour détenus violents.
    De plus, confier cette compétence au garde des sceaux permettait de prévenir les menaces venant du terrain en plaçant cette décision à un niveau pour lequel les protections publiques, politiques et sécuritaires sont plus fortes que celles dont dispose le représentant de l’administration pénitentiaire.
    Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, mais je m’interroge sur les conséquences que pourrait avoir le transfert de cette compétence à une autorité autre que le garde des sceaux, compte tenu des publics visés.

    Mme la présidente

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    Malgré les quatre orateurs inscrits, je vous propose que nous passions au vote de ces amendements, puisque nous avons déjà eu un long débat à leur sujet –⁠ à moins que vous ne souhaitiez rouvrir la discussion ? (« Non ! » sur de nombreux bancs.)
    Je mets aux voix les amendements identiques nos 415 et 756.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        179
            Nombre de suffrages exprimés                179
            Majorité absolue                        90
                    Pour l’adoption                58
                    Contre                121

    (Les amendements identiques nos 415 et 756 ne sont pas adoptés.)

    M. Erwan Balanant

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    Normalement, quand un nouveau sous-amendement est introduit, la discussion peut être rouverte !

    Mme la présidente

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    Pas obligatoirement, monsieur Balanant, mais vous pourrez présider la prochaine fois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    (L’amendement no 176 n’est pas adopté.)

    M. Erwan Balanant

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    Je voudrais faire un rappel au règlement, madame la présidente !

    Mme la présidente

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    Monsieur Balanant, je ne peux pas interrompre une série de votes. Je vous donnerai la parole juste après.

    (Le sous-amendement no 988 n’est pas adopté.)

    M. Inaki Echaniz

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    Le ministre n’a pas de majorité !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je n’y peux rien si vous n’avez pas su les convaincre !

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 208, 311, 538 et 961.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        181
            Nombre de suffrages exprimés                181
            Majorité absolue                        91
                    Pour l’adoption                62
                    Contre                119

    (Les amendements identiques nos 208, 311, 538 et 961 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Erwan Balanant, pour un rappel au règlement.

    M. Erwan Balanant

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    Madame la présidente, personne ne met en cause votre présidence –⁠ surtout pas moi –, car vos décisions sont le plus souvent justes (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP),…

    M. Antoine Léaument

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    Bravo !

    M. Erwan Balanant

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    …mais votre remarque était peut-être de trop. Vous savez bien que je ne peux pas présider, n’étant pas vice-président.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Sur quel article se fonde ce rappel au règlement ?

    M. Erwan Balanant

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    Je me suis borné à une observation : le garde des sceaux ayant déposé un nouveau sous-amendement dont l’adoption aurait eu des conséquences importantes, vous auriez pu rouvrir la discussion afin que les groupes donnent leur position. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Erwan Balanant

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    C’est simplement ce que je voulais dire. Je ne souhaite absolument pas présider à votre place.

    Mme Élisa Martin

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    Tant mieux, car nous non plus !

    Article 23 quinquies (appelé par priorité –⁠ suite)

    Mme la présidente

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    Fort bien.
    La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir l’amendement no 716, qui fait l’objet d’un sous-amendement no 987.

    M. Erwan Balanant

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    Il y a des façons moins condescendantes de parler !

    M. Pouria Amirshahi

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    Il est important que nous débattions, parce qu’il est question de mesures de restriction majeures : isolement renforcé, surveillance accrue, contrôle des communications.
    Nous sommes d’accord, il faut empêcher de dangereux criminels de provoquer des troubles dans la prison ou bien d’organiser ou de commanditer des crimes ou des délits depuis celle-ci. Mais vous envisagez pour ce faire des peines particulières. Ce n’est pas notre position.
    Reconnaissez que du fait de la gravité des mesures envisagées, leur application ne peut relever de la décision d’un seul homme. C’était l’objet de notre précédente discussion. Certes, nous sommes en démocratie, mais la démocratie française est malade de la surconcentration du pouvoir exécutif dans les mains d’un seul homme, que ce soit le président de la République ou le ministre de la justice.
    S’agissant de décisions aussi graves, nous proposons que des garanties fondamentales soient apportées, en distinguant correctement les personnes condamnées et les prévenus placés en détention provisoire. L’affectation des premières au sein d’un quartier de lutte contre le crime organisé nécessitera un avis du juge de l’application des peines ; pour les secondes, l’information du magistrat instructeur sera indispensable. Ce dernier pourra s’opposer à cette affectation dans un délai de huit jours.
    Je vous prie de m’excuser d’avoir pris le temps nécessaire, après la confusion autour du sous-amendement du gouvernement, pour préciser les choses, car il importe d’encadrer strictement cette mesure exorbitante de droit commun qui constitue une très grave privation de liberté.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sacha Houlié, pour soutenir le sous-amendement no 987.

    M. Sacha Houlié

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    Ceux qui font confiance au gouvernement auront peut-être été éclairés par la duplicité dont il vient de faire preuve lors des votes sur le sous-amendement no 988 et les amendements no 208 et identiques.
    Mon sous-amendement propose que l’avis rendu par le juge de l’application des peines soit un avis conforme. Comme le bleu de méthylène, il sert de révélateur : soit le gouvernement et le rapporteur émettent un avis favorable, démontrant ainsi qu’ils sont prêts à se défaire de la compétence discrétionnaire du garde des sceaux qu’est le placement d’un détenu en quartier de haute sécurité, soit ils émettent un avis défavorable, et nous saurons qu’ils entendent conserver à leurs seules fins ce pouvoir et les facultés qui lui sont attachées.
    Si le gouvernement est vraiment sincère, il donnera un avis favorable à ce sous-amendement.

    M. Inaki Echaniz

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    Mais le gouvernement est-il sincère ?

    Mme la présidente

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    Sur les amendements no 209 et identiques, je suis saisie par les groupes La France insoumise-Nouveau Front populaire et Socialistes et apparentés de demandes de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 716 et sur le sous-amendement no 987 ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Sur le sous-amendement qui prévoit un avis conforme du juge d’application des peines, mon avis sera défavorable. L’adopter reviendrait à créer quelque chose qui n’existe nulle part ailleurs. Une fois que quelqu’un est condamné, c’est l’autorité pénitentiaire qui définit où et comment cette personne est emprisonnée. Ce n’est pas au juge de l’application des peines d’en décider, même si l’autorité judiciaire peut être informée.
    L’amendement de M. Amirshahi a été le point de départ d’une longue discussion en commission et je pense qu’il nous permet de nous retrouver. Il propose deux procédures d’affectation différentes selon que la personne détenue est prévenue ou condamnée. Dans les deux cas, la décision administrative est maintenue, mais vous prévoyez la consultation d’un juge selon deux modalités : pour les personnes condamnées, on recueille l’avis du juge de l’application des peines ; pour les personnes prévenues, on informe le magistrat chargé de l’instruction, en lui donnant huit jours pour s’opposer à la décision s’il le souhaite. La commission a repoussé cet amendement, auquel je donne un avis personnel favorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Défavorable au sous-amendement et favorable à l’amendement.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Mon groupe sera pour sa part favorable au sous-amendement et à l’amendement. Par ailleurs, je souhaite revenir sur ce qui vient de se passer dans l’hémicycle. Nous sommes opposés aux régimes spéciaux de détention, même si, contrairement à ce que répètent certains collègues, parfois de manière très insultante, nous convenons que les narcotrafiquants posent des problèmes spécifiques. Nous n’utilisons pas les mêmes méthodes que ces collègues et nous avons avec eux des désaccords de fond. Cela fait partie du débat à l’Assemblée nationale –⁠ et heureusement que nous sommes là, car sans nous, il n’y aurait peut-être pas toujours de débat.
    Le débat ouvert par le dépôt du sous-amendement du gouvernement portait sur le risque d’arbitraire. Je trouve intéressant que dans son argumentation, M. le ministre ait dit, en quelque sorte, qu’il ne revendiquait pas l’honneur d’être une cible. Il a indiqué que si c’était le directeur de l’administration pénitentiaire qui décidait du régime d’incarcération, cela reporterait sur lui les risques alors que ce fonctionnaire est moins protégé qu’un ministre.
    Je ne prends la parole que pour alerter mes collègues sur ce point. Avec le narcotrafic, les risques ne concernent pas seulement la corruption. Ils concernent aussi la vie des personnes qui prennent les décisions et des membres de leur famille –⁠ leurs enfants, leur conjoint, etc. Chaque fois que vous votez, ayez en tête ces éléments-là ! Si nous souhaitions que la décision sur le régime d’incarcération dépende d’un fonctionnaire, c’était pour atténuer les risques de corruption et les risques d’atteinte aux personnes, car un fonctionnaire est chargé d’appliquer des ordres pris au-dessus de lui. Il est donc dommage que notre amendement n’ait pas été adopté.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sacha Houlié.

    M. Sacha Houlié

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    Monsieur le rapporteur, vous dites que ce que je propose n’existe nulle part. C’est bien normal, puisque vous revendiquez créer quelque chose d’inédit et que je m’y oppose. Vous comme moi faisons de la création juridique. Par ailleurs, j’ai dit que mon sous-amendement était un révélateur pour savoir si le ministre de la justice souhaitait ou non se départir d’un pouvoir discrétionnaire. En réalité, il ne le veut pas, comme il l’a montré avec le tour qu’il vient de jouer à la représentation nationale. Cette compétence discrétionnaire va dépasser la seule personne de M. Darmanin, qui ne sera pas toujours garde des sceaux. Les ministres de la justice qui vont lui succéder la conserveront quelle que soit leur identité. Il n’est pas souhaitable qu’ils aient ce droit exorbitant sur les détenus et les prévenus. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. Antoine Léaument

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    C’est fondamental !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Monsieur Houlié, ce n’est pas en faisant de la caricature qu’on convainc. Vous dites que nous créons un système nouveau. C’est inexact.

    M. Sacha Houlié

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    C’est vous qui l’avez dit ! Ne nous dites pas l’inverse de vos arguments précédents !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Monsieur Houlié, souvenez-vous de l’époque où vous étiez beaucoup plus calme dans l’hémicycle ! Cela nous rappellera d’excellents moments, car nous avons des souvenirs en commun.
    Nous sommes d’accord sur le fait qu’actuellement, la décision de placement dans un régime de détention est une décision administrative. Avec votre amendement, vous en faites une décision judiciaire. Vous changez par conséquent la nature du système de décision et l’ordre juridictionnel concerné en cas de recours. Sur ce point, nous avons répondu à notre collègue Éléonore Caroit que la décision administrative pourrait bien sûr faire l’objet d’un recours en référé, qui sera examiné dans un laps de temps très court.
    Ne caricaturez pas le dispositif ! Nous avons eu un débat intéressant et j’ai voté pour le sous-amendement du gouvernement, tout en considérant que remettre la responsabilité entre les mains du directeur de l’administration pénitentiaire comportait des risques, comme je vous l’ai indiqué en aparté. Nos débats démontrent une volonté de transparence et de dialogue. De plus, nous les tenons avec, en arrière-plan, toutes les avancées et les garanties supplémentaires proposées par le Conseil d’État. Il me semble que nous faisons collectivement œuvre utile et qu’il n’est pas nécessaire de passer par des arguments caricaturaux pour aboutir à des résultats.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Mazars.

