Séance du jeudi 30 janvier 2025
- Présidence de M. Jérémie Iordanoff
- 1. Respect à l’importation de normes de production équivalentes aux normes applicables dans l’Union européenne
- Présentation
- Mme Mélanie Thomin, rapporteure de la commission des affaires économiques
- M. Dominique Potier
- M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger
- M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
- Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Vote sur l’ensemble
- Présentation
- 2. Refus de ratifier l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur
- Présentation
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article unique
- Amendements nos 12, 8, 13, 3, 14 et 4, 5
- Sous-amendement no 15
- Amendements nos 7, 2, 6, 10 rectifié, 9 rectifié et 11 rectifié
- Article unique
- Vote sur l’article unique
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Jérémie Iordanoff
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Respect à l’importation de normes de production équivalentes aux normes applicables dans l’Union européenne
Discussion d’une proposition de résolution européenne
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne de M. Dominique Potier et plusieurs de ses collègues relative à l’adoption et à la mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne (nos 287, 533, 627).
Présentation
M. le président
La parole est à Mme Mélanie Thomin, rapporteure de la commission des affaires économiques.
Mme Mélanie Thomin, rapporteure de la commission des affaires économiques
Dans une région comme la mienne, la Bretagne, on sait ce que notre essor économique et agricole doit à l’Europe. L’Union européenne (UE) est, incontestablement, l’une des plus grandes réussites politiques du siècle passé. Dans le siècle présent, elle demeure la garante de nos valeurs et constitue le principal levier de notre puissance, y compris agricole.
Mais force est de constater que jamais nos filières agricoles n’ont été aussi menacées. Et jamais l’Europe n’a autant manqué au devoir de les protéger. La reconfiguration du commerce mondial, poussée par l’émergence de fermes géantes et peu coûteuses aux quatre coins de la planète, met en péril le revenu de nos agriculteurs et la souveraineté de nos approvisionnements alimentaires.
Plus récemment, le retour à la Maison-Blanche de Donald Trump, qui défend une conception brutale et déloyale des échanges et un protectionnisme outrancier, place l’Union face au défi d’une réglementation juste et intelligente.
Dans ce contexte, l’adoption de l’accord sur le Mercosur, que la Commission européenne tente d’obtenir malgré l’opposition répétée de la France, apparaîtrait à la fois hors de propos et dangereuse : hors de propos à l’heure où l’agriculture française souffre déjà de multiples distorsions de concurrence, liées à l’inadaptation du cadre juridique européen et international ; dangereuse car l’adoption de l’accord accroîtrait ces distorsions et ruinerait certaines de nos filières.
S’il est adopté, l’accord conduira à la disparition de 37 000 emplois dans la filière du bétail et de la viande. Il portera un coup d’arrêt presque fatal à la filière sucrière française, dont le débouché sera réduit de 190 000 tonnes.
Face à ces dangers, je me félicite de l’adoption à l’unanimité de notre proposition de résolution européenne en commission des affaires économiques. Notre travail est le fruit de l’engagement de l’ensemble du groupe Socialistes et apparentés, et plus particulièrement de Dominique Potier, que je salue.
Que contient cette proposition de résolution ? C’est d’abord un appel à mettre fin aux distorsions de concurrence, qui pénalisent gravement notre agriculture. Nous proposons d’écrire les fondements d’un commerce plus juste, basé sur la réciprocité, d’aller plus loin dans l’harmonisation des normes environnementales et sanitaires entre États membres, de généraliser le recours à des mesures miroirs universelles et efficientes – y compris en matière sociale – dans nos échanges et d’inverser la charge de la preuve concernant le respect de ces mesures miroirs – c’est l’Union européenne qui en assure aujourd’hui le contrôle.
Cette proposition réaffirme, ensuite, notre opposition à toute scission de l’accord avec le Mercosur. Une telle scission, qui consisterait en la séparation de l’accord d’association et de l’accord commercial serait un désaveu démocratique : l’accord commercial relevant exclusivement de la compétence de la Commission, celle-ci pourrait s’affranchir du vote des États membres.
Chers collègues, nous devons tenir un discours de vérité. Comme moi, vous êtes chaque jour au contact des Françaises et des Français ; vous connaissez les préoccupations, les doutes et les attentes fortes de nos agriculteurs et du monde paysan ; vous savez combien d’emplois directs et indirects compte ce secteur.
Ensemble, portons la voix de nos circonscriptions au Parlement européen. Dans la bataille contre l’accord avec le Mercosur, il s’agit de donner des armes concrètes à nos parlementaires européens pour défendre la position de la France avec force.
Démontrons que, de l’unité de l’Assemblée nationale française, peuvent naître des solutions concrètes au service de tous les Européens, puisque notre souveraineté alimentaire figure au rang de nos intérêts vitaux.
Je vous appelle à poursuivre le mouvement de protestation et d’espoir engagé avec cette proposition de résolution européenne. Je vous appelle à renouveler votre soutien unanime aux mesures de bon sens que nous défendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, au nom de la commission des affaires européennes.
M. Dominique Potier
Nous sommes à un moment de bascule et de choix : logique trumpiste – qui érige, dans la vie publique et les relations internationales, la violence et les rapports de force en règle – ou logique du partage et de la coopération. Nous devons opter pour une compétition mortifère ou pour une union européenne fondée sur la coopération.
Une telle coopération exige des normes et de la justice, ici, et ailleurs. Ces normes, la France les défend dans la tradition des Lumières, quand l’Europe, après la Shoah et dans les pas de Schumann ou de Delors s’inscrit dans une tradition humaniste.
Ces normes nous permettent de vivre et de commercer, dans un esprit de justice. Il est devenu commun de les critiquer. Bien sûr, on peut les simplifier ou les appliquer plus efficacement, avec souplesse et humanité. Mais les remettre en cause, c’est remettre en cause les limites que nous nous fixons pour protéger notre humanité et notre fraternité, ainsi que la planète et nos écosystèmes – nos assurances vie.
Tous les spécialistes de l’agriculture et de l’alimentation le répètent : seule une politique de coopération, de lutte contre l’accaparement des terres, de partage de la valeur, d’échanges justes permettra de nourrir 10 milliards d’habitants en 2050.
Une telle ambition est possible, grâce aux terres et aux paysans du monde entier. Mais, pour atteindre cet objectif, il faut des normes, des règles. C’est ce qui nous réunit aujourd’hui. Les normes pour lesquelles nous plaidons ne sont ni nationalistes, ni européocentrées, il ne s’agit pas d’un miroir du trumpisme : elles sont fondées sur des valeurs universelles.
Nous proposons simplement que les normes européennes s’imposent à ceux qui veulent exporter des produits et des services vers Europe, qu’on applique un principe de réciprocité en matière commerciale.
Notre proposition de résolution européenne réaffirme avec force et clarté, et sans ambiguïté, notre opposition à toute scission du processus d’adoption de l’accord avec le Mercosur. Il faut que les parlements et les nations aient le dernier mot car il s’agit d’un accord politique majeur, dont les implications politiques, écologiques et en termes de droits humains sont importantes.
Nous formulons cinq propositions. J’y insiste, il s’agit de fixer des règles européennes universelles afin de réguler les échanges commerciaux au-delà des accords avec certains pays ou régions, comme c’est le cas dans le cadre du Mercosur.
Nous souhaitons mettre fin aux limites de tolérance en matière de pesticides pour les produits importés. En réciprocité, il nous semble utile d’interdire l’exportation depuis l’Europe de produits, mais également de substances, qui sont interdits sur le territoire européen.
Nous préconisons également une harmonisation, très attendue par nos agriculteurs, des principes et des règles européennes en matière sanitaire et environnementale.
Nous proposons une réforme du règlement no 1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, dit règlement Inco, afin de mieux identifier l’origine territoriale, régionale, nationale, voire européenne des produits.
Mais la principale proposition concerne les mesures miroirs. Méfions-nous des mesures façon miroirs aux alouettes, forme d’illusion ou de fiction qui encourage les plus libéraux et leur permet de justifier une extension infinie du commerce mondial.
Avec force et humilité, après un long travail, le groupe Socialistes et apparentés plaide quant à lui pour de véritables mesures miroirs. Notre réflexion fait suite aux conclusions de la commission d’enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre ses objectifs de réduction de l’utilisation des pesticides.
Notre agriculture ne deviendra pas durable et nous ne pourrons nous affranchir des pesticides et des intrants si nous sommes concurrencés par des agricultures qui ne respectent pas les mêmes normes que nous. C’est un principe de base !
Nous savons que les contrôles dans les ports et les aéroports sont lacunaires – les douanes et les services chargés des contrôles sanitaires le confirment. Nous sommes donc faillibles et nos mesures, mal appliquées.
C’est pourquoi il faut inverser la charge de la preuve, et obliger nos partenaires commerciaux à prouver que leurs moyens de production respectent nos normes. Il s’agirait d’imposer une certification par un organisme tiers, agréé par l’Union européenne, l’échelon européen étant le seul pertinent.
C’est un acte d’amour pour les paysanneries de nos territoires, le Toulois et le Saintois pour moi, mais aussi de Lorraine, de Bretagne ou d’Occitanie. C’est surtout un acte d’amour pour la paix et pour les paysans du monde.
Nous défendons à la fois les principes de réciprocité, de fraternité, d’égalité, de juste commerce et de justes échanges, seuls garants d’une alimentation sûre et durable, elle-même facteur de paix dans le monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Je salue le choix de votre assemblée de mettre à l’ordre du jour un sujet aussi important que la réciprocité en matière de normes sanitaires et environnementales.
En matière agricole, nous avons progressivement mis en place des normes exigeantes, et nos producteurs ont su s’adapter pour faire évoluer leurs pratiques, au bénéfice de la santé de nos consommateurs et en faveur de l’environnement.
Nous devons reconnaître et valoriser les efforts importants qu’ils ont consentis. La ligne du gouvernement est claire : ces efforts ne doivent pas donner lieu à ce que nous pourrions qualifier des fuites environnementales.
Il ne s’agit bien sûr pas de remettre en cause les objectifs sanitaires et climatiques ambitieux de l’Union européenne, dans l’intérêt de tous. Il ne s’agit pas non plus de remettre en question les bénéfices des accords commerciaux pour nos entreprises et notre économie.
La France demeure une grande puissance agricole mondiale : nous sommes le sixième exportateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires ; nos exportations génèrent un chiffre d’affaires de l’ordre de 85 milliards d’euros et un excédent commercial d’environ 9 milliards d’euros.
Ces chiffres sont le résultat d’une équation simple : des accords bien ficelés constituent des débouchés précieux pour nos filières. Mais soyons cohérents : nos efforts sanitaires et environnementaux ne devraient pas être mis à mal par une hausse des importations en provenance de pays moins ambitieux en la matière.
C’est pourquoi la France s’est engagée en faveur des mesures miroirs, avec des résultats convaincants. Le président de la République s’est exprimé sans ambiguïté lors de la dernière Conférence des ambassadrices et des ambassadeurs.
Une mesure miroir, c’est l’application, aux produits importés de tout pays tiers, de standards environnementaux et sanitaires européens qui portent sur les processus de production, étant entendu que les normes qui concernent les produits eux-mêmes s’appliquent à tous les produits mis sur le marché européen, importés ou non. Au fond, il s’agit tout simplement d’exiger la réciprocité. J’entends parfois que ces mesures miroirs sont inscrites dans nos accords de commerce, qu’elles seraient des « clauses miroirs ». Ce n’est pas le cas. Elles sont inscrites directement dans les règlements ou les directives sectoriels de l’Union européenne, si bien qu’elles s’appliquent à tous les producteurs qui souhaitent vendre leurs produits sur le marché européen, quel que soit le pays tiers d’origine.
C’est d’ailleurs là toute leur puissance : plutôt que d’être liées à un accord, et par là, à une négociation, elles s’appliquent à tous les pays tiers et ne sont donc la contrepartie d’aucune concession de notre part.
Il est vrai que nous avons obtenu des résultats convaincants. Notre première victoire remonte aux années 1990, avec l’instauration de l’interdiction des hormones de croissance. Depuis, notre arsenal s’est considérablement renforcé.
Ainsi, l’interdiction de l’accès au marché de l’Union européenne de produits animaux traités avec certaines hormones de croissance a été étendue en janvier 2022 à l’interdiction d’importer les animaux et les produits animaux traités avec des antimicrobiens activateurs de croissance ou qui augmentent le rendement des animaux, ainsi qu’avec des antimicrobiens réservés au traitement de certaines infections chez l’homme. Comme vous, j’attends avec impatience l’entrée en application de ces dispositions en 2026, mais sachez que, pour l’heure, les autorités françaises ont interdit l’introduction, l’importation et la mise sur le marché en France de ces produits.
Il sera interdit d’importer des produits agricoles contenant des traces de deux néonicotinoïdes néfastes pour les pollinisateurs : la clothianidine et le thiaméthoxame. Il s’agit plus précisément d’abaisser les limites maximales de résidus (LMR) pour ces substances au niveau le plus bas pouvant être mesuré, pour les importations de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux. Le règlement présentant cette interdiction, adopté et publié le 2 février 2023, entrera en application le 7 mars 2026.
Très récemment, un nouveau règlement a également abaissé la LMR du thiaclopride, un autre néonicotinoïde, avec effet à partir de mai 2025.
Dans un autre registre, je rappellerai deux mesures miroirs très importantes, fortement soutenues par la France. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, en miroir du marché d’échange de quotas carbone européen, est entré en vigueur et montera en charge entre 2026 et 2034. Quant au règlement « zéro déforestation », c’est-à-dire l’interdiction de mise sur le marché de sept produits de base et de certains de leurs dérivés ayant provoqué déforestation ou dégradation des forêts, il convient d’en assurer la bonne application avant de songer à en étendre le champ. Il faut reconnaître que les producteurs, tant au sein de l’UE que dans les pays tiers, ont besoin d’un temps d’adaptation : c’est précisément pour cela que la France a accepté de reporter d’un an son entrée en vigueur, prévue pour fin décembre 2025.
Notre engagement en faveur des mesures miroirs est donc constant. Nous rappelons notre exigence que figurent régulièrement des mesures miroirs dans la réglementation européenne – comme j’ai d’ailleurs pu le faire lors de mon entretien avec le commissaire chargé du commerce quand j’ai pris mes fonctions. Je continuerai, nous continuerons à le faire dans les prochains mois, en particulier si de nouvelles normes devaient être envisagées – je pense aux réflexions en cours sur le bien-être animal. À la lumière de cet engagement je ne peux que souscrire à une grande partie des propositions contenues dans ce texte.
J’y apporterai néanmoins deux réserves principales. La première est d’ordre technique et concerne les LMR. Je l’ai évoqué, nous travaillons à leur réduction s’agissant des néonicotinoïdes. L’objectif est de voir si nous pouvons abaisser les LMR applicables aux produits importés, pour les substances interdites au sein de l’Union européenne, à la fois pour les flux et pour le stock. Ce chantier de révision a d’ailleurs été encouragé par les autorités françaises et doit passer par une évolution du règlement relatif aux limites maximales de résidus, pour trente-six substances.
