Séance du lundi 03 février 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Libération d’Ofer Kalderon
- 2. Projet de loi de finances pour 2025
- 3. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
- 4. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
1. Libération d’Ofer Kalderon
Mme la présidente
Notre compatriote Ofer Kalderon, retenu en otage pendant plus de quinze mois, a été libéré ce samedi. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement.)
Au nom de la représentation nationale, je veux exprimer le soulagement et la joie que nous ressentons à le savoir désormais libre. Je forme également le vœu qu’Ohad Yahalomi, encore détenu à Gaza, puisse lui aussi être bientôt libéré, de même que tous les Français retenus en otage dans le monde.
En cet instant, je voudrais que nous ayons une pensée particulière pour Olivier Grondeau, ainsi que pour Cécile Kohler et son compagnon Jacques Paris, retenus en Iran depuis maintenant plus de mille jours. (Mmes et MM. les députés applaudissent.)
2. Projet de loi de finances pour 2025
Commission mixte paritaire
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de finances pour 2025 (no 873).
La parole est à M. David Amiel, rapporteur de la commission mixte paritaire.
M. David Amiel, rapporteur de la commission mixte paritaire
Chacun le sait : depuis le mois de janvier, alors que les États-Unis et la Chine se sont lancés dans une guerre économique mondiale, la France est clouée au sol. Les entreprises françaises gèlent les embauches et les investissements.
M. Fabrice Brun
Eh oui ! L’économie tourne au ralenti !
M. David Amiel, rapporteur
Les services publics tournent au ralenti, car ils ne connaissent pas les moyens dont ils disposeront. Les agriculteurs attendent désespérément les mesures d’urgence qui leur ont été promises par cette assemblée.
Le fait est simple. Aucun parti n’est majoritaire dans cet hémicycle et personne ne peut imposer son budget idéal.
Un député du groupe LFI-NFP
Surtout pas vous !
M.David Amiel, rapporteur
Pour éviter la sortie de route du pays, tout le monde doit mettre de l’eau dans son vin, car aucun parti ne peut prendre le budget de la France en otage.
Cette commission mixte paritaire (CMP) a fourni l’occasion d’un exercice inédit sous la Ve République. Elle s’est tenue, et je tiens à le saluer, dans un climat respectueux et studieux, n’empêchant évidemment pas l’expression légitime des désaccords. Le texte voté au Sénat a été considérablement amendé, pour entendre le plus de sensibilités politiques et tous les bancs du Parlement.
M. Philippe Vigier
Très bien !
M. David Amiel, rapporteur
Les engagements pris par le premier ministre dans sa lettre du 16 janvier ont été fidèlement intégrés, sans coups tordus et sans négociations d’arrière-cour.
M. Manuel Bompard
C’est faux !
M. David Amiel, rapporteur
Les demandes formulées sur de nombreux bancs pour l’éducation, l’écologie, le sport, le logement – logement social ou accession à la propriété – ou les outre-mer ont toutes été reprises.
M. Manuel Bompard
Et la taxe sur les transactions financières, alors ?
M. Aurélien Le Coq
Arrêtez de nous jouer du pipeau ! (Mme Ségolène Amiot mime un joueur de pipeau.)
M. David Amiel, rapporteur
Certes, ce n’est pas une pratique habituelle, mais nous sommes tous intoxiqués à un fait majoritaire qui, dans la période, ne conduirait qu’à l’impuissance et à la crise.
Une nouvelle pratique politique doit naître et le mot « compromis » ne doit plus être une insulte dans la vie politique française. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Erwan Balanant
Bravo !
M. David Amiel, rapporteur
Nous ne serons capables de faire traverser les deux prochaines années au pays que si nous sommes d’abord capables de nous changer nous-mêmes.
M. Jean-Michel Jacques
Il a raison !
M. David Amiel, rapporteur
Mais, pour être tenable, ce compromis d’intérêt général ne doit pas devenir un tour de passe-passe. Il ne doit pas nous conduire à sacrifier demain à aujourd’hui ou à préférer les clientèles électorales aux urgences nationales. Cette condition n’est pas la moindre.
C’est la raison pour laquelle il était crucial de continuer à réduire le déficit. (Mme Ségolène Amiot s’exclame.) Le texte présenté par la CMP s’inscrit dans la trajectoire présentée par le gouvernement, qui vise à ramener le déficit à 5,4 % du PIB. Il y allait de la crédibilité de notre pays, de son indépendance vis-à-vis des marchés financiers, de sa capacité à réagir en cas de nouvelle crise.
Ces économies, historiques, ne doivent pas non plus se faire au détriment des investissements pour l’avenir, à moins de céder à la facilité politique : il est plus facile de renoncer que de réformer, d’abandonner des initiatives pourtant indispensables que de réexaminer l’existant.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
C’est vous qui avez tout abandonné !
M. David Amiel, rapporteur
De surcroît, nous ne pouvons faire à Donald Trump le cadeau d’un budget dans lequel nous massacrerions les sources d’innovation et de souveraineté technologique. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Maxime Laisney
Elle est bonne, celle-là !
M. Julien Odoul
C’est complètement hors sujet !
M. David Amiel, rapporteur
C’est la raison pour laquelle, avec le groupe Ensemble pour la République, nous avons tenu à y ajouter 150 millions d’euros à destination de l’université et la recherche, qui ont trop souvent fait figure de parent pauvre de nos politiques publiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Gabriel Attal
Bravo !
M. David Amiel, rapporteur
Nous avons tenu à soutenir les demandes faites pour renforcer le budget de la transition énergétique, depuis le maintien du fond Vert jusqu’à la pérennisation de l’accès à une voiture électrique pour 100 euros par mois. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
Enfin, le texte de la commission mixte paritaire évite autant que possible une hausse excessive des prélèvements sur les classes moyennes et sur notre appareil productif.
M. Aurélien Le Coq
Tout pour les plus riches !
M. David Amiel, rapporteur
Certes, le versement mobilité régional – auquel mon groupe politique et moi-même n’étions pas favorables, mais qui recueillait un large soutien – sera finalement instauré, à un taux maximal de 0,15 %.
M. Pierre Cazeneuve
C’est ça, le compromis !
M. Ugo Bernalicis
On dirait du François Hollande !
M. David Amiel, rapporteur
Nous nous sommes battus pour que les primo-accédants soient au moins protégés de toute hausse des frais de notaire, pour que le plafond de la carte grise n’augmente pas…
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Révolutionnaire !
M. David Amiel, rapporteur
…et pour qu’on évite une avalanche de prélèvements sur l’industrie, ce qui serait insoutenable dans le contexte international actuel.
M. Jean-René Cazeneuve
Très bien !
M. David Amiel, rapporteur
Le budget qui vous est proposé…
M. Jean-François Coulomme
Pas proposé, imposé !
M. David Amiel, rapporteur
…n’est le budget idéal d’aucun groupe – c’est le propre d’un compromis. Mais il est indispensable que la France ait un budget.
M. Pierre Cazeneuve
Bravo !
M. Philippe Vigier
Très bien !
M. David Amiel, rapporteur
Nous ne pouvons pas, derrière ces murs épais, faire la sourde oreille à la demande qu’expriment tout le pays, toutes les strates de la société et tous les secteurs d’activité. Il est de notre devoir d’y répondre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem et sur quelques bancs du groupe DR.)
M. Gabriel Attal
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Coquerel, président de la commission mixte paritaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission mixte paritaire
Le budget aujourd’hui soumis à notre vote est pire que celui de Michel Barnier, qui aurait certainement donné lieu à une censure si celle-ci n’avait pas été votée à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Le nouveau premier ministre soumet en effet à cette chambre des conclusions qui aboutiraient à un budget encore plus austéritaire et plus nocif pour le pays que celui que projetait Michel Barnier. (Mêmes mouvements.)
Mme Mathilde Panot
Bravo !
M. Éric Coquerel, président de la commission mixte paritaire
Les instituts et les institutions les plus autorisés – l’association Fipeco, par la voix de son président François Ecalle, ou la Cour des comptes – concluent que le déficit est dû avant tout à la baisse des recettes. Selon la Cour des comptes, ce sont 60 milliards d’euros qui manquent aux caisses de l’État, pour la seule année 2024, à cause des réformes fiscales entreprises depuis 2017. Or le budget que vous présentez prévoit 6,2 milliards de recettes de moins que celui de Michel Barnier, puisque vous limitez à un an la durée de la taxation des ultrariches et des grandes entreprises.
M. Sylvain Berrios
Il ne fallait pas censurer son gouvernement !
M. Éric Coquerel, président de la commission mixte paritaire
En prévoyant 6,4 milliards de coupes budgétaires supplémentaires, vous aggravez le problème. En octobre, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estimait déjà que le budget Barnier aurait un effet récessif de 0,8 point de PIB. Le vôtre étant bien plus austéritaire, ses effets récessifs seront encore plus importants. (Mêmes mouvements.)
Avec ces coupes budgétaires venant s’ajouter à celles opérées par Michel Barnier, on atteint un total de 23,5 milliards d’euros de coupes dans le budget de l’État – un record depuis vingt-cinq ans ! (Mêmes mouvements.)
Des ministères essentiels verront leurs budgets amputés. Corrigé de l’inflation, le budget du ministère du travail baissera de 3,1 milliards et celui de l’écologie reculera de 2,6 milliards.
M. Aurélien Le Coq
Une honte !
M. Paul Vannier
C’est pourquoi il faut censurer le gouvernement !
M. Éric Coquerel, président de la commission mixte paritaire
Corrigés de l’inflation, les moyens de la politique du logement diminueront – à périmètre constant – de 1,5 milliard d’euros, tout comme ceux de la recherche et de l’enseignement supérieur. Un an après les Jeux olympiques, les crédits du sport diminueront de 197 millions d’euros !
M. Jean-François Coulomme
Quelle honte !
M. Éric Coquerel, président de la commission mixte paritaire
Pour atteindre de telles baisses de dépenses, vous n’avez rien cédé : ce qui a été présenté comme de maigres concessions à une partie de votre opposition n’est en réalité que l’arbuste qui cache bien mal la forêt austéritaire ! (Mêmes mouvements.)
Certes, les crédits de l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, l’Agence bio, seront maintenus à hauteur de 2,9 millions d’euros, mais les réductions budgétaires imposées aux ministères de l’agriculture et de l’écologie dépasseront de 1,2 milliard d’euros celles qu’envisageait Michel Barnier.
M. François Hollande
Ah, encore Barnier !
M. Éric Coquerel, président de la commission mixte paritaire
Certes, 4 000 postes d’enseignants ne seront pas supprimés, mais le budget que vous accordez à l’éducation nationale est inférieur de 225 millions d’euros à celui que proposait Michel Barnier. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Jean-René Cazeneuve
Ce n’est plus Michel Barnier !
Mme Émilie Bonnivard
Vive Michel !
M. Éric Coquerel, président de la commission mixte paritaire
Aucun moyen supplémentaire ne soutiendra la politique de l’eau, dont les crédits sont même rabotés de 100 millions d’euros. On sauve peut-être les deux jours de carence, mais les indemnités journalières de tous les fonctionnaires malades baisseront, avec 900 millions d’économies à la clé pour l’État.
Faudrait-il, comme nous y invite David Amiel, laisser passer ce mauvais budget sous peine d’être privés de budget tout court ?
M. Pierre Cazeneuve
L’excellent David Amiel !
M. Éric Coquerel, président de la commission mixte paritaire
On connaît la chanson ! Déjà, pour éviter la première censure, on nous annonçait que les cartes Vitale ne fonctionneraient plus et que les fonctionnaires ne seraient plus payés. C’était un mensonge, et ceux qui l’ont proféré en étaient conscients !
M. Christophe Bentz
En effet !
M. Éric Coquerel, président de la commission mixte paritaire
Aujourd’hui, il y a bien un budget, celui prévu par la loi spéciale, entré en vigueur le 1er janvier 2025 et qui permet à l’État de fonctionner, comme l’État espagnol fonctionne depuis trois ans – la vigueur économique de notre voisin lui vaut même des compliments. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Voilà !
M. Éric Coquerel, président de la commission mixte paritaire
Pour exercer ce chantage, vous avez adopté des circulaires restrictives. Vous avez, par exemple, plafonné des crédits à 25 %, sous prétexte de respecter les futurs votes de l’Assemblée. Pourquoi ?
M. Ugo Bernalicis
Saboteurs !
M. Éric Coquerel, président de la commission mixte paritaire
Y aurait-il un risque de les amputer de 75 % ? Il ne tient qu’à vous de les plafonner à 75 % et d’apaiser ainsi l’incertitude qui règne dans les ministères. (Mêmes mouvements.)
M. Laurent Croizier
Vous n’aimez pas les entreprises et les collectivités !
M. Éric Coquerel, président de la commission mixte paritaire
Votre circulaire bloque le paiement des subventions et l’engagement de nouvelles dépenses d’investissement.
Mme Émilie Bonnivard
Les investissements des communes sont protégés !
M. Jean-Pierre Taite
Vous ne savez pas ce qu’est un maire, même si vous avez failli en avoir un hier !
M. Éric Coquerel, président de la commission mixte paritaire
Là encore, vous traduisez de manière volontairement anxiogène les dispositions de la loi spéciale au sujet des crédits « indispensables ».
M. Ugo Bernalicis
Vous êtes des saboteurs !
M. Éric Coquerel, président de la commission mixte paritaire
Rien n’oblige à bloquer les financements du pass culture ou des services civiques dans les collectivités. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. Ugo Bernalicis
Exactement !
Un député du groupe LFI-NFP
Fossoyeurs !
Mme Sophia Chikirou
Menteurs !
M. Éric Coquerel, président de la commission mixte paritaire
Rien n’oblige à engendrer un climat morose qui est un mauvais coup porté à l’activité économique du pays.
M. Vincent Descoeur
N’inversez pas les rôles !
M. Éric Coquerel, président de la commission mixte paritaire
On peut même dire que le budget 2025 et les 9 milliards d’euros de baisses de dépenses supplémentaires qu’il prévoit seraient, pour tous ceux qui ont peur aujourd’hui, une bien moins bonne affaire !
Si votre budget est rejeté, on pourrait même, avec les projets de loi portant diverses dispositions d’ordre financier (DDOF) que nous avons suggérés avec Charles de Courson, permettre que le barème de l’impôt sur le revenu soit bien indexé sur l’inflation.