    M. Stéphane Mazars

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    Ce que propose notre collègue Houlié avec son sous-amendement est encore plus iconoclaste que ce qui vient d’être dit. Nous avions deux options : soit une procédure administrative, avec ses voies de recours, soit une procédure juridictionnelle, avec ses voies de recours. Lui propose quelque chose d’hybride, avec une décision administrative prise par le garde des sceaux sur un avis conforme d’un juge de l’application des peines. Ce sous-amendement est donc totalement inopérant.
    En revanche, nous sommes évidemment favorables à l’amendement de notre collègue Amirshahi. Il trouve un très bon équilibre en opérant une distinction selon que la personne est en détention provisoire ou bien condamnée. Dans les deux cas, un avis est donné, sans que l’administration ait l’obligation de s’y conformer. Cela ouvre la possibilité pour un juge d’instruction de s’opposer à la décision du garde des sceaux selon les nécessités de son enquête, notamment celle d’une proximité avec la personne détenue pour organiser des confrontations. La majorité des membres de mon groupe devraient donc voter en faveur de cet amendement.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Après plusieurs heures de discussion, il semblerait qu’on puisse enfin avancer vers quelque chose de normal et de logique en établissant une distinction entre des personnes condamnées pour avoir commis des crimes ou des délits et d’autres qui sont seulement poursuivies. Pour en arriver là, il aura fallu que nous soyons accusés de faire de l’obstruction alors que nous essayons seulement d’instaurer un cadre législatif respectueux –⁠ non pour faire plaisir aux trafiquants, qui abîment la société, mais parce que ce que nous votons peut toujours donner lieu à une dérive. Plusieurs collègues ont ainsi rappelé que des dispositions prévues pour les terroristes avaient été appliquées à des militants pacifistes du droit de l’environnement. Il est de notre devoir d’anticiper et de prévenir de tels cas.
    J’ai donc cru naïvement qu’on pouvait avoir un véritable dialogue lorsque M. le ministre nous a proposé de déposer un sous-amendement. Mais ce dernier n’était qu’un hochet agité pour nous faire plaisir, puisque les votes étaient pipés avant même d’avoir lieu. Il est extrêmement dommage que les choses se déroulent ainsi alors que nous nous efforçons de parvenir à un texte qui nous permette de lutter contre la criminalité organisée, le grand banditisme et le trafic de stupéfiants. C’est manquer de hauteur de vue que de se livrer à de tels jeux de passe-passe, surtout quand l’Assemblée essaye de mettre en place des outils opérationnels de lutte contre les têtes de réseaux. Nous constatons qu’il y a beaucoup d’outils très opérationnels pour lutter contre la petite délinquance, les pauvres et les victimes des trafics, et assez peu en ligne avec les objectifs des sénateurs à l’origine du texte initial. Il est bien dommage que nous nous en éloignions autant.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Madame Regol, il y a une majorité pour ce texte dans l’hémicycle, personne n’en disconvient. On ne perd pas son temps pour le plaisir. J’ai écouté la défense des amendements, y compris les propositions de M. Bernalicis, et j’ai donné des avis favorables à de nombreux amendements du groupe socialiste, du groupe écologiste et, parfois, du groupe communiste. Je continuerai tout au long de l’examen du texte. Cela n’a pas encore été le cas pour des amendements du groupe La France insoumise, mais je sais que M. le rapporteur le fera et je le suivrai.
    Ne me faites pas le même procès que M. Houlié. Parce que vous avez perdu un vote, vous considérez qu’il y a eu un tour de passe-passe. Si vous estimez que ce que vous souhaitez doit être voté par l’Assemblée nationale, je ne peux rien y faire. C’est à vous de convaincre vos collègues. J’ai proposé que nous ayons un nouveau débat et je m’en suis remis à la sagesse de l’Assemblée sur mon propre sous-amendement. Ensuite, elle décide comme elle l’entend.
    Madame la présidente, j’entends vos demandes pour que nous accélérions. Je retarde les débats par les explications que je donne pour montrer à la représentation nationale que je prends au sérieux les questions qu’elle me pose. Madame la députée, si vous considérez qu’à chaque fois que je fais quelque chose, j’ai une idée derrière la tête, et qu’à chaque fois que je ne fais rien, il en est de même, nous n’allons pas aller loin dans la discussion. Vos accusations, comme celles du député Houlié, ne sont pas dignes des échanges que nous avons eus.

    Mme Sandra Regol

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    Vous inversez complètement les rôles !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Si les mains que je tends me reviennent en pleine figure, on va voter bêtement et je me contenterai de dire « avis favorable » ou « avis défavorable » à chaque amendement. Ce n’était pas mon intention en présentant ce texte. Je viens d’ailleurs de donner un avis favorable au groupe écologiste sur l’amendement de M. Amirshahi, et vous ne l’avez même pas souligné. Je regrette les conditions dans lesquelles nous discutons désormais de ce texte. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    J’ai en effet précisé qu’il serait bon d’accélérer. Pour votre bonne information, je vous indique qu’au rythme actuel, il nous faudrait quatre-vingt-treize heures et trente minutes pour finir l’examen du texte. Or nous ne les avons pas. J’ai encore des demandes de prise de parole mais quatre orateurs se sont exprimés, comme nous en sommes convenus tout à l’heure. Sur les prochains amendements, j’inscrirai donc en priorité les députés qui n’ont pas pu le faire cette fois-ci.

    (Le sous-amendement no 987 n’est pas adopté.)

    (L’amendement no 716 est adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 209, 312 et 439.
    La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 209.

    Mme Colette Capdevielle

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    Je comprends bien la nécessité de protéger les fonctionnaires. Toutefois, à un moment donné, il faut que les juges interviennent, d’abord pour mettre en examen, puis pour placer en détention ou non, et enfin pour juger. Je trouve donc que l’argumentation selon laquelle il faudrait les protéger n’est pas vraiment acceptable.
    L’amendement no 209 est un amendement de repli qui vise à insérer à l’alinéa 11 que le débat est contradictoire « [conformément] aux dispositions de l’article R. 213-21 du code pénitentiaire ».

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Eléonore Caroit, pour soutenir l’amendement no 312.

    Mme Eléonore Caroit

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    Il s’agit d’un amendement de repli, qui tend à maintenir le système en l’état. Lorsque l’on place un détenu à l’isolement, il faut qu’il y ait un double regard. Certes, il est nécessaire d’avoir des prisons ultrasécurisées et de lutter contre le grand banditisme, mais cela ne doit pas se faire au détriment de la procédure, qui garantit le respect des bonnes conditions de détention. Il n’y a donc rien d’exceptionnel dans ces amendements si ce n’est la volonté de maintenir un régime similaire à celui qui existe pour le placement en isolement.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 439.

    M. Jean-François Coulomme

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    Le hasard veut que nous ayons déposé des amendements identiques : c’est bien la preuve que ceux-ci ont une pertinence ! Ils ne visent qu’à graver dans le marbre qu’on ne doit pas déroger à l’article R. 213-21 du code pénitentiaire, notamment pour ce qui concerne les dispositions précisant que la personne détenue doit être informée des motifs invoqués par l’administration, que cette information doit être écrite de manière à conserver la trace desdits motifs, que le chef d’établissement donne son avis et que le prévenu a le droit de disposer d’un interprète, ce qui nous semble une condition indispensable à la procédure contradictoire.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Plusieurs éléments de la procédure contradictoire que vous évoquez sont déjà précisés dans le texte : ainsi, la nécessité de rendre par écrit une décision motivée, la présence de l’avocat –⁠ nous verrons ultérieurement comment préciser qu’elle est obligatoire – et les observations écrites ou orales.
    Pour le reste, vous faites référence à l’article R. 213-21 du code pénitentiaire, qui est du domaine réglementaire et qui relève donc du ministère de la justice. Je noterai simplement qu’il existe des régimes mieux-disants, par exemple celui qui s’applique aux personnes placées en unité pour détenus violents ; ils pourraient inspirer le régime qui concernera les détenus placés en quartier de lutte contre la criminalité organisée.
    Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Cet amendement est un peu bizarre –⁠ mais on peut s’attendre à tout s’agissant d’un amendement d’obstruction déposé par La France insoumise. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont les membres désignent les bancs du groupe SOC ainsi que Mme Eléonore Caroit.)
    Quand vous demandez des interprètes, on se demande bien qui vous stigmatisez ! Cela voudrait-il dire que ce sont les étrangers qui sont concernés ? Je me demande comment vous l’auriez pris si c’était nous qui avions déposé cet amendement !
    Madame la présidente, vous nous demandez à juste titre d’accélérer. Je veux bien, mais le débat doit être sérieux ; or nous sommes sans cesse saisis d’amendements d’obstruction de la part de la gauche, qui fait tout pour que le texte n’aboutisse pas.

    M. Arthur Delaporte

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    Ce n’est pas de l’obstruction !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Le garde des sceaux a été mis en cause tout à l’heure pour avoir déposé un sous-amendement. Il est vrai qu’il n’était pas très courageux, ce sous-amendement ; le ministre savait très bien quel serait le résultat du vote. J’admets que s’il avait été adopté, nous aurions pu considérer que c’était pour lui une manière de fuir ses responsabilités, et nous n’avons pas voulu qu’il le fasse.
    Je vous demanderai donc une fois de plus de bien vouloir les assumer, ces responsabilités, monsieur le garde des sceaux, et de vous excuser –⁠ tout comme vous aviez demandé à Mme Capdevielle de s’excuser après les propos qu’elle avait tenus hier. Vous avez menti : excusez-vous !

    M. Arthur Delaporte

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    Eh bien ! Ça vole bas, au RN !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon

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    La confusion que fait le Rassemblement national entre la consolidation des garanties procédurales et l’obstruction est révélatrice !
    Monsieur le ministre, j’ai trouvé que lorsque Mme Regol prenait la parole, votre volonté constructive s’effritait très vite. Nous avons quand même le droit de dire que l’article 23 quinquies ne nous convient pas, même si vous émettez un avis favorable sur un amendement ! Nous n’avons pas à remercier le gouvernement parce qu’il émet un avis favorable : ce n’est pas faire un cadeau, c’est juste le fruit du travail du Parlement.
    En l’espèce, nous essayons de consolider les garanties procédurales d’un détenu ou d’un prévenu affecté dans un quartier de haute sécurité. Tant mieux si nous y arrivons dans une certaine mesure ; il n’empêche que, comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, cet article est pour nous une ligne rouge. Nous continuerons à le dire. En dehors des garanties procédurales à consolider, les critères d’affectation sont vagues et trop larges, et vous avez bien du mal à définir avec précision les objectifs réels de la création de ces quartiers de haute sécurité. Même encadré, le dispositif reste flou.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    En commission, nos collègues du Rassemblement national ont dénoncé nos arguments essentiellement en nous accusant d’être les amis des narcotrafiquants, de vouloir faciliter le crime, de ne pas vouloir lutter contre la délinquance, et ainsi de suite. (Approbation sur les bancs du groupe RN.) J’avais répondu : « Si vous voulez améliorer le texte, il faut déposer des amendements. » En l’occurrence, vous n’en avez déposé aucun à cet article pourtant fondamental, ajouté par M. Darmanin en commission.

    Plusieurs députés du groupe RN

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    Il nous va, cet article !

    M. Antoine Léaument

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    Vous avez entendu ? L’article leur convient ! C’est bien ce qui m’inquiète : il s’agit d’un article avec lequel le Rassemblement national est d’accord et sur lequel il se fait le porteur de la parole du gouvernement, alors que toute la partie gauche de l’hémicycle et même des personnes issues de vos propres rangs, comme Mme Caroit, déposent des amendements afin de vous alerter sur certains risques. Même M. Darmanin reconnaît qu’il peut y en avoir et dépose des sous-amendements. Alors ne prenez pas les gens pour des imbéciles –⁠ y compris vos propres électeurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
    La vérité, c’est qu’à travers nos amendements, nous essayons de défendre des principes, s’agissant d’un texte ou, plus particulièrement, d’un article que nous considérons comme compliqué du point de vue des libertés. Nous essayons de défendre ce qui est écrit tout en haut de l’hémicycle : Liberté, Égalité, Fraternité. Et défendre des principes, ne vous en déplaise, cela prend un peu de temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Prisca Thevenot

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    Oh là là !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je sais qu’il faut accélérer mais pour que ce soit possible, encore faudrait-il que nos collègues de La France insoumise, en particulier Antoine Léaument, n’utilisent pas ce genre d’arguments ! Vous n’avez eu aucune pudeur, sous la XVIe législature, à faire de l’obstruction. Vous n’avez eu aucune pudeur à voter contre la réforme des retraites et pour des dizaines et des dizaines de motions de censure avec le Rassemblement national. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe EPR. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous n’avez eu aucune pudeur à censurer le gouvernement de Michel Barnier avec le Rassemblement national. (Mêmes mouvements.) Vous n’avez eu aucune pudeur, cet automne, à voter pour une explosion de taxes avec le Rassemblement national. Revenons au texte et n’utilisez plus ce genre d’arguments, s’il vous plaît ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. –⁠ Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Monsieur Dessigny, manifestement La Poste chez vous doit être défectueuse ! Je vous adresserai la copie du courrier demain.
    J’en profite pour vous confirmer que, pour ce qui concerne les centres de rétention administrative, je n’ai eu de réponse d’aucun maire du Rassemblement national –⁠ pourtant, vous en réclamez un grand nombre. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Quant aux prisons, même si vous n’avez pas reçu ce courrier, rien ne vous empêche de prendre la parole pour dire dans quelle ville administrée par le Rassemblement national vous souhaitez que nous en construisions. (Mêmes mouvements.)

    M. Arthur Delaporte

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    Au château de Montretout !

    M. Alexandre Dufosset

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    Pourquoi pas à Tourcoing ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Nous pourrions ainsi en parler directement –⁠ mais vous ne le faites pas.
    Je demande donc aux membres du Rassemblement national d’éviter les attaques personnelles –⁠ même si je sais que c’est une habitude chez vous et que cela fait partie de la culture de votre groupe politique. Et si, d’ici à vendredi, vous trouvez un ou deux terrains libres dans une ville administrée par le Rassemblement national, nous serons heureux d’y construire un centre de détention. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 209, 312 et 439.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        169
            Nombre de suffrages exprimés                169
            Majorité absolue                        85
                    Pour l’adoption                56
                    Contre                113

    (Les amendements identiques nos 209, 312 et 439 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 413.

    Mme Élisa Martin

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    Vous l’avez compris : nous sommes tout à fait opposés à ce nouveau régime de détention, qui correspond selon nous à une conception vengeresse de la justice, laquelle retire tout sens à la peine. De surcroît, il nous semble que les principes minimaux d’une justice républicaine ne sont pas respectés, en particulier pour ce qui relève des droits de la défense. C’est pourquoi nous souhaitons qu’il soit inscrit dans la loi que la présence de l’avocat lors de la procédure contradictoire d’affectation est obligatoire. Cela nous semble normal s’agissant d’une procédure contradictoire, qui plus est lorsqu’il s’agit de placer quelqu’un sous ce régime de détention.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Cet avis sera l’occasion de vous prouver qu’au sein de cette assemblée, quand il s’agit des principes républicains, qui sont souvent cités au gré d’une énumération des articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, nous sommes capables de nous écouter, de nous entendre et de tracer ensemble, à l’issue d’un vrai travail parlementaire, un chemin consensuel.
    En l’espèce, il s’agit de rendre obligatoire la présence de l’avocat durant la procédure contradictoire prévue au présent article. Nous en avions déjà discuté en commission et je suis certain que vous vous souvenez des diverses opinions qui avaient été émises à cette occasion. J’ai entendu les arguments en faveur de la présence de l’avocat, avancés depuis tous les bancs ; c’est pourquoi j’ai décidé d’émettre, à titre personnel, un avis favorable sur cet amendement, quoique l’avis de la commission soit défavorable. Parfois, cela va mieux en l’écrivant –⁠ même si ce principe ne doit pas nous gouverner en permanence : vu certains amendements, l’article comporterait vraiment tout et n’importe quoi !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Favorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yoann Gillet.

    M. Yoann Gillet

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    Monsieur le garde des sceaux, je souhaiterais répondre calmement à votre interpellation précédente.

    Mme la présidente

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    Je suis désolée, cher collègue, mais il faut que le débat avance. Votre intervention a-t-elle un lien avec l’amendement ?

    M. Yoann Gillet

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    Elle a un lien évident avec l’amendement, madame la présidente.

    Mme la présidente

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    Dans ce cas, allez-y !

    M. Yoann Gillet

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    Vous dites, monsieur le garde des sceaux, qu’un certain nombre de communes ne vous ont pas répondu et ne vous ont pas proposé de terrains pour construire des centres de rétention administrative. Nous avons eu à quarante reprises ce débat avec votre prédécesseur et avec vous, y compris lorsque vous étiez ministre de l’intérieur.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État et M. Pierre Pribetich

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    Cela n’a rien à voir avec l’amendement !

    M. Yoann Gillet

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    Non seulement l’administration pénitentiaire a du foncier disponible…

    Mme la présidente

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    Votre intervention ne porte pas sur l’amendement, cher collègue.

    M. Yoann Gillet

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    J’y viens, madame la présidente. Vous n’avez pas à juger de mes propos ; leur lien avec l’amendement est évident.
    L’administration pénitentiaire a donc du foncier disponible et vous refusez de l’utiliser.
    Ensuite –⁠ nous en avons parlé aussi à quarante reprises –, les règles d’urbanisme qui s’imposent à toutes les communes, quelle que soit leur étiquette politique, doivent être assouplies si l’on veut permettre la construction de prisons ou de CRA. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Quel rapport avec l’amendement ?

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Que de temps perdu !

    M. Yoann Gillet

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    Plus globalement, monsieur le garde des sceaux, soyez serein, soyez calme… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)

    Mme la présidente

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    Votre intervention ne porte pas sur l’amendement. Nous passons au vote. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Il a joué, il a perdu !

    (L’amendement no 413 est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 718.

    M. Hendrik Davi

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    Nous sommes toujours opposés au régime dérogatoire que constituent les quartiers de haute sécurité. Notre objectif reste donc d’encadrer l’affectation dans ces quartiers. C’est important, car une telle affectation entraîne un régime ultrasécuritaire, dont je tiens à rappeler plusieurs caractéristiques : restrictions accrues, isolement forcé, surveillance constante. Pourtant, aucun contrôle judiciaire a priori n’est prévu, il est donc impératif d’assurer le respect des droits de la défense, sans le renvoyer à un décret ou le laisser à la discrétion de l’administration pénitentiaire.
    L’amendement vise à inscrire dans la loi des garanties procédurales claires, dont voici la liste : la communication à la personne détenue des motifs d’affectation et des avis des magistrats consultés afin de permettre un vrai débat contradictoire ; l’octroi d’un délai minimal de cinq jours pour préparer ses observations ; l’accès aux éléments du dossier en présence d’un avocat ; l’inclusion dans le dossier des observations écrites de la personne détenue et la rédaction d’un compte rendu des échanges oraux.
    L’administration invoquant souvent l’urgence pour contourner la procédure contradictoire, le texte doit empêcher que ces garanties soient écartées à la première difficulté. Notre responsabilité, c’est d’inscrire ces protections dans la loi afin de garantir la transparence et le respect des droits fondamentaux.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Ma réponse sera la même que celle que j’ai faite à propos de l’amendement de Mme Capdevielle traitant du même sujet : plusieurs éléments que vous évoquez figurent déjà dans l’article de loi, notamment la motivation de la décision et la présence de l’avocat lors de la procédure contradictoire, présence que l’adoption de l’amendement précédent a d’ailleurs rendue obligatoire. Nous avons donc déjà introduit des garanties supplémentaires.
    Ce que je disais s’agissant de l’amendement de Mme Capdevielle reste valable : il existe plusieurs régimes dans le domaine réglementaire, certains sont mieux-disants que d’autres. Par exemple, celui qui régit les unités pour détenus violents (UDV) prévoit soixante-douze heures pour que la personne qui y sera placée puisse faire connaître ses observations. Ce régime pourrait inspirer celui qui s’appliquera dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée. Il s’agit d’un régime mieux-disant que certains régimes prévus par d’autres articles du domaine réglementaire, tels que celui auquel renvoyait l’amendement de Mme Capdevielle, qui ne prévoit que trois heures, délai effectivement très limité, pour faire connaître ses observations.
    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michaël Taverne.

    M. Michaël Taverne

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    Monsieur le rapporteur, vous avez à juste titre indiqué que ce que demandait l’amendement était déjà prévu dans la loi. Or, hier, vous vous êtes opposé à un amendement par lequel le Rassemblement national soulignait qu’un article ajouté dans le texte contenait des dispositions déjà prévues par la loi. Sans doute avez-vous donné cet avis parce que l’amendement venait du Rassemblement national.

    M. Jean-François Coulomme

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    Un seul amendement !

    M. Michaël Taverne

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    Votre petit sourire en dit long ! Nous voterons bien évidemment contre l’amendement no 718, puisque les mesures qu’il contient sont déjà prévues par la loi.
    Je réponds ensuite à M. Léaument : nous avons déposé de multiples amendements, car nous souhaitons améliorer le texte qui ne passera jamais sans les voix du Rassemblement national. Nous essayons d’être efficaces en déposant des amendements de bon sens, contrairement à ceux de La France insoumise, qui ne sont d’ailleurs jamais adoptés,…

    M. Antoine Léaument

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    Menteur !

    M. Jean-François Coulomme

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    On vient d’en adopter un !

    M. Michaël Taverne

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    …preuve qu’ils ne sont pas pertinents, tant ils sont déconnectés de la réalité. Nous travaillons, comme tout le monde.
    Je rappelle également qu’un amendement de La France insoumise a été adopté grâce aux voix du Rassemblement national ; il demandait un rapport sur les logiciels de rédaction de procédure.

    M. Arthur Delaporte

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    Voilà qui révolutionne le texte !

    M. Michaël Taverne

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    Certes, mais nous sommes constructifs : quand un amendement va dans le bon sens, nous le votons d’où qu’il vienne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    (L’amendement no 718 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 832.

    Mme Sandra Regol

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    Il vise à prévoir un délai de quarante-huit heures pour répondre à un recours. En effet, la rédaction de l’alinéa 11 prévoit un recours, mais ne définit pas le délai imparti pour y répondre. Il existe déjà des procédures permettant d’obtenir une décision dans un tel délai, mais pour que la garantie soit entière, mieux vaut qu’elle soit explicitement inscrite dans le texte plutôt qu’implicite.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Vous souhaitez fixer dans le texte un délai maximal de traitement des référés-suspension et des référés « mesures utiles », lorsqu’ils concernent une décision d’affectation en quartier de lutte contre la criminalité organisée. Votre amendement me paraît en grande partie satisfait : s’agissant des référés « mesures utiles », il est satisfait en l’état du droit positif, puisque l’article L. 521-2 du code de justice administrative tel qu’il est d’ores et déjà rédigé prévoit que le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ; concernant le référé-suspension, il l’est en pratique, la décision du juge intervenant en fonction de la situation, soit en quarante-huit heures en cas d’urgence.
    Je suis donc défavorable à votre amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Romain Baubry.

    M. Romain Baubry

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    La question des affectations est intéressante. Je me souviens qu’au cours de la commission d’enquête parlementaire sur l’assassinat d’Yvan Colonna dans la prison d’Arles, nous avions discuté des DPS et de leur affectation. Après m’être rendu sur l’île de Beauté pour visiter les établissements pénitentiaires de Corse, j’avais déposé des amendements au cours du débat budgétaire de l’automne 2023 ; ils visaient à permettre la construction de nouveaux bâtiments, notamment à l’intérieur de la prison de Borgo, pour accueillir ces fameux prisonniers DPS.
    En effet, l’administration pénitentiaire a déjà du foncier : dans certains établissements, il reste possible de construire une prison supplémentaire –⁠ c’est notamment le cas à Borgo. Vous voulez créer des places supplémentaires ? Réduisez la taille des stades de toutes les prisons, par exemple ; cela permettra de construire un bâtiment pouvant accueillir 300 détenus. Vous voyez, monsieur le ministre, je vous ai trouvé où construire des bâtiments pouvant accueillir des cellules supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    (L’amendement no 832 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de dix-neuf amendements, nos 400, 401, 403, 404, 397, 211, 314, 399, 522, 227, 398, 722, 177, 720, 721, 158, 797, 801 et 159, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 211, 314 et 399 sont identiques, de même que les amendements nos 227, 398 et 722, les amendements nos 177 et 720 ainsi que les amendements nos 158, 797 et 801.
    La parole est à Mme Gabrielle Cathala, pour soutenir l’amendement no 400.