Toutefois, une réduction des LMR à la limite de détection ne saurait être immédiate et systématique. D’une part, un délai est nécessaire pour l’adaptation des pays exportateurs, c’est une pratique constante en cas d’évolution réglementaire tant dans l’Union européenne que vis-à-vis des pays tiers. D’autre part, chaque substance doit être étudiée au cas par cas, à la fois parce que certaines LMR sont fixées par des corpus internationaux qui nous engagent au niveau européen, mais aussi parce que certaines tolérances peuvent être justifiées. La suppression des tolérances à l’importation pour toutes les substances interdites dans l’UE ne peut être absolue : certaines substances ne sont pas autorisées dans l’UE mais font l’objet d’une tolérance à l’importation, par exemple parce qu’elles sont nécessaires à la production dans d’autres géographies et sous d’autres climats. Reste qu’en aucun cas ces tolérances à l’importation ne doivent mettre en danger la santé humaine. C’est une condition absolument nécessaire qui doit être respectée avant d’envisager cette tolérance.
Ma seconde réserve, plus générale, est d’ordre stratégique. Les mesures miroirs doivent être bien calibrées et non systématiques. Toute norme n’a pas vocation à être accompagnée d’une mesure miroir : si on cherchait à imposer l’ensemble de nos conditions de production aux autres pays tout le temps et en tout lieu, et si les pays tiers cherchaient à faire de même, on aboutirait à un blocage du commerce international.
Je soutiens les mesures miroirs à la lumière de trois exigences. D’abord, elles doivent être pertinentes. La France promeut à Bruxelles la mise en place d’un « réflexe mesure miroir » visant à ce que la Commission examine l’intérêt d’une éventuelle extension aux importations de ses normes de production.
Ensuite, elles doivent être conformes aux règles internationales en matière de commerce. Elles doivent ainsi viser des objectifs de santé ou environnementaux globaux. Je me permets d’ailleurs une incise : bien que souvent décriées, les normes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) nous sont bien utiles. Sans naïveté, sans aveuglement, le cadre multilatéral du commerce international peut, et doit, être réformé, mais il ne doit certainement pas disparaître. Il est dans notre intérêt de nous inscrire dans ce cadre – vous l’avez dit, monsieur Potier, nous avons besoin de normes, de règles dans le commerce international. Ainsi, une mesure miroir concernant des normes de commercialisation serait contraire aux règles de l’OMC. Par ailleurs, une mesure miroir sur des normes sociales ne serait compatible avec les règles de l’OMC que dans certains cas précis, clairement délimités.
Enfin, les mesures miroirs doivent être applicables et appliquées.
Nous nous rejoignons donc déjà, une fois exprimée cette réserve d’ordre stratégique. Comme vous, nous considérons que l’application des mesures miroirs est un réel enjeu et, à ce titre, le gouvernement ne peut que souscrire à la proposition de la rapporteure et de M. Potier de commencer par un travail d’harmonisation interne à l’Union européenne. Ainsi, une harmonisation accrue des procédures d’autorisation de mise sur le marché (AMM), pour éviter les distorsions réglementaires entre États membres, est nécessaire. Ce principe a été défendu lors des négociations sur le règlement sur l’utilisation durable des pesticides et demeure une priorité.
De la même manière, la proposition de résolution évoque à raison la possibilité du renversement de la charge de la preuve. Nous ne pouvons qu’y adhérer – d’autant plus que c’est précisément la pratique actuelle. Par exemple, la mise en place de la mesure miroir relative à l’interdiction d’importer des viandes bovines d’animaux traités avec des antimicrobiens favorisant la croissance ou le rendement s’accompagne bien de la mise en place de certificats et d’une liste de pays autorisés à exporter.
Par ailleurs, nous rejoignons la recommandation de la rapporteure et de M. Potier qui appellent à une révision du règlement Inco. Nous regrettons, comme vous, que l’étiquetage de l’origine ne soit obligatoire, à l’heure actuelle, que pour un nombre restreint de produits.
Enfin, et surtout, je souhaite comme vous mettre l’accent sur les contrôles. Ils existent déjà à toute étape de la chaîne, des vérifications sont menées par les autorités européennes elles-mêmes pour s’assurer de la conformité de la production à l’aune des normes internationales et européennes. Ces vérifications prennent la forme d’audits sur pièces et sur place, dans les établissements des pays tiers, de contrôles des produits provenant des pays tiers, aux points de contrôle frontalier de l’Union européenne, et de contrôles sur le marché européen.
Si une non-conformité majeure démontrant le non-respect de normes sanitaires internationales et de l’UE est relevée à la suite des conclusions des audits, et en l’absence de prise de mesures correctrices, la Commission peut bloquer les importations ou ne plus renouveler les agréments des établissements en cause. Par ailleurs, si cette non-conformité est observée au stade du contrôle aux frontières, alors les produits sont soit détruits sur place, soit retournés vers le pays tiers sans entrer au sein de l’UE.
Ces contrôles existent donc et, comme vous le faites justement remarquer, ils doivent être plus nombreux et leurs conclusions davantage suivies d’effets. C’est un constat que nous avions fait s’agissant du Canada dans le cadre des débats sur l’Accord économique et commercial global (Ceta), mais il est valable pour les autres pays tiers. Je pense en particulier à une non-conformité majeure observée en 2024 dans le fonctionnement du système de contrôle du Brésil relatif à l’interdiction d’utilisation de certains médicaments vétérinaires promoteurs de croissance dans les élevages de bovins dont la viande est destinée au marché de l’UE. C’est inacceptable et nous demandons à la Commission de multiplier les audits dans les pays tiers et de renforcer le suivi des mesures correctives.
Je ne peux que souligner la grande convergence de vues entre le gouvernement et l’Assemblée en ce qui concerne les mesures miroirs, même si nous apportons des nuances à certaines dispositions du texte. C’est un combat que les membres du gouvernement, en particulier Annie Genevard, ministre de l’agriculture, mèneront en commun. Nous soutenons donc cette proposition de résolution.
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Je tiens en préambule à saluer la rapporteure de la commission des affaires économiques et Dominique Potier, de la commission des affaires européennes, à l’initiative de ce texte. C’est une très bonne chose que nous puissions avoir des débats de fond sur les sujets européens et internationaux, débats qui font parfois défaut ici.
La proposition phare que vous défendez est celle d’une inversion systématique de la charge de la preuve du respect des mesures miroirs. Il s’agit d’imaginer une solution alternative constructive pour s’assurer du respect, par les exportateurs de produits agricoles des pays tiers, des exigences sanitaires, environnementales et sociales de l’Union européenne. Cette proposition de résolution a une ambition : celle d’un commerce plus équitable, d’un libre-échange plus durable, mais aussi d’une Europe qui sait se faire respecter et défend ses standards. Au moment où nos normes, en particulier environnementales, sont contestées, cette philosophie est essentielle.
Nous connaissons en effet les réalités qui se cachent derrière ces contestations. C’est la réalité des agriculteurs, qui manifestent depuis des mois devant le Parlement européen contre le projet d’accord avec le Mercosur – et avec raison –, qui subissent une concurrence trop souvent déloyale, en provenance de pays jouant au même jeu sans les mêmes règles, qui déplorent que les trop rares mesures miroirs en vigueur ne soient pas respectées – ici aussi ils ont raison. C’est la réalité des entreprises, concurrencées, écrasées parfois par la bureaucratie européenne, étranglées par le manque d’investissements et par des entreprises extra-européennes qui ne respectent presque aucune règle.
Je prends prétexte de ce débat pour revenir sur les annonces faites hier par la Commission européenne en matière de compétitivité et qui me semblent aller dans le bon sens : nous avons besoin de renforcer la compétitivité et l’industrie européennes dès lors que nos concurrents, dans le monde, ont commencé à nous distancer. La Commission a raison de vouloir jeter les bases qui permettront à nos entreprises de retrouver leur avantage concurrentiel et de garantir une économie juste, forte, ouverte et résiliente. Et, oui, la Commission a raison de s’attaquer au fardeau bureaucratique qui pèse sur la compétitivité de nos entreprises. C’est notre autonomie stratégique qui est en jeu.
Mais ne nous méprenons pas : devenir plus compétitifs ne signifie pas renoncer à nos objectifs environnementaux. Bien au contraire, leur réalisation nous donnera une longueur d’avance dans la course à la transition écologique et numérique. Simplifier oui, déréguler non.
Et je le dis ici : l’opposition croissante de plusieurs États membres à la directive concernant la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) et à la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CS3D), notamment, ne va pas du tout dans le bon sens. C’est la France qui a défendu et obtenu ces avancées au niveau européen ces dernières années. (M. Dominique Potier applaudit.) Amorcer un mouvement dans lequel nous irions défaire des réglementations et des normes n’est pas acceptable. Nous devons l’affirmer ici clairement et ce sujet mériterait un débat de fond plus ample que celui-ci.
M. Dominique Potier
Tout à fait !
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Au moment où une musique anticlimat prend de l’ampleur en Europe, notre réponse ne peut pas être de détricoter les normes que nous avons bâties collectivement. Cela mettrait en danger la lutte contre le dérèglement climatique et freinerait l’adaptation de nos économies.
Regardons autour de nous : la nouvelle administration Trump envisage de relancer la guerre douanière et assume un patriotisme commercial agressif ; la Chine pratique un libre-échange à sens unique selon des standards bien inférieurs aux nôtres et attaque les entreprises européennes. Alors que les crises climatiques et agricoles s’intensifient, il paraîtrait insensé de déréguler de manière aveugle et d’affaiblir nos ambitions environnementales.
Évidemment, l’Europe ne peut être vertueuse seule. Son problème, cependant, n’est pas d’être ambitieuse pour le climat : c’est de ne pas suffisamment investir et de ne pas savoir imposer ses exigences sanitaires et sociales. Nous devons donc appliquer nos législations, en simplifiant, mais aussi en ayant une politique industrielle plus assumée, avec davantage d’innovations et d’investissements dans les secteurs clefs de demain – les cleantech, la greentech, l’intelligence artificielle (IA)… – ; nous devons aussi conserver les objectifs environnementaux ambitieux que nous nous sommes fixés pour 2035 et 2050. Les deux doivent aller de pair. C’est ainsi que nous pourrons avancer, certainement pas en dégradant les standards pour lesquels la France s’est battue durant de nombreuses années à Bruxelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
La commission des affaires économiques a souhaité se saisir de cette proposition de résolution européenne parce qu’elle est essentielle pour l’avenir des agriculteurs et que les questions agricoles nous tiennent particulièrement à cœur. Après qu’elle a été présentée en commission des affaires européennes par Dominique Potier, dont je salue l’initiative, nous l’avons examinée sur la base du rapport de Mélanie Thomin, laquelle a su l’enrichir.
Je me réjouis que la conférence des présidents ait bien voulu programmer son examen, conjointement avec celui de la proposition de résolution non moins importante d’Arnaud Le Gall, invitant le gouvernement à ne pas ratifier l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur.
En réalité, les deux textes sont étroitement liés : il s’agit d’empêcher la concurrence déloyale avec des pays dont les entreprises ne respectent pas un minimum de règles sociales et environnementales et d’éviter le règne de règles moins-disantes, qui nous forcerait à toujours niveler par le bas. Cela concerne au plus haut point l’État et la façon dont nous concevons nos politiques commerciales.
Nous devons nous garder de toute naïveté et de toute faiblesse à l’égard des pratiques économiques et commerciales de certains États, car il y va de notre transition écologique et de nos règles sociales et environnementales, que nous avons mis des décennies à élaborer.
Le texte identifie trois sources de distorsion de la concurrence : l’absence de règles s’appliquant aux produits importés dans l’Union européenne, l’absence d’harmonisation des normes au sein de l’Europe, un régime de contrôle des importations largement lacunaire.
En réponse, il faudrait changer de logiciel et opter pour des approches commerciales plus réalistes, moins naïves et moins marquées par l’idéologie néolibérale, laquelle domine dans la façon dont l’Union européenne conçoit ses politiques commerciales. Il est regrettable qu’elle soit marquée par une vision complètement dépassée du commerce international, dont les conséquences tragiques frappent nos agriculteurs : 18 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté ; le revenu agricole, déjà en baisse l’année dernière, continue de diminuer ; les agriculteurs, des filières bovine et sucrière notamment, sont en train de couler.
L’Europe ne peut pas être la seule région du monde à s’appliquer à elle-même des règles contraignantes, pendant que d’autres profitent de la concurrence déloyale et mettent en place des législations protectrices. Je pense au Brésil, à la Chine, qui mène une politique de stockage de ses céréales, ou aux États-Unis, qui encadrent le prix des denrées et les revenus agricoles. Alors que nous nous interdisons de le faire, au nom de la libre concurrence, ces pays ont compris qu’il fallait davantage réguler leurs marchés et protéger leurs frontières en matière commerciale. À contretemps, l’Europe et la France préfèrent continuer de déréguler, au détriment de l’agriculture et de l’industrie.
Je remercie Dominique Potier, Mélanie Thomin et Arnaud Le Gall d’avoir bien voulu, avec leurs propositions de résolution, mettre cette situation en évidence et œuvrer pour que le gouvernement et l’Union européenne défendent beaucoup plus fermement l’exigence et l’avenir de notre modèle agricole. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS, ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. Dominique Potier
Bravo !
Discussion générale
M. le président
La parole est à Mme Marie-José Allemand.
Mme Marie-José Allemand
Pour l’agricultrice que je suis, c’est un honneur d’être à cette tribune pour défendre nos agriculteurs. Je suis fière de relayer leurs inquiétudes, que je connais bien et que je partage. Elles sont d’abord provoquées par la concurrence déloyale abyssale à laquelle ils font face et qui ne sévit de la sorte dans aucun autre secteur de l’économie française.
Combien de fois les agriculteurs ont-ils découvert sur les marchés des fruits importés traités avec des substances interdites en France ? On estime à 25 % la part des produits agricoles importés qui ne respecteraient pas les normes pourtant imposées aux producteurs français.
Sans un coup d’arrêt, cette concurrence déloyale mettra en grand péril l’agriculture française. Pour certaines productions, la tendance est déjà largement engagée : près de la moitié du poulet que nous consommons est importée, contre 25 % en 2000.
Cette proposition de résolution vise tout d’abord à dire à nos agriculteurs que nous n’admettons aucune ambiguïté face aux excès du libre-échange qui dérégule et fait souffrir le monde agricole. Dans ce contexte, notre opposition à l’accord avec le Mercosur a toujours été constante : il ne respecte aucune des conditions démocratiques, économiques, environnementales et sociales que nous sommes en droit d’attendre d’un accord de libre-échange.
Sur le fond, cet accord, en ouvrant notamment le marché européen à des denrées produites selon des standards largement inférieurs à ceux qui s’imposent aux producteurs français, ne viendrait qu’aggraver les distorsions de concurrence existantes. Il aurait également des conséquences sur les revenus et le niveau d’emploi dans les secteurs agricole et agroalimentaire.
Sur la forme, nous rappelons notre opposition à toute tentative de scission de l’accord, qui conduirait à s’affranchir du vote des parlements nationaux. L’accord sur le Mercosur est un accord mixte, il relève à la fois de la compétence exclusive de l’Union européenne et des compétences qu’elle partage avec les États membres.