Au fond, ces peurs qui nous poussent à croire qu’il n’y a plus de budget sont là pour nous convaincre d’adopter un mauvais budget. Nous, nous pensons qu’il vaut mieux attendre un gouvernement qui respecterait enfin le choix populaire de juillet dernier et qui proposerait un budget répondant aux besoins des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Emmanuel Mandon
Vous pouvez toujours rêver !
M. Éric Coquerel, président de la commission mixte paritaire
Dès lors que vous recourez à l’article 49.3 de la Constitution, la motion de censure devient, pour chacun de vos opposants, la seule façon de rejeter un mauvais budget. En tant qu’opposant, je voterai la motion de censure qui sera déposée ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)
Application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Ugo Bernalicis
Voilà le saboteur en chef !
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
Nous voici à l’heure de vérité. Nous voici même à la semaine de vérité et de responsabilité. Aucun pays ne peut vivre sans budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Il y a un budget : on a voté la loi spéciale !
M. Ugo Bernalicis
Saboteur !
M. François Bayrou, premier ministre
La France le peut moins que tout autre. Pour la première fois depuis la fondation de la Ve République, depuis presque soixante-dix ans,…
M. Ugo Bernalicis
C’est la première fois qu’on ne respecte pas le verdict des urnes !
M. François Bayrou, premier ministre
…notre pays est toujours sans budget au début du mois de février. (Brouhaha.)
Un député du groupe LFI-NFP
Et sans gouvernement légitime !
M. François Bayrou, premier ministre
L’image de la France, grande démocratie, pilier de l’Union européenne, en est affectée, mais elle n’est pas la seule victime : l’action publique en pâtit également,…
M. Paul Vannier
C’est à cause de vous, vous ne respectez pas les urnes !
M. François Bayrou, premier ministre
…puisqu’elle est incapable de faire face à ses obligations, telles que le recrutement, par exemple, des magistrats et des fonctionnaires prévus.
M. Aurélien Le Coq
Démago ! C’est faux !
M. François Bayrou, premier ministre
La production est paralysée dans de nombreux domaines.
M. Ugo Bernalicis
Saboteur !
M. Vincent Descoeur
Parole d’expert !
M. François Bayrou, premier ministre
Songez aux agriculteurs, au BTP – bâtiment et travaux publics –, à l’investissement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Ugo Bernalicis
Les crédits sont là ! Exécutez-les !
M. François Bayrou, premier ministre
Songez aux presque 500 000 foyers auxquels des taux de fiscalité vont s’appliquer alors qu’ils étaient exonérés jusqu’à présent, et aux 18 millions de foyers fiscaux qui verront leur impôt augmenter ! Songez à tous ceux qui doivent construire ou acheter leur logement, qui verront les taux d’emprunt augmenter du fait de l’incertitude,…
M. Ugo Bernalicis
Quel chantage !
M. François Bayrou, premier ministre
…sans même parler – nous y viendrons ensuite –…
M. Julien Odoul
Des nuages de sauterelles !
M. François Bayrou, premier ministre
…du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Telle est la situation depuis la censure du gouvernement de Michel Barnier. C’est la réalité. (« Menteur ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Depuis l’entrée en fonction de ce gouvernement, le 23 décembre, nous n’avons pas ménagé nos efforts pour sortir de cette impasse.
M. Ugo Bernalicis
On a vu !
M. François Bayrou, premier ministre
Nous avons travaillé avec les ministres, que je remercie : Éric Lombard, Amélie de Montchalin et Catherine Vautrin, qui s’exprimera tout à l’heure.
M. Ugo Bernalicis
Remerciez M. Hollande, tant que vous y êtes !
M. François Bayrou, premier ministre
Nous avons travaillé avec toutes les forces politiques – toutes ont été invitées à Matignon et celles qui ont été reçues ont été entendues –, avec tous ceux qui participent au gouvernement et le soutiennent,…
M. Ugo Bernalicis
Comme les socialistes !
Mme Sarah Legrain
Le soutien sans participation !
M. François Bayrou, premier ministre
…avec tous ceux qui ont accepté, bien que n’appartenant pas à la majorité, de s’inscrire dans le dialogue (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), c’est-à-dire dans une perspective positive, et qui ont pu proposer des améliorations.
Mme Danièle Obono
Le bloc bourgeois accueille de nouveaux électeurs !
M. François Bayrou, premier ministre
La bonne foi et la bonne volonté ont été au rendez-vous.
Le texte qui vient de vous être présenté a trois auteurs, j’allais dire trois géniteurs : d’abord, le gouvernement de Michel Barnier, avant la censure du 4 décembre (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) ; ensuite, le gouvernement que nous avons constitué depuis le 23 décembre ;…
M. Aurélien Le Coq
Et les socialistes !
M. François Bayrou, premier ministre
…enfin, les deux chambres du Parlement, lors de toutes les séances qui s’y sont tenues, en particulier celles de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme Sarah Legrain
N’importe quoi ! Il ne représente plus personne !
M. François Bayrou, premier ministre
Ce budget va libérer l’action de l’État et de ses opérateurs, jusqu’au montant de 662 milliards d’euros.
M. Vincent Descoeur
C’est urgent !
M. François Bayrou, premier ministre
Il va libérer l’action des collectivités locales jusqu’à 342 milliards. (Mme Danielle Brulebois applaudit. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Quant au PLFSS, que nous examinerons tout à l’heure, il prévoit des crédits pouvant aller jusqu’à 800 milliards d’euros.
Conformément aux orientations fixées par le gouvernement,…
M. Ugo Bernalicis
Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude !
M. François Bayrou, premier ministre
…le déficit a été limité à 5,4 % du produit intérieur brut, en dépit de la correction apportée – transparence et loyauté obligent – au taux de croissance : l’hypothèse retenue pour cette dernière est de 0,9 %, celle retenue pour le taux d’inflation de 1,4 %.
Mme Marie Mesmeur
Il faut lire les travaux de l’OFCE !
M. François Bayrou, premier ministre
L’augmentation de la dépense publique a été contenue à 1,2 %, soit un taux inférieur à l’inflation.
Ce budget est-il parfait ? Non. (« Ah non ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Aucun d’entre nous ne le trouve parfait – vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur. J’ajouterai néanmoins, fort de mon antériorité, que je n’ai jamais connu de discussion budgétaire accouchant d’un budget reconnu comme parfait. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Paul Vannier
Avant, les députés votaient le budget !
M. François Bayrou, premier ministre
Il s’agit de trouver un équilibre. Nous sommes désormais, tous ensemble, devant notre devoir.
Mme Sarah Legrain
Pas tous ensemble ! On va censurer !
M. François Bayrou, premier ministre
Si vous en décidez ainsi – puisque la décision est entre vos mains –, à force de bonne volonté, de pas des uns vers les autres, d’efforts et de compréhension, la France disposera dans les dix jours d’un budget, de ses budgets,…
Mme Danièle Obono
Les capitalistes et le bloc bourgeois auront leur budget, et le peuple les miettes !
M. François Bayrou, premier ministre
…ce qui enverra un signal de responsabilité et de stabilité aux premiers concernés, à ceux qui s’inquiètent à juste titre, à nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem. – Mme Danielle Brulebois applaudit également.) C’est de cela que vous aurez à décider.
C’est pourquoi, sur le fondement de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, j’ai l’honneur (Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP)…
Mme Danièle Obono
Quel honneur d’ignorer le peuple !
M. François Bayrou, premier ministre
…d’engager la responsabilité du gouvernement sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2025, dans sa version résultant des travaux de la commission mixte paritaire, modifiée par des amendements techniques et de coordination. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe DR. – De nombreux députés du groupe LFI-NFP se lèvent et quittent l’hémicycle.)
Mme Émilie Bonnivard et M. Jean-Pierre Taite
Dehors !
M. Sylvain Berrios
Au revoir !
Mme la présidente
L’Assemblée nationale prend acte de l’engagement de la responsabilité du gouvernement, conformément aux dispositions de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Le texte sur lequel le premier ministre engage la responsabilité du gouvernement sera inséré en annexe au compte rendu de la présente séance.
En application de l’article 155, alinéa 1er, du règlement, le débat sur ce texte est immédiatement suspendu.
Mme Mathilde Feld
Honteux !
Mme la présidente
Le texte sera considéré comme adopté, sauf si une motion de censure déposée avant demain, seize heures vingt et une, est votée dans les conditions prévues à l’article 49 de la Constitution.
Dans l’hypothèse où une motion de censure serait déposée,…
M. Vincent Descoeur
Ils sont partis pour le faire !
Mme la présidente
…la conférence des présidents fixera la date et les modalités de sa discussion.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt et une, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
3. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Nouvelle lecture
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (nos 622, 869).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 est un texte essentiel, vous le savez, puisqu’il vise à doter notre système de santé et de solidarité des moyens dont il a besoin tout en garantissant son équilibre et sa pérennité. Je remercie la commission des affaires sociales pour son travail rigoureux et approfondi, et félicite Thibault Bazin pour son élection en tant que rapporteur général de cette commission – son engagement et son expertise nous sont précieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Nous avons tous conscience du contexte budgétaire exigeant qui est le nôtre, comme de la situation politique inédite dans laquelle nous nous trouvons. La responsabilité nous oblige d’une part à concilier deux impératifs majeurs – garantir la protection sociale et redresser nos finances publiques –, et d’autre part à trouver des compromis.
Nous sommes fidèles à l’esprit d’Ambroise Croizat (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), qui disait : « La sécurité sociale est la seule création de richesse sans capital. La seule qui ne va pas dans la poche des actionnaires, mais est directement investie pour le bien-être de nos citoyens. »
M. Maxime Laisney
Vous n’allez tout de même pas citer Ambroise Croizat !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Le gouvernement s’est consacré à cette tâche depuis sa nomination, le 23 décembre. Avec Amélie de Montchalin, Astrid Panosyan-Bouvet, Yannick Neuder et Charlotte Parmentier-Lecocq (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et HOR), nous avons écouté chacun des dix groupes politiques représentés à l’Assemblée et au Sénat qui ont accepté de nous rencontrer. Nous avons tenu compte de vos priorités pour proposer un texte probablement encore imparfait – j’en ai conscience –, mais susceptible de nous rassembler et, surtout, de permettre à la sécurité sociale – notre bien commun – de fonctionner au mieux.
En 2025, nous célébrerons les 80 ans de la sécurité sociale, fondée sur les principes affirmés par le Conseil national de la Résistance. Elle constitue un héritage précieux, qu’il s’agit de préserver et d’adapter aux défis de notre temps. La sécurité sociale forme le socle de notre modèle social. Comme le déclarait Jacques Chirac en 1995 : « Désormais, la sécurité sociale fait partie de l’identité de la France et du patrimoine des Français. Elle a sa place dans notre histoire, comme dans notre quotidien. Elle exprime en quelque sorte notre génie national. »
M. Jérôme Guedj
Il avait raison !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Le premier ministre François Bayrou l’a rappelé, la santé des Français est une priorité. Ce PLFSS en est la preuve, puisqu’il consacre des moyens importants à assurer l’accès de tous les Français à des soins de qualité, mais aussi l’autonomie, l’encouragement du travail et la justice sociale.
Première priorité : l’hôpital. L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) connaîtra en 2025 une hausse de 3,4 %, soit 9 milliards d’euros supplémentaires par rapport à 2024. (M. Danielle Brulebois applaudit.)
M. Vincent Descoeur
C’est bien !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Cette hausse traduit un effort particulièrement important en faveur des établissements de santé. En effet, l’Ondam hospitalier augmentera de 3,8 %, soit une hausse bien supérieure à celle initialement prévue.
M. Jérôme Guedj
C’est vrai !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Tel est le fruit des discussions conduites avec chacun des groupes politiques. Des moyens supplémentaires, à hauteur de 1 milliard d’euros,…
M. Hadrien Clouet
Seulement 1 milliard d’euros ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
…permettront d’améliorer la situation financière des hôpitaux et d’accroître leur capacité à offrir les soins de qualité que nos concitoyens attendent. Nous continuerons d’agir en faveur de l’attractivité des métiers du soin, et nous renforcerons en particulier les effectifs dans les services de soins critiques et de réanimation.
Deuxième priorité : développer les soins palliatifs. Lorsque j’avais défendu devant l’Assemblée nationale, au premier semestre 2024, la stratégie nationale des soins palliatifs, j’avais pris l’engagement que leur budget soit abondé de 100 millions d’euros supplémentaires chaque année durant dix ans. Cet engagement sera tenu dès l’exercice 2025 et l’augmentation budgétaire correspondante servira au déploiement de la stratégie décennale des soins d’accompagnement. Il s’agit de renforcer l’offre de soins palliatifs dans chaque territoire, au sein des établissements de santé et médico-sociaux comme à domicile, ainsi que de développer une filière de formation universitaire en soins palliatifs.
Troisième priorité : repenser le système de santé depuis les territoires. C’est à l’échelle de leur bassin de vie que nos concitoyens attendent des réponses concrètes. Nous poursuivrons la stratégie consistant à aller vers les populations, en ciblant principalement les territoires ruraux à faible densité médicale, ou qui connaissent une forte proportion de patients touchés par une affection de longue durée (ALD) ou dépourvus de médecin traitant. Nous continuerons à lutter contre les déserts médicaux et à améliorer les soins non programmés, en consacrant davantage de moyens aux services d’accès aux soins. Nous garderons un œil attentif sur la pérennisation et l’extension d’expérimentations réalisées au titre de l’article 51 du PLFSS pour 2018, qui apportent des solutions adaptées aux attentes de nos concitoyens.
Quatrième priorité : renforcer l’attractivité des métiers de la santé et améliorer les conditions de travail des professions médicales. Il s’agit notamment de financer la convention médicale qui a relevé, dès décembre 2024, le tarif de la consultation chez le médecin traitant à 30 euros. Certaines spécialités bénéficient également d’une revalorisation des consultations, comme la gynécologie.
Nous devons investir davantage dans la prévention. Nous améliorerons le suivi médical de l’enfant grâce à l’évolution du calendrier des examens obligatoires et à la refonte du carnet de santé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.) Depuis le 1er janvier 2025, l’un des quatorze examens prévus lors des trois premières années de l’enfant est supprimé et un nouvel examen obligatoire est ajouté entre la septième et la seizième année. Le nouveau carnet de santé accordera une place centrale à la prévention. En outre, les examens bucco-dentaires seront désormais annuels entre 3 et 24 ans, dans le cadre de la politique « génération sans carie ». Enfin, la santé mentale est érigée en grande cause nationale de l’année 2025 et près de 100 millions d’euros seront ainsi mobilisés cette année. (Mme Élise Leboucher s’exclame.) Il s’agit notamment de renforcer le dispositif Mon soutien psy et de permettre un accès simplifié et plus rapide à un psychologue, en revalorisant le tarif des séances et en prenant en charge un plus grand nombre de consultations au cours d’une année civile. Les personnes les plus précaires et les plus éloignées des soins, en particulier psychiatriques, bénéficieront du renforcement des équipes mobiles psychiatrie-précarité. La réponse préhospitalière aux personnes nécessitant des soins psychiatriques sera améliorée et des filières psychiatriques seront développées dans les services d’accès aux soins. Le dispositif de prévention du suicide VigilanS sera étendu aux mineurs.
M. Aurélien Rousseau
Très bien !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Le vieillissement de la population représente un problème majeur auquel ce PLFSS apporte des réponses concrètes. Le chantier crucial des retraites a été rouvert par le premier ministre et confié aux partenaires sociaux. Je suis confiante dans leur capacité à trouver les voies d’un accord. En attendant, ce PLFSS intègre la revalorisation de 2,2 % des pensions de retraite de base à compter du 1er janvier 2025.
M. François Hollande
Grâce à la censure !
M. Aurélien Rousseau
On ne regrette pas Barnier, là !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Le cumul emploi-retraite sera facilité pour les médecins exerçant en zones sous-denses. Le taux de cotisation des employeurs territoriaux et hospitaliers à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) sera relevé de 3 points par an jusqu’en 2028, d’une façon plus progressive que celle initialement prévue. Les retraites agricoles seront calculées sur les vingt-cinq meilleures années de revenus (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et Dem),…
M. Nicolas Ray
Enfin !
Mme Catherine Vautrin, ministre
…avec une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2026, conformément à la loi du député Julien Dive du 13 février 2023.
M. Fabrice Brun
Merci, Les Républicains !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Les financements de la branche autonomie atteindront 43 milliards d’euros et permettront d’accélérer le déploiement des 50 000 nouvelles solutions d’accompagnement pour les personnes en perte d’autonomie, tout en renforçant le soutien aux proches aidants et aux établissements médico-sociaux. Le soutien aux personnes en situation de handicap connaîtra en 2025, alors que nous célébrerons les 20 ans de la loi du 11 février 2005, des avancées concrètes – je pense en particulier à la prise en charge intégrale des fauteuils roulants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Les Ehpad bénéficieront d’un effort budgétaire significatif, incluant des investissements immobiliers supplémentaires pour moderniser les structures et améliorer les conditions d’accueil des résidents. Par ailleurs, 6 500 professionnels seront recrutés dès 2025 (Mme Ségolène Amiot s’exclame) afin d’atteindre plus rapidement l’objectif de 50 000 postes supplémentaires d’ici à 2030. Il s’agit de garantir ainsi une meilleure prise en charge et un accompagnement renforcé. Le financement des Ehpad sera simplifié et sécurisé grâce à la fusion des sections « soins » et « dépendance », souvent réclamée sans jamais être réalisée. Le Sénat avait voté la création d’un fonds d’urgence doté de 100 millions d’euros. Face à la situation difficile des Ehpad, que le gouvernement et de nombreux députés reconnaissent, nous prévoyons de tripler la dotation de ce fonds, pour la porter à 300 millions d’euros. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Nicolas Ray
Très bien !
Mme Catherine Vautrin, ministre
En outre, alors que davantage de personnes âgées expriment le souhait de vivre à domicile ou dans des résidences adaptées, le soutien aux aides à domicile sera renforcé.
M. Jérôme Guedj
Ah !
Mme Catherine Vautrin, ministre
En application de la loi « bien vieillir » du 8 avril 2024, ce PLFSS comporte une nouvelle aide financière de 100 millions d’euros destinée à couvrir une partie des dépenses de mobilité des aides à domicile, afin de garantir un accompagnement de qualité sur l’ensemble du territoire.
Vous le voyez, ce PLFSS contient des avancées significatives. Je suis consciente qu’il ne s’agit que d’une première étape. Notre pays connaît une transition démographique majeure et nous devons y consacrer toute notre énergie. J’y suis déterminée et je souhaite exposer, dans les prochaines semaines, un plan de transition démographique qui couvrira l’ensemble des étapes de la vie, de la naissance au grand âge.
M. Jérôme Guedj
Chiche !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Chacun le sait : refuser de conduire, au bon moment, les réformes nécessaires pour assurer l’avenir de notre protection sociale revient à accepter l’injustice. (Mme Dominique Voynet s’exclame.)
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
L’injustice, c’est votre budget !
Mme Catherine Vautrin, ministre
C’est l’inverse que nous vous proposons.
D’autre part, ce PLFSS vise à encourager le travail. (MM. Jean-François Coulomme et Hadrien Clouet s’exclament.) Le secteur agricole mérite tout notre soutien. Je connais votre mobilisation à ce sujet – en particulier la vôtre, monsieur le rapporteur général. Outre les retraites agricoles déjà évoquées, nous pérenniserons et renforcerons le dispositif d’exonération des cotisations patronales en cas d’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi. Le plafond d’exonération sera relevé de 1,20 à 1,25 smic. La possibilité de cumuler l’exonération applicable aux jeunes agriculteurs avec les taux réduits, de droit commun, des cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales est désormais garantie. C’était attendu ; c’est dans ce texte. L’indemnisation des victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles sera améliorée pour tenir compte de l’impact extraprofessionnel de l’accident ou de la maladie. C’est la transposition de l’accord conclu par les partenaires sociaux sur le sujet, ce qui démontre la force du dialogue social conduit par Astrid Panosyan-Bouvet. (M. Hadrien Clouet s’exclame.)
Enfin, ce PLFSS se fonde sur un principe fondamental : la justice sociale. Ce texte est un document de protection sociale, de soutien aux familles et aux personnes en situation de handicap. L’objectif de dépenses de la branche famille est fixé à plus de 60 milliards d’euros. Le service public de la petite enfance entrera en vigueur, en accordant aux communes un rôle renforcé. La réforme du complément de libre choix du mode de garde permettra aux familles monoparentales de bénéficier de cette aide jusqu’aux 12 ans de l’enfant. Vous le demandiez ; c’est dans le texte.
Préserver notre modèle, c’est aussi lutter contre la fraude. (MM. Jérémie Iordanoff et Hadrien Clouet s’exclament.) Le texte initial a été enrichi selon cet axe fort promu par plusieurs groupes, que ce soit au Sénat ou à l’Assemblée, en s’inspirant des travaux de votre commission des affaires sociales. Ainsi, la carte Vitale sera sécurisée.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Elle marche, finalement, la carte Vitale ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Les contrôles liés au versement de pensions de retraite à l’étranger seront renforcés. Les échanges de données entre l’assurance maladie et les complémentaires santé seront simplifiés. Les professionnels et les établissements de santé seront fortement incités à utiliser le dossier médical partagé.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Ils n’en veulent pas !
Mme Catherine Vautrin, ministre
La délivrance d’arrêts de travail par des plateformes en ligne sera interdite.
Mesdames et messieurs les députés, nous partageons un impératif : veiller à la soutenabilité de notre modèle de protection sociale.
M. Jean-François Coulomme
Il est vendu au privé !
Mme Catherine Vautrin, ministre
La protection sociale ne sera durablement forte que si elle est financièrement solide. Le redressement des comptes sociaux est une nécessité. Soyons lucides : en 2024, le déficit de la sécurité sociale s’élevait à 18 milliards d’euros. Avec ce texte, et compte tenu des effets de la censure,…
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Ce n’est jamais de votre faute !
Mme Catherine Vautrin, ministre
…mais aussi des compromis que nous avons conclus, le déficit de la sécurité sociale sera, en 2025, supérieur à 22 milliards d’euros. Nous ne pouvons nous en satisfaire, mais sans loi de financement de la sécurité sociale, ce déficit atteindrait 30 milliards d’euros. Ce PLFSS pour 2025, probablement perfectible, marque une première étape. Cependant, nous devrons trouver les solutions pour tendre vers l’équilibre du régime. Ce n’est pas de l’idéologie, c’est une nécessité…
Mme Christine Arrighi
C’est vous, le problème !
Mme Catherine Vautrin, ministre
…pour garantir à chacun de nos enfants une protection sociale de haut niveau. Comme le premier ministre l’a indiqué dans sa déclaration de politique générale, je souhaite que nous puissions suivre une logique pluriannuelle. À la veille des 80 ans de la sécurité sociale, cette dernière doit, plus que jamais, s’adapter au virage démographique qui commande de repenser notre modèle de protection sociale. Je suis, avec l’ensemble des membres du gouvernement, attachée à la méthode fondée sur le dialogue et l’écoute.
M. René Pilato
C’est un peu hypocrite quand même, madame la ministre ! En appeler au dialogue et à l’écoute alors qu’on s’apprête à user de l’article 49.3, ce n’est pas sérieux !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Ce PLFSS, construit dans le contexte que nous connaissons, est un texte de protection et de responsabilité. Nous avons le devoir de le défendre ensemble, avec sérieux et engagement, afin d’assurer un avenir plus solide à notre modèle social. Nous le devons aux Françaises et aux Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales.
M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales
Je vous promets d’être bref sur les questions de procédure ; elles sont pourtant au cœur du moment politique grave que vit la France.
Rien, dans l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, n’aura été banal. Une préparation par le gouvernement de Gabriel Attal, entravée par la dissolution malvenue imposée par le président de la République ; une reprise en main courageuse, mais nécessairement imparfaite, par l’équipe de Michel Barnier, qui n’aura eu que quelques jours pour se l’approprier (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) ; un dépôt excédant celui prévu par la loi organique ; une transmission au Sénat au terme de l’examen inachevé par l’Assemblée nationale dans les vingt jours que la Constitution lui donne en première lecture ; une commission mixte paritaire (CMP) conclusive pour la première fois depuis quatorze ans, puis une motion de censure adoptée consécutivement à l’engagement de la responsabilité du premier ministre (MM. Hadrien Clouet et Paul Vannier applaudissent) – cela ne s’était pas vu depuis soixante-deux ans –, privant la France d’un budget adopté avant la fin de l’année ; une loi spéciale, adoptée in extremis, qui comportait une autorisation pour plusieurs organismes de sécurité sociale d’avoir recours à l’emprunt, afin d’éviter toute rupture dans le paiement des prestations ; des mesures qui tombent à l’eau faute d’une promulgation avant le 31 décembre 2024.
Mme Émilie Bonnivard
Eh oui !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Je laisse de côté quelques subtilités supplémentaires. Espérons que nous mettrons prochainement fin à ce feuilleton budgétaire un peu chaotique, qui aura inquiété les Français et qui leur a été si néfaste. (Mme Émilie Bonnivard applaudit.)
Parler de la facture de la censure, c’est dire la vérité sur le manque de considération dont ont fait preuve certaines formations politiques, coalisées dans l’irresponsabilité, pour les droits des assurés et le renforcement de l’économie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR et sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme Élise Leboucher
C’est vous qui êtes irresponsables !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Rendez-vous compte : les entreprises et leurs salariés, depuis la censure, sont dans le flou le plus complet quant au calcul des cotisations à l’entrée de l’échelle des salaires. (M. Hadrien Clouet s’exclame.)
Les difficultés perdurent dans certains secteurs, comme l’emploi saisonnier agricole ou la distribution de médicaments sur le territoire.
Une députée du groupe LFI-NFP
À qui la faute ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Des semaines entières ont été perdues pour le parcours de soins gynécologiques, la maîtrise des stocks de médicaments, les impasses financières des maisons de retraite, etc.
Résultat de cette instabilité politique doublée de ces incertitudes budgétaires : des investissement publics et privés suspendus, des embauches gelées, des projets reportés. Tout cela aboutit à une dégradation de la croissance, et en conséquence à une baisse des recettes de la sécurité sociale.
M. Fabrice Brun
Les finances sont dans le rouge, voilà la vérité !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Mais tout n’a pas été négatif dans ces dernières semaines et dans ces derniers jours.
Non seulement le fil du dialogue entre le gouvernement et les groupes parlementaires qui l’acceptent ne s’est pas rompu, mais les uns et les autres ont senti que la nécessité absolue de finir par doter d’un budget la sécurité sociale et l’État faisait renaître la volonté de chercher des solutions avec réalisme et pragmatisme.
Le premier ministre et plusieurs de ses ministres ont ainsi pris des engagements vis-à-vis de mesures qui, pour avoir une incidence sur les chiffres de la loi de financement de la sécurité sociale, ne figurent pas à strictement parler dans son texte. Ainsi du décret, publié vendredi dernier par Mme la ministre, confirmant le lissage sur quatre ans, au lieu de trois, de la hausse des cotisations à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, dont relève une partie des personnels des établissements de santé. Cette charge incombant aux employeurs hospitaliers sera donc bien neutralisée, et l’amendement du gouvernement y concourt avec une hausse de 3,8 % du sous-objectif de l’Ondam concerné – au lieu de 3,1 % – et de 3,4 % de l’objectif total – contre 2,8 % au dépôt du PLFSS.
Le taux du ticket modérateur de la consultation chez le médecin généraliste ou la sage-femme n’augmentera pas, de même que celui sur les médicaments.
Avant le rejet final du texte, la commission des affaires sociales a beaucoup – et bien – travaillé.
M. Philippe Vigier
C’est vrai !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Je tiens à remercier son président – cher Frédéric Valletoux –, qui a conduit les débats avec clarté et respect. Et je veux croire que cela traduit la volonté d’une majorité de députés, issus de divers bancs, d’envoyer un signal politique empreint de responsabilité et de sérieux, au rebours de l’attitude dans laquelle certains persistent, mettant ainsi en péril la sécurité sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Jean-François Coulomme
C’est vous qui la mettez en péril !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Je me suis surtout efforcé, en commission, de tendre vers le retour aux équilibres trouvés lors de la CMP et d’éviter de nouveau irritants. Chacun sait que ce texte ne correspond pas exactement à ce que j’aurais personnellement choisi sur tel ou tel sujet, mais je suis respectueux d’un accord qui a été élaboré de façon régulière, avec le triple souci de proposer des avancées pour nos compatriotes, de prendre pleinement en considération les différentes nuances politiques représentées au Parlement et de faire preuve de sérieux budgétaire.
Cette ligne que je me suis fixée comporte néanmoins des exceptions. La plus notable d’entre elles est l’impossibilité pour certains articles de s’appliquer eu égard à ce que notre droit permet – ou empêche – en termes de rétroactivité. Il en va ainsi du décalage des articles relatifs à la contribution patronale sur les actions gratuites et aux exonérations pour les contrats d’apprentissage et les jeunes entreprises innovantes, ou encore – et surtout – de l’abandon pur et simple de l’article relatif à la revalorisation différenciée des pensions de retraite de base.
M. Fabrice Brun
Voilà un rapporteur général qui connaît bien son sujet !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Voilà pour les enjeux institutionnels : c’est mon rôle. J’en viens maintenant à des considérations plus politiques : c’est aussi mon rôle.
En premier lieu, si j’ai été fidèle à l’esprit de la CMP, mon sentiment sur ce que l’on appelle la fiscalité comportementale n’a pas changé. Le tabac, les jeux d’argent et de hasard, les boissons trop sucrées ne sont évidemment pas des produits parfaits. Chacun doit se prendre en main pour en modérer la consommation, voire quitter son addiction. Il est utile que la puissance publique informe en toute transparence des dangers qu’ils font courir pour la santé – notre hémicycle comprend d’ailleurs de nombreux spécialistes du cancer.
Mais je n’ai pas envie de vivre dans un pays où l’on taxe chaque année davantage le vin, puis un jour le chocolat, et ensuite quoi ? Le fromage, les madeleines de Liverdun ou les bergamotes de Nancy ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Jean-François Coulomme
Ce sont des taxes pour les riches ! (Sourires.)
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Ne soyons pas sourds à ce que disent nos concitoyens : il y a d’autres méthodes à explorer que celle consistant à toujours taxer davantage et à faire reposer ainsi le coût du financement sur les consommateurs les plus modestes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.) Attention au ras-le-bol fiscal ! (M. Laurent Wauquiez applaudit.)
La méthode des rabots sans discernement est également à proscrire. En tant que rapporteur général, j’ai essayé d’éviter toute nouvelle taxe sur la filière sportive, de façon à la préserver – car le sport, c’est aussi la santé.
M. Jean-François Coulomme
Comme le travail ! Le travail, c’est la santé !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
En deuxième lieu, nous nous apprêtons – du moins le socle commun – à adopter une loi de financement, parce qu’il en faut une pour fixer les tarifs dans les établissements de santé et pour permettre à l’Acoss – Agence centrale des organismes de sécurité sociale – de se présenter beaucoup plus sereinement devant ses prêteurs ; non pour leur faire plaisir, mais pour verser aux assurés les allocations familiales, les prestations d’invalidité ou les indemnités journalières auxquelles ils ont droit et pour lesquelles ils ont cotisé.
Le texte que nous allons adopter ne règle cependant aucun des problèmes structurels de nos comptes publics en général et de nos comptes sociaux en particulier. (M. Jérôme Guedj s’exclame.) Sans perspective d’amélioration, la trajectoire des prochaines années demeure inquiétante. La dégradation des déficits sociaux en 2025 doit nous préoccuper, même si ce déficit, aggravé par rapport à 2024, serait pire encore si la loi de financement de la sécurité sociale n’était pas adoptée. Il faudra donc que nous nous attelions, d’ici l’année prochaine, à la situation de la dette sociale et à celle de la Cades – Caisse d’amortissement de la dette sociale.
L’avis qu’a publié, au milieu de la semaine dernière, le Haut Conseil des finances publiques sur la révision des hypothèses de conjoncture sous-jacentes aux deux textes financiers rappelle qu’en 2024, le déficit s’est dégradé pour la deuxième année consécutive. Alors que nous devons absolument éviter qu’il en aille de même en 2025, le Haut Conseil estime que « la prévision de croissance du PIB pour 2025 (+ 0,9 %), supérieure à celle du consensus des économistes (+ 0,7 %), est atteignable mais un peu optimiste au vu des indicateurs conjoncturels les plus récents ». Il estime, de même, que la prévision de masse salariale est « un peu optimiste pour 2024 […] et pour 2025 ». La copie sur la table offre ainsi peu de marges de sécurité et repose sur des mesures que le Haut Conseil qualifie de « peu documentées ». Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites, aurait dit Molière !
Je ne vous demanderai cependant pas, mesdames et messieurs les ministres, de bons mots supplémentaires, mais des réponses précises et des engagements fermes. Je vous prie – la représentation nationale vous prie – d’indiquer très clairement ce qu’il en est des points suivants.
Quelle est la raison, quel est le montant, quelle est la solution au dérapage de l’Ondam pour 2024,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
On aurait pu en débattre à Assemblée nationale !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
…lié à un mauvais calcul des remises ?
M. Benjamin Lucas-Lundy
Vous faites les questions et les réponses !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Pourquoi annoncez-vous un déficit de 22 milliards d’euros pour les régimes obligatoires alors qu’il aurait été plus réaliste d’annoncer 25 milliards, quitte à avoir une bonne surprise plus tard ?
Quel est le détail – ne faites pas semblant de ne pas entendre ce mot – des 1,9 milliard et des 600 millions d’économies que vous envisagez sur le volume et le prix des médicaments remboursés ?
Quelle est la vraie nature de l’astuce comptable qui vous permet de dire que la baisse de 4,5 % sur le sous-objectif de l’Ondam relatif au fonds d’intervention régional ainsi qu’à d’autres mécanismes d’investissement, dont tout le monde a pu prendre connaissance, ne serait en fait pas une baisse ?
Quelles sont les perspectives pour réduire la voilure dans les subventions de fonctionnement aux opérateurs de la branche maladie, qui, bien souvent, se chevauchent entre elles ou avec celles versées par l’État ?
M. René Pilato
Soixante-deux milliards de cadeaux fiscaux, monsieur Bazin !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
En matière de lutte contre la fraude, nombre de bonnes idées ont été intégrées. Faites-vous le serment de mettre les services compétents sous tension ? (M. Paul Vannier s’exclame.) C’est une demande très forte et légitime des Français.
J’insiste : nous voulons des explications détaillées et sincères.
Pour ma part, je prends date. Face au risque de voir se poursuivre la dérive budgétaire qui fragilise considérablement notre modèle social et notre République, je ne laisserai pas faiblir ma vigilance.
Soyez assurés que les membres de la commission, et particulièrement ceux qui, comme moi, se sont vu attribuer des pouvoirs spéciaux par la loi organique,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
On voudrait le pouvoir spécial de voter la loi !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
…sont déterminés à demander très régulièrement aux administrations sous votre autorité et aux caisses sous votre tutelle des points d’étape sur l’application des décisions du Parlement ou sur celle des annonces d’ordre réglementaire qui, si souvent, sont inscrites dans des tableaux pour justifier des économies, mais dont on voit moins souvent les effets – ou encore sur le respect des trajectoires moult fois promises mais jamais tenues.
Pour moi qui suis gaulliste (« C’est le gaullisme des riches ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP), c’est une terrible épreuve que de constater que des pays pour lesquels j’ai la plus grande amitié, mais qui ne peuvent se comparer à la France pour ce qui est de la force de l’État et du poids de l’économie, n’éprouvent aucune difficulté à consolider leurs finances publiques.
Je souhaite un rebond de la confiance, croyez-moi bien, mais mon inquiétude me rend exigeant. Budget à suivre, donc. J’y veillerai, nous y veillerons – comptez sur moi, comptez sur nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
En tant que président de la commission des affaires sociales, il me revient, à l’issue de nos quinze heures de débat en nouvelle lecture, de faire le même constat que celui que j’avais fait à l’occasion de la première lecture en octobre : la commission n’est pas parvenue à adopter un texte. Elle a rejeté ou supprimé successivement l’article liminaire du projet de loi, puis les trois parties qui le composent.
Je me dois néanmoins, au-delà de ce constat apparemment frustrant et décevant, de saluer le travail que nous y avons accompli, dans d’excellentes conditions, notamment grâce aux rapporteurs – à commencer par notre nouveau rapporteur général, Thibault Bazin, qui, bien qu’il n’ait eu que quelques jours pour investir ses fonctions, l’a fait de manière consciencieuse, apportant beaucoup de précision à nos échanges.
Nous voici maintenant, en séance, dans une situation pour le moins inédite – voire surréaliste –, comme le rapporteur général l’a rappelé à l’instant. La version de ce PLFSS pour 2025, issue des travaux d’une CMP pourtant conclusive, ayant volé en éclats avec l’adoption d’une motion de censure, nous nous retrouvons face à un texte issu des travaux du Sénat, marqué par les arbitrages d’un gouvernement précédent, que nous n’allons cependant pas beaucoup discuter ici.
Il est toutefois une certitude que nous devons tous avoir en tête : il est urgent de donner un budget à la sécurité sociale. Nous sommes face à nos responsabilités. Soit nous prenons le risque du chaos, avec l’adoption d’une nouvelle motion de censure et une absence de budget,…
M. Emeric Salmon
Attention à ce que les sauterelles ne s’abattent pas sur nous !
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
…soit nous nous satisfaisons d’un texte budgétaire qui, même s’il est en demi-teinte, même s’il ne satisfera pas beaucoup de monde sur le fond, est au moins débarrassé de l’essentiel de ses irritants.
Un budget de la sécurité sociale qui n’a finalement qu’une vertu : celui d’exister et de permettre à nos hôpitaux et à nos établissements de santé et médico-sociaux de fonctionner avec des moyens en hausse (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP), de permettre de verser leurs retraites à nos agriculteurs selon des critères nouveaux que la profession attendait ou encore de permettre à la fiscalité comportementale d’être plus efficace – la liste pourrait être plus longue encore.
Pour ma part, je suis satisfait que le gouvernement ait écouté ce que nous étions nombreux à dire et se soit engagé à faire disparaître des propositions malvenues. Citons, parmi elles, l’augmentation du ticket modérateur, véritable coup de canif porté à notre modèle universel, la réduction trop massive des exonérations de cotisations sociales alors que la situation se tend sur le marché de l’emploi (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP), ou encore l’instauration de sept heures de travail non rémunérées.
Si aucun sujet n’est tabou lorsqu’il s’agit du financement de la sécurité sociale, des propositions de ce genre méritent au moins des concertations préalables avec les partenaires sociaux.
Il faut maintenant tourner la page de cette séquence compliquée, conflictuelle, insuffisamment fructueuse et très en deçà des responsabilités qui sont les nôtres aux yeux des Français. Il faut nous saisir des nombreux défis auxquels notre protection sociale est confrontée.
Poursuivons le travail de recherche de consensus que vous avez entamé, mesdames et messieurs les ministres, et préparons dès à présent le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026. Je sais que c’est là votre intention, monsieur le premier ministre ; essayons de nous y atteler véritablement. Pour pérenniser ce système social auquel les Français sont tant attachés, il nous faudra lancer des réformes structurelles, changer nos outils de pilotage et faire de la maîtrise du déficit un impératif majeur.
Les réformes structurelles qui sont nécessaires sont connues. Il faut désormais s’y atteler vraiment pour remédier à la crise du financement de l’hôpital, améliorer l’accès aux soins, pérenniser notre système de retraite et financer le grand âge. Sur ces sujets et sur de nombreux autres, arrêtons de tergiverser et attaquons-nous aux réformes tant promises et attendues.
Il faudra innover en matière d’outils de pilotage des dépenses sociales et de santé. L’Ondam, avec sa logique d’enveloppes fermées et les rigidités qui ne favorisent pas les coopérations entre le public et le privé, est à la fois infantilisant et insatisfaisant. Il n’est manifestement plus adapté. Nous sentons bien aussi que les lois de financement de la sécurité sociale ne permettent pas de traiter entièrement des enjeux cruciaux, que ce soit en matière de santé, de retraites, d’autonomie ou de famille. Pour le système de santé, où les redondances suscitent jusqu’à 20 % de dépenses inutiles, il faudra une loi de programmation annuelle des dépenses, seul outil capable d’assurer la lisibilité nécessaire aux acteurs publics et privés ainsi que la confiance que nous leur devons.
La vigilance extrême doit rester de mise à l’égard du déficit des comptes sociaux. Les régimes sociaux n’ont pas vocation à être durablement déséquilibrés. Le déficit prévisionnel pour 2025 se situe entre 23 et 25 milliards d’euros. Jamais, depuis quinze ans, les comptes de la sécurité sociale n’ont connu un tel niveau de déficit, à l’exception de l’année 2020, lors du pic de la pandémie. Cela doit nous alerter sur l’urgence de nous attaquer aux réformes structurelles, car les déficits et la dette mettent en danger non seulement le bien commun que nous a légué le Conseil national de la Résistance, mais aussi la souveraineté financière de notre pays.
Nombreux sont donc les chantiers d’ampleur qui nous attendent, mais la perspective de cette œuvre collective est exaltante – et dans ce collectif, il faudra bien sûr compter sur notre commission. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR et sur quelques bancs du groupe DR.)
Application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. Stéphane Peu
Deux pour le prix d’un ! Ce sont les soldes !
M. Paul Vannier
M. Borne, deuxième !
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles a rappelé à la tribune la plus fondamentale des vérités concernant notre projet national. Depuis la seconde guerre mondiale et le Conseil national de la Résistance, il est fondé sur un pacte social unique au monde.
M. René Pilato
Vous êtes en train de le casser, et vous le savez !
M. François Bayrou, premier ministre
Aucun pays n’a assuré les individus autant que le nôtre, depuis l’éducation des jeunes enfants jusqu’à la présence dans les dernières années de la vie, en passant par la santé, l’assurance contre le chômage, la retraite ou d’autres formes de solidarité. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Aucun autre pays n’a choisi, comme le nôtre, le principe « Un pour tous, tous pour un ». Tous ont fondé en grande partie ou en totalité leur pacte social sur la logique du « Chacun pour soi », que ce soit pour lui-même, pour sa famille, pour les siens : chacun assure l’éducation de ses enfants, son assurance sociale, sa retraite.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Ça y est, c’est reparti !
M. Aurélien Saintoul
Mais qu’est-ce qu’il raconte ?
M. René Pilato
C’est incroyable !
M. François Bayrou, premier ministre
La volonté de faire qu’aucun d’entre nous ne soit abandonné à un moment de sa vie se manifeste dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale dont nous allons examiner la première partie. Ce budget a eu cette année une histoire difficile, complexe, tourmentée. Elle a commencé heureusement, semble-t-il, avec une commission mixte paritaire conclusive en novembre. Puis, il y a eu une motion de censure,…
M. Hadrien Clouet
Excellent !
M. François Bayrou, premier ministre