    Mme Gabrielle Cathala

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    Le Rassemblement national parlera sans doute d’obstruction, mais il s’agit d’un amendement qui montre notre opposition à ce texte, tout en visant à garantir un minimum de respect des libertés fondamentales dans notre pays.
    Vous l’aurez compris, nous sommes totalement opposés au nouveau régime de détention.
    Monsieur le ministre, vous avez cité à de nombreuses reprises l’exemple du régime italien. Celui-ci prévoit pourtant un réexamen de la décision de mise à l’isolement au bout de six mois, contre une durée initialement fixée à quatre ans, puis réduite à deux dans votre texte, alors que la CEDH n’a accepté aucune durée excédant six mois.
    Cela me permet de revenir à ma question de tout à l’heure : je vous ai interrogé sur l’avis de la Défenseure des droits, qui affirme clairement que votre texte bafoue à la fois l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme sur les traitements inhumains ou dégradants, l’article 6 sur le droit à un procès équitable et l’article 8 sur le droit au respect de la vie privée et familiale. Vous n’avez pas répondu et M. le président de la commission des lois a cru que ma question portait sur l’avis du Conseil d’État. Je la réitère donc : avez-vous lu cet avis de la Défenseure des droits –⁠ peut-être cela représente-t-il pour vous un effort colossal, puisqu’il fait trente-trois pages ? Qu’en pensez-vous et qu’avez-vous à nous répondre sur ces violations sans précédent de la Convention européenne des droits de l’homme dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements no 211 et identiques, par les groupes La France insoumise-Nouveau Front populaire et Socialistes et apparentés ; sur les amendements no 227 et identiques, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire ; et sur les amendements no 177 et identique, par les groupes Socialistes et apparentés et Écologiste et social.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 401.

    M. Ugo Bernalicis

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    Il porte lui aussi sur la durée devant s’écouler avant qu’une procédure de renouvellement permette de réexaminer le placement dans les fameux quartiers que crée M. le ministre.
    On nous a tenu des propos contradictoires. Si l’objectif est l’étanchéité et rien d’autre, alors, comme l’avait fait remarquer M. Amirshahi, garder une personne six mois à l’isolement suffit à l’empêcher de suivre son business et oblige à passer par quelqu’un d’autre. Or M. Darmanin voulait quatre ans, parce que quatre ans, c’est dur. Voilà le fond de l’affaire : ce n’est pas une question d’étanchéité, mais de dureté. La privation de nombreuses activités que permet le statut de DPS –⁠ déjà en vigueur, ce statut ne figure pas dans le texte, mais les deux dispositions se compléteront – doit être mise en balance avec le statut de repenti, qui permettra d’échapper à ce régime dur. Vous l’avez indiqué vous-même, monsieur le ministre, mais j’aimerais que vous reveniez sur ce point. La sévérité, la dureté, voire la volonté d’infliger une douleur aux personnes détenues dans de telles conditions –⁠ vous avez une conception doloriste de la peine – constitue donc le but premier du dispositif. Il s’agit notamment de mettre ces conditions dans la balance afin de faire accepter un futur statut de repenti.
    Soyons clairs, cette volonté a aussi des raisons politiciennes : il faut pouvoir expliquer sur les plateaux de télévision qu’on a été très dur avec les méchants, afin de jouer les gros bras. Or, vu le périmètre que vous avez défini, si les militants de Bure étaient en détention provisoire, ils pourraient entrer dans ce type de quartiers. Du fait de vos politiques, on finit vite au poste, de nos jours !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 403.

    Mme Élisa Martin

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    Au fronton de l’ADX Florence, dans le Colorado, il est écrit : « Toi qui entres ici, abandonne tout espoir ! » C’est cela, la torture blanche : des prisonniers mis à l’isolement, tel que vous le souhaitez –⁠ vingt-trois heures sur vingt-quatre, pour être tout à fait précise. Or les êtres humains, quels qu’ils soient, restent des animaux sociaux : ils ont besoin d’avoir des contacts.
    Nous vous l’avons dit : quel qu’aient été les crimes commis par ces personnes, la République se doit de se tenir au-dessus ; du moins doit-elle se conformer aux standards internationaux de respect des êtres humains que l’on emprisonne. Voilà la raison pour laquelle il nous paraît inacceptable d’enfermer les gens pour des périodes de quatre années, comme vous le souhaitez.
    Au bout de quinze jours, des processus psychiques quasiment irrémédiables commencent : on entend des voix, on a des hallucinations. Pensez-vous vraiment que la France mérite d’assumer un tel régime pénitentiaire, qui visera à casser les personnes incarcérées, à les réduire à néant et à les déshumaniser –⁠ tout comme ceux qui auront la charge de les garder ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 404.

    M. Antoine Léaument

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    Cette série d’amendements vise à vous alerter sur les risques que ces conditions de détention font peser sur les individus. Tout à l’heure, M. Baubry a indiqué que certaines personnes emprisonnées présentaient un profil psychiatrique –⁠ je crois que c’est ainsi qu’il l’a dit – et pouvaient de ce fait se montrer très agressives. Une question n’est presque jamais posée, quand on évoque la prison : à quoi sert-elle ? (Rumeurs sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.)

    Mme Émilie Bonnivard

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    C’est bon, on le sait !

    M. Antoine Léaument

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    Ma question vous fait soupirer, mais vous semblez considérer la prison comme un lieu d’isolement définitif.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Pas du tout !

    M. Antoine Léaument

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    Si !

    Mme Émilie Bonnivard

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    On a juste envie d’avancer !

    M. Antoine Léaument

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    Soit vous considérez la prison comme un lieu d’isolement définitif, auquel cas vous décidez de condamner à la prison à perpétuité dès qu’une faute a été commise, de façon à séparer les coupables du reste de la société –⁠ vision des choses dont j’ai souvent l’impression qu’elle est la vôtre, de l’autre côté de l’hémicycle ;…

    Mme Émilie Bonnivard

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    On n’est pas en cours de philosophie politique !

    M. Antoine Léaument

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    …soit vous estimez qu’elle doit être un lieu de réhabilitation, dans lequel les gens purgent certes la peine à laquelle ils ont été condamnés, mais dont on essaie de faire en sorte qu’elle n’aggrave pas les choses, qu’elle ne crée pas de la récidive en mettant les détenus à l’école du crime, ni des difficultés psychiatriques. Il faut que, de ce lieu si particulier, les gens ne sortent pas pires qu’ils n’y sont entrés. Voilà la raison pour laquelle nous souhaitions un débat sur cette disposition, afin que chacun puisse y réfléchir. Je sais qu’au-delà de nos bancs, plusieurs personnes sont très attentives à la question –⁠ je les vois sourire.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 397.

    Mme Élisa Martin

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    Aux conséquences déjà évoquées de l’isolement, documentées par des observations objectives, j’ajouterai un élément : la colère et la révolte. Un prisonnier célèbre affirmait que l’on transforme les gens en fauves, et je crois qu’il n’avait pas tort. Vu cette destruction systématique des individus, comment, monsieur le ministre, imaginez-vous leur sortie ?

    Mme la présidente

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    Nous en venons aux trois amendements identiques nos 211, 314 et 399.
    La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 211.

    Mme Colette Capdevielle

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    Lors des débats en commission des lois, monsieur le garde des sceaux, vous nous avez indiqué, avant même que l’avis du Conseil d’État ait été publié, que la durée n’était pas gravée dans le marbre et que vous étiez ouvert à la discussion sur ce sujet. Nous estimions que quatre ans, c’était délirant : le fait d’imaginer enfermer quelqu’un pendant quatre ans dans ce type de quartier, sans aménagement possible, nous paraissait incroyable.
    Le Conseil d’État a coupé la poire en deux : au doigt mouillé, il a estimé qu’une durée de deux ans était acceptable, mais sans donner de véritables explications. En une sorte de jugement de Salomon, il nous dit que quatre ans, c’est trop, alors que deux ans, c’est acceptable. Cependant deux ans, c’est encore une période très longue et, que vous le vouliez au non, dérogatoire du droit commun. Il s’agit d’un isolement total ; on ne sait pas encore comment vous voyez les choses, mais les personnes qui seront détenues sous ce régime pourront-elles étudier ? Pourront-elles se former ? Auront-elles accès à la connaissance ? Si l’on se réfère au régime italien, alors elles n’auront accès ni à la télévision ni à la radio. C’est absolument inacceptable !
    Nous proposons pour notre part trois mois. C’est déjà une durée élevée, étant admis que plus un régime dérogatoire privatif de liberté est limité dans le temps, plus il est efficace. C’est d’ailleurs la même chose pour les peines de prison : les courtes peines peuvent se révéler plus efficaces que les autres. En l’espèce, on voit difficilement comment on pourrait aller jusqu’à deux ans de ce régime dans de tels quartiers.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Eléonore Caroit, pour soutenir l’amendement no 314.

    Mme Eléonore Caroit

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    Je voudrais recentrer le débat : nous ne sommes pas en train de demander de limiter la durée totale passée dans ces quartiers ; nous voulons juste donner une perspective aux détenus. S’il était possible de les mettre en détention dans ces conditions pour une durée de quatre ans –⁠ ou même de deux ans – sans que la décision ne soit revue, ils perdraient tout horizon : il n’y aurait aucune issue possible.
    Je propose pour ma part une durée de trois mois, qui me semble raisonnable. Cela ne signifie pas qu’après ces trois mois, l’individu concerné, s’il présente toujours le même niveau de dangerosité, ne pourra pas être maintenu –⁠ ou replacé – dans ces quartiers de haute sécurité.
    En effet, que sommes-nous en train de faire ? Nous prenons en compte la nécessité absolue de protéger le personnel pénitentiaire et l’ensemble de notre société en empêchant que des crimes –⁠ mais aussi des délits, puisque vous l’avez décidé – soient commis. Très bien ! C’est un but qui est louable et je pense que tout le monde, ici, le partage. Mais se dire que l’on pourrait placer un individu dans des conditions aussi sévères –⁠ les plus sévères d’Europe, disiez-vous, monsieur le garde des sceaux – pour une durée aussi longue que quatre ans, ou même deux ans, sans que cette décision puisse être reconsidérée, cela me fait un peu penser à l’abbé Faria qui, dans Le Comte de Monte-Cristo, perd la notion du temps –⁠ il ne sait plus où il en est. C’est long, deux ans ! Ça n’a rien à voir mais lorsque nous avons été confinés, nous en avons un peu fait l’expérience.

    M. Philippe Ballard

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    Je confirme : ça n’a rien à voir !

    Mme Eléonore Caroit

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    Imaginez un peu cette durée ! Certes, ça n’a rien à voir, mais ayez en tête qu’il ne s’agit pas de libérer l’individu en question au bout de trois mois ! Il ne s’agit pas de mettre fin à la peine qui aurait été prononcée par un juge judiciaire :…

    M. Arthur Delaporte

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    Elle a raison !

    Mme Eléonore Caroit

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    …il s’agit de décider de son maintien ou non dans un quartier de haute sécurité (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC), en évaluant la nécessité de ce placement. Procéder ainsi, ce n’est ni faire preuve de faiblesse ni remettre en cause l’existence du système : c’est simplement réintroduire une durée raisonnable, qui offre des perspectives.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 399.

    M. Ugo Bernalicis

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    Nous en sommes à l’amendement qui vise à aligner le texte sur le régime actuel de l’isolement, pour ce qui est du délai au bout duquel la décision devra être réexaminée. Monsieur le garde des sceaux, vous indiquiez, au début de notre discussion, que le détenu placé depuis le plus longtemps à l’isolement l’était depuis seize ans, mais il n’empêche que sa situation est réexaminée tous les trois mois. Tous les trois mois, il peut formuler la demande de ne plus être à l’isolement et une discussion s’engage avec l’administration pénitentiaire : c’est sain !
    C’est d’ailleurs ce qui rend particulièrement difficile –⁠ notamment en ce qui me concerne – d’argumenter contre le régime des détenus particulièrement signalés, qui est cadré par une circulaire et est difficilement contestable. Les rares contestations n’ont jamais abouti et aucune juridiction n’a remis en cause le régime en tant que tel, alors que pour ma part, je le trouve déjà très exorbitant du droit commun et très liberticide.
    En revanche, des recours ont déjà été formulés sur des cas d’espèce, notamment des fouilles intégrales trop fréquentes pour lesquelles la CEDH a condamné la France en expliquant qu’elles étaient très problématiques. On cherche toujours à introduire des garanties dans les textes en droit, mais dans les faits, les choses se passent un peu différemment.
    Par exemple, en admettant que la mesure soit adoptée, les individus concernés seraient affectés à ce type de quartier pendant deux ans ; or ils y feront l’objet de « fouilles intégrales systématiques » à chaque fois qu’ils sortiront de la « surveillance constante d’un personnel de l’administration pénitentiaire » –⁠ c’est ainsi que l’article est rédigé. Dans nos établissements pénitentiaires, il existe des brimades indirectes : on laisse ainsi exprès quelqu’un sans surveillance directe pour pouvoir ensuite réaliser une fouille. Ce sont des choses qui arrivent ! Certains personnels soignants se voient même entravés dans leurs déplacements en prison lorsqu’ils demandent trop d’extractions médicales. Je sais de quoi je parle, puisqu’on me l’a expliqué au centre pénitentiaire d’Annœulin.
    Nous devons donc tenir compte de la manière dont fonctionnent nos prisons : il faut être conscient du fait que ce régime sera encore bien plus dur, en réalité, que ce que nous sommes en train de voter.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 522.