À ce titre, l’intégralité de l’accord devrait être soumise à la procédure de ratification, c’est-à-dire à un vote à l’unanimité des États membres au Conseil, puis à un vote au Parlement européen, enfin à une ratification par l’ensemble des parlements nationaux. C’est le sens de l’amendement adopté lors de l’examen en commission.
Cette proposition de résolution n’est pas seulement un texte d’opposition. Elle se donne pour objectif, c’est tout son mérite, de formuler des propositions qui esquisseraient un chemin pour améliorer durablement la situation du monde agricole. À cet égard, je tiens à remercier Dominique Potier pour son travail de longue date sur ces questions.
Nous proposons de généraliser le recours aux mesures miroirs, plus larges que les clauses miroirs, afin de garantir que les produits importés respectent des normes de production conformes aux exigences européennes. Ces mesures sont des dispositions intégrées dans la législation européenne, qui permettent d’appliquer les normes européennes aux produits importés de l’ensemble des pays tiers, et non aux seuls pays liés par un accord de libre-échange.
Nous proposons ensuite d’inverser la charge de la preuve du respect des mesures miroirs par les opérateurs exportant leurs produits depuis des pays tiers. Nous tirons ce faisant les leçons de l’inefficacité du système de contrôle actuel et suggérons de lui substituer une obligation pesant sur les pays tiers. Concrètement, les opérateurs économiques qui exportent vers l’Union européenne auraient l’obligation de faire certifier leurs conditions de production et de transformation par un organisme tiers, lui-même agréé par l’Union européenne.
Nous souhaitons imposer des limites résiduelles égales à zéro pour les produits phytopharmaceutiques déjà interdits au sein de l’Union européenne. Concrètement, il s’agit de faire en sorte que les mêmes mesures s’appliquent aux produits importés et aux produits européens.
Nous proposons aussi d’agir sur la concurrence déloyale intra-européenne, en harmonisant la mise en œuvre des normes environnementales et sanitaires entre les États membres.
Enfin, nous souhaitons étendre le recours aux indications d’origine, actuellement très perfectible. En effet, l’indication de l’origine n’est applicable qu’à un nombre limité de produits et seule l’indication « UE » ou « non UE » est considérée comme conforme au droit européen.
Je ne doute pas que notre assemblée trouvera un consensus sur cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. le président
La parole est à M. Jérôme Nury.
M. Jérôme Nury
La proposition de résolution européenne que nous examinons met en lumière des enjeux primordiaux pour nos agriculteurs et indique clairement que nous sommes nombreux à rejeter l’accord avec le Mercosur.
Le texte, porté avec énergie et conviction par Dominique Potier et Mélanie Thomin, souligne que l’agriculture européenne, a fortiori française, fait indéniablement face à des concurrents qui jouent avec des règles du jeu inéquitables, et dont une part importante des productions importées ne respectent pas nos normes.
Dans le cadre de l’accord avec le Mercosur, les efforts exigés des producteurs brésiliens ou argentins ne sont pas à la hauteur des exigences environnementales et sanitaires défendues par l’Europe. À cet égard, le texte propose que les importations en provenance de pays extraeuropéens, en particulier pour les produits alimentaires et phytosanitaires, respectent les normes européennes, que des clauses miroirs soient mises en place et que les contrôles existants soient renforcés.
Nous soutenons totalement ces mesures. Nous nous associons pleinement à cette volonté politique forte. Nous devons combattre la concurrence déloyale organisée.
Je tiens à rappeler le cri du cœur de nos agriculteurs et la colère qu’ils expriment depuis des années. Nous devons prendre en considération leurs revendications légitimes. L’affaiblissement de notre secteur agricole n’est pas inexorable. Pour résister et sauver notre agriculture, il nous faut de la volonté politique et la soutenir coûte que coûte.
Face à l’injustice qu’il constitue, nous sommes bien évidemment en faveur du rejet de l’accord avec le Mercosur. Cependant, sur la question plus spécifique de la concurrence intraeuropéenne, au lieu d’alléger la situation de nos agriculteurs, nous craignons que ce texte ne défende des mesures trop contraignantes et finisse par pénaliser notre production.
En effet, vous plaidez pour une harmonisation par le haut des normes entre les États membres. Nous ne voulons pas que la France, déjà pionnière en matière de surtransposition au sein de l’Union, devienne un labyrinthe normatif pour nos agriculteurs.
La perte de compétitivité de la France est notable. Les importations agricoles sont en hausse, leur part dans l’alimentation est désormais de 20 %. Dans ce contexte, les pays membres de l’Union européenne seraient-ils réellement prêts à adopter des normes agricoles aussi strictes que celles de la France ? Nous craignons qu’une telle philosophie fragilise l’ensemble de la filière agricole européenne.
Ne serait-il pas préférable de revoir certaines normes jugées excessives, qui pèsent sur l’activité économique et la compétitivité de nos agriculteurs, tout en préservant les standards essentiels pour notre environnement et notre santé ?
Bien sûr, nous devons travailler ensemble pour un avenir dans lequel nos normes garantiront la qualité des produits alimentaires et préserveront la santé des Français. La Droite républicaine ne s’opposera pas à cette proposition de résolution européenne.
À titre personnel, je m’interroge quant à la pertinence d’un tel texte face à un hémicycle vide. Nous allons discuter toute la matinée d’un texte incantatoire, fait de vœux pieux et qui ne servira à rien. Nous ne décidons de rien, puisque c’est l’Union européenne qui a la responsabilité de ces sujets et qui votera.
M. le président
La parole est à M. Nicolas Bonnet.
M. Nicolas Bonnet
Nous examinons aujourd’hui un texte important, qui entend s’attaquer à la crise agricole et plus particulièrement à la distorsion de concurrence entre nos agriculteurs et les producteurs extra-européens, qui ne respectent pas les mêmes normes. Je dirais plutôt qu’ils ne respectent pas les règles communes que nous appliquons, tant le terme de « normes » est aujourd’hui dévalorisé.
Cette différence de normes alimente, chez les agriculteurs, un sentiment d’injustice qui, tout en étant justifié, constitue le terreau d’une certaine démagogie. Nous devons donc choisir entre ce qui est simple et ce qui est juste. Ce qui est simple, c’est de considérer que le problème vient de normes trop nombreuses et qu’il faut les supprimer. Ce qui est juste, c’est d’examiner les raisons pour lesquelles ces normes sanitaires, environnementales et sociales ont été instaurées et de nous demander si nous sommes réellement prêts à renoncer aux bénéfices, nombreux, que nous en tirons.
Qui peut contester que l’utilisation excessive de pesticides a accru la prévalence de certaines maladies, notamment des cancers, dont les agriculteurs sont les premières victimes ? Qui peut contester le fait que ne pas tenir compte de la capacité d’absorption des sols, c’est accroître le risque d’inondations ? Qui peut contester que la production et l’utilisation des engrais azotés, émettrices de gaz à effet de serre (GES), contribuent à l’accélération du changement climatique ?
Aujourd’hui, personne ne conteste les raisons pour lesquelles nous avons appliqué ces règles communes à notre agriculture, et leurs bienfaits. Mais regardons avec lucidité les distorsions de concurrence qu’elles induisent et traitons-les. C’est bien l’objet de la présente proposition de résolution européenne, qui vise, par des mesures miroirs, à imposer à ceux qui veulent exporter leurs productions dans l’Union européenne les mêmes règles que celles que nous nous sommes fixées.
Prenons l’exemple de l’atrazine. Cet herbicide, jugé dangereux par l’Union européenne, persistant dans le sol et dans les eaux et dont les résidus sont nocifs pour la santé humaine, se retrouve dans des produits importés. Aberration supplémentaire, alors que nous avons su nous sevrer de ce produit phytosanitaire, nous continuons à en produire et à en exporter.
Nous devons faire preuve de cohérence et obtenir l’application de mesures miroirs tout en refusant, par éthique, de produire et d’exporter ce que nous considérons comme trop dangereux sur notre territoire.
Nous remercions ceux qui ont pris l’initiative de ce texte. Il va dans le bon sens car il tend à préserver l’agriculture et l’emploi agricole, à améliorer le revenu des agriculteurs et à développer notre souveraineté alimentaire – autant d’objectifs que nous sommes nombreux à partager. Le groupe Écologiste et social soutiendra cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS ainsi que sur ceux des commissions.)
M. le président
La parole est à M. Éric Martineau.
M. Éric Martineau
C’est en Européens que nous devons penser un futur pour le commerce international, où nos intérêts stratégiques seront préservés et où l’agriculture, nos éleveurs, nos arboriculteurs et nos maraîchers ne seront pas systématiquement perdants. Ce texte, proposé par nos collègues socialistes, vient enrichir nos réflexions collectives sur la construction de la position française.
Ce n’est pourtant pas la première pierre de cet édifice. D’autres jalons ont déjà été posés, comme le blocage, dès 2019, de l’adoption de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Nous continuons d’ailleurs de soutenir le blocage de cet accord, que nous considérons comme dangereux en l’état. Je pense également au rapport Ambec, et au constat lucide du caractère obsolète du produit des négociations engagées par la Commission européenne en 1999. Je pense à la priorité fixée par le président de la République quand la France assumait la présidence de l’Union européenne, en 2022.
Ces prises de position françaises fortes, qui ont parfois été imparfaitement comprises ou mal reçues par nos partenaires européens sont le résultat d’une immense mobilisation, ici et chez nos voisins. Les syndicats agricoles et les associations environnementales, de défense des droits humains et de défense des animaux se sont unis pour nous demander d’agir en ce sens.
Le temps de la réforme est venu ! Le texte comporte plusieurs propositions que nous accueillons avec une grande bienveillance. Oui, nous devons inverser la charge de la preuve et, pour cela, travailler au niveau international, pour réformer l’OMC, et au niveau européen – le bon échelon pour agir.
Oui, nous devons imposer des mesures miroirs dans chaque nouvelle réglementation européenne pour que notre volonté de faire mieux s’impose à nos partenaires commerciaux. Oui, nous devons avoir une tolérance zéro sur les produits phytosanitaires interdits dans l’Union européenne. Oui, nous devons interdire plus complètement l’exportation de produits phytosanitaires interdits en France. Oui, nous devons renforcer le recours à l’indication d’origine. Ces positions, courageuses, nous devons les défendre auprès des autres pays membres de l’Union européenne, mais aussi de l’OMC.
Nous accueillons donc avec une grande bienveillance cette proposition de résolution. Nous devons aller vers le juste échange, qui doit conditionner la suppression ou l’abaissement sensible de droits de douane à l’élévation réelle des standards de production, sanitaires, environnementaux et sociaux de nos partenaires.
Nous sommes de fervents défenseurs d’un multilatéralisme qui ne se subit pas, mais se construit. Alors construisons-le ensemble !
Cette proposition de résolution ne doit pas rester un vœu pieux, un signal symbolique envoyé à nos agriculteurs, mais soutenir un engagement collectif. Avec mes collègues du groupe Les Démocrates, nous ne voulons pas avoir à choisir entre un repli sur soi et les conséquences quotidiennes et tragiques de la concurrence déloyale.
M. Dominique Potier
Bravo !
M. le président
La parole est à Mme Isabelle Rauch.
Mme Isabelle Rauch
Avec le groupe Horizons & indépendants, nous partageons le diagnostic de cette proposition de résolution européenne. Nous nous sommes engagés contre l’adoption de l’accord de libre-échange avec le Mercosur, car il nous semble aujourd’hui nécessaire que l’Union européenne fasse mieux respecter les mesures miroirs, pour protéger notre secteur agroalimentaire de pratiques concurrentielles peu respectueuses de l’environnement et des enjeux de santé publique.
L’Union européenne et la France sont fières de leurs normes exigeantes pour les produits alimentaires. Ces normes nous permettent de préserver le climat et de protéger la santé des consommateurs. Peu de pays, d’espaces économiques à travers le monde, peuvent se targuer d’avoir des standards aussi vertueux, mais nos agriculteurs et nos éleveurs doivent faire face à une concurrence croissante au sein de l’Union européenne et au-delà.
Nous sommes d’accord sur ce principe : l’Union européenne gagnerait à s’assurer des conditions d’une concurrence équitable, ce qui implique que les pays qui exportent vers son marché adoptent des normes de production similaires. Or l’UE ne peut et ne veut pas contrôler les méthodes de production dans les pays d’origine.
En revanche, elle peut les influencer. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières permet par exemple de promouvoir des processus de production plus propres. Le règlement de l’UE visant à lutter contre la déforestation, qui doit pouvoir s’appliquer dès aujourd’hui, repose sur le même principe.
L’UE peut aussi contrôler les limites maximales de résidus issus de pesticides interdits sur les produits qui sont échangés sur le marché européen. Nous convenons qu’une plus grande fermeté sur les limites résiduelles est nécessaire et que nous gagnerions, entre États européens, à harmoniser nos normes environnementales pour éviter toute concurrence déloyale.
Ainsi, il faut être attentif à ce qu’aucune tolérance à l’importation dans certains États membres ne remette en cause les objectifs environnementaux et de santé publique au sein de l’Union européenne.
Toutefois, il faut garder à l’esprit que notre agriculture tire une part importante de sa richesse de sa capacité à exporter et à rester compétitive. Sa compétitivité est, en grande partie, garantie par la politique agricole commune (PAC). Le secteur agroalimentaire de l’Union européenne est, par conséquent, largement excédentaire sur les marchés mondiaux.
L’application de l’ensemble des dispositions de cette proposition de résolution nous semble susceptible de constituer une entrave trop importante au commerce international, dont bénéficie l’agriculture européenne. Vous proposez l’inversion de la charge de la preuve, obligeant les opérateurs économiques qui exportent vers l’Union européenne à faire certifier leurs conditions de production et de transformation par un organisme tiers. Cette obligation concerne déjà certains biens exportés vers l’Union européenne et cette même logique a permis de définir le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE.
La généralisation de ce principe à tous les biens exportés vers l’UE, couplée à l’ensemble des dispositions de cette proposition de résolution, comporte un risque : celui de constituer une charge administrative trop importante pour l’ensemble des opérateurs, surtout si des mesures de rétorsion étaient adoptées, à des fins de protection, par des pays commerçant avec l’Europe. La capacité de notre agriculture à exporter s’en trouverait compromise.
Parce qu’il est favorable aux mesures miroirs, le groupe Horizons & indépendant ne s’opposera pas à l’adoption de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
Il y a un an, Gabriel Attal, alors premier ministre, annonçait mettre l’agriculture au-dessus de tout. Or douze mois et quelques gouvernements plus tard, les agriculteurs ne perçoivent pas clairement les fruits de cette promesse.
Alors qu’ils décrient à juste titre les accords de libre-échange et la concurrence déloyale à laquelle ces derniers les exposent, on leur a annoncé, le 6 décembre, la signature du Mercosur – sans réelles perspectives d’avancées au niveau européen sur la question des clauses miroirs.
J’entends ceux qui disent que les agriculteurs français doivent composer avec de trop nombreuses normes environnementales et sanitaires et je comprends que la pertinence de ce cadre normatif fasse parfois débat, puisqu’il peut constituer une charge administrative importante pour les exploitants. Mais ce sont surtout les distorsions de concurrence qui sont contestées et contestables.
Au sein même de l’Union européenne, nos agriculteurs sont en concurrence directe avec des agriculteurs qui supportent des coûts de production et des charges moindres et sont soumis à des normes environnementales et sanitaires moins exigeantes. Loin d’être un espace protecteur, l’Union européenne est perçue comme une source d’instabilité par les exploitants.
Comme l’auteur de la proposition de résolution, nous appelons à mener un travail de recensement des normes nationales et une harmonisation de celles-ci à l’échelle européenne. Il est temps que soit instaurée une véritable concurrence libre et non faussée, condition sine qua non à l’acceptabilité de la communauté européenne et de ses institutions.
Nos agriculteurs doivent aussi faire face à l’internationalisation du marché et composer avec la concurrence de grandes puissances agricoles, telles que les États-Unis, l’Ukraine et le Brésil, dont le modèle agricole est plus extensif, productiviste et souvent bien plus dépendant des intrants et des produits pharmaceutiques que le nôtre.
En sus, les accords de libre-échange signés contribuent toujours un peu plus à la perte de compétitivité de nos agriculteurs : les clauses miroirs y sont rares et, lorsqu’elles existent, leur application est insuffisamment contrôlée. La systématisation des mesures miroirs et des contrôles, pour éviter les trop nombreux contournements actuels, n’est plus une option, c’est un impératif !
En outre, la proposition de résolution pointe à juste titre le double standard instauré par le principe de tolérance sur les limites maximales de résidus. En principe, les LMR s’appliquent de manière indifférente aux denrées produites dans l’Union européenne et à celles qui sont importées de pays tiers. Cependant, il arrive que la Commission européenne relève ces limites, au titre d’une tolérance à l’importation. Pire, ces LMR ne rendent pas nécessairement compte de l’ensemble des produits phytosanitaires utilisés dans le processus de production.
Deux raisons à cela : premièrement, tous les produits phytosanitaires utilisés dans la production végétale ou animale ne produisent pas de résidus dans les denrées qui sont commercialisées ; deuxièmement, certains importateurs recourraient à des produits « masquants », destinés à empêcher la détection des résidus lors des tests de produits agricoles. Bref, il y a là aussi une injustice à laquelle il faut remédier.
Nous partageons en outre la volonté de ne pas ratifier en l’état l’accord avec le Mercosur. Rappelons qu’à ce stade, seule Ursula von der Leyen l’a signé, et qu’il doit encore être voté par le Conseil de l’UE : nous avons donc encore la possibilité de constituer une minorité de blocage.
À plus long terme, les pistes indiquées dans la présente proposition de résolution, tel que l’inversion de la charge de la preuve, permettraient d’évoluer vers un système plus juste.
Parce qu’il est juste que l’Union européenne assure à nos agriculteurs un marché commun protecteur qui leur permette de vivre de leur travail, le groupe LIOT votera en faveur du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem ainsi que sur ceux des commissions.)
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
L’examen de la proposition de résolution intervient dans un contexte difficile pour les agriculteurs français. Pour une large part, ce texte vient décliner les recommandations – pleinement partagées par le groupe GDR – issues de la commission d’enquête dont vous avez présenté le rapport, monsieur Potier, en décembre 2023. Il y a urgence à définir les outils efficaces pour faire face au volume croissant de produits importés qui ne respectent pas les normes européennes en matière environnementale ou sanitaire.
L’insuffisance des contrôles à l’entrée des produits sur le territoire de l’UE est un problème bien connu – notamment du député du Havre que je suis –, tant au regard des critères employés que de leur ampleur. Un rapport d’information sur la sécurité alimentaire dans l’Union européenne, présenté par mon collègue André Chassaigne le soulignait déjà en 2020. Quant à la clause de sauvegarde qui permet de bloquer l’entrée d’un produit dans l’UE, elle n’est que rarement utilisée et ne pourra être, dans l’attente de règles strictes et opérationnelles sur les clauses miroirs, que transitoire.
Je regrette par ailleurs que le texte ne fasse pas figurer la protection sociale des actifs agricoles parmi les normes de production essentielles.
Ce texte entend lutter contre les distorsions de concurrence, qui tendent à s’aggraver. Quelles en sont les causes profondes ? Elles viennent de loin et résultent de choix politiques qui ont progressivement conduit à affaiblir notre souveraineté alimentaire. Appliquée sans retenue au secteur agricole, la douloureuse théorie des avantages comparatifs, soutenue par tous les libéraux ces dernières décennies, a produit ses effets : l’ouverture du commerce international et la dérégulation ont diffusé la logique de la compétitivité-prix, qui renforce la spécialisation internationale et régionale des productions, uniformise les systèmes de production et l’alimentation, pousse au recours massif aux intrants et aux produits phytopharmaceutiques, abaisse la qualité des produits ainsi que la sécurité sanitaire alimentaire.
Malgré de nombreuses initiatives pour soutenir la rémunération des producteurs et une meilleure certification de leur production en termes de qualité, d’origine et d’impact sur leur environnement, quarante années de néolibéralisme appliquées au secteur agricole ont fait des dégâts : jamais la concurrence entre des productions n’ayant pas les mêmes standards de qualité ni les mêmes conditions de production n’aura été aussi forte ; jamais la part des importations alimentaires dans la consommation des Français et des Européens n’aura été aussi élevée ; jamais nos agriculteurs n’auront été autant soumis à la pression d’opérateurs commerciaux, usant du chantage à la substitution par des produits importés comme d’un puissant levier de leur course à la rentabilité.
Face à ce constat, il y a effectivement deux grandes écoles de pensée, chers collègues. La première, tout en faisant mine de prêter attention à la profession agricole, considère que le plus urgent serait d’aligner les normes vers le bas, afin que nos productions nationales et européennes puissent épouser au plus vite les cours mondiaux. C’est le choix de la fuite en avant. Nous venons d’en avoir un exemple parfait il y a deux jours au Sénat, avec l’adoption par la droite de la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » – un titre aussi démagogique que le contenu est régressif. C’est malheureusement la voie que semble choisir le gouvernement.
La seconde école de pensée veut réaffirmer l’exigence d’une régulation des marchés, d’une vraie coopération agricole internationale, d’une amélioration pour tous de la qualité sanitaire et nutritionnelle de l’alimentation. Un tel projet nécessite un changement d’orientation politique. Il impose d’adopter des normes communes, d’instaurer les protections et les outils de contrôle nécessaires pour que nos agriculteurs puissent vivre dignement de leur travail, sans subir de concurrence déloyale. C’est tout le sens de ce texte – malgré son caractère technique – et de l’engagement de ses signataires. Je suis convaincu que notre pays doit défendre ces exigences sur le plan européen plutôt que de faire montre d’une résignation qui accentuera la spirale décrite à l’instant, menant à toujours plus de pression à la baisse sur les prix des productions, donc à la baisse de la rémunération du travail agricole. (Applaudissements sur les bancs des commissions.)
M. le président
La parole est à M. Maxime Michelet.
M. Maxime Michelet
Cette proposition de résolution semble frappée au coin du bon sens. Alors que les normes européennes pèsent lourdement sur le quotidien de nos agriculteurs déjà exposés à une concurrence extra-européenne déloyale du fait de l’absence de réciprocité de ces normes, l’exigence de clauses miroirs dans nos rapports commerciaux avec des pays tiers semble en effet relever du bon sens le plus élémentaire.
Par ce texte, nous apportons notre soutien aux agriculteurs dans le combat courageux qu’ils mènent depuis tant d’années pour protéger et garantir notre modèle agricole. L’Union des droites pour la République votera donc naturellement en sa faveur.
L’agriculture, comme toute entreprise – nos agriculteurs sont aussi des entrepreneurs ! –, a besoin de compétitivité, c’est-à-dire de débouchés, qu’ils soient nationaux, européens ou internationaux. Hélas, notre compétitivité a été affaiblie par le cumul d’un excès de zèle normatif au niveau national et d’un excès de naïveté commerciale au niveau européen. Notre économie s’en est trouvée désavantagée au profit de pays plus pragmatiques, qui ont profité de la trop grande non-réciprocité des normes régissant les échanges commerciaux.
En 1986, Ronald Reagan résumait la mauvaise gestion de l’économie par l’administration : « Si ça bouge, taxez. Si ça bouge encore, réglementez. Si ça s’arrête, subventionnez. » Nombre de nos exploitants et de nos entrepreneurs n’auront malheureusement pas de mal à se retrouver dans ces propos. En France et dans l’Union européenne, la réglementation est en effet devenue une discipline olympique : nous nous imposons à nous-mêmes des normes toujours plus contraignantes, qui faussent la concurrence à bien des niveaux. La France en particulier va toujours bien au-delà des exigences européennes en matière de produits phytosanitaires, interdisant certaines substances souvent trop tôt, souvent toute seule, et sans solution alternative sérieuse.
Nos agriculteurs, contraints de recourir à des solutions phytosanitaires plus coûteuses et moins performantes que leurs voisins européens, se retrouvent affaiblis non seulement sur le marché mondial mais aussi en Europe. En Espagne, en Allemagne ou en Pologne, des substances interdites en France permettent à nos partenaires européens, néanmoins concurrents, de produire à moindre coût sur le même marché, tandis que nous y laissons entrer des produits agricoles venus de pays tiers aux pratiques totalement interdites en Europe. L’excès de normes fausse la compétitivité à l’intérieur de l’Europe et dans le monde entier, partout ! De telles distorsions de concurrence n’appellent qu’un constat de la part de la représentation nationale : nous marchons littéralement sur la tête ! Cela coûte d’ailleurs cher au commerce et au PIB français.
Cette politique normative insensée, cette folie de la bureaucratie dans un seul pays, bien qu’elle soit condamnée dans de nombreux discours, n’en continue pas moins de prospérer au sein des institutions européennes. Je ne citerai qu’un exemple, en dehors du monde agricole : la directive CS3D sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité imposera dès 2027 à ces dernières des obligations strictes qui feront peser d’importants risques juridiques et financiers. Les organisations patronales françaises et allemandes mettent déjà en garde quant aux conséquences de cette directive : nos entreprises pourraient à nouveau être contraintes de quitter certains marchés mondiaux, laissant le champ libre aux concurrents, notamment chinois ou américains, libres de tels carcans.
Combien de temps continuerons-nous à nous affaiblir nous-mêmes, à organiser à nos frais la sortie de l’histoire de notre pays et de notre continent ?
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Oh là là !
M. Maxime Michelet
Dans le monde qui est le nôtre, une régulation qui ne s’applique qu’à l’UE n’est pas un progrès : c’est un suicide, un abandon de puissance économique. Nous voterons donc en faveur de la proposition de résolution pour protester contre les politiques insensées qui asphyxient nos producteurs. Mais nous le ferons sans naïveté. Cette résolution n’a en effet aucun caractère contraignant puisque la Commission détient le monopole de l’initiative législative au sein de l’Union européenne. Ce monopole nous transforme en chambre d’Ancien Régime, n’ayant d’autre droit que celui d’enregistrer ou de protester, certainement pas celui de proposer. (Mme Constance Le Grip s’exclame.) Au reste, nous savons que cette protestation aura bien peu d’écho à Bruxelles, après sept années de macronisme durant lesquelles notre place et notre influence n’auront cessé de s’affaiblir.
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
C’est faux !
M. Maxime Michelet
Les clauses miroirs auront été l’un des nombreux combats européens perdus d’Emmanuel Macron.
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
C’est faux !
M. Maxime Michelet
Pour retrouver le chemin du bon sens en Europe, retrouvons tout d’abord le chemin de la puissance en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Frexiter !
M. le président
La parole est à Mme Yaël Ménaché.
Mme Yaël Ménaché
Depuis la conclusion du projet d’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur en 2019, un dispositif a pris une place prépondérante dans le débat public : les clauses miroirs. Ce concept traduit une évidence en droit international, tant il est absurde et profondément injuste d’autoriser l’importation de produits fabriqués dans des conditions interdites sur notre territoire. Comment accepter qu’un agriculteur européen, tenu de respecter certaines des normes les plus strictes au monde, se retrouve en concurrence avec un homologue d’un pays où ces normes sont bien plus laxistes ? Or c’est précisément ce qui se passe.
L’Europe est un modèle en matière de régulation, qu’il s’agisse de l’encadrement des exploitations agricoles, des restrictions sur les produits phytosanitaires et les antibiotiques, des normes environnementales ou du bien-être animal. Cette proposition de résolution européenne met en lumière un enjeu crucial, celui de la protection de notre agriculture face à la concurrence déloyale des produits agricoles importés après avoir été traités avec des substances phytosanitaires interdites dans l’UE. Il est en effet inadmissible que des produits issus de pratiques jugées dangereuses pour la santé publique et l’environnement puissent entrer sur notre marché et mettre en péril les efforts de nos agriculteurs, lesquels respectent des règles très strictes au détriment de leur compétitivité.
Dans un étonnant paradoxe, la politique idéologique constante de la Commission européenne a fait de nous les champions d’un libre-échange forcené où toute forme de protectionnisme semble taboue. Alors que la ratification de l’accord entre l’UE et le Mercosur se profile, la présente résolution invite le gouvernement français à soutenir, auprès de la Commission, l’introduction de conditions d’importation garantissant des normes de production équivalentes entre les produits européens et ceux qui sont importés. Les négociations sont à un tournant stratégique : la Commission mise sur une conclusion rapide de l’accord tandis que la France conditionne son approbation à l’intégration de clauses miroirs s’imposant aux Sud-Américains.
Nous soutenons cette résolution car il est essentiel de manifester notre fermeté face à cette concurrence déloyale qui met en péril l’ensemble des filières agricoles françaises. Il est impensable d’exiger de nos agriculteurs qu’ils respectent des standards élevés tout en tolérant que leurs concurrents soient soumis à des règles beaucoup moins strictes. La réalité nous oblige cependant à reconnaître qu’il est pour l’heure illusoire d’imposer des mesures miroirs effectives à des partenaires commerciaux n’offrant aucune traçabilité fiable de leurs conditions de production, à l’instar du système autodéclaratif prévu dans l’accord avec le Mercosur, qui ne garantit aucune protection sérieuse des intérêts de nos producteurs.
En réalité, pour garantir de façon cohérente une concurrence équitable, il faudrait rejeter tout accord incluant des réductions ou des suppressions de droits de douane sur des produits ne respectant pas nos normes, et revoir ou dénoncer les accords de ce type déjà signés. C’est ainsi que nous pourrons rendre aux agriculteurs la dignité qu’ils méritent.
La Commission européenne envisage de séparer l’accord en deux volets, l’un politique, l’autre commercial. Le volet commercial pourrait être adopté à la majorité qualifiée des États membres, avec l’approbation du Parlement européen, sans passer par les parlements nationaux. Cette restriction du débat démocratique soulève de nombreuses interrogations. Les conséquences de la dissolution se font encore sentir,…
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Ce sont les effets de la censure qui se font sentir !
Mme Yaël Ménaché
…et la France semble désormais privée du poids politique nécessaire pour bloquer l’accord, tandis que l’Allemagne et l’Espagne soutiennent fermement sa signature. De plus, la Commission a proposé de repousser l’entrée en vigueur du règlement européen sur la déforestation, qui interdit la commercialisation dans l’Union européenne de produits issus de terres déboisées.
Pourquoi accélérer la conclusion de l’accord avec le Mercosur, alors qu’il représente une source d’incertitude pour l’agriculture française ? Ses partisans affirment qu’il permettrait à l’Union de diversifier ses partenaires commerciaux, de réduire ses dépendances et de limiter l’influence de la Chine en Amérique latine. Pour apaiser les préoccupations légitimes de la filière agricole, la Commission propose un fonds d’accompagnement doté de 1 milliard d’euros. Toutefois, ce fonds, activable uniquement en cas de distorsion de concurrence avérée, ne saurait suffire à rassurer les agriculteurs, car il ne prend pas en compte l’ensemble des difficultés auxquelles ils risquent d’être confrontés. Cet accord répond-il réellement aux attentes de l’Europe ?
Enfin, il est crucial que l’Union européenne fasse preuve de vigilance et de rigueur dans le contrôle des importations. En appelant à l’instauration de mesures miroirs, cette proposition de résolution plaide pour une éthique de la réciprocité. Dès lors, comment veiller à ce que cette exigence soit fermement défendue au niveau européen, afin que les importations ne compromettent plus la sécurité alimentaire des citoyens ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Constance Le Grip.
Mme Constance Le Grip
L’Union européenne, en tant que premier exportateur mondial et troisième importateur de produits agroalimentaires, occupe une position stratégique dans la transition vers des systèmes alimentaires plus durables. Cependant, cette position expose les agriculteurs européens à des distorsions de concurrence insupportables, face à des produits importés qui ne respectent pas les mêmes normes de production et de traçabilité. Le groupe Ensemble pour la République estime que la France, en tant que pays fondateur et moteur du projet européen, doit soutenir toutes les initiatives visant à renforcer la compétitivité de notre filière agricole et à harmoniser les normes environnementales, à l’intérieur de l’Union comme avec nos concurrents.
Nous saluons et soutenons plusieurs avancées contenues dans cette proposition de résolution européenne.
En premier lieu, le renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne, qu’ils soient douaniers, vétérinaires ou phytosanitaires, apparaît comme une mesure indispensable pour garantir la qualité et la sécurité des produits entrant sur le marché intérieur. De même, l’inscription souhaitable, dans le droit européen, des fameuses mesures miroirs, qui imposent aux produits importés le respect de normes équivalentes dans l’utilisation de produits phytopharmaceutiques et de médicaments vétérinaires ou en matière de bien-être animal, était une priorité de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. L’interdiction de substances favorisant la croissance animale – tels les antibiotiques utilisés comme promoteurs de croissance –, renforcée par des contrôles rigoureux, représenterait une avancée significative en matière de sécurité alimentaire. Enfin, l’extension à de nouvelles catégories de produits des dispositions concernant l’indication de l’origine constituerait un progrès notable en faveur de la transparence et de la traçabilité, permettant aux consommateurs de faire des choix éclairés et conformes à leurs attentes.
Cependant, nous tenons à appeler l’attention sur plusieurs points. Tout d’abord, nous souhaitons garantir une harmonisation équitable des normes à l’intérieur même de l’Union européenne, entre les États membres. Cette harmonisation, essentielle pour assurer à la fois l’égalité de traitement entre les producteurs européens et la cohésion du marché intérieur, ne doit pas prendre en compte les éventuelles surtranspositions nationales.
M. Dominique Potier
Je suis d’accord !
Mme Constance Le Grip
Par ailleurs, une clarification du périmètre des produits interdits d’importation sur le marché intérieur européen semble nécessaire, afin d’éviter toute confusion et divergence d’interprétation entre les pays membres.
Cette proposition de résolution comporte des avancées notables et louables, que nous soutenons. Néanmoins, nous souhaiterions que soient apportées quelques précisions et que soient levées certaines incertitudes. Nous avons ainsi déposé quelques amendements, qu’il nous semble souhaitable d’adopter. Nous nous étions abstenus lors de la mise aux voix de la proposition en commission des affaires européennes. Mais à la suite de plusieurs discussions, compte tenu de l’évolution du contexte politique européen et après la déclaration du gouvernement portant sur l’accord avec le Mercosur du 26 novembre, qui a été largement approuvée, nous souhaitons désormais avancer avec vous.
Nous désirons accompagner votre démarche et voter en faveur de cette proposition de résolution européenne – amendée, si possible, afin de concilier les standards de production qui s’imposent à nos agriculteurs avec le respect des engagements internationaux de l’Union européenne.
Il est nécessaire de réguler le commerce international. À l’heure où certains veulent relancer une guerre commerciale, nous sommes plus que jamais conscients que le développement économique, la prospérité, le bien-être et l’élévation du niveau de vie de tous, ainsi que la défense d’une agriculture européenne durable et de notre sécurité alimentaire, passent par des échanges économiques justes, loyaux et équilibrés. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
M. le président
La parole est à M. Laurent Alexandre.
M. Laurent Alexandre
Notre discussion est attendue par le monde agricole. Notre assemblée doit prendre la mesure de la colère des agriculteurs et des problèmes qu’elle pose à notre pays : le renouvellement des générations agricoles et la souveraineté alimentaire. Vous connaissez nos principales propositions pour y répondre : garantir des prix rémunérateurs aux paysans et protéger nos producteurs de la concurrence déloyale. Dans ce contexte, la signature de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur par la présidente de la Commission européenne constitue une trahison des intérêts agricoles de la France et de l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous payons aussi les ambiguïtés d’Emmanuel Macron, qui a soutenu les négociations sur le Mercosur dès 2019. En 2023, le ministre macroniste du commerce extérieur, Olivier Becht, déclarait qu’il fallait conclure cet accord. Dans mon département de l’Aveyron, où l’élevage représente 78 % de la production agricole, l’opposition à cet accord est unanime. Et pour cause : il prévoit un quota d’importations de 99 000 tonnes de viande de bœuf détaxées, auxquelles s’ajoutent 60 000 tonnes d’un autre type de viande bovine et 180 000 tonnes de volailles exemptées de droits de douane. L’urgence est de doter la France d’une position ferme et cohérente pour bloquer la ratification de ce traité UE-Mercosur et le renvoyer aux oubliettes. La France doit dire « stop » et non laisser penser que des aménagements sont possibles. (Mêmes mouvements.)
C’est cette position que notre assemblée sera appelée à adopter tout à l’heure, lors de l’examen de la proposition de résolution européenne déposée par le groupe La France insoumise-NFP. La multiplication des traités de libre-échange est-elle souhaitable ? Non. L’UE n’a eu de cesse d’ouvrir son marché. Résultat : une majorité d’agriculteurs ne peut pas résister à la concurrence déloyale de fermes de centaines d’hectares. Mercosur, Nouvelle-Zélande, Chili, Mexique, Kenya, Vietnam : au total, l’Union européenne a signé quarante-six accords internationaux sans consulter les parlements nationaux. Stop ! Nous ne souhaitons pas aller plus loin dans le libre-échange généralisé, quelles qu’en soient les conditions !
Cette proposition de résolution européenne du collègue Potier entend assurer une meilleure réciprocité des normes au moyen de mesures miroirs. Vous proposez d’inclure ces mesures miroirs dans la législation européenne afin que les standards européens s’appliquent à l’ensemble des produits importés depuis des pays tiers. Cependant, cela ne permettra pas de s’opposer aux accords de libre-échange et à la concurrence déloyale auxquels nos agriculteurs sont confrontés. Les clauses et les mesures miroirs permettent-elles de limiter le libre-échange ? Non. Les clauses et les mesures miroirs sont-elles efficaces pour protéger notre production agricole de la concurrence déloyale ? Non. Elles sont trop facilement contournables, surtout dans le cadre vicié des règles commerciales de l’Union européenne. En outre, changer les règles européennes requiert de suivre une procédure très lourde qui ne peut aboutir à court terme.
C’est pourquoi nous considérons cette proposition de résolution européenne comme insuffisante. En modifier le titre, comme le propose un amendement, n’y changera rien. Lors de l’examen en commission, mon groupe avait mis en garde contre la trop grande importance conférée dans le texte aux mesures miroirs. Nous avions déposé plusieurs amendements : l’un, réclamant l’activation des clauses de sauvegarde, a été adopté ; l’autre, visant à refuser catégoriquement l’accord avec le Mercosur, quand bien même il serait assorti de clauses miroirs, a été rejeté.
Collègues, notre agriculture ne va pas bien. Choisissons une voie claire et cohérente vers un modèle agricole qui permette aux paysans de vivre dignement de leur travail, et de bien nous nourrir tout en protégeant le vivant. (Mêmes mouvements.) Faisons le choix de diminuer notre dépendance alimentaire à l’importation et régulons les marchés agricoles. Permettons ainsi aux paysans de fournir des productions de qualité et d’en vivre. C’est comme cela que nous agirons efficacement en faveur d’une économie plus juste, pour créer des emplois agricoles, pour améliorer les revenus paysans, pour l’écologie et pour notre souveraineté alimentaire. Nous devons diminuer nos importations et relocaliser les productions nécessaires à notre alimentation.
Le groupe LFI-NFP propose donc des réponses claires : assumer un protectionnisme solidaire et s’opposer à tout accord UE-Mercosur, quelles qu’en soient les clauses (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupe LFI-NFP et EcoS) ; instaurer une taxe kilométrique et un prix minimum d’entrée sur certains produits agricoles, dans le cadre de mesures antidumping ; recourir à tous les outils à notre disposition, tels que les mesures de sauvegarde spéciales prévues par les accords de l’OMC ; garantir des prix planchers rémunérateurs aux producteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La discussion générale est close.
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de résolution européenne.
Article unique
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 4 et 13, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 4.
M. Dominique Potier
Il vise à actualiser le texte puisque, depuis sa présentation en commission des affaires européennes et son examen en commission des affaires économiques, une déclaration du gouvernement a eu lieu, le 26 novembre, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
L’approbation par l’Assemblée, à une très large majorité, de cette déclaration souligne avec force notre opposition au traité entre l’Union européenne et le Mercosur – avec l’accord, que j’espère sans ambiguïté, du gouvernement –, ainsi qu’à sa scission.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 13.
M. Charles Sitzenstuhl
Il est quasiment identique à l’amendement précédent, à la différence près qu’il ne s’insère pas au même endroit du texte. À la lecture, je trouve l’amendement de M. Potier plus fluide et j’appelle l’ensemble des collègues à l’adopter – mon amendement tombera en conséquence.
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure, pour donner l’avis de la commission.
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
Cette précision est utile. Nous pouvons être fiers d’avoir organisé ce vote consultatif à l’Assemblée. L’approbation de la déclaration rappelle que nous sommes, dans notre immense majorité, opposés à la conclusion de l’accord UE-Mercosur. C’est l’occasion de réaffirmer notre opposition à toute scission de cet accord, qui reviendrait à contourner de façon inadmissible les parlements nationaux et leur souveraineté.
La mention de cette déclaration réaffirme notre attachement au respect des droits du Parlement, l’Assemblée ayant exprimé sa position avec beaucoup de clarté. Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Le gouvernement ne voit aucune difficulté à ce que cette précision soit apportée, après la déclaration et le débat qui s’est ensuivi. Avis favorable.
(L’amendement no 4 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 13 tombe.)
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 7.
M. Dominique Potier
Notre assemblée, à l’unanimité, a demandé la fin de l’accord avec le Mercosur et exprimé sa ferme opposition à sa scission en deux parties. Cet accord est mixte : il nécessite l’approbation de l’Union européenne comme de l’ensemble des parlements nationaux, ainsi que l’unanimité au sein du Conseil.
Cet amendement vise donc à rappeler notre opposition à l’attitude de la présidente de la Commission européenne. À Montevideo, elle a représenté la France sur un accord qui, s’il ne nous engage pas juridiquement, est politiquement à rebours de l’esprit des traités européens et du Traité établissant une Constitution pour l’Europe.
Il est important de rappeler tout à la fois l’unanimité de notre assemblée et notre condamnation de l’action unilatérale de la présidente de la Commission.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
J’ajoute que Mme Ursula von der Leyen, lors de la conférence de presse du 6 décembre, a présenté la signature de cet accord comme une victoire pour l’Europe. Il est opportun de rappeler que, si la présidente de la Commission a le pouvoir de négocier, elle n’a pas le pouvoir de ratifier un tel accord et de conclure les négociations. Les États restent souverains.
Si cet accord a été conclu à Montevideo, il peut encore être bloqué au cas où il n’obtiendrait pas l’approbation du Parlement européen ou d’un nombre suffisant d’États membres. En ce moment stratégique, nous devons le réaffirmer avec force.
Le déplacement d’Ursula von der Leyen, contre l’avis de la France, témoigne d’une pratique de la politique à laquelle nous ne souscrivons pas. L’Europe est fondée sur le respect des valeurs démocratiques, et doit tenir compte de la voix de chacun de ses membres. Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Permettez-moi de préciser que, à strictement parler, aucun accord n’a été conclu à Montevideo. C’est pourquoi ce que la Commission y a annoncé n’engage ni le Conseil ni les États membres. Pour reprendre les mots du président de la République devant les ambassadeurs : la messe n’est pas dite. Nous ne sommes pas au bout des discussions et des négociations sur ce texte.
Mme Constance Le Grip
Eh oui !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Comme aucun accord n’a été conclu, il n’est pas non plus nécessaire d’ajouter la mention prévue par l’amendement ; je m’en remets toutefois à la sagesse de l’Assemblée.
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Hignet.
Mme Mathilde Hignet
Cet amendement indique que la France s’oppose fermement à l’accord de l’Union européenne avec le Mercosur. Ce qui nous dérange, c’est que la position que la France affiche n’est pas celle d’une opposition de principe, mais d’une opposition à la signature de l’accord en l’état. Nous ne pouvons pas, du fait de cette ambiguïté qui demeure, soutenir l’amendement.
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
Il n’y a en effet pas eu d’accord conclu, monsieur le ministre ; mais tout a été fait, dans la mise en scène de la signature du 6 décembre à Montevideo, pour le laisser croire. Il faut donc que nous rappelions, par ce texte, que nous souhaitons que le débat se poursuive, au Parlement français comme au Parlement européen.
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Vos propos, madame la députée Hignet, témoignent d’une différence majeure entre nous, au-delà du rejet, unanime, du texte de l’accord : vous vous opposez, de manière systématique, aux accords commerciaux.
M. Jean-Paul Lecoq
Aux accords de libre-échange !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Pour le gouvernement, la précision « en l’état » est essentielle, car nous croyons aux échanges commerciaux. Le texte pourrait s’avérer favorable, comme d’autres, aux filières exportatrices françaises – d’où l’importance de préciser que la France ne l’accepte pas « en l’état ».
Mme Françoise Buffet
C’est ça !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Je vous remercie presque d’avoir mentionné ce point : le gouvernement, comme beaucoup d’entre vous ici je crois, n’est pas systématiquement opposé aux échanges internationaux et aux accords commerciaux – tout dépend de ce qu’ils contiennent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Pierre Cazeneuve
Très bien monsieur le ministre !
M. Benoît Biteau
C’est n’importe quoi !
(L’amendement no 7 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 11.
M. Charles Sitzenstuhl
Cet amendement vise à ajouter à la liste des visas la déclaration issue du sommet européen des 10 et 11 mars 2022 dont tout le monde, je pense, se souvient. La France présidait alors le Conseil de l’Union européenne et ce sommet, qui s’est tenu à Versailles, était une réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. S’il est important de mentionner cette déclaration, c’est qu’elle abordait d’importants enjeux alimentaires. Son point 21 indique que « nous améliorerons notre sécurité alimentaire en réduisant notre dépendance aux importations des principaux produits et intrants agricoles. »
Cela fait écho à l’objectif de cette proposition de résolution. Nous devrions avoir, dans cette Assemblée, un débat sur le devenir de la déclaration de Versailles, qui a bientôt trois ans – il n’est pas certain que tout ce qu’elle comportait ait été correctement mis en ?uvre par les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne. Cette déclaration a suscité des attentes, et l’Union européenne doit maintenant respecter ses engagements.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
Je vous remercie : la mention du sommet de Versailles ajoute une forme de solennité dans le texte de la proposition de résolution. Elle rappelle les engagements pris par les dirigeants européens et cela ne peut qu’aller dans le bon sens. Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Avis favorable.
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Il est salutaire de vouloir réduire nos importations et d’essayer d’aller vers davantage de souveraineté alimentaire.
Je perçois aussi, dans cet hémicycle, la volonté de continuer à faire de l’Europe et de la France des puissances exportatrices. Mais c’est le principe des vases communicants : toutes les surfaces que l’on mobilisera pour exporter des denrées agricoles seront autant de surfaces qui ne seront plus disponibles pour la production de denrées destinées à une consommation locale.
Sauf à compter les territoires ultramarins, on ne sait pas produire, dans l’hexagone ou en Europe, de cacao ou de bananes : il faudra, bien sûr, continuer à commercer avec le reste de la planète. Mais, une fois que l’on a compris ce principe des vases communicants, on doit imaginer des accords commerciaux qui comportent une exception agriculturelle, excluant les denrées essentielles à l’alimentation – un besoin primaire. La nourriture ne doit plus être une variable d’ajustement ou une monnaie d’échange pour vendre de grosses voitures ou des avions à l’autre bout de monde. (M. Arthur Delaporte applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
C’est le moment de montrer ce qui nous rassemble, comme les points vers lesquels nous avons encore à converger. Toutes les études prospectives le montrent – je pense notamment à celle d’Agrimonde, conduite par l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) et un consortium d’une dizaine d’universités à l’échelle mondiale : si nous voulons pouvoir nourrir 10 milliards d’habitants, il faudra échanger juste ce qu’il faut et de façon juste. La règle est simple, et je rejoins en cela Benoît Biteau.
Il ne sert à rien d’échanger ce que chacun sait déjà faire des deux côtés de l’Atlantique, comme du lait ou de la viande bovine. Les échanges avec le Maghreb, en revanche, sont structurels au regard de l’économie et de la démographie méditerranéennes.
M. Benoît Biteau
Je suis d’accord !
M. Dominique Potier
Il existe également des produits singuliers que nous continuerons d’importer des tropiques, comme nous continuerons d’exporter notre savoir-faire gastronomique.
À nos collègues de La France insoumise : je ne désespère pas que nous puissions parvenir à des accords structurels entre l’Union européenne et d’autres parties du monde, fondés sur le respect des limites planétaires et des droits humains. Cela passe, nous aurons l’occasion d’y revenir, par des directives européennes, auxquelles nous avons travaillé et qui sont aujourd’hui menacées.
Cela passe également par des mesures miroirs, qui ne sont pas, contrairement à ce que disait tout à l’heure notre collègue du groupe La France insoumise…
M. Bastien Lachaud
Il s’appelle Laurent Alexandre !
M. Dominique Potier
…des miroirs aux alouettes. Elles peuvent fonctionner : on en a la démonstration dans la filière biologique dont les certifications, à l’échelle européenne, garantissent la sécurité. C’est également le cas du commerce équitable, fondé sur un système de certification privé qui fonctionne, même s’il n’est pas encore suffisamment garanti par la puissance publique.
Nous proposons donc d’étendre ailleurs ce qui a marché dans ces laboratoires. Là où il y a, monsieur le ministre, une nuance entre nous, c’est que nous pensons qu’il est nécessaire que la certification du respect des normes soit confiée à des organismes tiers, eux-mêmes certifiés par l’Union européenne, faute pour cette dernière de pouvoir envoyer des fonctionnaires partout dans le monde. Tous les audits de la Commission européenne rapportent en effet que, dès lors qu’on se déplace – au Canada ou au Brésil par exemple – les filières ne sont pas conformes : biostimulants pour la viande bovine, moyens de la lutte antimicrobienne, etc.
Cela a certes un coût pour les opérateurs ; mais ce n’est pas de la bureaucratie, c’est du contrôle. S’il a un prix, celui-ci est bien moins important que celui de la destruction de nos écosystèmes et de l’atteinte à la santé humaine. Il existe donc une voie raisonnable, non bureaucratique, de contrôle de nos échanges : c’est le chemin que nous devons suivre.
Je vous propose, au nom du groupe socialiste, de nous mettre ensemble autour de la table, avec peut-être le ministère de l’agriculture, pour que nous puissions étudier la manière dont ces mesures miroirs pourraient effectivement garantir notre sécurité sanitaire et la protection des biens communs écologiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Benoît Biteau applaudit également.)
M. Jérôme Guedj
Bravo, il est brillant !
M. Pierre Cazeneuve
Très bon amendement !
(L’amendement no 11 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 6.
M. Dominique Potier
Au moment même où nous essayons de nous prémunir contre l’accord avec le Mercosur et, de manière plus universelle, contre le commerce inéquitable, qui détruit la dignité humaine et nos biens communs écologiques, l’Union européenne, sous l’impulsion des États membres – c’est une honte pour la France et son gouvernement – demande une remise en cause de deux directives, fruits d’un très long travail, témoignages d’une démocratie exemplaire.
L’idée que les multinationales devraient être astreintes à un devoir de vigilance est née dans l’esprit des ONG et des syndicats français et européens. Ce long combat a d’abord été mené sur le terrain par la société civile. C’est elle qui a entendu le cri de la terre, le cri des pauvres et qui, la première, a affirmé que les multinationales sont responsables de leurs chaînes de production mondialisées. Cette idée a été reprise au Parlement par la gauche, par le groupe Socialistes et apparentés (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC), mais également par des écologistes, des centristes et même quelques membres du groupe Les Républicains. Au bout de cinq ans de combat, elle a débouché sur une loi pionnière.
M. Arthur Delaporte
Exactement !
M. Dominique Potier
Quelques années plus tard, cette loi pionnière a inspiré à son tour une directive européenne, la directive CS3D. À présent, je reçois des invitations pour me rendre au Canada, en Corée du Sud ou au Japon – le monde entier s’intéresse à notre invention. Pour reprendre les mots de Mireille Delmas-Marty, c’est la force du droit qui doit protéger l’irréductible dignité du travail, partout dans le monde. (M. Arthur Delaporte applaudit.)
Nous disposons d’une loi pour refuser le travail des enfants, les Rana Plaza où qu’ils se trouvent, l’insécurité généralisée, la menace sanitaire qui plane sur les travailleurs brésiliens exposés aux épandages de pesticides, lutter contre la déforestation. Au nom de la compétitivité, et en raison de la panique suscitée par la renaissance du trumpisme, l’Union européenne entend remettre en cause ces dispositions protectrices en passant par une procédure omnibus.
M. Arthur Delaporte
Tout à fait !
M. Dominique Potier
Tout le monde s’accorde à dire que la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dont Gérard Leseul est l’un des spécialistes, mérite d’être simplifiée. Monsieur le ministre, nous sommes d’accord sur ce point : il faut simplifier pour aller à l’essentiel, sans amputer le texte de la protection de la biodiversité, du climat et des droits humains.
En revanche, inclure le devoir de vigilance, qui relève de la responsabilité civile – on parle de vies humaines, de travail des enfants, de travail forcé, d’esclavage moderne, d’exploitation des Ouïghours – dans la directive omnibus, c’est le faire passer dans une lessiveuse. Dans le contexte politique actuel, il risque d’y perdre son âme – et toute l’Europe court le même risque.
M. le président
Merci de conclure !
M. Dominique Potier
Face au trumpisme, nous devons au contraire réaffirmer les valeurs de l’Europe. Les normes que nous défendons en matière de respect des droits humains et sociaux seront notre seul bouclier face à l’agressivité américaine, à l’agressivité commerciale chinoise et à tous nos compétiteurs.
M. le président
Merci de conclure, cher collègue !
M. Dominique Potier
Nous devons retrouver notre boussole éthique et en faire une force dans la mondialisation. Il faut remettre d’actualité ces directives. Je peux l’annoncer car cela m’a été confirmé par Boris Vallaud à l’instant : le groupe Socialistes et apparentés dépose une demande de déclaration du gouvernement suivi d’un débat au titre de l’article 50-1 de la Constitution pour que le sort de ces directives auxquelles nous avons ouvert la voie ne se règle pas lors de négociations entre des lobbys de BusinessEurope et Bercy, mais soit débattu dans cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
Je rappelle que, pour le bon déroulement de nos travaux, les prises de parole sont limitées à deux minutes. (Sourires.)
M. Arthur Delaporte
C’est parce que nous avons annoncé demander un débat au titre de l’article 50-1 !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
Monsieur Potier, je suis favorable à cet amendement qui complète les motivations pour lesquelles nous avons œuvré en faveur de cette proposition de résolution européenne. Nous nous opposons vivement à la tentative dite omnibus de revenir sur des textes déjà entrés en vigueur. Ce projet de législation, défendu en premier lieu par Ursula von der Leyen, remet en question les directives importantes que vous avez citées – relatives au pacte vert et à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises – et que nous sommes nombreux à défendre. Notre rôle de parlementaires nationaux consiste aussi à tirer la sonnette d’alarme lorsque des décisions contreviennent au sens de l’histoire.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Il sera défavorable, mais davantage pour des raisons de forme que de fond. La simplification du secteur agricole et la législation omnibus sont deux sujets distincts.
M. Dominique Potier
Certes !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Je ne suis donc pas favorable à la mention de la procédure omnibus dans la proposition de résolution.
Vous avez cependant raison d’ouvrir le débat. Vous avez dit que nous avions perdu notre boussole éthique. Je ne pense pas que ce soit le cas. Nous devons nous obliger à concilier simplification et efficacité d’une part, durabilité et vigilance d’autre part ; je crois que nous pouvons nous accorder sur ce point. Chercher à simplifier la vie de nos entreprises pour continuer à associer compétitivité et croissance en Europe tout en étant pionniers en matière de résilience et de durabilité, ce n’est pas un renoncement.
Mme Constance Le Grip
Exactement !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Si vous considérez que les deux volets sont antinomiques, je vous invite à relire le rapport Draghi et tous les autres travaux qui ont montré que la réglementation européenne telle qu’on la produit actuellement peut nous faire perdre 10 points de compétitivité. Ce ne sont pas des fantasmes, et cela n’a rien à voir avec l’arrivée du nouveau président américain – c’est factuel.
Les avancées en matière de durabilité et de droit de vigilance sont souhaitables et nécessaires. La France, pionnière de ces réglementations, doit continuer à les défendre. Mais on ne peut pas se priver de la recherche permanente de simplification ; elle est indispensable pour que les entreprises, notamment les petites et moyennes et celles de taille intermédiaire, puissent rester compétitives ; elles ne doivent pas être entravées par un fardeau réglementaire qui les empêche non seulement de gagner en compétitivité sur leur propre marché, mais aussi d’exporter. Cet effort de simplification relève de la responsabilité européenne. Si l’Europe s’y refuse, elle peut décrocher.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
C’est ce que défend la note des autorités françaises à la Commission européenne, et pas autre chose. Nous ne proposons de renoncer ni au devoir de vigilance, ni au reporting de durabilité. Nous proposons que les entreprises, en premier lieu les PME et les ETI, soient davantage protégées, et que la réglementation porte surtout sur les grands groupes, notamment en ce qui concerne le devoir de vigilance. S’agissant du reporting de durabilité, il doit y avoir un plafonnement, en particulier dans la chaîne de sous-traitance. Voilà en quoi consiste la proposition de la France : ce n’est pas un renoncement.
En France, nous devons rechercher un consensus. Il nous faut pouvoir concilier la boussole éthique que vous prônez, que la France défend au niveau européen et que l’Europe défend au niveau mondial, et la recherche permanente de compétitivité et de croissance. À défaut, notre débat restera théorique. Or nous avons besoin d’une Europe qui soit une puissance industrielle et commerciale. Il faut donc rendre nos entreprises et nos industries compétitives dans cet environnement mondial, nonobstant la nouvelle administration américaine – c’est un sujet qui doit de toute façon être abordé. Écoutez les entreprises françaises et européennes : elles ont besoin d’un choc de simplification en matière de réglementation.
M. Sylvain Maillard
C’est sûr !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
L’intention qui a inspiré cette réglementation est bonne et nous devons la défendre. Elle peut cependant non seulement devenir un frein à la compétitivité, mais aussi poser un risque de décrochage pour nos entreprises. Nous devons prendre en compte ces deux aspects qui sont clés pour l’avenir de l’Europe en tant que puissance industrielle et commerciale. Encore faut-il que ce soit notre souhait commun – mais je le crois.
Il nous faut donc entendre ces alertes, tout en défendant notre modèle en matière de durabilité et de résilience, modèle qui a inspiré la réglementation dont nous parlons.
Nous nous rejoignons sur beaucoup de sujets, mais je tiens quand même à nuancer ce que vous avez dit, monsieur Potier. N’opposez pas vigilance et durabilité d’une part, et croissance et compétitivité d’autre part. Si l’Europe faisait sienne cette opposition, elle aurait tort face à la nouvelle compétition économique, et donc aussi agricole, à laquelle elle est confrontée.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
La commission des affaires économiques est favorable à cet amendement. Vous avez pu le lire dans la presse : il existe des tentatives, y compris du gouvernement français, pour affaiblir à Bruxelles certaines règles contenues dans les directives CS3D et CSRD.
De quoi parlez-vous quand vous parlez de simplification ? Le devoir de vigilance, qu’est-ce que c’est ? Ce sont des règles de l’Union européenne dont le but est d’éviter que les multinationales s’appuient sur le travail des enfants ou l’esclavage. Si la simplification, c’est d’accepter que des multinationales bénéficient du travail des enfants, disons-le tout de suite ! La commission des affaires économiques pense qu’il est important de réaffirmer que ces progrès réalisés à l’échelle de l’Union européenne ne doivent pas être détricotés dans les mois à venir. C’est le sens de l’avis favorable de la commission à cet amendement.
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
L’objectif de cette proposition de résolution européenne est d’envoyer depuis la France, depuis cet hémicycle, un message à l’Union européenne au sujet des mesures miroirs – et non des clauses miroirs, qui ne désignent pas exactement la même chose. Les mesures miroirs sont scellées dans le marbre, ou plutôt dans le granit – les Bretons préfèrent cette expression.
Notre démarche vise à appeler l’attention de l’Union européenne dans le contexte des discussions de la PAC post-2027. L’idée est d’inscrire ces mesures miroirs dans la réglementation de la PAC, notamment dans le règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles, pour mettre un terme à ce débat et protéger définitivement la compétitivité des agriculteurs.
Monsieur le ministre, vous parlez de boussole éthique, de compétitivité et de croissance, mais votre raisonnement est biaisé. Ce qui nous rassemble aujourd’hui dans cet hémicycle, c’est l’agriculture. Or ce qui menace l’agriculture de demain, la souveraineté alimentaire, la productivité de la ferme Europe et donc le revenu des agriculteurs, c’est le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité ! (MM. Jean-Claude Raux et Arthur Delaporte applaudissent.)
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Je me suis exprimé sur l’amendement de M. Potier !
M. Benoît Biteau
Il ne sera plus question de croissance et de compétitivité quand on aura laissé le climat se dérégler de façon irréversible, quand la biodiversité ne sera plus là pour assister les agriculteurs dans leurs gestes de production. Nous avons besoin de ces mesures miroirs, non pour laver plus blanc que blanc ici en Europe, mais parce que l’Union européenne doit montrer le chemin que doit emprunter la planète pour s’attaquer frontalement au dérèglement climatique et préserver notre souveraineté alimentaire.
M. le président
Merci de conclure !
M. Benoît Biteau
Votre raisonnement est donc biaisé.
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Je suis heureux que nous ayons ouvert ce débat, qui est appelé à se poursuivre puisque nous avons demandé une déclaration du gouvernement suivi d’un débat au titre de l’article 50-1 de la Constitution.
Avec Boris Vallaud, nous avons écrit au premier ministre François Bayrou cette semaine au sujet de la note administrative française dont l’existence a été révélée par Politico et Mediapart. Le ministère de l’économie conteste les informations de ces médias quant au contenu de la note. Faites la clarté sur ce point : que dit la note de l’administration française à Bruxelles au sujet du devoir de vigilance et de la directive CSRD ?
Ne faisons pas de procès d’intention. Je vous le dis les yeux dans les yeux, cher Laurent Saint-Martin : personne ici ne souhaite défendre l’impunité pour ceux qui font travailler des enfants, personne ici ne souhaite le rétablissement et la victoire de Shein ni l’oubli des victimes du Rana Plaza.
Je le dis avec une certaine gravité, mais il faut prendre les choses au sérieux. La remise en cause de la CS3D par la procédure omnibus signe la fin de cette directive dans son essence. En effet, les majorités politiques au sein des États membres comme du Parlement mettent en péril cette directive, cruciale pour protéger des vies humaines et mettre fin à l’esclavage moderne. Une réforme de niveau 2, soit, mais une réforme de niveau 1, à l’échelle européenne, ce n’est pas un détail – cela change tout. Il est encore temps de sauver le devoir de vigilance et de réformer intelligemment le reporting extra-financier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Monsieur le député Biteau, je suis d’accord avec vous ! Ce n’est pas moi qui ai déposé cet amendement qui est en quelque sorte un cavalier – il ne traite pas des sujets agricoles, mais de la procédure omnibus. C’est pour cette raison que j’ai émis un avis défavorable. J’ai eu la courtoisie de répondre sur le fond, ne me le reprochez pas ! Par ailleurs, je suis d’accord avec ce que vous avez dit sur les mesures miroirs.
M. Benoît Biteau
Bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
C’est pour cette raison que le gouvernement est favorable à cette proposition de résolution européenne.
Permettez-moi de revenir sur les propos de la présidente Trouvé. De grâce, épargnez-nous les caricatures ! En ce qui concerne les multinationales et le travail des enfants, j’ai indiqué que la France avait justement proposé à la Commission européenne de concentrer les efforts en matière de devoir de vigilance sur les grands groupes, afin d’épargner à nos plus petites entreprises un fardeau réglementaire trop lourd. N’allez pas me dire que ce sont les PME de nos régions qui sont concernées par la problématique du travail des enfants, vous savez parfaitement que ce n’est pas le cas ! Nous nous demandons comment faire en sorte qu’une réglementation, légitime quand elle concerne de grandes entreprises, ne vienne pas alourdir le quotidien des PME et des ETI de nos régions. Voilà ce que c’est, la simplification.
La simplification n’est pas le détricotage ; nous devrions le reconnaître tous. Vous soutenez toujours que s’adapter à la réalité des patrons de PME dans nos régions constitue une reculade sur les droits de l’homme, les avancées environnementales ou sanitaires. Je ne suis pas d’accord. Si nous appauvrissons notre tissu de PME et ETI, si nous l’affaiblissons en maintenant des contraintes administratives insupportables pour elles, elles ne pourront plus être compétitives et générer de la croissance – vous le savez vous-mêmes, puisque vous écoutez les chefs d’entreprise dans vos régions. Si nous ne savons pas adapter une réglementation qui devient insoutenable pour eux, ils mettront la clef sous la porte.
M. Sylvain Maillard
Ils partiront !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
…et ils partiront.
Mme Anne Le Hénanff
C’est la réalité !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Il ne s’agit pas d’une idéologie du ministre au banc, ni du gouvernement en général ; il ne s’agit pas d’une idéologie du tout mais d’une réalité. Nous devons simplement entendre…
M. Arthur Delaporte
…Bernard Arnault !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Je ne savais pas que Bernard Arnault était patron de PME. Tant que vous vous en tiendrez à de telles caricatures, tant que vous traiterez de façon équivalente les petites entreprises et les multinationales, vous ne comprendrez pas la vie des PME. Les patrons de PME ne peuvent tout simplement pas subir la lourdeur administrative et réglementaire qui leur est imposée actuellement. Si vous ne redonnez pas d’oxygène au tissu entrepreneurial français, il sera détruit. Peut-être est-ce votre objectif politique, mais je sais que ce n’est pas celui de M. Potier.
Pour clore ce sujet et revenir aux questions agricoles, je vous demande sincèrement d’entendre le cri d’alarme des patrons de PME et d’ETI dans nos régions, qui nous appellent à adapter les réglementations à leur quotidien pour rester compétitifs et à conserver leur capacité de croissance. C’est nécessaire pour l’emploi et les territoires. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
M. le président
Je donne la parole à un dernier orateur, M. Charles Sitzenstuhl, pour conclure le débat, suffisamment long et éclairant, sur l’amendement no 6.
M. Charles Sitzenstuhl
Certes, la discussion a été longue, mais l’alinéa 7 de l’article 100 du règlement de l’Assemblée précise bien qu’un orateur d’opinion contraire doit pouvoir s’exprimer.
Ce débat est important – ce n’est pas pour rien qu’il fait l’objet d’un intérêt croissant dans la presse depuis plusieurs mois. Tous les groupes politiques veulent y participer.
Néanmoins, je m’interroge sur la pertinence de le faire figurer dans cette proposition de résolution. Nous voterons donc contre l’amendement no 6, non parce que nous refuserions le débat sur ce sujet important, mais parce que nous pensons qu’il n’a pas sa place dans ce texte. Vous voulez glisser cet alinéa entre les alinéas 19 et 20, alors que l’alinéa 19 porte sur les viandes et les produits à base de viande et que l’alinéa 20 concerne le traitement des cultures avec certaines substances. En somme, la proposition de résolution porte essentiellement sur l’alimentation et l’agriculture, tandis que le nouvel alinéa que vous proposez s’inscrirait dans un débat de politique économique et industrielle. (Mme Constance Le Grip applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
Vous pouvez penser qu’il s’agit d’un cavalier législatif. Cependant, quand nous travaillons avec le monde agricole dans nos territoires, nous constatons que l’économie est globale et qu’il faut prendre en considération non seulement les emplois directs dans le secteur agricole mais aussi les emplois indirects. Les débats sur la concurrence déloyale, notamment au sujet de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, posent également des questions concernant les multinationales ou les directives européennes et leur impact sur le secteur agroalimentaire. Nous restons donc dans le sujet.
Certes, le groupe socialiste se saisit de cette occasion pour faire passer son message et annoncer qu’il demande au gouvernement de faire, sur ce sujet, une déclaration suivie d’un débat, au titre de l’article 50-1 de la Constitution. Néanmoins, il s’agit d’un tout, qui demande une réflexion globale. Il est important de ne pas désosser cette réflexion, utile à l’ensemble du monde agricole que nous défendons et à la ruralité en général.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Il se trouve que la commission des affaires économiques reçoit des grands et des plus petits patrons presque chaque semaine, voire plusieurs fois par semaine. Ces auditions sont très instructives. Or je ne les ai pas entendus remettre en cause le devoir de vigilance.
Hier, nous avons reçu Patrick Martin, mais aussi les dirigeants de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et de l’Union des entreprises de proximité (U2P). J’ai surtout entendu qu’ils voulaient une meilleure protection aux frontières. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Ils demandent une plus grande régulation des donneurs d’ordre à l’égard des sous-traitants, c’est-à-dire des multinationales à l’égard des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME). Ils veulent également que les aides aux entreprises soient davantage dirigées vers les TPE. Je pourrais aussi parler du blocage des prix de l’énergie, une revendication très ancienne des TPE et PME. (Mêmes mouvements.)
(L’amendement no 6 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 8.
M. Dominique Potier
Il est plus technique que le précédent. Il vise à insérer ce visa après l’alinéa 19 : « Vu la réforme envisagée par le commissaire européen en charge de l’agriculture de l’organisation commune des marchés telle que régie par le règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés de produits agricoles, ».
Des eurodéputés se saisissent en effet de notre proposition de résolution européenne sur la systématisation des mesures miroirs pour l’introduire dans la réforme de l’organisation commune des marchés (OCM). Cette réforme sera défendue, je l’espère, par nombre de groupes parlementaires « frères » dans l’Union européenne.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
Oui, il faudra prendre en considération les besoins des agriculteurs français lors de la révision, prochaine, du règlement OCM. Avis favorable.
(L’amendement no 8, accepté par le gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 9 rectifié.
M. Dominique Potier
C’est un amendement technique, mais d’une grande portée. Nous avons mené un long combat pendant les débats sur la loi Egalim, avec des rebondissements épiques, pour interdire l’exportation des produits phytosanitaires que nous avons interdits dans l’Union européenne.
La constitution de l’être humain est la même en Europe, au Nigeria ou au Nicaragua. Unité de la planète oblige, nos écosystèmes sont affectés de manière similaire par certains produits… Par conséquent, si des produits sont mauvais pour nous, ils le sont également pour des pays tiers. Nous ne pouvons pas – comme nous le faisons pourtant actuellement en France ou en Allemagne – interdire un produit chez nous et cependant l’exporter.
J’insiste sur la réciprocité, car les principes que nous défendons ne sont pas souverainistes. Il est possible, au prix d’une contradiction, d’être souverainiste d’un côté et libre-échangiste de l’autre, mais nous, nous défendons un principe de souveraineté solidaire et équilibrée. Si nous nous opposons à l’importation de produits que nous avons interdits chez nous, nous devons également nous interdire de les exporter, en vertu d’un principe de justice universelle.
L’article 83 de la loi Egalim de 2018 présente une faille que les décrets n’ont su, ni voulu, corriger : nous avons interdit l’exportation de produits, non de molécules. Nous apportons ici une précision pour interdire l’exportation de « substances actives ». En effet, ce terme recouvre à la fois les molécules et les produits qui sont fabriqués en y ajoutant des adjuvants ou en procédant à des mélanges.
(L’amendement no 9 rectifié, accepté par la commission et le gouvernement, est adopté.)
M. le président
Sur la proposition de résolution, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l’amendement no 3, qui fait l’objet du sous-amendement no 18.
Mme Constance Le Grip
Il s’agit d’un amendement rédactionnel qui vise à préciser le périmètre des interdictions d’importation sur le marché commun, pour éviter les divergences d’interprétation ou les confusions. L’amendement tend à préciser que les produits et substances dont nous interdisons l’importation sont celles qui sont « interdites par le droit communautaire ». Je suis consciente de l’imperfection sémantique, mais vous aurez compris l’objet.
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir le sous-amendement no 18.
M. Dominique Potier
En commission des affaires économiques, nos collègues du groupe LFI ont proposé et obtenu que les mesures miroirs incluent l’interdiction des substances « les plus dangereuses ».
Notre collègue Constance Le Grip apporte une précision importante : la mention « les plus dangereuses » ne correspond pas à une catégorie juridique, tandis que les substances « interdites par le droit communautaire » ont bien une existence juridique. Cet apport est donc très précieux.
Pour rendre hommage à l’origine de l’amendement, nous proposons de compléter ainsi la rédaction : « en raison de leur dangerosité telle qu’établie par les autorités compétentes ». Cela permet de réconcilier sur ce sujet toutes les parties.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
Avis favorable à l’amendement no 3 de Mme Le Grip, sous réserve de l’adoption du sous-amendement no 18 de M. Potier. Viser strictement les substances interdites par le droit communautaire, comme le suggère Mme Le Grip, serait utile mais exposerait la proposition de résolution au risque d’une mécompréhension. La nouvelle rédaction reconnaît aux autorités compétentes la capacité de désigner les substances dangereuses devant être interdites par le droit communautaire. Nous devons nous opposer fermement à l’importation des substances interdites par ce même droit.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Avis favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.
(Le sous-amendement no 18 est adopté.)
(L’amendement no 3, sous-amendé, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 12, qui fait l’objet de deux sous-amendements.
M. Charles Sitzenstuhl
Il tend à susciter un débat, même bref, sur la vocation de l’Union européenne en matière agricole. L’Union européenne, grâce aux succès de la politique agricole commune, est une puissance mondiale majeure du commerce agricole et agroalimentaire. En 2023, l’Union européenne a réalisé un excédent alimentaire de 70 milliards d’euros ; c’est un record.
Je souhaite que nous rappelions la puissance de fait de l’Union européenne en matière agricole et agroalimentaire car on se rend compte que les normes, qui partent de bonnes intentions, créent parfois des difficultés et entravent le travail de certaines filières. Je ne souhaite pas que la réflexion intéressante lancée par nos collègues soit entièrement dissociée des réalités économiques et de la nécessité de conserver à l’Europe son rôle de puissance mondiale en matière agricole.
M. le président
Je suis saisi de deux sous-amendements identiques, nos 15 et 16.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir le sous-amendement no 15.
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
Le sous-amendement n’obère pas la portée de l’amendement no 12. Nous n’avons pas de difficulté à rappeler que l’Union européenne est une grande puissance agricole avec des moyens et un savoir-faire unique. Nous proposons de modifier la suite, car être une grande puissance exportatrice n’a pas la même valeur si nous conservons, pour certaines filières, de grandes dépendances vis-à-vis de l’extérieur. La réduction des dépendances et la croissance économique de nos filières sont deux facteurs clés de notre souveraineté. La rédaction que nous proposons rappelle notre fierté d’être une puissance agricole majeure ainsi que la nécessité de maintenir les conditions d’un juste échange. Cette formulation me semble englober les différentes vocations de notre agriculture.
Sous réserve de l’adoption du sous-amendement no 15, avis favorable.
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir le sous-amendement no 16.
M. Dominique Potier
Il abonde dans le sens de l’amendement no 12 tout en le précisant. L’Europe sera puissante si elle est une puissance de production : ce point devrait tous nous rassembler et mérite d’être réaffirmé. L’Union européenne doit aussi être une puissance normative, édictant le droit en fonction de ce qui est important pour elle, selon sa propre boussole. Les deux vont ensemble. C’est la raison pour laquelle je propose de préciser, par ce sous-amendement, que l’Union européenne n’est pas seulement un exportateur de produits agricoles et agroalimentaires, mais un producteur majeur.
L’Europe doit produire intensément et de manière écologique – cela s’appelle l’agroécologie –, adopter une logique de commerce équitable, combattre la concurrence déloyale et garantir sa souveraineté alimentaire, ainsi que celle des pays tiers, dans une logique de coopération plus que de compétition destructrice – c’est notre capacité à nourrir le monde qui est en jeu.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée pour les sous-amendements et je donne un avis favorable sur l’amendement no 12. Je ne partage pas l’opinion du député Benoît Biteau sur les vases communicants : il est possible de renforcer la souveraineté alimentaire tout en exportant. De nombreux pays appliquent cette stratégie dans des secteurs variés ; la France le fait dans les domaines agricole et agroalimentaire.
Je souscris donc totalement aux propos du député Charles Sitzenstuhl : ces dix dernières années, grâce aux accords commerciaux, l’excédent agricole et agroalimentaire de l’Union européenne a connu une hausse de 40 %, passant de 50 à 70 milliards. Nous devons donc continuer de promouvoir les routes commerciales favorables à nos industries agroalimentaires et à nos agriculteurs. Le renforcement de notre puissance exportatrice – la France est le sixième exportateur mondial – est la condition sine qua non de notre prospérité et de notre souveraineté alimentaire.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Nous avons tous, je crois, la volonté de trouver un accord sur cette proposition de résolution. Je voterai donc en faveur de ces sous-amendements, qui nuancent et complètent mon amendement – merci à la rapporteure et à M. Potier de les avoir présentés.
(Les sous-amendements identiques nos 15 et 16 sont adoptés.)
(L’amendement no 12, sous-amendé, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 10.
M. Dominique Potier
C’est le dernier que je défends, mais ce n’est pas le moindre ! Nous avons longuement évoqué les normes sociales, environnementales et sanitaires. En commission des affaires économiques, nos collègues du groupe Ensemble pour la République se sont émus du manque de définition des normes sociales : allons-nous imposer à nos partenaires commerciaux le smic européen, le régime des retraites européen ou français ? Nous souhaitons être clairs : il ne s’agit pas de projeter notre système social dans les négociations commerciales ; nous nous référons à la Charte sociale européenne et aux recommandations de l’Organisation internationale du travail (OIT).
Cher Jean-Paul Lecoq, lorsque nous parlons des travailleurs de la terre, nous pensons à tous les travailleurs de la terre : les entrepreneurs, les agriculteurs, les exploitants, les salariés agricoles et de l’agroalimentaire – ces derniers, que nous ne mentionnons pas assez, sont aujourd’hui plus nombreux que les paysans. La Charte sociale européenne et les recommandations de l’OIT ne font pas de distinction selon le statut : elles défendent les droits de la personne humaine en général, qu’il s’agisse de sa sécurité, de ses garanties, de sa dignité ou de sa sécurité au travail.
L’amendement permet d’éviter les recommandations évanescentes en précisant les normes sociales européennes dont nous parlons. J’ajoute que les directives européennes relatives au devoir de vigilance et à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises visent à appliquer des recommandations onusiennes formulées il y a une dizaine d’années. La France s’honore d’être pionnière dans leur mise en œuvre effective.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
En commission des affaires économiques, les filières nous ont alertés sur les conséquences sociales d’un accord comme celui qui a été signé avec le Mercosur. Nous n’en sommes encore qu’aux débuts de la réflexion sur l’intégration de paramètres sociaux dans les mesures miroirs, mais nous souhaitons que les ouvriers agricoles et les paysans sud-américains bénéficient des mêmes droits que leurs homologues français et européens. Des échanges existent déjà : j’ai parlé à des laitiers du Finistère qui voyagent au Brésil pour se former, apprendre et découvrir.
Monsieur Lecoq, oui, nous devons renforcer la protection des producteurs et des salariés agricoles. Ce sujet est fondamental pour le monde agricole.
(L’amendement no 10, accepté par le gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l’amendement no 2.
Mme Constance Le Grip
Nous devons continuer de progresser sur le chemin d’une harmonisation équitable des normes au sein de l’Union européenne, afin d’éviter les distorsions de concurrence ou la concurrence déloyale entre États membres. Cette harmonisation est importante pour garantir l’égalité de traitement entre les producteurs européens, mais aussi pour renforcer la cohésion et la cohérence du marché intérieur. Elle doit se fonder sur les textes européens eux-mêmes, sans intégrer les éventuelles surtranspositions des États membres.
M. le président
Sur l’article unique, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 2 ?
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
Je partage votre souhait d’une harmonisation interne à l’Union européenne, mais l’alinéa 54 de la proposition de résolution l’évoque déjà : il invite la Commission européenne « à encourager un processus d’harmonisation dans la mise en œuvre des normes environnementales et sanitaires entre les États membres, en documentant les écarts dans l’application des procédures nationales d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, afin de chercher à les réduire ». Votre amendement, qui n’apporte qu’une précision marginale, est donc satisfait.
Nous souhaitons recentrer le débat sur la concurrence déloyale et les distorsions imposées par les pays tiers. Je vous invite à les combattre avec moi en soutenant la proposition de résolution. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 2 est retiré.)
M. le président
Je mets aux voix l’article unique, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 90
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l’adoption 77
Contre 0
(L’article unique, amendé, est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EPR, EcoS et Dem.)
Titre
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 5.
M. Dominique Potier
Je remercie tous ceux qui ont contribué à ce que ce texte soit voté à l’unanimité, après le travail de fond mené à la suite de l’échec des politiques de réduction des pesticides. Pour protéger le pacte vert pour l’Europe et la transition agroécologique qui sauvera la terre et l’humanité, nous avons besoin de justice économique et de protection. Tel est le sens du titre que nous proposons et qui rappelle notre opposition à l’accord UE-Mercosur et notre engagement en faveur d’échanges justes, qui garantissent la souveraineté agricole et alimentaire, ici et ailleurs. Ce titre manifeste notre fierté française et son dessein universaliste.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Mélanie Thomin, rapporteure
L’ambition principale de la modification du titre est d’afficher notre combat collectif contre l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, afin de lui donner de la lisibilité et de permettre aux citoyens de mieux s’en saisir. Ce titre réaffirme notre engagement sans faille en faveur d’une véritable souveraineté alimentaire au sein de l’Union européenne et de l’intérêt général européen.
Pour nous faire entendre auprès de l’exécutif européen, nous avons notre parlement national et le soutien des parlementaires européens, mais nous avons aussi besoin d’un titre de combat. Je compte sur votre soutien. Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. Le titre initial était plus large, mais je respecte votre choix de faire référence au cas particulier du Mercosur.
Avant de passer au prochain texte, je remercie la rapporteure et M. Potier pour leur travail utile, qui contribue à renforcer notre position en France et en Europe. Je ne m’étonne pas qu’il ait recueilli l’unanimité de l’Assemblée.
Nous devons cesser de considérer la norme européenne comme un frein à la compétitivité. C’est vrai pour le monde agricole, mais aussi pour le monde industriel et commercial. Très prochainement, nous aurons un combat commun à mener, en France et en Europe, dans la compétition économique mondiale qui se dessine.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Comme je ne sais pas si j’aurai encore l’occasion d’intervenir sur ce texte, je tiens à saluer la qualité du travail réalisé en commission des affaires économiques, comme en commission des affaires européennes, et aujourd’hui en séance publique.
En commission des affaires économiques, nous avons introduit deux dispositions fondamentales : la possibilité d’activer des clauses de sauvegarde qui existent dans le droit international et l’interdiction totale de l’importation de produits traités avec les substances les plus dangereuses.
(L’amendement no 5 est adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix la proposition de résolution.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 93
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l’adoption 79
Contre 0
(La proposition de résolution est adoptée.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS, ainsi que sur les bancs des commissions.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures quarante.)
M. le président
La séance est reprise.
2. Refus de ratifier l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur
Discussion d’une proposition de résolution européenne
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne invitant le gouvernement de la République française à refuser la ratification de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur (nos 608, 695).
Présentation
M. le président
La parole est à Mme Manon Meunier, rapporteure de la commission des affaires étrangères.
Mme Manon Meunier, rapporteure de la commission des affaires étrangères
Oui, en France, nous avons encore des normes environnementales contraignantes pour le respect des paysages. Oui, en France, nous avons encore un droit du travail contraignant pour le respect des travailleurs. Oui, en France, nous avons encore un modèle agricole familial, et neuf éleveurs sur dix comptent moins de cent vaches dans leur troupeau. Nous sommes dans la période charnière où ce modèle agricole français pourrait basculer. Et où nous, politiques, devons faire un choix.
Premier scénario : nous continuons votre politique, collègues macronistes. À savoir : soumettre l’agriculture, comme n’importe quelle autre marchandise, aux traités de libre-échange,…
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
C’est faux !
Mme Manon Meunier, rapporteure
…écraser les agriculteurs et les agricultrices sous une concurrence mondiale déloyale et, au bout du compte, être obligés de s’aligner sur les normes environnementales et sociales moins-disantes de l’international.
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Ce n’est pas vrai !
Mme Manon Meunier, rapporteure
Et pour cause : nos élevages familiaux français de cent vaches ne résisteront pas aux fermes de 10 000 bœufs aux hormones du Brésil. Ce scénario, malheureusement, est déjà bien engagé.
Chez moi, en Limousin, l’élevage extensif bovin et ovin est majoritaire et il est d’excellence. C’est ce qui permet la conservation de nos paysages bocagers typiques. Dans le nord de la Haute-Vienne, où se trouve ma circonscription, l’élevage ovin résiste encore. Mais, en réalité, sous le coup de la concurrence internationale, nous avons perdu 350 000 brebis depuis les années 1990. Et, derrière ce chiffre, c’est une ferme par jour en moins que compte le Limousin depuis dix ans. Si le traité avec le Mercosur est ratifié, l’élevage bovin s’attend à connaître le même déclin.
De nouvelles fermes commencent à voir le jour. Parfois, ce sont les industriels de l’énergie qui les tiennent debout ; parfois, c’est l’agro-industrie qui rachète les terres. En tout cas, la transformation est en marche, et c’est au détriment des paysans. Ce scénario, même s’il est déjà bien engagé, n’est pas inexorable. Il n’est pas inévitable. Il est la conséquence de choix politiques, de vos choix politiques. Or il existe une autre solution, et c’est un gros mot pour vous : cela s’appelle le protectionnisme.
Oui, nous conserverons nos normes sociales et environnementales contraignantes, qui font de l’agriculture française ce qu’elle est encore aujourd’hui : un modèle familial qui fait vivre nos territoires ruraux et préserve nos paysages. Mais si nous imposons cela aux agriculteurs et aux agricultrices, nous leur devons une politique protectionniste. Nous leur devons d’arrêter de considérer l’agriculture comme une variable d’ajustement. Nous leur devons d’arrêter d’échanger les vaches et les cultures contre des voitures. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Je ne parlerai même pas du troisième scénario qui se dessine à l’extrême droite de cet hémicycle, qui souhaite un mélange étrange des deux systèmes que je viens de décrire. Le Rassemblement national entend en effet protéger notre système agricole de l’international tout en s’alignant sur ses normes catastrophiques. Ses députés ont proposé des amendements en ce sens, auxquels je m’opposerai bien évidemment.
Je ne donnerai qu’un chiffre : 99 000 tonnes, c’est la masse de viande bovine que le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur prévoit de laisser importer en Europe. Emmanuel Macron n’a rien fait et ne fait rien pour s’opposer à ce traité de libre-échange. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
Ce n’est pas vrai !
Mme Manon Meunier, rapporteure
En réalité, Emmanuel Macron a même participé au premier accord obtenu en 2019. Il saluait alors un bon accord, respectant nos normes environnementales et sanitaires. En 2023 encore, le gouvernement invitait à ne pas jeter l’accord à la poubelle et estimait qu’il fallait le conclure.
Il est vrai que depuis l’explosion de la colère agricole, le discours gouvernemental a un peu changé. Vous dites soudainement ne plus vouloir de l’accord, mais « en l’état » : c’est-à-dire que vous le laisserez passer lorsque vous aurez obtenu de Bruxelles deux ou trois clauses miroirs. Or vous savez aussi bien que nous que ces clauses sont inefficaces : l’Union européenne a dernièrement révélé que les mesures miroirs en vigueur avec le Mercosur n’étaient pas respectées. En raison de l’insuffisance des contrôles, parfois de la corruption de contrôleurs, l’Union importe déjà du bœuf aux hormones, pourtant interdit ! (« Scandale ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
La position de La France insoumise est claire depuis le début : clauses miroirs ou pas, nous ne voulons pas de traité de libre-échange avec le Mercosur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il importait que l’Assemblée nationale l’établisse sans ambiguïté, invite à une opposition ferme et définitive, demande à la Commission européenne de soumettre l’accord à un vote à l’unanimité des États membres, afin que la France conserve un réel pouvoir. Tout cela, qu’Emmanuel Macron aurait dû faire depuis longtemps, constitue l’objet du texte que nous vous présentons. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Hignet, au nom de la commission des affaires européennes.
Mme Mathilde Hignet
J’aurai avant toute chose une pensée pour les habitants d’Ille-et-Vilaine, et en particulier de ma circonscription, touchés par les inondations. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS. – Mmes Sophie Mette et Stella Dupont applaudissent également.) Je salue les équipes de secours, pompiers, municipalités, ainsi que les citoyens qui, depuis des jours, viennent en aide à leurs voisins.
Je pense également aux agriculteurs du département dont les fermes ont été inondées. Ces inondations, qui résultent de l’artificialisation des sols et du changement climatique, mettent en évidence la nécessité de repenser l’aménagement du territoire. La préservation des haies, des talus, est primordiale ; la capacité des prairies à limiter les phénomènes de ruissellement nous invite à soutenir les pratiques vertueuses des éleveurs en plein air, à accompagner la transition agroécologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme la rapporteure applaudit également.) Or comment assurer cette dernière si, dans le même temps, l’agriculture est sacrifiée aux accords de libre-échange ?
Les agriculteurs nous nourrissent ; ils contribuent à la préservation de la biodiversité, des sols, des paysages. Il importe donc de les protéger de la concurrence que tendent à imposer ces accords. Cette proposition de résolution nous donne l’occasion de clarifier la position de la France à l’égard du traité avec le Mercosur, ce que n’a pas fait, le 26 novembre 2024, la déclaration du gouvernement Barnier sur ce point : il en est ressorti une opposition à l’accord « en l’état », autrement dit à sa version actuelle. Dans nos circonscriptions, ce n’est pas un accord révisé ou amélioré que réclament les agriculteurs : ils ne veulent pas d’accord du tout !
Ce texte invite le gouvernement français à refuser la ratification de l’accord avec le Mercosur, quels que soient les termes retenus. (Mêmes mouvements.) Contrairement à ce que vous avez essayé de faire croire lors du précédent débat, nous ne sommes pas opposés aux échanges commerciaux, mais celui de nos aliments, biens de première nécessité, contre des voitures n’est pas acceptable.
M. Matthias Tavel
Très bien !
Mme Mathilde Hignet