Séance du mercredi 20 novembre 2024
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au gouvernement
- Crise agricole
- Vie chère en outre-mer
- Filières nucléaire et éolienne
- Augmentation des droits de mutation
- Insertion professionnelle des personnes en situation de handicap
- Situation des enfants sans domicile
- Difficultés de la filière noix
- Votes intervenus lors des débats budgétaires
- Budget des collectivités territoriales
- Refondation de la politique de protection de l’enfance
- Baisse du financement des missions locales
- 2. Réforme du financement de l’audiovisuel public
- Rappel au règlement
- Discussion des articles
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- 3. Sécurisation du mécanisme de purge des nullités
- 4. Prolongation de la dérogation d’usage des titres-restaurant pour tout produit alimentaire
- Présentation
- Discussion générale
- M. Alexandre Allegret-Pilot
- M. Frédéric Weber
- M. Thomas Lam
- Mme Françoise Buffet
- M. Hadrien Clouet
- M. Karim Benbrahim
- M. Jean-Luc Bourgeaux
- M. Boris Tavernier
- M. Richard Ramos
- M. Stéphane Peu
- M. Christophe Naegelen
- Mme Anne-Laure Blin, rapporteure
- Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
- Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État
- Discussion des articles
- Article 1er
- M. Boris Tavernier
- M. Hadrien Clouet
- M. Karim Benbrahim
- Amendements nos 30, 1, 19, 24, 33, 31, 13 et 34
- Article 2
- M. Boris Tavernier
- Amendement no 26
- Titre
- Amendement no 10
- Article 1er
- Vote sur l’ensemble
- 5. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures.)
1. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Crise agricole
Mme la présidente
La parole est à M. David Guerin.
M. David Guerin
Comme mes collègues du groupe Horizons & indépendants et comme l’ensemble des Français, je suis particulièrement inquiet de la situation dans laquelle se trouvent les agriculteurs. Depuis ce week-end, beaucoup se mobilisent pour faire part de leur désarroi et de leur colère. La plus immédiate de leur crainte est de voir aboutir le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur : les agriculteurs ont le sentiment de servir de variable d’ajustement dans de trop nombreux traités. Monsieur le premier ministre, alors que l’Union européenne se trouve divisée sur la question, vous avez de nouveau rencontré la présidente de la Commission européenne pour lui faire part de la position de la France concernant ce dossier vital pour l’avenir de la première agriculture d’Europe. Face à la juste inquiétude des exploitants concernant ce traité de libre-échange, mais aussi à la suite d’une année de récoltes catastrophiques et d’une crise sanitaire qui décime les élevages, vous avez déclaré faire tout ce que vous pouvez pour que le gouvernement tienne ses engagements et ceux de votre prédécesseur.
Cependant, les agriculteurs estiment que leur profession n’est pas reconnue à sa juste valeur. Le fossé se creuse chaque jour un peu plus entre le monde urbain et les campagnes. La plupart des agriculteurs souffrent également d’un manque de perspectives dans leurs activités et dans les choix à opérer : ils sont sans cesse les victimes des crises et des aléas de toutes sortes et, pour consolider leurs productions ou les adapter à un monde en changement perpétuel, ils ont un besoin urgent de planification. Ils en viennent même à se demander si le pays a encore besoin d’eux. Pouvez-vous faire le point sur la situation et réaffirmer votre soutien aux agriculteurs et votre souhait de mieux reconnaître leur place dans la société ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt
Le premier ministre, avec qui j’échange constamment à propos de la question agricole, est pleinement mobilisé à mes côtés pour résoudre les problèmes que vous évoquez. Vous avez raison de souligner le désarroi, la colère, l’inquiétude des agriculteurs et leur interrogation fondamentale quant à leur place dans notre pays : au-delà des difficultés conjoncturelles – les crises sanitaire et météorologique, la baisse des rendements à surmonter –, il s’agit d’une crise de sens très profonde.
C’est pourquoi nous devons réaffirmer la considération que nous avons pour le monde agricole, la reconnaissance pour le travail difficile que les agriculteurs accomplissent pour nous nourrir, et la volonté de construire avec eux l’agriculture de demain, dans un contexte de changement climatique et d’exposition accrue aux accidents météorologiques – le gel, la grêle, le manque ou l’excès d’eau. La place que nous voulons donner aux agriculteurs doit être redéfinie, avec eux. L’agriculture, c’est le drapeau français,…
M. Antoine Léaument
Non !
Mme Annie Genevard, ministre
…une part considérable de notre identité, de nos territoires, de notre économie. Il faut également offrir des perspectives aux jeunes qui souhaitent s’installer. Certains agriculteurs – heureusement pas tous – se trouvent dans un grand état de souffrance, de stress,…
Mme la présidente
Merci, madame la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre
…d’interrogation.
Vie chère en outre-mer
Mme la présidente
La parole est à Mme Émeline K/Bidi.
Mme Émeline K/Bidi
Monsieur le ministre des outre-mer, alors que les fêtes de fin d’année approchent, les familles ultramarines se trouvent étranglées par le coût de la vie, douze mois par an. Chez moi, à La Réunion, le coût des produits alimentaires est 37 % plus élevé que dans l’Hexagone et le taux de chômage – qui s’élève à 18 % – deux fois plus important. C’est la double peine : voilà ce que signifie la vie chère que doivent affronter les Réunionnais.
Depuis quelques semaines, notre quotidien est devenu votre actualité. La lutte entamée par les Martiniquais vous a forcé à agir et à consentir quelques annonces, à défaut de grande révolution. Vous vouliez vous contenter d’un comité interministériel mais, sous la pression des manifestations, vous avez finalement annoncé une exonération de la TVA sur les produits de première nécessité. La mesure, insuffisante, laisse pendante plusieurs questions. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, le gouvernement a introduit par voie d’amendement une différence de traitement entre la Martinique et la Guadeloupe d’une part, La Réunion d’autre part, s’agissant de la liste des produits de première nécessité soumis à l’exonération de la TVA. Cette liste sera-t-elle moins avantageuse pour les Réunionnaises et les Réunionnais ?
Par ailleurs, exonération ne signifiant pas nécessairement suppression, pouvez-vous confirmer que le taux de la TVA sur les produits de première nécessité sera bien abaissé à zéro ? Quand cette exonération sera-t-elle effective ? Pouvez-vous vous engager à ce qu’elle le soit dès le 1er janvier 2025 ? Il y a urgence ! Le gouvernement a-t-il prévu des mécanismes afin qu’elle ne se perde pas dans les poches des distributeurs ?
Enfin, concernant l’augmentation de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, dont les outre-mer ont pu être exonérés grâce à un amendement salvateur adopté à l’Assemblée, confirmez-vous qu’elle ne s’appliquera pas aux vols à destination et en provenance des outre-mer ? Nous n’attendons pas de cadeaux au pied du sapin, mais des réponses claires à ces questions simples. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Gérard Leseul applaudit aussi.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre des outre-mer.
M. François-Noël Buffet, ministre des outre-mer
Vous l’aurez noté, je ne suis pas le père Noël, mais nous avons parfaitement conscience de la situation. L’accord pour lutter contre la vie chère qui vient d’être trouvé en Martinique a permis de mettre l’ensemble des acteurs autour de la table : 6 000 produits, couvrant soixante-neuf familles de produits, verront leur prix baisser de 20 % le 1er janvier. Vous avez rappelé que le projet de loi de finances pour 2025 prévoit que le taux de la TVA pourra être ajusté pour la Martinique et pour La Réunion ; des mesures pourront donc être prises le moment venu si elles se révèlent nécessaires.
Au-delà des difficultés immédiates, nous allons rapidement lancer un travail approfondi sur la vie chère, au sens large, dans l’ensemble des territoires ultramarins, qui connaissent des situations différentes. Je l’ai dit publiquement et je le redis devant la représentation nationale : nous devons aborder avec vérité l’ensemble des problèmes, de façon à tordre le cou à ce qui est faux et à tenir compte de ce qui est vrai ; nous pourrons ainsi procéder aux ajustements nécessaires et trouver une solution pérenne.
Enfin, s’agissant des transports aériens, nous nous sommes engagés à ce que les publics particuliers – en Martinique et ailleurs –, qui bénéficient de réductions, obtiennent une compensation en cas d’augmentation de la TSBA. L’examen du texte par le Parlement est en cours.
Mme la présidente
La parole est à Mme Émeline K/Bidi.
Mme Émeline K/Bidi
Vous n’avez pas répondu à toutes les questions,…
M. François-Noël Buffet, ministre
Je n’ai que deux minutes !
M. Pierre Cordier
Il faudra lui faire un courrier !
Mme Émeline K/Bidi
…notamment concernant les mécanismes régulateurs : où ira l’argent, dans la poche des distributeurs ou dans celle des consommateurs ? Je suis particulièrement inquiète et je me permets de vous mettre en garde : les Réunionnais ne sont ni dociles ni résignés. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Filières nucléaire et éolienne
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux
Monsieur le Premier ministre, après le massacre idéologique de la filière nucléaire par le président Macron, vous accélérez notre déclin.
M. Antoine Léaument
Vous dites toujours du mal de la France !
M. Éric Michoux
Votre ministre de l’énergie vient d’annoncer un programme massif de construction d’éoliennes, qui conduira à la faillite financière et à une explosion de la fiscalité. En effet, la filière éolienne française n’est pas viable sans perfusion d’argent public : les quarante-cinq parcs éoliens prévus jusqu’en 2050 coûteront 18 milliards d’euros chaque année.
M. Matthias Tavel
C’est à peine le prix d’un EPR !
M. Éric Michoux
Vous renoncez au développement du nucléaire au profit d’une énergie trop chère et intermittente, sans mentionner la défiguration de nos paysages par l’éolien, les nuisances qu’il impose aux particuliers et son impact négatif sur la faune sauvage. Pour favoriser l’éolien, l’État offre aux investisseurs une rémunération supérieure au prix du marché de l’électricité. Ces dépenses seront financées par une hausse des taxes sur l’électricité, ce qui provoquera une nouvelle explosion du prix de l’énergie pour les familles et les entreprises, déjà matraquées fiscalement par votre budget.
Renoncez à cette politique idéologique ; investissez massivement dans ce qui constitue un trésor national et local – notamment en Saône-et-Loire ; rénovez et développez le parc nucléaire ; réparez les erreurs funestes de vos prédécesseurs ; refaites de la France la grande puissance nucléaire voulue par le général de Gaulle ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. Pierre Cordier
Il n’a pas tort !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’énergie.
Mme Olga Givernet, ministre déléguée chargée de l’énergie
Notre politique énergétique est volontariste et s’appuie sur deux jambes : le nucléaire et les énergies renouvelables.
M. Thibault Bazin
La jambe nucléaire a plus de puissance ! L’autre boite !
Mme Olga Givernet, ministre déléguée
Ces deux sources d’énergie, dont nous sommes très fiers, sont les seules capables de décarboner la France, à des prix les plus bas possible. Cela permettra, comme nous nous y sommes engagés, de baisser la facture des Français.
M. Fabien Di Filippo
On paye les erreurs de Nicolas Hulot !
Mme Olga Givernet, ministre déléguée
Le paysage de l’énergie s’inscrit dans les territoires et se dessine avec les élus locaux. Nous en discutons avec les maires à l’occasion du Salon des maires. La politique énergétique ne se fera pas non plus sans concertation. La loi Aper de 2023 offre la possibilité de définir des zones d’accélération de la production d’énergie renouvelable et plus de 10 000 communes ont candidaté en ce sens.
Par ailleurs, de nouveaux parcs nucléaires seront ouverts : six réacteurs EPR 2 sont en projet sur trois nouveaux parcs déjà identifiés ; huit EPR 2 supplémentaires sont à l’étude ; plusieurs communes ont émis le souhait de renouveler leurs centrales avec ces nouveaux réacteurs. La politique française de l’énergie est sur de bons rails. Nous sommes bien une nation énergétique. Nous avons besoin de compétences, de filières qui se structurent et de la transition énergétique de l’industrie, du logement et des transports, afin qu’ils consomment une énergie décarbonée.
M. Antoine Léaument et M. Matthias Tavel
On vous attend, à Saint-Denis !
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux
Nous ne devons pas avoir assisté au même Salon des maires : je ne crois pas que ces derniers aient envie d’avoir des éoliennes dans leurs territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme Olga Givernet, ministre déléguée
Mais si !
Augmentation des droits de mutation
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Falcon.
M. Frédéric Falcon
Le 15 novembre, vous affirmiez, monsieur le premier ministre, que le projet de loi de finances, en cours d’examen au Sénat, allait augmenter de 0,5 point, à partir du 1er janvier 2025, les droits de mutation à titre onéreux.
Les frais de notaire représentent 8 % du prix de vente d’un bien immobilier – un record en Europe, quand ils s’élèvent à seulement 2 % au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ou en Autriche.
Alors que le secteur de l’immobilier est sinistré et que l’accès à la propriété devient progressivement un rêve lointain pour les primo-accédants, cette mesure, si elle était confirmée, dégraderait encore un peu plus le pouvoir d’achat des Français. Rappelons que les banques, extrêmement frileuses dans un contexte de hausse des taux, subordonnent le plus souvent leurs offres de prêt au paiement des frais de notaire par un apport personnel de l’acquéreur.
Alors que s’ouvre le Salon des maires, votre gouvernement a discrètement évoqué la création d’une contribution territoriale universelle – soit le retour de la taxe d’habitation qu’Emmanuel Macron avait pourtant supprimée.
Seul le Rassemblement national refuse toute hausse de la fiscalité qui viendrait peser sur les Français.
M. Pierre Cordier
C’est faux !
M. Frédéric Falcon
Nous proposons un plan d’économies de plusieurs dizaines de milliards d’euros, avec notamment la fin de la prise en charge des mineurs non accompagnés,…
M. Matthias Tavel
Mais arrêtez !
M. Frédéric Falcon
…qui coûte chaque année 2 milliards d’euros aux départements, lesquels sont justement les bénéficiaires de ces droits que vous vous apprêtez à augmenter. La France est le pays le plus taxé au monde, avec un taux de prélèvements obligatoires qui devrait atteindre un nouveau record en 2025. Quand allez-vous mettre fin à ce matraquage fiscal, alors que votre gouvernement est incapable de réduire les dépenses les plus injustifiées, tout comme le poids de cette bureaucratie qui asphyxie toujours davantage les Français ? Allez-vous confirmer devant cette assemblée que vous allez augmenter les droits de mutation à titre onéreux, et que vous allez instaurer une nouvelle taxe d’habitation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation
Je pense que nous avons des points d’accord (« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP), à commencer par la nécessité de chercher à faire des économies. Oui, notre pays a besoin de baisser ses dépenses publiques, qui représentent 57 % de la richesse nationale, contre seulement 49 % ailleurs en Europe. Limiter la dépense publique est, dans ce budget, notre préoccupation principale.
Nous pensons également qu’il nous faut travailler avec l’ensemble des collectivités et tous les élus – de la région, du département et du bloc communal. Les départements ont une particularité : les allocations individuelles de solidarité, dépense qu’ils assument pour le compte de l’État, qu’ils ne peuvent pas piloter et qui représente pour eux une charge très importante. C’est la raison pour laquelle ils souhaitent pouvoir augmenter un des rares taux sur lequel ils sont encore compétents : les droits de mutation à titre onéreux, ces frais de notaire que nos concitoyens supportent au moment de réaliser un achat.
M. Thibault Bazin
Ça ne va pas aider le logement : il faut arrêter d’augmenter les taxes !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Aujourd’hui 98 % des départements sont au taux maximal de 4,5 %. Ils demandent de pouvoir augmenter ce taux de 0,5 % – cela représente en moyenne, pour un bien vendu 200 000 euros, entre 500 et 1 000 euros, selon les territoires.
M. Thibault Bazin
Ce n’est pas rien pour le primo-accédant !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Il n’est enfin absolument pas question de revenir sur la suppression de la taxe d’habitation, le premier ministre l’a déjà dit.
M. Julien Rancoule
On ne le fait pas, mais cela revient au même !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Nos concitoyens doivent prendre la mesure de la charge que représente l’action publique sur le territoire : oui, rien n’est gratuit, et quelqu’un doit bien payer. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Falcon.
M. Frédéric Falcon
Vous allez donc augmenter les frais de notaire et réintroduire une nouvelle taxe d’habitation,…
Mme Catherine Vautrin, ministre
J’ai dit le contraire !
M. Frédéric Falcon
…la contribution territoriale universelle. Assez de taxes, assez de normes : persistez dans cette voie, et vous aurez la censure ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Insertion professionnelle des personnes en situation de handicap
Mme la présidente
La parole est à Mme Joséphine Missoffe.
Mme Joséphine Missoffe
Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap.
En cette vingt-huitième semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, nous sommes toutes et tous invités à réfléchir à la thématique suivante : « Handicap et parcours professionnel : comment assurer une vraie égalité des chances ? »
Je me suis rendue lundi dans un Esat de ma circonscription, où j’ai pu observer le travail remarquable de ceux qui sont auprès des travailleurs handicapés ainsi que des équipes d’accompagnement. Leur engagement, qu’il est crucial de valoriser et de protéger, nous oblige.
Je salue les orientations du volet handicap de la loi « plein emploi », que notre collègue Christine Le Nabour a défendu l’année dernière avec conviction. La transformation de l’offre d’accompagnement, l’ouverture renforcée vers le milieu ordinaire ou encore la création d’un sac à dos numérique sont des mesures essentielles à la poursuite de nos efforts vers une société inclusive – mais nous pouvons, et nous devons, aller plus loin.
Si le taux de chômage des personnes en situation de handicap a considérablement baissé, il demeure presque deux fois plus élevé que dans la population générale, et de nombreuses entreprises peinent encore à remplir leur obligation d’emploi de travailleurs handicapés.
Au-delà des politiques d’insertion, c’est le regard que nous portons sur le handicap qui doit changer – pas seulement pendant les Jeux paralympiques, mais au quotidien. C’est ce que nous rappellent des initiatives comme celle du DuoDay, qui aura lieu demain.
Je sais, madame la ministre, que nous partageons ces convictions. (Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée, acquiesce.) Pouvez-vous nous préciser les priorités de votre ministère quant à l’insertion professionnelle, durable, des personnes en situation de handicap ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes en situation de handicap
Je vous remercie de mettre l’accent sur l’enjeu de l’emploi des personnes en situation de handicap. Leur taux de chômage a reculé depuis 2017 mais reste néanmoins supérieur à celui de l’ensemble de la population active : il nous faut donc rester pleinement mobilisés. Le temps du DuoDay sera très important pour continuer à casser les stéréotypes, créer du lien entre les employeurs et les personnes en situation de handicap. Le gouvernement sera pleinement mobilisé au cours de cette opération : tous les ministres seront réunis demain avec leur Duo, afin de continuer à montrer que les personnes en situation de handicap ont toute leur place au travail et dans toutes les activités.
L’enjeu, vous l’avez dit, est de continuer à apporter des réponses ciblées, précises, pour permettre à ces personnes de passer la barrière de l’emploi et pouvoir ensuite s’y maintenir. Plusieurs mesures sont déployées en ce sens, dont la loi « plein emploi » que vous avez mentionnée. France Travail, avec les caps emplois et les missions locales, est maintenant pleinement engagé pour se tourner vers les entreprises, identifier leurs besoins et leur proposer les profils adaptés, en lien avec l’Agefiph ou le FIPHFP, afin de pourvoir aux aménagements de postes qui permettront l’accueil des personnes en situation de handicap.
Mais nous commençons à aller plus loin dans la transformation, notamment celle de l’offre médico-sociale, en rapprochant de l’entreprise les Esat et l’ensemble des dispositifs comme l’emploi accompagné ou les entreprises adaptées, afin qu’une personne en situation de handicap puisse entrer dans une entreprise ordinaire, et revenir en arrière si elle en a besoin. Nous restons mobilisés et nous continuons le combat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Situation des enfants sans domicile
Mme la présidente
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Mme Ségolène Amiot
Lundi dernier, madame la ministre du logement, une famille s’est retrouvée à la rue en Loire-Atlantique, rallongeant la trop longue liste des personnes sans domicile. Dans cette famille, quatre enfants, dont un bébé de 15 mois.
En 2017, le candidat Macron promettait que plus personne ne serait à la rue avant la fin de l’année.
Mme Sophia Chikirou
C’est un menteur !
Mme Ségolène Amiot
Sept ans après, le constat est déchirant. Le nombre de personnes sans abri a plus que doublé, et les enfants sont les premiers touchés : + 120 % au cours des quatre dernières années. Partout, particulièrement en Île-de-France et dans le Nord, les situations se tendent. Le 115 n’apporte plus de solution suffisante aux familles. Faute de place, ses cellules départementales en viennent à les orienter directement vers des squats. Certains enfants naissent et vivent leurs premières années dans la rue, ou d’hôtel en hôtel.
Mme Marie Mesmeur et M. Sébastien Delogu
Eh oui !
Mme Ségolène Amiot
Ces enfants, comme leurs mères, sont bien plus souvent que les autres victimes et témoins de violences et de viols. Ils ont deux fois plus de risques d’avoir des problèmes de santé mentale ; mais, sans domicile fixe, le suivi des soins est impossible.
Un député du groupe LFI-NFP
Merci Macron !
Mme Ségolène Amiot
Les mineurs non accompagnés sont les plus touchés par le sans-abrisme et l’impossibilité d’accéder à l’éducation comme à la santé.
M. Pierre Cordier
Les départements, avec leurs faibles moyens, s’en occupent pourtant bien !
Mme Ségolène Amiot
Ils subissent, plus encore que les autres enfants, des violations de leurs droits fondamentaux. Le racisme systémique actuel, encouragé par la droite de cet hémicycle, fait primer la lutte contre l’immigration irrégulière sur la protection de l’enfance : honte à vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Selon l’Unicef, il faudrait créer plus de 10 000 places d’hébergement d’urgence supplémentaires. Mais, en opposition avec ces besoins, vous votez pourtant des budgets toujours plus austéritaires, poussant les départements à supprimer des places d’hébergement d’urgence : 600 pour la seule Loire-Atlantique.
Votre prédécesseur, M. Kasbarian,…
Un député du groupe EPR
Excellent ministre !
Mme Ségolène Amiot
…était bien plus le ministre des expulsions que celui du logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Thibault Bazin
C’est caricatural !
Mme Ségolène Amiot
Serez-vous pour votre part la ministre du sans-abrisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine.
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine
À l’heure où les températures chutent, mon ministère est en vigilance permanente, singulièrement au sujet des enfants à la rue, auquel on ne peut être qu’extrêmement sensible.
Pour 2024, le gouvernement vient de compléter le financement du secteur de l’hébergement à hauteur de 250 millions d’euros, afin de répondre aux besoins et en intégrant la question du Ségur.
Mme Sarah Legrain
Pour quels résultats ?
Mme Marie Mesmeur
Vous ne voyez pas que ça ne marche pas ?
Mme Valérie Létard, ministre
En 2025, 203 000 places seront maintenues, ce qui portera à 2,8 milliards d’euros l’effort consenti pour accompagner l’hébergement – soit un doublement de l’enveloppe en dix ans.
J’ai demandé aux préfets de renforcer les maraudes et de mettre en place, sur chaque territoire, une cellule de résolution des situations – il en existe une depuis 2022 dans votre département de Loire-Atlantique.
Mme Ségolène Amiot
Six cents places en moins !
Mme Valérie Létard, ministre
J’ai également décidé d’assurer un suivi global, au moyen d’une cellule miroir à l’échelle nationale. Dans votre département, toutes les familles avec enfant sont prioritaires à l’entrée au 115, et le conseil départemental assure la prise en charge des femmes isolées avec des enfants de moins de 3 ans. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Marie Mesmeur
Venez voir sur le terrain !
Mme Valérie Létard, ministre
Si vous voulez bien me laisser finir…
Afin d’améliorer structurellement cette politique d’hébergement, nous avons trois priorités. (Mêmes mouvements.)
M. Pierre Cordier
Mais laissez-la parler !
Mme Valérie Létard, ministre
D’abord, un soutien plus intense au logement : 29 millions supplémentaires seront destinés à accélérer la construction de pensions de famille et de résidences sociales. Ensuite, un plan interministériel de lutte contre le sans-abrisme et sa déclinaison dans les métiers en tension, avec l’objectif d’accompagner au moins 1 000 sorties vers l’emploi, ce qui libérera aussi des places d’hébergement.
Mme Marie Mesmeur
Et le 115 ?
Mme Valérie Létard, ministre
Enfin, une amélioration de la performance sociale de l’hébergement, incluant de manière plus partenariale les collectivités, les opérateurs et les bailleurs, autour du préfet.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Les collectivités n’ont plus les moyens !
Mme Valérie Létard, ministre
Nous continuerons l’effort. Je sais que ce n’est pas satisfaisant, mais nous faisons tout ce que nous pouvons, financièrement, pour rencontrer les attentes des professionnels, notamment en réajustant les financements. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Quelques députés du groupe EPR applaudissent cette dernière.)
Mme Marie Mesmeur
Venez voir les bébés à la rue !
Mme la présidente
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Mme Ségolène Amiot
Vous avez une obligation de résultat : vous serez rendue comptable de chaque vie perdue dans la rue. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Pierre Cordier
C’est scandaleux ! Quelle honte !
Difficultés de la filière noix
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Proença.
M. Christophe Proença
Madame la ministre de l’agriculture, la colère des agriculteurs ne cesse de s’intensifier, partout en France, depuis des semaines. Ils dénoncent des politiques trop souvent inadaptées à leur réalité, une précarité croissante et ressentent un sentiment d’abandon face aux crises qui s’accumulent. Dans le Sud-Ouest – Lot, Corrèze, Dordogne – comme dans le Dauphiné – Isère, Drôme – ou encore en Charente, la filière noix illustre parfaitement ces difficultés. Maladies fongiques, dérèglement climatique, concurrence internationale, notamment du Chili : autant de facteurs qui ont entraîné des récoltes calamiteuses et mettent en péril les exploitations.
Si le gouvernement a bien proposé un plan de soutien en 2023, ses critères d’éligibilité excluaient alors, dans le Lot, neuf exploitations sur dix : ce plan n’était donc que de la communication politique. Comme souvent, ces agriculteurs qui font l’effort de la polyculture, essentielle à leur survie autant qu’à la préservation de l’environnement, ne sont pas récompensés et font face à des règles qui semblent ignorer toute réalité. Un même constat pourrait être dressé pour plusieurs filières, parmi lesquelles la viticulture – souvent touchée par des faits similaires –, mais aussi l’élevage.
Il est urgent et vital de prévoir des mesures fortes et adaptées. Ces femmes et ces hommes qui nous nourrissent méritent bien plus que des effets d’annonce.
Quelle solution allez-vous leur proposer pour sauver notre agriculture et sa souveraineté mais aussi et surtout pour protéger nos agriculteurs et les filières en danger ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt
J’ai bien reçu votre courrier. Avec vos collègues Sébastien Peytavie, Aurélien Pradié, Fabrice Brun ou Frédérique Meunier, vous m’alertez sur la situation particulière de la filière noix, emblématique des difficultés que peuvent connaître certaines de nos productions très identitaires.
Vous avez tout mon soutien. C’est vrai, la filière a connu d’importantes difficultés : après une période de surproduction, les rendements diminuent. En 2024, ils ont été inférieurs à la moyenne dans le Lot, en Corrèze et en Dordogne.
L’enjeu, c’est la structuration de cette filière – elle est en cours, avec la création d’une appellation d’origine protégée Noix de France, incluant notamment la noix du Périgord et celle de Grenoble. Je suivrai avec attention cette structuration, mais je n’arbitrerai pas entre les deux noix, car l’une comme l’autre sont excellentes. (Sourires.)
Dans le cadre de notre planification écologique, il convient également de rénover les vergers, avec le soutien du plan France 2030.
Ne doutez pas de mon attention à ce dossier, qui disposera de moyens dans le prochain budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Proença.
M. Christophe Proença
Les agriculteurs sont sensibles aux paroles positives mais ils ont besoin d’actes concrets et forts.
Vous n’avez pas cité la recherche, qui doit disposer de moyens puissants pour aider la filière à développer des solutions durables. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre
Vous avez raison : jamais l’agriculture n’a eu autant besoin des ressources de la recherche pour limiter les effets du changement climatique et pour mieux résister aux agresseurs qui déciment les productions. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Fabien Di Filippo
Le progrès, c’est la science, pas des droits individuels !
Mme Annie Genevard, ministre
Nous y travaillons avec tous les organismes chargés de la recherche, qui disposent de budgets à cet effet. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. Antoine Léaument s’exclame.)
Votes intervenus lors des débats budgétaires
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cordier.
M. Pierre Cordier
Monsieur le premier ministre, cher Michel Barnier, comme beaucoup de Français, nous avons apprécié vos propos devant les présidents de conseils départementaux il y a quelques jours : « Je ne me suis pas roulé par terre pour devenir premier ministre. »
Être élu ou ministre, c’est servir, c’est se dévouer pour les autres, sa collectivité ou la France, avec conviction, en défendant ses idées.
M. Ian Boucard
Très bien !
M. Vincent Jeanbrun
Bravo !
M. Pierre Cordier
Je le dis souvent à mes compatriotes ardennais : « Ne comptez pas sur moi pour trahir mes convictions. » (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Émilie Bonnivard
Très bien !
M. Pierre Cordier
Je sais que nous partageons cette vision des choses. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Avoir des convictions, parlons-en ! Il y a quelques jours, nous avons assisté à des alliances contre-nature entre le Rassemblement national et la gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Ian Boucard
Quelle honte !
M. Sébastien Delogu
Et vous, vous êtes déjà coalisé avec l’extrême droite !
M. Pierre Cordier
Choix politique sans doute, mais il a profondément choqué les Français : vote commun pour taxer l’intéressement, les primes et la participation des salariés ; vote commun pour taxer les compléments de retraite ; vote commun pour créer un nouvel impôt universel ; vote commun pour limiter les aides à la transmission d’entreprises familiales. (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe DR.)
M. Kévin Mauvieux
Vous n’étiez pas là !
M. Pierre Cordier
À l’inverse, la démarche de la Droite républicaine est claire : nous voulons que le travail paie, que l’assistanat ne l’emporte pas sur le social.
Mme Émilie Bonnivard et M. Ian Boucard
Excellent !
M. Pierre Cordier
Jeudi dernier à Bogny-sur-Meuse dans les Ardennes, les ouvriers de l’usine Walor sur le point d’être licenciés me le disaient encore : « Finalement, pourquoi s’emmerder à se lever le matin pour aller bosser ? Ceux qui ne foutent rien gagnent autant que nous ! »
M. Fabien Di Filippo
Il faut l’entendre !
M. Nicolas Thierry
Il n’y a pas de question !
M. Pierre Cordier
Au-delà de ces alliances contre-nature entre le Rassemblement national, La France insoumise et les autres groupes de la gauche à l’Assemblée nationale, pouvez-vous nous confirmer votre engagement, monsieur le premier ministre ? Quelles solutions allez-vous retenir pour encourager le mérite et redresser notre pays, en récompensant ceux qui travaillent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
La première des réponses, c’est de prévoir un budget courageux, de redressement des comptes publics. En France, aucun travailleur ne pourra bien gagner sa vie grâce à son travail si nous n’assainissons pas nos comptes publics. Il s’agit de protéger la nation entière et de donner la possibilité à nos entreprises d’être compétitives.
C’est pourquoi le budget proposé à la représentation nationale était d’abord un budget de baisse de la dépense publique. Or, à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale, une coalition favorable à toutes les taxes et à toutes les fiscalités possibles a émergé !
Je vous rejoins : ni le gouvernement ni le socle commun ne peuvent partager une telle vision. Je remercie donc les députés du socle commun d’avoir refusé cette copie, digne de Frankenstein. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Antoine Léaument
Le RN a voté avec vous !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Vous plaidez pour la nécessité de mieux vivre de son travail. Je partage votre avis : nous devons faire en sorte qu’en France, le travail paie toujours plus que les aides.
M. Arnaud Le Gall
C’est pour ça que vous avez cassé le droit du travail ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
C’est l’objectif de la réforme annoncée par le premier ministre, avec la création de l’allocation sociale unique. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Un député du groupe DR
On le demande depuis longtemps !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
En outre, il faut être vigilants : nos entreprises doivent pouvoir mieux payer leurs salariés car l’État ne peut ni tout, ni tout seul.
Avec l’ensemble des parlementaires du socle commun, des discussions sont engagées depuis plusieurs semaines sur des allégements généraux de cotisations patronales. Il faut aboutir grâce à une politique de l’offre audacieuse.
M. Antoine Léaument
Ce n’est pas vrai !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Les travailleurs vivront alors mieux de leur travail. Si, en parallèle, nous engageons des réformes structurelles, comme celle de l’allocation sociale unique, alors, dans notre pays, travailler paiera mieux et être aidé ne pourra plus rapporter plus. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
M. Thibault Bazin
Bonne question, bonne réponse !
Budget des collectivités territoriales
Mme la présidente
La parole est à M. Tristan Lahais.
M. Tristan Lahais
J’étais ce matin au Salon des maires. Je tiens à partager leur colère quant aux efforts injustes et disproportionnés que vous demandez aux collectivités – 10 milliards d’euros d’économies.
Ces dernières paient le prix d’une politique fiscale injuste et laxiste, comme la suppression de la taxe d’habitation.
M. Laurent Croizier
Vous vous y connaissez en matière de laxisme !
M. Tristan Lahais
Depuis des semaines, les élus nous alertent. Ils sont stupéfaits par la méthode, archaïque : vous coupez brutalement les moyens de l’action publique sans désigner les services publics auxquels il faudra renoncer.
Ainsi, en Bretagne, l’effort attendu au seul titre du fonds de réserve revient soit à fermer les lycées publics pendant un an, soit à ne plus faire rouler les TER durant quatre mois.
M. Sébastien Delogu
Eh oui !
M. Tristan Lahais
En Ille-et-Vilaine, les élus devraient fermer cantines et internats pendant neuf ans.
M. Laurent Croizier
Mais bien sûr… N’importe quoi !
M. Tristan Lahais
Dans nos communes, les élus préparent leur budget dans l’incertitude et dans l’angoisse de devoir renoncer à des services publics pourtant indispensables : police municipale, prévention dans les quartiers populaires, places en crèches, accès au sport, à la culture – j’en passe.
En outre, et alors que le chômage remonte, l’effet récessif de ce budget ne manquera pas d’affecter le bâtiment, les travaux publics et l’artisanat.
Un vaste plan social est déjà annoncé dans l’économie sociale et solidaire et au sein des associations. Selon la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, 12 000 emplois sont ainsi directement menacés en Bretagne.
Quelle est votre crédibilité ? Comment vous faire confiance ? Les élus sont fatigués et en colère : ils doivent tantôt financer des mesures auxquelles ils n’ont pas été associés, tantôt répondre à vos injonctions désinvoltes – il faudrait toujours faire mieux avec moins.
Ce n’est pas sérieux ! Et cela explique en partie les 2 400 démissions de maires intervenues depuis 2020.
Qu’allez-vous répondre à cette colère qui menace l’engagement même des milliers de femmes et d’hommes qui font vivre la démocratie de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation
Vous étiez au Salon des maires ce matin ; moi aussi. Nous rencontrons tous des maires, tous les jours, parce que nous travaillons avec eux.
Premier point – le gouvernement a déjà eu l’occasion de le dire : incontestablement, les collectivités ne sont pas responsables du déficit. Il n’est donc pas question de les pointer du doigt. (« Ah ! sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Deuxième élément de réponse : vous connaissez le contexte dans lequel le projet de loi de finances a été préparé.
M. Antoine Léaument
Non !
Mme Catherine Vautrin, ministre
C’est la raison pour laquelle la copie doit être amendée, le premier ministre lui-même l’a confirmé, et c’est ce à quoi nous nous attelons.
Vous évoquez 10 milliards d’économies, je vous répondrai 5 puisque tout dépend de ce qu’on met dans cette enveloppe.
Ce n’est pas le plus important. Nous devons surtout travailler avec les régions, les départements et le bloc local afin d’analyser les sources d’économies et de maintenir les dotations pour les collectivités.
En outre, vous avez omis de préciser que la dotation globale de fonctionnement est maintenue, comme d’autres dotations.
Mme Marie-Charlotte Garin
Ce n’est pas un argument !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Ces crédits de fonctionnement du quotidien existent, et vont perdurer pour les collectivités.
Mme Marie-Charlotte Garin
Et l’inflation ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Avec les associations d’élus, nous recherchons des sources d’économies afin que les collectivités retrouvent une capacité à investir, vitale, car l’investissement, c’est la capacité à créer de l’emploi sur le territoire.
C’est pourquoi, la semaine dernière à Angers, le premier ministre est revenu sur la rétroactivité du fonds de compensation pour la TVA.
Nous cheminons, et c’est dans le dialogue que nous continuerons à progresser afin que notre budget nous permette de revenir à 5 % de déficit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Refondation de la politique de protection de l’enfance
Mme la présidente
La parole est à Mme Perine Goulet.
Mme Perrine Goulet
« Nous devons à nos enfants – les citoyens les plus vulnérables de toute société – une vie à l’abri de la violence et de la peur. » Ces propos de Nelson Mandela doivent guider notre action.
Mais, scandale après scandale, fait divers après fait divers, rapport après rapport, il s’avère que nous n’accompagnons pas correctement ceux qui en ont le plus besoin : les enfants sous la protection de l’aide sociale à l’enfance.
Ces enfants sont sous la responsabilité des départements depuis quarante ans, mais l’État a le devoir de ne pas détourner le regard de leur situation.
Un enfant de la République doit bénéficier de tout ce que la nation peut offrir pour grandir. Force est de constater que ce n’est pas le cas pour ces enfants.
La délégation aux droits des enfants vous a fait parvenir le fruit de quinze mois de travaux et de réflexions. Nous souhaitons que l’État reprenne sa place aux côtés des départements. Justice, santé, solidarité, éducation nationale, territoires, enseignement supérieur, autant de ministères qui doivent être impliqués mais dont le fonctionnement, en silo, nuit à l’efficacité de cette politique au service des enfants, pour qu’ils se construisent et deviennent des adultes épanouis.
La semaine passée, à Angers, lors des assises des départements de France, le premier ministre a annoncé vouloir lancer sans attendre la refondation de la politique de l’enfance.
Nous saluons votre volonté car nous savons tout ce qui doit être entrepris pour améliorer la protection de l’enfance – les travaux sont nombreux.
Mais, surtout, il y a urgence à agir. Qu’entendez-vous par une telle refondation ? Quelles mesures prendrez-vous et dans quel délai ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Romain Eskenazi applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance.
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance
Je le sais, la protection de l’enfance vous tient à cœur. Actuellement, 380 000 enfants et jeunes majeurs sont protégés.
Face aux inégalités de destin, ces enfants doivent pouvoir compter sur l’engagement des pouvoirs publics.
Le premier ministre l’a annoncé lors des assises des départements de France : il est essentiel de refonder la politique de protection de l’enfance.
Les difficultés sont connues : hausse du nombre de placements, manque d’attractivité des métiers, et de coordination des acteurs.
Il faut repenser le parcours de l’enfant et réfléchir ensemble à ses meilleures conditions de prise en charge – chaque fois que c’est possible, chez des proches, des tiers de confiance ou en famille d’accueil – afin que son parcours et son accompagnement soient plus individualisés et sécurisés.
Sous l’égide de M. le premier ministre et en lien avec Paul Christophe, ministre des solidarités, nous fixons les lignes directrices en nous concertant avec toutes les parties prenantes, à commencer par les départements. Voilà plus d’un an que nous travaillons avec eux pour donner des bases solides à la refonte de la protection de l’enfance. Nous consultons aussi les associations car on ne peut aboutir à une politique de l’enfance efficace sans se concerter et se coordonner avec tous les acteurs. Nous voulons agir rapidement, dès 2025, pour désinstitutionnaliser la protection de l’enfance. Atteindre cet objectif majeur exige de l’engagement et de la responsabilité – vous pouvez compter sur moi.
Mme la présidente
La parole est à Mme Perrine Goulet.
Mme Perrine Goulet
Nous serons à vos côtés, mais il y a vraiment urgence à agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Baisse du financement des missions locales
Mme la présidente
La parole est à Mme Martine Froger.
Mme Martine Froger
Acteurs indispensables de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté, les missions locales sont une réussite depuis leur création. Elles jouent un rôle crucial pour accompagner les jeunes vers l’emploi. Isolement, difficultés de mobilité, méconnaissance des mécanismes et souffrance mentale : les besoins sont aigus.
Alors que le taux de chômage des jeunes est en hausse, ces structures devront subir les conséquences d’une nouvelle cure d’austérité. En février 2024, la baisse de 1,1 milliard d’euros des crédits alloués à la mission Travail et emploi a déjà lourdement affecté les dispositifs d’accompagnement tels que le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie ou le contrat d’engagement jeune. Les réformes successives de l’assurance chômage pénalisent aussi particulièrement les jeunes demandeurs d’emploi et ceux récemment entrés sur le marché du travail. Premiers concernés par les contrats courts, ces jeunes seront également touchés par le durcissement des conditions d’ouverture des droits et la réduction de la durée d’indemnisation.
Vous avez intégré à la loi de finances pour 2025 une réduction de 22,22 % des crédits alloués aux missions locales. L’ensemble du réseau tire la sonnette d’alarme, car le constat est le même partout : dégradation de la trésorerie, licenciements en cours ou à prévoir, alors que la charge de travail ne cesse de croître. En Ariège, la baisse du financement s’établit à 86 000 euros, ce qui représente deux postes de travail sur les trente existants. Ces annonces pèsent lourdement sur le moral des salariés.
Madame la ministre du travail de l’emploi, alors que le taux de chômage des 15-24 ans a augmenté de 1,8 point au troisième trimestre de l’année 2024, trouvez-vous le moment bien choisi pour réduire les crédits affectés aux dispositifs s’adressant aux jeunes ? Comptez-vous revenir sur ces baisses de crédits pour calmer les fortes inquiétudes qu’elles suscitent et permettre aux missions locales de poursuivre leur travail auprès des jeunes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi
Vous me donnez l’occasion de rappeler notre attachement aux missions locales.
M. Ian Boucard
Elles sont essentielles !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Malgré les progrès accomplis ces dernières années en la matière, le taux d’activité des jeunes Français reste inférieur à la moyenne de l’Union européenne, et le taux de chômage de cette catégorie augmente. Il faut donc saluer l’accord auquel sont récemment parvenus les partenaires sociaux ; il permettra de renforcer la protection de ceux qui se retrouvent au chômage pour la première fois, en particulier les jeunes. La loi sur le plein emploi a conforté la place des missions locales au sein du réseau de l’emploi, au côté de France Travail, de Cap Emploi et des conseils départementaux.
Vous avez rappelé l’historique des crédits de financement des missions locales, mais il faut mettre ces chiffres en perspective : ces crédits ont augmenté de 80 % entre 2019 et aujourd’hui. Par ailleurs, nous maintenons l’objectif de 200 000 contrats d’engagement jeune. Il faut changer de logique en considérant moins les volumes d’entrées dans les dispositifs que la qualité de l’insertion dans l’emploi : que fait-on à l’issue d’un contrat d’engagement jeune ? Les centres de formation d’apprentis, les écoles de production, les écoles de la deuxième chance, les établissements pour l’insertion dans l’emploi, dont les crédits seront maintenus, doivent aussi être mobilisés.
Il est vrai que les crédits affectés aux missions locales baisseront de 6 % – des efforts sont demandés à tous –, mais nous serons à leur côté, comme je l’ai rappelé au Havre lors de la réunion nationale des missions locales. Nous devons moins nous préoccuper du volume d’entrées dans les dispositifs que de la qualité de l’insertion des jeunes. Je sais que nous serons tous au rendez-vous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Xavier Breton applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Martine Froger.
Mme Martine Froger
Vous évoquez un effort mesuré, mais il est ici question d’un effort considérable de 22,2 % !
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Nadège Abomangoli.)
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est reprise.
2. Réforme du financement de l’audiovisuel public
Suite de la discussion d’une proposition de loi organique
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public (nos 482, 556).
Hier soir, l’Assemblée a entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale.
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Saintoul, pour un rappel au règlement.
M. Aurélien Saintoul
Mon intervention se fonde sur les articles 70 et 100 du règlement et concerne la bonne tenue des débats.
Hier, nous avons terminé la séance par une admonestation et une mise en cause personnelle caractérisée de la part de la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture
Oh, pauvre chou ! Petite chose fragile…
M. Aurélien Saintoul
Nous nous abstenons entre nous de toute mise en cause personnelle et la ministre devrait s’y tenir elle aussi. Je comprends que mon intervention d’un quart d’heure l’ait gênée,…
M. Thibault Bazin
Et tout ça pour finalement retirer votre motion de rejet préalable…
M. Aurélien Saintoul
…puisque très critique de l’action du gouvernement. Il lui revenait néanmoins de répondre sur le fond, ce qu’elle n’a pas fait. (M. Jean-François Coulomme applaudit.)
M. Laurent Croizier
Donc il ne s’agissait pas d’une mise en cause personnelle…
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture
Il ne s’agissait pas d’une admonestation. Êtes-vous donc si fragile, monsieur le député ?
M. Jean-François Coulomme
Oui, il est fragile ! (Sourires.)
Mme Rachida Dati, ministre
Vous ai-je fait tant de peine ? Franchement, vous n’êtes pas au bout de votre vie politique… Bon courage. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant dans le texte de la commission spéciale les articles de la proposition de loi organique.
Article 1er
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 5, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Aurélien Saintoul, pour soutenir l’amendement no 5.
M. Aurélien Saintoul
Non, madame la ministre, je ne suis pas fragile : je suis capable d’entendre les critiques. Seulement, le règlement vaut pour tout le monde, donc aussi pour les ministres.
M. Thibault Bazin
Ça se saurait, si votre groupe respectait les règles !
M. Aurélien Saintoul
Sachez que notre rôle est de contrôler l’action du gouvernement – or la réciproque n’est pas vraie. La Constitution mériterait d’être respectée.
Mme Rachida Dati, ministre
Ne faites pas la morale !
M. Aurélien Saintoul
Conçu comme un amendement de repli à l’amendement no 4, qui sera appelé après l’article 1er, le présent amendement fixe le principe d’une redevance dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). En effet, l’affectation à l’audiovisuel public d’une partie de la TVA n’est pas une bonne idée pour deux raisons que j’ai déjà évoquées hier. D’abord, quand nous préconisons la gratuité, vous faites valoir qu’il faut que nos concitoyens sachent ce que coûtent les services dont ils bénéficient ; or le principe de l’affectation d’une fraction de la TVA ne garantit pas une telle lisibilité. Ensuite, la TVA est une taxe particulièrement injuste.
Le mieux est donc de créer dès à présent une redevance positive, progressive, vertueuse.
Charles de Courson, qui n’est pas là, nous avait fait remarquer que le terme « redevance » était impropre. Nous avons tenu compte de la leçon et évoquons bien des « impositions de toute nature ».
Mme la présidente
La parole est à M. Denis Masséglia, rapporteur de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
M. Denis Masséglia, rapporteur de la commission spéciale
J’imagine le groupe LFI-NFP pourvu d’une belle bibliothèque dans laquelle on trouverait un livre énorme, une encyclopédie…
M. Florent Boudié
L’encyclopédie des taxes !
M. Denis Masséglia, rapporteur
…intitulée Les synonymes des taxes. Vous êtes en effet incroyablement inventifs dès qu’il s’agit de créer une taxe. À chaque problème sa solution : une taxe. Aussi proposez-vous, ici, le retour de la contribution à l’audiovisuel public, une CAP progressive et universelle.
M. Arnaud Le Gall
Vous préférez la TVA sans dire qu’elle est la taxe la plus injuste !
M. Denis Masséglia, rapporteur
J’ai une question à vous poser, monsieur Saintoul : combien coûtera cette taxe à un couple de ma circonscription qui travaille chez Brioche Pasquier, chacun gagnant un peu plus que le Smic, soit, pour les deux, 4 000 ou 4 500 euros brut ? Quelle somme, quel impôt supplémentaire demandez-vous à nos concitoyens ? Plus que de faire des phrases générales, il importe de donner des chiffres. En attendant, j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Rachida Dati, ministre
Pour créer une redevance, il n’est pas nécessaire de modifier la loi. Ensuite, supprimer la CAP a donné plus de pouvoir d’achat aux Français. Ils ne sont donc pas favorables au retour de la redevance.
En ce qui concerne la gratuité, je n’ai pas compris ce que vous vouliez dire. Reste que tout ce que vous proposez, c’est d’instaurer des taxes, taxer tout le monde.
M. Jean-François Coulomme
Non, pas tout le monde !
M. Arnaud Le Gall
Nous sommes pour le tri sélectif.
Mme Rachida Dati, ministre
Or le texte ne prévoit ni une redevance ni une taxe. Avis défavorable.
Mme la présidente
Sur les amendements nos 1, 2 et 9, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutins publics.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Bruno Clavet.
M. Bruno Clavet
Le collègue Louis Boyard, absent, auteur de l’amendement, propose de rétablir, sous un autre nom mais avec le même objectif, la redevance télé supprimée en 2022. Il s’agit de demander aux Français de financer un audiovisuel public qu’ils ne regardent même plus. Les Français ne sont pas contre les impôts par principe, mais ils veulent, à juste raison, savoir où va leur argent et s’assurer qu’il est bien dépensé.
Or l’audiovisuel public coûte plus de 3,2 milliards d’euros par an – une somme colossale qui ne se reflète ni dans la qualité ni dans la pluralité des programmes. Alors non, le groupe Rassemblement national ne cautionnera jamais le retour de cette taxe totalement inutile. Nous allons donc voter contre cet amendement. Sachez que vous nous trouverez toujours face à vous pour défendre le portefeuille des Français, et cela à chaque étape de votre œuvre de matraquage fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Saintoul.
M. Aurélien Saintoul
Le grand avantage, quand on écoute le groupe Rassemblement national, c’est que ses propos sont si caricaturals (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe RN)…
Mme Catherine Rimbert
Vous avez un problème avec le pluriel !
M. Emeric Salmon
Dès qu’on dépasse deux syllabes, c’est trop compliqué !
M. Aurélien Saintoul
…que la réponse vient d’elle-même.
Vous avancez que les Français ne regardent pas, n’écoutent pas l’audiovisuel public. Or tous les baromètres indiquent très clairement que France Info ou France Inter, par exemple, sont les radios les plus écoutées. Vous avez l’habitude des infox, c’est votre problème.
Quant à l’affirmation du rapporteur selon laquelle nous voudrions inventer une nouvelle taxe, je ne vois pas en quoi ce serait le cas si l’on recréait une redevance qui existait déjà. Je ne vois donc pas où sont vos arguments, en quoi vous répondez à ce que j’ai proposé.
Ensuite, à votre place, je me sentirais un peu honteux d’arguer que la suppression de la CAP aurait permis un gain de pouvoir d’achat si colossal que vous ne pouvez le compenser dans un projet de loi de finances (PLF) que vous allez par ailleurs faire adopter en utilisant l’article 49.3 de la Constitution.
Lors de l’examen du PLF pour 2025, nous avions en effet proposé une redevance nulle pour la tranche allant de zéro à 15 000 euros de revenu fiscal annuel. Ce modèle, comportant plusieurs paliers, aurait permis un financement à hauteur de 3,5 milliards d’euros. Vous voyez, ce n’est pas très difficile.
Bien sûr, si vous estimez que ces barèmes sont difficiles à instaurer en un mois et demi, que les services de Bercy n’en sont pas capables, il est toujours possible, encore une fois, de demander à ces services, dont le ministre Laurent Saint-Martin nous a assuré qu’ils étaient compétents et, je le crois, à raison, de rétablir l’ancienne formule. Mais ne venez pas nous dire que 138 euros de gain de pouvoir d’achat sur une année pour un foyer, c’est si extraordinaire (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR)…
Mme Hanane Mansouri
Ça l’est, pour certains !
M. Emeric Salmon
Il y a des ouvriers qui sont au centime près !
M. Aurélien Saintoul
…quand vous êtes capables de faire la réforme des retraites, la réforme de l’assurance chômage, de faire payer des médicaments, d’ajouter des journées de carence, de désindexer les retraites etc. Ces arguments sont vraiment d’une mauvaise foi assez sidérante. (M. Sébastien Delogu applaudit.)
Mme Hanane Mansouri
La mauvaise foi vient de vous !
M. Arnaud Sanvert
Surréaliste !
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Le moment que vous venez de nous faire vivre, monsieur Saintoul, est assez extraordinaire.
Mme Rachida Dati, ministre
Ça, c’est sûr !
M. Jérémie Patrier-Leitus
Vous venez de nous expliquer que 138 euros de pouvoir d’achat, ce n’était pas grand-chose, que, finalement, les Français pouvaient s’en passer, alors que vous faites un scandale – vous en avez parlé pendant un an – pour 5 euros d’aide personnalisée au logement (APL). Donc, j’y insiste, pour vous, donner 138 euros, demain, aux Français qui travaillent, n’a pas d’importance.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Jérémie Patrier-Leitus
Remarquable cohérence du groupe La France insoumise.
Par ailleurs, dans l’exposé sommaire de votre amendement, il est question de « bricolage gouvernemental ». Le bricolage, c’est plutôt votre proposition de retour à la redevance. Qui la paiera ? Vous venez de nous dire qui ne la paiera pas : les ménages déclarant entre zéro et 15 000 euros. Mais ensuite, qui, comment, combien ? M. Boyard, en commission, nous a expliqué qu’un député, qui gagne en gros 5 000 euros mensuels, paierait 200 euros de redevance. Dès lors, je ne sais pas comment vous parvenez à 4 milliards de recettes. La vérité, c’est que votre redevance, je le répète, c’est du bricolage.
M. Sylvain Maillard
Il a raison.
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
Tout le monde ramène la suppression de la CAP au gain de pouvoir d’achat que cela aurait permis. Il y avait d’autres raisons à cette suppression et que vous ne prenez pas du tout en compte. Ainsi de l’usage de l’audiovisuel. On payait la redevance parce qu’on avait un poste de télévision à son domicile ou dans sa résidence secondaire. Or on sait que la « consommation » d’audiovisuel public n’est plus tributaire de la télé. Nous sommes nombreux à ne pas en posséder et pourtant à fortement consommer de l’audiovisuel public.
Vous nous accusez de bricolage, M. Patrier-Leitus y faisait allusion à l’instant, mais vous proposez un dispositif érigeant le rétablissement de la redevance en totem – assumez-le. Encore faudrait-il savoir sur quoi la calculer : sur la télé, comme c’était le cas auparavant, ou bien sur la possession d’une tablette, d’un téléphone ou, pourquoi pas, puisque vous êtes très inventifs, d’une radio ?
Le dispositif prévu est sûr, fonctionnel et pérenne. Grâce à lui, nous pourrons disposer d’un audiovisuel puissant. Or, contrairement au groupe RN, nous pensons qu’il faut, dans une démocratie, un audiovisuel public fort.
Cessez donc de nous traiter de bricoleurs – alors que vous-mêmes vous adonnez à un bricolage idéologique. Vous voulez à tout prix faire penser que nous nous sommes trompés en supprimant la CAP…
Mme la présidente
Il faut conclure, cher collègue.
M. Erwan Balanant
Si l’on interrogeait tous les Français, ils répondraient tous qu’ils sont très contents de ne plus payer la redevance.
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Grégoire.
M. Emmanuel Grégoire
L’adoption du moindre amendement porterait un coup dur à l’audiovisuel public. En effet, en empêchant, ainsi, un vote conforme, du fait du délai de la navette parlementaire et, quand bien même nous serions d’accord avec nos collègues sénateurs, de celui de l’examen du texte par le Conseil constitutionnel puis de celui de la promulgation, il serait impossible que la loi organique entre en vigueur à temps pour éviter la budgétisation de l’audiovisuel public. Or, à part le groupe RN, nous sommes tous d’accord pour refuser cette dernière.
Ensuite, nous avons de très fortes critiques à formuler sur la trajectoire budgétaire de l’audiovisuel public, puisque même si nous évitons la budgétisation, les acteurs ne seront pas protégés contre une baisse des moyens – la preuve, celle-ci a été décidée à deux reprises en 2024. Les perspectives sont d’ailleurs telles, pour 2025, qu’elles ne pourront se traduire que par une dégradation du service public de l’audiovisuel.
Enfin, nul n’est besoin d’une proposition de loi organique pour réfléchir collectivement à des formes plus intéressantes. Je veux bien que vous balayiez la CAP d’un revers de la main mais, si elle était certes obsolète sous certains aspects, vous avez, en la supprimant, accompagné de facto la baisse structurelle des moyens accordés au service public de l’audiovisuel.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Ce n’est pas vrai !
M. Emmanuel Grégoire