    Mme Elsa Faucillon

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    Monsieur le ministre, depuis le début des débats sur cet article, vous tentez de faire comme si le régime de détention que vous proposez, dans le cadre des quartiers de haute sécurité, était nouveau. J’ai l’impression que c’est une manière de vous dissocier des effets connus des régimes de détention existants, similaires à celui-là.
    Or plusieurs organismes nous ont alertés sur les effets que peuvent produire de tels régimes, qui se caractérisent par des conditions très strictes et un isolement renforcé : certains, comme la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), parlent de « fabrique des fous » ; le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), lui, nous dit que ce type de traitement peut s’apparenter à de la torture blanche ; et vous, vous faites fi de toutes ces alertes !

    M. Philippe Ballard

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    On parle de narcotrafiquants ! Il faut redescendre sur terre !

    Mme Elsa Faucillon

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    Vous nous dites que ce que vous proposez ne correspond pas exactement à ce qui existe ailleurs. En l’occurrence, vous vous appuyez sur l’avis du Conseil d’État qui, comme le disait ma collègue Capdevielle, préconise deux ans sans justifier cette durée : quatre, c’était trop, mais on ne sait pas pourquoi on passerait à deux, toujours sans réexamen possible. Si vous pensez réellement que c’est une mesure nouvelle et si vous ne souhaitez pas nous exposer les conditions exactes dans lesquelles ces personnes seront enfermées –⁠ nous ne savons pas exactement qui le sera ni pourquoi –, réduisez au moins la durée et rendez-la réexaminable ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
    Si vous pensez que ce que vous proposez n’aura pas les effets habituellement observés par diverses institutions s’agissant de ce type de régime, conservez tout de même une certaine souplesse en laissant la possibilité de réexaminer la décision ; rien n’empêchera d’y revenir ultérieurement. Puisqu’il est impossible de connaître les effets exacts de la mesure, il faut tenir compte des mises en garde formulées par les nombreux acteurs concernés : laissez-vous cette marge ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    M. Pouria Amirshahi

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    Nous en venons maintenant aux trois amendements identiques nos 227, 398 et 722.
    La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 227.

    M. Arthur Delaporte

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    Il s’agit ici d’un amendement de repli : au lieu de trois mois, nous proposons six –⁠ mais six mois, c’est déjà beaucoup trop. Actuellement, les décisions de ce type sont soumises à réexamen régulier ; c’est une manière de donner des perspectives au détenu en évaluant si ce régime, qui est tout de même particulièrement privatif de liberté, est proportionné. On l’a dit tout à l’heure : il s’agit de laisser sa place au nécessaire contradictoire. Ce réexamen ne peut donc pas intervenir deux ans plus tard ! Deux ans, dans une vie, avez-vous une idée de ce que cela représente ? Imaginez une personne qui a des enfants ; en deux ans, ils passent par exemple de 3 à 5 ans ! Vous rendez-vous compte ?

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Mais de qui parle-t-on ?

    M. Arthur Delaporte

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    Je suis désolé mais cela me choque vraiment ; j’ai presque du mal à l’imaginer. Même Patrick Balkany n’a pas tenu deux ans en prison !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Il n’appartient pas au crime organisé !

    M. Philippe Ballard

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    Ce n’est pas beau, ça !

    M. Ugo Bernalicis

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    Je suis le seul à être allé le voir ! (M. Sébastien Delogu applaudit.)

    M. Arthur Delaporte

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    Je reviens à mes six mois, après avoir salué le geste de M. Bernalicis qui est allé voir M. Balkany en prison. Six mois dans un régime carcéral très dur, c’est impossible !
    Monsieur le ministre, tout à l’heure, vous avez dit que le contradictoire s’exprimait lorsque l’avocat défendait son client, mais qui se trouvera en face ? Qui viendra défendre la mesure introduite par l’État, dans le cadre de ce contradictoire ? Le préfet, l’administration pénitentiaire ? Quelle forme prendront ces audiences de renouvellement qui sont prévues tous les deux ans ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 398.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je voulais revenir sur la manière dont il faut prendre en compte la dignité de l’être humain, en dehors de toute considération pour les actes qu’il peut avoir commis par ailleurs : quelles sont les perspectives que l’on peut offrir à ces détenus, si nous voulons éviter d’en faire des fauves ? Quand vous expliquez à quelqu’un qu’il n’a aucune perspective, il devient compliqué de le tenir. À l’inverse, même si les gens, dans ces circonstances, ne se font pas trop d’illusions, l’obligation de renouveler régulièrement la décision constitue malgré tout une porte de sortie, un objectif que l’on peut garder en tête. C’est quand les personnes se retrouvent dos au mur et sans perspectives que le niveau de tension et de violence a tendance à augmenter.
    Cette violence peut s’exercer d’abord contre les agents, car celui qui est détenu pour toujours dans un de ces quartiers, qui vit l’horreur au quotidien, n’a plus rien à perdre : l’agression d’un surveillant pénitentiaire ne changera rien à son sort. Elle peut ensuite s’exercer contre soi-même : on observe alors une augmentation du taux de suicide. Vous savez que c’est dans les quartiers disciplinaires, où l’on est complètement coupé du reste des détenus, que l’on constate les plus forts taux de suicide, alors que la prison est déjà le lieu où le taux de suicide est le plus élevé de toute la société –⁠ c’est un coefficient multiplicateur qui s’applique.
    Il me paraît donc essentiel de laisser cette perspective aux détenus, parce que cela fait de nous des humanistes ; c’est aussi simple que cela. Je ne suis pas pour rompre avec la tradition humaniste qui a rendu possible la Révolution de 1789, la devise républicaine qui nous oblige et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen !

    M. Antoine Léaument

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    Très bien !

    M. Ugo Bernalicis

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    Encore une fois, prendre une telle mesure, ce serait s’abaisser à faire ce que l’on reproche à ces criminels, ceux que l’on veut mettre dans ces quartiers et qui, eux, n’en ont rien à faire de la dignité humaine, puisqu’ils pratiquent des actes de barbarie.

    M. Antoine Léaument

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    Et voilà !

    M. Ugo Bernalicis

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    Notre logique n’est pas celle de la loi du talion –⁠ « œil pour œil, dent pour dent » !

    Mme Elsa Faucillon

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    Exactement !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Ça suffit, le cours de terminale !

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous ne pouvez pas, à la fois, convenir que la justice n’est pas la vengeance et créer des quartiers de haute sécurité à l’ancienne, en disant aux criminels : « Vous allez voir ce que vous allez voir ! »

    M. Mathieu Lefèvre

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    Quelle honte ! Il n’a honte de rien !

    M. Sébastien Delogu

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    Toi non plus, tu n’as honte de rien !

    M. Ugo Bernalicis

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    Va voir en prison comment ça se passe !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir l’amendement no 722.

    Mme Dominique Voynet

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    C’est un amendement de repli, qui vise à limiter la durée initiale d’affectation dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée à six mois renouvelables, au lieu des quatre ans prévus dans la proposition de loi. De quoi parlons-nous ? D’une mesure privative de droits, appliquée sans contrôle judiciaire préalable et sans critères précis pour ce qui est de son renouvellement. Quatre ans, c’est vraiment déraisonnable. La réduction à deux ans, elle-même proposée par le rapporteur, soutenue par le gouvernement et validée par le Conseil d’État, semble encore excessive. Ce dernier fixe des exigences minimales de conformité, mais il est tout à fait possible et il me semble nécessaire d’aller plus loin pour garantir le respect des droits fondamentaux.
    Aujourd’hui, des mesures comparables comme l’isolement et les fouilles systématiques sont soumises à des renouvellements tous les trois mois. Comment justifier un passage direct à deux ans pour un régime aussi contraignant ? Une durée initiale de six mois permettrait de donner un horizon, d’introduire une échéance, en prévoyant un réexamen régulier de la situation individuelle des détenus. Elle permettrait d’éviter le désespoir et la tentation d’un passage à l’acte violent –⁠ prise d’otage ou autolyse –, mais aussi le décrochage total par rapport aux règles de la vie en société. Cela garantirait un équilibre entre la lutte contre la criminalité organisée et les principes de proportionnalité et d’individualisation des mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    M. Pouria Amirshahi

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    Excellent !

    Mme la présidente

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    Nous en venons à une autre série de deux amendements identiques. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 177.

    Mme Colette Capdevielle

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    C’est également un amendement de repli, qui propose de fixer la durée à un an, ce qui serait déjà très long. Le gouvernement va donner son accord pour un délai de deux ans, mais il faut préciser que nous parlons de personnes prévenues, qui bénéficient de la présomption d’innocence, qui n’ont pas été condamnées et qui pourraient donc se retrouver dans ces quartiers uniquement pour avoir commis des délits –⁠ je résume bien la situation, n’est-ce pas ? Pendant une période de deux ans, ces personnes se verraient ainsi soumettre à ce régime dérogatoire. Très franchement, je pense que cela pose un problème de constitutionnalité et de conventionnalité : deux ans, c’est vraiment beaucoup trop ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
    Je termine en reprenant à mon compte les questions de notre collègue Delaporte. La décision d’affectation dans ces quartiers n’interviendra « qu’après une procédure contradictoire », mais qui dit procédure dit procès ! Elle aura donc lieu, semble-t-il, à l’intérieur du centre de détention, mais le ministre sera-t-il représenté par le préfet ? Viendra-t-il en personne ou enverra-t-il un délégué ? Qui mènera les débats : un professionnel indépendant, un juge ? Comment la décision sera-t-elle prise, comment sera-t-elle notifiée ? Je comprends bien que la procédure est contradictoire mais aussi qu’elle est sans appel, ce qui veut dire que pendant cette durée de deux ans, il n’y aurait aucune possibilité de revenir sur la décision. Pour moi, c’est un vrai problème d’ordre constitutionnel. (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 720.

    Mme Sandra Regol

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    Je souscris pleinement aux propos de notre collègue Capdevielle. Dans l’esprit de l’avis du Conseil d’État, nous nous efforçons de réduire la durée d’affectation, en la ramenant des quatre ans initialement prévus à trois mois, six mois, un an –⁠ c’est l’objet du présent amendement – ou deux ans, de sorte que le cadre juridique applicable soit plus respectueux de l’ensemble des droits.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir l’amendement no 721.

    M. Pouria Amirshahi

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    Si nous partageons les mêmes objectifs –⁠ je m’adresse à l’ensemble de la représentation nationale et à M. le ministre –, nos avis ne convergent pas toujours au sujet des moyens, car nous avons un désaccord assez marqué sur les principes qui doivent régir les peines et leur application. Tout a été dit à cet égard par les intervenants précédents.
    Au-delà de la conformité du régime prévu aux principes fondamentaux de notre droit –⁠ je pense notamment à la durée d’affectation, qui contrevient selon moi à des conventions auxquelles notre pays a adhéré, aux conditions de détention et à l’incertitude dans laquelle vous allez placer le détenu –, je m’interroge sur l’efficacité du dispositif.
    Je ne comprends pas pourquoi vous privez le juge d’une possibilité de négociation avec le détenu, dont vous souhaitez pourtant obtenir, grâce à cette détention, des aveux ou des informations, puisqu’il est réputé avoir participé, activement et à haut niveau, à une organisation criminelle. Si, au bout de deux ans, vous lui dites que son placement dans un tel quartier est reconduit pour deux ans, vous ne l’inciterez aucunement à participer au dispositif que vous avez imaginé, en vous inspirant du modèle italien. En revanche, vous le feriez si, tous les trois mois, vous redonniez la main au juge, lui fournissant l’occasion de faire valoir au détenu qu’en échange d’informations, il pourrait éventuellement bénéficier d’une peine plus courte. Ce point mériterait une discussion.

    Mme la présidente

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    Toujours dans la discussion commune, nous arrivons à une nouvelle série d’amendements identiques. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 158.

    M. Paul Molac

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    Il s’agit d’un amendement de repli par rapport aux précédents amendements de repli. Il vise à ramener la durée d’affectation à deux ans, comme l’a proposé le Conseil d’État. Cette durée ne me satisferait pas complètement : elle demeurerait trop longue, d’autant que le régime est applicable aussi à des personnes en détention provisoire, qui n’ont pas été condamnées. Personnellement, je souhaiterais que l’on retienne une durée d’un an.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Mazars, pour soutenir l’amendement no 797.

    M. Stéphane Mazars

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    Ce débat est important. Si on l’aborde, comme l’ont fait la plupart des orateurs qui m’ont précédé, en s’intéressant aux effets sur la personne concernée, je serai tenté de dire qu’un jour passé dans un tel quartier est un jour de trop ! La difficulté pour nous est d’apprécier non seulement les conséquences sur la personne, mais aussi et surtout de prendre en considération les enjeux pour la société. En effet, c’est en raison de ces enjeux que des personnes font l’objet d’un placement dans ces quartiers très spécifiques. Quels sont donc ces enjeux ? Cela a été dit à de nombreuses reprises : assurer une parfaite étanchéité entre un grand délinquant, considéré comme dangereux, et l’extérieur de la prison.
    Quelle durée retenir ? C’est une question difficile. Si l’on considère que la personne doit être placée dans un quartier de ce type parce qu’elle est dangereuse et peut encore commettre des crimes à l’extérieur, les éléments objectifs sur lesquels le garde de sceaux se sera fondé pour prendre sa décision –⁠ étant entendu qu’elle est susceptible de recours et qu’un référé-liberté peut toujours être déposé – ne disparaîtront pas en quinze jours, ni même en trois mois. Par rapport aux quatre ans initialement prévus, une durée de deux ans semble ménager un bon équilibre entre les intérêts des individus et ceux de la société.
    Néanmoins, une question essentielle se pose, monsieur le garde des sceaux : que faire si, au bout de douze ou dix-huit mois, un élément nouveau apparaît, par exemple le démantèlement du réseau dans lequel trempait la personne ? Ne pourrait-on pas alors réexaminer sa situation, sans attendre l’échéance des deux ans ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 801.

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Je me range à l’opinion de mon collègue Mazars : la durée de deux ans, recommandée par le Conseil d’État dans son avis, est selon moi la bonne.
    Quant à la tradition humaniste, personne ici n’en a le monopole. Tout le monde, sur tous les bancs de l’hémicycle, est préoccupé par le respect des principes républicains qui doivent nous gouverner. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
    Le régime que nous proposons ne relève pas de la vengeance. Sa finalité, je le répète, est d’isoler un nombre restreint de personnes, sur le fondement d’éléments objectifs et subjectifs que nous avons rappelés, afin de rompre leur lien avec une organisation criminelle à l’extérieur. Effectivement, de tels éléments ne disparaissent pas en vingt-quatre ou quarante-huit heures, ni même en deux semaines ou en deux mois. Une fois établis, ils sont constants et ont vocation à se maintenir dans le temps. Une durée de deux ans paraît donc appropriée.
    Vous avez évoqué, madame Voynet, la question du contrôle judiciaire. Nous en avons déjà débattu : comme toute décision administrative, la décision d’affectation dans un quartier de cette nature sera susceptible de recours, dans le cadre et les délais de droit commun ; en outre, un référé sera toujours possible devant le juge administratif.
    Plusieurs d’entre vous ont soulevé l’argument de la constitutionnalité et de la conventionnalité. Une durée de deux ans nous semble la bonne solution. Nous nous rangeons en cela à l’avis du Conseil d’État, qui a un regard juste sur les enjeux de conformité au cadre constitutionnel et aux engagements conventionnels de la France.
    Je suis favorable à une durée de deux ans. Je suis défavorable à toutes les autres durées.

    M. Pouria Amirshahi

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    Quid d’une réévaluation tous les trois mois ?

    Mme la présidente

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    L’amendement no 159 de M. Paul Molac est défendu.
    Si j’ai bien compris, monsieur le rapporteur, vous donnez un avis favorable aux amendements identiques nos 158, 797 et 801, et vous êtes défavorable à tous les autres amendements de cette discussion commune ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Exactement, madame la présidente.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Nous avons déjà beaucoup débattu de cette question depuis hier soir, mais, de nombreux orateurs s’étant exprimés, je souhaite intervenir à mon tour. À l’instar du rapporteur, je donne un avis favorable aux amendements identiques nos 158, 797 et 801, et un avis défavorable à tous les autres amendements.
    Je ne souhaite pas relancer le débat sur la nature de ce régime de détention, ni sur les personnes susceptibles d’y être affectées et les conditions requises à cet effet. Nous savons tous qu’il s’agira de personnes que les administrations compétentes et l’autorité judiciaire jugeront très dangereuses. Je vais m’efforcer de répondre aux interrogations, mais aussi aux approximations ou contre-vérités que j’ai parfois entendues.
    Monsieur Delaporte, ce n’est en aucun cas le préfet qui défendra la décision administrative d’affectation prise par le ministre de la justice. Comme c’est déjà le cas pour l’isolement, ce rôle reviendra à l’administration pénitentiaire. C’est souvent la direction interrégionale des services pénitentiaires qui défend la position de l’État.
    De nombreux orateurs, notamment M. Amirshahi, M. Mazars et Mme Caroit, ont déploré que l’on place des personnes dans ce régime carcéral pour une période rigide de deux ans. Tel ne sera pas le cas.
    Sur proposition de l’autorité judiciaire et après une procédure contradictoire au cours de laquelle la présence de l’avocat sera obligatoire –⁠ puisque nous avons accepté l’amendement no 413 de M. Bernalicis –, le ministre de la justice prendra un arrêté affectant la personne dans ce régime carcéral. Rappelons qu’il y aura deux voies de recours possibles, et que la décision ne deviendra définitive que si l’issue en est défavorable au détenu.
    Une fois que la personne aura été placée dans ce régime carcéral, ce ne sera pas deux ans, un point c’est tout ! Il existera deux possibilités de remettre en cause, chaque jour, ce régime de détention.
    Premièrement, le magistrat lui-même, le cas échéant saisi par le détenu ou son avocat, pourra demander, à tout moment et sans solliciter l’avis du garde des sceaux, de sortir la personne de ce régime, s’il considère que ces conditions de détention –⁠ étanchéité avec l’extérieur – n’ont plus lieu d’être, par exemple parce que l’organisation criminelle à laquelle elle appartenait a été démantelée, comme vous l’avez dit, monsieur Mazars. C’est ce qu’on appelle la translation ; elle est régie par l’article D. 57 du code de procédure pénale, que j’ai cité précédemment à M. Houlié. La réduction de la durée d’affectation que vous proposez par vos amendements –⁠ à vingt-quatre heures, quarante-huit heures, trois mois, six mois ou un an – n’apporterait rien par rapport à cette possibilité qui existera dans le régime général.
    Deuxièmement, le détenu pourra à tout moment demander au juge administratif de revoir les conditions de détention qui lui sont imposées, exactement comme pour l’isolement, comme l’a relevé M. Bernalicis. (M. Ugo Bernalicis s’exclame.) Dans ce régime, il n’y a pas de condition ; la demande pourra être formulée à tout moment. Je suis beaucoup plus libéral que vous, monsieur Bernalicis ! (Sourires.) Vous avez fait une mauvaise lecture du code de procédure pénale.
    Madame Capdevielle, ces dispositions, qui relèvent du domaine réglementaire, seront reprises dans un décret en Conseil d’État. J’en soumettrai le projet à la commission des lois, qui pourra proposer des modifications.
    Nous évoquerons ultérieurement le régime du repenti, monsieur Amirshahi, mais les choses se passeront exactement de la manière que vous avez décrite : si le détenu souhaite sortir de la perspective d’une détention de deux ans dans ces conditions, il pourra faire part au juge d’instruction de son intention de parler ou de collaborer avec la justice. Dans ce cas, je l’ai dit, le magistrat pourra, à tout moment et sans aucun avis du garde des sceaux, le libérer de ce régime de détention en requérant sa translation.
    Le régime d’incarcération que nous proposons, bien sûr rigoureux puisqu’il prévoit une étanchéité avec l’extérieur, prend donc en compte vos préoccupations.
    Quant à la durée d’affectation de deux ans, elle n’est pas sortie d’esprits éthérés ; elle n’a pas été fixée par le Conseil d’État au doigt mouillé ! Elle est intermédiaire entre la durée d’un an généralement retenue pour l’isolement –⁠ assortie d’une clause de revoyure tous les trois mois – et celle de quatre ans en vigueur dans le régime italien, lequel a été validé, rappelons-le, par la CEDH. M. Boudié, M. Vicot et moi-même avons assisté au débat devant la section de l’intérieur du Conseil d’État. Nous avons bien entendu quelle était la volonté de la rapporteure ; elle a expliqué pourquoi elle optait pour une durée de deux ans.
    Je me suis engagé à modifier le texte pour tenir compte de l’avis du Conseil d’État. Une durée d’affectation de deux ans, renouvelable, me paraît raisonnable, sachant que le détenu disposera, au quotidien, de deux voies pour demander la sortie de ce régime, l’une devant le juge judiciaire, l’autre devant le juge administratif.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    C’est votre intervention, monsieur Delaporte, qui m’a incité à demander la parole. Vous avez évoqué Patrick Balkany. Soyons sérieux : il n’appartenait pas à un réseau criminel ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)

    M. Boris Vallaud

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    Ils étaient deux, c’était une bande organisée !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    C’était le délit en roue libre, free style si je puis dire, mais cela ne relevait pas de la criminalité organisée, même si je conviens qu’il existait un système très organisé à l’hôtel de ville de Levallois-Perret.
    Je voudrais revenir sur les propos de Dominique Voynet. Je crois, madame, et ce n’est pas une critique, que vous n’avez pas assisté aux débats que nous avons eus, en particulier avec notre collègue Pouria Amirshahi, au sujet de l’amendement qui vient d’être adopté. Vous dites que le placement interviendrait « sans contrôle judiciaire préalable ». C’est l’inverse ! Nous venons de le voter : un magistrat pourra formellement s’y opposer, ce qui est mieux-disant que le système italien dans lequel le garde des sceaux prend sa décision seul sur proposition du parquet.
    Nous ne parlons pas ici de Patrick Balkany mais de personnes d’une extrême dangerosité,…

    M. Arthur Delaporte

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    Il était dangereux pour la République !

    M. Jean-François Coulomme

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    Et pour les comptes publics !

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    …même si certaines expressions ont pu laisser penser que le « pékin moyen », si vous voulez bien pardonner cette expression, était concerné. En termes quantitatifs, 600 à 800 personnes sont susceptibles de relever de ce régime carcéral.
    De surcroît, nous apportons des améliorations : il y a quelques instants, nous avons adopté un amendement du groupe LFI-NFP garantissant la place de l’avocat dans la procédure car le principe du contradictoire méritait d’être renforcé. Le rapporteur l’a dit : le magistrat judiciaire pourra s’opposer au placement en amont de la procédure. En outre, il sera possible d’introduire, dans les quarante-huit heures du placement, un référé devant le juge administratif puis, dans le délai de droit commun de deux mois, un recours. Enfin, le magistrat pourra à tout moment revoir le régime carcéral.
    Voilà très précisément le cadre sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer. Il me semble que nous sommes très loin des exemples qui ont pu être agités, si j’ose dire, par notre collègue Arthur Delaporte.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Matthias Renault.

    M. Matthias Renault

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    Nous discutons de cette prison de haute sécurité depuis vingt-quatre heures !

    M. Arthur Delaporte

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    Ce n’est pas un petit sujet !

    M. Matthias Renault

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    Certes, il s’agit d’un débat important car nous revenons à un régime qui était en vigueur en France avant les années 1980. Certes, cela soulève des problèmes relatifs aux droits fondamentaux, mais vous êtes loin de développer des arguments intéressants qui éclairent le débat. Sur la vingtaine d’amendements en discussion –⁠ un tunnel ! –, l’un tend à ramener de quatre ans à un jour la période maximale de séjour en quartier de lutte contre la criminalité organisée, l’autre à deux jours, un troisième à trois jours, un autre à quatre jours ; cinq amendements prévoient de le ramener à trois mois, cinq autres à six mois ; deux prévoient de la limiter à un an et quatre à deux ans.

    M. Ugo Bernalicis

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    Bien vu !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Ce n’est pas possible !

    M. Matthias Renault

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    Si ce n’est pas de l’obstruction parlementaire, cela y ressemble fort.

    M. Arthur Delaporte

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    Ce n’est pas de l’obstruction, c’est la vie des gens !

    M. Matthias Renault

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    Au surplus, les arguments développés tournent en boucle depuis hier soir : prison égale douleur ; prison de haute sécurité égale plus de douleur ; Liberté, Égalité, Fraternité ; quatre ans, c’est très long ! Depuis hier soir, et plus particulièrement depuis une heure, nous avons l’impression d’entendre le ChatGPT du parlementarisme.

    M. Arthur Delaporte

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    Quel manque de respect pour le Parlement !

    M. Matthias Renault

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    On croirait ouvrir un roman de Flaubert : Bouvard et Pécuchet dissertent en boucle, avec des airs pseudo-savants, sur des sujets faussement techniques, sortant des argumentaires extrêmement pauvres. Il nous reste 670 amendements à étudier. Par pitié, avançons un peu ! Arrêtez de multiplier les amendements et les interventions dépourvues de sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Danielle Simonnet

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    Comme la vôtre ?

    Mme Elsa Faucillon

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    Il ne bosse pas et, après, il vient nous donner des leçons !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Eléonore Caroit.

    Mme Eléonore Caroit

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    Monsieur Renault, vos propos sont caricaturaux. Nous discutons d’un sujet sérieux, qui mérite d’être débattu. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Si je suis convaincue de l’utilité de ces prisons, nous devons étudier les conditions concrètes d’application des dispositions qui les encadrent. Nous devons en discuter et en débattre. La durée du placement en quartier de lutte contre la criminalité organisée –⁠ quatre ans – est très longue : il nous appartient d’examiner comment elle peut être revue car, ne vous en déplaise, nous vivons dans un État de droit. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
    Monsieur le garde des sceaux, vous avez indiqué qu’il existait deux voies de recours. Si j’ai bien compris, la voie de recours judiciaire n’est ouverte qu’à l’encontre de la décision d’affectation en quartier de lutte contre la criminalité organisée.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Non !

    Mme Eléonore Caroit

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    Alors je souhaiterais que vous précisiez brièvement ce qu’il en est. Par ailleurs, je voudrais comprendre comment l’avocat intervient concrètement dans l’application de l’article D. 57 du code de procédure pénale.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hendrik Davi.

    M. Hendrik Davi

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    Je rebondis sur les propos de M. le ministre relatifs aux possibilités de recours. Vous nous dites qu’il en existe plusieurs et que les détenus pourront sortir. En théorie, je peux vous suivre, même si je n’ai pas tout à fait compris la nature de ces recours, mais je crains qu’en pratique il n’en aille autrement. Je crains qu’une énorme pression ne s’exerce pour affecter ces détenus à des prisons de haute sécurité puis pour les y maintenir. Il suffira d’un fait divers intervenu à la suite du relâchement d’un détenu, il suffira d’un mort, pour que toute la société pousse au maintien en détention.
    Pour l’éviter, il convient de prévoir des garde-fous dans la loi. À défaut, nous nous retrouverons face à un piège comparable à celui des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et, systématiquement, on laissera des gens dans les prisons de haute sécurité. Ce modèle, monsieur Darmanin, n’est pas le nôtre ; mais il existe au Salvador. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois

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    Là, on part très loin !

    M. Michaël Taverne

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    C’est hors sujet !

    M. Hendrik Davi

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    Monsieur le ministre, pas de faux débats entre nous ! Je sais bien que ce n’est pas ce que vous organisez, mais poussons la logique au bout ! Au Salvador, de nombreux délinquants sont enfermés dans des quartiers de haute sécurité mais des milliers de personnes qui n’ont rien fait s’y retrouvent également. Je voudrais dire à ceux qui siègent sur les bancs d’en face : un jour, un pouvoir autoritaire peut arriver en France et, ce jour-là, les uns ou les autres, nous pourrons nous retrouver dans une prison de haute sécurité sans avoir rien fait.

    M. Hervé de Lépinau

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    Ce ne sont pas des gens qui n’ont rien fait !

    M. Hendrik Davi

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    C’est pourquoi le droit et la loi sont très importants. Ce débat est essentiel.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Le parallèle avec Patrick Balkany n’est pas si mauvais. Je suis le seul parlementaire à l’avoir visité en prison pendant sa détention provisoire. Du fait de sa personnalité, il était placé dans une forme d’isolement : il a donc en partie vécu ce dont nous parlons et il était très déçu qu’aucun de ses amis politiques ne soit venu lui rendre une visite de courtoisie.

    M. Arthur Delaporte

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    Ingrats !

    Mme Danielle Simonnet

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    Ce n’est pas gentil !

    M. Ugo Bernalicis

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    Alors que je n’excuse pas ce qu’il a fait et que je n’appartiens pas à la même famille politique que lui, je reconnais que cela l’a abîmé. Je me soucie de la dignité humaine de toute personne, quoi qu’elle ait commis. (M. Arthur Delaporte applaudit.) C’est une posture humaniste, j’en conviens, mais elle est efficace pour prévenir la récidive et le passage à l’acte, comme pour favoriser la réinsertion.

    Mme Émilie Bonnivard

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    On enfile les perles et les lieux communs !

    M. Ugo Bernalicis

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    En 2021, une étude de Letizia Paoli sur le régime italien a démontré que les personnes détenues en quartier de sécurité étaient soit détruites psychologiquement et humainement –⁠ elles ne feront plus rien, ce qui peut être un objectif, même si ce n’est pas le mien –, soit radicalisées vis-à-vis de l’État et de la société, et donc encore plus dangereuses qu’à leur entrée en prison.

    M. Hervé de Lépinau

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    Et les victimes, sont-elles détruites ?

    M. Ugo Bernalicis

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    Voilà ce qu’il faut pointer en matière de protection de l’ordre public et de la société.
    Par ailleurs, vous mettez en avant l’étanchéité du dispositif mais vous avez admis que les détenus pourraient faire des promenades à trois ou quatre. Ce n’était pas votre projet initial : vous vouliez un isolement total. Et puis, les prisons étant ce qu’elles sont, vous ne disposez pas d’assez de cours de promenade pour cela et vous passez à quatre par promenade. Vive l’étanchéité !
    Une fois tout cela mis bout à bout, nos amendements de repli visant à obtenir un réexamen de la situation tous les trois mois suffisent à peine à répondre aux problèmes que pose l’article.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Colette Capdevielle.

    Mme Colette Capdevielle

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    Le délai d’un an est raisonnable pour les prévenus soupçonnés d’avoir commis des délits et qui bénéficient de la présomption d’innocence, car il correspond à la durée maximale de la détention provisoire. Je viens de le vérifier dans le code de procédure pénale : il est impossible de maintenir plus d’un an en détention provisoire une personne poursuivie pour un délit.
    Si vous n’aviez prévu le placement en quartier de lutte contre la criminalité organisée que pour les auteurs de crimes, le délai de deux ans aurait été recevable mais, dans la mesure où le placement concerne des personnes prévenues d’infractions délictuelles, le délai d’un an est correct et correspond au maximum possible.
    Le délai de deux ans poserait une difficulté procédurale pour les détenus. Que se passerait-il au bout d’un an de détention préventive ? Vous l’avez dit : vous estimez que, parfois, des délits peuvent être plus graves que certains crimes. Dans ces cas-là, nous aurons une décision de placement pour deux ans en quartier de lutte contre la criminalité organisée –⁠ décision prise on ne sait trop par qui, après débat contradictoire, à la demande du garde des sceaux – alors que le juge d’instruction, lui, sera tenu par le délai d’un an. Vraiment, je ne comprends pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    Le débat sur la durée de détention est légitime. Il a été soulevé par tous les groupes et M. le ministre s’est dit ouvert à l’étude des propositions. La durée de deux ans est sur la table ; on parle aussi d’un an ou de quelques mois.
    Cependant, certains amendements proposent un placement d’un jour, deux jours, trois ou quatre jours : quelques jours de pause pour les narcotrafiquants avant qu’ils regagnent leurs cellules et continuent leurs petites affaires. Mme Caroit a évoqué la nécessaire crédibilité du débat : nous en sommes loin. Deux jours pour démanteler des réseaux criminels, chronomètre en main ! Est-ce sérieux ? Pouvons-nous perdre du temps sur un tel sujet ?
    Vous nous dites ensuite que vous n’êtes pas les amis des narcotrafiquants ! Loin de vous opposer, vous essayez de saboter le texte, en disant non à tout. Ce n’est pas sérieux ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR et EPR.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Lamentable ! Vous êtes au courant que l’isolement existe déjà ?

    Mme Naïma Moutchou

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    Ne nous dites pas : « nous ne sommes pas l’ami d’untel ou d’untel » ; au fur et à mesure des amendements que vous proposez, vous êtes en train de surprotéger les narcotrafiquants.

    Mme Élisa Martin

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    C’est vous qui les protégez, qui les faites prospérer !

    Mme Naïma Moutchou

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    Cela a peut-être un sens pour vous mais ce n’est pas lisible pour nos compatriotes. C’est irréaliste et très dangereux mais politiquement révélateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je suis à la disposition du Parlement : le sujet mérite d’être débattu et chacun doit pouvoir l’appréhender. Il est possible que je m’exprime mal ; je vais donc réexposer à Mme Caroit le régime prévu. Cependant, évitons les comparaisons qui relèvent du point Godwin : d’un côté, Patrick Balkany, de l’autre, le Salvador… Il serait bon de revenir sur terre !
    J’engage le député Davi, élu de la ville de Marseille, à aller discuter avec les agents de la prison des Baumettes. Vous le savez mais vous vous êtes abstenu de le dire, monsieur Davi : le chef de détention et son adjointe, ainsi que leurs familles, vivent sous protection policière ; ils ne peuvent plus se rendre sur le site des Baumettes, la plus grande prison de France. Dans la ville dont vous êtes élu, il faut les protéger. N’allez donc pas chercher des comparaisons avec le Salvador ou laisser croire que tout le monde sera incarcéré dans les quartiers de sécurité car les magistrats, par folie, y enverraient l’intégralité de la population française ! Les enjeux sont importants dans votre terre d’élection. Quand des gamins de 14 ans commettent des homicides pour quelques milliers d’euros promis sur Snapchat par des personnes vivant à l’étranger ou en prison, on peut certes considérer que la position du gouvernement n’est pas la bonne mais encore faut-il proposer des solutions de rechange ! Or je n’en ai pas entendu.
    Par ailleurs, je comprends que nous prenions le temps de discuter de la création d’un régime de détention et je veux bien admettre que cette mesure change un peu la donne. Cependant, je signale –⁠ car il faut être cohérent – qu’au Sénat, le groupe écologiste a voté pour l’ensemble de la proposition de loi et que, comme les groupes communiste et socialiste, il ne s’est pas opposé aux autres dispositions du texte –⁠ celles relatives au parquet par exemple.
    Encore une fois, de nombreux maires, communistes ou socialistes, soutiennent cette proposition de loi. Ils n’ont pas la même perception que vous de ce qui se passe sur le terrain.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Ces députés sont totalement déconnectés !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Pour que tous les parlementaires puissent voter en leur âme et conscience, je souhaite revenir sur certains points. À l’attention, entre autres, de Mme Caroit, je précise qu’il existe deux possibilités de mettre fin à ce régime de détention sachant que la décision prise par le garde des sceaux sur proposition de l’autorité judiciaire, indépendante, peut faire l’objet d’un recours administratif –⁠ mais vous l’aviez compris.
    Tout d’abord, un recours est possible en passant par la voie judiciaire. Le magistrat peut mettre fin, à tout moment –⁠ chaque jour, à chaque heure, à chaque minute –, à ce régime pour le prévenu en invoquant l’article D. 57 du code de procédure pénale, ne serait-ce que parce qu’il apprend que l’organisation criminelle n’est plus active à la suite de l’interpellation de ses membres, comme l’a suggéré M. Mazars, ou parce que le prévenu annonce au juge d’instruction qu’il accepte de collaborer avec la justice s’il n’est plus soumis à ce régime. C’est exactement ce que nous souhaitons. Au passage, l’avocat peut bien sûr demander au magistrat de procéder à ce recours, à tout moment et sans l’avis du garde des sceaux.
    Ensuite, un recours est possible devant le tribunal administratif, à tout moment, si le prévenu souhaite contester les conditions auxquelles il est soumis. Je rappelle que les détenus placés à l’isolement peuvent déjà déposer un tel recours tous les trois mois. Si je peux me permettre, l’opération sera encore plus simple car, avec le recours à la visioconférence –⁠ puisque l’extraction ne sera plus permise –, l’étude des demandes sera plus rapide. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
    J’en viens à l’intervention de Mme Capdevielle. Je pense que vous faites un grave contresens. Imaginons une personne mise en examen pour un délit de blanchiment. Au bout d’un an de détention provisoire, même si elle a été soumise au nouveau régime d’une durée de deux ans, elle sera libérée. Cela tombe sous le sens et cela a d’ailleurs bien sûr été souligné lors de nos débats au Conseil d’État –⁠ je vous invite à interroger M. Vicot à ce sujet puisqu’il y a participé. Cette personne ne restera pas un an supplémentaire en détention provisoire parce que le garde des sceaux a décidé d’un enfermement administratif –⁠ et il en va de même pour les personnes dont la détention provisoire excède un an. Ce point ne pose aucun problème. Nous devrions tous relire l’avis du Conseil d’État puisque ces précisions y figurent.
    D’ailleurs, à la demande du Conseil d’État, nous avons ajouté une disposition. Supposons que la personne soit détenue pour d’autres infractions –⁠ au passage, vous conviendrez comme moi que ces personnes commettent rarement une seule infraction – et que l’une d’entre elles justifie un placement dans un de ces nouveaux quartiers. Dans ce cas, le Conseil d’État estime que le garde des sceaux doit réétudier la demande –⁠ nous avons souhaité amender le texte dans ce sens.
    Objectivement, le travail que nous avons mené avec les rapporteurs et le Conseil d’État garantit les libertés, certes dans un régime très strict, et donne de l’espoir aux personnes détenues, y compris celles, dangereuses, qui auraient commis des actes graves.
    J’ai le sentiment d’une certaine incompréhension de la part de certains –⁠ à moins qu’ils fassent un peu exprès pour retarder l’adoption du texte (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) –, mais je ne veux pas le croire s’agissant de M. Léaument ou de M. Bernalicis. (Sourires.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Nous irons jusqu’au bout !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Ce régime de détention ne constitue pas une punition supplémentaire. Nous l’instituons car une étanchéité entre la prison et l’extérieur est nécessaire. Si l’on suivait votre raisonnement, M. Amra serait soumis à un régime classique.
    Contrairement à ce que j’entends sur certains bancs, de telles conditions de détention n’existent pas aujourd’hui. Les personnes placées à l’isolement peuvent téléphoner vingt-quatre heures sur vingt-quatre et voir leur juge physiquement. Vous constatez bien que le régime proposé n’est pas le même.

    M. Ugo Bernalicis

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    Nous sommes d’accord, c’est bien pour ça que nous y sommes opposés !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Oui mais le groupe socialiste vient de dire le contraire, c’est pourquoi je me permets d’apporter cette précision.
    En résumé, ce dispositif est nouveau et les voies de recours sont nombreuses et conformes aux recommandations du Conseil d’État. Je crois que nous avons débattu de cet article de façon exhaustive, chacun est à présent éclairé. J’espère que vous voterez les amendements visant à faire passer la durée à deux ans et que nous pourrons passer aux amendements suivants.

    Mme Brigitte Barèges

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    Nous passons aux votes sur les amendements de cette discussion commune.
    M. Bernalicis m’a indiqué que les amendements no 400, 401, 403 et 404 avaient été retirés.

    (Les amendements nos 400, 401, 403 et 404 sont retirés.)

    (L’amendement no 397 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 211, 314 et 399.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        153
            Nombre de suffrages exprimés                153
            Majorité absolue                        77
                    Pour l’adoption                64
                    Contre                89

    (Les amendements identiques nos 211, 314 et 399 ne sont pas adoptés.)

    (L’amendement no 522 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 227, 398 et 722.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        152
            Nombre de suffrages exprimés                152
            Majorité absolue                        77
                    Pour l’adoption                63
                    Contre                89

    (Les amendements identiques nos 227, 398 et 722 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 177 et 720.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        154
            Nombre de suffrages exprimés                154
            Majorité absolue                        78
                    Pour l’adoption                63
                    Contre                91

    (Les amendements identiques nos 177 et 720 ne sont pas adoptés.)

    (L’amendement no 721 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 158, 797 et 801.

    (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        152
            Nombre de suffrages exprimés                128
            Majorité absolue                        65
                    Pour l’adoption                74
                    Contre                54

    (Les amendements identiques nos 158, 797 et 801 sont adoptés ; en conséquence, l’amendement no 159 tombe.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 523 de Mme Elsa Faucillon est défendu.

    (L’amendement no 523, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 420.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est un amendement important qui prévoit de donner au recours un effet suspensif. M. le ministre vient de dire qu’il est possible de se rendre devant le tribunal administratif quand on le souhaite, puisque c’est une décision administrative et que le droit continue de s’appliquer.
    C’est à la fois vrai et faux. S’agissant du référé-liberté, un délai est prévu, le recours doit être déposé au moment où la décision est prise. Il est ensuite examiné dans les soixante-douze heures. Fin de l’histoire.
    Il est également possible de saisir la juridiction à tout moment pour introduire un recours au fond. Cependant, monsieur le ministre, vous connaissez comme moi les délais de la justice administrative. Il faudra attendre entre un an et un an et demi pour que la décision soit prise, si bien que la période de deux ans sera quasiment arrivée à son terme.
    Nous nous retrouvons ainsi encore face à un de ces effets de manche typiques : on nous assure qu’il existe des garanties, on brandit le droit au recours effectif mais dans la réalité, une telle démarche ne produit aucun effet concret. Voilà comment, au nom de prétendues garanties comme celle-ci, nous votons ce type de textes, qui sont ensuite validés par le Conseil constitutionnel. Sauf qu’à l’arrivée, le pays est condamné par la Cour européenne des droits de l’homme parce que l’absence de recours effectif produit des injustices criantes.
    Voilà pourquoi le caractère suspensif du recours représente une garantie procédurale, réelle, concrète. Au passage, il oblige la justice à se prononcer dans des délais plus brefs.
    Par ailleurs, M. le ministre a évoqué le risque que représenteraient ces personnes si elles n’étaient pas enfermées mais relâchées dans la nature. Il a alors demandé ce que proposaient les députés opposés à cet article. Je lui réponds que le fonctionnement actuel de nos prisons prévoit la possibilité de placer des détenus à l’isolement –⁠ qu’il s’agisse de mise à l’isolement judiciaire, pour les personnes placées en détention provisoire, ou d’un placement à l’isolement, pour les personnes condamnées –, de les affecter en maison centrale et de les inscrire au registre DPS. Il existe déjà bien assez de moyens à notre disposition pour qu’il ne soit pas nécessaire d’en rajouter.
    Enfin, si vous pensez, comme moi, que la France compte trop de détenus, alors il est urgent d’instaurer un mécanisme de régulation carcérale, y compris pour les maisons d’arrêt, afin que la mise à l’isolement, lorsqu’elle est nécessaire, soit réellement appliquée. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Vincent Caure, rapporteur

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    Défavorable. Les recours existent, nous l’avons dit, qu’il s’agisse du référé, du référé-suspension –⁠ qui prévoit la suspension de la mesure – ou du recours de droit commun évoqué par le ministre.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est vraiment malhonnête !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Vous mettez en opposition, d’un côté, la défense des droits humains et, de l’autre, l’efficacité de l’action publique et le risque de mise en danger des personnes si nous n’enfermons pas certains individus –⁠ parfois seulement suspectés d’être des criminels.
    Or cette distinction n’est pas pertinente. Nous ne disons pas que nous souhaitons faire courir des risques à la société et que nous ne voulons pas la protéger contre des individus potentiellement dangereux. Nous affirmons qu’avec les méthodes que vous employez, vous risquez de rendre ces derniers encore plus dangereux. Tel n’est pourtant pas l’objectif de la détention, ni de la peine de prison prononcée après un jugement.
    Le philosophe américain du droit John Rawls a parlé du voile d’ignorance : en notre qualité de législateur, nous sommes censés faire la loi en nous mettant à la place des personnes qui pourraient être concernées par les textes que nous votons. Or j’ai l’impression que certains d’entre vous estiment qu’ils ne seront jamais concernés par ces textes. Pourtant, l’histoire récente de notre pays nous a enseigné que, dès lors que l’on instaure des règles, parfois très dures, celles-ci sont ensuite étendues à d’autres domaines.
    Les mesures que vous souhaitez adopter m’inquiètent lorsque je songe à l’usage que d’autres –⁠ qui prônent des politiques encore plus dures que ceux qui sont au pouvoir actuellement – pourraient en faire, dans un autre contexte, s’ils arrivaient au pouvoir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jordan Guitton.

    M. Jordan Guitton

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    La gauche parle de dignité humaine, d’humanisme et de droits humains. Au Rassemblement national, ces notions ne nous sont pas étrangères (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), mais j’aimerais que nous mettions en avant les personnes victimes du trafic de drogue, celles qui en consomment, parce qu’on ne les protège pas.
    Ce texte prévoit d’instaurer des quartiers de lutte contre la criminalité. Depuis tout à l’heure, vous tentez de le détricoter en invoquant la protection des droits humains. Or celle-ci suppose que tous nos compatriotes puissent vivre en bonne santé. Vous voulez protéger les personnes qui favorisent le trafic de drogue plutôt que celles qui le subissent. Chaque année, 1,1 million de personnes consomment de la cocaïne, 750 000 de l’ecstasy et on compte 900 000 usagers quotidiens de cannabis.

    M. Jean-François Coulomme

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    C’est contre les marchés qu’il faut lutter !

    M. Jordan Guitton

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    De telles pratiques sont à l’origine de bien des problèmes de santé et causent de nombreuses victimes.
    Depuis tout à l’heure, vous chicanez sur tout et proposez des micromesures juridiques qui ne sont pas du tout à la hauteur du texte. Si vous vous préoccupez réellement de la dignité humaine ou de la santé publique, luttez donc contre les trafiquants de drogue et leurs réseaux ! Mais ce n’est pas du tout ce que vous voulez faire : vous ne faites que protéger les réseaux criminels en faisant inutilement durer les débats sur le texte –⁠ dont vous refusez d’ailleurs l’adoption puisque vous avez déposé une motion de rejet préalable. Assumez-le, chers collègues : vous favorisez les consommateurs et les vendeurs de drogue, et ne faites rien pour sauvegarder la dignité humaine de l’ensemble des Français, qui ont le droit de vivre en sécurité, protégés des narcotrafiquants.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Merci !

    M. Jordan Guitton

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    Ce fléau est en pleine ascension : alors qu’il ne touchait auparavant que les grandes villes, la ruralité est de plus en plus affectée. Redescendez donc sur terre et commencez par défendre la sécurité des Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    (L’amendement no 420 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    3. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Suite de la discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic ;
    Suite de la discussion de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la République national anti-criminalité organisée.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra