Séance du mercredi 04 décembre 2024
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au gouvernement
- Violence dans les établissements scolaires
- Situation du Coq sportif
- Conséquences de la censure sur le budget de la défense
- Massacre des tirailleurs sénégalais en 1944
- Climat social et fonction publique
- Motion de censure
- Motion de censure
- Conséquences du rejet du PLFSS
- Situation financière des collectivités locales
- Conséquences de la censure sur le bâtiment et le logement
- Situation en Guyane
- 2. Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024
- 3. Motions de censure
- Suspension et reprise de la séance
- 4. Ajournement des travaux
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures.)
1. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Violence dans les établissements scolaires
Mme la présidente
La parole est à M. Maxime Michelet.
M. Maxime Michelet
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale.
Béziers, le 9 octobre : le personnel d’un collège fait l’objet de menaces de mort. La Réunion, le 29 octobre : un élève de 8 ans agresse une professeure ; bilan : une côte cassée, plusieurs jours d’ITT. Thonon-les-Bains, le 8 novembre : un principal reçoit des menaces d’attentat. Antibes, le 18 novembre : rixe au couteau entre élèves ; une AED blessée.
Voici un très bref échantillon des faits de violence qui se produisent dans nos écoles depuis deux mois : une litanie de brutalités qui hante les enseignants et le personnel de l’éducation nationale sur le chemin de leur travail. Leur sécurité est menacée, chaque jour davantage, par l’extension du domaine de la violence, qui sape leurs conditions de travail.
Cette violence joue un rôle central dans l’effondrement du niveau car il n’est pas d’apprentissage possible dans un tel contexte d’ensauvagement ; un rôle central dans la crise d’attractivité du professorat car personne ne désire enseigner dans de telles conditions d’insécurité.
Face à ce défi, vous avez annoncé solennellement la fin du « pas de vague », comme Jean-Michel Blanquer en 2020, comme Gabriel Attal en 2023, comme Nicole Belloubet en 2024 et comme le fera un jour prochain votre successeur. Mais où sont les actes ?
Si l’accompagnement des victimes a heureusement fait quelques progrès, où sont les mesures destinées à mettre fin à la violence, à frapper le mal à la racine et non à en gérer seulement les conséquences ? Croyez-vous sérieusement que la nomination de référents académiques soit davantage qu’une mesure technocratique donc dérisoire ?
Vous pouvez bien nouer des pactes, dévoiler des chocs, désigner des référents ou étoffer la jungle des dispositifs ! Vos déclarations d’intention n’en restent pas moins de piètres boucliers. S’agissant de la sécurité, où est votre bilan ? Où est celui de vos prédécesseurs ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale.
Mme Anne Genetet, ministre de l’éducation nationale
Vous avez raison : quand des violences menacent et frappent l’école, c’est toute la société qui s’en trouve secouée. Depuis trois ans, le nombre des incidents graves dans nos établissements scolaires a doublé. Cette hausse doit nous inquiéter mais elle témoigne aussi de l’importance qu’a prise la culture du signalement. C’est une bonne chose car nous ne voulons rien laisser passer.
C’est la consigne que, ce matin encore, je donnais aux recteurs d’académie, en leur rappelant les mesures qu’il convient de prendre lorsque nos enseignants sont menacés. Chaque fois que de tels faits se produiront, les enseignants concernés se verront systématiquement octroyer la protection fonctionnelle. Dans les cas les plus graves, il sera procédé à un signalement auprès du procureur de la République. Des correspondants sécurité école de la police et de la gendarmerie sont présents dans chaque lycée, dans chaque collège, dans chaque école. Ils sont susceptibles d’intervenir et mèneront les enquêtes requises.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme Anne Genetet, ministre
Vous l’avez dit et j’en suis d’accord : assurer le bon niveau de l’école passe par le rétablissement de l’ordre dans les classes. Personne ne peut accepter que l’on menace nos enseignants. Ceux qui croient que les règles ne s’appliquent pas à eux doivent savoir que, plus que jamais, leurs actes ne resteront pas impunis.
Ma responsabilité est de combler les éventuelles lacunes qui subsistent. C’est tout l’objet du plan de soutien à la restauration de l’autorité statutaire de l’enseignant, à laquelle je tiens. Si le Parlement nous en donne les moyens, nous déploierons 150 conseillers principaux d’éducation et 600 assistants d’éducation. Nous sécuriserons également 1 000 établissements supplémentaires.
Soyez assurés que mon collègue Bruno Retailleau et moi-même mettrons tout en œuvre pour garantir la sécurité de nos établissements, y compris sur le chemin de l’école. Vous pouvez compter sur la détermination du premier ministre Michel Barnier et de son gouvernement, notamment sur la mienne, pour maintenir dans nos salles de classe l’ordre indispensable à tout apprentissage et à tout enseignement sereins. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Maxime Michelet.
M. Maxime Michelet
Samuel Paty a été assassiné il y a quatre ans. Le bilan des politiques menées depuis lors est bien maigre. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Situation du Coq sportif
Mme la présidente
La parole est à Mme Angélique Ranc.
Mme Angélique Ranc
Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, le Coq sportif, fleuron de l’industrie textile française, a récemment été placé en redressement judiciaire. L’avenir de cette entreprise emblématique du patrimoine industriel national, implantée dans ma circonscription du département de l’Aube, est incertain. Ses salariés et leurs représentants syndicaux traversent une période de profonde inquiétude, marquée par l’angoisse de l’avenir.
J’appelle votre attention sur les conséquences sociales et économiques potentiellement désastreuses de cette situation.
Mme Émilie Bonnivard
Ça ira mieux demain !
Mme Angélique Ranc
La disparition du Coq sportif entraînerait des pertes massives d’emplois tant directs qu’indirects et affaiblirait gravement l’écosystème économique local. À Romilly-sur-Seine et à Troyes, territoires historiquement liés au textile et à la bonneterie, cet événement représenterait un nouvel échec pour une région déjà durement touchée par la désindustrialisation.
Au-delà de ces enjeux sociaux et économiques, la survie du Coq sportif revêt une importance symbolique. La préservation de l’activité de l’équipementier officiel des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 est une question de prestige national. Sa disparition, trois mois seulement après la clôture des Jeux, porterait un coup à l’image de la France et compromettrait les efforts de revitalisation industrielle.
Pouvez-vous fournir des réponses concrètes aux salariés, à leurs familles ainsi qu’à toutes les entreprises qui dépendent de l’activité du Coq sportif ? Quels dispositifs le gouvernement envisage-t-il de déployer pour faciliter une reprise d’activité et limiter les conséquences sociales et économiques de ce redressement ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Thibault Bazin
On croit rêver : ils posent une question alors qu’ils veulent censurer le gouvernement !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie
Merci d’avoir résumé les enjeux propres à la situation du Coq sportif, qui emploie 410 personnes dans le monde, dont 350 en France, notamment dans votre circonscription.
Je rappellerai d’abord le soutien continu que l’État apporte à cette entreprise depuis qu’elle rencontre des difficultés.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Antoine Armand, ministre
Un premier prêt garanti par l’État, de 10 millions d’euros, lui a été accordé en 2023. En outre – vous étiez présente lors de la visite de la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques d’alors, Amélie Oudéa-Castéra –, il lui a été octroyé 12,5 millions d’euros au titre du fonds de développement économique et social.
Malgré la tenue de Jeux olympiques, le Coq sportif n’a pas profité d’un surcroît de demande qui aurait pu résorber, de manière plus ou moins durable, les difficultés que vous avez mentionnées. C’est la raison pour laquelle, en septembre, nous avons tenté de les résoudre de manière plus pérenne, avec le soutien des services de l’État, auxquels je rends hommage.
Après l’échec de cette tentative, les entités réunies au sein du groupe concerné ont demandé le déclenchement d’une procédure collective permettant de sécuriser l’avenir des salariés, dont on peut comprendre la détresse et l’inquiétude. Le gouvernement et l’État partagent ces sentiments. Cette situation exige, comme l’a annoncé le premier ministre Michel Barnier le 29 novembre à Limoges, que les services de l’État, dans l’ensemble des ministères, travaillent à l’élaboration d’une solution. Cette semaine encore, ces services ont ainsi proposé un certain nombre d’options aux entités du groupe, dans le cadre de la procédure collective à laquelle je faisais allusion.
M. Sylvain Maillard
Bravo, monsieur le ministre !
Conséquences de la censure sur le budget de la défense
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Michel Jacques.
M. Jean-Michel Jacques
Monsieur le ministre des armées et des anciens combattants, en déposant des motions de censure, les députés de la gauche et de l’extrême droite de cet hémicycle ont abandonné nos armées et nos forces de sécurité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem. – Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Ainsi, pour la défense, la censure – donc, en l’état, l’absence de budget pour 2025 – se traduira par le renoncement à la hausse prévue des investissements pour un montant de 3,3 milliards d’euros ! (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP.)
Plusieurs députés du groupe RN
Mensonge !
M. Jean-Michel Jacques
Cette hausse est pourtant nécessaire dans une période d’instabilité majeure ! Quel manque de responsabilité face au retour de la guerre en Europe, à la multiplication des menaces hybrides, à la fragmentation de l’ordre international ! La France doit pouvoir compter sur son armée, une armée solide, réactive et cohérente ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Thibault Bazin
Ils trahissent les Français !
M. Jean-Michel Jacques
À cause des calculs politiciens de certains, adieu aux efforts de modernisation de notre dissuasion ! Adieu aux commandes d’équipements pour nos forces armées !
Plusieurs députés du groupe RN
Mensonges !
Mme Mathilde Panot
C’est du PLFSS que l’on parle !
M. Jean-Michel Jacques
Adieu aux avancées en faveur des conditions de vie de nos militaires et de leurs familles ! Adieu à la visibilité conférée à nos entreprises par la loi de programmation militaire ! Adieu aux retombées financières dans nos territoires ! (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP.)
Mme Claire Lejeune
Vous dites n’importe quoi !
M. Jean-Michel Jacques
Par exemple, dans le Morbihan, ce sont plus de 6 600 militaires et civils du ministère des armées et plus de 6 400 salariés de l’industrie de défense qui en subiront l’impact direct. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR et sur les bancs du groupe DR.)
Pourriez-vous nous expliquer quels renoncements sont à craindre pour notre défense du fait d’une éventuelle censure ? (Vives exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP.)
Mme Mathilde Panot
Je rappelle qu’elle vise le PLFSS !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants.
M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants
Votre question est celle que m’ont posée, lundi dernier, à Cincu, en Roumanie, les militaires du rang et les officiers qui y sont stationnés pour la France. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Sans les annuités budgétaires correspondantes, une loi de programmation militaire demeure lettre morte. Les conséquences d’une absence de budget seront donc d’une gravité extrême. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
Mme Danièle Obono
Qui a voté contre le budget ?
M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué
Pour les militaires, cela implique que la révision de la politique de rémunération n’aura pas lieu ! Cela implique de ne pas procéder aux 700 recrutements prévus dans le domaine du cyber !
Du point de vue capacitaire, cela implique la perte de 3,3 milliards !
M. Thibault Bazin
C’est énorme !
M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué
Le développement du porte-avions de nouvelle génération prendra du retard ! (Mêmes mouvements. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
Quelle honte !
M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué
Certains équipements ne parviendront pas aux régiments qui les attendent !
Pour notre industrie, cela implique un manque de lisibilité ! Pour les 4 000 PME de nos territoires, pour leurs 200 000 salariés, cela implique de l’incertitude, à l’heure où, face à de graves tensions internationales, nous nous efforçons d’entrer dans une économie de guerre !
M. Jean-Paul Lecoq
Voilà la vérité : on s’efforce d’entrer dans une économie de guerre ! Voilà pourquoi vous devez partir !
M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué
La LPM votée par le Parlement, voulue par le président de la République et dont l’application est assurée par Sébastien Lecornu, subirait un coup d’arrêt !
J’en appelle à la conscience des députés socialistes, membres d’un grand parti de gouvernement, et des députés du Rassemblement national, qui se disent patriotes ! On ne brade pas les armes de la France et les militaires qui la servent ! (Les députés des groupes EPR, DR, Dem et HOR se lèvent et applaudissent longuement. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et LFI-NFP.)
Massacre des tirailleurs sénégalais en 1944
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Taché.
M. Aurélien Taché
Le 15 août 1944, près de 250 000 soldats de la France libre participaient au débarquement de Provence pour libérer la France. Une immense majorité d’entre eux étaient issus des colonies et beaucoup étaient ce que l’on appelait des tirailleurs sénégalais. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Pourtant, le 15 août dernier, alors qu’Emmanuel Macron l’avait invité en France pour les commémorations du quatre-vingtième anniversaire de ce débarquement, le président de la république du Sénégal n’a pas fait le déplacement, et ce pour une raison simple : dimanche dernier, le massacre de Thiaroye a aussi eu 80 ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Dans ce camp militaire de la banlieue de Dakar, le 1er décembre 1944, près de 2 000 tirailleurs sénégalais qui avaient vaillamment combattu l’ennemi nazi attendaient le paiement de leur solde. Alors qu’ils réclamaient une fois de plus ce paiement qui tardait toujours à arriver, ils n’obtinrent pour toute réponse que des rafales de balles tirées par leurs propres frères d’armes.
Une grande cérémonie de commémoration s’est tenue ce dimanche à Thiaroye, en présence de nombreux chefs d’États ; j’ai eu l’honneur d’y assister en compagnie de plusieurs collègues parlementaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Le ministre des affaires étrangères était également présent mais le président de la République française, qui y était pourtant très attendu, était, lui, aux abonnés absents.
Certes, il a enfin reconnu, la semaine passée, qu’il s’agissait d’un massacre, mettant fin à un mensonge d’État de plusieurs décennies par lequel la France avait, comble de l’infamie, accusé ces soldats de mutinerie pour justifier son crime. Mais ce qui restera comme l’un des plus grands massacres coloniaux de notre histoire n’a pas suffi pour qu’il fasse le déplacement.
Par ailleurs, le président sénégalais a affirmé dimanche que le chemin vers la vérité serait encore long et complexe. Trente ou quarante victimes, comme l’ont dit les officiers de l’époque ? Dix fois plus, comme le disent aujourd’hui de nombreux chercheurs ? Nul le sait exactement. Mais tous les historiens disent que l’État français retient encore de nombreuses archives. C’est pourquoi, avec des députés de presque tous les bancs de cet hémicycle,…
M. Pierre Cordier
Dans deux heures, tu vas voter avec ceux que tu critiques !
M. Aurélien Taché
…nous avons déposé une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur le massacre du 1er décembre 1944. La France doit tout mettre en œuvre pour que justice soit enfin rendue aux soldats qu’elle a lâchement assassinés ou emprisonnés à Thiaroye, et pour que leurs descendants reçoivent réparation.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, saisissez la dernière occasion pour ce gouvernement en sursis de faire honneur à notre pays, en vous engageant enfin à ce que toute la lumière soit faite sur ce sujet. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Vous faites référence aux récentes déclarations du président sénégalais. Vous savez que le partenariat entre la France et le Sénégal est ancien et, malgré tout, solide ; il est fondé sur une communauté de valeurs et sur des liens humains intenses. Nous travaillons, aux côtés des autorités sénégalaises, au renouvellement de notre partenariat dans toutes ses dimensions de coopération, dans un esprit d’écoute et de respect mutuels.
S’agissant du domaine de la sécurité et de la défense, la France a d’ailleurs entamé depuis deux ans une reconfiguration…
M. Aurélien Taché
Vous ne répondez pas à ma question !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
…– je vais vous répondre ! – de ses partenariats en Afrique, dans une logique de coconstruction. Nous sommes prêts à traiter tous les sujets avec nos partenaires sénégalais, y compris les plus sensibles, ceux qui ont trait à notre histoire commune.
C’est dans cet esprit que M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot – je vous prie d’excuser son absence –, s’est rendu ce dimanche 1er décembre aux commémorations liées aux 80 ans des événements de Thiaroye, afin de poser des mots justes sur le passé. En effet, il n’y a pas d’apaisement sans justice et il n’y a pas de justice sans vérité.
Mme Mathilde Panot
Où sont les archives ?
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Le ministre a transmis le message du président de la République, reconnaissant que « ce jour-là s’est déclenché un enchaînement de faits ayant abouti à un massacre ».
M. Carlos Martens Bilongo
Ah !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Je prends note du souhait de plusieurs parlementaires, dont vous-même, de créer une commission d’enquête sur ce massacre. Nous partageons le même objectif de transparence, qui doit conduire à la manifestation de la vérité. À cet égard, à la demande des autorités sénégalaises, la France vient d’accueillir une délégation d’historiens et d’archivistes sénégalais pour travailler sur les archives que notre pays détient sur ce sujet. Cette mission constitue la première étape d’un travail scientifique qui doit permettre d’avancer, ensemble et dans la sérénité, vers la connaissance commune des faits et l’instauration d’un dialogue mémoriel. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Ian Boucard applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Taché.
M. Aurélien Taché
Les archives, très vite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Climat social et fonction publique
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Naillet.
M. Philippe Naillet
Monsieur le premier ministre, alors que vous et vos soutiens pointez du doigt les députés du Nouveau Front populaire…
M. Ian Boucard
Surtout les socialistes !
M. Philippe Naillet
…en les rendant responsables de la situation politique que nous vivons, je souhaite vous interpeller sur l’automne sous haute tension que traverse le pays et sur l’hiver social dans lequel votre politique va le plonger :…
M. Vincent Descoeur
Certes, l’hiver sera froid…
M. Philippe Naillet
…mouvement contre la vie chère dans les territoires ultramarins, inquiétude du monde agricole pour son avenir,…
Mme Émilie Bonnivard
Vous êtes les fossoyeurs des agriculteurs !
M. Vincent Descoeur
Vous les enterrez, les agriculteurs !
M. Philippe Naillet
…mobilisation du secteur de la petite enfance contre la privatisation à outrance et la dégradation des conditions d’accueil des enfants, grève des agents de la SNCF contre le démantèlement de Fret SNCF, mobilisation des fonctionnaires dont le ministre souhaite, de manière injustifiée et scandaleuse, porter le délai de carence à trois jours (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC), monde de l’éducation en grève et front des universités face à la saignée budgétaire annoncée !
Je profite de cette occasion pour saluer l’intersyndicale de la fonction publique qui, à La Réunion comme dans tout le pays, appelle à une journée de mobilisation ce jeudi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR. – M. Manuel Bompard applaudit également.) Vous avez réussi l’exploit de mettre tout le monde d’accord contre votre politique antisociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Une formule résume finalement bien la ligne de votre gouvernement, qui rassemble les battus des dernières élections législatives : « fort avec les faibles et faible avec les forts ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Comment comprendre que la famille Mulliez, par exemple, qui a bénéficié de l’argent public au plus fort des crises, s’apprête à détruire 2 400 emplois chez Auchan tout en touchant 1 milliard d’euros de dividendes de la part de Décathlon ? (Mêmes mouvements.)
Vous avez semé les raisons de la colère. Votre choix de faire de l’extrême droite votre seul interlocuteur, et plus encore votre béquille, trouve aujourd’hui une issue prévisible. Alors qu’il vous aurait été possible de dialoguer…
M. Pierre Cordier
Menteur !
M. Philippe Naillet
…avec les forces issues du front républicain, votre gouvernement porte donc la responsabilité de la situation politique que nous vivons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Hélas, il est désormais trop tard pour vous poser des questions alors que vous avez refusé… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe SOC applaudissent ce dernier.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique.
M. Nicolas Meizonnet
Paris Match !
M. Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique
Depuis deux mois et demi, sous l’autorité du premier ministre Michel Barnier, le gouvernement est amené à prendre des décisions difficiles, vous le savez, dans un contexte budgétaire compliqué. Vous avez évoqué le climat social et la fonction publique : dans la fonction publique, nous avons décidé le gel du point d’indice, le non-versement de la garantie individuelle du pouvoir d’achat, qui était une prime historique dont bénéficiaient certains fonctionnaires et qui était mal construite –, l’instauration de trois jours de carence, afin d’aligner le public sur le privé et de lutter contre l’absentéisme croissant dans la fonction publique, ainsi qu’une baisse de l’indemnisation, au-delà de la carence, en cas d’absence.
Nous avons également réduit certaines dépenses : j’ai réduit le budget de mon propre ministère, celui de la fonction publique, de 28 %. Ces décisions difficiles, nous les assumons, dans un contexte lui-même – je le répète – difficile. Cependant, puisque vous parlez de climat social, nous avons toujours souhaité entretenir un dialogue social franc,…
M. Emmanuel Duplessy
C’est faux !
M. Guillaume Kasbarian, ministre
…exigeant et ouvert.
M. Emmanuel Duplessy
Vous prenez vos rêves pour des réalités !
M. Guillaume Kasbarian, ministre
J’ai reçu la totalité des syndicats de la fonction publique à plusieurs reprises au ministère et j’ai eu l’occasion d’examiner avec eux plusieurs éléments de l’agenda social : l’attractivité des métiers de la fonction publique, les conditions de travail des différents agents et des sujets essentiels pour eux comme le logement, qui est un vrai enjeu d’attractivité – le député David Amiel s’est d’ailleurs vu confier une belle mission sur l’accès au logement des agents publics.
Nous avons aussi travaillé sur la protection fonctionnelle des agents, en lien avec d’autres ministères comme celui de l’éducation nationale – je me tourne vers Anne Genetet.
M. Emmanuel Duplessy
Et pourtant, tous ces agents sont dans la rue !
M. Guillaume Kasbarian, ministre
Tous ces sujets doivent faire l’objet de discussions avec les syndicats, dans un esprit de concertation. Quels que soient les soubresauts de l’activité parlementaire,…
M. Pierre Cordier
Soubresauts ? Ce n’est pas vraiment le terme !
M. Guillaume Kasbarian, ministre
…quelles que soient les décisions que vous prendrez tout à l’heure, il faudra faire avancer la fonction publique ; j’en suis convaincu et je suis convaincu que nous parviendrons à réunir, dans cet hémicycle, des majorités pour améliorer la situation des agents de l’État, que je tiens encore une fois à saluer car ils font un travail remarquable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Motion de censure
Mme la présidente
La parole est à M. Ian Boucard.
M. Ian Boucard
Je veux d’abord dire que la séance de questions au gouvernement à laquelle nous assistons est irréelle : on y voit des députés de gauche et d’extrême droite demander des mesures concrètes à un gouvernement qu’ils souhaitent renverser dans quelques minutes. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR, Dem et HOR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Hervé de Lépinau
Vous êtes là ? Pendant le budget, on ne vous a pas vus !
M. Ian Boucard
Dans quelques minutes en effet, l’Assemblée nationale débattra de la motion de censure déposée par les deux extrêmes contre le gouvernement. Dans quelques minutes, chaque député devra prendre ses responsabilités (Exclamations sur les bancs des groupes RN, LFI-NFP et UDR) face à la situation du pays. Chacun devra choisir, en son âme et conscience, entre l’ordre et le chaos ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Philippe Gosselin
Très bien !
M. Ian Boucard
Monsieur le premier ministre, depuis votre nomination, vous n’avez eu de cesse de tendre la main à chaque groupe politique pour permettre l’adoption d’un budget qui protège les Français tout en réduisant notre dette publique abyssale. Ceux qui s’apprêtent à voter la censure (L’orateur désigne de la main les bancs du groupe RN) expliquent que nous pourrions appliquer le budget pour 2024 sans conséquences néfastes pour les Français.
Mme Justine Gruet
Mensonge !
M. Ian Boucard
Mais c’est un mensonge ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) En effet, plus de 400 000 Français qui n’étaient pas imposables le deviendront, et 18 millions d’entre eux verront leurs impôts augmenter. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR, Dem et HOR.)
Nos agriculteurs, qui ont tant attendu et qui en ont tellement besoin (Mêmes mouvements), seront privés des mesures budgétaires d’accompagnement prévues dans le PLF pour 2025. Ils en seront privés par le vote de ceux qui font semblant de les soutenir lorsqu’ils manifestent. (Les applaudissements s’intensifient sur les bancs des groupes DR, EPR, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Si le gouvernement est renversé, nos militaires ne verront pas leur budget augmenter comme le prévoyait la loi de programmation militaire. Si le gouvernement est renversé, le ministre de l’intérieur ne pourra pas poursuivre la politique volontariste qu’il a enclenchée en matière de sécurité et de lutte contre l’immigration irrégulière.
Mme Mathilde Panot
C’est vraiment la question du désespoir !
M. Ian Boucard
L’alliance irrationnelle entre le Rassemblement national et la gauche pourrait ajouter à la crise économique une crise politique et institutionnelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP.) Ils disent défendre les Français, mais ils placent en réalité leur agenda politique avant l’intérêt supérieur de la nation. La France insoumise veut la censure pour mettre à mal nos institutions (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) ; le RN veut la censure pour faire oublier les problèmes judiciaires de Mme Le Pen. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Alors, monsieur le premier ministre, le groupe Droite républicaine, mené par Laurent Wauquiez, souhaite que cette motion de censure échoue pour vous permettre de poursuivre votre mission courageuse de redressement de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR, Dem et HOR.)
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Bla bla bla !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du premier ministre, porte-parole du gouvernement.
Mme Maud Bregeon, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du gouvernement
Ne nous voilons pas la face : dans quelques heures, nous assisterons très probablement à une convergence des luttes entre le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR),…
Un député du groupe RN
Ça va bien se passer !
Mme Maud Bregeon, ministre déléguée
…une convergence des luttes entre ces ingénieurs du chaos (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP)…
M. Philippe Gosselin
La coalition des contraires, la carpe et le lapin ! C’est honteux et scandaleux !
Mme Maud Bregeon, ministre déléguée
…qui priveront nos policiers, nos militaires et nos agriculteurs du budget qui leur était dû. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Mme Constance Le Grip applaudit également.)
M. Sébastien Chenu
Vous avez ruiné le pays !
Mme Maud Bregeon, ministre déléguée
Vos électeurs, mesdames et messieurs les députés du Rassemblement national, ont-ils voté pour un recul du budget de la sécurité, engendré par l’addition de vos voix avec celles de ceux qui veulent désarmer ses agents ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et HOR. – Vives exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR. – Brouhaha.) Je n’en suis pas certaine. Les agriculteurs qui ont voté pour vous ont-ils voté pour un recul du budget qui leur était alloué ? (« Allez, au revoir ! » sur les bancs du groupe RN. – Le brouhaha s’intensifie jusqu’à la fin de l’intervention de Mme la ministre, couvrant parfois sa voix.)
Mme Christelle D’Intorni
Il faut partir !
Mme Maud Bregeon, ministre déléguée
Et affaiblir la justice, était-ce vraiment dans le programme du Nouveau Front populaire ? (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Chacun fera son choix en toute connaissance de cause et assumera, devant ses électeurs, d’être à l’origine d’un affaiblissement durable du pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. – Bruit.)
Motion de censure
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie Pochon.
Mme Marie Pochon
« Monsieur le président, j’aimerais que vous expliquiez à ma fille de 5 ans pourquoi maman ne met pas le chauffage partout dans la maison ? […] Pourquoi le soir maman mange ce qu’il reste dans son assiette ou bien boit une tasse de café ? […] Pensez surtout à lui expliquer comment fait maman pour rester digne et humble quand les préoccupations du peuple vous passent au-dessus de la tête. […] Une maman comme tant d’autres ! » La lettre d’où sont tirés ces propos, vos conseillers parlementaires l’ont peut-être lue.
M. Pierre Cordier
Vivement que tu sois au pouvoir ! On verra bien ce que tu feras !
Mme Marie Pochon
C’est une des centaines de milliers de doléances qui ont fait suite au mouvement des gilets jaunes, au grand débat ; une parmi des centaines de milliers, que vous n’avez jamais voulu restituer ni publier. « Comment fait maman pour rester digne et humble quand les préoccupations du peuple vous passent au-dessus de la tête ? » Cette question que pose cette maman, elle me hante depuis six ans, six ans de promesses non tenues et de mépris qui sont devenus une politique, votre politique.
Mme Frédérique Meunier
Nous n’avons eu que trois mois !
Mme Marie Pochon
De vous, nous n’avons vu que le mépris, les 49.3, les mensonges, les louvoiements devant Marine Le Pen. Pourtant, sur les prix rémunérateurs en agriculture, sur les déserts médicaux, ou encore hier sur le remboursement intégral des fauteuils roulants, nous vous avons fait des propositions ; nous savons légiférer et trouver des compromis.
Monsieur le premier ministre, si vous aviez tendu l’oreille, vous auriez entendu comment ces coupes budgétaires non assumées, servant à éponger une dette que vos soutiens ont créée, fragilisent déjà les milliers de victimes des plans sociaux, de la vente à perte et de la vie indigne – par exemple cette maman, « comme tant d’autres »… (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC. – Mme Elsa Faucillon applaudit aussi.)
Dans la Drôme d’où je viens, c’est un projet Territoires zéro chômeurs de longue durée, de ceux dont vous avez vanté les mérites, qui perd tous ses financements du fait de la prétendue responsabilité de votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.) Cette censure, je ne la voterai pas de gaieté de cœur ; je la voterai car vous n’avez décidément rien écouté et rien compris.
Monsieur le premier ministre, je ne peux plus rien vous demander aujourd’hui. En revanche, à toutes celles et à tous ceux qui ont manifesté, qui ont voté, qui restent dignes et humbles quand leurs dirigeants fabriquent le chaos, nous disons que notre seul cap est et restera celui de l’écoute, du dialogue, de la recherche de majorités, de l’apaisement. Là résident leurs espoirs. Là, chers collègues, repose notre responsabilité. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
Mme Justine Gruet
C’est facile !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du premier ministre, porte-parole du gouvernement. (Bruit sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Maud Bregeon, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du gouvernement
Je n’ai encore rien dit !
Mme la présidente
S’il vous plaît, chers collègues !
Mme Maud Bregeon, ministre déléguée
Madame la députée, la lettre que vous venez de lire ne peut que nous toucher. (Mme Marie Pochon s’exclame.) On ne peut qu’avoir de l’empathie pour celle qui l’a écrite mais pensez-vous vraiment qu’en renversant le gouvernement ce soir (Exclamations sur divers bancs), qu’en vous alliant avec le Rassemblement national, vous allez aider cette femme ? (« Évidemment ! » sur les bancs du groupe EcoS.) Pensez-vous qu’en créant une crise politique ainsi qu’une incertitude économique et en privant la France d’un budget, vous allez aider cette femme et ses enfants ? (Nouvelles exclamations et brouhaha sur divers bancs.)
Mme la présidente
Un peu de silence, s’il vous plaît !
Mme Maud Bregeon, ministre déléguée
Je l’ai dit hier : le budget que nous avons proposé n’était pas parfait.
M. Frédéric Boccaletti
Tout en finesse !
Mme Béatrice Bellay
C’est celui de votre premier ministre !
Mme Maud Bregeon, ministre déléguée
Il méritait sûrement d’être encore discuté. Toutefois, je suis convaincue que, si vous envoyez le pays dans le mur comme vous vous apprêtez à le faire, ce sont les Français les plus précaires qui paieront le plus cher à la fin. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.)
M. Thibault Bazin
Elle a raison !
Conséquences du rejet du PLFSS
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Dans quelques heures, chaque député décidera de voter ou de ne pas voter la motion de censure. Je dis aux Français qui nous regardent ou qui nous écoutent que la censure aurait de lourdes conséquences.
Voter la censure, c’est renoncer à 7 milliards d’euros supplémentaires pour les hôpitaux et à un meilleur accès aux soins partout. (M. Manuel Bompard fait non de la main.) Voter la censure, c’est renoncer à 2 milliards d’euros pour les Ehpad et à la revalorisation des soignants. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, EPR et DR.) Voter la censure, c’est renoncer à de nouveaux moyens de lutte contre la fraude sociale. Vous prétendez y être attachés (L’orateur se tourne vers les bancs du groupe RN), mais c’est faux. Voter la censure, c’est renoncer à l’accès direct et sans ordonnance au dispositif Mon soutien psy alors que la santé mentale est une priorité. Voter la censure, c’est renoncer à la réforme de la taxe soda, le meilleur outil de prévention du diabète et des maladies cardiovasculaires chez les jeunes. (Mme Marie-Charlotte Garin fait non de la main.)
M. Hervé de Lépinau
Votre budget, c’est 40 milliards d’impôts supplémentaires !
M. Philippe Vigier
Voter la censure, c’est renoncer au cumul emploi-retraite pour les médecins dont on a tant besoin dans les déserts médicaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, EPR et DR.) Voter la censure, c’est renoncer à la revalorisation des petites retraites agricoles. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et LFI-NFP.)
Mme Christelle D’Intorni
Vous faites les poches des contribuables !
M. Philippe Vigier
Voter la censure, c’est renoncer au déploiement des soins palliatifs dans les départements où il n’y en a pas. (Mêmes mouvements.)
Chers collègues du Nouveau Front populaire et du Rassemblement national, si vous votez la censure, vous aurez fait entre vous un trait d’union qui s’appelle le renoncement national. Vous êtes le renoncement national ! (Mêmes mouvements.) Pour nous, les députés démocrates, lorsque l’essentiel est en jeu, peu importe les manœuvres politiciennes, peu importe les marchés financiers : seul compte l’avenir du pays.
Mme Marie Pochon
Honte à vous !
M. Philippe Vigier
Monsieur le premier ministre, comment convaincre nos collègues de renoncer à l’irresponsabilité tant qu’il est encore temps ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, EPR et DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Merci pour cette intervention qui liste nombre d’éléments dont nos concitoyens seraient privés si la censure était adoptée dans quelques heures. Qui a dit : « Pour que le monde agricole obtienne les promesses qui lui ont été faites, il a besoin d’un budget » ? (« Eux ! » sur les bancs du groupe Dem, dont les députés désignent les bancs du groupe RN. – M. le ministre sourit.) Non, c’est le président de la FNSEA ! (Rires.)
M. Frédéric Boccaletti
Votre ami !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Qui a dit : « Ce qu’on attend du politique est qu’il réduise l’incertitude. Avec la censure, c’est le noir complet » ? Un représentant de la Confédération des petites et moyennes entreprises. Qui a alerté : « Attention ! 40 000 emplois vont être supprimés avant la fin de l’année » ? Le président de la Fédération française du bâtiment.
Mme Béatrice Bellay
Ciao ! Bye bye !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je vous épargne, mesdames et messieurs les députés du Rassemblement national, le langage fleuri tenu ce matin par un de vos électeurs qui serait pénalisé par votre action. Les impôts augmenteraient si la censure était votée. (« C’est faux ! » et vives exclamations sur les bancs du groupe RN.) Cessez de dire que c’est un mensonge ! En cas de censure, vous le savez, 400 000 Français deviendront imposables et 18 millions verront leurs impôts augmenter. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. – Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Sébastien Chenu
Vous avez ruiné le pays !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Mesdames et messieurs les députés, réfléchissez bien ! Si vous ne le faites pas pour le gouvernement, faites-le pour ceux dont je viens de parler, faites-le pour les représentants des PME, faites-le pour les agriculteurs, faites-le pour les Français ! (Les députés des groupes EPR, DR, Dem et HOR se lèvent et applaudissent vivement.)
Situation financière des collectivités locales
Mme la présidente
La parole est à M. Salvatore Castiglione.
M. Salvatore Castiglione
Je souhaite alerter Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation sur l’état des finances des communes et me faire le porte-voix de plusieurs d’entre elles, situées dans le Valenciennois. De taille moyenne, elles sont depuis plusieurs années dans l’attente d’une réforme de la fiscalité locale et de la dotation globale de fonctionnement, faute de quoi elles devront supprimer les services qu’elles rendent aux habitants.
Alors que la DGF des communes de population équivalente est de 176 euros par habitant en moyenne, celle de Saint-Saulve, dans ma circonscription, ne s’élève qu’à 44 euros. Cette commune de 11 500 habitants reçoit ainsi une dotation beaucoup plus faible que celle de ses voisines de taille équivalente. Cet exemple, que je cite pour bien le connaître, est loin d’être isolé. Un rapport récent de la Cour des comptes souligne l’injustice de la répartition de la DGF et en préconise une réforme systémique pour réduire les inégalités entre collectivités locales.
Pour équilibrer leur budget, les maires de ces communes s’interrogent sur le maintien de services publics pourtant essentiels. La piscine municipale pourrait fermer, alors qu’elle permet à de nombreux jeunes d’apprendre à nager, ou bien la MJC, qui permet pourtant à tous d’accéder à la culture et crée du lien social. Il est donc urgent de revoir le mode de calcul de la DGF, qui date d’une époque où la réalité des communes était différente.
Je suis bien conscient qu’une réforme globale des dotations aux communes prendra du temps, surtout dans le contexte national que nous connaissons. Pourtant, la situation de ces communes ne permet plus attendre et une aide d’urgence est nécessaire. J’ajoute que la situation financière des départements est également catastrophique en raison de la baisse des droits de mutation à titre onéreux et que celle des régions se dégrade.
Pouvez-vous nous indiquer quelles réponses le gouvernement entend apporter à court terme à ces communes afin qu’elles équilibrent leur budget pour 2025 et si des aides d’urgence sont envisagées pour les villes et les départements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports
Vous avez raison : les mécanismes de dotation et de financement des collectivités ne sont pas toujours adaptés. C’est particulièrement vrai pour les départements, je suis bien placé pour le savoir. Le premier ministre a d’ailleurs eu l’occasion, lors du congrès des départements à Angers le mois dernier, d’indiquer sa volonté de revoir en profondeur les mécanismes de leur financement pour qu’ils correspondent davantage à leurs missions. En attendant, il a indiqué vouloir prendre des dispositions, dès la loi de finances pour 2025, pour baisser significativement leur contribution au rétablissement des finances locales. La semaine dernière, le Sénat a adopté un amendement permettant aux départements de relever le taux des droits de mutation qu’ils perçoivent afin de faire face aux difficultés que vous avez évoquées.
M. Emeric Salmon
Encore des impôts ! Une raison de plus de voter la censure !
M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports
Difficultés que connaissent également les communes, pour la simple et bonne raison que, pour l’essentiel, les dotations globales de fonctionnement n’ont pas évolué depuis le moment où des taxes ont été supprimées et compensées. C’est le cas pour la commune de Saint-Saulve. Heureusement, depuis 2017 des mécanismes de péréquation ont été instaurés pour davantage tenir compte des ressources et des charges des collectivités. Ces dernières années, Saint-Saulve a pu en bénéficier, notamment au travers de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et de la dotation nationale de péréquation. C’est encore vrai en 2024.
Enfin, Catherine Vautrin, qui m’a chargé de vous répondre car elle est au Sénat, a manifesté son intention, en lien avec le Comité des finances locales, de revoir en profondeur la DGF en 2025, ainsi que vous l’appelez de vos vœux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Conséquences de la censure sur le bâtiment et le logement
Mme la présidente
La parole est à M. François Jolivet.
M. François Jolivet
Le logement est la première sécurité des Français. Une récente étude du Conseil économique, social et environnemental le place en tête de leurs préoccupations, devant la santé, l’emploi et l’ordre public.
Ces attentes légitimes sont contrariées par un parcours résidentiel bloqué, ce qui explique qu’on compte 2,7 millions de demandeurs de logements sociaux. Des jeunes ne peuvent pas s’installer, des personnes qui voudraient se séparer sont condamnées à continuer à vivre ensemble, des demandeurs d’emploi sont assignés au chômage faute de logement.
M. Inaki Echaniz
La faute à qui ?
M. François Jolivet
C’est la conséquence de la hausse des taux d’intérêt et de l’augmentation du prix de revient des opérations de construction.
M. Inaki Echaniz
C’est la conséquence de votre politique !
M. François Jolivet
Des plans sociaux sont déjà en cours chez les promoteurs et s’annoncent de manière massive dans le bâtiment. Pour ces raisons, j’ai pris l’initiative, avec votre soutien, madame la ministre du logement, et celui du premier ministre, de réunir tous les groupes politiques de l’Assemblée. Chacun à notre manière, nous avons contribué à bâtir, dans le projet de loi de finances pour 2025, un plan de sauvetage du secteur de l’immobilier et des demandeurs de logement.
Le groupe Horizons & indépendants a fait le choix de rendre possible l’accession à la propriété en étendant pendant trois ans le prêt à taux zéro, neuf et ancien, à tout le territoire. Nous voulons également orienter l’épargne privée vers la construction en permettant à des grands-parents et à des parents, de manière exceptionnelle et pour la seule année 2025, de donner à leurs descendants de l’argent destiné à l’achat d’un logement neuf.
Ces avancées risquent de voler en éclats dans quelques heures et d’envoyer dans le décor les emplois comme les demandeurs de logement. Le groupe Horizons & indépendants déposera une proposition de loi sur le sujet si le projet de budget pour 2025 ne pouvait pas être adopté. Les demandeurs de logement et les travailleurs de bâtiment ne sont-ils pas des victimes directes de ce qui s’annonce ? Dit autrement, quel va être le loyer social des Français si la motion de censure est adoptée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine.
M. Thibault Bazin
Il faut être très claire, madame la ministre !
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine
Je vous remercie pour votre question car elle met en valeur tout le travail collectif fait dans le projet de budget, sous l’impulsion du premier ministre, Michel Barnier, qui – je l’en remercie également – a fait du logement une priorité nationale et s’est appuyé sur tous les députés et tous les sénateurs volontaires pour travailler sur le budget 2025.
Je vais parler clairement pour que chacun mesure le poids des décisions à venir. Sans budget, il n’y a pas d’extension du prêt à taux zéro à tout le territoire au bénéfice de tous les Français modestes qui voudraient acheter leur logement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Thibault Bazin
Elle a raison !
M. Alexandre Dufosset
On aura un budget !
Mme Valérie Létard, ministre
Sans budget, il n’y aura pas d’exonération des droits de mutation en cas d’achat de logements neufs, mesure destinée à relancer l’investissement. (Les exclamations se poursuivent sur les bancs des groupes RN et UDR jusqu’à la fin de l’intervention de Mme la ministre.)
M. Hervé de Lépinau
Arrêtez de mentir !
Mme Hanane Mansouri
Il y a 40 milliards d’impôts nouveaux dans votre budget !
Mme Valérie Létard, ministre
Sans budget, la baisse de la réduction de loyer de solidarité attendue par les bailleurs sociaux pour produire 100 000 logements et en rénover 130 000 n’aura pas lieu. (Bruit sur les bancs du groupe RN.) Sans budget, nous ne pourrons pas financer les 203 000 places d’hébergement d’urgence pour les femmes victimes de violences, qui resteront donc à la rue. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
M. Sébastien Chenu
Vous n’avez pas honte de dire un truc pareil ?
M. Hervé de Lépinau
C’est indigne ! Vous racontez n’importe quoi !
Mme Valérie Létard, ministre
Sans budget, nous ne pourrons pas accompagner la rénovation urbaine car les moyens ne seront pas au rendez-vous en temps et en heure. Sans budget, les taux augmenteront et des centaines de milliers de passoires thermiques ne seront pas rénovées.
Je conclurai en disant mon soutien aux professionnels du secteur, à qui nous devons beaucoup dans le travail mené pour aboutir aux dispositions prévues dans le PLF, et à toutes les personnes mobilisées pour le logement, un sujet si important pour notre pays et pour ses habitants, qui sont notre seule boussole. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Mme Danielle Brulebois applaudit également.)
Situation en Guyane
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Victor Castor.
M. Jean-Victor Castor
Monsieur le premier ministre – peut-être sortant (Exclamations sur les bancs du groupe DR) –,…
Mme Christelle D’Intorni
C’est ça !
M. Jean-Victor Castor
…ce soir, la fusée Vega partira de Kourou ; dans quelques mois, en février 2025, ce sera au tour d’Ariane 6. François Mitterrand avait pourtant dit qu’il fallait cesser de lancer des fusées sur fond de bidonvilles.
M. Pierre Cordier
Il n’a pas obtenu beaucoup de résultats !
M. Jean-Victor Castor
J’ai déposé deux amendements au projet de loi de finances, qui ont été adoptés : un demandant à l’État de rétrocéder 125 000 à 150 000 hectares à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer), pour contribuer à la souveraineté alimentaire de la Guyane ; un deuxième proposant d’exclure la Guyane du périmètre d’application du malus écologique.
Une ministre macroniste avait dit, ici même, à propos de la Guyane, qu’il valait mieux une piste en terre que rien du tout. Le 16 décembre, à Saint-Laurent-du-Maroni, sera lancée l’étude de faisabilité de cette fameuse piste en terre promise par le président de la République.
Mes deux amendements, adoptés à l’Assemblée, ont ensuite été examinés au Sénat, mais votre gouvernement a manœuvré pour qu’ils y soient rejetés. Les Guyanais sont en attente ; les terres de Guyane ont été volées, sur le fondement d’une ordonnance royale de 1820 qui précise que quand les Français sont arrivés en Guyane, il n’y avait personne et que les terres étaient en friche. En 2024, l’État est toujours propriétaire de plus de 92 % des terres. Un directeur d’hôpital qui veut faire construire un établissement se demande où on pourra le faire. En outre, le fameux centre hospitalier universitaire (CHU) dont la construction doit démarrer en janvier 2025 n’est toujours pas financé.
M. Pierre Cordier
Pour qu’il le soit, il faut voter les crédits !
M. Jean-Victor Castor
À la place, pour assurer la santé des Guyanais, on a choisi de réhabiliter un hôpital totalement obsolète. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe GDR applaudissent ce dernier.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre des outre-mer.
M. François-Noël Buffet, ministre des outre-mer
Ce matin, à l’occasion d’un rendez-vous, nous avons abordé une partie des questions que vous venez d’évoquer, notamment celle de la disposition adoptée au Sénat, qui prévoit de rétrocéder à la Safer 20 000 hectares de domaines de l’État. L’amendement en question – nous en avons parlé – a été déposé par votre collègue Georges Patient, sénateur de la Guyane. Le gouvernement avait émis un avis favorable à cette proposition, pour la simple et bonne raison que la Safer n’est pour l’heure capable de gérer que ces 20 000 hectares ; d’autres lui seront transmis ultérieurement.
À côté de l’avenir de l’agriculture – une question sans conteste importante –, vous évoquez également le problème de la voirie, en mentionnant cette fameuse étude de faisabilité réalisée par les services de l’État. Comme je vous l’ai dit, à ma demande, le préfet doit en faire la présentation. Le président Rimane m’ayant indiqué qu’il n’avait pas connaissance de ce dossier, j’ai souhaité que vous en soyez informés ; quant à la décision, elle reste à venir.
Vous nous interrogez enfin sur les crédits alloués à la Guyane et aux autres outre-mer. Pourtant, dans quelques instants, vous allez peut-être décider que ce gouvernement doit démissionner. (M. Jean-René Cazeneuve applaudit.) Vous signerez alors, avec vos alliés de circonstance (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR),…
Mme Christelle D’Intorni
Ça faisait longtemps ! C’est pourtant grâce à eux que vous avez été élus !
M. François-Noël Buffet, ministre
…la fin des budgets qui devaient profiter à l’ensemble des outre-mer. (« Eh oui ! » sur les bancs des groupes EPR et DR.) Toutes les mesures prévues en faveur des outre-mer seront caduques dès ce soir. Au moment de voter, que chacun ait bien conscience de cette responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Nadège Abomangoli.)
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est reprise.
2. Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024
Commission mixte paritaire
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 (no 645).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. David Amiel, rapporteur de la commission mixte paritaire.
M. David Amiel, rapporteur de la commission mixte paritaire
Le texte qui vous est présenté dresse, bien sûr, un constat technique de la situation des finances en cette fin d’année 2024. Celle-ci se caractérise par un déficit public élevé que prévu – 6,1 points de produit intérieur brut –, qui procède non d’un dérapage des dépenses publiques – est-il encore besoin de le rappeler ? – mais de recettes inférieures aux prévisions.
M. Sylvain Maillard
C’est bien de le rappeler !
M. David Amiel, rapporteur
J’en veux pour preuve que, s’agissant du périmètre des dépenses de l’État, l’exécution sera inférieure de 2,7 milliards d’euros à son niveau de 2023, grâce aux efforts accomplis en début d’année par le gouvernement de Gabriel Attal, puis par celui de Michel Barnier cet automne. Le gouvernement déposera d’ailleurs des amendements d’actualisation des prévisions de recette, qui ne modifieront cependant pas les grands équilibres.
Le texte qui vous est présenté est la dernière possibilité que nous ayons d’ouvrir des crédits indispensables tant pour répondre à l’urgence économique et sociale en Nouvelle Calédonie que pour prendre en charge les surcoûts liés à la mobilisation des forces de sécurité dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques, ou couvrir les besoins liés à leurs missions de renfort en Nouvelle-Calédonie et aux opérations extérieures. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Ces ouvertures de crédits – 4,2 milliards d’euros relevant des dépenses de l’État – sont plus que compensées, et j’y insiste car c’est historique, par des annulations d’un montant de 5,6 milliards d’euros.
M. Charles Sitzenstuhl
Il fallait davantage d’annulations !
M. David Amiel, rapporteur
Notre assemblée ayant rejeté en première lecture ce texte pourtant indispensable, la commission mixte paritaire (CMP) réunie hier matin a élaboré ses conclusions à partir du texte adopté par le Sénat pour aboutir à une rédaction de compromis, qui ne dégrade pas le solde par rapport au texte initialement déposé.
M. Pierre Cazeneuve
C’est la méthode du compromis.
M. David Amiel, rapporteur
La commission mixte paritaire a ainsi retenu les amendements sénatoriaux relatifs au coût de la dissolution et au financement de l’entretien du réseau routier relevant des collectivités territoriales. Elle a par ailleurs souhaité reprendre un amendement déposé par notre collègue Jean-René Cazeneuve – mais non examiné à l’Assemblée – visant à flécher 20 millions d’euros en faveur de l’indemnisation des vignerons. Nous demanderons d’ailleurs au gouvernement de lever le gage. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Pierre Cazeneuve
Le mildiou ne passera pas !
M. David Amiel, rapporteur
Enfin, la commission mixte paritaire a souhaité réduire à 90 millions d’euros le montant des annulations supplémentaires proposées par le Sénat, qui étaient de 300 millions, retirés à la mission Investir pour la France de 2030. Cela évitera de fragiliser les filières industrielles, alors que la mission sera déjà affectée par des annulations à hauteur de 1,2 milliard d’euros aux termes de ce projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) et suffira à compenser entièrement les mouvements prévus sur les autres missions.
Chers collègues, je connais vos réticences : les uns pensent que l’effort en dépenses va trop loin, les autres pas assez, et certains auraient voulu réduire le déficit par des mesures fiscales s’appliquant dès cette année, mais le temps presse et l’adoption d’une loi de finances de fin de gestion est essentielle.
Le compromis auquel nous sommes parvenus est équilibré : il prévoit tous les financements nécessaires pour répondre aux urgences du moment comme le paiement des fonctionnaires, des militaires, des opérations extérieures et des mesures de soutien face à la crise économique et sociale que traverse la Nouvelle-Calédonie. Rien, dans notre Constitution, n’est prévu en cas de rejet du projet de loi de fin de gestion ; aucun filet de sécurité n’existe pour préserver les financements qu’attendent tant de nos fonctionnaires et de nos concitoyens.
M. Sylvain Maillard
Le chaos !
M. David Amiel, rapporteur
Rien ne justifierait donc de ne pas faire preuve, collectivement, de la même responsabilité que les années précédentes : le gouvernement ne disposait que d’une majorité relative, mais le texte avait pu être adopté sans recours à l’article 49.3, l’esprit de responsabilité ayant prévalu. Je forme donc le vœu que celui-ci préside à nouveau au vote sur ce PLFG et vous invite très vivement à le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Mme Louise Morel applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Coqueral, vice-président de la commission mixte paritaire.
M. Éric Coquerel, vice-président de la commission mixte paritaire
Voici certainement le dernier texte que votre gouvernement défendra devant cette assemblée. Ce n’est pas une loi technique que l’on soumet aujourd’hui à notre vote, mais bien un texte budgétaire – et austéritaire. Nous avons pourtant réclamé toute l’année un projet de loi de finances rectificative afin de trouver des recettes nouvelles. La preuve est faite : vous imposez une politique brutale à la France.
Vous avez l’audace d’affirmer qu’il s’agirait d’une loi de soutien. Le contresens est manifeste ; le mensonge, patent. Nous avons entendu, hier, la ministre chargée des relations avec le Parlement faire une liste si longue qu’elle en devenait risible. Qui pense-t-on encore tromper ?
Consacrer seulement 230 millions d’euros à la reconstruction de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie, alors que le chaos provoqué par l’incurie de l’exécutif a causé 2 milliards d’euros de dégâts, et appeler ça un soutien, il fallait oser. Quant à l’aide à l’Ukraine ou au versement de primes JO, tout cela ne dépasse guère quelques centaines de millions d’euros, alors que vous en avez annulé des milliards en 2024, d’abord par décret en février, puis par ce PLFG – mal nommé, puisqu’il s’agit en réalité d’un projet de loi de finances rectificative. Toutes ces économies que vous souhaitez réaliser correspondent d’ailleurs précisément au déficit creusé par les errements de votre politique économique.
Le véritable principe de cette loi, c’est l’irresponsabilité austéritaire. Derrière l’écume des quelques mesures de soutien annoncées, on ne voit que le raz-de-marée des coupes budgétaires. Décidées arbitrairement tout au long de l’année, elles ont privé nos services publics de moyens pourtant si nécessaires. Les dépenses en faveur de l’écologie ont été réduites de 10,7 %, quand le Giec – Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat –, l’Ademe – Agence de la transition écologique –, les instituts, les associations et les ONG, d’une seule voix, nous préviennent : si nous n’investissons pas maintenant, le dérèglement climatique finira par nous coûter encore plus cher que les investissements que vous refusez. (Mme Dominique Voynet applaudit.) Autant dire qu’en baissant ces dépenses, vous admettez que vous n’investirez jamais dans notre avenir écologique, car si vous trouvez que cela coûte trop cher aujourd’hui, cela coûtera assurément bien trop cher demain.
Vient ensuite l’aide publique au développement, que vous amputez de 17,2 % de ses crédits. Pas la peine d’être solidaire ! Mais, outre sa dette à l’égard d’anciens pays colonisés, la France n’émet-elle pas, aujourd’hui, une part significative des gaz à effet de serre ? N’avons-nous aucuns devoirs vis-à-vis du reste du monde ?
Les associations et le sport voient leur budget baisser de 11,3 % cette année, mesure incohérente avec la volonté de faire du sport une « grande cause nationale », proclamée par un exécutif qui plastronne quand il s’agit d’aller chercher des médailles. N’oublions pas les 820 millions d’euros dont vous avez privé l’enseignement scolaire, les 400 millions d’euros que vous retirez aux transports et, pour finir, les 50 millions d’euros en moins consacrés à l’audiovisuel public.
M. Laurent Croizier
C’est tellement beau d’entendre ça !
M. Éric Coquerel, Vice-Président
Que l’on ne vienne donc pas nous dire que cette loi de fin de gestion serait nécessaire ou bénéfique. Elle n’est que l’expression de la morgue néolibérale qui ruine les services publics et feint, ensuite, de s’étonner de la progression de l’extrême droite. La ruine des services publics – de l’hôpital, de l’école – résulte directement de vos coupes budgétaires déraisonnées et déraisonnables.
De telles coupes étaient pourtant évitables. Il y avait, et il y a encore, de l’argent à aller chercher pour financer nos services publics : sur les comptes en banque des ménages fortunés, qui participent insuffisamment, et sur ceux des grands groupes, qui profitent des crises et de la mondialisation. Nous vous l’avons prouvé en trouvant des majorités…
M. Charles Sitzenstuhl
Avec le RN !
M. Éric Coquerel, vice-président de la commission mixte paritaire
…pour proposer un budget socialement et écologiquement responsable ; vous nous en avez refusé le droit en esquivant le dépôt d’un projet de loi de finances rectificatif.
Si cette loi était rejetée, il n’y aurait pas de chaos, contrairement à ce que vous clamez et que vient de répéter mon collègue David Amiel. D’abord, même sans ce texte, les fonctionnaires seraient payés – cela n’a rien à voir – et il n’y aurait aucune interruption des services de l’État. Ensuite, nous débattrions à nouveau et, pour peu que vous daigniez déposer un véritable projet de loi de fin de gestion au lieu d’un texte qui ampute les services publics, nous aboutirions à un nouveau texte. Les aides nécessaires pour la Kanaky et l’Ukraine seraient versées ; l’État assumerait son devoir. Vous ne pouvez vanter sans cesse nos institutions, puis, subitement, faire croire à des fragilités imaginaires lorsque cela vous sied.
Il demeure que cette loi de fin de gestion consacre votre politique austéritaire de l’année passée – celle qui serait poursuivie et aggravée si le budget que vous avez défendu était adopté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025. Pour l’heure, je ne peux souscrire à une telle loi de fin de gestion. Je voterai donc, à nouveau, contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Nous nous retrouvons aujourd’hui pour la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024. Une CMP conclusive, ça n’est pas anodin, ni courant, du moins sur un texte budgétaire.
M. Aurélien Le Coq
Une motion de censure non plus !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Cela signifie qu’il existe toujours dans ce parlement, une volonté majoritaire en faveur du dialogue,…
M. Benjamin Dirx
Eh oui, il a raison !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…du compromis et de la responsabilité. (M. René Pilato rit.)
M. René Pilato
Excusez-moi, c’est nerveux !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Les Français le voient. Les Français le savent. Les Français l’attendent.
Cela signifie, très concrètement, qu’il y a une volonté parlementaire pour soutenir ce texte ; une volonté parmi les députés et sénateurs d’engager la France sur le chemin du redressement des finances publiques, en limitant les dépenses de l’État au strict nécessaire afin de contenir le dérapage du déficit 2024 à 6,1 % ; une volonté parlementaire pour autoriser le gouvernement à engager sans délai les dépenses indispensables pour boucler l’année en cours.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Le compromis trouvé en CMP a d’ailleurs permis d’apporter des améliorations que je tiens à saluer : 20 millions d’euros supplémentaires pour protéger nos vignes face à l’épidémie de mildiou ; 70 millions pour l’entretien du réseau routier géré par les collectivités territoriales. Ces ouvertures de crédits sont gagées par 90 millions d’annulations supplémentaires sur le programme France 2030.
Que se passerait-il si ce texte n’était pas adopté par votre assemblée ? Je serai très transparent avec vous : nous fragiliserions notre position, le respect de nos objectifs pour 2024 conditionnant la crédibilité de notre trajectoire financière pour les années suivantes.
Or l’année 2024 a été une année exceptionnelle. L’exécution a été marquée par un écart sensible par rapport à la loi de finances initiale, qui prévoyait un solde déficitaire de 4,4 %. D’environ 50 milliards d’euros, l’écart résulte principalement de l’évolution des prélèvements obligatoires, dont le niveau est révisé à la baisse, pour plus de 40 milliards d’euros. Ce dernier chiffre s’explique d’ailleurs pour moitié par la dégradation de l’exécution constatée dès 2023. L’écart par rapport à la prévision résulte également du dynamisme des dépenses publiques.
Dans un tel contexte, nous devons faire preuve de la plus grande transparence sur la situation de nos comptes. Conformément à cet impératif, les remontées comptables dont nous avons pris connaissance à la fin novembre, après l’examen du texte en première lecture, vous ont été immédiatement signalées. Dans le détail, au vu des derniers chiffres dont nous disposons, les recettes de TVA seraient révisées à la baisse de 1,4 milliard d’euros en comptabilité budgétaire et de 1 milliard en comptabilité nationale ; les droits de mutation à titre gratuit (DMTG), à la hausse de 0,4 milliard ; les recettes de l’impôt sur le revenu, à la hausse de 0,1 milliard. La prise en compte de ces dernières informations vous est proposée dans l’amendement déposé par le gouvernement à l’article d’équilibre, sans modifier la prévision de déficit public pour 2024, soit 6,1 %.
Nous parlons de 50 milliards d’euros d’écart, mais notre niveau d’endettement, qui atteint 3 230 milliards d’euros, résulte moins de ces aléas de prévision que des choix collectifs que nous avons faits face aux crises : nous avons accepté de dépenser temporairement plus pour protéger nos concitoyens, notre économie et nos emplois – et nous avons eu raison.
Aujourd’hui, et je ne cesserai de le répéter, l’heure est au redressement des comptes.
M. Carlos Martens Bilongo
L’heure est à votre départ !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il n’existe aucune solution magique, aucune configuration politique, aucune combinaison, aucune argumentation qui permettrait de se soustraire à la réalité : il faut redresser les comptes.
Et soit nous le faisons dès aujourd’hui en prenant les décisions courageuses qui s’imposent pour renouer avec une trajectoire de finances publiques soutenable, soit nous remettrons cela à demain…
M. Carlos Martens Bilongo
Sans vous !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…mais, dans ce cas, nous le paierons chaque jour un peu plus cher. Quand je dis « nous », je ne parle pas de vous et de moi : je parle de l’ensemble de nos concitoyens, des Français qui travaillent et qui verront leur pouvoir d’achat contraint, des chefs d’entreprise qui ont besoin de stabilité et de visibilité pour investir et pour embaucher, des usagers de tous les services publics que nous aurons moins de moyens pour financer à mesure que nous différerons cet effort.
Si ce texte n’est pas adopté, nous prenons le risque de rater cette première marche,…
M. Sylvain Carrière
Pour les privilégiés !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…celle qui doit nous permettre de limiter au maximum le déficit de 2024 en limitant les dépenses de l’État au strict nécessaire tout en honorant les paiements dus dans de bonnes conditions. Chaque marche suivante serait alors un peu plus haute.
L’effort complémentaire de freinage de la dépense prévu dans ce texte s’élève à 5,6 milliards d’euros d’annulations de crédits sur le périmètre de l’État. Ces annulations ont fait l’objet de discussions approfondies avec l’ensemble des ministères afin de calibrer les moyens au plus près des besoins réels des gestions des administrations ; elles portent très majoritairement sur la réserve de précaution qui avait été renforcée cet été grâce au surgel décidé en juillet par nos prédécesseurs et amplifient le volontarisme déployé par le précédent gouvernement qui avait pris, dès février, un décret d’annulations de 10 milliards d’euros pour limiter le dérapage des comptes et qui avait également fixé des cibles d’exécution exigeantes pour tous les ministères au cours d’année 2024.
M. Charles Sitzenstuhl
Eh oui ! Très bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Au total, les trois quarts des 16 milliards d’euros de crédits mis en réserve ne seront pas consommés en 2024, soit, avec les annulations du décret de février et celles de ce PLFG, plus de 15 milliards d’euros de réduction des dépenses de l’État en cours d’année. C’est inédit mais c’est possible. C’est cependant le maximum de ce qu’il était possible de faire en tenant compte des mouvements inverses, en particulier de l’effet net des reports de crédits de 2023, mais aussi des ouvertures et des dépenses imprévues et exceptionnelles que je vais vous présenter pour 4,2 milliards d’euros. L’exécution des dépenses de l’État est donc finalement fixée à 6 milliards d’euros en deçà du niveau prévu en loi de finances initiale.
Si ce texte n’est pas adopté, le gouvernement ne sera pas autorisé à procéder aux ouvertures de crédits indispensables pour boucler l’année en cours. Je vous invite à y être bien attentifs. Certains me répondront peut-être que l’exécutif sera toujours en mesure de recourir à un décret d’avance afin de parer au plus urgent, mais cela ne résout pas tout pour autant : un décret d’avance ne permettrait de débloquer que 2 milliards d’euros, moins de la moitié des 4,2 milliards d’euros proposés dans ce PLFG.
Sinon, il faudra assumer des choix.
Je vous pose alors la question : à quelles dépenses seriez-vous prêts à renoncer ? (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Aurélien Le Coq
Aux dépenses fiscales !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Faut-il renoncer à la rémunération des fonctionnaires et autres agents publics, qu’il s’agisse du ministère de l’éducation nationale ou du ministère de l’intérieur ?
M. Aurélien Le Coq
Aux crédits d’impôts !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Mesdames, messieurs les députés insoumis, au lieu de vociférer, regardez ce qu’il y a dans le texte et dites-nous précisément ce que vous êtes prêts à ne pas financer en cette fin d’année ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe EPR. – Mmes Marie-Christine Dalloz et Michèle Tabarot applaudissent également.) Faudrait-il que nous renoncions à financer le soutien à la Nouvelle-Calédonie, oui ou non ?
M. Arnaud Le Gall
Ne nous prenez pas pour des imbéciles !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je rappelle que 1 milliard d’euros de dépenses sont prévus à ce titre en 2024 : il s’agit des avances de trésorerie urgentes. Vous votez contre ce texte, vous votez contre le soutien de 1 milliard d’euros à la Nouvelle-Calédonie. (Mêmes mouvements.) C’est aussi binaire et simple que cela.
M. Sylvain Maillard
Ils n’aiment pas la Nouvelle-Calédonie !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ce sont des avances de trésorerie urgentes sans lesquelles la Nouvelle-Calédonie n’aurait plus les moyens de faire face à ses dépenses à compter de mi-décembre, qu’il s’agisse de la prise en charge des forces de l’ordre et de défense mobilisées pour assurer la sécurité sur place, des mesures de soutien aux entreprises, aux salariés, aux collectivités et aux hôpitaux. Faudrait-il par ailleurs que nous renoncions à sécuriser le financement de nos opérations extérieures, les Opex, ou que nous renoncions aux dépenses qui permettront à nos armées de renouveler les équipements militaires qu’elles ont livrés à l’Ukraine ?
M. René Pilato
Arrêtez de faire peur au peuple !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je le répète : souhaitez-vous, oui ou non, que nous puissions financer en cette fin d’année le financement des Opex, ainsi que le soutien à l’Ukraine ? C’est cette question que je vous pose également !
Mme Véronique Louwagie
Répondez !
M. Sylvain Maillard
Il a raison !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Faudrait-il que nous renoncions à compléter le financement des aides sociales et des soutiens aux plus fragiles ? Je vous parle des bourses sur critères sociaux pour les étudiants, des allocations adultes handicapés, de la préservation du parc d’hébergement d’urgence ou encore de l’accueil des réfugiés ukrainiens. Pas de PLFG, pas de financement pour toutes ces urgences.
M. Arnaud Le Gall
Jusqu’au bout, vous mentirez !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Voilà, en quelques mots, pour quelles raisons je forme le vœu que ce PLFG soit adopté. C’est un texte nécessaire à double titre : nécessaire d’abord dans l’effort complémentaire de maîtrise de la dépense de l’État pour 2024 et sur lequel il revient en définitive au Parlement de se prononcer en approuvant l’accord majoritaire trouvé entre députés et sénateurs (« Dehors ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP), nécessaire ensuite et surtout pour les ouvertures de crédits que je vous ai citées et qui sont urgentes pour nombre de nos concitoyens, notamment ceux habitant en Nouvelle-Calédonie.
Le texte a été amendé par vos soins en CMP et le gouvernement respecte jusqu’au bout ces apports, considérant qu’ils sont même utiles et nécessaires pour nos agriculteurs dans la lutte contre le mildiou ou encore pour le réseau routier.
Ce texte, c’est la toute dernière étape parlementaire et il repose désormais sur votre vote pour être adopté. Il y va de la continuité de la nation.
Une dernière chose : j’ai observé que vous aviez déposé une motion de rejet préalable de ce texte, mesdames, messieurs les députés insoumis,…
M. Aurélien Le Coq
Eh oui !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…alors qu’il propose des crédits de financement d’urgence…
M. Éric Coquerel, vice-président de la commission mixte paritaire
Et alors ? On en discute !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…pour nos concitoyens les plus fragiles, pour l’allocation adultes handicapés, pour les centres d’hébergement d’urgence, notamment pour les réfugiés ukrainiens, et pour la Nouvelle-Calédonie ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs des groupes DR et Dem. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP.) Et l’une des vôtres va venir à cette tribune nous présenter une motion de rejet ? Je lui laisse la place pour que vous puissiez nous expliquer les motivations de tout cela. (De nombreux députés du groupe EPR et plusieurs députés du groupe Dem se lèvent et applaudissent longuement. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Aurélien Le Coq
On arrive !
Motion de rejet préalable
Mme la présidente
J’ai reçu des membres du groupe des députés La France insoumise-Nouveau Front populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5 du règlement.
La parole est à Mme Mathilde Feld.
Mme Mathilde Feld
Nous savons toutes et tous que nos prises de paroles sont écoutées par nos concitoyennes et nos concitoyens, et je vais donc me permettre de préciser que le texte soumis ici à notre discussion est un projet de loi de finances de fin de gestion pour l’année 2024, que l’on abrège sous le nom de PLFG.
M. Pierre Cazeneuve
C’est le titre !
Mme Mathilde Feld
C’est un projet de loi, donc proposé par le gouvernement, qui vise à ajuster les dépenses publiques de l’année en cours par l’annulation de crédits sur des lignes qui n’ont pas été utilisées, et inversement par l’ajout de crédits pour abonder des programmes plus coûteux que prévu.
M. Pierre Cazeneuve
Vous nous expliquez la Lolf ! Merci.
Mme Mathilde Feld
Vous, vous savez tout, mais certains de nos concitoyens ne savent pas tout.
M. Sylvain Maillard
On n’est pas à un cours de Sciences Po !
Mme Mathilde Feld
C’est de l’éducation populaire, mais vous ne savez pas ce que c’est. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Il ne s’agit pas, comme on voudrait nous le faire croire, d’un document purement technique : comme tous les documents budgétaires, il est bien le reflet de choix politiques. Or nous sommes en profond désaccord avec ces choix budgétaires et c’est pour cette raison que nous proposons de rejeter ce texte en l’état afin de le remettre en débat. (Mêmes mouvements.)
Rejeter ce texte, disais-je, tout d’abord parce qu’il est l’expression d’un exercice d’austérité qui consiste à amener les annulations de crédits à plus de 16 milliards d’euros si on compte toutes les coupes budgétaires de l’année.
Ensuite, ce texte est le résultat cumulé d’une politique antisociale menée depuis sept ans. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Enfin, il a été rejeté le 12 novembre dernier en commission. Donc, en toute logique, il devrait l’être de nouveau aujourd’hui par toutes celles et par tous ceux qui ne soutiennent pas M. Macron et son gouvernement Barnier. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Car la politique menée par Emmanuel Macron, ce fameux Mozart de la finance, nous a finalement conduits, à travers ses gouvernements successifs, au déficit abyssal que nous affrontons aujourd’hui.
M. Sylvain Maillard
Quel rapport avec le texte ?
Mme Mathilde Feld
Voilà un président qui a géré la France comme une entreprise du CAC40 et dont le but est de verser un maximum de dividendes à ses actionnaires et qui, en même temps, est resté sourd aux revendications populaires, un président qui a méprisé et mutilé les gilets jaunes (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), qui a ignoré les centaines de milliers de citoyennes et de citoyens manifestant pendant des mois, et par tous les temps, contre la réforme des retraites, qui a profondément abîmé la confiance des Françaises et des Français dans la politique en utilisant sans cesse le mensonge et la calomnie, un président qui a trahi les Français en se faisant élire par une France républicaine à laquelle il avait promis de faire front contre les positions nauséabondes de l’extrême droite,…
M. Pierre Cordier
Vous allez voter avec eux dans trois heures !
Mme Mathilde Feld
…un président qui a oublié que dans notre république, c’est le peuple qui est souverain et que le président ne dispose que d’une délégation temporaire de cette souveraineté. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP.) Et ce peuple vient se rappeler à vous, président, ministres, sénateurs, députés qui avez fait de sa vie un enfer ! Car le chaos est là. Aujourd’hui et maintenant. Et c’est votre création ! (Mêmes mouvements.) De gestion désastreuse en décisions absurdes, vous, politiciens de droite,…
M. Pierre Cordier
Il vaut mieux être un politicien qu’un politicard !
Mme Mathilde Feld
…avez plongé la France dans le désordre. Et vous aurez beau truffer vos discours des mots « responsable » et « responsabilité », vous ne trompez personne !
Car au-delà de votre incompétence manifeste, vous êtes aussi des pyromanes, ce qui est gravissime eu égard à la place que vous occupez. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Les irresponsables, c’est vous ! Un chef d’État se doit de répondre aux besoins de sa population et d’apaiser les tensions. Nous en sommes loin, et ce PLFG est le reflet de votre indifférence et de votre inconscience.
En effet, si l’argent n’a pas été dépensé, c’est parce que le gouvernement a empêché de lui trouver des débouchés en ordonnant aux services de geler les crédits.
M. Pierre Cazeneuve
C’est contradictoire, ce que vous dites !
Mme Mathilde Feld
Et la commission mixte paritaire n’y a rien changé. Mais il est vrai que pour vous, il n’y a pas d’urgence. C’est d’ailleurs un macroniste de la première heure qui nous le rappelait doctement lors d’une table ronde avec l’Association des maires de Gironde : il a expliqué sans sourciller qu’il fallait arrêter de dire que les services publics n’ont pas les moyens de fonctionner car il n’y avait selon lui aucun problème dans sa circonscription… Alors je l’invite à se rendre un peu sur le terrain pour aller voir l’état des bâtiments scolaires comme le collège de Créon ou le lycée Flora Tristan de Camblanes, au sein desquels les enseignants enjambent les seaux qui fleurissent les escaliers et même les salles de classe dans lesquelles il pleut.
M. Pierre Cordier
Ça n’a rien à voir ! Les collèges dépendent des départements et les lycées, des régions !
Mme Mathilde Feld
Il verra aussi des universités qui ne peuvent plus payer leurs factures de chauffage, des élèves sans affectation. Quant aux urgences de l’hôpital de Langon, elles ont encore dû fermer au cours du mois dernier. Il y verra aussi des hôpitaux où les patients ne peuvent pas être soignés correctement faute de moyens techniques, comme à l’hôpital Haut-Lévêque de Bordeaux, ou faute de pouvoir recruter des médecins psychiatres comme à Cadillac-sur-Garonne. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Et je pourrais malheureusement continuer à égrener d’autres exemples… La France et les Français sont toujours en attente de votre fameux ruissellement ! L’échec de votre politique économique est patent ! Les plans sociaux se multiplient partout en France et l’OFCE, L’Observatoire français des conjonctures économiques, prévoit encore la suppression de 150 000 postes pour 2025 !
M. Jérôme Legavre
C’est ça, votre bilan !
Mme Mathilde Feld
Nous voyons depuis sept ans une cavité se transformer en gouffre : un déficit record dans l’histoire contemporaine de la France, avec des ministres qui font comme s’ils n’y étaient pour rien ! La moindre des choses est d’assumer ses erreurs et d’en tirer les conclusions qui s’imposent : il faut partir pour laisser à d’autres le soin de changer de politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Le plus incroyable, c’est que vous reconnaissez tous que c’est la faiblesse des recettes qui a creusé le déficit ! Et là-dessus, nous sommes bien d’accord, mais il n’est pas compliqué d’en trouver l’origine : depuis 2017, vous avez supprimé plus de 62 milliards de recettes, principalement au bénéfice de celles et ceux qui en avaient le moins besoin.
M. Charles Sitzenstuhl
C’est faux !
Mme Mathilde Feld
Sans aucune anticipation. Sans aucun plan d’action. D’où le désastre budgétaire que nous connaissons et le déficit structurel que vous avez créé par vos cadeaux fiscaux.
En présentant un PLFG qui vient annuler 6,4 milliards euros de crédits, c’est un ultime camouflet que vous infligez au peuple de France.
Amputer la mission Agriculture de plusieurs centaines de millions au terme d’une année dont les conditions climatiques et sanitaires ont ébranlé des dizaines de filières (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP) et au moment où la crise structurelle dans la viticulture est à son paroxysme, empêchant les viticulteurs de vivre dignement, c’est particulièrement cynique.
M. Benjamin Dirx
C’est dingue d’entendre ça !
Mme Mathilde Feld
Ôter des centaines de millions à la mission Écologie alors que le dérèglement climatique s’amplifie sous nos yeux et que les feux et les inondations se multiplient avec une violence croissante, c’est cela, l’irresponsabilité. (Mêmes mouvements.)
Annuler 800 millions sur la mission Enseignement supérieur et éducation nationale, 700 millions pour la justice, 685 millions pour la cohésion sociale et l’accès au logement, c’est cela, l’irresponsabilité ! (Mêmes mouvements.)
Lorsqu’on vous parle de mal-être, vous supprimez des jours de carence. Lorsqu’on vous parle des paysans qui veulent simplement vivre de leur métier, vous nous parlez de compétitivité. Lorsqu’on vous parle de justice, vous nous parlez de répression. Vous n’êtes pas dans la vraie vie. Vous ne vous occupez pas des gens, vous gérez des tableaux de bord… et vous le faites mal !
En effet, vos tableaux de bords, vous ne les maîtrisez même pas. (Mêmes mouvements.) Le PLFG montre que le coût des remboursements et des dégrèvements a été sous-estimé de 2,2 milliards. C’est le signe de niches fiscales mal calibrées, injustes et contre-productives, qui n’empêchent aucun licenciement et qui envoient de l’argent public directement dans les poches des actionnaires. Contrairement à ce que la droite et l’extrême droite continuent de nous asséner, la baisse des impôts sur les sociétés n’entraîne pas une hausse des recettes magique par une augmentation de l’activité, mais seulement une baisse de recettes.
M. Charles Sitzenstuhl
C’est faux !
Mme Mathilde Feld
Plus grave encore : votre surestimation des recettes de TVA de 3,7 milliards ! Elle ne peut surprendre que celles et ceux qui, comme vous, méconnaissent la vie de nos concitoyens. Ouvrez les yeux : la plupart des Français n’ont plus les moyens de consommer. Qui peut dire qu’il vit mieux aujourd’hui qu’il y a sept ans, si ce n’est les 10 % les plus riches dont le patrimoine a doublé ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Avec ce texte, vous vous entêtez dans le maintien d’une politique austéritaire qui plonge plus de 10 millions de Français dans la misère et au moins autant dans la précarité, sous couvert de compétitivité ! Sous la menace constante que vous brandissez du matin au soir de voir les détenteurs de capitaux s’enfuir vers d’autres horizons !
Et je répète ce que j’ai dit ici même il y a quinze jours : je crois que c’est vous qui avez un problème avec les riches ! Quel mépris vous avez pour eux en considérant qu’ils n’ont aucun amour pour leur pays ! Qu’ils ne sont en France que par intérêt ! C’est vous qui les prenez pour des êtres grossiers qui ne pensent qu’à l’argent. (Mêmes mouvements.)
Nous faisons au contraire le pari que les riches aiment la France, comme nous, et qu’ils seront fiers de participer à son redressement en adhérant aux solutions que nous préconisons pour répondre aux besoins des Français et assurer la nécessaire bifurcation écologique, économique et sociale.
Votre absence totale de boussole désoriente les acteurs économiques et anéantit leurs efforts d’adaptation à vos politiques désordonnées. Il faut planifier et cesser ces revirements incessants et purement démagogiques, au gré des protestations légitimes de telle ou telle corporation.
Il faut maintenant arrêter de s’obstiner et admettre que seule une meilleure répartition des richesses permettra de relancer l’économie en redonnant du pouvoir d’achat aux Français et le pouvoir d’investir aux collectivités.
Ce projet de loi de fin de gestion reflète l’incapacité du gouvernement à prendre ses responsabilités en reconnaissant qu’il a fait fausse route. C’est pourquoi, chers collègues, j’invite celles et ceux qui ont à cœur de changer en mieux la vie des Françaises et des Français, à voter cette motion de rejet. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent.)
Explications de vote
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei (Dem)
Décidément, ces motions de rejet vous offrent une belle tribune. Si nous votions celle-ci, nous empêcherions l’ensemble de nos collègues, qui représentent tous les groupes, de s’exprimer. Je suis très choqué que vous l’ayez déposée. Manifestement, vous ne voulez pas débattre. Les autres représentants de groupe ont-ils le droit de s’exprimer et d’expliquer pourquoi ils sont pour ou contre ce texte ou bien vous seuls avez la parole ? Comment est-il possible de déposer une motion de rejet sur un projet de loi de fin de gestion ? Les bras m’en tombent. C’est une méthode extrêmement agaçante. Nous sommes là pour débattre, dans le respect des uns et des autres. J’aimerais que ces règles élémentaires soient observées. Nous voterons contre la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Félicie Gérard.
Mme Félicie Gérard (HOR)
C’est malheureusement devenu une habitude : La France insoumise refuse le débat démocratique. Pourtant, comme son nom l’indique, le projet de loi de fin de gestion pour 2024, inscrit à notre ordre du jour, porte sur la fin de gestion des dépenses budgétaires de l’État. Il contient donc les dispositions essentielles à l’exécution budgétaire de la fin de l’année en cours. Et ce qui est mis au vote cet après-midi, ce sont les conclusions de la commission mixte paritaire. Il nous est donc demandé de valider l’accord intervenu entre les députés et les sénateurs. Les députés du groupe Horizons & indépendants voteront contre la motion de rejet et pour le projet de loi de fin de gestion tel qu’il est issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny (UDR)
Une nouvelle fois, nous assistons à la commedia dell’arte de l’extrême gauche, le talent en moins. Cette motion de rejet reflète ce qu’elle est : incapable de débattre et d’écouter, elle cherche une nouvelle fois à censurer le débat. Oui, il serait intéressant de discuter de ce texte, du fiasco de la gestion des comptes publics, ne serait-ce que pour tenter de comprendre comment nous en sommes arrivés là et ne pas renouveler les mêmes erreurs à l’avenir. Nous voterons par conséquent contre la motion.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault (RN)
Nous voterons contre la motion de rejet qui revêt un caractère quelque peu pavlovien et dont la seule utilité serait de nous priver d’une partie des débats. Nous vous livrerons notre analyse de ce texte dans un instant. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR)
Mes chers collègues, jusqu’où ira votre nihilisme législatif ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Voter la motion de rejet, c’est priver le Parlement de la discussion. Une fois de plus, vous voulez monopoliser le débat.
Voter la motion de rejet, c’est aussi mépriser le travail parlementaire, le résultat des travaux d’une commission mixte paritaire aux termes desquels des députés et des sénateurs sont parvenus à un compromis – mais vous n’aimez pas les compromis, vous leur préférez largement la confrontation. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Voter la motion de rejet, c’est encore ne pas soutenir l’Ukraine. Mais sans doute voulez-vous plutôt soutenir vos amis russes, ce qui explique que vous ne vouliez pas de ce texte. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
C’est refuser de soutenir nos amis calédoniens ainsi que les forces de police auxquelles des primes ont été accordées pour leurs concours à la réussite des Jeux olympiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Voter la motion de rejet, c’est nier la réalité de nos comptes. Ce texte de fin de gestion se limite aux dispositions essentielles à l’exécution budgétaire de l’année 2024. Il constate simplement que des investissements ou des recrutements n’ont pas pu être réalisés.
Voter la motion de rejet, c’est enfin ajouter de l’incertitude à l’incertitude, du chaos au chaos. Et vous venez de nous dire, les yeux dans les yeux, que ce n’était pas grave, qu’il suffirait de reprendre le texte. Mais quand ? Et avec qui ? Dans quelles conditions puisque vous allez censurer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. David Guiraud.
M. David Guiraud (LFI-NFP)
Nous avons déposé cette motion de rejet car ce dernier projet de loi de finances avant votre chute vous résume bien : vous annulez encore des crédits destinés à des programmes sociaux et écologiques, mais vous débloquez 7 milliards d’euros supplémentaires pour la mission Remboursements et dégrèvements au lieu de limiter les niches fiscales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous clamez à qui veut l’entendre qu’il faut maîtriser les dépenses publiques et vous supprimez 4 000 postes d’enseignants, mais quand il s’agit de contrôler les cadeaux fiscaux faits aux plus riches, vous êtes aux abonnés absents.
M. Pierre Cordier
Guiraud, ministre du budget ! On sera bien fauchés !
M. David Guiraud
À peine avez-vous pris conscience de la chute imminente de votre gouvernement que vous prophétisez déjà le chaos ; vous l’avez tant répété que l’on en vient à penser que vous le souhaitez, ce désordre, pour vous accrocher aux dernières parcelles du pouvoir qui vous restent. En vérité, vous vous agitez car vous n’êtes plus capables de proposer un projet aux Français. Vous ne savez plus que nuire. Contrairement à vous, qui allez gentiment descendre à la prochaine station, les textes budgétaires poursuivront leur chemin à l’Assemblée jusqu’au terminus et nous pourrons prouver une nouvelle fois que nous sommes prêts à gouverner, en faisant adopter nos textes raisonnables, de justice sociale, qui font vivre l’idéal de liberté, d’égalité et de fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Le premier ministre ne perdra pas que son poste ce soir mais aussi son honneur. Vous ne manquez pas d’audace quand vous faites semblant de vous étonner de notre censure. Au moins cela remettra-t-il les pendules à l’heure. Hier, plutôt que de rassembler, de prendre de la hauteur, de s’adresser aux Français pour leur fixer un horizon, Michel Barnier a préféré voler au ras des pâquerettes en salissant Mélenchon. Si nous vous censurons, ce n’est pas parce que nous n’aimons pas nous mélanger, mais parce que les aigles ne volent pas avec les pigeons.
En faisant vos cartons, pensez à téléphoner au président de la République, qui se trouve actuellement en Arabie Saoudite. Conseillez-lui de bien regarder le désert autour de lui car c’est ce qui l’attend jusqu’à sa démission. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Notre opposition ferme et résolue à votre loi de finances et à votre gouvernement, nous la proclamons au nom de tous les Français qui ont du mal à trouver le sommeil, qui ont du mal à sourire, qui se lèvent tôt pour faire tourner ce pays. Bien sûr, vous continuerez les manigances et les trahisons mais, ce soir, quelques-uns verront avec plaisir que vous n’êtes plus intouchables et que l’espoir revient, avec votre départ. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Baumel.
M. Laurent Baumel (SOC)
Disons-le d’emblée, ce projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, comme tous les projets macronistes depuis sept ans, ne nous convient pas. Il acte l’annulation de 16 milliards d’euros de crédits budgétaires et nous ne pouvons nous en satisfaire. Ce sont notamment 230 millions en moins pour la justice, 400 millions en moins pour le fonds Vert, 360 millions en moins pour nos prisons, 500 millions en moins pour l’aide au logement et l’urbanisme. Néanmoins, nous savons qu’il ne nous sera pas possible de rétablir 16 milliards de dépenses dans les vingt-cinq jours qui restent cette année. Par ailleurs, ce texte prévoit des crédits utiles pour soutenir le rétablissement de l’économie et des services publics en Nouvelle-Calédonie, des primes pour les forces de sécurité après les JO de Paris, des aides pour l’Ukraine ou encore nos agriculteurs qui ont souffert des catastrophes climatiques. Ces crédits sont nécessaires, aussi voterons-nous contre la motion de rejet. Mais soyons clairs, nous sommes très mécontents de la baisse de 16 milliards d’euros et notre groupe proposera de rouvrir ces crédits en janvier 2025 lors de la poursuite de l’examen des textes budgétaires, sous un gouvernement, espérons-le, du Nouveau Front populaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie (DR)
Cette motion de rejet de votre part, chers collègues de La France insoumise, ne nous surprend pas, puisque vous en avez déposé une sur chaque texte. Nous sommes habitués. Cependant, à vous écouter, madame Feld, je me suis demandé si nous parlions du même texte. En effet, le projet de loi de finances de fin de gestion répond à des besoins et à des préoccupations. En déposant une motion de rejet, vous êtes dans le déni du travail parlementaire. Dois-je vous rappeler que la commission mixte paritaire a été largement conclusive puisque dix membres sur les quatorze n’ont pas voté contre ? De surcroît, cette commission mixte paritaire n’a pas dégradé le solde budgétaire initialement prévu dans le projet du gouvernement.
En déposant cette motion de rejet, vous renoncez à financer les besoins pour la Nouvelle-Calédonie – 1 milliard d’euros –, les primes accordées à l’occasion des Jeux olympiques, la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés, le soutien à l’Ukraine. Vous refusez donc de répondre à des besoins urgents et importants pour notre nation. Dans ces conditions, notre groupe votera contre la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson (LIOT)
Le groupe LIOT votera contre la motion de rejet préalable pour deux raisons : nous avons besoin de ce texte qui répond à des besoins urgents d’ici la fin de gestion 2024 et les annulations proposées correspondent à des économies de constatation puisque ce n’est pas avant le 31 décembre que nous pourrons consommer ces crédits.
Mme la présidente
Je mets aux voix la motion de rejet préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 368
Nombre de suffrages exprimés 359
Majorité absolue 180
Pour l’adoption 75
Contre 284
(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)
Discussion générale
Mme la présidente
La parole est à M. Didier Padey.
M. Didier Padey
C’est la deuxième fois que le Parlement est saisi d’un projet de loi de finances de fin de gestion afin de clore l’exercice budgétaire en cours. Par son recentrage sur la régulation des crédits budgétaires en fin de gestion, ce nouveau type de texte financier s’inscrit pleinement dans l’esprit initial de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) en se distinguant de la loi de finances initiale qui fixe les orientations budgétaires.
L’année dernière, nous avions su dialoguer et chercher des compromis pour aboutir à un accord sur ce texte, ce qui est assez rare pour que nous puissions le souligner, surtout s’agissant d’un texte budgétaire. Cette année, l’examen de ce texte dans notre Assemblée a été à l’image des dernières semaines : le jeu des postures l’a une nouvelle fois emporté sur l’exigence de responsabilité, ce qui a eu pour conséquence le rejet du texte. Nous le regrettons vivement. Toutefois, après son adoption par le Sénat, un accord a été trouvé hier entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire.
Nous nous retrouvons pour nous prononcer sur le texte issu de ce compromis dont l’objectif simple devrait collectivement nous rassembler. Il s’agit d’ajuster aux aléas de l’année en cours le scénario macroéconomique et les crédits définis dans la loi de finances initiale pour 2024.
Ainsi, s’il est adopté, ce texte permettra de financer des dépenses imprévues et indispensables destinées à soutenir l’économie de la Nouvelle-Calédonie, lourdement affectée par les destructions, à prendre en compte les besoins de nos armées – relatifs aux Opex et aux déploiements sur le front oriental de l’Otan – et de nos forces de sécurité, particulièrement mobilisées cette année dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques de Paris (JOP). Enfin, il débloquerait des crédits pour continuer à assurer à l’Ukraine un soutien indéfectible dans le conflit qui l’oppose à la Russie.
Ces dépenses sont compensées par des annulations nettes de crédits à hauteur de 5,6 milliards d’euros portant majoritairement sur la réserve de précaution. On peut ainsi contenir le déficit public dont nous ne pouvons que déplorer la nette dégradation par rapport aux prévisions du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Avec une croissance robuste et une inflation contenue, il atteindrait 6,1 % du PIB en 2024 pour une estimation initiale de 4,4 % tandis que la dette publique s’établirait à 112,8 % du PIB, soit près de 3 points de plus que prévu.
Si ces chiffres doivent nous pousser à redoubler d’efforts pour retrouver rapidement le chemin du rétablissement de nos finances publiques, ne nous trompons pas : ce texte, dépourvu de disposition fiscale, se borne à constater la dégradation des prévisions et n’a pas lieu de devenir un objet de débat.
C’est au sein de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, constituée en commission d’enquête, dont les travaux ont débuté hier, que nous pourrons faire toute la lumière sur les facteurs ayant conduit à un effondrement non anticipé des recettes fiscales de l’ordre de 42 milliards en 2023 et 2024, qui constitue la principale cause de la dégradation du déficit public.
Le contexte politique, la situation très préoccupante de nos finances publiques et la fragilité de la confiance des marchés financiers doivent nous pousser plus encore qu’auparavant à dépasser les clivages politiques et à faire preuve de responsabilité sur ce texte. En effet, si sa portée politique est limitée, il est essentiel car il doit permettre de financer des dépenses urgentes et nécessaires pour aborder avec sérénité la fin de l’année 2024 tout en évitant de creuser davantage le déficit public afin d’entamer le redressement effectif de nos finances.
Le groupe Les Démocrates votera donc sans réserve le PLFG pour 2024. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, DR et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Félicie Gérard.
Mme Félicie Gérard
Le PLFG pour 2024 porte sur la fin de gestion des dépenses budgétaires de l’État. Il contient les dispositions essentielles à l’exécution budgétaire de la fin de l’année en cours.
Afin d’éclairer nos concitoyens, je précise qu’il nous est demandé de nous prononcer cet après-midi sur l’accord intervenu entre les députés et les sénateurs réunis en commission mixte paritaire.
Contrairement à un projet de loi de finances rectificative (PLFR), le PLFG ne comprend pas de nouvelles dispositions fiscales : il évite ainsi de nouvelles taxes – et ne laisse pas cours à l’inventivité fiscale habituelle de nos collègues d’extrême gauche – ainsi que des dizaines d’amendements non financés et non finançables, sauf à accepter toujours plus d’impôts.
Il s’agit avant tout d’un texte « technique » qui vise à répondre aux imprévus et aux urgences de fin d’année tout en conservant une logique stricte d’économies. Dès février 2024, une première annulation de crédits de 10 milliards d’euros a été actée pour maîtriser la dépense publique. Dans le cadre de ce PLFG, 5,6 milliards d’euros supplémentaires de crédits de paiement sont annulés : cet effort budgétaire significatif témoigne de la volonté de contenir davantage le déficit dans un contexte économique difficile.
Malgré une situation budgétaire très particulière et fragile, ce texte permet un ajustement réfléchi, notamment sur des sujets régaliens, afin de soutenir la Nouvelle-Calédonie ou les forces de l’ordre qui nous ont protégés lors des JOP.
À l’issue de l’examen de ce texte au Sénat, le déficit à financer est diminué de 2 milliards d’euros grâce notamment à un remboursement par anticipation de prêts accordés par la France à la Grèce à hauteur de 1,7 milliard d’euros et à une actualisation des recettes fiscales nettes de 21 millions d’euros.
Ce texte soulève néanmoins des questions majeures sur la vision à long terme des finances publiques. Tout d’abord, si l’ajustement des crédits en fin d’année est logique, il doit être le plus réduit possible, car plus il est élevé, plus il révèle la difficulté de l’État à planifier ses dépenses et ses recettes. Ensuite, le PLFG pour 2024 confirme une importante révision à la baisse des recettes fiscales, notamment sur l’impôt sur les sociétés (IS) et la TVA. Cette situation met une nouvelle fois en évidence des fragilités structurelles dans le modèle de prévision des recettes de l’État. Il s’agit d’une difficulté récurrente ces derniers temps qui inquiète particulièrement le groupe Horizons et indépendants.
Enfin, le solde budgétaire 2024 traduit un déficit de 163,2 milliards d’euros, entraînant à nouveau un recours à l’endettement de court terme. Cette situation est évidemment très inquiétante au regard du poids de notre dette. Comme je le répète sans cesse, retrouver une trajectoire soutenable de réduction de la dette doit constituer une priorité absolue pour chacun d’entre nous.
Le rejet de ce texte par l’Assemblée nationale en première lecture révèle un manque de responsabilité politique. Alors que le projet de loi est indispensable pour répondre aux besoins budgétaires de 2024, il a pâti d’un jeu de postures politiciennes malheureusement trop fréquentes. Le groupe Horizons et indépendants regrette profondément toute forme de blocage.
L’adoption du texte par le Sénat démontre la faculté d’agir avec pragmatisme et de dépasser les postures. Les conclusions de la CMP ont d’ailleurs prouvé qu’un accord était possible. Le groupe Horizons et indépendants salue cet esprit de responsabilité. Notre pays mérite un dialogue constructif : les postures politiciennes doivent laisser place à l’intérêt général.
Les députés du groupe Horizons et indépendants voteront en faveur de ce PLFG pour 2024 issu des travaux de la CMP et appellent l’ensemble des députés à faire de même dans l’intérêt de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR ainsi que sur quelques bancs des groupes DR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Les membres de la CMP sont parvenus à un accord sur le PLFG pour 2024. Lors de l’examen de ce texte en première lecture, j’avais émis un certain nombre de réserves, notamment au sujet des ouvertures de crédits résultant de dotations très insuffisantes en loi de finances initiale – par exemple les crédits alloués à l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ou au parc d’hébergement d’urgence – et aux ouvertures massives demandées sur la mission Remboursements et dégrèvements – à hauteur de 7,7 milliards d’euros – principalement liées aux restitutions en hausse sur l’IS. J’avais enfin pointé la confirmation du dérapage du déficit public et du creusement de l’écart entre les prévisions de recettes en loi de finances pour 2024 et les sommes effectivement recouvrées.
Toutefois, malgré les limites de ce PLFG, les membres du groupe LIOT voteront en faveur du texte issu de la CMP ou s’abstiendront. En ma qualité de rapporteur général de la commission des finances, je vous invite à faire de même : abstenez-vous ou votez pour le texte et ce, pour trois raisons.
En premier lieu, celui-ci doit permettre de répondre à des besoins urgents de la fin de gestion 2024. Il ne s’agit pas de donner un blanc-seing au gouvernement mais de permettre à l’État de tenir ses engagements d’ici à la fin de l’année.
Ce PLFG couvrirait ainsi 1,6 milliard d’euros de surcoûts liés à l’organisation des JOP 2024 – on peut certes regretter qu’aucune provision n’ait été prévue dans le PLF mais il convient aujourd’hui de payer ces sommes – ainsi que 1,1 milliard d’euros alloués à la réponse à la crise en Nouvelle-Calédonie – quelles que soient les responsabilités des uns et des autres, il faut faire face à ces dépenses –, 315 millions d’euros pour la gendarmerie nationale afin de lui permettre d’honorer ses loyers impayés relatifs au second semestre 2024 – le plus souvent dus à des collectivités locales – et environ 190 millions d’euros pour financer les surcoûts entraînés par la dissolution de l’Assemblée nationale et l’organisation des élections législatives.
Le texte issu de la CMP propose en outre d’allouer 70 millions d’euros aux collectivités territoriales au titre de l’entretien de leur réseau routier. Alors qu’en ne leur distribuant les fonds votés au réseau routier national ni en 2023 ni en 2024, le gouvernement n’a pas respecté l’intention du législateur, j’espère que l’adage « jamais deux sans trois » ne sera pas vérifié et que vous vous engagez, monsieur le ministre, à ce que les collectivités perçoivent ces crédits.
La CMP s’est enfin accordée pour indemniser à hauteur de 20 millions d’euros les exploitants viticoles touchés par le mildiou.
L’ensemble de ces ouvertures supplémentaires sont gagées par une augmentation des annulations à hauteur de 90 millions d’euros sur la mission Investir pour la France de 2030 qui porterait sur des reliquats de crédits du programme d’investissements d’avenir (PIA).
J’en viens à ma deuxième raison en faveur du vote. Si je comprends les réticences de certains de nos collègues vis-à-vis des annulations proposées par le PLFG, je veux les rassurer : celles-ci ne portent que sur des économies de constatation. En effet, le PLFG annule des crédits qui ne pourraient pas être consommés d’ici au 31 décembre. Ces annulations, qui traduisent ce constat de non-consommation, sont sans conséquences pour la viabilité des dispositifs concernés.
Enfin, je voudrais tirer une nouvelle fois la sonnette d’alarme sur l’état de nos finances publiques. En ma qualité de rapporteur général, j’ai reçu lundi soir à vingt-deux heures vingt-quatre un message du gouvernement nous indiquant que les recettes de TVA seraient encore plus mauvaises que prévu, à hauteur d’1,4 milliard d’euros. Ainsi, alors que la loi de finances pour 2024 prévoyait des recettes de TVA de 220,7 milliards d’euros, celles-ci ne seraient finalement que de 210,7 milliards d’euros, soit une diminution finale de 4,5 % représentant 10 milliards d’euros de moins qu’anticipé. Cette situation confirme l’absence de reprise de la consommation en 2024.
En ce qui concerne l’IS, l’écart est de l’ordre de 14 milliards sur 57 milliards de recettes, ce qui est énorme.
Alors que ces moindres recettes aboutiraient à dégrader davantage le déficit public, notre assemblée peut remercier le gouvernement grec de venir à notre rescousse. En effet, les remboursements anticipés de sa dette à l’égard de la France s’élèvent pour 2024 à 1,7 milliard d’euros. C’est une aide ponctuelle bienvenue à l’heure où les comptes publics grecs reviennent progressivement à l’équilibre tandis que les nôtres poursuivent leur dérive.
En conclusion, sans l’adoption de ce PLFG, certains services publics manqueraient des moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs missions tandis que le dérapage budgétaire en 2024 continuerait à s’amplifier. Pour l’ensemble de ces raisons, les membres du groupe LIOT voteront le texte issu de la CMP adopté ce matin au Sénat ou s’abstiendront. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – Mme Émilie Bonnivard, MM. Marc Fesneau et François Hollande applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Maurel.
M. Emmanuel Maurel
À chacun ses tics de langage. Pour leur part, les partisans du président de la République usent et abusent de l’expression « en responsabilité », peut-être pour asseoir une crédibilité qu’ils savent entamée ou pour se rassurer et tenter de conforter une réputation de sérieux budgétaire largement perdue.
Chers collègues, je vous prends au mot. Agir « en responsabilité » signifie à la fois répondre de ses actes et de son bilan mais également, selon le dictionnaire, réparer les dégâts qu’on a causés. Or, avec ce PLFG, vous ne faites ni l’un ni l’autre !
À l’instar du PLF pour 2025, ce PLFG témoigne d’une discordance spectaculaire entre la parole et les actes qui mine la crédibilité de l’État et de la puissance publique vis-à-vis des Français, des entreprises et même vis-à-vis de ceux qui vous préoccupent tant : les créanciers de la France.
Si vous alertez sur l’état des finances publiques et proclamez que les erreurs du passé ne se reproduiront plus, vous n’agissez jamais sur les causes structurelles de ces déséquilibres constatés par tous, qui tiennent moins à un excès de dépenses qu’à la pénurie de recettes que vous avez méthodiquement organisée depuis sept ans.
D’ailleurs les groupes de gauche et le rapporteur général du budget ne sont pas les seuls à le dire : même la Cour des comptes s’en émeut et reconnaît qu’il manque 60 milliards de recettes en raison des libéralités que vous avez accordées sans contrepartie – ni même véritable résultat sur une économie anémiée par la politique de l’offre.
Vous réagissez de façon pavlovienne en hurlant au matraquage fiscal à la moindre proposition visant à desserrer l’étau budgétaire. Cela vous conduit à vous livrer à une forme de cavalerie budgétaire – que nous dénonçons aujourd’hui – à coups de rabots, de reports de crédits et d’inscriptions, en fin d’année, de dépenses prétendument non prévues alors que, nous le savions toutes et tous, elles étaient parfaitement prévisibles.
J’en viens à votre argument massue selon lequel, si nous n’adoptions pas ce texte, les crédits ne seraient pas votés. Au passage, je vous en conjure : évitons la rhétorique catastrophiste. Aujourd’hui par exemple, à vous croire, nous serions sous la menace, à la fois, des dix plaies d’Égypte et des quatre cavaliers de l’Apocalypse. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP.)
M. Emmanuel Duplessy
Excellent !
M. Emmanuel Maurel
Il faut rassurer les Français qui nous écoutent : ce n’est pas ce qui se produira. Nous donnons un avis politique sur un texte politique mais, en aucun cas, il ne faut verser dans un catastrophisme qui est en réalité, selon moi, une tentative désespérée de sauver un navire en train de couler. Je m’adresse donc à vous tous qui nous écoutez : ne soyez pas inquiets.
Le gouvernement a volontairement sous-doté des postes budgétaires comme l’allocation aux adultes handicapés, les bourses sur critères sociaux (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS), les hébergements d’urgence et même les JOP. Vous avez agi ainsi dans le seul but d’afficher un déficit moindre. À présent, vous arrivez navrés et contrits en affirmant qu’il n’est pas possible de faire autrement. Eh bien si, c’est possible !
M. Alexis Corbière
Bravo, monsieur Maurel !
M. Emmanuel Maurel
Ce qui frappe dans votre argumentation, ce sont les écarts abyssaux entre les prévisions de recettes fiscales et le montant finalement encaissé par l’État. On parle de 24 milliards de moins que ce qui avait été annoncé, c’est tout simplement du jamais-vu.
Mme Dominique Voynet
Maurel président !
M. Jean-René Cazeneuve
Mensonge ! Pinocchio !
M. Emmanuel Maurel
Je suis désolé, monsieur Cazeneuve, mais c’est la vérité. Je sais bien qu’elle vous fait mal et qu’elle vous fait peur mais les Français la connaissent – vous vous en rendrez compte dans moins d’une heure. Même le rapporteur général du budget au Sénat, du groupe Les Républicains, s’en est ému.
Aujourd’hui, se prononcer sur ce texte, c’est précisément se prononcer sur ce bilan. Parce que, dans ce projet de loi, il n’y a « rien qui va » – comme dirait une ancienne première ministre, actuellement absente de l’hémicycle mais qui arrivera tout à l’heure –…
M. Alexis Corbière
Exactement !
M. Emmanuel Maurel
…et aussi parce que vous avez décidé, dans une tentative navrante et triste, de vous compromettre une ultime fois avec l’extrême droite plutôt que de nous tendre la main, nous voterons évidemment contre ce texte et, tout à l’heure, nous voterons la censure. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Mme Eliane Kremer
Que proposez-vous à la place ?
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Dans un contexte de valse des politiques, de changements d’assemblée ou potentiellement de gouvernement, nous devons toujours voter sur les mêmes vieilles recettes puisqu’on nous demande d’approuver des déficits abyssaux – un rituel pour perpétuer l’immobilisme.
Aujourd’hui, voter contre ce texte n’aurait aucun sens. Comme le dit le proverbe, tout ce qui est passé est mort. Ce PLFG est le produit de décisions déjà actées, d’un passé budgétaire que l’on ne peut réécrire.
Le groupe UDR a donc choisi de voter pour ce texte. Car si nous refusons d’endosser la responsabilité d’un tel échec, nous ne voulons pas non plus ajouter au chaos en donnant l’illusion qu’une opposition stérile pourrait corriger des erreurs déjà commises.
Toutefois, ne vous y trompez pas : ce vote est un cri d’alarme, une condamnation sans appel d’un modèle à l’agonie.
Ce PLFG est le symbole d’un État prisonnier : prisonnier de sa gabegie budgétaire, prisonnier de sa dépendance à la dette pour financer sa trop faible croissance, prisonnier d’une extrême gauche toute-puissante dans ce pays, prisonnier de ses propres contradictions, oscillant entre immobilisme et précipitation, prisonnier d’une bureaucratie tentaculaire qui étouffe toute ambition de réforme, prisonnier d’une élite politique plus préoccupée par sa survie que par l’avenir du pays, enfin prisonnier d’une idée, celle d’un prétendu modèle français, hélas à bout de souffle.
La France est empêtrée dans ses chaînes idéologiques et chaque jour qui passe resserre un peu plus ces liens autour de son avenir. Depuis des années, nous n’avons plus de politique budgétaire mais sommes seulement guidés par une mécanique aveugle qui trace le chemin de notre propre déclin.
Le rêve cauchemardesque de l’extrême gauche, consistant à faire payer à nos enfants son propre gaspillage d’argent public, ne séduit plus personne. Oui, je souhaite que nous ouvrions les yeux en cessant de la suivre dans ses moindres caprices. Sa solution à chaque problème ? Toujours plus de dépenses, toujours plus d’impôts. Elle ne voit, dans les entreprises, que des tirelires à voler et, dans les Français, que des pauvres qui doivent le rester et des classes moyennes qui doivent le devenir.
M. Hervé de Lépinau
Excellent !
M. Aurélien Le Coq
Macroniste !
M. Gérault Verny
Ouvrons les yeux : les Français ne sont pas des distributeurs de billets. Les ménages et les entreprises ne sont ni des moutons à tondre ni des vaches à lait. À force de pressurer nos forces vives, la gauche condamne notre économie à l’asphyxie.
Mme Mathilde Feld
C’est sûr que notre économie va bien !
M. Gérault Verny
Nous devons avoir le courage de dire les choses clairement : non, la France n’a pas besoin de plus de dépenses ; elle n’a pas non plus besoin de davantage de fonctionnaires ni de davantage de normes. Non, la France n’est pas obligée d’aider au développement de la Chine ou de l’Algérie ni de soigner le monde entier ; elle n’est pas non plus obligée de noyer ses entreprises. (Mme Brigitte Barèges et M. Éric Ciotti applaudissent.)
Mme Brigitte Barèges et M. Éric Ciotti
Bravo !
M. Gérault Verny
Chaque jour sans action aggrave le fardeau qui pèse sur les épaules des Français : pour chacun de nous, la dette s’élève à 110 000 euros. Chaque euro de dépense non financée aujourd’hui aggrave cette situation terrifiante. Chaque nouvelle taxe, chaque nouvelle norme constituent un frein supplémentaire à l’investissement, à la consommation, à la prospérité.
Ce que la France attend, c’est non un État obèse qui étouffe les citoyens sous le poids de sa propre inefficacité mais un État efficace, recentré sur ses missions essentielles, qui libère les énergies et récompense le travail, l’effort et la prise de risque. En un mot, il est temps de tourner la page d’une politique budgétaire archaïque pour écrire une nouvelle histoire, celle d’un État responsable et d’une nation ambitieuse.
Notre vote aujourd’hui n’est pas un compromis : c’est un message pour dire que nous refusons de continuer sur cette pente dangereuse. La gauche veut un banquet financé par nos enfants, tandis que nous voulons une table autour de laquelle chacun puisse construire l’avenir.
M. Laurent Baumel
C’est beau !
M. Gérault Verny
Ce PLFG n’est pas seulement un texte : c’est un miroir qui nous renvoie l’image d’un système à bout de souffle. Il est temps de faire des choix – pour demain, pas pour hier.
À l’aube de la nomination d’une nouvelle équipe gouvernementale, je vous exhorte au courage pour la France, pour ses entreprises, pour ses paysans et pour ses artisans – bref, pour les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. Hervé de Lépinau
Très bonne intervention !
Mme la présidente
Sur le texte de la CMP, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
L’exercice budgétaire aura été, en 2024 comme en 2023, synonyme de faillite. Alors que les prévisions initiales pour le budget de cette année donnaient un déficit à 4,4 % du PIB, les prévisions corrigées dans le présent projet de loi de fin de gestion l’évaluent à 6,1 % du PIB.
Le dérapage budgétaire en 2024 est dû non seulement à des recettes moindres mais également à des dépenses publiques hors de contrôle. La prévision initiale du Gouvernement pour le budget de 2024 s’élevait à 1 622 milliards de dépenses publiques. Avec ce projet de loi de fin de gestion, on acte une dépense publique à hauteur de 1 658 milliards, soit un dérapage sur les dépenses qui s’élève à 35 milliards – et encore : ce chiffre tient compte des annulations de crédits en cours et en fin d’année, décidées en catastrophe à défaut d’un projet de loi de finances rectificative que nous avions pourtant réclamé.
Ce dérapage de 35 milliards n’est pas de nature à rassurer les marchés financiers. Ils sont témoins de la dette publique de 3 300 milliards mais aussi de la dette Macron de 1 100 milliards. Ils ont été témoins – ils l’ont d’ailleurs intégré dès cet été – du risque lié à la dissolution ratée d’Emmanuel Macron. Les marchés financiers sont donc à présent témoins de la dérive des dépenses publiques de 35 milliards en 2024 ainsi que du budget 2025 et de l’augmentation des dépenses publiques qu’il contient, à hauteur de 2 %. Enfin, ils seront certainement témoins, tout à l’heure, du rejet du budget qui permettra de stopper la dérive folle des dépenses publiques en 2025.
Cet arrêt sera rendu possible par un gel des crédits en 2025, un budget dit zéro valeur qui correspond à une reconduction des crédits de 2024. Celle-ci n’inclura pas – il est important de le souligner – les 35 milliards de dérapages de dépenses que je viens de décrire. Ce facteur de stabilité, de maîtrise des dépenses publiques pourra rassurer les marchés.
M. Julien Odoul
Il a raison !
M. Matthias Renault
Nous partirons ainsi en 2025 sur une base de non-augmentation des dépenses, ce qui est nettement mieux que le budget Barnier. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Ce gel des crédits en 2025 – une maîtrise, en quelque sorte forcée, de la dépense publique – ne dispensera pas de faire des économies structurelles, sur la mauvaise dépense, sur la simplification du millefeuille administratif, sur la bureaucratie et sur le train de vie de l’État en concentrant la dépense sur le régalien.
Une fois ce portrait pour 2024 brossé et les perspectives pour 2025 dessinées, il n’apparaît cependant pas souhaitable de rejeter ce projet de loi de fin de gestion, et ce pour plusieurs raisons.
M. Aurélien Le Coq
Ah ! Macroniste !
M. Matthias Renault
D’abord, ce projet de loi contient des annulations de crédits déjà actées par les ministères. Or nous ne souhaitons pas désorganiser la continuité de l’État. Il n’y aura pas de shutdown – ni en fin d’année ni en début d’année prochaine.
M. Aurélien Le Coq
C’est le ministre qui a écrit le discours ?
M. Matthias Renault
Ensuite, ce texte ouvre des crédits indispensables pour la Nouvelle-Calédonie, dont la situation nécessite une réponse urgente, au-delà des différences partisanes.
Enfin, au cours des débats parlementaires, ce texte a été enrichi par une enveloppe d’urgence pour les agriculteurs. Nous avions d’ailleurs proposé d’inclure, dès ce projet de loi de fin de gestion, les mesures de baisses d’impôts, d’un montant raisonnable, en faveur des agriculteurs prévues par le PLF et par le PLFSS pour 2025. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Nos amendements ayant été déclarés irrecevables par le gouvernement, il faudra choisir le véhicule le plus proche – une loi spéciale ou, en dernier ressort, une loi de finances rectificative du début d’année 2025 – pour réintroduire ces mesures qui font quasiment consensus.
Nous voterons donc en faveur du texte pour des raisons pragmatiques liées – comme l’indique le titre – à une fin de gestion. Vous l’aurez compris, ce n’est évidemment pas un vote en faveur de la dérive des dépenses publiques constatée en 2024. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Aurélien Le Coq
Les macronistes viennent déjà de s’exprimer, non ?
M. Jean-René Cazeneuve
Membre du socle commun et soucieux de la bonne trajectoire de nos finances publiques, je vais essayer de rappeler l’importance du PLFG pour notre pays, qui plus est dans la période d’instabilité que nous connaissons. En le votant, nous apporterions un peu de sérénité à un moment où nous en avons tous besoin.
La stabilité budgétaire constitue un triple impératif : moral, tout d’abord, car c’est ce que nous demandent les Français qui n’en peuvent plus des apprentis sorciers désireux d’ajouter de l’incertitude à l’incertitude ; économique ensuite, puisque l’instabilité fige les investissements et l’activité de nos entreprises mais aussi la consommation des ménages français ; financier enfin, dans la mesure où il faut réduire au maximum notre déficit et apporter des réponses face aux urgences qui ont frappé notre pays.
L’adoption du PLFG permettrait en outre d’appliquer plusieurs mesures indispensables pour notre pays et attendues par nos concitoyens. Je pense par exemple, premièrement, à notre soutien à l’Ukraine qui en a particulièrement besoin, au lendemain des élections américaines. Ensuite, nous nous étions engagés à payer des primes à nos policiers et nos gendarmes qui ont fait un effort particulier lors des Jeux olympiques car il est de notre devoir de récompenser ceux qui nous protègent. Enfin, et surtout, nous devons répondre aux besoins de nos concitoyens en Nouvelle-Calédonie, ce qui passe par l’ouverture de près d’1 milliard de crédits, en particulier pour relancer l’économie et les services publics particulièrement fragilisés lors des émeutes du début de l’année.
Soyons clairs avec nos concitoyens : en cas de rejet du PLFG, nous ne pourrons pas venir en aide à nos compatriotes. Ce serait tout bonnement irresponsable.
Mme Christine Arrighi
Vous ne pouvez pas dire ça !
M. Jean-René Cazeneuve
Lors des travaux de cette CMP – qui a été conclusive –, nous avons fait le choix d’une grande sobriété, et de nous en tenir à quelques modifications visant, en particulier, à soutenir nos viticulteurs, à hauteur de 20 millions d’euros.
M. Sylvain Maillard
C’est vrai !
M. Jean-René Cazeneuve
L’amendement, que j’ai déposé et défendu au nom du groupe Ensemble pour la République, est indispensable pour nos agriculteurs qui ont subi trois – voire quatre – années de crise consécutives.
M. Sylvain Maillard
Tu es là pour eux !
M. Benjamin Dirx
Nous défendons la viticulture !
M. Jean-René Cazeneuve
Je suis heureux que la représentation nationale, dans cette période difficile, ait fait le choix de les soutenir.
Nous avons également débloqué 70 millions pour les réseaux autoroutiers, au bénéfice des collectivités territoriales.
Ces deux mesures sont financées par des moindres dépenses à hauteur de 90 millions sur des crédits non consommés pour le programme d’investissements d’avenir.
Ce texte n’entraîne donc aucune dégradation du solde budgétaire par rapport à la version initialement proposée par le gouvernement : c’est aussi, dans une telle période, un gage de sérieux. La CMP montre donc que le travail parlementaire peut fonctionner, et qu’il est possible de trouver, sur le budget, les chemins d’un accord.
Ce PLFG démontre bien, enfin, que les dépenses de l’État n’ont pas dérapé en 2024, au rebours de ce que je peux entendre, ici ou là, dans cet hémicycle. Elles sont inférieures de 6 milliards à ce qui était prévu dans la loi de finances initiale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) Les différentes décisions prises par le gouvernement de Gabriel Attal – 10 milliards d’annulation de crédits en février, 16 milliards de gel en juillet – ont permis, au fur et à mesure que les mauvaises nouvelles sur nos recettes se confirmaient, de maîtriser les dépenses de l’État.
Mme Olivia Grégoire
Eh oui !
M. Jean-René Cazeneuve
Ce texte est indispensable pour nos policiers, nos gendarmes, nos AESH – accompagnants d’élèves en situation de handicap –, nos viticulteurs et nos compatriotes néo-calédoniens. Il est le résultat d’un travail parlementaire et d’un accord entre les deux chambres.
L’instabilité politique est un poison lent, qui mine notre pays. Soyons responsables et votons ce texte, comme le fera le groupe Ensemble pour le République.
Permettez-moi pour terminer, monsieur le ministre Laurent Saint-Martin, de vous remercier pour votre travail, votre écoute et votre engagement tout au long de nos travaux budgétaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR, sur quelques bancs des groupes DR et Dem ainsi que sur plusieurs bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Chers collègues, monsieur le ministre : l’heure est venue pour vous de nous quitter. Nous vous avions prévenus. (M. Jean-René Cazeneuve s’exclame.) Cet après-midi, nous enfonçons, un à un, les clous dans le cercueil de la Macronie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) À l’heure où la triste page de vos sept ans de saccage social se tourne enfin,…
M. Benjamin Dirx
Il faut vous encarter au Rassemblement national !
M. Aurélien Le Coq
…vous avez choisi la dernière trace que vous souhaitiez laisser dans l’histoire : étrangler les Français, saccager les services publics, appauvrir les plus pauvres pour enrichir les plus riches.
M. Thibault Bazin
Vous n’avez pas honte ?
Mme Olivia Grégoire
Ça va !
M. Vincent Descoeur
Caricatural !
M. Aurélien Le Coq
Tout y est, dans ce plan d’austérité de fin d’année : ces dernières heures sont à l’image des sept dernières années. Vous vous acharnez à exercer toute votre violence de classe contre le peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – « Oh ! » sur les bancs du groupe DR.) Vous allez prendre à l’éducation, à l’écologie, à l’hébergement d’urgence, à la cohésion des territoires, au sport, de quoi payer vos cadeaux fiscaux.
M. Thibault Bazin
Vous racontez n’importe quoi, il y en a marre !
M. Aurélien Le Coq
Pour le malheur des pauvres, ce sont 6,4 milliards de coupes budgétaires qui financeront 7 milliards pour le gavage des actionnaires et des multinationales.
M. Thibault Bazin
Ce sont au contraire les classes modestes qui vont perdre le plus à votre censure !
M. Aurélien Le Coq
Aujourd’hui, vous allez partir. Mais vous resterez à jamais les défenseurs d’une infime caste de privilégiés ; vous resterez à jamais les bourreaux des plus pauvres.
Mme Prisca Thevenot
Les arguments sont faiblards !
Mme Olivia Grégoire
Et la République, c’est vous, c’est ça ?
M. Aurélien Le Coq
Une fois de plus, lorsqu’il s’agit de protéger ceux qui s’engraissent, en détruisant nos écoles,…
M. Vincent Descoeur
Qui a détruit l’école ?
M. Aurélien Le Coq
…en détruisant la planète, en diminuant l’investissement productif, vous allez retrouver vos complices habituels du Rassemblement national (Mme Prisca Thevenot s’exclame), ceux-là mêmes qui versent de chaudes larmes sur les ouvriers et s’apprêtent à voter un texte qui les poignarde dans le dos.
M. Jean-Pierre Vigier
N’importe quoi !
M. Aurélien Le Coq
Il y a, dans ce texte, 1,2 milliard d’annulation de crédits sur la mission Investir pour France de 2030. À l’heure où toutes les usines ferment, cet argent ne pourrait-il pas servir à quelque chose ? Je pense aux ouvriers d’ArcelorMittal dont l’usine doit disparaître à Reims et à Denain, quand 20 000 emplois sont en danger à Dunkerque. Pendant que vous gavez les patrons, les ouvriers crèvent ! Vous brisez des vies et des familles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Eliane Kremer
Parlez de ce que vous connaissez !
M. Aurélien Le Coq
Je pense aussi aux familles des salariés d’Auchan : 2 389 chômeurs et autant de vies détruites.
Un député du groupe EPR
Il y en aura encore plus avec vos impôts !
M. Aurélien Le Coq
Ce texte continue d’entériner la subvention publique des plans sociaux. Heureusement pour vous, les premiers hypocrites de France volent à votre secours : le Rassemblement national,…
M. Pierre Cordier
Ce sont vos copains !
M. Sylvain Maillard
Ils sont copains comme cochons !
M. Aurélien Le Coq
…qui, après avoir rejeté ce texte en commission et en première lecture, après s’être abstenu en CMP – alors que le texte était resté le même – s’apprête à voter pour. Pourquoi ? Quel accord d’arrière-boutique Marine Le Pen a-t-elle encore conclu avec Emmanuel Macron ? Qu’avez-vous reçu pour vous livrer à cette basse besogne ? (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
M. Vincent Descoeur
On parle à des spécialistes !
M. Aurélien Le Coq
Si vous votez pour, vous acceptez sciemment un nouveau plan d’austérité d’une rare violence. (M. Emmanuel Fouquart s’exclame.) Vous serez à jamais responsables du dernier mauvais coup de la Macronie contre le peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Même en ce jour d’obsèques pour la Macronie, nous pourrions assister à un nouvel épisode du mariage entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron.
Mme Marine Le Pen
Vous avez voté pour lui !
M. Aurélien Le Coq
Que personne ne l’oublie : vous avez déjà sauvé Macron à deux reprises, en rejetant la première motion de censure et en vous opposant à la procédure de destitution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – « Allez, allez ! » sur les bancs du groupe RN.) Vous vous vendez, à chaque fois que l’occasion se présente. Vous êtes une honte. (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Sachez qu’après la chute de ce gouvernement, le reste suivra, à commencer par le président de la République, dont le temps à l’Élysée est compté. En république, on ne gouverne pas contre le peuple, on ne vole pas les élections en toute impunité.
Mme Sophie Ricourt Vaginay
C’est vous qui les avez volées !
M. Aurélien Le Coq
Toutes celles et ceux qui, jusqu’au bout, auront contribué à pourrir la vie des Français finiront par devoir l’assumer dans les urnes.
Nous avons aujourd’hui l’occasion, non seulement de renvoyer ce gouvernement, mais aussi de nous opposer à son dernier méfait.
Mme Olivia Grégoire et M. Romain Daubié
Allez, arrêtez !
M. Aurélien Le Coq
Avant de refermer son cercueil, n’oublions donc pas d’y glisser ce plan d’austérité. Je ne sais pas si l’on peut souhaiter à la Macronie de reposer en paix, mais, au moins, vous foutrez la paix aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Gabriel Attal
Quelle honte !
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Baumel.
M. Laurent Baumel
Vous savez que nous ne soutenons pas, et n’avons jamais soutenu, la politique budgétaire macroniste,…
M. Jean-Yves Bony
Nous non plus !
M. Laurent Baumel
…faite de cadeaux fiscaux réitérés aux plus riches et aux plus grosses entreprises, politique conduisant à l’extinction progressive des recettes publiques et conséquemment à l’explosion des déficits, tandis qu’on choisit de faire payer cette facture aux classes populaires, aux classes moyennes et aux collectivités locales – qui portent pourtant, sur nos territoires, nos services publics.
La prétendue efficacité de cette politique est par ailleurs démentie par les faits : 9 millions de pauvres, 330 000 sans-abri, un taux de chômage qui repart à la hausse, tout comme les plans sociaux, et une croissance peinant à dépasser 1 %.
En prenant acte de la suppression de 16 milliards d’euros de dépenses publiques, le présent texte s’inscrit encore dans cette logique. Ce sont 230 millions en moins pour la justice, 400 millions en moins pour le fonds Vert, 360 millions en moins pour nos prisons ou encore 500 millions en moins pour l’aide au logement et l’urbanisme. Chaque ministère, chaque collectivité voit son budget raboté, une fois de plus, pour payer les pots cassés de vos sept années de chèques en blanc.
Nous sommes cependant des députés pragmatiques, et nous savons qu’il sera malheureusement impossible, dans les vingt-cinq jours restants en ce mois de décembre, de rouvrir 16 milliards de crédits. Nous savons aussi que ce projet de loi comporte, par ailleurs, quelques crédits nécessaires et importants : pour le soutien au rétablissement de l’économie et des services publics en Nouvelle-Calédonie, même si les efforts ne sont pas encore à la hauteur de la crise que connaît ce territoire, pour les primes à nos forces de sécurité mobilisées pendant les Jeux olympiques et paralympiques, pour l’Ukraine et pour aider nos agriculteurs à faire face aux catastrophes climatiques – contre lesquelles vous n’avez pas véritablement cherché à lutter.
C’est pourquoi, par pragmatisme et par esprit de responsabilité, pour les Calédoniens, pour nos agriculteurs et nos policiers, nous nous abstiendrons sur ce texte, en attendant de créer, tout à l’heure, des conditions politiques nouvelles permettant de mettre véritablement fin à vos errances. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Marie-Christine Dalloz et M. Thibault Bazin applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Corentin Le Fur.
M. Corentin Le Fur
Ce projet de loi de fin de gestion, pour essentiel qu’il soit, semble bien dérisoire à quelques minutes du vote d’une motion de censure qui, si elle devait être adoptée, comme il est probable qu’elle le soit, nous priverait d’un budget et plongerait le pays dans l’abîme.
Nous faisons face à un choix grave, qui engage notre responsabilité à tous. Allons-nous permettre à Michel Barnier et à son gouvernement de poursuivre leur travail pour le redressement du pays (« Non ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP), ou bien allons-nous voir la France plonger tête baissée dans l’incertitude et le chaos ? (« Non plus ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Andrée Taurinya
C’est vous, le chaos !
M. Corentin Le Fur
Qui peut croire que la censure améliorera la situation des Français ou rendra notre pays plus fort ? C’est tout l’inverse qui se prépare : tout sera plus incertain, plus compliqué, plus difficile – tout cela par ce que LFI et le RN ont choisi de s’allier et de joindre leurs voix, pour mener ensemble la politique du pire.
M. Antoine Vermorel-Marques
Eh oui, il a raison !
M. Corentin Le Fur
Si le NFP a fait depuis longtemps de la censure son horizon politique (Mme Anaïs Belouassa-Cherifi s’exclame), je constate que, par pur opportunisme et pour servir sa seule ambition électorale, Marine Le Pen choisit désormais de la leur offrir sur un plateau. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) En servant son seul agenda personnel, en se livrant à de la politique politicienne, elle prouve qu’elle n’est pas à la hauteur de l’intérêt général. En servant de béquille à l’extrême gauche et en votant une motion de censure déposée par les Insoumis, le RN se décrédibilise et plonge la France dans de grandes turbulences économiques, sociales et financières. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Chers collègues des deux extrêmes, vous avez aujourd’hui la même stratégie : attiser le désordre et provoquer la crise de régime.
M. Stéphane Rambaud
Le chaos, c’est vous !
M. Corentin Le Fur
C’est d’autant plus regrettable que plusieurs députés du groupe RN nous disent, en privé, le malaise qu’ils ressentent vis-à-vis de cette stratégie jusqu’au-boutiste et irresponsable, qu’ils ne cautionnent pas.
M. Alexandre Sabatou
Il n’y a aucun malaise !
Mme Justine Gruet
Ils ont voulu essayer, ils ne sont pas déçus !
M. Corentin Le Fur
Vous ne pouvez pas ignorer que cette censure pourrait déclencher une crise financière qui va renchérir le coût du financement de notre dette et creuser davantage nos déficits, déjà vertigineux. Vous ne pouvez pas ignorer ce que cette politique de la terre brûlée implique pour la France et les Français.
Je salue dans ces circonstances l’esprit de responsabilité, l’honneur et la dignité du premier ministre, qui a prouvé qu’il n’était pas prêt à tout pour sauver son poste. Le compromis, oui ; l’écoute et le dialogue, oui ; mais la surenchère et le marchandage, non ; et le chantage, sûrement pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
C’est un premier ministre qui a su faire un pas vers ses interlocuteurs, lesquels sont pourtant restés campés sur leurs positions et s’apprêtent ainsi à priver la France de budget.
M. Thibault Bazin
Malheureusement !
M. Corentin Le Fur
Je vous prends à témoin, chers collègues : vous devrez assumer toutes les conséquences de cette censure. Si elle est votée, ce sont 18 millions de Français qui vont voir augmenter mécaniquement leur impôt sur le revenu, et ce dès le 1er janvier. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Nicolas Sansu
C’est faux !
M. Corentin Le Fur
Ce sont également 380 000 ménages supplémentaires qui seront assujettis à l’impôt sur le revenu.
M. Nicolas Sansu
Menteur !
M. Corentin Le Fur
Où sont les pseudo-défenseurs de la France qui travaille ?
Si la censure est votée, aucun moyen supplémentaire ne sera affecté à nos forces de l’ordre. Où sont les défenseurs de l’ordre et de la sécurité ?
Si la censure est votée, aucune des mesures en faveur du monde agricole ne pourra s’appliquer. Où sont les défenseurs des agriculteurs et des retraités de l’agriculture ?
M. Antoine Léaument
Rendez l’argent !
M. Corentin Le Fur
Si la censure est votée, l’embauche de 2 000 AESH supplémentaires sera gelée. Où sont les défenseurs de l’école inclusive et de l’instruction pour tous ?
Si la censure est adoptée, l’extension du prêt à taux zéro à tous nos concitoyens sera remisée au placard. Où sont les défenseurs de l’accès au logement et de la ruralité ?
Si elle est votée, adieu les 2 milliards d’euros débloqués en urgence pour les Ehpad et pour les soignants. Où sont ceux qui disent vouloir lutter contre la désertification médicale ?
Si elle est votée, notre dette et notre déficit vont se creuser de manière plus spectaculaire encore.
M. Emeric Salmon
Ce n’est pas déjà spectaculaire ?
M. Corentin Le Fur
Où sont ces partis qui aspirent à devenir des formations de gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Cette censure a un coût, et les agriculteurs français, les soignants, les forces de l’ordre et les classes moyennes paieront la note.
Mme Eliane Kremer
Oui, ce sont les Français qui vont payer !
M. Corentin Le Fur
Enfin, si la censure est votée, toutes les avancées que nous avons obtenues grâce au compromis, tout ce que nous avons construit collectivement va tomber à l’eau, ou passer par pertes et profits.
M. Aurélien Le Coq
Il n’y avait personne sur vos bancs pendant les débats budgétaires ! Vous étiez où ?
M. Corentin Le Fur
Notre pays sera à nouveau bloqué pendant un temps indéterminé. Quel gâchis et quelle perte de temps, d’argent et d’énergie alors que la confiance des Français se gagne au compte-gouttes et se perd en litres.
M. Thibault Bazin
Très bien !
M. Aurélien Le Coq
Vous n’avez aucun soutien !
M. Corentin Le Fur
Une telle décision est d’autant plus injuste que Michel Barnier n’est pas comptable des erreurs de Macron et du dérapage des déficits. Dans cette période éminemment difficile, je salue d’ailleurs son courage et son travail – comme celui du ministre, M. Saint-Martin. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
La situation est d’autant plus regrettable que nos concurrents, la Chine et l’Amérique trumpiste, avancent au pas de charge pendant que la France s’enlise et se tire une balle dans le pied.
M. Antoine Léaument
C’est vous, les trumpistes !
M. Corentin Le Fur
Dans ce contexte, je n’ai presque pas envie de parler de ce projet de loi de fin de gestion, si ce n’est pour vous dire qu’il comporte des mesures d’urgence indispensables pour la Nouvelle-Calédonie. Les députés du groupe Droite républicaine le voteront car ils sont responsables, cohérents et soucieux de l’avenir du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR, dont les députés se lèvent pour applaudir.)
M. Christophe Bentz
Ils se livrent à Macron !
M. Laurent Jacobelli
Ils sont nuls !
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Arrighi.
Mme Christine Arrighi
Revenons au PLFG car le collègue précédent a dû se tromper de texte – la motion de censure, c’est tout à l’heure ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. Vincent Descoeur
Il l’a fait exprès !
Mme Christine Arrighi
Lors de la première lecture de ce texte par notre assemblée, au nom du groupe Écologiste et social, j’avais déjà souligné l’écart considérable entre vos prévisions de recettes fiscales nettes et celles que vous nous avez présentées dans ce texte : un différentiel négatif de plus de 24 milliards d’euros. Souffrez que je le répète, monsieur Cazeneuve, vous qui niez l’évidence.
Peu avant la réunion de la commission mixte paritaire, nous avons pris connaissance de nouvelles prévisions pour 2024, qui se traduisent par une baisse de 1,4 milliard d’euros des recettes de TVA en comptabilité budgétaire, une hausse de 400 millions d’euros des DMTG et de 100 millions d’euros de l’impôt sur le revenu.
Le compte n’y est toujours pas : vous avez malgré tout creusé le déficit de 16 milliards d’euros si on compare ce texte à la loi de finances initiale que vous avez fait adopter par 49.3.
Les annulations de crédits décidées par voie réglementaire en février dernier, cumulées à celles proposées ici, représentent un volume considérable et font de ce PLFG un acte de politique budgétaire majeur pour 2024, y compris, donc, sur le plan démocratique.
Les signaux qui vous ont amenés à recourir à un décret d’annulation de crédits devaient aussi vous conduire, par prudence et transparence, à soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative, qui nous aurait permis de travailler sur le volet des recettes.
Vous avez fait le choix d’ignorer le Parlement, en persistant dans votre exaltation des dépenses fiscales non compensées en faveur des plus aisés et des grandes entreprises, sans limite ni conditionnalité écologique et sociale réelle. (Bruit de conversations.)
Ce texte présente quelques rares mesures ciblées que nous saluons : 20 millions d’euros à l’Agence du service civique, 70 millions d’euros pour le financement du réseau routier des collectivités territoriales, 20 millions d’euros pour indemniser les agriculteurs – notamment les vignerons – durement frappés par les pertes liées au mildiou. (Brouhaha.)
J’ai l’impression que je n’intéresse pas cette assemblée… (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Pierre Cordier
Nous, on vous écoute ! Ce sont les gauchos qui n’écoutent pas !
Mme Christine Arrighi
Le mildiou est la conséquence des précipitations exceptionnelles de cette année.
Il s’agit de petites avancées, très en deçà des besoins minimaux des conseils départementaux ou des demandes des associations citoyennes pour les mobilités douces.
Monsieur le ministre, votre engagement quant à l’application effective des mesures votées reste, au mieux, incertain.
Les deux derniers collectifs budgétaires de fin d’année en témoignent : les gouvernements d’Emmanuel Macron ont délibérément ignoré les conclusions de la représentation nationale, notamment s’agissant des crédits destinés au réseau routier local ou au fonds vélo.
Une telle mise à l’écart du Parlement est inacceptable. Il est grand temps que la représentation nationale soit respectée dans les faits, et non reléguée à un simple rôle consultatif. (Mme Mathilde Feld applaudit.)
En outre, ce texte fait fi de préoccupations écologiques et sociales majeures. Nous les avons maintes fois portées à votre attention et elles trouvent désormais un écho dans les mobilisations sociales croissantes.
La situation de l’école, de l’université, de la recherche, de l’agriculture ou des transports est alarmante. Et que dire du secteur spatial avec les suppressions d’emplois massives à Thales ou Airbus Defence and Space, alors qu’il s’agit d’un secteur d’excellence, notamment dans la région toulousaine ? Que dire encore de la baisse inégalée des crédits de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) ?
L’importance des crédits annulés est le reflet d’une obstination austéritaire qui prépare une fin d’année placée sous le signe de tensions sociales exacerbées. Cette politique, à bout de souffle, doit cesser.
Monsieur le ministre, soyons sérieux et ne soyez pas binaire. D’un point de vue juridique, rien ne s’oppose à ce que le travail parlementaire se poursuive sur ce texte, afin qu’il réponde véritablement aux attentes et aux préoccupations des Français.
M. Thibault Bazin
C’est tout de même un texte de fin de gestion, et nous ne sommes pas loin de Noël !
Mme Christine Arrighi
Même en cas de censure du gouvernement, le PLFG pourrait continuer son parcours parlementaire. Contrairement au projet de loi de financement de la sécurité sociale ou au projet de loi de finances, il concerne l’exécution en cours et relève donc des affaires courantes.
Monsieur le ministre, votre appel au vote est donc indigne de vos compétences techniques ! (Protestations sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe DR.)
M. Pierre Cordier
C’est nul !
M. Thibault Bazin
Attaque personnelle ! C’est scandaleux !
Mme Christine Arrighi
Il s’agissait d’un compliment ! Je le répète, le texte concerne l’exécution en cours et relève donc des affaires courantes. Le prochain gouvernement, ou le gouvernement démissionnaire, aurait donc la possibilité de l’amender dans un esprit constructif et propice à son adoption.
Pour conclure, monsieur le ministre, je tiens à vous rendre hommage. Vous étiez bien seul. Ils n’étaient pas là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR. – M. Antoine Léaument applaudit debout.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je vous remercie et je me félicite de cette très large majorité pour voter les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
C’est très important pour les publics qui vont bénéficier de ces ouvertures de crédits exceptionnelles.
Je rappelle aux groupes qui maintiennent leur opposition à ce texte qu’il s’agit d’un projet de loi de fin de gestion. Si le texte est rejeté, le calendrier ne permettra pas de boucler les budgets pour cette année, de payer les fonctionnaires, de soutenir la Nouvelle-Calédonie et les populations les plus fragiles.
M. Pierre Cordier
Exactement !
Plusieurs députés des groupes LFI-NFP et EcoS
C’est faux !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Assumez vos responsabilités et expliquez à nos concitoyens ce que vous ne voulez pas financer ! Soyez cohérents et transparents. (M. Jean-René Cazeneuve applaudit.)
Voulez-vous priver la Nouvelle-Calédonie de 1 milliard d’euros de crédits ?
Plusieurs députés des groupes EPR et DR
Non !
M. Jean-Victor Castor
C’est vous les responsables !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Voulez-vous empêcher le financement des Opex ? Refusez-vous le soutien à l’Ukraine ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.) Voulez-vous vraiment empêcher le versement de l’allocation aux adultes handicapés ? (Plusieurs députés du groupe LFI-NFP font « au revoir » de la main à l’adresse du ministre.)
Dites-le plus franchement !
Pour conclure, je le répète : merci à ceux parmi vous qui prennent leurs responsabilités. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR et sur plusieurs bancs du groupe DR ; ces députés se lèvent pour applaudir. – Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Texte de la commission mixte paritaire
Mme la présidente
J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisie.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir les amendements nos 10 et 11, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
L’amendement no 10 est un amendement à l’article d’équilibre, qui tient compte de la levée de gage sur la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, pour 20 millions d’euros, notamment pour soutenir les agriculteurs dans la lutte contre le mildiou, à la suite des dispositions adoptées en CMP. Il s’agit également d’actualiser les recettes de l’État compte tenu des dernières remontées comptables disponibles. L’amendement no 11, quant à lui, lève le gage.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. David Amiel, rapporteur
Avis favorable.
(Les amendements nos 10, modifiant l’article 3, et 11, modifiant l’article 4, sont successivement adoptés.)
Mme la présidente
Nous avons achevé l’examen des amendements.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 476
Nombre de suffrages exprimés 421
Majorité absolue 211
Pour l’adoption 318
Contre 103
(Le projet de loi est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement.
Plusieurs députés des groupes LFI-NFP et GDR
C’est la dernière fois !
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement
Est-il possible de suspendre pour dix minutes ?
Mme la présidente
J’allais effectivement suspendre la séance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de Mme Yaël Braun-Pivet.)
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est reprise.
3. Motions de censure
Discussion commune et votes
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion commune et les votes sur les motions de censure déposées, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, par Mme Mathilde Panot, M. Boris Vallaud, Mme Cyrielle Chatelain, M. André Chassaigne et 181 membres de l’Assemblée nationale, d’une part (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS), et par Mme Marine Le Pen, M. Éric Ciotti et 138 membres de l’Assemblée, d’autre part (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR),…
M. François Cormier-Bouligeon
C’est l’alliance de la carpe et du lapin ! Les castors de la République votent avec le RN !
Mme la présidente
…le premier ministre ayant engagé la responsabilité du gouvernement sur l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements déposés ou acceptés par le gouvernement.
La parole est à M. Éric Coquerel. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent pour applaudir.)
M. Éric Coquerel
Monsieur le premier ministre, aujourd’hui, nous faisons l’histoire : vous, car vous serez le seul premier ministre à être censuré depuis Georges Pompidou en 1962 (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe EPR) ;…
M. Pierre Cordier
Sans doute une référence pour vous !
M. Éric Coquerel
…moi, car j’ai l’honneur de défendre cette motion de censure. Ne voyez dans cette introduction ni de quoi adoucir votre déception, ni de quoi me glorifier. Je veux simplement dire toute l’importance et la solennité de ce moment, que j’apprécie pleinement. Je ressens une responsabilité d’autant plus grande qu’à l’inverse des contemporains de Georges Pompidou, la majorité de nos concitoyens ne soutient ni votre gouvernement ni, a fortiori, le président qui vous a nommé à ce poste. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe GDR.)
La majorité du peuple soutient cette motion de censure.
Plusieurs députés du groupe EPR
Pas du tout !
M. François Cormier-Bouligeon
C’est faux !
M. Éric Coquerel
Elle emportera votre gouvernement parce que vous n’avez jamais su déjouer la malédiction que vous a transmise le vrai responsable de cette situation, Emmanuel Macron – l’illégitimité. Vous n’avez aucune légitimité au regard du suffrage universel, vous qui êtes issu de la force politique parlementaire qui a obtenu le plus mauvais résultat aux élections législatives. (Mêmes mouvements.) Vous souffrez aussi de l’illégitimité de la coalition qui était censée vous soutenir…
M. François Cormier-Bouligeon
Vous êtes un séditieux, Coquerel !
M. Éric Coquerel
…et, plus encore, de celle de votre programme économique et social, rejeté avec force par les Françaises et les Français en juillet 2024. Vous avez vainement tenté de persévérer dans cette voie, puisque telle était la mission pour laquelle vous avez été choisi, vous, issu d’une force minoritaire, par un président lui aussi minoritaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
Votre échec était annoncé ; il fut cuisant. En témoigne le budget de la sécurité sociale transformé par les amendements du Nouveau Front populaire, qui ont été adoptés contre votre gré. Vous avez esquivé son adoption en jouant la montre, dernière arme des gouvernements faibles.
Le débat sur le budget de l’État a été déserté par vos troupes : seuls vingt à trente députés de votre socle prétendument commun y ont participé – dernier bataillon d’une armée en déroute. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP.)
Ce socle fissuré fut incapable d’empêcher l’adoption des amendements de justice sociale et fiscale déposés par le NFP.
M. François Cormier-Bouligeon
Et votés avec le RN ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Je vous en prie, de l’écoute !
M. Éric Coquerel
Contre ce budget transformé, votre seule parade fut non de jouer la montre, mais de rechercher l’appui du Rassemblement national.
L’illégitimité qui provoque votre chute vient aussi du fait que vous n’avez pas tenu vos engagements. Vous avez dit que vous respecteriez le Parlement après le nombre record de 49.3 déclenchés par les gouvernements précédents pour expédier une politique déjà minoritaire. Nous ne vous avons pas cru – d’où notre motion de censure en octobre ; la suite a montré que nous avions raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Vous avez montré que les seuls compromis que vous étiez prêt à admettre étaient ceux que vous négociez avec vous-même. Vous n’avez pas esquissé le moindre mouvement en faveur des amendements adoptés dans cette chambre.
M. Pierre Cazeneuve
Amendements adoptés avec le RN !
M. Éric Coquerel
Vous ne l’avez fait ni pour le budget de la sécurité sociale, alors que nous réglions une grande partie des déficits des comptes sociaux, par exemple en instaurant des cotisations sur les dividendes, ni pour celui de l’État, alors que nous avions trouvé 56 milliards d’euros…
M. Pierre Cazeneuve
Trouvés avec le RN !
M. Éric Coquerel
…en revenant sur les cadeaux fiscaux éhontés faits aux ultrariches et aux très grandes entreprises depuis 2017. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
Or ces recettes supplémentaires permettaient d’éviter d’augmenter les taxes sur l’électricité ou de diminuer le pouvoir d’achat des actifs et des retraités. Elles permettaient aussi de maintenir le déficit sous les 3 % du PIB, ce qui laissait une plus grande latitude pour investir dans l’écologie, l’éducation et la santé. (Mêmes mouvements.)
M. Alexis Corbière
Exactement !
M. Éric Coquerel
Voilà le résultat que vous avez évacué d’un revers de main. Obtenu grâce au NFP, il s’avérait pourtant préférable à la sueur et aux larmes que vous promettez aux Français, au détriment de l’activité économique et de la bifurcation écologique.
Mme Mathilde Panot
Eh oui !
M. Alexis Corbière
C’est vrai aussi !
M. Éric Coquerel
Pis, vous avez finalement tenté des compromis, mais avec l’extrême droite. Vous avez privilégié le Rassemblement national en violation du barrage républicain qui a rassemblé une majorité de voix en juillet dernier, alors que vous auriez dû au moins vous en faire le garant. Cette compromission n’empêchera pas votre chute. Vous chuterez de surcroît dans le déshonneur puisque vous étiez prêt à remettre en question l’aide médicale de l’État, l’AME. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Jusqu’au bout, vous ou vos ministres – comme M. Retailleau hier lors de la séance de questions au gouvernement – avez invoqué des valeurs communes avec l’extrême droite afin d’éviter que ses députés ne votent la censure. (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.) En aspirant à un front réactionnaire, vous insultez tous les électeurs qui, pour maintenir le barrage, ont permis à vos maigres soutiens de conserver leur siège dans cette chambre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous vous inscrivez ainsi dans une tendance commune à d’autres pays, où l’on voit les partisans du néolibéralisme et du marché s’accorder avec l’extrême droite, s’approprier ses idées et appliquer son programme.
M. François Cormier-Bouligeon
Mais aujourd’hui, c’est l’alliance rouge-brun !
M. Éric Coquerel
Vous êtes également illégitimes parce que vous avez refusé d’entendre, malgré le puissant message envoyé par le mouvement social de 2023, l’écrasante majorité qui veut l’abrogation de la réforme des retraites, volonté qui s’est de nouveau exprimée en juin dans les urnes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Comme en 2005, lorsque le refus par les Français du traité constitutionnel européen a été contourné, vous avez considéré que le peuple avait tort puisque vous estimez avoir toujours raison.
Cette illégitimité remonte aux passages en force exigés par le président de la République au mépris de la population (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS), qui se sont traduits, hier, par le 49.3 du gouvernement Borne et, aujourd’hui, par l’obstruction parlementaire organisée par votre gouvernement pour éviter l’abrogation de la réforme. Ce mépris explique le crépuscule qui tombe sur l’avenir politique du président et, dans l’immédiat, sur le vôtre.
M. François Cormier-Bouligeon
Séditieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Éric Coquerel
Comme certains de nos collègues l’ont fait, je vais vous raconter mon rapport personnel à l’âge de départ à la retraite. Mon grand-père maternel s’appelait Marcel Mercier. Ouvrier chez Michelin dans la banlieue parisienne, il part à la retraite en 1969, à l’âge de 65 ans. Il rejoint son pays natal, le pays roannais, et meurt six mois plus tard. En 1981, la gauche arrive au pouvoir et abaisse l’âge de la retraite à 60 ans. Je n’ai jamais pu m’ôter de l’esprit que mon grand-père aurait eu le droit de vivre heureux au moins cinq années. (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR, dont plusieurs députés se lèvent.)
Ces histoires-là, nous sommes des millions à les partager en France. Et nous sommes beaucoup à penser que la question n’est pas de travailler jusqu’à l’épuisement, mais bien le droit de profiter en bonne santé de ses années de vieillesse.
Ce choix, il appartient aux travailleuses et aux travailleurs. Et ils disent qu’ils aspirent à un meilleur partage de la valeur plutôt qu’à travailler deux ans de plus. Voilà ce que vous n’avez pas compris. Car les salariés estiment, par exemple, que deux ans de vie valent largement 0,15 % de cotisation en plus pendant sept ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Ainsi, nous pourrions garantir l’équilibre du régime. Or à cette préférence vous n’avez rien d’autre à opposer que les éléments de langage du Medef et des fonds de pension désireux de mettre la main sur ce pactole. Ce serait une raison déjà suffisante pour vous censurer, monsieur le premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Enfin, arrêtez ce mauvais coup porté au pays qui consiste à dire « après moi le déluge ». Le chaos est déjà là. (Exclamations sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme Prisca Thevenot et M. Philippe Vigier
À cause de vous !
M. Philippe Gosselin
C’est vous, le chaos !
M. Éric Coquerel
Il est politique, économique et social. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.) Ce n’est pas la politique économique que nous voulons qui explique les chiffres catastrophiques du déficit, les plans de licenciement massifs, le chômage qui remonte, l’incapacité à faire face aux besoins en matière d’investissement écologique. C’est votre politique économique et fiscale, qui a consisté à appauvrir le pays au bénéfice des ultrariches et du capital. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Ayda Hadizadeh applaudit également.) Et pour le plus grand malheur du reste du pays.
C’est pourquoi la censure populaire se fait chaque jour plus vive : celle des agriculteurs, des taxis, des salariés d’Auchan, des soignants et, demain, des enseignants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC.) Votre navire prend l’eau, la colère monte. Cette politique échoue ici et partout en Europe, il est donc vital de rompre avec elle.
Le chaos est déjà là, et il n’adviendra pas par votre chute. Si le budget de la sécurité sociale n’est pas adopté, on appliquera celui en cours. Les cartes Vitale fonctionneront toujours et les retraites seront même indexées sur l’inflation, ce qui profite aux retraités. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.) Sans compter que rien n’empêchera un gouvernement de déposer un nouveau budget de la sécurité sociale.
Et après votre chute, il y aura tôt ou tard un budget pour l’État.
M. Fabien Di Filippo
Et qui le votera ?
M. Éric Coquerel
Arrêtez de faire croire que la lumière s’éteindra. La loi spéciale évitera tout shutdown. Elle permettra de passer la fin de l’année en décalant de quelques semaines l’examen du budget pour 2025. Et, contrairement à votre propagande, cela ne fera pas payer d’impôts en plus aux Français puisque cette loi n’aura pas vocation à durer plus de quelques semaines. (Mêmes mouvements.)
M. Franck Riester
C’est faux !
M. Éric Coquerel
Il existe une meilleure solution, qui respecterait le suffrage universel : nommer un gouvernement Nouveau Front populaire, qui pourrait avantageusement amender le budget de retour le 18 décembre à l’Assemblée. Il pourrait reprendre tous les amendements qui avaient su trouver une majorité ici même ; il lui resterait alors deux semaines pour essayer de faire passer la partie recettes avant fin décembre, comme la loi l’y oblige. (Mêmes mouvements.)
Mais il semble que le chef de l’État ne veuille toujours pas de cette solution qui contredit les fondements de sa politique au service de la finance. Voilà pourquoi se posera à nouveau et rapidement la question de la sortie de cette impasse. Cette sortie de crise passera par le suffrage populaire. Elle ne pourra attendre juillet et doit concerner le responsable de tout ce chaos, j’ai nommé le président de la République. (Mêmes mouvements.) Aujourd’hui, nous votons la censure de votre gouvernement mais, plus que tout, nous sonnons le glas d’un mandat : celui du président.
Collègues, notre main n’a pas à trembler. Je vous invite à censurer ce gouvernement. En ce jour, ouvrons un avenir, la promesse d’une aube après le crépuscule. (Les députés des groupes LFI-NFP et SOC, ainsi que plusieurs députés des groupes EcoS et GDR se lèvent et applaudissent longuement. – Huées sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marine Le Pen. (Les députés des groupes RN et UDR se lèvent et applaudissent longuement. – Les députés des groupes EPR et Dem invitent par leurs gestes les députés LFI-NPS à faire de même. – Huées.)
M. Philippe Gosselin
Après le lapin, la carpe !
Mme Marine Le Pen
Nous voilà arrivés au moment de vérité, un moment parlementaire inédit depuis 1962, qui va sceller, selon toute vraisemblance, la fin d’un gouvernement éphémère, d’un gouvernement de circonstance…
M. Philippe Gosselin
Comme votre alliance avec le NFP !
Mme Marine Le Pen
…et, finalement, d’apparence.
Monsieur le premier ministre, dès votre nomination à Matignon, le Rassemblement national avait fait un choix responsable, transparent et loyal : vous prendre au mot lorsque vous vous disiez prêt à construire un texte garantissant « des dépenses maîtrisées, un effort juste, et une France souveraine », prêt aussi à tenir compte des attentes légitimes de nos 11 millions d’électeurs pour atteindre ces trois objectifs.
M. Éric Pauget
Ces électeurs, vous les trahissez, aujourd’hui !
Mme Marine Le Pen
Nous avons voulu croire, manifestement à tort, que vous ne seriez pas le simple continuateur d’un système rejeté lors des dernières élections, mais un bâtisseur sincère, conscient des souffrances du pays, capable d’appréhender les nouveaux équilibres politiques et de rendre enfin la parole à ces millions de Français ignorés, comme effacés de l’esprit des gouvernants.
Mme Émilie Bonnivard
Ils ne vous appartiennent pas !
Mme Marine Le Pen
Mais au fil de ces trois petits mois, il est apparu que vous étiez en réalité à la tête d’un gouvernement dépourvu de toute assise démocratique, y compris au cœur de votre soi-disant « socle commun », un socle par ailleurs miné par les ambitions personnelles et les manœuvres de couloir qui le rongent. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
L’Assemblée nationale va très vraisemblablement censurer dans quelques minutes cette illusion d’optique. Vous vous êtes dit « surpris » de cet épilogue. Ce qui est surprenant dans cette affaire, c’est la surprise d’un premier ministre qui sait, mieux que nous, que c’est dans ses rangs que l’intransigeance, le sectarisme et le dogmatisme lui ont interdit la moindre concession, ce qui aurait évité ce dénouement. (Mêmes mouvements.)
Monsieur le premier ministre, vous avez fait le choix de prolonger l’hiver technocratique dans lequel est plongée la France depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 : déconnexion des attentes démocratiques, verticalité des décisions, refus des consultations et des compromis, non-respect en somme de la volonté du peuple français en matière migratoire, sécuritaire ou fiscale, ou en matière de construction européenne, et cela malgré les résultats sans appel des élections de juin et juillet dernier.
M. Erwan Balanant
Que vous avez perdues !
Mme Marine Le Pen
Rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce que ce budget s’inscrive dans la continuité des cinquante qui l’ont précédé ; des budgets de déficits chroniques et de gaspillage, qui ont porté notre dette à un niveau jamais atteint – 3 300 milliards d’euros –, dont la facture est invariablement présentée aux Français, sommés d’éponger ces errements.
Depuis cinquante ans, la France a perdu le contrôle de ses finances publiques. Elle s’est rendue prisonnière de ces budgets qui obèrent désormais son avenir, celui de nos enfants et même de nos petits-enfants. Ils n’ont pas seulement découragé le travail mais la création de richesses ; pas seulement la volonté d’entreprendre mais la possibilité de le faire.
Ce budget ne s’attaque pas seulement à la France, il prend en otage les Français, singulièrement les plus vulnérables : les retraités modestes, les personnes malades, les travailleurs pauvres, les Français considérés comme « trop riches » pour être aidés, mais pas assez pauvres pour échapper au matraquage fiscal. (Mêmes mouvements.) Ces Français qui, tous, se posent une unique question : « Où va l’argent ? » (Vives exclamations sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. – Applaudissements ironiques sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. François Cormier-Bouligeon
Et l’argent du Parlement européen ?
M. Erwan Balanant
Dans les caisses du Rassemblement national !
Mme Émilie Bonnivard
Aux assistants parlementaires du Rassemblement national !
Mme Marie Lebec
Dans vos poches !
Mme Marine Le Pen
Car, comme nous, ils constatent cet extravagant paradoxe : toujours plus d’impôts et pourtant toujours moins de services publics, toujours moins de protection sociale.
Dans ce contexte de crise budgétaire et institutionnelle, nous vous avons proposé un contre-budget traduisant cinq choix politiques clairs : rendre du pouvoir d’achat aux Français ; défendre les entrepreneurs ; lutter contre les rentes, la spéculation et la fraude ; dégraisser l’État et le recentrer sur ses missions régaliennes ; stopper les dépenses contraires à la volonté populaire.
Vous avez refusé jusqu’au bout de retenir ne serait-ce qu’une partie raisonnable mais essentielle de ces mesures, pourtant précisément détaillées et chiffrées. Vous n’avez apporté qu’une seule réponse : l’impôt, l’impôt, toujours l’impôt. Quarante milliards d’euros d’impôts nouveaux, dont 20 milliards pour les entreprises. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Ce n’est pas le Rassemblement national qui a qualifié votre budget de « récessif », ce sont les milieux économiques. Vous avez même refusé de soutenir l’indexation des retraites sur l’inflation, mesure qui, il y a quelques mois, était un marqueur, voire une ligne rouge, du soi-disant « socle commun ». (Exclamations sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.) Les seules lignes rouges qui ont été abandonnées depuis trois mois, ce sont finalement celles de vos députés.
M. François Cormier-Bouligeon
Et vous, ce sont les lignes brunes !
Mme Marine Le Pen
Je voudrais rafraîchir ici, d’ailleurs, la mémoire de certains d’entre eux car ils semblent comme frappés d’amnésie générale. MM. Wauquiez et Attal – au hasard –, qui, pêle-mêle, nous affirmaient qu’il y aurait une règle d’or pour revaloriser chaque année les retraites à hauteur de l’inflation, ou qu’il n’y aurait aucune augmentation d’impôts pour les Français. Le tout a été admirablement résumé par l’une de vos députées, devenue, depuis, ministre de votre gouvernement : « Hausses d’impôt, diminution des retraites, aggravation du déficit public. Ça, pour le coup, on l’a dit très vite au président de la République, c’est le déclenchement de la censure. » (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mais le budget que nous rejetons aujourd’hui ne fait pas que renier vos promesses. Il ne comporte ni cap ni vision.
Mme Émilie Bonnivard
Une censure avec LFI, c’est quoi comme vision ?
Mme Marine Le Pen
C’est un budget technocratique qui continue à dévaler la pente, en se gardant bien de toucher au totem qu’est l’immigration hors contrôle,…
M. François Cormier-Bouligeon
On ne vous entend pas, à gauche !
Mme Marine Le Pen
…en s’abstenant de s’attaquer à la vie chère, en métropole comme en outre-mer, en refusant de s’attaquer aux causes plutôt que de parler des conséquences de la vertigineuse glissade sécuritaire et criminelle que connaît le pays. (Exclamations sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
M. François Cormier-Bouligeon
Et la gauche va voter avec elle… Bravo !
Mme Marine Le Pen
Permettez-moi de m’arrêter un instant sur les collectivités d’outre-mer, si chères à mon cœur. Manifestement, vous n’avez pas pris la mesure de leur désespoir. Crise sociale due à la vie chère, accès à l’eau potable, insécurité et immigration clandestine : sur tout cela, vous n’avez rien entrepris.
Le budget que nous rejetons aujourd’hui apparaît clairement comme le contraire d’une politique pensée et pesée. Il n’est qu’une comptabilité froide, issue de logiques bureaucratiques, de choix d’habitude ou d’une routine dépensière.
Sans se soucier des postes et des personnes, en n’ayant à l’esprit que le mandat que nous ont confié nos électeurs et le sens de l’intérêt national, nous avions éclairé le chemin qui mène au compromis avec trois balises :…
Mme Olivia Grégoire
Immigration, immigration, immigration…
Mme Marine Le Pen
…immigration, pouvoir d’achat, sécurité. Ces balises, le gouvernement n’a pas voulu les voir, comme s’il était pour lui déshonorant de chercher, en ces circonstances, les voies de la conciliation nationale. Les petits pas qu’il a timidement – et très tardivement – tentés ne peuvent s’appeler des concessions ; ce sont des miettes. Je le déplore, mais c’est ainsi.
Alors, à ceux qui me croient animée de l’intention de choisir, par un vote de censure, la politique du pire (« Ah oui ! » sur les bancs des groupes EPR et DR), je dis que la politique du pire serait de ne pas censurer un tel budget, un tel gouvernement, un tel effondrement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Benjamin Dirx
Et aux agriculteurs, vous leur dites quoi ?
Mme Marine Le Pen
La France aura un budget car, comme nous l’avons rappelé, nos institutions nous permettront de voter au plus tôt, avec un nouveau gouvernement, des lois de finances pour 2025. Et, d’ici là, une loi spéciale, que nous voterons évidemment, permettra à l’État de continuer à percevoir l’impôt et d’exécuter les dépenses publiques indispensables à la continuité de la vie nationale. En revanche, nous lui évitons la prolongation des tragiques erreurs économiques et fiscales du passé. Nous permettons, par notre défense de l’intérêt national, à rebours de quarante ans de politiques économiques toxiques dont vous êtes le continuateur, monsieur le premier ministre, d’éviter le chaos.
Mme Justine Gruet
Quelle hypocrisie !
Mme Marine Le Pen
Que l’on soit juste. La dissolution, nous la devons à la rupture profonde et ancienne entre la volonté du peuple et les réalisations de ses dirigeants. La censure est la conséquence, non seulement des manœuvres électorales des élections législatives (Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR), qui ont privé la France d’une majorité de gouvernement, mais également du chantage de votre propre minorité, qui vous a interdit de trouver les voies de passage avec vos oppositions, ce qui est pourtant le fondement de la démocratie.
Mme Prisca Thevenot
Assumez vos responsabilités !
Mme Marine Le Pen
Enfin, la situation de notre pays, nous la devons aussi à un président qui s’est ingénié, sans discontinuer, à déconstruire tout ce qu’il pouvait : le quai d’Orsay, la préfectorale, la police judiciaire, le droit à la retraite, l’assurance chômage, la SNCF, la souveraineté nationale, les fleurons de notre industrie – et cette liste n’est pas exhaustive. Emmanuel Macron s’est attaqué, depuis sept ans, à tous les murs porteurs de l’État et de la nation ; il a terriblement affaibli la fonction présidentielle, clef de voûte de l’édifice institutionnel français.
M. François Cormier-Bouligeon
Vous parlez de celui qui vous a battue !
Mme Marine Le Pen
Parce que nos logiques constitutionnelles le commandent, en attendant que le peuple reprenne la parole et la main, c’est au chef de l’État, et à lui seul, qu’il appartiendrait de sortir le pays de cette pathétique ornière. Je le dis ici, j’ai trop de respect pour la fonction suprême, de déférence à l’égard de nos institutions,…
M. François Cormier-Bouligeon
Vous allez respecter la justice, alors ?
Mme Marine Le Pen
…de révérence vis-à-vis du suffrage universel, pour participer à une quelconque entreprise, même parlementaire, de demande de destitution. Je laisse cela aux cheguevaristes de carnaval qui, sans nul doute, se reconnaîtront. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
C’est à l’intéressé lui-même de conclure s’il est en mesure de rester ou pas. C’est à sa conscience de lui commander s’il peut sacrifier l’action publique et le sort de la France à son orgueil. C’est à sa raison de déterminer s’il peut ignorer l’évidence d’une défiance populaire massive que je crois définitive.
S’il décide de rester, il sera contraint de constater qu’il est le président d’une république qui n’est plus tout à fait, par sa faute, la Ve.
Mme Sabrina Sebaihi
C’est ça, vive la Ve…
Mme Marine Le Pen
Il devra se résoudre, enfin, au respect de l’Assemblée nationale élue, au respect de tous les citoyens, sans exception, et, évidemment, au respect des logiques démocratiques.
M. Paul Midy
Nous vous battrons une nouvelle fois !
Mme Marine Le Pen
Alors que la censure nous apparaît nécessaire pour mettre fin au chaos, pour éviter aux Français un budget dangereux, injuste et punitif,…
M. Sylvain Maillard
Vous n’avez pas honte ?
Mme Marine Le Pen
…qui, de surcroît, aggrave les déficits, les institutions nous contraignent à mêler nos voix à celles de l’extrême gauche. (Exclamations prolongées sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
M. Benjamin Dirx
Toujours pas un mot pour les agriculteurs ?
Mme Marine Le Pen
Ce n’est pas de gaieté de cœur que nous le faisons, tant les idées de l’extrême gauche et de la gauche extrémisée sont dévastatrices pour l’unité, la sécurité et la prospérité du pays ; tant leur comportement est terriblement éloigné de l’idéal français et du respect de nos institutions.
M. Philippe Gosselin
C’est quoi l’idéal français ?
Mme Marine Le Pen
Elles nous contraignent à utiliser le NFP comme un simple outil pour éviter l’application d’un budget toxique. (Applaudissements et sourires sur les bancs des groupes RN et UDR. – M. Matthias Tavel rit.)
Contrairement à ce que vous avez fait en juin dernier, nous ne les envisagerons jamais comme des alliés, (Les députés des groupes RN et UDR se lèvent et applaudissent vivement) car les Français n’auront pas oublié pas que si tant de députés insoumis siègent sur ces bancs, c’est grâce au désistement de candidats macronistes et LR. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – MM. José Beaurain, Stéphane Rambaud et Emeric Salmon se lèvent pour applaudir. – Quelques députés du groupe EPR demandent aux députés des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR de se lever.)
Les Français n’oublieront pas non plus que, si tant de députés macronistes et DR siègent sur ces bancs, c’est grâce au désistement de candidats insoumis. N’est-ce pas, monsieur Wauquiez ? (Applaudissements et exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Quoiqu’il advienne, le Rassemblement national se tiendra prêt pour ouvrir la voie du redressement que le pays attend. C’est la vocation même de la France de renouer avec le sursaut et la grandeur.
À tous ceux qui souffrent et qui désespèrent, la grande alternance que nous appelons de nos vœux n’est plus très loin. Elle rimera, pour tous les Français, avec délivrance.
M. Philippe Gosselin
Méfiez-vous du retour de bâton !
Mme Marine Le Pen
Ce jour viendra bientôt (« Jamais ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP) – peut-être même très vite. Ce sera alors le véritable choc d’espérance qu’attend la France. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe RN. – Les députés des groupes RN et UDR se lèvent et applaudissent longuement.)
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Vallaud. (Les députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)
M. Boris Vallaud
Je me présente devant vous avec gravité (« Oh ! » sur les bancs du groupe EPR), avec un sentiment mêlé de colère, de déception, d’inquiétude et dans une totale incompréhension.
M. Sylvain Maillard
Quelle honte !
M. Boris Vallaud
Au moment de la constitution de votre gouvernement, vous nous aviez annoncé une nouvelle méthode, revendiqué la culture du compromis et fait la promesse de la concertation.
M. François Cormier-Bouligeon
Les trois discours ont-ils été rédigés par la même personne ?
M. Boris Vallaud
Vous nous aviez également assuré, au moment du dépôt de votre projet de budget de la sécurité sociale, qu’il demeurait perfectible.
Soucieux de l’intérêt général, de celui de la France et des Français, désireux de faire vivre ce parlementarisme auquel nous sommes attachés, nous vous avons pris au mot.
Fidèles aux engagements pris devant nos électeurs, nous avons, avec les groupes Écologiste, GDR et La France insoumise,…
M. Antoine Vermorel-Marques
Vous êtes soumis aux Insoumis !
M. Vincent Descoeur
Les otages des Insoumis !
M. Boris Vallaud
…ainsi qu’avec d’autres, voulu améliorer ce budget.
Cela, en partant des besoins des Français et en défendant quelques principes simples : exonérer les classes populaires, les malades et les retraités des efforts d’économie demandés, soutenir par des moyens supplémentaires l’hôpital à la peine et les Ehpad exsangues (Brouhaha), faire de la prévention une priorité pour améliorer durablement la santé des Français, enfin, répondre au défi du grand âge, alors même que nous attendons depuis huit ans une loi jamais présentée. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SOC. – Mme Dominique Voynet applaudit également.)
En commission et en séance, nous avons défendu ce chemin, cherchant pas à pas des compromis et opposant, à chaque dépense nouvelle ou chaque économie que nous récusions, des prélèvements sociaux justes et équilibrés, efficaces sur les plans sanitaire, économique et social.
Un député du groupe EPR
Rendez-nous Jean Jaurès !
M. Boris Vallaud
Il est vrai que depuis 2017, vos prédécesseurs vous ont privé chaque année de 40 milliards d’euros de cotisations.
Monsieur le premier ministre, à aucun moment vous ne nous avez laissés améliorer ce projet,…
M. Jérôme Guedj
C’est exact !
M. Boris Vallaud
…injuste et inefficace, qui fait payer les malades, qui appauvrit les retraités, qui fragilise l’hôpital et qui ne prépare pas le pays aux défis de la société du vieillissement.
Vous nous avez empêchés d’aller au bout de l’examen du texte et vous êtes demeuré sourd aux modifications proposées en CMP. Or nous n’avons jamais été dans le tout ou rien.
À aucun moment, vous êtes entré en dialogue avec l’opposition de la gauche et des écologistes.
M. Jérôme Guedj
C’est vrai !
M. Boris Vallaud
Vous avez donné suite à aucune de nos propositions, que ce soit à l’occasion du débat parlementaire, que vous avez déserté, à la suite des courriers que nous vous avons adressés, ou encore lors de notre récente entrevue à Matignon, à votre initiative pourtant.
M. Olivier Faure
Absolument !
M. Boris Vallaud
Lors de cette entrevue, vous nous avez fait cette confidence saisissante : je connais vos propositions, certaines sont intéressantes, mais je ne peux pas prendre le risque de fracturer le socle commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Toute votre énergie était consacrée à apaiser les ambitions de M. Attal, à contenter M. Wauquiez ou à vous assurer la bienveillance de Mme Le Pen.
M. Vincent Descoeur
Avec laquelle vous allez voter !
M. Boris Vallaud
C’est d’abord avec eux qu’il a fallu trouver des compromis. (Mêmes mouvements.)
Cette motion de censure, c’est d’abord votre échec et celui de votre méthode.
Mme Émilie Bonnivard
Quand vous arriverez à la cheville de Barnier, nous en reparlerons !
M. Boris Vallaud
Celle-ci n’aura été en définitive qu’un bruit qui court.
M. Vincent Descoeur
Bravo ! C’est puissant…
M. Boris Vallaud
Il y a plus grave. Le 7 juillet dernier, des femmes et des hommes, unis dans l’idéal d’une république laïque, sociale et fraternelle, épris de justice et de démocratie, se sont retrouvés, comme à chaque fois que l’histoire l’a exigé, pour défendre l’essentiel et empêcher l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir.
M. François Cormier-Bouligeon
Vous allez pourtant voter avec elle !
M. Vincent Descoeur
Hypocrites ! C’est ce que vous vous dites pour vous rassurer !
M. Boris Vallaud
Chers collègues, vous qui avez été élus par l’élan démocratique du front républicain, étiez engagés par une promesse : ne rien céder à l’extrême droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
M. Jean-Yves Bony
Vous êtes incohérents !
M. François Cormier-Bouligeon
Tartuffe !
M. Boris Vallaud
Cependant, c’est avec le seul Rassemblement national que vous avez engagé des discussions qui, loin de se borner aux questions budgétaires, cédaient aux plus viles obsessions de l’extrême droite : une nouvelle loi « immigration », à la suite de la débâcle politique et morale de l’an dernier, ainsi qu’une réforme de l’aide médicale de l’État.
M. Matthias Tavel
Quelle honte !
M. Boris Vallaud
Pendant des semaines, vous vous êtes enfermés dans un tête-à-tête humiliant avec elle – hier soir encore, à la télévision. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Il est manifestement devenu plus convenable de parler avec l’extrême droite qu’avec la gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
M. Julien Dive
Ridicule !
M. Boris Vallaud
Nous ne pouvons nous résoudre à cela, comme nous ne pouvons accepter la trahison du front républicain. Elle justifie à elle seule cette motion de censure.
Collègues du socle commun, n’êtes-vous vraiment pour rien dans ce qui se joue ? Cette censure, ne sentez-vous pas qu’elle est aussi la vôtre ? Qu’elle est la censure de votre désertion, de votre silence, de votre défense obstinée d’une politique qui a échoué et que les électeurs ont rejetée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Définitivement, vous n’avez été que dans la défense du bilan, tout le bilan, rien que le bilan d’Emmanuel Macron. (Mêmes mouvements.)
Ceux qui ont déposé cette motion de censure prennent la responsabilité d’affirmer leur capacité de gouverner. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe EPR.) À gauche, nous revendiquons le fait de gouverner et de nous engager sur les chantiers prioritaires défendus avec le Nouveau Front populaire devant les électeurs.
M. Hervé Berville
C’est un tract que vous lisez ?
M. François Cormier-Bouligeon
C’est le gouvernement RNFP !
M. Boris Vallaud
Je sais que le vote des Français n’a pas dessiné de majorité au sein de l’Assemblée. Nous en avions nous-mêmes pris acte en août dernier dans un courrier signé par l’ensemble des présidents de groupe du NFP et dans lequel nous nous faisions déjà les garants d’une nouvelle méthode, à la recherche de majorités texte par texte. Vous n’y avez jamais répondu.
M. Jean-René Cazeneuve
Le programme du NFP et rien que le programme du NFP !
M. Boris Vallaud
Que ceux qui redoutent un changement d’alliance se rassurent, nous plaidons pour un changement de méthode, vers un chemin de dialogue et d’actions concrètes avec les seules forces républicaines. Un chemin que le premier ministre n’a pas trouvé.
Nous sommes liés par ce contrat à nos électeurs,…
M. François Cormier-Bouligeon
Votre contrat est plutôt avec Marine Le Pen !
M. Boris Vallaud
…qu’il s’agisse des chômeurs, des sacrifiés des plans sociaux à venir, des agriculteurs, des artisans, des travailleurs précaires (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS), des jeunes, des familles en grande difficulté – tous accablés par votre budget ; qu’il s’agisse des fonctionnaires, des enseignants ou des soignants – leurs conditions de travail se dégradent ; qu’il s’agisse de tous les Français modestes, dans l’Hexagone et dans les collectivités d’outre-mer, qui peinent à envisager l’avenir, écrasés par le poids du quotidien ; qu’il s’agisse des classes populaires qui ont bien conscience de leurs intérêts, qui ne peuvent se payer le luxe d’attendre la délivrance d’une hypothétique nouvelle élection et qui savent qu’un pas en avant vaut mieux que mille programmes.
Tous préfèrent l’action, même imparfaite, au verbe impuissant ; tous espèrent de la gauche un changement dans leurs vies. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme Stéphanie Rist
En votant la censure, vous leur mentez !
M. Boris Vallaud
Un premier ministre de gauche, qui conduirait la politique de la nation, selon la volonté de changement des électeurs nous ayant fait confiance…
M. Pierre Cordier
« Le changement, c’est maintenant ! »
M. Boris Vallaud
…et une Assemblée qui chercherait des compromis et des majorités larges autour de quelques priorités répondant aux attentes urgentes des Français.
M. Yannick Neuder
Vous n’avez jamais vu de majorité de votre vie !
M. Boris Vallaud
Voilà notre accord de non-censure pour gouverner sans 49.3. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SOC. – Mme Dominique Voynet et M. Damien Girard applaudissent également.) Tous les présidents de groupe qui ont bénéficié du front républicain pourraient convenir d’un accord de méthode afin d’y parvenir. C’est une construction politique difficile, certes, mais la seule option raisonnable qui s’offre à nous.
Le pouvoir n’est plus à l’Élysée. Il n’est plus à Matignon. Il est à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Stéphane Peu applaudit également.) À ceux qui, comme moi, croient au Parlement et qui espèrent un réveil démocratique, à ceux qui rêvent d’une VIe République, la voici !
Oui, nous pouvons changer de budget et de premier ministre ; oui, nous pouvons changer la vie. Nous pouvons trouver un chemin pour ce faire. Je crois dans le génie de la démocratie mais elle a besoin de démocrates sincères, de républicains ardents et de parlementaires adultes.
Mme Olivia Grégoire
Mais pas de Jean-Luc Mélenchon !
M. Philippe Gosselin
Ni des socialistes !
M. Boris Vallaud
Chers collègues du bloc central qui vociférez, je le dis avec gravité, cette censure est un appel au sursaut moral. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)
M. Antoine Vermorel-Marques
Avec Jean-Luc Mélenchon !
M. Hervé Berville
Arrêtez vos leçons de morale !
M. Boris Vallaud
La majorité de compromis que vous avez voulue s’est transformée en un sinistre gouvernement de connivence avec l’extrême droite. Vous la subissez et, désormais, elle vous achève.
Mme Aurore Bergé
Vous votez avec le RN !
M. Hervé Berville
Tartuffe !
M. Boris Vallaud
Pour tout républicain authentique, le prix à payer est devenu beaucoup trop élevé.
Le choix qui s’offre à vous est simple. Préférez-vous négocier avec une gauche au pouvoir, que certains jugent imparfaite, mais avec laquelle la plupart d’entre vous partagent l’essentiel des combats républicains…
Mme Aurore Bergé
Non merci !
M. Boris Vallaud
…ou continuer de courber l’échine aux injonctions de Mme Le Pen ?
Préférez-vous la laisse et le bâton du Rassemblement national ou la responsabilité républicaine, au prix de négociations parlementaires exigeantes ? (Les députés du groupe SOC, ainsi que plusieurs députés des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR se lèvent et applaudissent longuement.)
M. Vincent Descoeur
La gauche républicaine est enterrée !
M. Boris Vallaud
Nous vous demandons d’être à la hauteur de la France et d’entendre l’aspiration à la fraternité dans notre pays.
La stabilité, ce n’est pas de continuer de livrer le gouvernement aux maîtres chanteurs de l’extrême droite ; le bon sens, ce n’est pas de vouloir régler la crise budgétaire en poursuivant la politique qui en est la cause.
Cette motion de censure n’est pas une fin en soi. Notre responsabilité est de présenter une issue et des solutions – je l’ai fait – et les socialistes y prendront toute leur part. Sur cette base, nous pouvons nous donner rendez-vous dès demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Dominique Potier
Bravo !
M. Benjamin Dirx
C’est aujourd’hui qu’il faut être au rendez-vous !
M. Boris Vallaud
Cette motion de censure n’est pas un outil de déstabilisation ou de chaos institutionnel. Elle vise à renouer avec le progrès et le dialogue républicain, afin de doter la France et les Français d’un budget juste.
Mme Eliane Kremer
Vous n’aimez pas le dialogue !
M. Boris Vallaud
C’est pour que nous n’ayons plus à négocier avec l’extrême droite pour gouverner. (Les députés des groupes SOC et EcoS, ainsi que Mme Karine Lebon et M. Stéphane Peu, se lèvent pour applaudir longuement.) Cette motion de censure, c’est pour donner un gouvernement stable à la France et qui ne trouvera la légitimité nécessaire à l’exercice de son autorité que dans cette assemblée, et pour que vivent la France et la République, dans la fidélité à ce que son histoire a de meilleur ! (Mêmes mouvements. – Huées sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Wauquiez. (Les députés du groupe DR se lèvent pour applaudir.)
M. Ian Boucard
Enfin quelqu’un de sérieux !
M. Pierre Cordier
Eh, les socialos : on vous a écoutés, vous pourriez au moins rester !
M. Laurent Wauquiez
Il y a deux mois, devant vous, j’évoquais les mots de Georges Pompidou, qui, faisant face à une motion de censure le 5 octobre 1962, dénonçait la passion de tout renverser.
M. Frédéric Weber
Guignol !
M. Laurent Wauquiez
C’était, disait-il, « le mauvais génie d’autrefois qui hantait à nouveau l’hémicycle ». Ici même, le 5 octobre 1962, un gouvernement tombait du fait d’une coalition des contraires, celle de l’extrême gauche et de l’extrême droite.
M. Alexis Corbière
Faux ! Ça ne s’est pas passé comme ça en 1962 !
M. Laurent Wauquiez
C’était la première et, jusqu’à présent, la dernière fois de l’histoire de la Ve République.
Mme Émilie Bonnivard et Mme Justine Gruet
Eh oui !
M. Laurent Wauquiez
Je me souviens encore des propos que j’entendais sur les bancs de la gauche lorsque j’évoquais cet événement il y a deux mois : ses députés assuraient qu’ils ne voteraient jamais avec le Rassemblement national. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR, EPR, Dem et HOR.)
M. Pierre Cordier
Très juste !
M. Laurent Wauquiez
Je me souviens également des propos qui me parvenaient des rangs de votre groupe, madame Le Pen : vos députés affirmaient qu’ils ne voteraient jamais avec La France insoumise.
Eh bien, nous y voilà : vous faites semblant de vous injurier les uns les autres, mais vous vous apprêtez à voter les uns avec les autres.
Mme Dieynaba Diop
Tandis que vous, vous envoyez des billets doux à Marine Le Pen !
M. Laurent Wauquiez
Vous vous apprêtez à voter ensemble pour faire tomber un gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR et HOR, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.)
Est-ce une surprise ? Je ne le crois pas !
M. Thomas Ménagé
N’en avez-vous pas fait autant en 2018 ?
M. Laurent Wauquiez
Cette jonction de La France insoumise et du Rassemblement national, on la voyait déjà à l’œuvre il y a quelques semaines, lorsque vous tentiez d’abroger la réforme des retraites sans financement alternatif.
M. Alexis Corbière
Que c’est mauvais…
M. Julien Odoul
Et Raphaël Arnault, alors ?
M. Laurent Wauquiez
Ce mauvais génie d’autrefois, le voilà revenu parmi nous et tout le monde doit mesurer la gravité du moment : pour la première fois depuis soixante-deux ans, un gouvernement risque d’être renversé.
M. Alexis Corbière
Par votre faute !
Mme Hanane Mansouri
C’est seulement ce que prévoit la Constitution !
M. Laurent Wauquiez
Oui, nous avons tous conscience de la situation politique très difficile. Non, il n’y a pas de majorité dans cet hémicycle. Oui, la France traverse une situation trouble et confuse,…
Mme Hanane Mansouri
Grâce à qui ?
Mme Christelle D’Intorni
Oui, grâce à qui au juste ?
M. Laurent Wauquiez
…mais le choix que vous avez à faire, lui, est parfaitement clair.
Nous savons tous, bien sûr, que les Français n’attendent aucun miracle en cette période. En revanche, ils attendent que nous fassions du travail utile.
M. Jean-François Coulomme
Rassurez-moi, il n’a bien que cinq minutes de temps de parole ?
M. Laurent Wauquiez
Le choix que nous devons faire, chers collègues, est donc parfaitement clair. D’ailleurs, il n’y a pas trois options possibles, mais seulement deux : l’intérêt du pays ou l’intérêt des partis. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR et EPR.)
M. Christophe Blanchet
Oui !
M. Laurent Wauquiez
Le choix de la responsabilité ou le choix du chaos, le choix de la solution ou le choix du désordre. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Ce choix, monsieur le premier ministre, cher Michel,…
M. Emeric Salmon
Très, très cher…
M. Nicolas Meizonnet
M. Barnier a rougi !
M. Laurent Wauquiez
…c’est celui que vous avez fait il y a trois mois avec dignité, avec respect, avec droiture. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – « Oh ! » sur de nombreux bancs.) Je tiens à vous rendre hommage car votre comportement contraste tant avec celui que certains adoptent dans l’hémicycle.
Vous vous êtes employé à éteindre l’incendie budgétaire dans un pays en faillite. Avec Bruno Retailleau, vous vous êtes employé à redonner un cap à notre politique de sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Vous vous êtes employé à ouvrir des chantiers importants. Je pense à votre lutte contre le narcotrafic, à votre volonté de contrôler l’immigration irrégulière avec le rétablissement du délit de séjour irrégulier, à votre volonté d’instaurer plus de justice entre le public et le privé, grâce au débat salutaire sur les jours de carence.
Un député du groupe RN
Pas besoin d’ennemis avec des amis comme ça !
M. Laurent Wauquiez
Oui, monsieur le premier ministre, vous avez essayé, dans cette période, de défendre le choix de la responsabilité.
Avec les députés de la Droite républicaine,…
M. Hervé de Lépinau
Ou ce qu’il en reste !
M. Laurent Wauquiez
…avec Mathieu Darnaud et la droite sénatoriale, nous avons également fait le choix de la responsabilité en vous soutenant. Aussi avons-nous fait des propositions pour améliorer le budget, comme le premier ministre le souhaitait.
Mme Dieynaba Diop
Vous n’avez jamais siégé !
M. Jean-Paul Lecoq
Pendant toute la discussion budgétaire vous étiez absents ! Vous avez laissé le ministre tout seul !
M. Laurent Wauquiez
Permettez-moi de remercier ici le ministre du budget, Laurent Saint-Martin, qui a fait un travail courageux. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR, EPR et HOR.)
M. Stéphane Peu
Alors que vous l’avez complètement abandonné !
M. Laurent Wauquiez
Avec Véronique Louwagie, nous avons ouvert le chantier de la lutte contre la bureaucratie administrative, contre ces myriades d’agences si coûteuses, à l’origine des normes qui épuisent les Français. (Mêmes mouvements.)
M. Hervé Berville
Eh oui !
M. Stéphane Peu
Quelle démagogie !
M. Laurent Wauquiez
Avec Yannick Neuder et Thibault Bazin, nous avons défendu l’idée essentielle d’une revalorisation du travail, en proposant le plafonnement des aides sociales par rapport au Smic et en ouvrant la voie à une réforme des aides sociales et à leur fusion en une allocation unique, ce qui est indispensable.
Mme Christine Pirès Beaune
Pour que les Français aient à choisir entre la misère ou la misère ?
M. Laurent Wauquiez
Garder le social, en finir avec l’assistanat (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP) et revaloriser le travail, ainsi que tous ceux que vous, sur les bancs de la gauche, avez oubliés et abandonnés. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Et il reste tant à faire.
Mme Dieynaba Diop
Rendez l’argent, plutôt !
M. Alexis Corbière
Quelle honte…
M. Laurent Wauquiez
Est-ce que ce que nous avons engagé est perfectible ? Bien sûr !
M. Emmanuel Fernandes
Rendez l’argent !
M. Laurent Wauquiez
Est-ce que notre pays peut encore se payer le luxe de semaines d’instabilité gouvernementale, alors que tout est à rebâtir ? Sûrement pas !
Vous avez beau éructer (L’orateur montre les bancs situés à gauche de l’hémicycle), nous voilà tous face à nos responsabilités. Évidemment, chacun fera son choix en son âme et conscience…
M. Alexis Corbière
C’est déjà fait !
M. Laurent Wauquiez
…et ce choix, il faudra le défendre face aux Français.
M. Emeric Salmon
Aucun problème !
M. Alexis Corbière
C’est bien ce que nous comptons faire !
M. Laurent Wauquiez
Il y a une chose qu’on ne peut pas accepter ici.
Mme Dieynaba Diop
Ah ?
M. Laurent Wauquiez
On ne peut pas accepter que vous expliquiez, comme vous l’avez fait ces derniers jours, que la motion de censure, ce n’est pas grave. On ne peut pas expliquer avec la légèreté qui est la vôtre que la censure n’aura pas de conséquences.
M. Matthias Renault
Pourtant, ça fera moins d’impôts !
M. Laurent Wauquiez
On ne peut pas mentir aux Français en disant qu’il n’y aura pas de conséquences. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur de nombreux bancs du groupe EPR.) Il y aura des conséquences, qui seront payées par les Français, et ceux qui se livrent au jeu minable d’aujourd’hui devront leur rendre des comptes.
Mme Dieynaba Diop et Mme Sabrina Sebaihi
Rendez l’argent !
M. Laurent Jacobelli
Bullshit, comme dirait l’autre !
M. Laurent Wauquiez
La censure, ce que vous appelez bullshit, ce sera l’augmentation de l’impôt sur le revenu pour 18 millions de Français.
M. Stéphane Peu
Mais non !
M. Nicolas Sansu
Menteur !
M. Alexis Corbière
C’est faux !
M. Laurent Wauquiez
Ils paieront ce prétendu bullshit que les députés du RN balaient d’un revers de main ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
M. Philippe Ballard
Non !
M. Matthias Renault
On leur fait économiser 40 milliards d’euros d’impôt !
M. Laurent Wauquiez
Ce sont 400 000 travailleurs qui deviendront imposables, mais qui sont le cadet des soucis des députés du groupe Rassemblement national !
M. Julien Guibert
La hausse des taxes, c’est vous !
M. Laurent Wauquiez
Voilà la manière dont ils défendent la France qui travaille ! Une fois encore, madame Le Pen, ce sont les Français qui paieront les conséquences de votre légèreté et de votre irresponsabilité ! (Mêmes mouvements.)
M. Matthias Renault
C’est la droite des impôts qui parle !
M. Laurent Wauquiez
La censure, c’est la fin des aides d’urgence aux agriculteurs, la fin de tout ce que vous avez cherché à construire ces dernières semaines, madame Genevard, c’est la fin des allègements de charges, la fin des exonérations de taxes et la fin de la revalorisation de leurs retraites, eux qui travaillent dur mais touchent des pensions misérables. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR, EPR et HOR. – M. Mickaël Cosson applaudit également.)
Mme Stéphanie Rist
Eh oui !
M. Laurent Wauquiez
Il est facile d’aller sur les ronds-points pour prétendre flatter les agriculteurs, puis de les abandonner une fois dans l’hémicycle ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe DR, applaudissements sur de nombreux bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem. – Protestations sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme Sophie Ricourt Vaginay
Oh !
M. Laurent Wauquiez
La censure, c’est la fin du plan d’urgence pour sauver les maisons de retraite de la faillite.
La censure, c’est l’abandon du cumul emploi-retraite, qui permettrait de lutter contre la désertification médicale.
M. Nicolas Sansu
Non mais arrêtez !
M. Laurent Wauquiez
La censure, et je vois bien que cela vous gêne, c’est renoncer à l’augmentation des effectifs de gendarmes, de policiers et de magistrats, si indispensable quand la sécurité doit être notre priorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR, Dem et HOR.)
La censure, c’est porter un coup d’arrêt à la loi de programmation militaire, alors même que l’Europe est menacée à ses frontières. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
La censure, c’est la dette qui va continuer à filer, alors même que la France, avec le désordre que vous avez conjointement créé, est désormais moins crédible que la Grèce sur les marchés financiers.
M. Emeric Salmon
C’est le résultat de votre politique !
M. Nicolas Sansu
C’est vous qui êtes au gouvernement !
Mme Dieynaba Diop
Il paraît pourtant qu’on a un Mozart de la finance à l’Élysée !
M. Laurent Wauquiez
On lui impose 1 point de taux d’intérêt supplémentaire et ce sont les Français qui paieront l’addition. Ce sont 30 milliards d’euros de dette supplémentaire et d’intérêts dans les années qui viennent, c’est trois fois le budget de la justice !
M. Matthias Renault
C’est la dette Macron !
M. Emeric Salmon
Vous en êtes responsables !
M. Laurent Wauquiez
La censure, visiblement ça vous gêne encore, c’est l’aggravation de la crise immobilière. C’est la fin du prêt à taux zéro, au moment même où le marché de l’immobilier s’effondre, ce qui met en péril nos artisans et nos entreprises. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et Dem.)
M. Matthias Renault
Et l’instabilité fiscale, alors ?
M. Laurent Wauquiez
La censure, c’est l’incertitude économique pour tous ceux qui prennent des risques. C’est l’incertitude pour les entreprises, c’est l’incertitude pour les PME, c’est l’incertitude pour les commerçants, c’est l’incertitude pour les artisans, c’est l’incertitude pour les professions libérales. Vous n’en avez même pas dit un mot, madame Le Pen ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes DR, EPR et HOR.)
Mme Justine Gruet et M. Vincent Descoeur
Eh oui !
M. Laurent Wauquiez
Cette incertitude, c’est celle des Français qui vont hésiter à consommer demain. Je prends d’ailleurs date aujourd’hui : par votre irresponsabilité, vous enfoncerez la France dans une crise économique et financière…
M. René Pilato
Mais arrêtez !
M. Laurent Wauquiez
…et vous en porterez la responsabilité aux yeux des Français, qui se souviendront de ceux qui ont allumé la mèche. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Emeric Salmon
C’est vous, le responsable !
M. Laurent Wauquiez
Un pays a besoin de stabilité. Il a besoin de stabilité, il a besoin d’un budget, il a besoin d’un gouvernement.
Mme Dieynaba Diop
Le pays a surtout besoin d’un gouvernement de gauche !
M. Alexis Corbière
On arrive !
M. Laurent Wauquiez
Rien n’est pire, pour une économie, que l’incertitude.
La censure, et c’est sans doute le plus grave, c’est faire perdre à notre pays son dernier atout. La France pouvait au moins compter sur la stabilité de ses institutions, mais vous vous délectez d’une plongée dans l’instabilité. (L’orateur montre les bancs situés à gauche et à droite de l’hémicycle.) Voilà l’image que vous donnez.
La stabilité de nos institutions, c’est ce qui nous a toujours protégés, si bien que même dans les crises les plus graves, notre pays demeurait gouvernable.
M. Raphaël Arnault
Qui a dissous l’Assemblée, au juste ?
M. Laurent Wauquiez
Alors que nous dansons au-dessus d’un volcan, vous nous proposez de faire un pas de plus en direction de l’instabilité institutionnelle qui a accéléré l’agonie de la IVe République.
Vous vous apprêtez à ouvrir la boîte de Pandore de l’instabilité gouvernementale. Vous réveillez les vieux démons qui viennent de l’extrême gauche de la politique française,…
M. René Pilato
Vous savez ce qu’ils vous disent, les démons ?
M. Laurent Wauquiez
…ceux de l’impuissance, de l’instabilité ministérielle et de l’incertitude économique.
Si encore vous aviez des solutions !
Mme Dieynaba Diop et Mme Sabrina Sebaihi
On en a !
M. Jean-Victor Castor
Mais nous sommes la solution !
M. Stéphane Peu
Contrairement à vous, nous avons été élus sur un programme !
M. Jean-Paul Lecoq
Il fallait être présent, nous les avons présentées, nos solutions !
M. Laurent Wauquiez
Vous proposez le blocage sans solutions.
Mme Dieynaba Diop
C’est parce que vous n’avez pas siégé que vous n’avez pas entendu nos propositions !
M. Laurent Wauquiez
Que vous le vouliez ou non, il ne peut pas y avoir de nouvelles élections législatives avant l’été : c’est ça, la vérité.
Pendant que se jouait cette comédie d’une insoutenable légèreté, qu’avons-nous entendu ? « Vous ne nous avez pas traités avec suffisamment d’égards », voilà ce que nous avons entendu.
Mme Marine Le Pen
Il semble que vous ayez mal entendu !
M. Laurent Wauquiez
Qu’est-ce que cela veut dire ? Que vous vous apprêtez à jouer avec le destin de la France, que vous vous apprêtez à faire tomber un gouvernement parce qu’on ne vous aurait pas traités avec suffisamment d’égards ? Est-ce vraiment cela, être à la hauteur des enjeux ? Est-ce bien l’image que vous voulez offrir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Je n’oublie rien de la responsabilité de La France insoumise. Je n’oublie rien du danger que représentent ceux qui veulent autoriser l’apologie du terrorisme. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
M. René Pilato
Démago !
Mme Marine Le Pen
Franchement, ça n’a rien à voir !
M. Laurent Wauquiez
Je n’oublie rien du danger que représentent ceux qui entretiennent une complaisance détestable avec l’antisémitisme et je n’oublie rien du danger de ceux qui ont trahi Jaurès et Clemenceau.
Mme Sabrina Sebaihi
Que dire de ceux qui ont trahi de Gaulle ?
M. Laurent Wauquiez
Toutefois, la réalité c’est que sans vos voix, madame Le Pen, La France insoumise ne pourrait rien. La réalité, madame Le Pen, c’est que vous vous apprêtez à voter pour ceux qui traitent les policiers d’assassins. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Stéphane Peu
Mettez-vous donc à genoux devant Mme Le Pen !
M. Laurent Wauquiez
La réalité, madame Le Pen, c’est que vous vous apprêtez à voter pour ceux qui traitent les terroristes de résistants.
Mme Marine Le Pen
Oh, franchement !
M. Laurent Wauquiez
Honnêtement, la dignité devrait vous imposer un autre comportement. Quand on lit le texte de la motion de censure, on comprend toute l’hypocrisie de son soutien : il dénonce les plus viles obsessions de l’extrême droite et vous le voteriez ? Voteriez-vous un texte qui explique qu’il ne faut pas revenir sur l’aide médicale d’État ? Voteriez-vous un texte qui explique qu’il ne faut pas de loi plus ferme au sujet de l’immigration ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme Dieynaba Diop
Mettez-vous à genoux plus vite !
M. Laurent Wauquiez
Voilà, madame Le Pen, ce que vous allez faire,…
Mme Marine Le Pen
Nous votons la censure, pas la motion !
M. Laurent Wauquiez
…voilà à quelles incohérences en sont réduits, dans cet hémicycle, les semeurs de chaos.
M. Pierre Cordier
Bravo !
M. Stéphane Peu
Il faut lui donner un bavoir !
M. Laurent Wauquiez
Dans un parcours politique, il y a toujours un moment de vérité. Il y a des moments où on ne peut pas duper, esquiver ou feindre. Des moments où il faut choisir entre un intérêt personnel, madame Le Pen, et l’intérêt du pays. Des moments où il faut choisir entre son intérêt partisan et le sens de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Madame Le Pen, je n’ai jamais été de ceux qui vous diabolisaient. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe RN. – M. Julien Odoul fait mine d’allonger son nez.)
M. Emeric Salmon
On est au théâtre des Deux Ânes ou quoi ? C’est Bernard Mabille ?
M. Laurent Wauquiez
Je n’ai jamais été de ceux qui vous donnaient des leçons de morale.
M. Stéphane Peu
Le bisou, le bisou !
M. Laurent Wauquiez
Je vous le dis donc avec d’autant plus de force aujourd’hui : les Français jugeront sévèrement le choix que vous vous apprêtez à faire. Les Français jugeront sévèrement ceux qui prétendent redresser le pays et choisissent le désordre. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Laurent Jacobelli
Au revoir !
M. Julien Odoul
Vous n’avez fait que 6 % !
M. Laurent Wauquiez
Les Français jugeront sévèrement ceux qui voulaient se montrer responsables, mais font finalement le choix de l’irresponsabilité. Les Français jugeront sévèrement ceux qui prétendaient incarner l’ordre et choisissent aujourd’hui le chaos.
M. Laurent Jacobelli
C’est la meilleure !
M. Laurent Wauquiez
Emmanuel Macron porte peut-être seul la responsabilité de la dissolution…
M. Alexis Corbière
Enfin quelque chose de vrai !
M. Laurent Wauquiez
…mais vous porterez, avec La France insoumise, la responsabilité de la censure qui plongera le pays dans l’instabilité. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes DR, EPR et HOR.)
M. Emmanuel Taché de la Pagerie
Allez, au revoir !
M. Laurent Wauquiez
Je vous le dis donc une dernière fois : ressaisissez-vous ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) Ressaisissez-vous, il en est encore temps ! Ressaisissez-vous et changez votre choix !
Un député du groupe RN
N’en jetez plus !
M. Stéphane Peu
Allez allumer un cierge !
M. Laurent Wauquiez
Ressaisissez-vous, parce que sinon, nous nous souviendrons longtemps de ce jour désolant. (Brouhaha.)
Nous nous souviendrons longtemps, madame Le Pen, qu’une alliance des contraires, portée par le cynisme, a plongé notre pays dans l’instabilité.
M. Michaël Taverne
Stop !
M. Laurent Wauquiez
Ressaisissez-vous, parce qu’il est toujours temps de faire le choix de la France ! (Les députés du groupe DR se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain. (Les députés du groupe EcoS se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.)
Mme Cyrielle Chatelain
Je souhaite m’adresser à celles et ceux qui nous regardent. Certains souhaitent la censure de votre gouvernement, d’autres non, mais tous sont inquiets. Tous se demandent ce qu’il adviendra demain. Qu’ils en soient assurés : la décision du groupe Écologiste et social et de ses partenaires du NFP de censurer le gouvernement a été prise en conscience et avec gravité. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Nous en connaissons les conséquences : une France de nouveau sans gouvernement, avec un travail budgétaire à reprendre presque du début. Pourtant, notre main ne tremblera pas au moment de voter la censure car, plutôt que de subir encore et encore une mauvaise politique, faite de coupes budgétaires aveugles et de concessions à l’extrême droite, nous souhaitons nous donner une chance de tout recommencer, de changer enfin le contenu des politiques et la manière de faire de la politique. Nous ne nous résignons pas au pire et nous choisissons de croire que le meilleur est encore possible.
Cela peut sembler illusoire et naïf, tant sept années de présidence d’Emmanuel Macron ont peu à peu asphyxié toute lueur d’espoir. Il a jeté à la poubelle les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, caché le contenu des cahiers de doléances, envoyé la police contre les gilets jaunes, cherché à dissoudre les Soulèvements de la Terre, alors que les milices d’extrême droite manifestaient dans nos rues, calmé les agriculteurs par de fausses promesses, dissous l’Assemblée par tactique politique et refusé le résultat des élections. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Alexis Corbière
Exactement !
Mme Cyrielle Chatelain
En refusant sa défaite dans les urnes, Emmanuel Macron nous a entraînés dans l’impasse.
M. Alexis Corbière
C’est vrai !
Mme Cyrielle Chatelain
En s’appuyant sur un accord avec Marine Le Pen, il a cherché à maintenir sa politique, quoi qu’il en coûte. Cela vous a permis, monsieur le premier ministre, d’être nommé et d’arracher quatre-vingt-dix jours à la tête de l’État. Cela a permis à Marine Le Pen de gagner du temps dans le procès où elle est accusée d’avoir organisé un système de détournement d’argent public au profit de son parti. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.) Ce sont quatre-vingt-dix jours de gâchés. Votre erreur, monsieur le premier ministre, est d’avoir pensé que Marine Le Pen vous laisserait faire un budget et qu’elle se refuserait à vous censurer. Et vous, crédule, vous l’avez crue. Peut-être la croyez-vous encore ?
M. Alexis Corbière
Quelle erreur !
Mme Cyrielle Chatelain
Et vous vous êtes abaissé, de compromis en compromission.
Mais la réalité, c’est que cette censure sur le budget était écrite d’avance. Le sursis qu’elle vous a donné n’était que le nouveau subterfuge d’un parti politique qui ne fait que des coups et qui adapte son timing à ses poursuites judiciaires.
M. Vincent Descoeur
Un parti auquel vous allez vous associer !
Mme Cyrielle Chatelain
Mais la politique ne peut se réduire à des déclarations anxiogènes sur les plateaux de télévision, à des négociations par presse interposée, à la mise en scène d’un dialogue et à de fausses promesses. La réalité finit toujours par s’imposer face à la communication car la politique, ce sont avant tout des choix qui ont des conséquences économiques, physiques, psychologiques pour de nombreux Français, des choix qui les affectent dans leur chair et dans leur vie.
Édouard Louis, dans Qui a tué mon père, l’exprime mieux que je ne pourrais le faire. Il écrit : « Les dominants peuvent se plaindre d’un gouvernement de gauche, ils peuvent se plaindre d’un gouvernement de droite, mais un gouvernement […] ne leur broie jamais le dos. […] La politique ne change pas leur vie, ou si peu. Ça aussi c’est étrange, c’est eux qui font la politique alors que la politique n’a presque aucun effet sur leur vie. Pour les dominants, le plus souvent, la politique est une question esthétique : une manière de se penser, une manière de voir le monde, de construire sa personne. Pour nous, c’était vivre ou mourir. » (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
En résumé, certains se créent une bulle de confort grâce à leur argent, enfermés dans l’idée que le privé vaut mieux que le public, que leurs moyens leur permettront de s’adapter à un monde où il fera 4 degrés Celsius de plus, et qui restent aveugles à l’impact des politiques austéritaires. Une illusion construite par et pour les forts, par et pour les puissants. Les autres n’ont pas le privilège de pouvoir détourner le regard des conséquences de vos politiques.
Pourquoi donc les 450 salariés de Vencorex, en Isère, se réjouiraient-ils de vos grandes déclarations sur la réindustrialisation française, alors que, comme les salariés d’Arcelor ou de Michelin, ils risquent dans quelques mois de perdre leur emploi ? Pourquoi les défenseurs de l’environnement s’imagineraient-ils que vous voulez « make our planet great again », quand vous sabrez dans les dépenses de la rénovation thermique et que vous voulez laisser le béton remplacer les zones naturelles et agricoles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.) Pourquoi les Français devraient-ils vous croire quand vous martelez que la France est le pays où l’inflation a été la plus faible, alors que les prix alimentaires y ont augmenté plus que partout ailleurs en Europe ? Pourquoi les Français devraient-ils soutenir votre politique, alors que 55 % d’entre eux n’arrivent que difficilement à assurer leurs dépenses courantes ?
M. Alexis Corbière
Eh oui !
Mme Cyrielle Chatelain
Enfin, pourquoi les électeurs qui se sont mobilisés en masse contre l’extrême droite vous pardonneraient-ils vos compromissions avec le Rassemblement national ? (Mêmes mouvements.) Ils ne le feront pas, et nous non plus.
Ainsi, dans peu de temps, votre gouvernement sera censuré. La censure d’un gouvernement sans soutien populaire, sans majorité parlementaire et sans dialogue avec son opposition républicaine est inéluctable.
Mme Fatiha Keloua Hachi
Tout à fait !
Mme Cyrielle Chatelain
Après un gouvernement qui est allé à l’encontre du vote des Français en méprisant l’Assemblée, nous souhaitons un gouvernement qui mette en œuvre le changement de politique voulu par les Français et qui s’appuie sur le Parlement. Nous réaffirmons qu’il est légitime que la gauche et les écologistes, qui constituent la première force politique de l’Assemblée nationale, gouvernent le pays, autour d’une feuille de route issue du programme du Nouveau Front populaire et articulée autour de quelques priorités : la constitution d’un budget augmentant les ressources de l’État ; des mesures efficaces et immédiates pour lutter contre le réchauffement climatique ; la réunion, enfin, d’une conférence pour l’augmentation des salaires et l’arrêt des licenciements boursiers. (Mêmes mouvements.)
Après la censure, la France ne sera pas paralysée mais entrera dans une période incertaine, au cours de laquelle il n’est pas souhaitable que les gouvernements tombent les uns après les autres. Pour éviter cela, il faut que nous changions profondément nos habitudes, car si votre gouvernement tombe, la composition de l’Assemblée nationale, elle, restera inchangée.
M. Jean-Yves Bony
C’est bien le problème, justement !
Mme Cyrielle Chatelain
Tout d’abord, le groupe Écologiste et social défend la primauté de la décision collective, du débat public et du travail parlementaire, que les membres de la coalition gouvernementale ont fuis pendant des mois. (Mêmes mouvements.)
M. Philippe Brun
Bravo !
Mme Cyrielle Chatelain
Il faut en finir avec l’approche verticale du pouvoir, qui est aujourd’hui mise en échec. Le prochain gouvernement devra s’engager à ne pas utiliser le 49.3. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Stéphane Peu applaudit également.) C’est la garantie du débat parlementaire et c’est la seule garantie pour qu’un gouvernement ne soit pas censuré.
Ensuite, il faut remettre les choses dans le bon ordre. Il y a une obsession médiatique et politique autour de la personne qui pourrait gouverner la France demain : c’est prendre les choses à l’envers. Pour le groupe Écologiste et social, la question primordiale est celle-ci : pourquoi voulons-nous gouverner et quelle politique voulons-nous mener ? C’est dans cet esprit que nous avons proposé, dans une feuille de route gouvernementale de gauche et écologiste, onze mesures prioritaires afin de répondre aux urgences et aux préoccupations des Français, car la première condition de la stabilité, c’est la clarté du projet qui réunit un gouvernement et sa coalition.
Nous voulons mettre un terme au triste spectacle d’une coalition gouvernementale qui se contredit continuellement, mais aussi vous mettre, chers collègues de la coalition présidentielle, face à vos responsabilités. Préférez-vous continuer à sabrer dans l’AME avec l’extrême droite ou financer un plan pour l’hôpital public ? Préférez-vous les fake news à la Bolloré ou agir enfin contre la concentration des médias ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.) Préférez-vous la remise en cause de l’État de droit ou la mise en place de la police de proximité ?
Monsieur le premier ministre, après votre censure, il nous reviendra, à l’Assemblée nationale, de construire un budget…
M. Pierre Cordier
Oh non, pas vous !
Mme Cyrielle Chatelain
…qui viendra réparer ce que vous et vos prédécesseurs avez cassé et combler le trou budgétaire que vous avez créé. Vous pouvez rester aveuglés par votre dogmatisme du zéro nouvel impôt, mais dans ce cas, il sera difficile d’obtenir un budget, puisque c’est cette politique qui nous a conduits à ce déficit incommensurable. (Mêmes mouvements.)
Le Rassemblement national sera incapable d’apporter des solutions : il sait rejeter mais ne sait pas construire. Il refuse de mettre à contribution les plus riches et de revenir sur la politique de l’offre, qui creuse notre déficit. La seule solution qu’il propose, c’est de s’en prendre aux étrangers, à qui il refuse l’aide et l’attention qui sont dues à n’importe quel être humain.
Seuls la gauche et les écologistes ont le courage d’assurer un changement de politique budgétaire, en mettant à contribution les héritages dorés et les hauts patrimoines, en faisant du bonus-malus écologique une constante et de la contribution des pollueurs une nécessité. (Mêmes mouvements.) Nous saurons proposer un budget. Nous avons des idées et des propositions à faire…
M. Jean-Yves Bony
On les connaît, vos idées !
Mme Cyrielle Chatelain
…et nous aurons le courage de les présenter devant cette assemblée et de trouver des majorités pour les faire adopter.
Mme Marie Pochon
Bravo !
Mme Cyrielle Chatelain
Monsieur le premier ministre, vous censurer aujourd’hui, ce n’est pas laisser la France sans gouvernement, mais lui donner la possibilité d’avoir un gouvernement qui mette en œuvre la politique que les Français méritent, une politique qui les respecte et qui réponde à leurs besoins et à leurs attentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS, dont de nombreux députés se lèvent, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Marc Fesneau.
M. Marc Fesneau
Je n’ai nulle intention, en ces moments de crise si graves, de participer à un énième échange caricatural ou théâtral, alors que les Françaises et les Français s’inquiètent ou s’interrogent légitimement sur leur avenir et celui de leur pays. Je n’ai pas davantage l’intention, par des invectives, de creuser un peu plus le fossé entre ceux qui, dans cette assemblée, devraient se comprendre et se parler pour bâtir au service du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.) On ne peut pas, en même temps, vouloir rassembler et s’employer à diviser les démocrates.
M. Pierre Cordier
Le célèbre « en même temps » !
M. Marc Fesneau
J’ai seulement l’intention de dire ce que je vois de la vérité du moment et de notre devoir. Monsieur le premier ministre, dans ma réponse à votre déclaration de politique générale, je soulignais la principale vérité du résultat des urnes du scrutin de juillet dernier : personne n’avait gagné les élections législatives.
Mme Sophia Chikirou
Pas vous, en tout cas !
Mme Sarah Legrain
Vous, moins que les autres !
M. Marc Fesneau
Et à en entendre certains cet après-midi, je crois qu’il n’est pas inutile de le rappeler. Aucun bloc n’a obtenu de majorité absolue pour appliquer son programme seul, et aucun bloc n’a acquis de mandat ni de pouvoir absolu.
M. Stéphane Peu
Il y en a un qui était en tête !
M. Marc Fesneau
Nous n’avions qu’un impératif : celui du dialogue, et peut-être plus encore celui de l’humilité et du sens de l’intérêt général. Et les Français nous ont demandé de nous extraire des contingences politiques et partisanes pour travailler ensemble sur l’essentiel et à leur service. C’est le choix que nous avons fait en conscience, monsieur le premier ministre, en vous soutenant avec exigence, mais aussi – et c’est tout aussi important pour moi – avec loyauté. Nous avions espéré, sans doute comme beaucoup de Français, qu’il en soit de même pour toutes les forces parlementaires qui, comme nous, étaient le produit d’une élection sans vainqueur et qui refusaient les extrêmes.
Cette situation n’autorisait donc personne à prétendre appliquer son seul programme, rien que son programme, tout son programme. Nous étions prêts à œuvrer au service de l’intérêt général et je peux témoigner que le premier ministre, avec ses équipes, s’y est tenu, lui qui assume sa mission avec le sens du devoir, avec lucidité et responsabilité et avec pour cap l’intérêt du pays. (Mme Pascale Bay applaudit.) Mais le débat que nous sommes en train de tenir et les votes annoncés montrent que, malheureusement, nous n’y sommes pas parvenus.
M. Emeric Salmon
C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Marc Fesneau
Certains ont manifestement préféré la facilité du cynisme, du sectarisme et, pire encore, du laisser-faire, à l’exigence de l’esprit de responsabilité et de la recherche du compromis. Tout engagement, s’il se veut sincère et utile, nécessite des compromis, et il est évidemment beaucoup plus facile de rester soi-même en ne faisant rien.
Vous avez les mains propres, mais vous n’avez plus de mains, pour paraphraser Charles Péguy, que je serais tenté de citer aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe DR.)
M. Laurent Wauquiez
Très bien !
M. Marc Fesneau
Pire : certains renient le sens même du vote des Français en scellant une alliance des contraires.
Mme Dominique Voynet
C’est du mauvais théâtre !
M. Marc Fesneau
Pourtant, le texte qui nous est soumis, à savoir le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), mais aussi, plus largement, les textes budgétaires dont nous discutons depuis deux mois et que nous devons considérer comme un tout, sont précisément le fruit d’un compromis.
M. Pierre Cordier
Eh oui !
M. Marc Fesneau
Jamais, sans doute, des textes budgétaires n’auront été autant remaniés et modifiés à l’aune des débats parlementaires. Le plus évident – fait suffisamment rare pour être souligné – est le compromis…
Mme Dominique Voynet
Entre la droite et la droite !
M. Marc Fesneau
…entre le Sénat et l’Assemblée nationale sur le PLFSS. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et DR.)
M. Jean-Pierre Vigier
Absolument !
M. Marc Fesneau
En dépit de ce que certains voudraient faire croire, ce texte est bien le fruit d’un travail entre les différents blocs des deux assemblées. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Dem.) Permettez-moi – et pardon à ceux que cela gêne – de citer quelques-unes des avancées nées de ce compromis : une meilleure protection des petites retraites, que nous étions nombreux à défendre (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR) ;…
Mme Marie-Christine Dalloz
C’est vrai !
M. Marc Fesneau
…une fiscalité incitative sur les sodas ; une réforme des allégements généraux de cotisations sociales et patronales, que nous avons pu envisager pour la première fois et à laquelle nous avons su collectivement aboutir, en trouvant un équilibre entre soutien à l’emploi et efficacité de la dépense publique.
Mme Marie-Christine Dalloz
Très bien !
M. Marc Fesneau
Ce PLFSS contient surtout des avancées concrètes pour nos concitoyens. Sans lui, les mesures de prévention et d’accès aux soins ne seront pas renforcées, il n’y aura pas d’investissements supplémentaires dans le système de santé, pas de mesures destinées à lutter contre la pénurie de médicaments. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.) Sans ce PLFSS, les moyens de la prise en charge de la perte d’autonomie n’augmenteront pas, nos aînés seront privés de plus de 6 500 créations de poste d’accompagnants ; sans lui, il n’y aura ni réforme des retraites des agriculteurs ni ces allégements de charge si cruciaux pour la compétitivité de leurs exploitations. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.)
Je ne cherche pas à faire peur,…
M. Charles Fournier
C’est pourtant ce que vous faites !
M. Marc Fesneau
…on ne gouverne pas avec la peur, mais ceux qui prétendent que le vote d’une motion de censure sur ce texte sera sans conséquences devront rendre des comptes devant les Français. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs des groupes Dem et DR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) En cas de rejet du projet de loi de finances, le résultat serait tout aussi nocif. Là encore, il faudra prendre vos responsabilités ! Sans ce PLF, les ministères régaliens, dédiés à la défense ou à la sécurité quotidienne des Français, qu’il s’agisse de la justice ou des forces de l’ordre, ne disposeront pas de moyens supplémentaires. Sans ce PLF seront assurément trahis les engagements pris auprès des agriculteurs en pleine crise agricole, qu’ils concernent l’accompagnement des éleveurs, l’aide à la transmission des exploitations ou à l’installation des jeunes agriculteurs. Les mêmes qui poussent ou soutiennent leurs manifestations s’apprêtent à priver les agriculteurs des réponses qu’ils attendent pourtant avec impatience. Sans ce PLF, il n’y aura pas non plus de contribution exceptionnelle des plus hauts revenus, que nous appelions de nos vœux, ni de mesures de justice fiscale que vous réclamiez pourtant sur vos bancs (L’orateur désigne la gauche et la droite de l’hémicycle).
Bien sûr, ces textes ne sont pas parfaits – j’entends ceux qui répètent : « Ce n’est pas assez, il faut plus. » Mais ils sont le fruit de compromis – pardon pour ce gros mot. Vous choisissez la rupture contre le compromis, et le confort du statu quo contre les avancées. En le balayant d’un revers de main, vous vous dessaisissez aussi de la mission du législateur : proposer, améliorer, débattre et s’accorder. Au fond, vous choisissez de vous en remettre aux lois spéciales, à la gestion des affaires courantes, aux hasards du désordre. Ce faisant, vous diminuez le rôle du Parlement et vous l’affaiblissez aux yeux des Français. En outre, vous faites évidemment prendre un risque important au pays : nos partenaires et nos créanciers nous regardent et constatent notre incapacité à avancer. Comme ces derniers jours l’ont prouvé, le coût du financement de notre dette publique augmentera…
M. Emeric Salmon
Il augmente déjà !
M. Marc Fesneau
…diminuant à proportion notre capacité à financer d’autres politiques publiques.
Vous faites prendre le risque d’une perte de confiance dans la capacité de la France à rembourser, à terme, sa dette, ouvrant ainsi la porte à une crise comme ont pu en connaître certains de nos partenaires européens. Ces risques, vous devez, vous devrez les assumer ; vous ne pourrez pas vous en défausser.
Aux collègues de gauche : en juillet, vous avez fait le choix de l’immobilisme et du renoncement. En ce mois de décembre, vous vous apprêtez à faire un choix pire, celui de l’irresponsabilité et de l’inconnu. Aux collègues du groupe RN : malgré le désarroi des agriculteurs, des soignants et des forces de l’ordre, dont vous vous prétendez les porte-étendards, malgré les difficultés que ce chaos entraînerait pour les plus modestes, vous vous apprêtez à trahir ces électeurs – les vôtres ! – pour lesquels vous demandiez pourtant du respect.
Mme Marie-Christine Dalloz
Eh oui !
M. Marc Fesneau
Au fond, à part sur l’organisation du chaos, vous n’êtes d’accord sur rien. Vous ne vous accordez pas sur les économies à faire, puisque les uns demandent des économies irréalisables et contre-productives sur les aides aux entreprises, quand les autres pensent qu’il suffit de transformer l’aide médicale d’État en aide médicale d’urgence pour régler tous nos problèmes de déficit et de finances publiques. Vous n’êtes pas non plus d’accord sur les perspectives politiques futures, puisque les uns veulent supprimer le délit d’apologie du terrorisme, quand les autres prétendent faire de la sécurité des Français leur priorité. Ni sur le cadre dans lequel s’inscrivent nos politiques : quand les uns – du moins certains –, à gauche, défendent encore l’Europe, les autres veulent instaurer une priorité nationale factice, laquelle serait évidemment contraire à notre engagement européen, et surtout à nos intérêts. Chers collègues de la gauche, vous reprochez au premier ministre d’être sous la tutelle du Rassemblement national mais vous vous apprêtez à vous allier avec lui pour précipiter la France dans l’inconnu et le chaos ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, EPR, DR, et HOR.)
M. Pierre Cordier
Exactement !
M. Marc Fesneau
En Allemagne, la Constitution prévoit la possibilité d’une motion de censure constructive : quand ils renversent un gouvernement, les parlementaires doivent proposer une majorité alternative, sinon la censure est impossible. Savez-vous pourquoi les Allemands ont procédé ainsi ? Parce qu’ils ont tiré les leçons de l’histoire, pris la mesure des conséquences d’une période où des extrêmes, à gauche comme à droite, renversaient les gouvernements semaine après semaine, sans solution alternative, enfonçant en définitive leur pays jusqu’au pire. Quant à vous, en France, vous vous faites les champions de la motion de censure destructrice. Vous n’êtes pas fichus de dire aux Français quelles solutions de rechange vous comptez leur proposer. Vous aggravez la crise.
M. Jean-Paul Lecoq
C’est bien la preuve qu’il faut changer de république !
M. Marc Fesneau
Cependant, tout cela n’est pas irrémédiable. Il existe une voie, mes chers collègues, pour répondre enfin aux résultats des élections de juillet dernier. Le meilleur moyen de ne pas être sous la menace – donc la tutelle – des extrêmes – des deux extrêmes – est d’accepter enfin le dialogue et le compromis.
Mme Marie-Charlotte Garin
Vous êtes l’extrême mollesse !
M. Marc Fesneau
La censure ne produira rien. Un tel dialogue n’est pas simple à mettre en place ni à maintenir dans la durée. Il demande d’importants efforts : que chacun fasse des pas vers les autres ; que personne, dans cette période, ne joue pour lui-même ; que cessent les arrière-pensées ou les calculs d’arrière-boutiques.
Mme Dieynaba Diop
Soit exactement ce que vous n’avez pas fait !
M. Jean-Paul Lecoq
Très belle déclaration d’amour au RN ! À quand la demande en mariage ?
M. Marc Fesneau
Plusieurs éléments permettraient d’en jeter les bases, à commencer par des attitudes et des discours respectueux des adversaires, qui commandent de s’abstenir de dramatiser, de caricaturer les politiques publiques et de mettre en scène artificiellement de faux affrontements, qui exigent d’assumer non seulement nos divergences – c’est facile –, mais aussi – plus difficile – nos convergences.
Un tel dialogue implique un système institutionnel qui favorise le compromis. Je dirai avec gravité que c’est une question de survie pour notre démocratie. Cela suppose un mode de scrutin qui puisse libérer les différentes familles politiques des logiques de bloc, tout en respectant les identités de chacun. Discutons sans tabous des sujets qui continuent de diviser, comme les retraites, par exemple, puisque la révision de la réforme de 2023 n’a pas débouché sur un compromis. Nous ne parviendrons pas à rétablir les comptes publics si nous ne les examinons pas sans démagogie. Soyons honnêtes avec nos concitoyens : les compromis trouvés ne devront pas mettre en péril nos finances publiques, à moins de brader l’avenir de nos enfants et à renoncer, de fait, à notre souveraineté. En définitive, nous devons sortir de l’ornière et de l’urgence, redonner du sens et retrouver le temps long de la réflexion au moment de définir collectivement les priorités politiques et les investissements pour l’avenir.
Je relisais ces jours-ci les discours de Pierre Mendès France, grande figure de la gauche, grande figure française.
M. Olivier Falorni
Une bonne lecture !
M. Marc Fesneau
« Gouverner, écrivait-il, c’est choisir, si difficiles que soient les choix. » À propos des défis à relever, ajoutait-il, certains estimeront qu’il faudrait emprunter « d’autres sentiers, ombragés et faciles », qu’une politique gouvernementale pourrait « laisser de côté ce qui est dur pour ne retenir que ce qui est agréable ». Mendès France se battait déjà contre cette tentation de la facilité que nous combattons aujourd’hui.
M. Pierre Cordier
Oui, mais il a échoué !
M. Marc Fesneau
Pour les démocrates que nous sommes, gouverner consiste d’abord à s’interdire de faire des promesses que l’on ne peut tenir, à refuser la facilité et le pessimisme, à faire le choix de la vérité et du courage, à respecter les électeurs – tous les électeurs. Le premier des respects que l’on doit aux Français commande de ne pas leur mentir.
Mme Sophia Chikirou
Gouverner, c’est mentir !
M. Marc Fesneau
Selon nous, gouverner, c’est rechercher sans cesse avec les Français – pas contre eux, ni sans eux – les voies des réformes nécessaires au pays. Ce n’est pas rechercher son avantage immédiat et personnel, mais estimer que la victoire de tous, par le compromis, est la victoire de chacun ; que nous gagnerons ensemble ou que nous perdrons tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. Roland Lescure applaudit également.) Enfin, ce n’est pas livrer les esprits et le pays aux puissances de la division et du désordre, mais rassembler les Français autour d’un cap, d’un projet et – j’ose le mot – d’un idéal.
M. Éric Martineau
Eh oui !
M. Marc Fesneau
Il y a un chemin et une majorité pour cela, dans cette assemblée comme dans le pays. À cette majorité de se lever et de s’exprimer dès cet après-midi. Au fond, les Français ne nous demandent qu’une chose : faire notre devoir en conscience. Le premier ministre et son gouvernement le font, et c’est ce que nous devons faire en rejetant cette motion de censure. (Les députés des groupes Dem, EPR, DR et HOR se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés du groupe LIOT applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Marcangeli.
M. Laurent Marcangeli
« La France ne peut être la France sans la grandeur », écrivait le général de Gaulle dans ses Mémoires. Dans ce moment d’une particulière gravité, je souhaite dire ô combien nous avons besoin de cette grandeur, de ce sens de l’État qui manque cruellement au débat public. Il n’y a qu’ainsi que la République peut fonctionner dans l’intérêt des Français, ne pas stagner mais avancer et s’élever.
Nous revient, en ce jour, la tâche ardue d’écrire l’histoire. Je dois l’admettre : j’étais loin d’imaginer que je me retrouverais dans une telle situation lorsque je me suis présenté aux élections législatives.
À présent, deux chemins s’offrent à nous. Le premier est celui de la baisse de la fièvre démocratique : les divers appels à la responsabilité – auxquels le groupe Horizons & indépendants, que je préside, souscrit pleinement – sont entendus, et cette motion de censure n’est pas adoptée. Il est encore temps : la censure n’est pas une fatalité.
Dans cette assemblée, depuis juillet dernier, les yeux sont tournés vers la droite.
M. Jean-Paul Lecoq
Vers l’extrême droite !
M. Laurent Marcangeli
Or je souhaite m’adresser un instant à la gauche sociale-démocrate : d’autres issues sont possibles, chers collègues, vous pouvez toujours, sans vous renier, saisir la main que nous vous avons tendue dès le mois d’août dernier, afin de bâtir un pacte de responsabilité minimal sur des sujets consensuels. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.) Sur l’accès aux soins, l’école, la sécurité, et même sur la réduction du déficit public, des consensus sont possibles, j’en suis certain. Soyons clairs, il s’agirait moins d’un mariage d’amour que d’une entente cordiale, temporaire, dans l’intérêt supérieur des Françaises et des Français. (Sourires sur les bancs du groupe Dem.)
Notre collègue François Hollande a occupé la fonction suprême. Il connaît la difficulté de la tâche budgétaire et ses enjeux pour le pays. Pourquoi est-il si taiseux quant aux conséquences réelles de cette censure ? (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.) Nous devons la vérité à nos concitoyens. En réalité, si nous empruntons le second chemin, qui mène à la chute de ce gouvernement – lequel n’a certes pas tout bien fait, n’a pas eu le temps de faire beaucoup, mais qui a eu à cœur d’agir dans l’intérêt du pays –, nous exposons les Françaises et les Français à de nombreuses difficultés.
Contrairement à de nombreux commentateurs, en évoquant les répercussions du vote de cette motion, je ne souhaite ni dramatiser exagérément la situation ni infantiliser les Français. Les faits, rien que les faits : les voix des extrêmes se mélangent, créant une alliance objective pour faire chuter le gouvernement.
M. Fabrice Brun
Le mariage de la carpe et du lapin !
M. Laurent Marcangeli
Et ensuite ? Et après ?
M. Fabrice Brun
Rien ! Il n’y a rien après !
M. Laurent Marcangeli
Sur le plan politique, je rappelle que personne n’a gagné les dernières élections législatives – autrement nous n’en serions pas là. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.) Le 1er octobre, j’affirmais devant vous que les Français, par leurs suffrages, avaient choisi de confier à notre assemblée la responsabilité de la stabilité politique et institutionnelle, de la confier aux parlementaires que nous sommes. Tracer davantage de lignes rouges que de propositions d’économies raisonnables, est-ce se montrer digne de la confiance du peuple français ? À force de positions inflexibles, la censure pourrait devenir un réflexe pavlovien, un automatisme qui conduirait à coup sûr la France dans une impasse.
Il se peut même que les budgets de l’État et de la sécurité sociale ne soient pas adoptés d’ici l’été prochain.
Mme Isabelle Santiago
Mais non !
M. Laurent Marcangeli
L’arrêt des politiques économiques, qui ne pourront plus être pilotées, amoindrira nécessairement le crédit de notre dette. Ne soyons pas naïfs : les marchés ne font pas dans l’affect et, si la situation devait perdurer, ils ne manqueraient pas d’attaquer. Outre l’envolée des taux d’intérêt, une nouvelle période d’instabilité s’ouvrirait alors pour le monde économique, en particulier pour les entreprises, qui ont besoin de lisibilité et de stabilité afin d’anticiper leurs investissements. Pour celles qui ont les reins les moins solides, souvent de très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), il pourrait s’agir de l’ultime coup de massue dans un contexte économique déjà morose. À court terme, ce sont des créations d’emplois en moins ; à long terme, ce sont des licenciements, du chômage supplémentaire, et encore plus de dépenses sociales. La crise de régime ouvrira un cercle vicieux qui augmentera la précarité dans notre pays. Ce n’est pas juste !
Il faut ajouter, en toute transparence, que l’absence de budget implique automatiquement une hausse de l’impôt sur le revenu, dont le barème ne sera pas indexé sur l’inflation, pour 18 millions de personnes.
Mme Danielle Brulebois
Eh oui !
M. Laurent Marcangeli
Près de 400 000 Français, parmi les plus fragiles, deviendront imposables alors qu’ils ne devraient pas l’être. Ce n’est pas juste ! (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et DR et sur plusieurs bancs du groupe Dem.) Les budgets alloués aux grandes politiques de l’État seraient également suspendus. Ce n’est pas abstrait : c’est un frein au soutien dont les agriculteurs ont besoin, à la lutte contre la fraude, aux dépenses de santé, à la lutte contre les trafics et contre le crime organisé, ou encore à l’aide à la reconstruction en Nouvelle-Calédonie. Ce n’est pas juste ! Ce serait tout autant un coup d’arrêt pour les armées, dont le budget ne suivrait plus la trajectoire votée ici même à une écrasante majorité, et qui se retrouveraient ainsi affaiblies dans un contexte géopolitique instable et dangereux.
Mes chers collègues, nous sommes prisonniers d’un exercice d’autopersuasion depuis 1974, année du dernier budget excédentaire : nous touchons désormais aux limites de la vie à crédit perpétuel. Le groupe Horizons & indépendants est convaincu qu’il existe une voie de passage, qu’un budget peut à la fois prendre cette réalité en compte et éviter d’asphyxier l’économie. À cet égard, il me paraît bon de rappeler les priorités que nous avons défendues au cours des longs débats budgétaires.
En premier lieu, nous avons prôné le soutien à la France qui travaille, pour remédier à deux difficultés que nos compatriotes rencontrent : le tassement des salaires au niveau du Smic et le sentiment que le travail ne paye pas assez, et parfois moins que l’inactivité. La question du logement est d’ailleurs intrinsèquement liée à ce problème, puisque de nombreux actifs ne peuvent pas accéder à la propriété. Nous avons souhaité apporter des réponses à la crise du secteur. Si cette motion de censure est adoptée, les Français seront notamment privés de l’extension du prêt à taux zéro, sur tout le territoire et pour tous les types d’habitat.
M. Thibault Bazin
C’est dommage !
M. Laurent Marcangeli
Nous poursuivrons ce combat. En second lieu, s’agissant de la relation entre l’État et les collectivités territoriales, les maires ont eu l’occasion de dire qu’ils étaient prêts à prendre leur part à l’effort de redressement du pays et des comptes publics, à condition que les mécanismes proposés soient adaptés. Nous avons proposé plusieurs améliorations en ce sens. Enfin, nous avons insisté sur la nécessité de maintenir une trajectoire budgétaire soutenable et de réduire davantage les dépenses publiques. Nous devons impérativement identifier les leviers adéquats pour nous rapprocher de l’équilibre financier, condition indispensable pour atteindre l’objectif d’un déficit public à 5 % du PIB.
Si l’irresponsabilité devait prendre le pas sur la raison dans les prochaines heures, je souhaite verser une contribution au débat public. Je rejoins le président Fesneau : inspirons-nous de modèles plus vertueux que la censure pavlovienne, qui n’offre aucune réponse. Regardons ce qu’il est possible de faire et proposons des solutions capables de guider le pays,…
M. Maxime Laisney
Vous aviez deux mois pour le faire !
M. Laurent Marcangeli
…plutôt que de censurer pour censurer et de rejeter pour rejeter ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, DR et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.) Il ne faudrait alors pas longtemps pour se rendre compte que la proposition commune d’un chef de gouvernement par les deux extrêmes de cet hémicycle est strictement impossible. Cela démontre à quel point cette alliance de circonstance, qui mêle les voix dans le seul but de plonger le pays dans l’inconnu, est fallacieuse et malheureuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes DR et Dem. – M. Nicolas Sansu s’exclame.)
Plusieurs députés du groupe RN
Vous n’allez pas nous faire changer d’avis, avec un tel discours !
M. Laurent Marcangeli
Monsieur le premier ministre, vous l’avez dit, les dettes d’aujourd’hui sont les impôts de demain. Nos enfants nous jugeront sévèrement et ils auront raison de le faire. Il ne fait guère de doute qu’ils se demanderont comment, en 2024, leur pays a pu sombrer dans un tel chaos intellectuel.
M. Maxime Laisney
Ça, c’est sûr !
M. René Pilato
C’est Macron, le responsable !
M. Laurent Marcangeli
J’invite chacun, moi y compris, à procéder à un examen de conscience et à se demander si son vote d’aujourd’hui fera davantage de bien ou de mal à la France et à ses enfants. « La République a vaincu parce qu’elle est dans la direction des hauteurs, et que l’homme ne peut s’élever sans monter vers elle. » Je souhaite pour mon pays, comme Jean Jaurès (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), que le résultat de ce vote nous élève.
M. Matthias Tavel
Vous n’avez rien de Jaurès !
M. Laurent Marcangeli
Pour sa part, le groupe Horizons & indépendants ne votera pas cette motion de censure. (Les députés des groupes HOR, EPR, DR et Dem se lèvent et applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
À la quasi-unanimité, le groupe LIOT ne votera pas la motion de censure. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, Dem et HOR.)
M. Matthias Tavel
Vous mollissez, collègue !
M. Charles de Courson
Et ce, pour quatre raisons. Première raison : voter la motion de censure redonnerait paradoxalement la main au président de la République, c’est-à-dire à celui qui est à l’origine du chaos politique créé par la dissolution du 9 juin 2024. Cette décision du président n’a été comprise ni par l’opinion publique ni par ses propres soutiens.
M. Jean-Paul Lecoq
Exactement ! D’ailleurs, il n’y en a pas un qui bronche !
M. Charles de Courson
Deuxième raison : voter la motion de censure aggraverait la crise démocratique. En effet, que vont penser les Français d’une Assemblée nationale incapable d’adopter une loi de finances et une loi de financement de la sécurité sociale ? Le rejet de la démocratie parlementaire peut déboucher sur un régime autoritaire. Le dernier sondage Ipsos rappelle que seulement 22 % des Français font encore confiance aux députés de la nation, quand 63 % considèrent le personnel politique comme corrompu…
M. Sébastien Delogu
Eh oui !
M. Charles de Courson
…78 % comme non représentatif et 83 %…
Mme Marie Mesmeur
Souhaitent la démission de Macron !
M. Charles de Courson
…comme agissant pour ses intérêts personnels. C’est une catastrophe démocratique.
Troisième raison : ce n’est pas le moment de voter une motion de censure. En effet, la situation économique et sociale n’est pas bonne et se dégrade. Un tel vote accentuerait le sentiment d’incertitude des acteurs économiques, qui ont déjà tendance à reporter leurs investissements immobiliers ou en équipements.
Mme Sandrine Rousseau
Vous voulez faire partie du prochain gouvernement ?
M. Charles de Courson
La poursuite de la hausse des taux d’intérêt de la dette publique qui s’ensuivrait ne ferait que fragiliser davantage l’économie et accroître le chômage, qui augmente depuis plus de six mois. Quant à la situation internationale, elle se dégrade constamment du fait de la récession en Allemagne, de la tendance au protectionnisme qui pousse à la hausse des droits de douane, mais aussi du fait de la guerre russo-ukrainienne ou de la déstabilisation du Moyen-Orient.
Quatrième raison : si cette motion de censure était adoptée, une sortie démocratique paraît impossible. En effet, le président de la République ne peut dissoudre l’Assemblée nationale qu’à compter du 7 juillet 2025, c’est-à-dire dans sept mois. De plus, nul ne peut prédire la composition de l’Assemblée qui résulterait de nouvelles élections législatives à l’automne 2025. Comportera-t-elle une majorité stable ? Quant à l’hypothèse de la démission du président de la République, ce dernier l’a écartée hier soir.
Au-delà de ces quatre raisons – qui font que notre groupe, à la quasi-unanimité, ne votera pas la motion de censure –, le groupe LIOT souhaite lancer un appel à tous les collègues, sur tous les bancs de cette assemblée, qui se reconnaissent dans les valeurs fondatrices de la République. Seul un large rassemblement de l’arc républicain permettrait de gouverner notre pays en évitant les risques liés à des solutions extrêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes DR et Dem.)
M. Sébastien Delogu
Décevant !
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Tout sera rendu « plus difficile et plus grave », avez-vous martelé, monsieur le premier ministre, en répondant hier à l’interpellation de l’excellent président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, André Chassaigne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.) Mais plus difficile et plus grave pour qui ? Pour Pascal, viré comme un malpropre d’une usine d’emboutissage de Saint-Florent-sur-Cher, au cœur de ma circonscription, et qui voit les factures s’accumuler et l’État se défiler devant ses obligations ? (Exclamations sur quelques bancs du groupe DR.) Pour Malika, licenciée il y a cinq semaines de l’hypermarché Géant Casino de Saint-Doulchard, à côté de Bourges, et qui ne sait comment remplir le frigo ? Pour les 2 389 salariés d’Auchan mis dehors, alors que la famille Mulliez se distribue 1 milliard d’euros de dividendes sur les résultats du groupe, grâce à l’enseigne Decathlon ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – M. Gérard Leseul applaudit également.)
Allez leur dire, comme aux 200 000 personnes qui risquent de perdre leur emploi, comme aux centaines de milliers de retraités que vous laissez dans le dénuement, comme aux chômeurs que vous voulez pénaliser davantage, comme aux 330 000 sans-abri, comme aux citoyens dits d’outre-mer qui n’en peuvent plus de la vie chère, allez-leur dire que leur vie sera plus douce si vous êtes maintenu au gouvernement ! Ils savent qu’elle sera plus dure. Le chaos est déjà là, même si vous n’en êtes pas le seul responsable. Le chaos, c’est le refus d’entendre le peuple et les organisations syndicales qui se sont levés contre l’ignoble report de l’âge de départ à la retraite ; ce sont les brancards dans les urgences hospitalières et les prises en charge dégradées qui mettent des vies en péril (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) ; ce sont les classes qui ferment dans les villages comme dans les quartiers, où l’abandon n’est plus un sentiment, mais une réalité.
M. Sébastien Delogu
Voilà !
M. Nicolas Sansu
Le chaos, c’est l’abandon de nos compatriotes des territoires dits d’outre-mer, victimes du manque d’infrastructures et de services publics, de l’empoisonnement au chlordécone et des essais nucléaires (M. Sébastien Delogu applaudit) ; c’est un pouvoir qui les humilie, confondant politique d’émancipation et de coopération avec maniement du bâton et exploitation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR. – M. Benoît Biteau applaudit également.)
Le chaos, c’est un pays qui lâche les peuples en lutte pour leur indépendance, comme les Palestiniens ou les Sahraouis (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR) ; c’est l’inaction face à la fuite en avant belliqueuse, à Gaza, en Ukraine et au Liban ; c’est le silence face aux cris des victimes civiles palestiniennes (M. David Habib s’exclame) ; c’est l’abandon d’une politique internationale en faveur de la paix. Le chaos, c’est tout bonnement l’allégeance à une politique qui a favorisé une poignée de privilégiés – les 500 plus grosses fortunes ont doublé en sept ans de pouvoir macroniste, culminant désormais à plus de 1 200 milliards d’euros.
M. André Chassaigne
Très bien !
M. Nicolas Sansu
L’ingénieur de ce chaos, c’est le président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR) qui, satisfait de son rôle de thaumaturge, l’a joué à la perfection, allant jusqu’à déclarer au lendemain de la dissolution : « Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant, on va voir comment ils s’en sortent. » Or on ne déclare pas la guerre à la démocratie, on ne joue pas avec le résultat des urnes, et certainement pas au nom de la déréliction fantasmée d’un monarque las.
M. Yannick Monnet
Excellent !
M. Nicolas Sansu
Nous sommes issus de cette élection de 2024, qui n’a certes pas donné de vainqueur absolu, mais qui a livré un perdant évident : le bloc central. Les forces qui composent votre gouvernement regroupaient 473 députés en 2017, contre moins de 230 aujourd’hui. Tout est dit !
Face au risque de voir la gauche au pouvoir, qui aurait su modifier les équilibres politiques et économiques du pays, vous avez tenté, vainement, de bâtir une majorité politique favorable aux intérêts du capital. Le Nouveau Front populaire peut construire un pacte fiscal plus juste et plus efficace, comme il l’a démontré lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Il peut engager les investissements nécessaires dans les services publics de santé, d’éducation, de sécurité, de mobilité, de transition écologique, mais aussi en soutien à l’industrie, à l’agriculture et à l’innovation. Le Nouveau Front populaire peut porter une voix singulière en Europe et appeler à la réforme de la politique budgétaire et monétaire de l’Union européenne, pour lui permettre de répondre enfin aux impératifs écologiques et sociaux de notre temps. Mais c’en serait trop pour le pouvoir exécutif, arrogant et qui suinte la violence de classe.
M. Sylvain Maillard
Oh là là !
M. Nicolas Sansu
Dans un bel élan commun, l’ensemble des droites – celle du couloir central comme celle située tout à l’extrémité – s’est retrouvé pour refuser, lors de l’examen de la première partie du budget, toute atteinte aux dogmes d’un capitalisme libéral sans scrupule. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
C’est une constante, ne l’oublions pas. C’est si vrai que M. Attal, qui aujourd’hui prend des airs graves pour fustiger un vote de censure prétendument irresponsable, tenait un autre discours lorsqu’il était premier ministre. Le 25 août dernier, il envoyait ainsi aux députés de son camp un message affirmant son intention de censurer un gouvernement issu du Nouveau Front populaire, quoi qu’il en coûte ; il évoquait une censure « inévitable ». (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et quelques bancs du groupe SOC.)
Il rejoignait en cela l’extrême droite dans cette grande alliance qui, historiquement, n’a jamais flanché : celle d’une droite qui estime toujours illégitime que la gauche mène les affaires du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et quelques bancs du groupe EcoS. – M. Inaki Echaniz applaudit également.)
Dès qu’une alternative progressiste est susceptible de prendre corps, que l’on touche à un cheveu du régime mère-fille, que l’on gratte une petite couche des héritages dorés ou que l’on cisèle une exonération fiscale inefficace, les cris d’orfraie des libéraux nous cassent les oreilles. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. Nicolas Forissier
C’est du grand n’importe quoi, Nicolas !
M. Nicolas Sansu
Mes chers collègues du bloc central, quand il s’est agi de mêler vos voix à celles de l’extrême droite pour refuser la taxation des 147 milliardaires à hauteur de 2 % de leur patrimoine, vous étiez bien moins bruyants !
M. François Cormier-Bouligeon
Vous allez voter avec l’extrême droite dans une heure !
M. Nicolas Sansu
Vous l’étiez bien moins quand vous avez capitulé devant les mécanismes d’évasion fiscale, contre lesquels votre combat s’arrête au verbiage habituel ! (Mêmes mouvements.) Bien moins encore s’agissant du rétablissement des 4 000 postes d’enseignants supprimés par le PLF pour 2025. (Mêmes mouvements.)
M. Nicolas Forissier
Vous en voulez toujours plus !
M. Nicolas Sansu
À l’étranger, la France est discréditée, alors que la concurrence nous oblige plus que jamais à réaffirmer notre souveraineté, à ne pas plier devant les États-Unis et la Chine, à protéger nos emplois et nos industries, à empêcher l’Union européenne de multiplier les signatures de traités de libre-échange qui détruisent notre agriculture.
Le PLFSS que vous tentez d’imposer par le recours au 49.3 est celui qui continue à dégrader l’hôpital public, qui acte l’abandon d’une loi grand âge, qui augmente les tarifs des mutuelles, qui ne contribue en rien à la lutte contre les déserts médicaux, qui, dans un exercice de déshonneur et d’allégeance à l’extrême droite, diminue les montants alloués à l’aide médicale de l’État, au mépris de toute humanité et au risque de laisser prospérer épidémies et contagions !
M. François Cormier-Bouligeon
Pourquoi votez-vous avec le Rassemblement national, alors ?
M. Nicolas Sansu
Que dire des inepties proférées à l’envi par le gouvernement et certains membres du socle commun, qui font croire que la censure de ce gouvernement serait la onzième plaie d’Égypte ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP et sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Philippe Gosselin
Vous portez une lourde responsabilité, cher collègue !
M. Nicolas Sansu
La première de ces inepties est celle-ci : la carte Vitale ne va plus fonctionner ! Foutaises ! Et vous le savez ! La probabilité qu’il pleuve des grenouilles sur cet hémicycle est plus élevée que celle d’un défaut de fonctionnement des cartes Vitale ! (Les députés des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS se lèvent et applaudissent.)
J’en profite pour rappeler à quel point ce modèle socialisé est beau, si bien que certains vont jusqu’à dire à son sujet que le communisme est déjà là ! Ne vous étranglez pas !
On nous assure également que, si le budget n’est pas voté, l’impôt sur le revenu pèsera davantage sur nos compatriotes et 380 000 d’entre eux seront imposés alors qu’ils ne le sont pas aujourd’hui. C’est faux : cela ne pourrait arriver qu’à partir du mois de mai ; or, d’ici là, la loi spéciale aura été votée et le gouvernement – de gauche – aura eu tout loisir non seulement d’indexer le barème de l’impôt sur le revenu, mais aussi de le rendre plus progressif, afin que tous ceux qui gagnent moins de 4 000 euros par mois payent moins et que la justice fiscale soit mieux assurée. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP et quelques bancs du groupe SOC.)
Mme Eliane Kremer
Avec qui voterez-vous de telles mesures ?
M. Thibault Bazin
Qui peut garantir qu’un tel gouvernement alternatif voie le jour ? Personne !
M. Nicolas Sansu
S’il vous plaît, que cessent ces contrevérités, qui n’ont qu’un but : faire peur, parce que la peur est une arme de destruction massive de la raison ! Les Français méritent mieux !
Les agriculteurs que nous croisons aux abords des préfectures, les chauffeurs de véhicules sanitaires légers qui bloquent les centres-villes, les enseignants, les fonctionnaires qui se mobiliseront en masse demain ne brandissent pas des banderoles où il serait inscrit : « On veut garder Barnier ! » (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP.) Bien au contraire, ils ne veulent plus être empaumés par vos soins !
M. Nicolas Forissier
Ils ne veulent pas de vous non plus !
M. Nicolas Sansu
Ils nous disent : « Stop ! Dites-leur que ça suffit et dites-le aussi à celui qui, dans son palais, cultive l’illusion solitaire de l’omniscience ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Il est des moments dans la vie d’un pays, dans la vie d’un peuple, dans la vie de ses représentants, où l’espoir s’écrit avec des ruptures. Notre pays en est fécond ! Elles ont donné lieu à de grandes avancées, dans l’union, dans la joie, dans la fraternité ! Notre responsabilité est de refuser à la fois les budgets régressifs de la sécurité sociale et de l’État, et de proposer au président de la République de laver la faute originelle qu’il fait porter comme un fardeau à la France !
Nous, députés communistes et ultramarins du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, sommes prêts à prendre part à un gouvernement issu du Nouveau Front populaire, capable de construire des majorités, ici, projet par projet, comme nous l’avons montré dans l’histoire de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
Voter la motion de censure n’a rien de personnel, monsieur le premier ministre. Ce n’est pas précipiter l’apocalypse, mais ouvrir les possibles ! N’ayez pas peur ! N’ayez pas peur ! Que les portes s’ouvrent, s’ouvrent toutes grandes au peuple ! (Les députés des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS se lèvent et applaudissent.)
M. François Cormier-Bouligeon
Ni Sansu ni censure !
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Ciotti. (Les députés des groupes UDR et RN se lèvent pour applaudir.)
M. Éric Ciotti
Hier soir, monsieur le premier ministre, vous avez dit aux Français que ce n’était pas un vote pour ou contre Michel Barnier, mais pour ou contre un texte. Nous sommes d’accord : nous nous apprêtons en effet à nous exprimer au sujet d’un mauvais budget, un budget socialiste – je vous l’ai dit lorsque vous prononciez votre discours de politique générale. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes GDR et SOC. – Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) C’est pour protéger les Français, nos entreprises et notre économie que nous le rejetterons.
Il y a six mois, lorsque je présidais encore le parti Les Républicains,…
Mme Christine Arrighi
Ah oui, avant de trahir !
M. Éric Ciotti
…j’avais fixé, avec plusieurs de vos ministres, dont Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez, un certain nombre de lignes rouges.
M. Inaki Echaniz
Attention, Valérie Pécresse arrive !
M. Éric Ciotti
Nous avions alors indiqué que leur franchissement donnerait automatiquement lieu à une censure du gouvernement.
M. Thibault Bazin
Vous n’avez pas lu la dernière version du PLFSS !
M. Aurélien Pradié
Qui a sauvé Borne de la censure ?
Mme Marie Pochon
C’était la fusion des droites : vous n’avez jamais censuré Mme Borne !
M. Éric Ciotti
Ces lignes sont les suivantes : l’augmentation des prélèvements obligatoires, la désindexation des retraites, qui pénaliserait les petits retraités, et la diminution de la prise en charge des soins et des médicaments. Votre budget les a allègrement franchies. Voter la censure relève donc pour nous de la cohérence. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Nous vous avons pourtant laissé votre chance, en toute responsabilité. Contrairement à certains, sur d’autres bancs, nous avons refusé de vous censurer a priori, malgré les alliances électorales contre nature qui ont conduit le pays au chaos ! Malgré l’appel de M. Attal à voter LFI, qui restera pour lui une tache indélébile ! (Mêmes mouvements.)
Plusieurs députés des groupes UDR et RN
Quelle honte !
M. François Cormier-Bouligeon
Vous votez pour Mélenchon !
M. Éric Ciotti
Malgré l’appel de M. Bertrand à voter LFI ! (Mêmes mouvements.) Malgré l’appel de M. Philippe à voter communiste ! (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Paul Lecoq
À voter pour moi !
M. Stéphane Peu
Il aurait mieux fait de le faire aux élections municipales ! (Sourires sur les bancs du groupe GDR.)
M. Éric Ciotti
Malgré l’accord de la honte, au second tour des élections législatives, entre une partie des Républicains, la Macronie et l’extrême gauche des Insoumis ! (Les députés des groupes UDR et RN se lèvent et applaudissent. – Vives exclamations sur les bancs des groupes EPR et DR.)
M. Nicolas Forissier
C’est un traître qui nous parle de honte !
M. Thibault Bazin
Qui a trahi trahira !
M. Éric Ciotti
Je ne vous ferai pas l’injure de citer les adversaires insoumis ou écologistes qui se sont désistés pour la plupart d’entre vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. Alexis Corbière
Vous n’aimez pas la République, monsieur Ciotti !
M. Éric Ciotti
Deux mois plus tard, nous en payons le prix ! Votre gouvernement a voulu, comme le médecin de Molière, imposer aux Français une saignée fiscale. Mais vous n’avez pas soigné la France : vous avez aggravé son mal !
Face à ces dérives, le groupe UDR se voudra toujours le bouclier fiscal des Français !
M. François Cormier-Bouligeon
Vous êtes surtout le paillasson de Le Pen !
M. Éric Ciotti
Votre budget est récessif. Les instituts d’analyse de la conjoncture économique l’ont souligné : le choc fiscal que vous voulez imposer à l’économie française nous coûterait 1 % de croissance !
Votre budget ne diminue pas les dépenses publiques ; bien au contraire, il continue de les augmenter, de 60 milliards !
M. Éric Michoux
Honteux ! Irresponsable !
M. Éric Ciotti
C’est un budget qui ne permettra de réaliser aucune économie ! Qui ne procède d’aucune volonté de réduire le périmètre d’un État devenu envahissant, paralysant pour tous ceux qui veulent innover, entreprendre, inventer ! Qui se montre incapable de supprimer ou de seulement réduire la taille des agences que vous avez citées et qui se comptent par centaines : l’Office français de la biodiversité, l’Agence de la transition écologique, autant d’organismes dont l’unique raison d’être est de dépenser de l’argent et d’empêcher les Français de travailler ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. Marc Pena
Le Pen, sors de ce corps !
M. Éric Ciotti
Vous n’avez pas voulu remettre en question les dépenses somptuaires de ces organismes ni vous attaquer au millefeuille territorial, notamment à ces métropoles inutiles et dépensières !
Il s’agit en somme d’un budget qui préfère taxer, encore taxer, toujours taxer les Français et les entreprises !
Mme Olivia Grégoire
C’est pour ça que vous votez avec l’extrême gauche ?
M. Philippe Vigier
Vous êtes les copains des Insoumis !
M. Éric Ciotti
C’est un budget antiménages, antientreprises, antiéconomique, qui augmente encore davantage les impôts que ceux qu’ont présentés en leur temps les gouvernements de François Hollande. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Un budget qui refuse de s’attaquer aux dépenses folles liées à l’immigration !
Nous en arrivons aujourd’hui à un point de rupture. Nous ne pouvons plus vous laisser menacer l’économie française d’une faillite définitive. Votre budget fait peser sur la France le risque d’une sortie de l’histoire par la petite porte.
M. François Cormier-Bouligeon
Même vous, vous n’y croyez pas !
M. Éric Ciotti
La censure évitera aux Français un choc fiscal qui provoquerait une récession inédite. Nous les préserverons ainsi des fléaux inscrits dans le PLFSS et dans le PLF.
M. Éric Martineau
Personne ne vous croit !
M. Éric Ciotti
Quelque 40 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires !
M. Thibault Bazin
Vous n’avez pas lu la dernière version, monsieur Ciotti !
M. Éric Ciotti
La désindexation des retraites dès le 1er janvier pour tous les retraités, y compris les plus modestes ! La hausse du coût du travail ! La hausse de l’impôt sur les sociétés ! La hausse de la fiscalité sur les hauts revenus ! Le retour de l’impôt sur la fortune au Sénat ! L’invention de la taxe sur l’eau en bouteille – oui, vous avez même voulu taxer l’eau !
M. Éric Michoux
La honte !
M. Éric Ciotti
Le malus sur les petits véhicules – les Renault Dacia, les Peugeot 208 ne sont pourtant pas des véhicules de luxe, mais ceux dont les Français qui travaillent ont besoin pour se déplacer chaque jour ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
En proposant ces budgets, une pseudo-droite s’est reniée ! Comment un gouvernement prétendument de droite a-t-il pu refuser de corriger les dérives insupportables de l’aide médicale de l’État réservée aux clandestins tout en diminuant le remboursement des médicaments pour les Français qui paient leurs cotisations ? (Mêmes mouvements.)
Comment un gouvernement prétendument de droite a-t-il pu alourdir le coût du travail pour les commerçants, les artisans, les professions libérales et nos entrepreneurs sans remettre en question, comme Bruno Retailleau et moi-même l’avions demandé, le versement des allocations familiales aux étrangers dès le premier jour de leur présence en France ? Ce sont 7 milliards d’économies que nous aurions pu réaliser, mais vous avez préféré toucher au remboursement des soins et des médicaments ! C’est la vérité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. Nicolas Forissier
C’est un tissu de mensonges !
M. Éric Ciotti
Monsieur le premier ministre, je vous estime et je vous respecte. Ce respect m’oblige à la vérité : aujourd’hui, seule la censure peut protéger les Français de votre budget récessif.
M. Éric Martineau
Mais oui, c’est ça !
M. Éric Ciotti
Plusieurs jours après l’annonce de cette possible censure, les marchés sont d’ailleurs plus rassurés par l’hypothèse de la fin de votre gouvernement que par la continuité de ses erreurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Stop aux fake news et à la ridicule stratégie de la peur du chaos ! C’est un fait, le 1er janvier prochain, la France ne s’arrêtera pas, et toutes les retraites seront même indexées sur l’inflation. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme Prisca Thevenot
Ça dépend lesquelles !
M. Éric Ciotti
Cela est certain, loin des fantasmes.
Dans quelques jours, le prochain gouvernement sera obligé de procéder à de véritables économies. Aujourd’hui, la censure porte l’espérance de l’alternance, la vraie, celle qu’attendent et qu’exigent les Français ! (Les députés des groupes UDR et RN se lèvent et applaudissent longuement.)
M. Inaki Echaniz
Attention, Pécresse arrive ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gabriel Attal. (Les députés des groupes EPR et Dem se lèvent pour applaudir. – Huées sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
M. Gabriel Attal
Dans pareille situation, il y a tant à dire sur la situation de notre pays, tant à dire sur le quotidien des Français qui sont déboussolés par tout ce qui se passe et qui doivent rester notre seule obsession, tant à dire sur le spectacle désolant auquel les extrêmes de cet hémicycle se livrent depuis quelques semaines, quelques mois et même quelques années maintenant. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe DR.)
M. Jean-François Coulomme
C’est vous l’extrême ! L’extrême capital !
M. Gabriel Attal
Il y a tant à dire sur l’alliance entre LFI et le RN qui est en train de se nouer (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR),…
M. Hervé de Lépinau
Dit celui qui a appelé à voter pour LFI !
M. Gabriel Attal
…conformément à l’analyse de Tocqueville qui écrivait qu’« en politique, la communauté des haines fait presque toujours le fond des amitiés ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Hervé de Lépinau
Hypocrite !
M. Julien Odoul
Vous avez appelé à voter LFI !
M. Gabriel Attal
Il y a vraiment tant à dire, mais je crois que l’essentiel pourrait tenir en une phrase : nous en sommes au point où les Français n’écoutent plus les politiques. (« Grâce à vous ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC.) En effet, tout cela tourne désormais à vide, la politique française est malade et nous venons d’avoir la confirmation dans les interventions précédentes que ce n’est ni à l’extrême gauche ni à l’extrême droite que les Français pourront trouver l’antidote. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Mme Véronique Louwagie applaudit également.)
Mme Marie-Charlotte Garin
Ni à l’extrême centre !
M. Maxime Laisney
C’est vous qui gouvernez !
M. Gabriel Attal
Ils nous demandent une chose et une seule : cesser le bruit de fond des postures et des oppositions stériles (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS), écouter patiemment, construire sereinement et travailler sincèrement. (Rires sur de nombreux bancs du groupe RN.)
M. Jean-Paul Lecoq
Vous n’avez même pas soutenu Michel Barnier !
M. Gabriel Attal
Non pas pour se donner bonne conscience, mais pour avoir des résultats ; non pas à la recherche de son intérêt particulier dans un agenda caché, mais pour agir dans l’intérêt général, le seul qui compte, et changer la vie des Français.
M. Stéphane Peu
Vous avez le nez qui s’allonge !
M. Gabriel Attal
Je vais le dire sans détour : je crois que ce que demandent les Français, c’est en somme moins de bruit et plus d’action, se taire quand on n’a rien à dire et agir quand on a la chance de pouvoir le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur de nombreux bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. Gérault Verny
Vous avez été premier ministre !
M. Gabriel Attal
C’est à une aventure inédite que les Français nous ont appelés cet été et c’est précisément le projet que cherche à mettre en œuvre Michel Barnier – sans esbroufe, sans faux-semblants, avec le sens de l’État et un projet clair : agir et avancer.
M. Stéphane Peu
Et sans votre soutien !
M. Sébastien Chenu
Ça sent la sincérité…
M. Gabriel Attal
Je le dis d’autant plus librement que le premier ministre n’est pas issu de notre famille politique, mais que, malgré nos différences, malgré les débats que nous avons eus, malgré les difficultés de cette situation nouvelle, nous avons fait le choix de le soutenir parce que c’est l’intérêt du pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs des groupes DR et Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
M. Stéphane Peu
Avec des amis comme vous, on n’a pas besoin d’ennemis !
M. Gabriel Attal
Il semble aujourd’hui que l’extrême droite et l’extrême gauche aient décidé de baisser ensemble le pouce, comme naguère à Rome lorsqu’il fallait condamner un gladiateur après le combat. (« Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes RN, SOC et GDR.) En agissant ainsi, la responsabilité de ces députés est immense, car qui vont-ils condamner ? La France !
Quel Français pourra se dire que grâce à la chute du gouvernement et à l’instabilité que cela provoquera, son quotidien s’améliorera ?
M. Gérault Verny
Démago !
M. Gabriel Attal
Aucun ! La vérité, c’est que l’adoption de cette motion de censure ne ferait que des perdants, au premier rang desquels les plus modestes,…
M. Jean-Paul Lecoq
Vous n’en avez jamais croisé !
M. Gabriel Attal
…les classes moyennes, les travailleurs. Parce que quand la crise frappe,…
Mme Danielle Simonnet
C’est votre politique qui frappe les Français !
M. Gabriel Attal
…quand l’instabilité s’installe, quand le chaos rôde, ce sont toujours ceux qui triment qui payent les pots cassés.
M. Jean-Paul Lecoq
Il y a un moment qu’ils payent les conséquences de votre gabegie !
M. Gabriel Attal
Mais le Rassemblement national s’en moque. (Protestations sur divers bancs du groupe RN.) Malgré des années d’efforts pour tenter de faire croire aux Français que vous seriez responsables, prêts à gouverner, ce que nous confirme le moment que nous vivons, c’est que tout cela n’était que du vent. Chassez le naturel, il revient au chaos ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.) Oui, les députés lepénistes mentent (« Vous aussi ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP) quand ils font croire aux Français que c’est pour les défendre, eux, et défendre leur pouvoir d’achat qu’ils votent la motion de censure. Il n’en est rien !
M. Gérault Verny
Vous avez ruiné la France !
M. Gabriel Attal
Les députés lepénistes mentent quand ils tentent de faire croire que le chaos qu’ils sèment ne serait pas de leur faute.
Plusieurs députés du groupe RN
C’est vous qui mentez !
M. Gabriel Attal
Je crois que vous le sentez déjà : pour vous faire du bien, vous faites mal au pays et mal aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur de nombreux bancs du groupe DR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem. – Protestations sur les bancs du groupe RN.) Je crois que vous êtes déjà en train de vous rendre compte que les Français sont inquiets de cette censure annoncée. Vous sentez qu’ils aspirent à la stabilité et à la sérénité.
M. Emeric Salmon
Ils aspirent à votre disparition !
M. Gabriel Attal
Vous sentez déjà que vous faites une erreur devant l’histoire.
M. Jean-François Coulomme
C’est vous qui êtes au pouvoir !
M. Gabriel Attal
Mais vous ne pouvez pas vous en empêcher, c’est plus fort que vous, c’est votre nature. Alors vous cherchez à rejeter sur d’autres la responsabilité que vous prenez, seuls, de faire tomber le gouvernement de la France. Auriez-vous déjà la censure honteuse ? Est-ce pour cela que matin, midi et soir, vous courez les plateaux de télévision pour vous évertuer à faire croire que vous ne seriez pas les responsables et que même si les quatre groupes du socle commun soutiennent le gouvernement, même s’il n’a jamais été question pour aucun d’entre nous d’appuyer sur le bouton de la censure, le coupable serait le socle commun…
M. Jean-Paul Lecoq
Menteur, vous ne l’avez pas soutenu, le gouvernement !
M. Gabriel Attal
Pas un Français ne croit à ce mensonge, pas un ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR, sur de nombreux bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
La politique, c’est prendre des décisions et surtout, je crois, les assumer. Alors, mesdames, messieurs les députés lepénistes, assumez votre décision, assumez le désordre, assumez l’alliance avec LFI, assumez l’instabilité, assumez l’affaiblissement de la France, assumez votre irresponsabilité !
M. Emeric Salmon
Et les 3 300 milliards d’euros de dette, vous les assumez, vous ?
M. Gabriel Attal
Madame Le Pen, je vous ai écoutée attentivement dans votre tentative désespérée de vous exonérer de vos responsabilités.
Mme Sophie Taillé-Polian
Et vous ?
M. Gabriel Attal
Vous avez essayé de dresser la liste des engagements que nous avions pris avant la dissolution ou pendant la campagne et qui ne sont pas tenus dans ce budget.
Mme Marine Le Pen
En effet.
M. Gabriel Attal
Je vous confirme que nous avons dû faire des efforts et faire des compromis pour aider le gouvernement et garantir la stabilité du pays. Oui, nous avons accepté certains projets avec lesquels nous n’étions pas d’accord, précisément pour aider le premier ministre et aider le pays…
Mme Sabrina Sebaihi
Le pays n’a pas besoin de vous !
M. Gabriel Attal
…à garder des institutions stables. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est cher payé !
M. Gabriel Attal
Mais cela ne m’étonne pas que vous en soyez choquée, parce que vous êtes incapable du moindre compromis.
M. Alexandre Sabatou
C’est vous qui avez fermé la porte au compromis !
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous, vous n’êtes capable que de compromissions !
M. Gabriel Attal
Comment être ouvert au compromis quand on est fasciné par les régimes dictatoriaux ? (Protestations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.) Comment être ouvert au compromis avec d’autres groupes que le sien quand on est incapable d’être d’accord avec soi-même sur l’Europe, sur l’euro, sur la retraite, sur les binationaux et sur l’économie de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Dem et DR.) Votre seule constante, c’est l’irresponsabilité à tous les étages. Nous, nous avons fait des compromis pour aider le gouvernement et nous l’assumons.
M. Jean-Paul Lecoq
Gabriel Attal, docteur ès compromis !
M. Gabriel Attal
Car les députés de mon groupe savent où ils habitent ; les députés de mon groupe ne font pas tomber un gouvernement à la première contrariété ; les députés de mon groupe ont su faire des compromis. Ils sont responsables, respectueux, ils ne précipiteront jamais notre pays dans l’inconnu. (Mêmes mouvements. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Ouvrons les yeux sur le monde dans lequel nous vivons : la France a besoin de stabilité et le monde a besoin d’une France stable. Le Proche-Orient semble s’embraser chaque jour un peu plus et la France n’aurait pas de gouvernement stable ? L’Ukraine accumule les difficultés, nous savons combien une victoire de la Russie déstabiliserait le monde, l’Europe et jusqu’au quotidien de nos concitoyens, et la France n’aurait pas de gouvernement stable ? Aux États-Unis, le retour de Donald Trump nous a tous conduits à dire une nouvelle fois qu’il faut sortir de la naïveté et renforcer plus que jamais l’Europe, et la France n’aurait pas de gouvernement stable ?
M. Gérault Verny
Quel rapport ? Vous êtes hors sujet !
M. Gabriel Attal
En Chine, le pouvoir injecte des milliards de dollars dans l’économie pour relancer la croissance, dans une stratégie économique agressive, et la France n’aurait pas de gouvernement stable ? L’Union européenne négocie toujours l’accord sur le Mercosur que nous sommes parvenus, avec les gouvernements précédents, à empêcher, et la France n’aurait pas de gouvernement stable ? Qu’irez-vous dire, madame Le Pen, à nos agriculteurs et aux Français si, dans les prochains jours ou dans les prochaines semaines, l’Union européenne signe l’accord avec le Mercosur parce qu’à cause de vous (Rires sur les bancs du groupe RN),…
M. Gérault Verny
C’est faux !
M. Gabriel Attal
…il n’y aura plus de gouvernement en France pour continuer à le bloquer et à défendre nos intérêts ? (Les députés du groupe EPR se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes DR et Dem.) Qu’irez-vous dire à nos pêcheurs qui attendent en ce moment la négociation des quotas de pêche à Bruxelles et qui ont un besoin réellement vital que la France ait un gouvernement pour défendre leurs intérêts ? Le monde change. Le monde bouge.
M. Emeric Salmon
Vous êtes nul !
M. Gabriel Attal
Tout devient tout à la fois plus menaçant, mais aussi à certains égards plus enthousiasmant que jamais.
M. Stéphane Rambaud
N’importe quoi !
M. Gabriel Attal
Dans ce contexte, l’Europe et la France veulent-elles s’effacer ou au contraire s’affirmer ? Les bouleversements du monde modifient profondément la vie des familles et des travailleurs, et notre classe politique, elle, voudrait garder ses vieilles habitudes et ses confrontations artificielles ?
Mme Marie Mesmeur
C’est vous, les vieilles habitudes !
M. Gabriel Attal
Bien sûr, tout n’a pas été parfait (« Ah ! » sur les bancs des groupes RN et UDR),…
M. Jean-Philippe Tanguy
Ah ça, c’est sûr !
M. Gabriel Attal
…mais là n’est plus l’essentiel, car aujourd’hui nous avons un choix à faire. Au moment de choisir dans quelques minutes le destin de notre pays, nous tous, députés, aurons le même choix à faire, la même décision à prendre.
M. Stéphane Peu
Enfin une parole de modestie !
M. Gabriel Attal
De quel côté de l’histoire voulons-nous être, du côté de ceux qui affaiblissent la France, déstabilisent les plus fragiles et menacent nos entreprises, ou du côté de ceux qui se retroussent les manches ? Nous, nous ne serons jamais du côté de ceux qui veulent affaiblir la France, jamais dans le camp du désordre, celui des lepénistes et des mélenchonistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs des groupes DR et Dem.)
Car oui, dans le camp du désordre, le Rassemblement national n’est pas seul, il le partage avec l’extrême gauche qui y a déjà ses habitudes.
M. Maxime Amblard
Vous les avez fait élire !
M. Gabriel Attal
Motion de censure après motion de censure, outrance après outrance, hurlement après hurlement, l’alliance de la gauche emmenée par Jean-Luc Mélenchon ne poursuit qu’un seul projet : tout piétiner, tout gâcher et tout taxer.
Et puis il y a ceux, je le crois profondément, pour qui il est encore temps de se ressaisir : je pense à ceux qui, il y a sept ans à peine, gouvernaient encore la France (Exclamations sur divers bancs), ceux qui comptent dans leurs rangs des élus sincères, convaincus que la laïcité n’est pas un gros mot, que la compétitivité est nécessaire et que la stabilité est indispensable, ceux qui, depuis le congrès d’Épinay, unissaient la gauche autour de leurs valeurs et ne se soumettaient pas comme aujourd’hui à celles de l’extrême gauche. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.) À ceux-là, nous disons qu’on peut s’opposer sans tout gâcher, qu’on peut s’opposer sans censurer… Affranchissez-vous !
Nous préférons voir le courage de ces quelques députés de gauche qui ont fait preuve d’indépendance en refusant de signer et d’apporter leurs voix à la motion de censure signée par Jean-Luc Mélenchon. (Mêmes mouvements.)
Nous préférons voir qu’au sein de la gauche et des députés indépendants, des voix responsables se sont élevées pour dénoncer la politique du pire – des voix certes encore trop rares, mais qui existent.
Nous préférons porter l’espoir qu’un jour – et le plus tôt sera le mieux –, la gauche républicaine, la gauche de gouvernement, celle qui a eu l’honneur par deux fois de donner un président à la France, se ressaisisse et se mette autour de la table avec nous pour, enfin, agir vraiment pour les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et DR.)
Chers collègues socialistes, au début de la séance, M. Mélenchon était dans les tribunes pour assister à nos débats.
Un député du groupe LFI-NFP
Et alors ?
M. Gabriel Attal
Il a écouté religieusement l’orateur de la France insoumise et Mme Le Pen, puis il s’est levé et est parti au moment même où Boris Vallaud prenait la parole.
M. Philippe Gosselin
Eh oui !
M. Gabriel Attal
Il la respecte plus qu’il ne vous respecte ! Que faites-vous encore avec son parti ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR, dont les députés se lèvent. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. Nicolas Forissier
Il a tout compris !
M. Gabriel Attal
L’heure est venue de dire quel avenir nous voulons pour notre pays. L’heure est venue de mettre de côté ce qui nous divise. (Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Mme la présidente
Un peu de calme, s’il vous plaît !
M. Gabriel Attal
L’heure est venue pour tous les députés de se hisser à la hauteur de l’instant et de leurs responsabilités. L’heure est venue de dire si nous préférons que les années qui viennent soient rythmées par les crises, les censures et les divisions ou si nous voulons, au contraire, qu’elles soient des années de stabilité, de réconciliation et de sérénité.
Mme Dieynaba Diop
Bla bla bla ! Pour vous, c’est fini !
M. Gabriel Attal
J’en appelle à toutes les bonnes volontés, d’où qu’elles viennent, pour qu’elles s’unissent enfin, non pour effacer nos différences, mais pour défendre ce que nous avons de plus cher : la France – notre pays – et les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.) J’en appelle à tous ceux qui aiment vraiment la France, à tous ceux qui sont convaincus qu’être Français, c’est ne jamais renoncer, ne jamais capituler, mais toujours croire dans cet esprit tricolore qui mêle l’audace et le génie, la controverse et la concorde, le goût de l’avenir et l’amour du passé. (Les députés du groupe EPR se lèvent et applaudissent.)
Il n’est pas trop tard, pas trop tard pour le sursaut, pas trop tard pour démontrer qu’un autre chemin est possible, pas trop tard pour montrer aux Français que nous avons entendu leur besoin de stabilité, leur quête de sérénité, leur aspiration à la sobriété.
Mme Dieynaba Diop
Pour vous, il est manifestement trop tard ! Vous avez définitivement quitté la gauche !
M. Gabriel Attal
Alors, je vous le demande avec force, au nom des députés de mon groupe, au nom des millions de Français qui ne disent rien mais n’en pensent pas moins : n’œuvrez pas contre les intérêts de notre pays, n’affaiblissez pas la France, ne censurez pas ce gouvernement ! (Les députés des groupes EPR, DR, Dem et HOR se lèvent et applaudissent vivement.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Stella Dupont.
Mme Stella Dupont
Quand je suis entrée pour la première fois à l’Assemblée nationale, j’ai senti sur mes épaules le poids de la responsabilité. C’est encore davantage le cas aujourd’hui. J’ai dit à plusieurs reprises que je ne soutenais pas ce gouvernement. Pour autant, je ne souhaite pas son échec.
Lors des débats budgétaires, en tant que membre du parti En Commun !, qui place les enjeux écologiques, sociaux et démocratiques au cœur de son action, et comme députée du collectif social-démocrate, j’ai adopté une démarche constructive. Notre collectif a été une force de proposition et de compromis. Nous avons demandé une répartition plus équitable de l’effort nécessaire pour améliorer les finances publiques, sans tomber dans le matraquage fiscal. Parallèlement, nous avons proposé des économies et des allégements de la charge pesant sur tous les Français, notamment en réduisant les taxes sur l’électricité, en revalorisant dès le 1er janvier les retraites, à l’exception des plus élevées, ou en révisant à la baisse l’effort demandé aux collectivités.
Je regrette que le gouvernement n’ait pas suffisamment tenu compte du contexte spécifique de l’Assemblée nationale pour adopter sa méthode de travail – tâche difficile, j’en conviens. Nous avons plutôt constaté un contournement de l’Assemblée au profit du Sénat.
Mme Marie Pochon
Eh oui !
Mme Stella Dupont
J’ai entendu toutes les sensibilités représentées ici parler d’un déficit de négociations. De plus, monsieur le premier ministre, vous avez explicitement adressé au Rassemblement national certaines des concessions budgétaires que vous avez faites, alors même que des députés du front républicain les demandaient aussi. C’est un choix que je ne peux approuver.
M. Alexis Corbière
Elle a raison !
Mme Stella Dupont
Notre assemblée porte une responsabilité majeure dans la situation actuelle et notre régime parlementaire s’en trouve fragilisé. Nous n’avons pas été à la hauteur de l’exigence du moment, où l’on voit des comptes publics dans un rouge écarlate, une économie au ralenti, un secteur du logement à l’arrêt, des agriculteurs qui n’en peuvent plus d’attendre, beaucoup de Français dans la précarité, certains rencontrant même des difficultés à se soigner, des collectivités dans l’expectative, le tout alors que la situation internationale nécessiterait d’être solide, en France, en Europe et dans le monde.
Nous n’avons pas été à la hauteur. Examiner à la chaîne des milliers d’amendements dans l’hémicycle ne permet pas de consacrer le temps nécessaire aux décisions majeures pour le pays. Nous nous sommes dispersés alors que nous devrions nous concentrer. Changeons de méthode ! Reprenons la main ! Travaillons mieux ensemble en dehors de l’hémicycle pour ne nous arrêter ici que sur les arbitrages majeurs !
À écouter les prises de parole qui ont précédé la mienne, la censure du gouvernement, que je déplore, semble acquise. Ce vote va ajouter des incertitudes budgétaire, politique, économique, écologique et sociale à l’inquiétude déjà palpable dans nos circonscriptions. C’est pourquoi, de manière responsable, je ne voterai pas la censure du gouvernement (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem), d’autant que nous n’avons pas de plan B et que, jusqu’alors, nous n’avons pas prouvé notre capacité à nous rassembler autour de priorités communes.
J’appelle dès maintenant à un rassemblement républicain des modérés (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem) excluant l’extrême droite et l’extrême gauche, qui ne courent qu’après un seul objectif : provoquer une élection présidentielle anticipée pour fragiliser toujours plus nos institutions et notre république.
Il est de notre responsabilité collective de mettre un terme à ce bazar auquel les Français ne comprennent plus rien. Les défis qui nous attendent sont urgents et nos concitoyens comptent sur nous. Je suis convaincue que nous avons la capacité de parvenir à des compromis sur plusieurs enjeux essentiels. Il me paraît clair qu’un gouvernement de rassemblement devrait refléter pleinement le front républicain souhaité par les électeurs lors du scrutin de juillet dernier. En effet, le prochain gouvernement tiendra ici ou tombera ici. Au vu de la composition de notre assemblée, la seule voie réaliste est une alliance programmatique regroupant les députés attachés à notre république, de gauche – les sociaux-démocrates, les socialistes, les communistes, les écologistes –, du centre et de la droite sociale et républicaine. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LIOT.)
M. Nicolas Forissier
Écoutez bien, chers collègues du PS !
Mme Stella Dupont
Nous sommes à un moment décisif. Les forces républicaines de l’Assemblée nationale doivent parvenir à s’entendre sur quelques priorités communes et sur un pacte de non-censure. À défaut, le pays s’enfoncera dans le blocage et l’instabilité. Depuis octobre, j’appelle à cette solution alternative. Il est temps de dépasser les postures politiciennes. C’est le pays qu’il nous faut servir, pas les partis ! Je pense que nous allons y arriver, car il faut y arriver ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre. (Les députés des groupes EPR, DR, Dem, HOR et LIOT se lèvent et applaudissent longuement. – On entend plusieurs « Bravo ! » et « Vive la France ! »)
M. Jean-Paul Lecoq
C’est bien la première fois que vous vous levez pour lui !
M. Pierre Cordier
À gauche, vous n’aurez jamais d’applaudissements pareils !
M. Michel Barnier, premier ministre
Je tiens d’abord à remercier toutes celles et tous ceux qui viennent de m’accueillir à cette tribune. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
M. Sébastien Delogu
C’est bon, on passe au vote ! (Protestations sur les bancs des groupes DR, EPR, Dem.)
M. Philippe Gosselin
Par ces cris, vous montrez votre vrai visage ! Ça suffit !
M. Michel Barnier, premier ministre
À chacune et à chacun des députés qui viennent de se lever et aux membres du gouvernement, qui sont presque tous présents, je dois dire que je suis très touché par votre attitude et par votre accueil. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
Nous sommes arrivés à un moment de vérité et de responsabilité. J’entendais tout à l’heure le premier ministre Gabriel Attal, que je remercie de sa confiance (Sourires sur les bancs des groupes RN et EcoS),…
M. Sébastien Peytavie
Il a beaucoup d’humour, le premier ministre !
M. Michel Barnier, premier ministre
…exprimer le vœu qu’il y ait moins de bruit et plus d’action – c’est une demande compliquée à satisfaire, ici. Je plaide moi aussi pour moins de bruit, mais surtout pour plus d’écoute et de respect,…
Mme Clémentine Autain
Votre respect, c’est le 49.3 !
M. Michel Barnier, premier ministre
…le respect dont j’ai fait preuve en vous écoutant avec constance depuis que je suis premier ministre.
Il y a deux jours, j’ai engagé la responsabilité de mon gouvernement sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. J’ai pris cette décision après avoir fait preuve d’écoute et de respect, après un dialogue qui a conduit le gouvernement à améliorer son texte presque chaque jour.
En effet, je reconnais que le projet initial n’était pas parfait. Mais il a été modifié sur plusieurs points importants comme les retraites, certains allégements de charges ou le remboursement des médicaments. Il en est allé de même pour des points qui se trouvaient dans le projet de loi de finances, qui vous était soumis par ailleurs, comme la taxe sur l’électricité.
C’est dans le même esprit de patience qu’a été conduit le travail sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, adopté tout à l’heure par votre assemblée. Je remercie les députés qui l’ont voté, ainsi que le Sénat.
Après de très nombreuses heures de travail parlementaire, cette méthode a porté ses fruits, puisque le PLFSS a fait l’objet d’un accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire, une première depuis quatorze ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. – M. Jean-Luc Warsmann applaudit également.) À Stella Dupont, que je remercie par ailleurs pour ses propos, je précise qu’à mes yeux, il n’y a pas eu de « contournement » de l’Assemblée en faveur du Sénat, pas plus que l’inverse. Nous avons travaillé avec les deux chambres avec la même attention.
Ce texte ainsi amélioré répond à l’urgence de réduire notre déficit budgétaire en regardant en face la réalité de nos comptes publics et nos 3 228 milliards d’euros de dettes.
M. Sébastien Delogu
La faute à qui ?
M. Michel Barnier, premier ministre
Ne m’obligez pas à revenir trop loin en arrière pour vous répondre ! (Applaudissements et sourires sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.) Chaque année, les Français vont devoir payer 60 milliards d’euros d’intérêts. C’est plus que le budget de la défense ou de l’enseignement supérieur et ce serait encore davantage demain si nous ne faisions rien. Voilà la réalité.
Voilà la réalité – quoi qu’on en dise. Cette vérité, j’ai essayé de l’affronter avec l’ensemble du gouvernement, que je remercie. Ce n’est pas un hasard si le budget que j’ai présenté ne contient quasiment que des mesures difficiles : j’aurais préféré distribuer de l’argent, même si nous ne l’avons pas, pour faciliter la discussion ; mais cette réalité demeure et – écoutez-moi bien ! – elle ne disparaîtra pas par l’enchantement d’une motion de censure. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
Mme Stéphanie Rist
Exactement !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Écoutez-moi bien et souvenez-vous-en, dans quelque temps : cette réalité se rappellera à tout gouvernement, quel qu’il soit. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe EPR. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.) En effet, madame Le Pen, il s’agit de notre souveraineté (Mme Marine Le Pen acquiesce) – même si la nature de vos propositions, d’hier et d’aujourd’hui, prouve que nous n’avons pas la même idée de la souveraineté, ni du patriotisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
J’ai entendu tout à l’heure parler d’austérité. Qui peut croire que le budget présenté est marqué par l’austérité,…
Mme Sophia Chikirou
Nous !
M. Michel Barnier, premier ministre
…alors que les dépenses de la sécurité sociale sont en augmentation de 2,7 % ? J’entends ceux qui voudraient faire plus ou différemment, mais comment nous reprocher de prendre enfin des mesures pour alléger le fardeau financier qui pèse et continuera de peser sur nos enfants ?
M. Inaki Echaniz
La faute à qui ?
M. Michel Barnier, premier ministre
C’est sur leur dos que nous tirons des chèques en bois – ou en blanc.
J’entends dire que c’est un budget par défaut, alors qu’il traduit au contraire des choix affirmés qui visent à répondre, aussi bien que nous le pouvons, aux attentes des Français que vous représentez – les Français de l’Hexagone, les Français des outre-mer ou les 3 millions de Français de l’étranger.
Avec ce budget, nous soutenons les agriculteurs, à travers la réforme attendue du mode de calcul de leur retraite et des dispositifs d’exonération de cotisations sociales.
Avec ce budget, nous améliorons l’accès des patients à la santé, en augmentant les effectifs des soignants dans les services de soins critiques, de réanimation et de néonatalogie. Nous facilitons l’accès aux soins palliatifs, dont le renforcement est nécessaire indépendamment du débat engagé sur la fin de vie. Nous faisons de la santé mentale une grande cause nationale pour 2025, même si cette priorité doit perdurer au-delà de cette échéance. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et HOR. – Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Nous améliorons concrètement la prise en charge des femmes victimes de violences. Nous renforçons l’attractivité des métiers de l’hôpital en rémunérant mieux les professionnels, notamment les internes et les médecins, ainsi que les astreintes, et en réformant le métier d’infirmier.
Mme Sabrina Sebaihi
Nous le ferons pour vous !
M. Michel Barnier, premier ministre
Nous améliorons le financement de l’autonomie, grâce à un fonds exceptionnel de 100 millions d’euros pour les Ehpad et un soutien de 200 millions d’euros aux départements pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH).
Enfin, nous nous donnons les moyens de mieux lutter contre la fraude, notamment à travers la sécurisation de la carte Vitale et la simplification des échanges de données entre l’assurance maladie et les complémentaires.
Voilà les avancées contenues dans ce projet de loi de finances. Nous l’avions préparé en quinze jours et je redis, une dernière fois sans doute, que jamais depuis 1958 un gouvernement n’avait eu une telle contrainte de temps pour construire un budget. Celui-ci n’était donc pas parfait, je l’ai moi-même reconnu, et il a été sérieusement amélioré par nombre de vos amendements, venant de tous les groupes. Le résultat, qui a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire, représente un équilibre entre quatre éléments essentiels, que Laurent Marcangeli a énumérés : l’amélioration de l’efficacité de notre système social ; le soutien à notre hôpital et aux professionnels de santé pour un meilleur accès aux soins ; la protection des plus fragiles ; le tout en veillant à préserver nos finances publiques.
Pour leur contribution à cet équilibre, je veux redire mes remerciements sincères au président de la commission des affaires sociales, Frédéric Valletoux, et au rapporteur général Yannick Neuder (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR), mais aussi, parce que vous avez travaillé de concert, au président Philippe Mouiller et à la rapporteure générale Élisabeth Doineau, de la Haute Assemblée.
Je remercie également les membres de mon gouvernement qui ont travaillé avec vous sur ce texte, en particulier Laurent Saint-Martin (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. – Les députés des groupes EPR et Dem ainsi que plusieurs députés des groupes DR et HOR se lèvent pour applaudir)… Attendez, je vais citer d’autres ministres qui méritent tout autant vos applaudissements : Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. – Mme Danielle Brulebois se lève) ; Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins ; Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes ; Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi (Les applaudissements se poursuivent) – pour ne citer que ceux qui ont été mobilisés jour et nuit pour travailler avec vous sur ce compromis entre le Sénat et l’Assemblée, au sein d’un gouvernement qui a été, de bout en bout, solidaire.
Ce texte représente à mes yeux – je le dis sans prétention – le meilleur compromis possible. Il est désormais temps de le mettre en œuvre ; c’est ce qui m’a conduit à engager la responsabilité du gouvernement. Plusieurs partis d’opposition ont alors choisi de déposer des motions de censure, sur lesquelles vous devrez vous prononcer en toute connaissance de cause.
Oui, je le redis à Gabriel Attal comme je l’ai dit hier en réponse au président Chassaigne, tout n’est pas parfait dans ce budget. Je connais les difficultés qui assaillent notre pays, les inquiétudes de beaucoup de territoires où des usines vont fermer ; j’ai redit la solidarité active du gouvernement avec les hommes, les femmes et les territoires concernés, et rappelé les efforts déployés pour les accompagner. N’oublions pas non plus les crises qui nous entourent, et que je recommande de ne pas sous-estimer – la guerre en Ukraine, ce qui se passe au Proche-Orient et ce qui peut se passer entre l’Amérique et la Chine. Ce dont je suis sûr, et je le redis avec gravité, c’est que cette motion de censure, qu’une conjonction des contraires s’apprête à approuver, aggravera tous les problèmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
M. Philippe Gosselin
Tout à fait !
M. Michel Barnier, premier ministre
Laurent Wauquiez, que je remercie de son appui et de sa confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR), vous a invités à bien mesurer les conséquences de ce vote, et je souhaite m’y attarder à mon tour.
M. Sébastien Delogu
Il va aussi vous inviter au restaurant !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Le président Marc Fesneau a cité, tout à l’heure, un homme que j’ai toujours respecté depuis mon adolescence, Pierre Mendès France, qui recommandait de « ne jamais sacrifier l’avenir au présent ». Puissiez-vous, au moment de voter, avoir cette recommandation en tête !
Un député du groupe LFI-NFP
Et les plans de licenciement, on en parle ?
M. Michel Barnier, premier ministre
En cas de censure, les avancées du PLFSS, que je viens de rappeler, seraient abandonnées ; mais les conséquences de ce vote vont bien au-delà, puisque l’action du gouvernement serait interrompue. Je pense à tous les efforts que ce gouvernement avait engagés depuis deux mois pour améliorer la sécurité, stopper l’immigration irrégulière, faire avancer une écologie humaniste et concrète, consolider l’éducation, encourager le bénévolat… Les ministres, qui ont tous été formidables de solidarité et de détermination, ne m’en voudront pas de ne pas énumérer toutes les actions que nous avons entreprises ; je tiens toutefois à souligner qu’après des mois de transition, cet été, marqués par l’attente, l’État s’est remis en route, en marche.
Mme Danielle Simonnet
Très drôle !
M. Michel Barnier, premier ministre
Les fonctionnaires ont été motivés et déterminés dans l’action quotidienne sur des projets concrets, que j’ai énumérés dans cet hémicycle au moment de prononcer ma déclaration de politique générale.
Une censure du gouvernement, en ce mois de décembre, signifierait que le budget de la nation ne pourrait vraisemblablement pas être adopté avant la fin de l’année, malgré les lois d’urgence.
Mme Danielle Simonnet
Faux !
M. Michel Barnier, premier ministre
Cela aurait de lourdes conséquences, à commencer par une baisse du pouvoir d’achat pour les Français. Nous avions fait le choix de protéger les Français qui travaillent ; en l’absence de budget, le barème de l’impôt sur le revenu ne pourrait pas prendre en compte l’inflation.
Mme Danielle Simonnet
C’est faux !
M. Michel Barnier, premier ministre
Vous pouvez dire que c’est faux ; vous verrez, et vous vous expliquerez alors. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.) En conséquence, près de 18 millions de foyers verraient leur impôt augmenter, et 380 000 foyers supplémentaires seraient éligibles à l’impôt sur le revenu.
Mme Danielle Simonnet
Ce n’est pas beau, de mentir !
M. Michel Barnier, premier ministre
Des mesures très attendues ne trouveraient pas de financement. Je l’ai rappelé, nous avions fait le choix d’allouer des moyens à la sécurité des Français ; en l’absence de budget, les recrutements de nouveaux policiers et militaires seraient impossibles.
Nous avons voulu apporter une réponse sérieuse aux préoccupations des agriculteurs, après la grave crise que le premier ministre Attal avait affrontée l’année dernière aux côtés du ministre de l’agriculture Marc Fesneau. Nous avons souhaité tenir tous les engagements et en ajouter d’autres, relatifs à la multiplication des maladies animales et au dérèglement climatique, responsable de trop de pluies ou trop de sécheresses. Les agriculteurs savent que je les respecte et qu’ils peuvent compter sur moi et sur la ministre de l’agriculture. La France a besoin d’eux, car leur activité est vitale pour assurer notre souveraineté alimentaire. En l’absence de budget, les mesures attendues pour leurs retraites et leurs cotisations sociales ne seraient pas financées.
Puisque j’évoque l’agriculture, je veux redire à cette tribune, depuis la fonction que j’occupe encore, mon opposition formelle au traité de commerce avec le Mercosur. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
Nous avons fait du logement – l’un des rares vecteurs de croissance que nous pouvons utiliser dans l’immédiat – une priorité ; c’est aussi une priorité pour les Français. En l’absence de budget, le prêt à taux zéro, susceptible de relancer le secteur, ne serait pas élargi sur tout le territoire.
Enfin, en l’absence de budget, les incertitudes et les risques pour les entreprises et les ménages seraient démultipliés, ce qui se traduirait par une nouvelle augmentation des taux d’intérêt payés par la France. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe UDR.) Vous pouvez dire le contraire, monsieur Ciotti, vous verrez ce qui va se passer. Depuis la menace de censure, nos taux sont supérieurs à ceux de la Grèce. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. René Pilato
Arrêtez de faire peur !
M. Michel Barnier, premier ministre
Des décisions d’embauche et d’investissement ne seraient pas prises ; des investissements ne seraient pas payés car ils coûteraient plus cher. Au bout du compte, c’est la compétitivité de notre pays, pour laquelle beaucoup a été fait depuis sept ans, qui en souffrirait.
Le 1er octobre, il y a tout juste neuf semaines, je me tenais devant vous pour vous dire que les Français ne nous pardonneraient pas l’immobilisme, que notre république était fragile, que l’union des Européens était nécessaire et que nos compatriotes nous demandaient de dépasser nos divisions pour agir dans l’intérêt supérieur du pays. Malgré les difficultés que cette tâche implique, j’ai été et je reste fier d’agir pour construire plutôt que pour détruire. Durant toute cette période, je me suis efforcé de rester à l’écoute de tous ceux qui ont fait valoir leur bonne volonté au service du bien commun. Je ne me résous pas à l’idée que la déstabilisation des institutions puisse être un objectif qui rassemblerait une majorité des députés, au moment où notre pays traverse une crise profonde – morale, économique, financière et civique.
Je sais pouvoir compter sur les membres des groupes du socle parlementaire, qui accompagnent l’action du gouvernement depuis trois mois – chacun des présidents s’est d’ailleurs exprimé ; sur d’autres députés aussi, indépendants ou non inscrits, en particulier ceux du groupe LIOT, comme Charles de Courson l’a rappelé.
Je m’adresse aussi aux groupes d’opposition, dont j’ai toujours respecté les membres – n’en déplaise à ceux qui ont affirmé le contraire tout à l’heure –, comme je respecte chacun de leurs électeurs.
C’est aussi l’occasion, peut-être la dernière si tel est le choix de la représentation nationale, de vous remercier, madame la présidente, pour votre attention et la qualité de notre dialogue durant près de trois mois, ainsi que l’ensemble des services de l’Assemblée nationale. (Les députés des groupes EPR, DR, Dem et HOR se lèvent et applaudissent.)
Au moment de laisser la place à un vote grave, dont j’espère que chacun mesure bien la portée, j’ai en mémoire les mots de Saint-Exupéry : « Chacun est responsable de tous. Chacun est seul responsable. Chacun est seul responsable de tous. » Comme élu de la nation, chacune et chacun d’entre vous devra faire un choix en conscience : celui de voter ou de ne pas voter cette motion de censure, de renverser ou de ne pas renverser le gouvernement, avec toutes les conséquences que j’ai tenté de décrire. Cette décision sera la somme de vos choix individuels, qui engagent, pourtant, une responsabilité collective devant la nation, car c’est l’avenir des Français que vous tenez entre vos mains.
Ne nous trompons pas d’enjeu : ce qui se décide en cette fin d’après-midi, ce n’est certainement pas l’issue d’un bras de fer entre l’une ou l’autre des formations politiques et le premier ministre, pas plus que le sort du premier ministre – je n’ai pas peur, rassurez-vous, monsieur Sansu, j’ai rarement eu peur depuis que je suis engagé en politique ; ce qui est en jeu, c’est notre capacité à faire des pas les uns vers les autres, à dépasser les tensions et les clivages qui font tant de mal à notre pays, à n’avoir comme boussole que l’intérêt général. Ce qui devrait nous rassembler, c’est la politique, au sens où je l’entends, qui consiste à créer du progrès collectif – parfois de petits progrès, parfois de grands progrès pour les Français – et de la stabilité. Les citoyens, les entreprises, les acteurs sociaux et économiques en ont tant besoin et si forte envie – vous auriez tort, monsieur Ciotti, de les oublier.
De mon côté, si vous en décidez ainsi, je resterai pleinement mobilisé, prêt à travailler avec toutes les volontés constructives de cette assemblée afin de donner un budget à notre pays et de consacrer les six prochains mois à créer un nouvel élan pour la France et, pour les Français, des progrès qui améliorent leur vie.
M. Jean-Yves Bony
Quelle classe, Barnier !
M. Michel Barnier, premier ministre
Monsieur le président Coquerel, vous avez choisi d’évoquer un homme que votre parti a toujours combattu, Georges Pompidou – une grande figure, également citée par Laurent Wauquiez. En 1962, lui aussi tombait, sous le coup d’une motion de censure. En ce qui me concerne, j’ai toujours admiré cet homme d’État, gardant le souvenir de ce qu’il recommandait dans son livre, Le Nœud gordien : il faut, en toutes circonstances, chercher à préserver « la morale de l’action », la morale du collectif.
Mme Émilie Bonnivard
Eh oui ! Nous y sommes !
M. Michel Barnier, Premier ministre
Monsieur le président Vallaud, lorsque arrivant à l’hôtel Matignon, où je vous avais appelé au lendemain de ma nomination il y a moins de trois mois, vous m’indiquiez, avant que j’aie formé le gouvernement ou présenté son programme, avant même que j’aie ouvert la bouche, que vous voteriez la censure, où est la morale ? Où est l’action ? (Les députés des groupes EPR, DR, Dem et HOR se lèvent et applaudissent. – Plusieurs d’entre eux interpellent M. Boris Vallaud.)
Mme Marie-Christine Dalloz
Excellent !
Mme Christine Arrighi
On pourrait vous retourner la question : où est la morale ?
M. Jérémie Patrier-Leitus
C’est la honte !
Mme Aurore Bergé
Pour toute la gauche !
M. Michel Barnier, premier ministre
Mesdames et messieurs les députés, vous voilà rendus à ce moment de vérité.
Mme Émilie Bonnivard
Nous y sommes !
M. Michel Barnier, premier ministre
Vous me permettrez, à cet instant, de terminer de façon plus personnelle et de vous dire que je ressens comme un honneur d’avoir été depuis trois mois, et d’être encore, le premier ministre des Français, de tous les Français.
M. Emmanuel Duplessy
Ça fait quarante ans que vous êtes là !
Mme Émilie Bonnivard
Espérons, cher collègue, que vous resterez moins longtemps !
M. Michel Barnier, premier ministre
Au moment où ma mission prendra fin, peut-être bientôt, je dois dire que cela restera pour moi un honneur d’avoir servi, avec dignité, la France et les Français. (Les députés des groupes EPR, DR, Dem et HOR ainsi que les membres du gouvernement se lèvent et applaudissent vivement et longuement, cependant que les députés des groupes RN, LFI-NFP, SOC, EcoS, GDR et UDR quittent progressivement l’hémicycle.)
Mme la présidente
La discussion commune est close.
Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure déposée par Mme Mathilde Panot, M. Boris Vallaud, Mme Cyrielle Chatelain, M. André Chassaigne et 181 députés.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je rappelle que seuls les députés favorables à la motion de censure participent au scrutin, et que le vote se déroule dans les salles voisines de l’hémicycle.
Le scrutin va être ouvert pour quarante-cinq minutes : il sera donc clos à vingt heures vingt-cinq.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt heures vingt-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Voici le résultat du scrutin :
Majorité requise pour l’adoption de la motion de censure, soit la majorité absolue des membres composant l’Assemblée 288
Pour l’adoption 331
La majorité requise étant atteinte, la première motion de censure est adoptée (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent) et il n’y a pas lieu de mettre aux voix la seconde motion.
Les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 sont donc considérées comme rejetées. En raison de l’adoption de la motion de censure et conformément à l’article 50 de la Constitution, le premier ministre doit remettre au président de la République la démission du gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – « Merci, monsieur le premier ministre ! » sur les bancs du groupe DR.)
4. Ajournement des travaux
Mme la présidente
Les travaux de l’Assemblée nationale sont ajournés.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures trente.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra