Première séance du jeudi 13 novembre 2025
- Présidence de Mme Hélène Laporte
- 1. Cessation de mandat de plusieurs députés et reprise de mandat de plusieurs autres
- 2. Projet de loi de finances pour 2026
- Première partie (suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 5
- Article 6
- M. Nicolas Sansu
- M. Guillaume Kasbarian
- M. Aurélien Le Coq
- M. Thierry Benoit
- M. Fabien Di Filippo
- M. Jean-Philippe Tanguy
- M. Charles de Courson
- M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- M. Philippe Juvin, rapporteur général
- Mme Amélie de Montchalin, ministre
- Amendements nos 70, 273, 300, 390, 1244, 1344, 1439, 1714, 2536, 3503 et 3631
- Article 7
- Après l’article 7
- Article 8
- Après l’article 8
- Amendements nos 3602 rectifié, 3180, 2752, 3426, 2713 et 2234
- Sous-amendement nos 3957, 3956
- Rappel au règlement
- Après l’article 8 (suite)
- Rappel au règlement
- Suspension et reprise de la séance
- Article 9
- Mme Léa Balage El Mariky
- Amendement no 1313 rectifié
- Sous-amendement no 3962
- Rappel au règlement
- Article 9 (suite)
- Rappels au règlement
- Après l’article 9
- Rappel au règlement
- Après l’article 9 (suite)
- Rappel au règlement
- Première partie (suite)
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Hélène Laporte
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Cessation de mandat de plusieurs députés et reprise de mandat de plusieurs autres
Mme la présidente
J’informe l’Assemblée que la présidente a pris acte, en application de l’article L.O. 176 du code électoral, de la cessation, le 12 novembre 2025, à minuit, du mandat de député de M. Freddy Sertin et Mme Pauline Levasseur et de la reprise de l’exercice du mandat de Mmes Élisabeth Borne et Agnès Pannier-Runacher, dont les fonctions gouvernementales ont pris fin le 13 octobre 2025.
J’informe également l’Assemblée qu’à compter d’aujourd’hui, M. Roland Lescure, Mme Stéphanie Rist, Mme Naïma Moutchou, Mme Marina Ferrari, M. Vincent Jeanbrun, M. Laurent Panifous, Mme Maud Bregeon, M. Mathieu Lefèvre, M. Sébastien Martin, Mme Anne Le Hénanff, M. Nicolas Forissier, Mme Eléonore Caroit et M. David Amiel, nommés membres du gouvernement, ont été remplacés respectivement par M. Christopher Weissberg, M. Stéphane Chouin, M. Benoît Blanchard, M. Didier Padey, M. Nicolas Tryzna, Mme Audrey Abadie-Amiel, M. Christophe Mongardien, Mme Sandrine Lalanne, M. Lionel Duparay, M. Michel Criaud, Mme Alix Fruchon, M. Benoît Larrouquis et Mme Catherine Ibled, élus en même temps qu’eux à cet effet.
2. Projet de loi de finances pour 2026
Première partie (suite)
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 (nos 1906, 1996).
Lundi 3 novembre dernier, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 1249 portant article additionnel après l’article 5.
Je vous rappelle que depuis le 3 novembre, conformément aux décisions de la conférence des présidents, les temps de parole sont ramenés à une minute.
Depuis le début de l’examen du texte, le rythme moyen est de quatorze amendements à l’heure. Pour achever l’examen des 2 120 amendements restant en discussion d’ici à dimanche soir minuit, il faudrait que ce rythme passe à 46 amendements à l’heure.
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour un rappel au règlement.
M. Aurélien Le Coq
Il se fonde sur l’article 47-1 de la Constitution. Hier soir, nous étions réunis dans l’hémicycle pour étudier le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Il restait, à la fin de la séance, à peine 300 amendements à examiner : nous avions la possibilité de voter sur le texte.
M. Patrick Hetzel et Mme Marie-Christine Dalloz
LFI n’a pas cessé de faire de l’obstruction !
M. Aurélien Le Coq
Il aurait fallu pour cela que le gouvernement accepte que nous débattions de cette éventualité et que nous fassions une prolongée. Or il a décidé de dégainer l’article 47-1, c’est-à-dire l’article 49.3, mais en pire, pour empêcher la représentation nationale de voter.
M. Patrick Hetzel
Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude !
M. Aurélien Le Coq
Nous reprenons ce matin l’étude du projet de loi de finances, autrement dit du budget de l’État. Il reste près de 2 000 amendements à examiner. Nous voulons savoir dès à présent si le gouvernement a l’intention, une nouvelle fois, de faire traîner les débats et d’utiliser à la fin le 49.3 déguisé pour empêcher la représentation nationale d’arriver au vote du projet de loi de finances, ou s’il est envisageable que, dans un pays démocratique, celle-ci puisse enfin se prononcer sur le budget. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Après l’article 5
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’action et des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics
Je suis heureuse de vous retrouver pour la poursuite de l’examen du projet de loi de finances (PLF). J’aimerais faire un point d’étape pour revenir sur les dispositions qui ont été votées avant la pause – pendant laquelle nous avons examiné le PLFSS.
J’évoquerai tout d’abord différentes mesures de hausse et de baisse d’impôts en faveur desquelles une majorité s’est dégagée.
Du côté des baisses, l’Assemblée est allée au-delà de ce que le gouvernement proposait pour les PME, à savoir une diminution de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) : elle a adopté des amendements qui prévoient d’aller plus loin. De même, elle a voté plusieurs mesures pour réduire la pression fiscale sur les ménages : dégel du barème de l’impôt sur le revenu et création ou prorogation de certaines niches fiscales – vous vous êtes par exemple opposés à la suppression de certaines de ces niches.
À l’inverse, vous avez adopté des mesures allant dans le sens d’une hausse de la pression fiscale sur les multinationales, sur les grandes entreprises ainsi que sur les ménages les plus fortunés – je pense notamment à des dispositions qui visent à limiter les pratiques d’optimisation ou les mécanismes d’exonération.
Je tiens à préciser que toutes ces questions seront rediscutées dans le cadre de la navette. Par définition, aucune des mesures votées n’est définitive, puisque le texte doit être examiné au Sénat puis faire l’objet d’une deuxième lecture.
J’en viens à quatre dispositions notoirement anticonstitutionnelles et inapplicables. Il s’agit de la création du fameux impôt sur les multinationales…
M. Nicolas Sansu
Et voilà !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…qui rapporterait, selon les auteurs de la mesure, près de 26 milliards de recettes, de la hausse de la taxe sur les rachats d’actions, de l’instauration d’une taxe sur les superdividendes…
M. Nicolas Sansu
Tout ce qui vous embête !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…et de la baisse, de façon unilatérale, du plafond du pilier 2.
Je remettrai d’ailleurs ce matin les notes relatives à ces mesures, telles qu’elles m’ont été transmises par les services qui sont sous ma tutelle, au rapporteur général et au président de la commission des finances. Ces derniers communiqueront aux députés – dans les conditions qu’ils souhaitent – ces documents qui reposent sur une analyse juridique.
M. Nicolas Sansu
Oui, bien sûr !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je souhaitais en tout cas informer la représentation nationale que les travaux approfondis qui ont été menés depuis que nous avons mis cette discussion en pause confirment que de telles mesures ne seraient ni applicables ni souhaitables du point de vue de nos finances publiques.
J’en viens aux questions de procédure, ce qui me permet de répondre à M. Le Coq. Il reste encore quelque 2 100 amendements à examiner. Vous savez que la fameuse date butoir est le 23 novembre. D’ici là, le rapporteur général, le gouvernement et l’ensemble de nos équipes sont à la disposition du Parlement. Nous donnons notre avis sur les amendements, nous répondons à vos questions, nous débattons, nous facilitons le compromis lorsque c’est possible, nous informons et éclairons les députés sur les conséquences de l’adoption d’un amendement. Telle est la ligne que j’ai suivie jusqu’ici et je n’ai pas prévu d’en changer.
Vous me demandez si d’ici au 23 novembre, le Parlement aura étudié tous les amendements, ce qui est la condition pour permettre un vote sur la première partie du texte. Je vous répondrai que cela dépend de vous. Il n’y pas lieu de polémiquer ce matin à ce sujet.
Mme Christine Arrighi
Et hier soir ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ce qui s’est passé hier soir correspond à la stricte application de la Constitution.
M. Aurélien Le Coq
Non !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je tiens à dire que nous devons le respect au Sénat, qui attendait le texte du PLFSS ce matin pour en débuter l’examen.
M. Aurélien Le Coq
Il pouvait l’avoir !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le texte lui a donc été envoyé.
M. Aurélien Le Coq
À quelle heure ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Contrairement à ce que vous affirmez, le gouvernement n’a fait aucun choix, aucun tri parmi les amendements votés.
M. Aurélien Le Coq
Vous avez fait le choix de ne pas nous permettre d’aller au vote !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le texte transmis au Sénat comporte tous les amendements qui ont été votés. Vos propos me semblent donc découler d’une déformation des faits – et nous savons que se manifeste parfois une volonté de raconter une histoire un peu différente de ce qui se passe ici. (M. Aurélien Le Coq s’exclame.)
Je redis, avec une grande sérénité, que nous sommes ici pour poursuivre l’examen du PLF. Le rythme des débats, et donc l’avancée des travaux, ne dépendent que de vous.
M. Patrick Hetzel
Très bien !
Mme la présidente
L’amendement no 1249 de M. Alexandre Allegret-Pilot est défendu.
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
M. Philippe Juvin, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le gouvernement partage évidemment l’ambition d’évaluer les niches fiscales : c’est une nécessité. Chaque année, depuis 2021, est établi un programme d’évaluation des niches fiscales ; vous pouvez d’ailleurs le consulter dans l’annexe au PLF « Évaluation des voies et moyens ». C’est sur cette base que l’on décide de supprimer ou de proroger une niche fiscale, ou encore de modifier ses modalités. Il serait coûteux – et pas forcément efficace – d’évaluer chaque année les 474 niches fiscales.
En revanche, vous le savez : désormais, pour chaque niche fiscale, une date de fin du dispositif est fixée. Pour que celui-ci soit prorogé, une décision doit être prise en ce sens tous les trois ans. Cet amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer et émettrai à défaut un avis défavorable.
(L’amendement no 1249 n’est pas adopté.)
Article 6
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Nous entamons la suite de l’examen du PLF avec une pointe de scepticisme s’agissant de la volonté du gouvernement et de certains groupes d’aller au vote. Nous avons bien noté hier, lors de l’examen du PLFSS, la manœuvre consistant à invoquer l’article-couperet 47-1.
Permettez-moi, madame la ministre, de sourire après avoir entendu vos propos liminaires. Selon vous, tout ce qui concerne les multinationales, la taxation unitaire, les rachats d’actions ou encore la taxe sur les superdividendes tomberait. Finalement, nous votons et vous décidez ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Daniel Labaronne
C’est l’État de droit !
M. Nicolas Sansu
L’article 6 est symptomatique. Il vise à pénaliser un certain nombre de retraités, comme vous avez d’ailleurs voulu le faire hier soir avec le gel des pensions.
Cette mesure s’inscrit dans une logique plus large consistant à opposer les actifs aux retraités dans le cadre d’un affrontement entre les générations.
Cette méthode est profondément inefficace. Les classes d’âge ne sont pas homogènes ; elles-mêmes sont traversées par les clivages sociaux. Ainsi, le taux d’épargne, souvent présenté comme le symbole de l’aisance financière des retraités, varie considérablement : de 11 % pour les employés et ouvriers à 35 % pour les commerçants, chefs d’entreprise et professions libérales.
Par ailleurs, la réforme prévue par cet article est loin d’être réellement redistributive. L’abattement spécial réservé aux retraités les moins aisés est supprimé pour les plus de 65 ans non-invalides. On voit mal où se situe la justice sociale d’une telle mesure.
De même, la réforme de l’abattement de 10 % est si large qu’elle entraîne une hausse d’impôt dès 1 667 euros de pension mensuelle. Avec à peine 1 700 euros de retraite, on est déjà considéré comme un nanti ! On a connu de meilleures définitions du privilège.
Enfin, de nombreux effets de bord sont totalement ignorés par le texte du gouvernement. Aucune information n’a été donnée concernant les conséquences du nouvel abattement sur les prestations sociales. Pourtant, sa prise en compte dans le calcul du revenu fiscal de référence, qui sert de base au calcul de nombreuses aides sociales, pourrait réduire le bénéfice total de la mesure de 400 millions et priver des milliers de personnes de leurs aides au logement.
Plutôt que de créer un clivage artificiel entre générations et d’appauvrir les locataires, une autre voie est possible, celle qui s’attaque aux véritables sources des inégalités : le patrimoine et l’héritage. Votre article vise, lui, à faire payer les classes moyennes et modestes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Kasbarian.
M. Guillaume Kasbarian
J’apporte mon soutien au gouvernement car cet article, qui vise à remplacer l’abattement de 10 % sur les revenus des retraités par un forfait de 2 000 euros, est courageux et va dans le bon sens.
Cet abattement est l’un des nombreux avantages fiscaux et sociaux dont bénéficient aujourd’hui les retraités – ne voyez là aucun reproche de ma part, c’est le législateur qui a décidé de les accorder. On peut citer le taux de CSG, réduit par rapport à celui des actifs, le plafond du crédit d’impôt pour les services à la personne, plus élevé que celui des actifs, mais aussi les exonérations sur l’allocation personnalisée d’autonomie (l’APA), sur la retraite du combattant, sur les plus-values de cession d’entreprise ou de logement – dans certains cas – ou encore sur la taxe foncière pour les retraités de plus de 75 ans dont les revenus sont modestes.
Il existe donc de multiples dispositifs fiscaux – que je ne remets pas en cause. Le gouvernement souhaite simplement remplacer l’un entre eux par un forfait.
Si je prends la parole, c’est parce qu’en commission, l’article a été purement et simplement supprimé, sans que nous ayons pu débattre de son contenu, à la suite de l’adoption d’amendements de suppression.
Je le regrette, car ce rejet intervient après celui d’autres dispositions, qui figuraient aussi bien dans le projet de loi de finances que dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. M. Sansu a par exemple évoqué le gel des pensions. Les députés ont au contraire décidé hier de les revaloriser, d’augmenter tous les retraités. Ils ont même souhaité continué de rembourser, sans restriction, les cures thermales.
Après l’adoption de toutes ces mesures, nous ne pouvons pas nous permettre d’envoyer le signal que nous refusons toute réflexion – je parle simplement d’une réflexion – à propos d’un des avantages fiscaux dont bénéficient les retraités.
Notre collègue Sansu parlait de conflit de générations. Il me semble que lorsque les responsables politiques, pour des raisons électorales, refusent d’étudier certaines questions et de regarder certaines réalités, ils ne font qu’aggraver ce conflit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Mme la ministre disait il y a quelques mois qu’elle serait la ministre qui refuserait d’augmenter les impôts. Je pense qu’elle avait oublié de finir sa phrase ! Vous refusez d’augmenter les impôts, certes, sauf ceux qui pèsent sur les apprentis, ceux qui pèsent sur les malades, ceux qui pèsent sur les retraités. (M. Paul Vannier applaudit.) En revanche, ce qui est exact, c’est que vous refusez d’augmenter les impôts des plus riches.
Nous parlons d’un article qui prévoit d’augmenter les impôts de l’ensemble des retraités qui touchent plus de 1 666 euros par mois. Mais je suis désolé : lorsqu’on a passé une vie au travail, une vie, parfois, à esquinter sa santé, une vie à courir des risques, une vie à sacrifier son temps libre, une vie à produire, à faire en sorte que notre pays tienne debout, avance, et que notre économie soit productive, on mérite d’avoir une retraite décente ! Et lorsqu’on touche 1 666 euros par mois de pension, on n’est pas un apparatchik ni un ultrariche.
M. Pierre Cordier
Un apparatchik ?
M. Patrick Hetzel
On voit bien quelle est sa culture politique !
M. Aurélien Le Coq
Il est donc absolument insupportable que ce soient ces retraités que vous décidiez de taxer.
Quand vous disiez que vous étiez la ministre qui refuserait d’augmenter les impôts, sans doute pensiez-vous que cette déclaration avait trait à celles et ceux qui touchent plus de 250 000 euros par an – puisque vous avez refusé d’augmenter le taux de la contribution différentielle – et au capital – puisque vous avez refusé, avec le Rassemblement national, d’augmenter le taux de la flat tax. (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.) Sans doute êtes-vous la ministre qui refuse de faire payer leur juste part aux milliardaires.
Cela rend d’autant plus insupportable votre position à l’égard des retraités, qui sont 2 millions à vivre sous le seuil de pauvreté et 5 millions – dont font partie 50 % des femmes – à percevoir des pensions inférieures à 1 000 euros par mois. Ce sont eux que vous avez décidé de matraquer, ici en augmentant leurs impôts, là en baissant leurs pensions, ailleurs en rehaussant la CSG. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit
Cet article 6 met en exergue la nécessité de préserver la réforme des retraites telle qu’elle a été engagée il y a quelques années, qui consistait à faire passer progressivement l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Tout naturellement, la suspension de cette réforme conduit le gouvernement, pour la compenser, à chercher des recettes nouvelles de toutes les manières possibles.
En l’occurrence, il est vrai que cette proposition de suppression de l’abattement de 10 % applicable aux pensions de retraite préoccupe bon nombre de ceux dont les retraites sont petites ou modestes. Plutôt que de remplacer cet abattement par un autre, forfaitaire, de 2 000 euros, j’aurais souhaité que soit instauré un dispositif progressif, qui tienne compte du montant des pensions.
M. Fabien Di Filippo
L’impôt est déjà progressif !
M. Thierry Benoit
C’est exactement le même débat, mais à l’envers, que celui qui a trait à l’indexation des retraites : appliquer une augmentation de 2,5 % à une pension de 1 000 euros et à une autre de 5 000 euros, ce n’est pas la même chose.
Je regrette que le gouvernement fasse cette proposition, car si elle était appliquée, cela ferait inévitablement entrer de nouveaux retraités dans le dispositif.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
C’est l’inverse !
M. Thierry Benoit
C’est quasiment certain à terme. On voit bien qu’un ancien président de la République ou un sénateur, qui bénéficie d’un régime spécial de retraite, c’est-à-dire d’une bonne retraite – j’entends que les sénateurs vont remettre en cause la suspension de la réforme des retraites votée à l’Assemblée, ce qui paraît surprenant dans la mesure où leur régime spécial n’a pas réformé – (MM. Guillaume Gouffier Valente et Jimmy Pahun applaudissent),…
M. Pierre Cordier
Bingo ! Bravo, monsieur !
M. Thierry Benoit
…sera naturellement moins préoccupé par ce remplacement d’un abattement par un autre que celui dont la retraite est modeste.
Je regrette également, à titre personnel, la suppression hier de l’article 44 qui prévoyait le gel des prestations sociales – la fameuse année blanche. Je fais le lien avec le présent débat : de la même manière, on aurait pu faire preuve de discernement et décider, plutôt que de revaloriser toutes les retraites, de moduler de manière graduée cette revalorisation en fonction du montant des retraites, des revenus et des prestations. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR. – M. Corentin Le Fur applaudit aussi.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Cet article prévoit le remplacement de l’abattement de 10 % applicable aux pensions de retraite par un abattement forfaitaire de 2 000 euros. Le plafond de l’abattement en vigueur s’élève à plus du double : 4 399 euros. D’après les simulations, un peu plus de 7 millions de retraités seraient concernés par la mesure, pour un gain d’environ 800 millions d’euros.
Comme nous l’avons déjà indiqué, nous, membres du groupe Droite républicaine, refusons par principe toute taxation supplémentaire des Français, notamment ceux qui travaillent ou ont travaillé toute leur vie. Nous souhaitons donc préserver le système actuel.
C’est ce qui me différencie sur ce point de Guillaume Kasbarian, qui disait qu’il s’agissait d’une mesure courageuse. Non : par principe, une mesure courageuse consisterait à faire des économies, sur le train de vie de l’État, la dépense publique, la dépense sociale, non à augmenter les impôts de personnes qui ont travaillé toute leur vie.
Voilà le sens de notre position : le groupe Droite républicaine, qui a déposé un certain nombre d’amendements à cet article, est favorable à sa suppression.
M. Pierre Cordier
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous nous opposons à la disposition prévue par l’article 6, sur lequel nous avons déposé un amendement de suppression, pour une raison simple : nous ne voulons plus de cette division permanente de la société. Pendant des années, on a opposé salariés et entrepreneurs, fonctionnaires et salariés du privé. Pour cacher les échecs du système, on invente à présent une nouvelle opposition, très à la mode – on en entend parler sur tous les plateaux et à la une de tous les magazines –, entre les actifs et les retraités. (Mme Mathilde Feld s’exclame.) Une part considérable des problèmes de la France ne viendrait pas des échecs du système mais des retraités, désormais considérés comme des nantis et des privilégiés.
Je rappelle qu’aucun retraité n’a volé sa pension. Les retraités, qui ont travaillé et cotisé, perçoivent une pension strictement corrélée à leurs cotisations, suivant les règles d’un système transparent voté dans cet hémicycle par une partie des gens qui les critiquent à présent.
Le rejet constant de la responsabilité des échecs du système et de l’appauvrissement de la France, non sur les responsables politiques dont les décisions ont conduit à cet appauvrissement et à cet affaiblissement, mais sur les honnêtes citoyens et contribuables, et désormais sur les retraités, est tout simplement insupportable.
C’est le sens de l’amendement déposé par Alexandre Dufosset : on ne doit même pas débattre de cette nouvelle division de la société, qui est absurde. Il y a une fiscalité en France, à laquelle les retraités dont les revenus sont les plus importants contribuent à hauteur de ces revenus. Cette fiscalité est juste et il n’y a pas à appliquer aux retraités un traitement différent au seul motif qu’ils sont retraités. Ils ne doivent pas être les nouveaux boucs émissaires d’un système en échec dont la seule obsession est d’opposer les Français les uns aux autres.
Nous sommes naturellement pour l’unité de la nation et considérons que les responsables de la situation actuelle sont ceux qui ont dirigé le pays, sûrement pas les honnêtes gens qui ont eu le malheur de travailler toute leur vie et devraient en plus avoir celui de payer pour les échecs des macronistes. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
L’article 6 n’est absolument pas adapté ; il est aussi injuste. En effet, si l’on supprime l’abattement de 10 % en vigueur, les revenus fiscaux de référence augmenteront de 10 %, ce qui aura un effet paradoxal : des retraités non imposables connaîtront une diminution de certaines prestations calculées sur le fondement du revenu fiscal de référence. Ainsi, on assistera par exemple à une réduction de l’ordre de 400 millions du montant des aides au logement versées à des gens non imposables. La suppression de l’abattement de 10 % est donc une erreur.
En revanche, cet article a le mérite de soulever un problème : le plafond de l’abattement en vigueur, qui s’élève à 4 400 euros, n’est pas conjugalisé, de telle sorte qu’il s’applique identiquement aux deux pensions prises ensemble d’un couple de retraités et à celle d’un retraité célibataire. Conjugaliser ce plafonnement serait juste et équilibré.
Il faut donc voter contre l’article. S’il y a quelque chose à faire, c’est conjugaliser ce plafond.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Bonjour à toutes et à tous. Je suis heureux de vous retrouver en séance après avoir retrouvé certains d’entre vous en commission hier soir.
Cet article révèle le défaut originel de ce budget. Au lieu de taxer davantage tous ceux qui ont bénéficié des largesses des gouvernements qui se sont succédé depuis 2017, on s’attaque à la plupart des contribuables et citoyens français par des coupes budgétaires injustes et autres augmentations d’impôts.
C’est encore plus évident s’agissant des retraités. Tandis que certains ici maintiennent mordicus qu’il ne faut pas imposer davantage les milliardaires et que ceux-ci auraient même raison de s’exiler si jamais on voulait le faire, on essaie de nous faire croire que les vrais privilégiés de ce pays sont les retraités.
On nous demande de ne pas nous inquiéter en avançant que ceux dont la pension est inférieure à 1 660 euros par mois ne seront pas touchés. Faut-il rappeler que le montant moyen des pensions de retraite en France s’élève à 1 683 euros par mois ? L’idée que ceux qui perçoivent plus de 1 660 euros par mois sont des privilégiés qu’il conviendrait d’imposer davantage ne passe pas. La preuve : depuis le début de l’examen de ce budget, toutes les mesures de ce type sont détricotées sur presque tous les bancs de l’Assemblée.
Je voudrais également dire à quel point tout cela est un non-sens économique. Cette année, les recettes de la TVA ont diminué de 10 milliards. Il est impossible de ne pas corréler cette diminution avec celle de la consommation des ménages. S’attaquer au pouvoir d’achat des retraités ne saurait qu’aggraver le problème, notamment dans de nombreux territoires français où l’existence de ces retraités sous-tend l’économie et le commerce.
M. Pierre Cordier
Le taux d’épargne augmente !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Pour toutes ces raisons, je pense que, tout comme il a été rejeté en commission, cet article sera immédiatement supprimé. Le gouvernement devrait enfin songer à nous présenter un budget qui cesse de pénaliser l’ensemble des Français.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Chacun adoptera la position qu’il estime juste. Je rappellerai quelques chiffres relatifs à cette disposition, qui est une mesure de rendement et non de justice sociale.
Selon l’estimation préalable, elle rapporterait 1,2 milliard d’euros en 2026 et 1,5 en 2027 puis, en vitesse de croisière, 900 millions d’euros par an. C’est le chiffre à garder en tête.
L’idée est d’accroître l’imposition des foyers dont les revenus se situent dans la moitié supérieure tout en l’allégeant – en théorie, j’y reviendrai – pour les autres foyers. 39 % des pensionnés appartiennent aux foyers perdants, qui auraient à acquitter une contribution supplémentaire d’impôt sur le revenu de l’ordre de 212 euros ; quelque 12 % des pensionnés appartiennent aux foyers gagnants, qui bénéficieraient d’une réduction d’impôt sur le revenu de 139 euros en moyenne. Quant aux autres foyers, leur impôt sur le revenu ne changerait pas.
J’ai parlé de 12 % de pensionnés gagnants. En réalité, ce pourcentage est vraisemblablement inférieur en raison des effets de bord évoqués par certains d’entre vous, en particulier s’agissant des prestations sociales auxquelles les bénéficiaires peuvent accéder en fonction de leur revenu imposable. Concernant par exemple les aides au logement, il est assez probable qu’un certain nombre des pensionnés les plus modestes qui en perçoivent les voient diminuer.
M. Nicolas Sansu
Bien sûr !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Sans doute ceux qui bénéficieront en dernière analyse de la mesure seront-ils plutôt les pensionnés les plus modestes qui sont propriétaires de leur logement et n’ont de ce fait pas besoin de telles aides.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ce débat important s’inscrit dans le prolongement de celui qui nous a animés hier au sujet des retraites. Pourquoi le gouvernement propose-t-il ce qui n’est pas la suppression de l’abattement mais sa réforme ? Parce qu’il est antiprogressif : plus les revenus que l’on perçoit sont importants, plus on en bénéficie. Outre son rendement, l’application de cette mesure permettrait à 1,6 million de foyers de retraités, soit 15 à 20 % des retraités, de profiter d’une baisse d’impôt de 139 euros en moyenne, comme l’a indiqué le rapporteur général. En effet, elle a un effet progressif : si l’abattement est forfaitaire et fixé à 2 000 euros, il est proportionnellement plus important pour ceux dont les revenus sont plus faibles que l’abattement en vigueur.
Nous apportons aussi davantage de justice, comme l’a dit M. de Courson, en instaurant un abattement lié au nombre de personnes composant le foyer fiscal – 2 000 euros pour une personne seule et 4 000 euros pour un couple. Aujourd’hui, l’abattement ne peut dépasser 4 400 euros, quelle que soit la composition du foyer. Je tords ainsi le cou à quelques propos que j’ai entendus : non, il n’est pas question d’ouvrir une guerre des générations ; oui, il est question de soutenir les retraités modestes – nous pouvons nous rejoindre sur cet objectif –, ceux qui entrent tout juste dans le barème de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire ceux dont le revenu fiscal imposable se situe entre 15 000-17 000 euros et 20 000 euros par an.
La mesure que le gouvernement propose permettra donc trois avancées : être plus juste en prenant en compte le nombre de personnes composant le foyer ; réduire l’impôt sur le revenu pour 1,6 million de foyers, objectif d’autant plus intéressant qu’il est ciblé sur les retraités tout juste imposables et donc modestes ; établir un rendement fiscal plus équitable puisque 84 % en sera assuré par les 20 % des retraités les plus aisés – et même 60 % par les 10 % les plus aisés.
À cet égard, faisons le point sur les votes qui ont eu lieu jusqu’à maintenant. Le barème de l’impôt sur le revenu a été complètement dégelé et les pensions de retraite ont été augmentées pour tous les retraités. Cela signifie que si l’on veut créer une forme de partage, une forme de redistribution au sein de la population retraitée, il faut contribuer à organiser une solidarité au sein de la génération des retraités en votant cet article.
M. Fabien Di Filippo
Mais l’impôt sur le revenu est déjà progressif !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
J’insiste sur le fait que cette mesure n’oppose pas les actifs et les retraités, mais organise une forme de solidarité au sein de la population des retraités pour que les 10 % les plus aisés contribuent à 60 % du rendement, ce qui permettra, in fine, de baisser l’impôt de 1,6 million de foyers parmi eux. Je crois vraiment que ce serait une bonne évolution, d’autant plus qu’elle rendrait le dispositif plus lisible et permettrait à la fois que les hausses soient très modérées – le rapporteur général a donné les chiffres : 200 euros d’augmentation sur l’année pour les plus aisés, ce qui me paraît tout à fait supportable –…
Mme Marie-Christine Dalloz
C’est une moyenne !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…et que les impôts baissent pour de nombreux retraités, élément à relever dans un contexte où nous sommes budgétairement contraints.
Même si la mesure que nous proposons a donc un sens, je comprends que beaucoup d’entre vous soient attachés à conserver l’abattement de 10 %. Je rappelle néanmoins que son fonctionnement actuel est anti-progressif, car il bénéficie plus aux retraités aisés qu’aux retraités modestes. Si vous voulez maintenir cet abattement, je pense que les amendements de repli nos 1361 de M. de Courson et 3419 de M. Juvin méritent débat.
M. Guillaume Kasbarian
Eh oui !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Celui de M. de Courson propose de plafonner l’abattement de 10 % à 2 200 euros pour une personne seule et à 4 400 euros pour un couple, introduisant donc l’idée d’un abattement dépendant du nombre de personnes composant le foyer. Je pense que cette proposition a une forme de rationalité. L’amendement de M. Juvin propose de plafonner à 3 000 euros l’abattement de 10 %, et ce pour tous les foyers.
Il me semble qu’après l’examen des amendements de suppression, nous pourrons débattre de propositions qui permettent de concilier beaucoup de vos attentes, même si je reste, comme vous le voyez, intimement convaincue par la mesure proposée par le gouvernement. En effet, elle maintient un abattement tout en le rendant plus juste, puisque calculé en fonction du nombre de personnes composant le foyer, permet une baisse d’imposition pour 1,6 million de foyers et met à contribution les 10 % des retraités les plus aisés pour assurer la solidarité entre retraités, un concept intéressant à concrétiser. Je suis donc défavorable aux amendements de suppression. Nous avons matière, comme sur tous les autres sujets, à débattre dans le détail, ce que ne permettraient pas ces amendements qui demandent d’emblée à annuler la mesure proposée sans nous laisser en discuter. Du reste, vous aurez toujours la possibilité à la fin des discussions, au vu des éclairages apportés, de voter ou non l’article.
J’espère que mes explications vous ont convaincus.
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 70, 273, 300, 390, 1244, 1344, 1439, 1714, 2536, 3503 et 3631, tendant à supprimer l’article 6.
L’amendement no 70 de Mme Alexandra Martin est défendu.
La parole est à M. Nicolas Ray, pour soutenir l’amendement no 273.
M. Nicolas Ray
L’article prévoit de transformer l’abattement de 10 % en un abattement forfaitaire, mais cette réforme fera plus de perdants que de gagnants. C’est une augmentation d’impôt sur les retraités, sur des gens qui ont travaillé et cotisé toute leur vie, notamment sur les retraités des classes moyennes, qui ont des retraites d’un niveau moyen. Il y aura des effets de bord, cela a été expliqué, puisque le revenu fiscal de référence conditionne un certain nombre d’aides. Le groupe Droite républicaine est opposé à une hausse de la fiscalité au détriment des Français qui ont travaillé toute leur vie.
Mme la présidente
Sur les amendements nos 70 et identiques, je suis saisie par les groupes Rassemblement national, Ensemble pour la République, La France insoumise-Nouveau Front populaire et Droite républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
J’ai omis dans mon intervention liminaire un élément très important. J’entends les inquiétudes sur les effets de bord qu’aurait cette réforme, en particulier s’agissant de l’accès aux aides au logement pour les retraités locataires puisqu’elle modifie le revenu fiscal de référence. Je vous épargnerai les détails de la mécanique du système d’information de la caisse d’allocations familiales (CAF) et du régime de calcul des aides personnalisées au logement (APL), qui sont très complexes, mais je peux vous garantir ici qu’il y aurait un coût pour l’État de 210 millions d’euros puisque 625 000 foyers seraient gagnants en termes d’APL avec la réforme que nous proposons. C’est une information que je crois importante pour vous tous et je me tiens évidemment à la disposition de ceux d’entre vous qui voudraient approfondir la question – monsieur le président de la commission, je suis tout à fait prête à vous transmettre l’intégralité des détails de la mécanique qui amènent à cette conclusion –, sachant que l’imbrication des revenus fiscaux de référence, des barèmes et de la situation des retraités au regard de ces aides aboutit aux chiffres que je viens de donner. Cela veut dire que les craintes de certains, que je comprends tout à fait, ne se concrétiseraient pas dans le cadre de notre réforme.
Mme la présidente
Nous en revenons aux amendements.
La parole est à M. Vincent Rolland, pour soutenir l’amendement no 300.
M. Vincent Rolland
Cet amendement propose la suppression de l’article 6, qui prévoit de remplacer l’abattement de 10 % par un abattement forfaitaire de 2 000 euros. Le résultat de cet article serait évidemment l’alourdissement de la charge fiscale pour de nombreux retraités, en particulier ceux issus des classes moyennes et des classes moyennes supérieures. C’est bien sûr un mauvais signal envoyé à celles et ceux qui ont travaillé et cotisé toute une vie. Environ 7 millions de retraités seraient touchés. Or nous sommes, vous l’avez compris, opposés à toute augmentation d’impôt.
Mme la présidente
La parole est à M. Corentin Le Fur, pour soutenir l’amendement no 390.
M. Corentin Le Fur
De même que notre groupe s’est opposé hier au gel des retraites, qui aurait frappé durement toutes les petites retraites, nous nous opposons aujourd’hui à cette hausse d’impôt déguisée au détriment des retraités, notamment les retraités des classes moyennes, y compris les classes moyennes inférieures. Notre groupe s’oppose à toutes les hausses d’impôt alors que notre pays est celui qui prélève le plus de taxes et d’impôts en Europe.
Mais je sens monter un climat assez malsain. Dans un pays déjà très fracturé, je me méfie d’une division intergénérationnelle, voire de fractures intergénérationnelles ; elles sont toujours extrêmement néfastes. Ne cherchons pas de boucs émissaires aux difficultés que traverse notre pays. Les retraités de France ont travaillé et cotisé, souvent dans des conditions difficiles ; ne les taxons pas davantage. La solution viendra d’une baisse des dépenses, surtout pas d’une hausse des impôts sur ceux qui travaillent ou qui ont travaillé. (M. Jean-Didier Berger applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Michoux, pour soutenir l’amendement no 1244.
M. Éric Michoux
Bien évidemment, le groupe UDR votera contre cet article. Il n’est pas question de racketter nos retraités, eux qui ont construit cette belle France depuis les années 1960-1970, comme s’ils étaient coupables d’une situation qu’ils n’ont pas voulue. Avant de songer à spolier nos retraités, il faudrait peut-être travailler à réorganiser notre pays et réduire toutes ces normes, réglementaires ou législatives, qui entravent le bon fonctionnement de notre nation. Non, on ne fera pas les poches de nos retraités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 1344.
Mme Claire Lejeune
C’est fou à quel point pour vous, la Macronie, le fait de pouvoir partir à la retraite et bénéficier d’une pension digne pour avoir une vie pleine et entière après et en dehors du travail serait désormais une forme de luxe ou de privilège ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Entendre ce matin M. Kasbarian ou vous, madame la ministre, dire qu’on aurait augmenté les retraites alors qu’on s’est seulement opposés au gel des pensions, c’est tout de même quelque chose ! Nous ne cesserons de vous le répéter : partir à la retraite et en vivre dignement, c’est un droit pour tous ceux qui ont cotisé au long de leur carrière ! (Mêmes mouvements.) Les retraités sont systématiquement en première ligne de toutes les petites économies que vous cherchez à droite à gauche, ici sur les malades en affection de longue durée (ALD), là sur les retraités au travers de cet article. En commission, madame la ministre, vous avez dit que c’était une mesure de justice entre les retraités. Il est scandaleux d’entendre de tels propos alors que cette mesure va pénaliser tous les retraités au-dessus de 1 666 euros et que vous avez constamment refusé d’appliquer la justice entre les Français,…
Mme la présidente
Veuillez conclure.
Mme Claire Lejeune
…notamment lorsque nous avons débattu… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Plusieurs députés du groupe LFI-NFP applaudissent cette dernière.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1439.
M. Thibault Bazin
L’article 6 constitue un véritable irritant dans ce budget.
Mme Christine Arrighi
S’il n’y avait que celui-là…
M. Thibault Bazin
Si on veut aboutir à un budget pour la France, il faut arrêter de s’en prendre à ceux qui ont travaillé et à ceux qui travaillent. Cet article est l’exemple même des rabots qu’il faut éviter. Allons plutôt chercher des ressources là où il y a des dépenses indues et inefficaces – mais ce n’est pas ce qu’il propose. (M. Jean-Didier Berger applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Dufosset, pour soutenir l’amendement no 1714.
M. Alexandre Dufosset
Cet article propose de supprimer l’abattement fiscal de 10 % applicable aux pensions de retraite et de le remplacer par un abattement plafonné à 2 000 euros. Il va notamment affecter les retraités les plus modestes ainsi que les veufs et les célibataires. Derrière l’apparente simplicité d’un montant uniforme, on crée en réalité de nombreux perdants, en particulier ceux dont la pension dépasse à peine le seuil d’imposition. Ce n’est pas un meilleur ciblage, mais un nivellement par le bas qui ignore les réalités de la vie, les charges fixes et le poids de l’inflation. Nos aînés n’ont pas la possibilité d’augmenter leurs revenus et ils ont besoin de stabilité et de lisibilité fiscales. Modifier l’abattement, c’est introduire de l’insécurité dans des foyers toujours très fragiles. Pour toutes ces raisons, je propose au nom du groupe Rassemblement national de supprimer cette réforme et de maintenir les dispositions actuelles : elles sont plus justes, plus protectrices et plus respectueuses de ceux qui ont travaillé toute leur vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
L’amendement no 2536 de M. Laurent Mazaury est défendu.
La parole est à M. Tristan Lahais, pour soutenir l’amendement no 3503.
M. Tristan Lahais
On voit bien qu’au travers de cet article, vous cherchez à récupérer des recettes que vous avez perdues en supprimant beaucoup d’impôts ces dernières années, contribuant ainsi à faire du déficit public et de la dette publique ce qu’ils sont aujourd’hui, avec une explosion de la dette. On a l’impression que vous essayez de vous rattraper, mais dans la précipitation et avec beaucoup de maladresse. Et puis vous vous accrochez à quelques totems, comme l’a dit le président Coquerel : vous n’avez voulu soulever ni la question de la fiscalité des plus riches ni la question de la fiscalité du patrimoine. En définitive, vous ne voulez pas non plus vraiment employer tous les instruments qui sont à votre disposition pour permettre une meilleure progressivité de l’impôt – je pense en particulier aux grands impôts progressifs, dont l’impôt sur le revenu.
Alors vous bricolez, vous proposez des dispositions peu lisibles et même peu compréhensibles, comme cette suppression de l’abattement forfaitaire à 10 %. On peine à prendre toute la mesure de leurs effets de bord. Je tiens à rappeler que tous les salaires sont prélevés sur une base de 90 % et que l’abattement de 10 % est donc le droit commun.
Nous demandons que les retraités ne soient pas opposés aux autres catégories et que l’on puisse taxer… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour soutenir l’amendement no 3631.
M. Laurent Wauquiez
Vous connaissez notre position : pas d’augmentation d’impôt, pas d’augmentation de taxe, des baisses de dépenses. Or après avoir proposé d’augmenter les impôts sur les entreprises familiales, après avoir taxé – n’est-ce pas, monsieur le président de la commission des finances ? – la petite épargne des Français, on nous propose maintenant de s’attaquer aux retraités. Ce ne sont pas des privilégiés, mais une génération qui a travaillé souvent dur, plus dur que nous. La retraite n’est pas un privilège : c’est un droit. Et cet abattement a été créé en 1978 pour préserver le pouvoir d’achat des retraités.
Pour nous, c’est non. Il est hors de question de s’attaquer au pouvoir d’achat de ceux qui travaillent ou à celui des retraités.
Bien sûr, l’offensive est déguisée et vous avez l’habileté de nous présenter une chauve-souris digne de la fable de La Fontaine. On nous dit : « Regardez les plumes ! Il s’agit d’un oiseau », mais nous regardons les poils et nous voyons bien que c’est une augmentation d’impôt. Pour 20 % de retraités qui bénéficieraient de la mesure, 80 % seraient pénalisés. Et parmi les 20 %, certains perdraient des aides. Enfin, la conjugalisation aurait des effets assez injustes pour des couples dont les deux membres perçoivent des revenus similaires.
Notre proposition demeure la même, car si vous voulez réussir votre plan de redressement, il vous faut avoir les Français à vos côtés. Vous ne pouvez pas associer économies sur les dépenses et augmentations d’impôts. Il faut agir uniquement sur les dépenses et protéger le pouvoir d’achat de la France qui travaille comme de celle qui a travaillé toute sa vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Elle leur a donné un avis favorable. Au-delà, peut-être me permettrez-vous de préciser quelques effets attendus de la mesure proposée ? En moyenne, on observerait un gain de 278 euros par an pour les retraités du premier décile et une perte de 395 euros pour ceux du dernier décile. Il y aurait 39 % de perdants et 12 % de gagnants, en sachant que ces derniers pourraient être touchés par une baisse des aides au logement que l’Institut des politiques publiques (IPP) estime à 400 millions d’euros à mode de calcul constant, alors que Mme la ministre a parlé de modifications réglementaires.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je répète que la hausse de 210 millions d’euros des APL ne résulterait pas de modifications réglementaires. L’IPP et le ministère divergent quant aux effets de la mesure proposée sur ces aides. Puisque M. Lahais a parlé d’équité entre les Français, je rappelle que si l’abattement est individuel pour les actifs, il s’applique aux revenus du couple pour les retraités.
Mme Christine Arrighi
C’est justement pour ça qu’il ne faut pas le supprimer ! Cela pénaliserait les femmes !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
C’est précisément l’inverse, madame la députée ! La mesure serait bénéfique aux couples où existe un fort écart de revenus entre les deux partenaires puisqu’à deux, l’abattement forfaitaire est de 4 000 euros, indépendamment du niveau de revenu. Cela représente une meilleure aide qu’aujourd’hui pour les femmes retraitées dont les revenus sont très différents de ceux de leur conjoint. Si vous voulez appliquer aux retraités le principe en vigueur pour les actifs, c’est-à-dire un abattement individuel mais multiplié par deux quand on est en couple, il vous faut adopter l’amendement de M. de Courson. Notre proposition est un forfait, pour qu’il y ait des gagnants, notamment parmi les retraités les plus modestes. M. de Courson propose autre chose : un mode de calcul pour les retraités identique à celui appliqué aux actifs.
Vous l’aurez compris, j’aimerais que nous puissions débattre des différentes options proposées pour faire évoluer le mécanisme de l’abattement. Comme M. le président Wauquiez l’a indiqué, il a été créé en 1978, une année où l’impôt sur le revenu a beaucoup augmenté. À l’époque, le prélèvement à la source n’existait pas et le président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, a proposé l’abattement comme une mesure de transition valable un an. Près de cinquante ans après, il est toujours là.
M. Pierre Cordier
C’est à cause de ces hausses d’impôt qu’il n’a pas été réélu en 1981 !
M. Thibault Bazin
Il aurait dû garder Jacques Chirac comme premier ministre…
Mme la présidente
La parole est à M. Emeric Salmon.
M. Emeric Salmon
Je veux soutenir l’amendement de mon collègue Dufosset. La mesure qu’il vise à supprimer a été annoncée en grande pompe par le premier ministre Bayrou en juillet. Or M. Bayrou a été congédié par cette assemblée le 8 septembre notamment en raison de cette mesure.
M. Thibault Bazin
Il s’est taclé lui-même !
M. Emeric Salmon
Il est exact qu’il s’est congédié tout seul… Je ne comprends pas pourquoi, alors que M. Bayrou est parti par la porte, cette mesure revient par la fenêtre. Nous ne devrions même pas en discuter. J’ai honte pour elle quand je me souviens des propos tenus par Mme Primas à la télévision le 16 juillet. Elle a déclaré que les retraités aisés pouvaient bien payer plus d’impôts. Ainsi, pour le gouvernement, un retraité est aisé dès lors qu’il gagne plus de 1 660 euros par mois. Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur des amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Midy.
M. Paul Midy
Alors que nous reprenons l’examen du projet de loi de finances, je tiens à répondre à nos collègues de La France insoumise. Nous discutons du budget depuis plusieurs semaines, à travers le PLF ou le PLFSS, et l’Assemblée a voté des milliards d’euros de dépenses supplémentaires et des milliards d’euros d’impôts supplémentaires. Les textes budgétaires comportent désormais la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) Fillon, la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) Barnier, la taxe sur les holdings, la hausse de la CSG sur les revenus du patrimoine, l’élargissement de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés. Que vous faut-il de plus ?
M. Aurélien Le Coq
La taxe Zucman !
M. Paul Midy
On ne sauvera pas le pays en l’écrasant avec des taxes supplémentaires. On le sauvera grâce à un surcroît de travail et de croissance, grâce à des entreprises plus productives et plus innovantes. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Oui aux compromis nécessaires pour avoir un budget, mais non à l’explosion des impôts ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Mercier.
Mme Estelle Mercier
Depuis les déclarations de François Bayrou de juillet, les retraités sont particulièrement stigmatisés. Loin d’essayer de réunir la nation ou de promouvoir la solidarité intergénérationnelle, François Bayrou et le projet de budget les montrent du doigt. Les boomers seraient les grands responsables des problèmes budgétaires, voire de grands irresponsables qui, seuls, profiteraient du modèle social français. Prétendre cela est un non-sens économique et politique. Les retraités ont cotisé toute leur vie, ils contribuent activement à la consommation, ils font vivre les associations grâce à leur travail informel, ils sont acteurs de notre cohésion sociale et, dans un contexte difficile, ils sont souvent solidaires de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Toucher à leur pouvoir d’achat est à la fois un non-sens économique et une mesure politiquement indigne. Nous voterons donc en faveur de la suppression de cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 70, 273, 300, 390, 1244, 1344, 1439, 1714, 2536, 3503 et 3631.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 233
Nombre de suffrages exprimés 230
Majorité absolue 116
Pour l’adoption 213
Contre 17
(Les amendements identiques nos 70, 273, 300, 390, 1244, 1344, 1439, 1714, 2536, 3503 et 3631 sont adoptés ; en conséquence, l’article 6 est supprimé et les amendements suivants tombent.)
Article 7
Mme la présidente
La parole est à M. Davy Rimane.
M. Davy Rimane
À l’instar de ce qui a été fait dans le PLFSS, cet article vise à raboter l’accompagnement fiscal de l’appareil productif des territoires d’outre-mer. Il représente pour nous un problème majeur car il témoigne d’une méconnaissance des économies ultramarines. La conséquence d’un tel rabotage serait une casse économique pure et simple. En effet, le tissu économique ultramarin dépend en grande partie d’importations venues de l’Union européenne – et particulièrement de la France hexagonale –, avec des prix majorés. Tout le monde sait que la vie est chère dans les outre-mer. Avec des prix d’achat majorés de 30 à 40 %, sans accompagnement fiscal lui permettant d’être compétitif, c’est la mort assurée pour tout l’appareil productif ultramarin. Cet article 7 ne doit donc pas être conservé.
Hier, en réponse à ma question au gouvernement, le premier ministre s’est engagé à ne pas s’opposer aux démarches des députés ultramarins sur ce sujet. Nous sommes disposés à parler d’évolutions ultérieures mais, pour l’année 2026, il n’est pas possible d’appliquer la proposition du gouvernement, sauf à vouloir briser l’économie des territoires d’outre-mer.
Mme la présidente
Je suis saisie de neuf amendements identiques, nos 25, 180, 482, 543, 668, 928, 1562, 2941 et 3270, tendant à supprimer l’article 7.
La parole est à M. Moerani Frébault, pour soutenir l’amendement no 25.
M. Moerani Frébault
Je le dis avec gravité : si nous laissons passer l’article 7, nous prendrons la responsabilité d’une déflagration économique et sociale dans les territoires d’outre-mer. Son adoption aboutirait en effet à une baisse de 30 à 40 % du soutien à l’investissement productif outre-mer, soit 300 à 400 millions d’euros en moins. Le tout sans étude d’impact préalable territoire par territoire et sans concertation avec les acteurs locaux, qui, de la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom) aux structures territoriales de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et du Medef en passant par les représentants des secteurs du bâtiment et des travaux publics (BTP), du tourisme, du transport aérien, de l’agriculture ou de la pêche, sont vent debout contre cette mesure.
Certes, le dispositif de défiscalisation mérite d’être réformé et amélioré, le système de contrôle, d’être renforcé. Toutefois, on ne peut démanteler un outil structurant sans proposer de mécanismes de remplacement. En outre-mer, tous les indicateurs économiques et sociaux sont nettement moins bons que dans l’Hexagone. Dans un tel contexte, fragiliser l’investissement productif serait une faute politique et économique. La commission des finances de l’Assemblée s’est prononcée à la quasi-unanimité pour cet amendement de suppression et je vous remercie d’avance de faire de même.
Mme la présidente
La parole est à M. Elie Califer, pour soutenir l’amendement no 180.
M. Elie Califer
Nous ne pouvons pas laisser les territoires ultramarins tomber aux mains du narcotrafic. Or c’est ce qui adviendrait si l’article 7 était adopté. Nous proposons de le supprimer du projet de loi de finances afin de permettre une concertation entre l’État et les acteurs locaux en amont de toute réforme de la fiscalité liée à l’investissement productif.
Personne ici ne peut contester le bien-fondé des objectifs du gouvernement : moderniser, verdir et rendre plus efficaces les aides fiscales. Mais les outre-mer ont des modèles économiques singuliers, avec des équilibres fragiles et une dépendance forte à ces dispositifs de compensation. Une réforme de cette ampleur ne peut être décidée sans un dialogue approfondi avec les collectivités, les entreprises et les parlementaires ultramarins. Ainsi que le président de la délégation aux outre-mer, M. Rimane, l’a expliqué, l’aide fiscale à l’investissement productif est un outil de compensation des contraintes spécifiques des territoires ultramarins.
Mme la présidente
La parole est à M. Max Mathiasin, pour soutenir l’amendement no 482.
M. Max Mathiasin
Puisque Mme la ministre est passée sans nous voir ni nous entendre, en dépit des réunions que nous avons organisées et des suppliques – ou presque – que nous lui avons adressées, j’en appelle par cet amendement à l’ensemble de mes collègues, quel que soit leur bord politique. Joignant ma parole à celles de MM. Rimane et Califer, j’affirme une nouvelle fois que les outre-mer ne doivent plus être une variable d’ajustement. Avant de décider de ce coup de rabot, de cette réforme drastique sinon dramatique, le gouvernement aurait au moins pu avoir l’amabilité de consulter les députés et le monde économique ultramarins. Il sait très bien, par exemple, que depuis le covid, nos économies sont atones et qu’outre-mer, le taux de chômage est en moyenne à 18 %. J’appelle donc tous les députés à voter avec nous la suppression de l’article 7. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
L’amendement no 543 de M. Joseph Rivière est défendu.
La parole est à M. Yoann Gillet, pour soutenir l’amendement no 668.
M. Yoann Gillet
Cet amendement vise à protéger nos territoires ultramarins d’un choc économique et social majeur. Oui, l’article 7 est une véritable bombe à retardement : brutales et injustes, les coupes qu’il prévoit frapperaient sans discernement les économies ultramarines, déjà sous tension.
D’un trait de plume, vous rayez entre 300 et 400 millions d’euros par an de soutien à l’investissement productif dans ces territoires, sans étude d’impact ni concertation préalable, sans même regarder la réalité du terrain. Cette réalité, c’est celle d’entrepreneurs qui se battent chaque jour pour maintenir leur activité, c’est celle de jeunes qui espèrent un emploi, d’agriculteurs qui n’en peuvent plus, de familles qui vivent dans l’incertitude.
Le tourisme, l’industrie, l’agriculture, le BTP, tous ces secteurs vont être frappés de plein fouet par cette mesure, dont les conséquences sur le terrain seront immédiates. En effet, la baisse uniforme de 11 points des taux de réductions et crédits d’impôt entraînerait une diminution de 30 % à 40 % de l’aide fiscale accordée aux porteurs de projets.
Madame la ministre, une telle mesure n’est pas acceptable. Les territoires ultramarins ne demandent pas de privilèges ; ils demandent de la justice, de la confiance et de la cohérence. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Sur les amendements no 25 et identiques, je suis saisie par les groupes Rassemblement national, Socialistes et apparentés et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Christian Baptiste, pour soutenir l’amendement no 928.
M. Christian Baptiste
Chers collègues, je sais parfaitement que nombre d’entre vous ne connaissent pas la réalité de nos territoires d’outre-mer. Aussi bien sommes-nous dans cet hémicycle pour vous en informer, en vous faisant part non de nos chimères ou de nos représentations mentales, mais de ce qui émane du terrain, des acteurs de terrain, notamment des chefs d’entreprise. En tant que rapporteur spécial des crédits de la mission Outre-mer, j’ai rencontré de nombreuses entreprises au cours de ma mission d’évaluation de la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodeom) et nous avons compris que les coupes claires dans le dispositif Lodeom ou les aides fiscales à l’investissement productif constitueraient une catastrophe. Par conséquent, nous demandons la suppression de cet article. Nous pourrons ainsi, dès le début de l’année prochaine, associer tous les acteurs, chefs d’entreprise comme parlementaires, à une réflexion sur les évolutions possibles et surtout procéder à une véritable étude d’impact.
Nous sommes ici pour témoigner de la réalité de nos territoires. Chers collègues, suivez-nous en votant en faveur de la suppression de cet article ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frantz Gumbs, pour soutenir l’amendement no 1562.
M. Frantz Gumbs
Solidaire des orateurs ayant appelé à la suppression de cet article, en particulier de mes collègues d’outre-mer, je citerai quelques exemples illustrant les conséquences négatives que risque d’avoir la suppression de ces aides fiscales. Dans le secteur de l’hôtellerie, le plafonnement de l’aide à 7 000 euros par mètre carré habitable ne tient pas compte des surcoûts spécifiques des projets de construction de catégories quatre et cinq étoiles, dont il rendrait la réalisation impossible. Les coupes affecteraient également la relance du logement social et intermédiaire. Quant au conditionnement de l’aide à des critères environnementaux uniformes, il ne tient pas compte des réalités techniques propres à ces collectivités.
La suppression de l’article 7 vise donc à préserver la cohérence et la stabilité du régime de défiscalisation, indispensable à notre développement économique.
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Feld, pour soutenir l’amendement no 2941.
Mme Mathilde Feld
Je m’associe aux collègues, notamment ultramarins, qui proposent de supprimer cet article modifiant les règles relatives à l’investissement outre-mer en réduisant les exonérations d’impôt et de cotisations. À première vue, une telle modification constitue une victoire idéologique pour nous, qui critiquons sans relâche la volonté du gouvernement de fonder sa politique d’aide à l’emploi outre-mer exclusivement sur des mesures d’exonération et de défiscalisation. Le fait qu’il revienne sur ce dispositif nous donne manifestement raison, tout comme le rapport qu’avait rendu l’Inspection générale des finances (IGF) en mai dernier, lequel soulignait le peu d’effet de ces exonérations sur l’emploi, les salaires ou la rentabilité des entreprises bénéficiaires.
Cependant, ces réductions ne s’accompagnent aucunement de l’octroi de moyens supplémentaires, alors que le taux de chômage dans ces territoires reste bien trop important, comme l’a rappelé un collègue. Opérée de cette façon, une telle baisse ne peut être tolérée. Elle ne procède pas d’une révélation par laquelle le gouvernement aurait pris conscience des effets négatifs de sa politique économique, mais revient à faire payer par les outre-mer les pots cassés de son échec. Nous souhaitons donc la suppression de cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Émeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 3270.
Mme Émeline K/Bidi
Madame la ministre, quand on lit cet article, on se demande ce qui a pu se passer dans la tête de vos prédécesseurs. Comment ont-ils pu penser un seul instant que dans nos territoires ultramarins, ils pouvaient s’attaquer au tourisme – l’hôtellerie, les résidences secondaires, les villages de vacances –, aux professions libérales, aux agriculteurs – par le biais des acquisitions de véhicules –, au BTP, aux aéronefs, aux navires, à la pêche ou au logement intermédiaire ? Tout cela en nous laissant faire le tri dans la série d’alinéas de cet article sans fin. Il ne nous appartient évidemment pas de dire qui doit vivre et qui doit mourir, quel secteur de l’économie a le droit de continuer d’exister et quel autre verra l’ensemble de ses acteurs mettre la clé sous la porte. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement tendant à supprimer l’article dans son intégralité.
Je sais bien qu’à l’instar du premier ministre, vous avez reconnu que cet article 7 était un effort insurmontable demandé à nos territoires ultramarins, mais je note que vous n’avez pas décidé de le supprimer pour autant. Il nous reviendra donc de le faire collectivement. (M. Davy Rimane applaudit.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La commission a donné un avis favorable à ces amendements de suppression.
Cela étant, mon rôle est aussi de vous éclairer sur quelques éléments d’ordre technique et financier – après tout, nous examinons un projet de loi de finances. Pour les finances publiques, le coût de ces dépenses fiscales s’élève à 300 millions, chiffre qu’il faut avoir en tête. Elles ont augmenté de 95 % en sept ans, sans doute sous l’effet d’une accumulation de crédits et de réductions d’impôt, les premiers s’ajoutant aux secondes sans que ces dernières soient supprimées. Enfin, comme plusieurs collègues d’outre-mer l’ont souligné, un rapport de l’IGF réalisé en 2023 pose une question fondamentale : quelle est l’efficacité de ces très nombreuses aides sur l’économie réelle ?
Mme Marie-Christine Dalloz
Exactement !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Les uns et les autres, vous avez d’ailleurs appelé de vos vœux non un coup de rabot comme celui que prévoit cet article, mais une revue générale de ces dépenses, une analyse critique de chacune de ces aides. Voilà les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance, tout en confirmant l’avis favorable de la commission.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Avant de donner cet avis, qui tient compte des discussions en cours – je tiens d’ailleurs à assurer à tous les députés que je continuerai de travailler avec eux et de leur répondre, comme je l’ai déjà fait sur différentes questions –, je voudrais expliquer pourquoi cette proposition figure dans le texte du gouvernement. Lors de la discussion de la loi de finances pour 2023, les débats avaient abouti à la prolongation de ces niches fiscales jusqu’en 2029. Les députés avaient toutefois souhaité assortir cette prolongation d’une évaluation du dispositif, laquelle a bien été produite par l’IGF. Celle-ci souligne que, du point de vue de la bonne utilisation des fonds publics, l’application du dispositif soulève trois types de difficultés.
Premièrement, cette aide sert manifestement à importer des biens dont certains n’ont rien à voir avec l’investissement productif. Je demanderai d’ailleurs à mes services de se montrer beaucoup plus rigoureux sur la mise en œuvre de cette disposition fiscale, qui n’a pas vocation à financer l’importation de montres connectées, d’électroménager ou d’autres produits sans rapport avec l’investissement productif. Il s’agit là d’abus, qui appellent des contrôles.
Deuxièmement, cette évaluation a mis en évidence la revente rapide de biens – des bateaux, des avions – dont l’achat est financé par l’État au travers de cette niche fiscale, censément au titre du développement local. D’où une proposition d’allongement des durées de détention obligatoire des biens ainsi financés avant que leurs propriétaires ne puissent les revendre.
Troisième élément, déjà souligné par le M. le rapporteur général : le cumul des crédits d’impôt et des réductions d’impôt paraît excéder ce qui semble nécessaire pour favoriser le développement. Telles sont les conclusions du rapport de l’IGF.
Cela étant, je vous écoute les uns et les autres. Des discussions sont en cours avec les entreprises de vos différents territoires, notamment avec la Fedom. Les territoires ultramarins ne présentent pas une réalité économique homogène – nous le savons tous, et vous mieux que quiconque. Par conséquent, nous avons matière, me semble-t-il, à faire évoluer le dispositif dans trois directions.
Premièrement, une baisse uniforme de 11 points du taux de la réduction d’impôt est probablement trop brutale. Deuxièmement, il convient sans doute que nous adoptions une approche territoire par territoire, notamment en ce qui concerne la fixation des plafonds proposés. Troisièmement, l’allongement de la durée de détention des bateaux et aéronefs pourrait faire l’objet d’un consensus, après que cette mesure aura été retravaillée. Quatrièmement, le périmètre du dispositif pourrait être étendu aux énergies renouvelables et au logement social de façon beaucoup plus explicite, comme certains députés et certains acteurs l’ont proposé, ce qui constituerait une bonne nouvelle.
Pour les finances publiques, le rendement attendu des mesures prévues à l’article 7 était le suivant : 10 millions d’euros en 2026, 200 millions en 2027 et 300 millions en 2028. Il ne s’agissait donc pas d’obtenir un rendement à très court terme, mais plutôt de suivre les préconisations issues du rapport de l’IGF – je tenais à le préciser.
Sur ces amendements de suppression, je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée. Ce faisant, je vous signifie que nous avons bien entendu que la mesure n’était pas prête en l’état, tout en maintenant que certaines mesures consensuelles – d’ailleurs approuvées par de nombreux acteurs économiques, dont la Fedom – pourraient être prises au cours des prochaines semaines dans le cadre de la navette parlementaire.
Cela n’enlève rien à la principale exigence que nous devons nous imposer collectivement – le premier ministre l’a encore répété hier dans cet hémicycle, en réponse à la question de M. le président de la délégation aux outre-mer : élaborer une stratégie de développement économique territoire par territoire, qui mobilise au mieux tous les outils d’accompagnement, des subventions aux niches fiscales, et de manière spécifique. Les différents territoires d’outre-mer – La Réunion, Mayotte, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon ou encore Saint-Martin, dont je salue le député – ne connaissent en effet pas la même réalité. Il convient donc de prendre des mesures plus spécifiques – je le dis aussi en tant que ministre des comptes publics –, comme cela a été dit à propos de la Lodeom.
Une fois encore, je m’en remets à votre sagesse. Cela ne concerne pas seulement les députés ultramarins : les outre-mer sont dans la République et tous les députés de cet hémicycle sont concernés par ce vote, puisqu’ils sont souverains. Dans les prochaines semaines, nous pourrons améliorer le dispositif et le recentrer, sachant bien que certaines dérives n’ont rien à voir avec la loi elle-même, puisqu’elles tiennent à un défaut de contrôle, auquel je souhaite mettre un terme,…
Mme Christine Arrighi
Pourquoi changer la loi, dans ce cas ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…afin que ces abus soient désormais sévèrement punis.
Mme la présidente
Les demandes de prise de parole étant nombreuses, j’en autoriserai davantage, sans dépasser un orateur par groupe, si M. le président de la commission en est d’accord.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Le groupe EPR votera en faveur de ces amendements de suppression – certains ont d’ailleurs été déposés par des collègues ultramarins de notre groupe. Non qu’il ne faille rien faire ni rien modifier à la Lodeom, mais parce que nous partageons le sentiment exprimé par notre collègue Frébault : tout cela est allé bien trop vite, le gouvernement n’ayant pas pris le temps de consulter les parlementaires ultramarins.
Il est vrai, madame la ministre, que le rapport de l’IGF fait état de plusieurs difficultés et qu’il faudra améliorer le dispositif – vous avez notamment mis en avant l’insuffisance des contrôles –, mais les mesures ici proposées sont bien trop abruptes et leur adoption mettrait en danger le tissu économique ultramarin. Du reste, nous ne doutons pas que, dirigé par un ancien ministre des outre-mer, le gouvernement saura reprendre cette question avec plus de méthode. (M. Paul Midy applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Davy Rimane.
M. Davy Rimane
Vous avez évoqué une augmentation de 95 % de la dépense fiscale, monsieur Juvin, mais vous n’êtes pas en mesure de nous dire pourquoi ni comment. Une telle augmentation n’est pas nécessairement une mauvaise chose : elle signifie aussi que le territoire se développe ! Vous mettez en doute l’efficacité de ces accompagnements fiscaux, mais en l’absence d’étude d’impact, vous êtes bien incapable de nous dire quels seraient les effets de leur suppression.
Ensuite, madame la ministre, vous dites que l’évaluation de l’IGF démontre l’existence de difficultés à différents niveaux. Certes, mais le contrôle du dispositif est à la main du ministère : c’est à vous de vous assurer qu’il n’y a pas de dérives. On se rend compte que vous ne connaissez pas vraiment le tissu économique de nos territoires ; vous ne savez pas de quoi il est fait et vous n’avez pas idée de sa fragilité, qui est liée à l’extrême cherté de la vie en outre-mer.
J’ajoute, en prenant mes collègues ultramarins à témoin, que nous ne voulons pas dépendre des accompagnements fiscaux ni du bon vouloir des uns et des autres. Nous ne sommes pas là pour rester la main tendue face à qui que ce soit ! Loin de nous contenter de la situation actuelle, nous voulons transformer notre économie et gagner notre autonomie en nous affranchissant de toutes ces aides. La suppression de cet article permettra à nos entreprises de subsister, mais elle ne suffira pas à assurer notre développement futur. (Mme Émeline K/Bidi applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Max Mathiasin.
M. Max Mathiasin
Quand je vous entends parler des outre-mer, madame la ministre, je vois bien que vous ne connaissez pas nos territoires. Vous êtes ministre du budget : vous parlez en technocrate de territoires dont vous ne connaissez rien. Vous ne savez pas qu’ils ont un cœur battant ; vous ne savez pas qu’ils font partie intégrante de la France et qu’ils se sont eux aussi battus pour elle ! Ces territoires ont contribué au développement de l’Hexagone, à ce qu’il est et à ce que nous sommes. À chaque fois que vous en parlez, vous commencez par évoquer les dysfonctionnements et les fraudes : c’est du mépris ! Mentionnez les aspects positifs avant de faire ressortir les faiblesses ! Vous voulez faire passer tous les ultramarins pour des fraudeurs, des resquilleurs et des gens qui cherchent à vivre sur la bête, mais ce n’est pas exact, madame !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Max Mathiasin
C’est ce que vous avez dit lorsque nous vous avons rencontrée : vous avez commencé par évoquer la fraude. Nous ne sommes pas des fraudeurs ; nous sommes des travailleurs ! Nous n’aspirons qu’à une chose pour notre jeunesse : qu’elle puisse vivre normalement et décemment ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Davy Rimane applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christian Baptiste.
M. Christian Baptiste
Nous voulons des dispositifs qui soient vertueux et adaptés à notre réalité. Les chefs d’entreprise que j’ai eu l’occasion de rencontrer pourraient accepter de revoir le dispositif à la baisse ; mais ce que nous n’acceptons pas, c’est le mépris de la non-concertation. Vous l’avez dit : ce n’est pas seulement l’affaire des territoires dits d’outre-mer, c’est celle de l’ensemble des députés ! Je vous invite à essayer de comprendre et de connaître nos territoires. Nous vous le disons très clairement : il n’est pas question qu’une évolution se fasse jour sans une concertation approfondie, qui doit évidemment inclure des études d’impact ; mais nous sommes prêts à discuter pour adapter notre politique économique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Yoann Gillet.
M. Yoann Gillet
Vous parlez d’abus, madame la ministre ; il y en a peut-être et même sûrement, mais ils ne sauraient justifier à eux seuls ce coup de rabot qui nous paraît déraisonnable parce qu’il aurait inévitablement des conséquences dramatiques.
Je me contenterai d’un exemple : le crédit d’impôt relatif aux hôtels, qui est calculé au mètre carré et vise à favoriser le développement touristique des outre-mer. C’est évidemment – j’espère que vous en avez conscience – un enjeu majeur pour les territoires ultramarins. Son seul plafonnement aurait des conséquences catastrophiques pour des territoires qui ont besoin de se développer.
Monsieur le rapporteur général, vous disiez que le coût de ces dépenses fiscales s’élevait à 300 millions, mais quel serait le coût social de l’article 7 s’il était voté ?
Mme la présidente
Merci, monsieur Gillet.
M. Yoann Gillet
Abandonner les outre-mer n’est pas une solution ; revoir les critères d’éligibilité à ces aides apparaît à l’évidence nécessaire, mais couper des budgets sans aucune logique… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Je veux moi aussi exprimer mon soutien à nos collègues ultramarins. Je comprends leur colère et pourquoi ils ont employé le mot « mépris » à propos de vos positions, madame la ministre. Vous avez détaillé le rapport de l’IGF et toutes les bonnes raisons que nous aurions de revenir sur ces dispositifs fiscaux, mais laissez-moi vous rappeler qu’à l’occasion d’autres débats qui ont eu lieu ici même, nous avons cité de nombreux rapports qui démontraient l’existence de dysfonctionnements et d’abus s’agissant du CIR – crédit d’impôt recherche – ou du Cisap – crédit d’impôt services à la personne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Or vous n’avez pas voulu y toucher !
En revanche, quand il s’agit de faire des coupes sèches en supprimant brutalement des dispositifs fiscaux destinés à des territoires qui comptent parmi les plus fragiles de notre pays, avec des conséquences que vous n’êtes même pas capables d’évaluer, vous n’hésitez pas ! Au lieu de regarder la réalité en face en proposant des réformes et des améliorations, vous capitulez. Je trouve moi aussi que votre position trahit un immense mépris. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – MM. Max Mathiasin et Davy Rimane applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin
Je soutiens également ces amendements. La situation économique et sociale des outre-mer est non seulement singulière mais aussi très grave : ce n’est pas le moment d’abandonner les efforts consentis par la nation en direction de ces territoires qui appartiennent à la République, même s’ils sont ultramarins – et si je dis « même », c’est par rapport aux propos tenus par certains.
Si des excès ou des malfaçons sont constatés, comme l’IGF semble l’avoir démontré, qu’il y ait des contrôles et des sanctions ! Mais en l’occurrence, les propositions du gouvernement tartinent assez épais, comme on dit chez moi en Normandie ! La Lodeom va être revue et sans doute faut-il l’améliorer – je n’ai pour ma part aucune objection à ce que certains de ses dispositifs soient évalués et modifiés ; mais si nous adoptions cet article 7, l’investissement productif des collectivités d’outre-mer serait amputé de 300 millions d’aides publiques. Il faut trouver une autre solution ! Il est urgent, par ailleurs, de développer des stratégies déclinées par territoire, car c’est ce qui fait défaut depuis des années.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je répète que le gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée. Je répète aussi qu’il n’y a pas de mépris dans mes propos. Comme sur tous les sujets, je fais œuvre de transparence à votre égard en vous exposant les arguments qui ont présidé à la rédaction de l’article et les éléments du débat. Je le dis avec beaucoup d’humilité : je ne prétends pas connaître les besoins de chaque territoire. C’est bien pour cela que j’ai dit, monsieur le président de la délégation aux outre-mer, qu’il fallait différencier les outils territoire par territoire – vous prônez cette méthode avec beaucoup de conviction, comme l’ensemble de vos collègues ultramarins, et nous sommes d’accord sur ce point. Je tiens donc vraiment à ne pas subir de faux procès. J’ai indiqué que nous étions en train d’étudier trois sujets avec la Fedom – vous-mêmes participez d’ailleurs à ces discussions qui se concrétiseront peut-être, sinon cette année, dans le budget de l’année prochaine : le taux, la différenciation territoriale et le périmètre de la niche fiscale.
Ensuite, madame Lejeune, vous avez évoqué la mission de l’Inspection générale des finances. L’an dernier, dans le PLF pour 2025, toutes ses préconisations sur le crédit d’impôt recherche ont été appliquées ! Nous aurons d’ailleurs un débat – dans quelques minutes peut-être –, suite à l’initiative du député Paul Midy, sur la préconisation du rapport qui concerne l’installation des jeunes professionnels de santé : plusieurs députés proposent que nous revenions en arrière parce qu’elle empiète trop sur d’autres dispositifs. Par ailleurs, nous avons très longuement débattu du crédit d’impôt services à la personne lors de l’examen de l’article 2 : le dispositif n’a certes pas été supprimé, mais il a fait l’objet d’un recentrage, à l’initiative notamment de la députée Pirès Beaune.
Je veux bien écouter vos arguments un peu fallacieux censés démontrer que nous faisons du tri entre les différents rapports, mais je crois que ce n’est pas le cas. Il n’y a aucun mépris dans mes propos ni aucune volonté de tordre le bras de l’hémicycle !
Mme Eva Sas
Il n’y a rien du tout !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je le rappelle : je n’ai pour vous convaincre que mes mots. Vous avez un pouvoir beaucoup plus grand que le gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS) : votre vote ! Vous avez l’occasion de l’exprimer.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 25, 180, 482, 543, 668, 928, 1562, 2941 et 3270.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 249
Nombre de suffrages exprimés 243
Majorité absolue 122
Pour l’adoption 242
Contre 1
(Les amendements identiques nos 25, 180, 482, 543, 668, 928, 1562, 2941 et 3270 sont adoptés ; en conséquence, l’article 7 est supprimé et les amendements suivants tombent.)
(Mme Émeline K/Bidi et M. Davy Rimane applaudissent.)
Après l’article 7
Mme la présidente
L’amendement no 35 de M. Moerani Frébault, portant article additionnel après l’article 7, est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La commission a rejeté cet amendement. Vous proposez d’assouplir considérablement les conditions d’éligibilité du secteur des croisières au régime d’aide fiscale à l’investissement outre-mer, en calculant les aides sur 100 % du coût de revient des navires, certes dans la limite de 500 000 euros par cabine. Ce serait un changement absolument majeur ! Il me semble que vous risquez de créer des effets d’aubaine considérables, alors même que les dépenses fiscales en question affichent déjà une dynamique très forte – leur coût a doublé depuis 2017. Le rapport d’évaluation établi par l’IGF en 2023 n’a démontré aucun effet significatif de ce régime sur la réalisation effective d’investissements en outre-mer. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je comprends votre volonté de soutenir le secteur des croisières ; mais comme l’a dit le rapporteur général, adopter votre amendement reviendrait à financer 100 % du coût de revient des bateaux de croisière, soit plus qu’un triplement de la base de calcul de l’aide actuelle, en leur apportant un soutien public direct pouvant aller jusqu’à 500 000 euros par cabine ! Nous venons de débattre du régime d’aide fiscale à l’investissement productif en général ; je souhaite que nous en restions au travail approfondi secteur par secteur, territoire par territoire, que j’ai appelé de mes vœux, et que nous évitions de créer nous-mêmes des dispositifs qui iraient très au-delà de ce que les finances publiques peuvent faire pour soutenir des acteurs économiques. Pour le dire autrement, ce que vous proposez reviendrait quasiment, pour l’État, à acheter des bateaux…
Mme Marie-Christine Dalloz
C’est exactement ça !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…puisqu’en l’espèce, l’investisseur ne serait même pas tenu de participer ; autant créer une compagnie nationale !
M. Philippe Gosselin
Ce n’est pas vraiment la philosophie que nous défendons !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
On ne peut pas financer 100 % de l’investissement jusqu’à 500 000 euros par cabine ; comme le dit justement M. le député Gosselin, je ne crois pas que ce soit la philosophie qui préside à la création de niches ou d’aides fiscales. Ce sont des soutiens à l’investissement, mais il ne s’agit pas que l’État se substitue à l’investisseur privé lui-même. Travaillons au soutien du secteur des croisières en Polynésie, mais faisons-le à l’aide de dispositifs mieux calibrés que ce que vous proposez.
M. Guillaume Kasbarian
Faisons une mission bateau en Polynésie !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 35 est retiré.)
Mme la présidente
L’amendement no 3743 de M. Olivier Serva est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Vous proposez là encore d’élargir l’éligibilité au dispositif de défiscalisation. Vous voulez cette fois l’appliquer aux investissements consistant, dans le secteur du transport aérien ou maritime, en l’acquisition de matériels d’occasion ayant subi des travaux de rénovation, de réhabilitation ou de transformation. Votre proposition va dans le sens d’un réemploi de moyens déjà disponibles, ce qui me paraît vertueux ; cependant, elle se heurte au droit de l’Union en matière d’aides d’État, celles-ci se limitant en principe aux seuls investissements initiaux et excluant, sauf exception, les investissements de renouvellement. Je rappelle encore une fois que le coût de ces dépenses fiscales a presque doublé depuis 2017. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
M. le député Serva fait une proposition qui, brossée à grands traits, peut paraître de bon sens : pourquoi l’État ne financerait-il pas l’acquisition de biens d’occasion ? En réalité, la doctrine européenne en matière d’aides publiques et de soutiens fiscaux énonce que l’on ne peut pas financer deux fois le même bien. En effet, s’il y a une aide à l’investissement pour acquérir non seulement du matériel neuf mais aussi du matériel d’occasion – lorsque le matériel est revendu à un deuxième investisseur –, il existe un risque de double financement. En vertu de la doctrine européenne, on ne peut soutenir que le premier investissement.
Je suis moi aussi très attachée à la dynamique vertueuse de rénovation, de réemploi et de recyclage (Mme Christine Arrighi s’exclame), mais une telle mesure serait source de nombreux abus plutôt que de bienfaits. Elle n’est probablement conforme ni à la Constitution ni au droit européen. Je suggère donc le retrait de l’amendement ; sinon, mon avis sera défavorable.
(L’amendement no 3743 est retiré.)
Mme la présidente
L’amendement no 2575 de M. Nicolas Metzdorf est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
L’amendement porte sur la réduction d’impôt pour rénovation de logements anciens : il vise à substituer au plafond de 50 000 euros par logement un plafond de 2 000 euros par mètre carré de surface habitable. La commission a rejeté l’amendement. D’abord, le dispositif vient d’être assoupli : la loi de finances pour 2024 a supprimé la condition de localisation géographique qu’il était nécessaire de remplir pour bénéficier de la réduction d’impôt. Surtout, le plafond augmenterait considérablement : pour un logement de 100 mètres carrés, il quadruplerait.
Je crains à la fois une explosion du coût de la dépense fiscale et des effets d’aubaine tout à fait majeurs. Pardonnez-moi de dire un peu brutalement ce qui ressort du rapport de l’IGF : une véritable économie de la défiscalisation est en place. Environ 70 % des montages financiers sont réalisés par deux monteurs d’affaires. Je ne suis pas certain que les outre-mer bénéficient vraiment de l’argent qui leur est ainsi versé. Il me semble que l’usage de l’argent public est ici détourné de son objet initial. L’argent public doit aller d’abord aux Français, non aux opérateurs ou monteurs d’affaires qui profitent d’un système fiscal très généreux. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
S’agissant des dispositifs de défiscalisation outre-mer, je l’ai dit, il convient de mener un travail avec les acteurs économiques de chaque territoire, éventuellement pour différencier les outils.
M. Philippe Gosselin
Peut-être aussi en fonction des territoires.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
La rénovation des logements, en particulier des logements sociaux, est un enjeu prioritaire ; elle doit donc bénéficier de soutiens. Je l’ai indiqué à la représentation nationale, le gouvernement est ouvert à une extension du régime d’aide fiscale à l’investissement productif en outre-mer (Rafip) à cette fin. Cela pourrait être une bonne idée pour favoriser l’adaptation du parc de logements aux besoins, notamment à une population qui vieillit. Cela n’est pas nécessairement très connu : c’est dans les départements ultramarins que le vieillissement de la population est le plus marqué et, partant, que l’adaptation des logements est la plus urgente.
Comme l’a relevé le rapporteur général, la mesure proposée ici va bien au-delà. Un tel dispositif serait trop généreux par rapport aux besoins et insoutenable pour nos finances publiques. Un soutien direct de 2 000 euros par mètre carré de surface habitable serait manifestement décalé par rapport à nos moyens et aux dispositifs existants.
M. Philippe Gosselin
Et aurait un effet inflationniste !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Bien sûr !
(L’amendement no 2575 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Max Mathiasin, pour soutenir l’amendement no 1315.
M. Max Mathiasin
Cet amendement, que je défends au nom de ma collègue Estelle Youssouffa, tend à remédier aux difficultés de logement à Mayotte, notamment à lever les freins à la rénovation et à la construction de logements sociaux.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Cet amendement vise à rendre éligible au crédit d’impôt au titre des investissements dans les départements d’outre-mer l’acquisition ou la construction de logements neufs destinés à une opération de bail réel solidaire (BRS) et à porter à dix-huit mois le délai de conclusion d’un contrat de location-accession ouvrant droit au crédit d’impôt à la suite de la construction de tels logements.
Dans un rapport de 2020 relatif à l’accès au logement, la Cour des comptes a relevé les besoins que vous avez mentionnés – je partage moi aussi votre constat –, mais a noté que, malgré leur objectif louable, la multiplicité des dépenses fiscales en faveur du logement avait un effet inflationniste, qui a été amplement documenté.
D’autre part, le coût de ce crédit d’impôt a triplé depuis 2017 : il est passé de 100 millions à 300 millions d’euros. Compte tenu de la situation très compliquée pour nos finances publiques, nous devons envisager avec lucidité une telle extension du champ du crédit d’impôt. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Même avis.
(L’amendement no 1315 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Émeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 3271.
Mme Émeline K/Bidi
Cet amendement de mon collègue Frédéric Maillot vise à ouvrir le crédit d’impôt en faveur des investissements outre-mer aux travaux de rénovation, de réhabilitation ou de réhabilitation lourde de logements intermédiaires. Vous le savez, les problèmes de logement sont très importants outre-mer. Nous sommes confrontés à une double difficulté : d’une part, le vieillissement des bâtiments y est accéléré, notamment en raison du climat ; d’autre part, les bailleurs sociaux doivent s’occuper de la rénovation des logements alors même qu’ils n’ont pas encore fini de rembourser les emprunts qui ont financé leur construction.
J’ai bien entendu ce que vous avez dit tout à l’heure, madame la ministre : vous estimez qu’il ne faut pas financer deux fois un même bien. Cependant, « bon marché coûte cher », comme le dit un dicton usité à La Réunion. Si l’on ne rénove pas ces bâtiments, il faudra au bout du compte les reconstruire de zéro. Je ne suis pas sûre que l’État y soit gagnant du point de vue financier.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Vous souhaitez rendre éligible au crédit d’impôt les travaux de rénovation, de réhabilitation ou de réhabilitation lourde de logements intermédiaires. La commission a rejeté cet amendement.
Je l’ai dit précédemment, le coût de cette dépense fiscale a triplé depuis 2017, passant de 100 millions à 300 millions d’euros. Dans le contexte financier actuel, il paraît difficile de donner un avis favorable à l’amendement. En outre, dans le rapport remis en 2023 par l’IGF, que j’ai cité à plusieurs reprises, une telle évolution du champ du crédit d’impôt n’est pas considérée comme prioritaire, compte tenu de l’effet inflationniste de ce crédit d’impôt sur le prix des logements. Mon avis est donc défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Pour que la représentation nationale soit bien éclairée, je précise qu’il existe déjà un dispositif fiscal d’aide à la réhabilitation de logements intermédiaires et de logements locatifs. Ce dispositif est inclus dans le Rafip et a d’ailleurs été étendu à la Nouvelle-Calédonie. Selon moi, il ne serait pas de bonne politique d’élargir le dispositif dès maintenant par amendement, de manière déconnectée de la discussion d’ensemble que nous devons mener à ce sujet. D’autre part, comme l’a relevé le rapporteur général, l’empilement de dispositifs mal calibrés risque d’aboutir à un renchérissement des mesures de rénovation.
J’établis un parallèle avec MaPrimeRénov’. Ce dispositif présente un grand intérêt : il aide des ménages modestes à rénover leur logement. Toutefois, il a un inconvénient : dès lors que le particulier annonce qu’il bénéficiera de MaPrimeRénov’, le prix des travaux augmente de 15 % à 30 %.
Nous devons veiller au meilleur usage de l’argent public : il ne faudrait pas que cela débouche sur un nombre identique ou moindre de rénovations pour plus cher !
Je suggère un retrait de l’amendement. Plutôt que de prendre ainsi une mesure isolée, incluons ce sujet dans la discussion sur la révision du Rafip.
(L’amendement no 3271 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 481, 2244 et 2532 ainsi que sur l’amendement no 1818, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Nous en venons aux amendements identiques nos 481, 2244 et 2532.
La parole est à M. Max Mathiasin, pour soutenir l’amendement no 481.
M. Max Mathiasin
Cet amendement permettrait aux organismes HLM de bénéficier du crédit d’impôt en faveur du logement social outre-mer lorsqu’ils construisent des Ehpad destinés aux personnes aux revenus modestes. Mme la ministre vient de souligner à quel point la question du vieillissement était prégnante dans les outre-mer.
Rappelons que l’année dernière, les deux chambres du Parlement avaient adopté un amendement identique à celui-ci, l’Assemblée n’ayant toutefois pas adopté la première partie du budget. La commission mixte paritaire avait in fine supprimé la mesure du texte.
Mme la présidente
La parole est à M. Elie Califer, pour soutenir l’amendement no 2244.
M. Elie Califer
La Martinique et la Guadeloupe font partie des départements où le vieillissement de la population est le plus marqué. Ce que vous dit cet amendement, c’est que nous ne savons pas mourir plus tôt !
L’amendement vise à étendre le bénéfice du crédit d’impôt en faveur du logement social outre-mer aux Ehpad destinés à accueillir des personnes aux revenus modestes, souvent en situation difficile. Bien que ces établissements remplissent toutes les conditions du logement social – agrément, plafonds de loyer et de ressources –, ils sont exclus du dispositif pour une raison purement technique : ils comprennent aussi des espaces de soins à caractère médical. Cette exclusion n’a pas de sens. Dans nos territoires ultramarins, le vieillissement de la population et la précarité de nombreux aînés rendent urgente la création d’établissements adaptés et accessibles. Il importe surtout que le reste à charge soit soutenable.
Il est vrai que les outils existants sont utilisés, mais nous demandons une adaptation du dispositif fiscal pour tenir compte de la réalité sociale.
Mme la présidente
La parole est à M. Davy Rimane, pour soutenir l’amendement no 2532.
M. Davy Rimane
Cet amendement a été déposé par mon collègue Marcellin Nadeau. Comme l’ont dit les orateurs précédents, il s’agit de rectifier ce que nous considérons comme une erreur qui n’a que trop perduré : les sociétés HLM ne peuvent pas bénéficier du crédit d’impôt lorsqu’elles construisent des Ehpad pour nos aînés, nos mémoires vivantes – nos gangans, comme on dit en Guyane. Il faut bâtir des lieux décents où ils puissent finir leurs jours dans de bonnes conditions.
Notre collègue Mathiasin l’a rappelé, un amendement identique avait été adopté par les deux chambres l’année dernière.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Une telle mesure aurait une utilité sociale – pour le dire vite, cela aurait plus de sens que de financer des bateaux ! Toutefois, la commission a rejeté ces amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
S’agissant des dispositifs d’aide à l’investissement productif, il nous revient, je l’ai dit, de traiter trois sujets : le taux, la territorialisation et le périmètre. J’ai cité jusqu’à présent deux domaines : le logement social et les énergies renouvelables. L’extension du champ du crédit d’impôt aux Ehpad serait plutôt opportune – nous en avons parlé ensemble lors d’une réunion récente –, mais je préférerais que nous l’abordions dans le cadre des travaux collectifs qui vont s’ouvrir, notamment avec les représentants du monde économique. Il s’agit de prendre en considération deux besoins : avoir une économie productive et disposer d’un parc de logements à même d’accompagner le vieillissement de la population.
Permettez-moi à cet égard de saluer le rapport sur le grand âge dans les outre-mer, établi en 2020 par ma suppléante, Stéphanie Atger, au nom de la délégation aux outre-mer. Il relevait l’immense besoin d’accompagnement des personnes âgées dans ces territoires.
Je ne suis pas favorable à ces amendements, car ils sont détachés de la réforme plus large que nous entendons conduire, mais je suis très sensible et très ouverte à cette proposition intéressante sur une question importante. Là aussi, il convient de s’interroger sur une différenciation en fonction des territoires, les enjeux n’étant évidemment pas les mêmes en Guyane, à La Réunion, en Martinique ou en Guadeloupe.
Mme la présidente
La parole est à M. Davy Rimane.
M. Davy Rimane
L’un n’empêche pas l’autre, madame la ministre ! Le travail de ciblage du dispositif ne doit pas nous dissuader de voter cet amendement qui répond à une demande croissante sur nos territoires. N’opposons pas cette proposition et la réforme à venir : les deux démarches peuvent être complémentaires. Validons le principe aujourd’hui, quitte à le préciser par la suite.
Mme la présidente
La parole est à M. Max Mathiasin.
M. Max Mathiasin
Mme la ministre dit toujours : « Non, non, non ! » à toutes nos propositions pour les outre-mer, quelles qu’elles soient ! J’ai rappelé que cet amendement, adopté avec sagesse par les deux chambres, n’avait disparu qu’en raison du recours à l’article 49.3 sur le précédent budget. Il est urgent de le voter ! Vous soulignez vous-même le vieillissement de la population : nous ne pouvons plus attendre. Supposons que, pour des raisons diverses, les négociations n’aboutissent pas. Que ferons-nous ? Nos aînés patienteront encore ? Faites un effort : au lieu de dire « non », dites « oui » ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 481, 2244 et 2532.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 182
Nombre de suffrages exprimés 170
Majorité absolue 86
Pour l’adoption 127
Contre 43
(Les amendements identiques nos 481, 2244 et 2532 sont adoptés.) (Applaudissements sur divers bancs.)
Mme la présidente
La parole est à M. Elie Califer, pour soutenir l’amendement no 1818.
M. Elie Califer
Cher collègue Mathiasin, j’offre à Mme la ministre l’opportunité de dire enfin « oui ».
M. Elie Califer
En l’absence de notre collègue Béatrice Bellay, j’ai l’honneur de défendre cet amendement qui vise à créer un cadre fiscal incitatif et structurant pour accompagner le désamiantage et la reconstruction du parc de logements dans les outre-mer tout en encourageant la structuration d’une filière locale pérenne de gestion de l’amiante.
M. Elie Califer
À l’attention de M. le rapporteur général, je souligne que le désamiantage coûte très cher. La mise en œuvre d’une politique de l’habitat ambitieuse, sûre et équitable pour l’ensemble des territoires ultramarins est indispensable : ces territoires appartiennent à l’espace français et leur parc de HLM est vieillissant et insuffisant.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Votre amendement semble satisfait. Selon le Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) : « Le crédit d’impôt en faveur du logement social outre-mer prévu à l’article 244 quater X du code général des impôts (CGI) s’applique, sous conditions, aux organismes de logement social (OLS) qui réalisent les investissements suivants dans les départements d’outre-mer (DOM) : - acquisition ou construction de logements locatifs sociaux ; […] - travaux de rénovation ou de réhabilitation des logements sociaux achevés depuis plus de vingt ans ; […] ».
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je peux vous dire : oui, c’est satisfait, oui, c’est déjà prévu par le droit en vigueur, oui, c’est déjà possible. Vous voyez que j’ai dit trois fois « oui », monsieur Mathiasin ! (Sourires.) Vous pouvez retirer l’amendement de Mme Bellay sereinement, monsieur Califer, puisqu’il est satisfait.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Nous sommes convaincus que le logement social doit être de bonne qualité dans les outre-mer comme ailleurs. C’est pourquoi les travaux de réhabilitation incluant un désamiantage préalable ouvrent droit au crédit d’impôt.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je demande le retrait de cet amendement afin de ne pas réécrire ce qui est déjà prévu. Évitons de produire un droit bavard qui n’ajouterait rien à la réalité de vos territoires, qui réclame bien sûr des investissements. (M Max Mathiasin applaudit.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1818.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 193
Nombre de suffrages exprimés 189
Majorité absolue 95
Pour l’adoption 63
Contre 126
(L’amendement no 1818 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 958 de M. Davy Rimane est défendu.
(L’amendement no 958, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
Article 8
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir l’amendement no 782, tendant à la suppression de l’article 8.
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous demandons la suppression de cet article, car nous ne sommes pas d’accord avec le diagnostic qui a présidé aux choix qu’il opère.
M. Jean-Philippe Tanguy
Dans son rapport, M. le rapporteur général se réfère aux travaux de l’IGF estimant que les PME françaises ont suffisamment bénéficié du dispositif IR-PME dit Madelin, dont les objectifs seraient désormais atteints. Nous pensons que ce n’est pas le cas : il y a encore beaucoup de progrès à réaliser dans le développement des PME, notamment en matière d’innovation. L’article 8 organise simplement une restriction des moyens accordés au développement de ces entreprises.
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous contestons votre diagnostic et nous nous opposons à ce coup de rabot présenté comme un recentrage. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Sur cet amendement no 782, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La commission a rejeté cet amendement. Le recentrage de l’IR-PME tient compte du rapport d’évaluation du dispositif remis par l’IGF en 2023. Si, lors de leur création en 1997, les fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI) étaient destinés à dynamiser l’industrie naissante du capital-risque, ils ne représentent plus qu’une part assez marginale de ce flux : 254 millions sur 5 milliards en 2021. De surcroît, Bpifrance remplit un rôle identique à moindres frais pour les finances publiques.
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Enfin, je crains que l’adoption de cet amendement n’aboutisse à la suppression de l’IR-PME. Mme la ministre pourra le confirmer.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Monsieur Tanguy, n’y voyez aucune malice de ma part, mais votre amendement aboutirait à la suppression du dispositif que vous voulez défendre. Dans sa rédaction actuelle, l’article 8 prévoit de prolonger le dispositif IR-PME – pour éviter sa disparition le 31 décembre 2025 – et soumet cette prolongation à des conditions, lesquelles font l’objet d’amendements. Nous concentrons le soutien à l’investissement intermédié sur les jeunes entreprises innovantes (JEI) et la Corse.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
La suppression de l’article 8 entraînerait la fin des mécanismes de soutien de l’investissement des particuliers dans les PME. Si vous pensez qu’il faut accroître ce soutien parce que le dispositif Madelin n’a pas atteint ses objectifs, il faudrait retirer votre amendement et amender les conditions auxquelles nous avons soumis la prolongation de l’IR-PME.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ces conditions découlent des nombreux échanges ayant eu lieu sur le sujet entre le gouvernement et la Commission européenne depuis 2018. À l’époque déjà, je faisais partie des députés qui, comme Laurent Saint-Martin et Olivia Grégoire, défendaient la poursuite du dispositif. Depuis, chaque année, la Commission valide le crédit d’impôt IR-PME mais sollicite des adaptations.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Afin que la représentation nationale soit bien informée, je répète que si l’amendement de M. Tanguy est adopté, le dispositif IR-PME ne sera pas prolongé aux conditions actuelles : il sera supprimé. Il y a contradiction entre vos propos et le contenu de l’amendement. Je propose de poser le principe du maintien du dispositif puis de débattre des conditions de celui-ci. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Midy.
M. Paul Midy
Le dispositif d’IR-PME dit Madelin est très important pour financer nos PME. Il octroie une incitation fiscale – sous forme d’une réduction d’impôt qui peut aller de 18 à 25 % – aux particuliers qui investissent dans les PME : chaque euro mis par l’État génère 4 euros d’investissement. Il faut conserver ce dispositif ; nous voterons donc contre l’amendement.
M. Paul Midy
L’article 8 contient de bonnes choses à garder et de mauvaises choses à modifier. Parmi les bonnes choses, on peut citer le rehaussement de certains seuils. En revanche, l’article prévoit la suppression du FCPI-PME, soit la capacité d’investir dans les PME au travers des FCPI. Nous proposerons son rétablissement par l’amendement no 3604.
M. Paul Midy
En conclusion, nous proposons de conserver le dispositif d’IR-PME et, pour ce faire, de voter contre l’amendement no 782 et pour l’amendement no 3604 à venir. (Mme Olivia Grégoire applaudit.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 782.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 204
Nombre de suffrages exprimés 203
Majorité absolue 102
Pour l’adoption 77
Contre 126
(L’amendement no 782 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Feld, pour soutenir l’amendement no 2279.
Mme Mathilde Feld
Voici encore un dispositif de classe !
Mme Mathilde Feld
La France est le pays de l’OCDE qui offre le plus de niches fiscales. En 2025, les dépenses fiscales et divers crédits d’impôts ont pesé à hauteur de 85 milliards sur le budget de l’État, soit près de quatre fois le budget du ministère de l’écologie.
Mme Mathilde Feld
L’article 8 élargit les conditions ouvrant droit au bénéfice de la réduction d’impôt IR-PME et prévoit la majoration de son taux, un an après qu’il a été porté de 18 à 25 %.
Mme Mathilde Feld
Pourtant, l’IGF – que vous avez mentionnée tout à l’heure à propos de la Lodeom mais que vous ne citez plus ici – estime que cette augmentation n’a pas eu d’effet significatif sur le comportement des investisseurs et recommande de ne pas reconduire le dispositif IR-PME.
Mme Mathilde Feld
À l’origine, cette niche a pour objet d’inciter les ménages aisés à investir dans les TPE-PME. Or ce dispositif manque sa cible : les investissements privés n’ont pas augmenté et, du fait de l’austérité, les très petites entreprises (TPE) et les PME ont un carnet de commandes exsangue.
Mme Mathilde Feld
Nous proposons de supprimer définitivement cette niche fiscale inutile qui a pesé à hauteur de 171 millions sur le budget de l’État en 2024.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La commission ne s’est pas prononcée sur cet amendement déposé en séance. Si nous pouvons débattre du calibrage du dispositif et du taux de la réduction d’impôt, supprimer l’IR-PME aurait de nombreux effets sur l’économie réelle – toutes les mesures que nous prenons en ont – et affecterait la capacité des PME à se développer, à occuper nos territoires et à innover.
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Les conclusions du rapport d’évaluation du dispositif remis par l’IGF ne sont pas tout à fait celles que vous avez mentionnées. Selon l’IGF, le dispositif répond pour l’essentiel à son objectif initial de financement de proximité des jeunes entreprises. Ne cassons pas un outil qui a démontré son utilité ! Si le dispositif, ancien, demande à être actualisé, il demeure profitable aux PME, en particulier aux PME innovantes. Je donne donc un avis défavorable à l’amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je suis étonnée de vous entendre évoquer un dispositif de classe.
Mme Mathilde Feld
Tout à fait.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Les PME de notre pays ne sont pas portées par la haute bourgeoisie.
Mme Mathilde Feld
Ce n’est pas ce que j’ai dit !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Si : vous dites qu’il convient de supprimer ce dispositif et qu’il serait préférable que les 500 millions d’euros investis dans les fonds propres de nos PME ne l’aient pas été.
Mme Marie-Christine Dalloz
Eh oui !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
C’est paradoxal. L’État crée un avantage fiscal au bénéfice de ceux qui investissent sur le long terme dans de jeunes entreprises risquées et innovantes qui créeront des emplois et seront bénéfiques pour notre pays, car cela est d’utilité publique et favorise l’investissement.
En fait, on permet l’investissement. Les ménages qui ont les moyens d’investir sont bien ceux qui disposent d’une épargne,…
Mme Mathilde Feld
Eh oui !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…mais le dispositif n’a pas vocation à réduire l’impôt des plus aisés ; il vise à inciter ces ménages, qui pourraient placer leur épargne dans des actions de grandes entreprises étrangères, extra-européennes, à l’autre bout du monde, à le faire plutôt dans notre pays, au bénéfice des PME et des entrepreneurs qui créent des emplois ici.
M. Loïc Prud’homme
Ils le font aussi !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je ne vois pas bien pourquoi vous dites que c’est un dispositif de classe.
Par ailleurs, le ministre Alain Madelin avait proposé cela à un moment où nous voulions encourager l’investissement productif et inciter les Français à placer leur épargne dans l’économie réelle, au service de nos entrepreneurs.
Enfin, nous avons d’autant plus besoin de ces mécanismes que l’immense vague de transmission d’entreprises qui se profile va augmenter la demande d’investissements. Il est donc sain qu’elle soit satisfaite par l’épargne des Français plutôt que par une épargne étrangère. Nous avons donc un choix à faire : soit on encourage l’épargne française au service des PME françaises, soit elle va servir les entreprises étrangères, soit, pire encore, c’est l’épargne étrangère qui sera investie dans nos PME.
Je défends le dispositif, tout en souhaitant l’aménager ; je suis donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Je vais rebondir sur l’expression « dispositif de classe », qui ne reflète pas du tout la réalité. D’une part, il existe des dispositifs fiscaux beaucoup plus intéressants pour les très hauts revenus. D’autre part, cette classe aisée que vous stigmatisez régulièrement, entretient une aversion au risque, en particulier lorsqu’il s’agit d’investir dans des PME en croissance, innovantes, dont l’avenir est incertain. Il faut inculquer cette culture de la prise de risque, de l’investissement dans l’économie réelle, y compris dans les classes supérieures qui, par facilité, ont l’habitude de trouver de la rentabilité dans des actions, y compris étrangères. Ce dispositif est donc tout à fait vertueux.
Par ailleurs, madame la ministre, je n’ai pas bien compris s’il existe un intérêt ou un objectif politique justifiant le recentrage du dispositif sur les jeunes entreprises innovantes, ou s’il répond à une demande de la commission européenne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Tout le monde fait preuve d’une immense hypocrisie. Non, madame la ministre, vous n’êtes pas, vous, la Macronie, les amis des petites entreprises, comme le montrent les politiques que vous défendez.
Mme Olivia Grégoire
Alors que vous, c’est le cas !
M. Aurélien Le Coq
Nous parlons d’un avantage fiscal qui bénéficie aux classes supérieures…
Mme Marie-Christine Dalloz
Ah ! Voilà !
M. Aurélien Le Coq
…dans la mesure où la réduction d’impôt porte sur des investissements jusqu’à 50 000 euros par an. Je ne crois pas que ce soit à la portée des classes moyennes.
Par ailleurs, nous n’allons pas financer les PME grâce à des réductions d’impôt bénéficiant à celles et ceux qui vivent bien, et contribuent en général moins que les autres.
Mme Olivia Grégoire
Interdisez l’investissement pendant qu’on y est !
M. Aurélien Le Coq
Pour aider les PME, faisons ce que propose La France insoumise : proposons des prêts garantis par l’État, à des taux d’intérêt faibles pour les petites entreprises.
Mme Olivia Grégoire
Les entrepreneurs en gardent un excellent souvenir !
M. Aurélien Le Coq
Si nous voulons aider les PME, mettons un terme à la concurrence déloyale qui leur est faite par les grandes entreprises, qui paient deux fois moins d’impôts qu’elles. Si nous voulons aider les PME, relançons la consommation populaire… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent ce dernier.)
Mme Olivia Grégoire
Elle va très bien, merci !
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Chers collègues, je croyais que, dans cette assemblée, tout le monde était pour les TPE-PME.
Mme Marie-Christine Dalloz
Bravo ! Pas eux !
M. Charles de Courson
Vous voulez supprimer le dispositif Madelin qui visait à mobiliser l’épargne de proximité au service des PME et non des grandes entreprises. Vous dites vouloir le remplacer par des prêts garantis, mais cela n’a jamais incité au renforcement des fonds propres dont les TPE-PME ont besoin. Surtout, ne votons pas la suppression de l’IR-PME. (M. Paul Midy applaudit.)
Mme Marie-Christine Dalloz
Voilà ! Ils ont une méconnaissance totale des dispositifs fiscaux !
(L’amendement no 2279 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 1637, 3604 et 442, pouvant être soumis à une discussion commune et qui font l’objet de demandes de scrutin public ; sur les amendements nos 1637 et 442, par le groupe Rassemblement national ; sur l’amendement no 3604, par les groupes Rassemblement national et Ensemble pour la République.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Olivia Grégoire, pour soutenir l’amendement no 1637.
Mme Olivia Grégoire
Le nombre de levées de fonds en capital innovation est en baisse au premier semestre 2025 et atteint son point le plus bas depuis le premier semestre 2025. Cet amendement vient compléter l’article 8 pour soutenir l’investissement intermédié en faveur du financement en fonds propres des jeunes entreprises innovantes, notamment à travers les FCPI. Nous voulons favoriser la mobilisation de l’épargne privée au service de la croissance et de l’emploi, en permettant notamment le réinvestissement au-delà de la période initiale d’éligibilité de huit ans.
Je fais cette proposition d’un commun accord avec Paul Midy, qui défendra ensuite le no 3604 ; je souhaite donc savoir si, comme je le crains, l’adoption de mon amendement ferait tomber celui de Paul Midy. Si c’était le cas, je le retirerais. (M. Paul Midy applaudit.)
Mme la présidente
Oui, il ferait tomber les amendements no 3604 et 442, puisque c’est une discussion commune.
La parole est à M. Paul Midy, pour soutenir l’amendement no 3604.
M. Paul Midy
La collègue Grégoire a raison de le souligner : les levées de fonds de nos entreprises ont diminué ces dernières années, sous l’effet du contexte économique. Il est donc d’autant plus important de soutenir l’investissement dans nos PME, qui se fait utilement au travers des fonds fiscaux FCPI. Cet amendement défendu par le groupe Ensemble pour la République permet de conserver l’investissement dans ces PME par l’intermédiaire des FCPI et de donner de la visibilité pour que ces levées de fonds puissent retrouver une bonne dynamique, qui créerait de l’emploi.
(L’amendement no 1637 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l’amendement no 442.
Mme Christine Arrighi
Cet amendement s’inspire d’une préconisation de l’IGF et vise à rationaliser la dépense fiscale liée aux fonds communs de placement pour l’innovation. Ces dispositifs, coûteux pour l’État, se sont révélés peu efficaces. Ils n’assurent qu’un rôle secondaire dans le financement de l’innovation, alors que BPI France remplit cette mission de manière plus ciblée et plus performante.
Toutefois, cette mesure ne concerne pas les territoires d’outre-mer ni la Corse, où ces fonds jouent encore un rôle structurant dans le financement des PME locales et la dynamisation du tissu économique. Il s’agit donc d’une approche différenciée, équilibrée et cohérente, qui allège la dépense fiscale tout en préservant les territoires où ces outils restent nécessaires.
Mme la présidente
Sur l’article 8, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La commission a donné un avis favorable à l’amendement no 3604 de M. Midy, mais défavorable au no 442 de Mme Arrighi.
En plus de ce qui a été dit sur l’importance du dispositif pour soutenir les PME, je veux dire à notre collègue qui le qualifiait de dispositif de classe qu’en 2022 le montant moyen de la réduction d’impôt était d’environ 1 645 euros, pour un investissement moyen de l’ordre de 5 000 euros. Ce n’est donc pas un dispositif exorbitant.
Mme Marie-Christine Dalloz
Bah non !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Il concerne beaucoup de contribuables français qui souhaitent renforcer le tissu des PME. C’est une chose de déclarer son amour pour les PME, c’en est une autre d’accepter des dispositifs qui les aident vraiment.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ce n’est pas un marronnier, mais c’est un débat qui a une longue histoire, depuis que le ministre Madelin a proposé ce dispositif. Permettez-moi, en premier lieu, de répondre aux questions posées sur ce qui est fait pour la Commission européenne et ce qui relève d’un choix assumé.
Dans notre pays, quand vous investissez dans un FCPI, vous pouvez le faire de deux manières : soit vous préférez une exonération à l’entrée – c’est l’IR-PME, dont nous sommes en train de discuter –, soit vous préférez en avoir une à la sortie, sur les plus-values, si vous avez conservé les titres pendant cinq ans. Ensuite, les PEA-PME – plans d’épargne en actions destinés au financement des PME – offrent également une façon d’investir dans les PME avec des exonérations d’impôt sur le revenu. Enfin, et c’est une disposition que nous avions défendue à l’époque, avec certains députés encore ici présents, une portion de l’assurance vie peut être investie dans le capital de sociétés non cotées. Selon la situation des investisseurs, il existe donc plusieurs modalités pour investir en fonds propres dans les PME. Le grand rendez-vous de l’investissement productif que nous avions organisé en 2018 a porté ses fruits.
Ce que le gouvernement propose, c’est, vu ce grand panorama des dispositions fiscales existantes, de recentrer le dispositif IR-PME, quand il est intermédié, sur la Corse, les outre-mer et sur les fonds qui ont une large part en JEI. Quand vous êtes intermédié et n’avez pas une large part en JEI, vous pouvez toujours investir dans un PEA-PME, dans des sociétés non cotées via l’assurance vie et dans les FCPI avec le régime dit classique. Ce choix permet de soutenir l’innovation en favorisant l’investissement dans nos plus jeunes entreprises innovantes, sans retirer les avantages qu’ont les investisseurs intermédiés dans les autres dispositifs.
Je rappelle aussi, pour ne pas seulement parler de l’intermédiation, que toute personne qui investit en direct dans une entreprise bénéficie pleinement de l’IR-PME. Si vous investissez dans une PME qui n’est pas jeune et n’est pas une start-up innovante, vous pouvez toujours bénéficier de ce dispositif.
La Commission européenne nous demande de cibler ce dispositif et de ne pas en faire un dispositif de droit commun comme le PEA-PME, les dispositifs d’assurance-vie et de FCPI classique. Nous nous écrivons avec la Commission européenne chaque année à propos du taux, du périmètre. Or nous vous proposons ici de stabiliser les choses parce que tous les ans, les règles ont changé.
Cet article 8, tel qu’il est écrit, permettrait de répondre aux dispositions de la Commission européenne, et de compléter notre dispositif, plutôt que de le doublonner, en faisant un vrai choix politique autonome et cohérent avec ce que les uns et les autres ont dit.
À ce titre, je suis défavorable à votre amendement, monsieur Midy. Sur les JEI, votre combat est d’une grande cohérence, et nous aurons beaucoup d’autres occasions de soutenir cet écosystème français qui contribue largement à la place, au rayonnement et au futur de la France.
Avis également défavorable à l’amendement no 442.
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Midy.
M. Paul Midy
Pour ajouter un complément à ce qu’a dit Mme la ministre, ce dispositif ne change pas tous les ans : c’est la même chose depuis dix ans. La continuité, c’est de le garder. Ensuite, il faudra qu’on s’interroge sur l’aide aux entreprises en Europe parce qu’il ne faut pas se tirer une balle dans les deux pieds. Face aux superpuissances américaine et chinoise, nous, Européens allons devoir massivement aider nos entreprises, comme le font les Américains et les Chinois, si nous voulons redevenir la première économie du monde.
Un député du groupe EcoS
La première ? Il ne faudrait quand même pas exagérer !
Mme Claudia Rouaux
Avec quel argent ?
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Nous soutiendrons l’amendement de Paul Midy, qui tend à améliorer le soutien aux jeunes entreprises innovantes.
Madame la ministre, je m’étonne de votre réponse : lorsque vous dressiez le panorama des incitations fiscales à l’investissement dans le capital des PME, vous avez indiqué que la Commission européenne considérait que l’IR-PME n’était pas tout à fait conforme aux dispositions communautaires prises en matière d’aides d’État. Pourquoi cette observation n’est-elle pas faite au sujet des autres aides ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Les autres aides ont été validées par la Commission.
M. Matthias Renault
Je rappelle que BPIFrance aide aussi à monter au capital des PME, mais laissons là cette question technique.
Pourquoi les autorités européennes et françaises se tireraient-elles une balle dans le pied au nom de la sacro-sainte distorsion de concurrence ? Et de quelle concurrence est-il question ? Je suppose qu’il s’agit des investisseurs institutionnels, y compris étrangers, qui pourraient récupérer des PME.
A-t-on intérêt à limiter les avantages fiscaux permettant d’investir dans des PME françaises, au moment où les États-Unis, nos concurrents, ne s’en privent pas ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.
Mme Christine Pirès Beaune
Nous voterons contre cet amendement. Au prétexte de faire des économies, on nous a servi un doublement des franchises médicales hier et un rabot sur les aides à l’outre-mer ce matin. Nous débattons à présent d’amendements tendant à étendre des niches fiscales facilitant des investissements réservés à certains.
Je vous invite d’ailleurs à vous rendre sur la page internet faisant la promotion des FCPI : elle interpelle d’emblée ses visiteurs en leur demandant s’ils souhaitent réduire leur impôt ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Des études sérieuses montrent que les fonds éligibles à ces dispositifs présentent des performances très moyennes, si ce n’est négatives : leurs investisseurs sont surtout motivés par la possibilité d’échapper à l’impôt !
Les ménages qui veulent investir dans les TPE et PME peuvent évidemment le faire. Libre à eux de soutenir l’économie sociale ! En revanche, ce n’est pas à la collectivité de financer leurs opérations grâce à des réductions d’impôt. (Mêmes mouvements.)
Permettre à un cadre que sa fortune classe parmi les 1 % les plus riches d’investir grâce à l’argent de tous les Français, c’est lunaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Inaki Echaniz
Elle a raison, bravo !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 3604.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 240
Nombre de suffrages exprimés 238
Majorité absolue 120
Pour l’adoption 163
Contre 75
(L’amendement no 3604 est adopté. En conséquence, les amendements nos 442 et 1318 tombent.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 8.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 235
Nombre de suffrages exprimés 234
Majorité absolue 118
Pour l’adoption 91
Contre 143
(L’article 8, amendé, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je suis assez surprise : le Rassemblement national a décidé de mettre fin au dispositif Madelin ! C’est ce que vous venez de faire, puisque l’article 8 tendait à le prolonger au-delà du 31 décembre 2025 et que l’amendement no 3604 visait à l’ouvrir à tous les fonds intermédiés par un FCPI, sans plafond. Je dois dire que je ne comprends pas du tout ce que vous faites !
M. Nicolas Sansu
Qu’est-ce que c’est que ça ? On ne revient pas sur un vote !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Vous avez salué ce dispositif, mais vous venez de le supprimer ! La seule chose que je comprends, c’est que la cohérence n’est pas toujours du côté de ceux qui s’en réclament ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR. – M. Jean-Pierre Bataille applaudit également.)
Mme Marine Le Pen
Gardez vos leçons pour vous !
Après l’article 8
Mme la présidente
Sur les amendements nos 3602 rectifié et 3180, je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutins publics.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Paul Midy, pour soutenir l’amendement no 3602 rectifié, portant article additionnel après l’article 8.
M. Paul Midy
Moi non plus, je ne comprends pas le résultat du vote de l’article 8 : son rejet constitue une très mauvaise nouvelle pour les PME de nos territoires, et j’engage cette assemblée à corriger cette suppression dans la suite de ses travaux.
L’amendement tend à prolonger l’application du dispositif d’IR-JEI, qui encourage l’investissement dans les jeunes entreprises innovantes. Cet investissement, très important, est bonifié par des réductions d’impôt importantes. Il procurera productivité et croissance dans les années à venir.
Spécificité des JEI, l’argent investi est immédiatement converti en emplois, ce qui assure la rentabilité de l’IR-JEI à horizon de trois ans. Il importe donc de le pérenniser.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin
Vous proposez une augmentation substantielle du plafond de cette réduction d’impôt. Les JEI et les JEI de rupture (JEIR) bénéficient déjà, par dérogation, de taux de réduction de 30 et 50 %.
La commission a adopté cet amendement, mais à titre personnel, j’y suis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
On est dans la quatrième dimension ! Vous déposez des amendements tendant à prolonger un dispositif censé s’arrêter dans deux mois. À quoi bon ?
Je peux toutefois donner mon avis, en faisant l’hypothèse que le Sénat réintroduira, avec la navette parlementaire, le dispositif que le Rassemblement national vient de supprimer.
Mme Mathilde Feld
Ce n’est pas le Rassemblement national, mais l’Assemblée nationale qui a supprimé l’article 8 !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Certes, mais je tiens à rappeler que le Rassemblement national est revenu de lui-même sur sa position initiale.
Aujourd’hui, le montant annuel maximal de l’IR-PME est de 10 000 euros. Si son bénéfice dépasse cette somme, l’application de la réduction d’impôt sur le revenu peut être reportée jusqu’à cinq ans. Ainsi, le dispositif me semble déjà très généreux.
Actuellement, le ticket moyen d’investissement est estimé à 3 000 euros. Le porter à 18 000 euros me semble excessif. Cette décision créerait un avantage fiscal qui n’existait pas jusqu’à présent et qui se révélerait très coûteux dans la période de restrictions budgétaires que nous traversons.
Je suggère de conserver les choses en l’état et d’en rester à l’équilibre actuel : je demande donc le retrait de l’amendement, sinon mon avis sera défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Je voudrais revenir sur la suppression du dispositif Madelin et interpeller, à ce sujet, Mme Le Pen et M. Tanguy. (Protestations sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Monsieur le député, nous discutons de l’amendement no 3602 rectifié !
M. Jérémie Patrier-Leitus
D’accord, mais cet amendement porte article additionnel après l’article 8, qui vient d’être supprimé.
Il y a quelques semaines, M. Bardella est intervenu devant le Medef. Il a aussi adressé un courrier aux entreprises et aux entrepreneurs… (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Vous ne défendez pas l’amendement, mais je vous invite à le faire. Je ne vous ai pas donné la parole pour que vous reveniez sur un vote qui a déjà eu lieu.
M. Jérémie Patrier-Leitus
L’amendement dont il est question porte article additionnel après un article supprimé. J’en ai pour quelques secondes mais je souhaite vraiment une clarification de la part du Rassemblement national. Il y a quelques semaines, Jordan Bardella a écrit aux entrepreneurs de France que l’avenir de la France devait « se conjuguer avec celui des entreprises ». En votant la suppression du dispositif Madelin, le RN vient de démontrer qu’il était incohérent et qu’il ne se tenait pas aux côtés des entrepreneurs et des entreprises de France !
Je le dis très solennellement : il y a les mots et il y a les actes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et HOR. – M. Jean-Pierre Bataille applaudit également.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 3602 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 229
Nombre de suffrages exprimés 228
Majorité absolue 115
Pour l’adoption 131
Contre 97
(L’amendement no 3602 rectifié est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Midy, pour soutenir l’amendement no 3180.
M. Paul Midy
Il porte sur une disposition du régime IR-PME qui, je l’espère, finira par être rétabli.
Plus précisément, l’amendement tend à fixer à cinq ans le délai à l’issue duquel il est possible de demander le remboursement d’un apport dans une foncière solidaire, structure concernée par l’avantage fiscal que je viens d’évoquer.
Ces foncières doivent être soutenues par cette mesure de simplification.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
L’amendement tend, en effet, à simplifier le régime fiscal des foncières solidaires en alignant sur la durée minimale de conservation des titres, cinq ans, la durée incompressible avant laquelle l’apport peut être remboursé aux souscripteurs, sept ans actuellement.
La commission ne s’est pas prononcée sur l’amendement. Quant à moi, je m’en remettrai à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le gouvernement est très favorable à cet amendement. Le modèle des foncières solidaires soutient l’investissement dans du logement à loyer très modéré et l’accompagnement social des occupants. L’ancien ministre du logement, Guillaume Kasbarian, pourra en parler plus en détail.
Vous connaissez sûrement certaines de ces foncières, présentes dans vos territoires. C’est le cas d’Habitat et Humanisme, qui propose une offre de logement, d’accompagnement et de transition vers un parcours locatif.
Le gouvernement soutient les foncières solidaires et souhaite simplifier les dispositions fiscales dont elles font l’objet.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 3180.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 225
Nombre de suffrages exprimés 225
Majorité absolue 113
Pour l’adoption 203
Contre 22
(L’amendement no 3180 est adopté.)
M. Nicolas Sansu
La pression a fonctionné !
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 2752, 3426 et 2713, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 2752 et 3426 sont identiques. Il font l’objet d’une demande de scrutin public par le groupe Écologiste et social.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Tavernier, pour soutenir l’amendement no 2752.
M. Boris Tavernier
Il tend à soutenir l’actionnariat citoyen dans les foncières solidaires, qui ont démontré leur utilité dans de nombreux domaines. On peut citer Terre de liens, qui protège les terres agricoles et contribue à installer des agriculteurs, ou, chez moi à Lyon, où il y a peu de champs mais du mal-logement, la coopérative Logement d’abord, lancée par des associations, la ville et la métropole. Grâce à l’actionnariat citoyen, cette foncière solidaire lutte contre le sans-abrisme en achetant des appartements – souvent des passoires thermiques – qu’elle réhabilite et met en location à des loyers très réduits avec des prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) à 7 euros le mètre carré. Cerise sur le gâteau, cette foncière détient des appartements et exploite un logement diffus : elle contribue donc à la mixité sociale.
Les foncières solidaires sont variées et utiles, cet amendement vise donc à les soutenir en alignant la réduction d’impôt dont elles font l’objet – l’IR-SIEG (service d’intérêt économique général) – avec celle en vigueur dans l’économie sociale et solidaire – l’IR-PME-Esus (entreprise solidaire d’utilité sociale).
Mme la présidente
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 3426.
M. Gérard Leseul
Il est identique à celui qui vient d’être très bien défendu par mon collègue. Nous devons maintenir le régime d’incitation dont bénéficient les foncières Esus au titre du dispositif IR-SIEG. C’est important, notamment dans le domaine du logement.
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Tavernier, pour soutenir l’amendement no 2713.
M. Boris Tavernier
L’amendement précédent visait à rehausser le taux de la réduction d’impôt à 30 %. Cet amendement de repli vise quant à lui à maintenir le taux actuel de 25 % jusqu’au 31 décembre 2030. Je disais à l’instant combien les sociétés foncières solidaires sont utiles et variées : elles favorisent notamment l’accès au logement ou l’installation des agriculteurs. Quant au dispositif d’incitation fiscale en question, il est très peu coûteux pour la collectivité : selon l’Inspection générale des finances, il représenterait moins de 13 millions d’euros de dépense fiscale.
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Midy, pour soutenir l’amendement no 2234.
M. Paul Midy
Il vise à s’assurer que le taux bonifié de la réduction d’impôt s’appliquant aux investissements dans les Esus et les foncières solidaires continuera de s’appliquer au-delà du 1er janvier prochain. C’est très important, et je me réjouis de constater qu’une partie de l’hémicycle qui ne goûtait guère l’IR-PME soutient à présent ce dispositif similaire d’incitation fiscale. J’espère que nous serons nombreux à voter mon amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier, pour soutenir les sous-amendements nos 3957 et 3956 à l’amendement no 2234, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.
M. Charles Fournier
De manière générale, les crédits d’impôt, les exonérations de cotisations et autres avantages fiscaux ne constituent pas nécessairement la panacée, de notre point de vue. Cependant, lorsque l’effet de levier d’un dispositif est garanti en termes d’investissement, de progrès social et écologique – comme c’est le cas ici pour les Esus –, alors nous pouvons le soutenir.
Par ces deux sous-amendements à l’amendement de M. Midy, nous proposons : avec le no 3956, de s’aligner sur le taux de la réduction d’impôt majorée à 30 % dont bénéficient par exemple les sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica) ou les fonds d’investissement de proximité dédiés à l’outre-mer ; avec le no 3957, de prolonger le dispositif jusqu’au 31 décembre 2030 au lieu du 31 décembre 2027.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements et les sous-amendements ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Si l’Assemblée ne se prononçait pas sur le dispositif, il prendrait fin au 31 décembre de cette année – le taux de la réduction d’impôt repasserait alors à 18 %.
La commission a émis un avis défavorable sur les amendements no 2752 et identique, qui visent à le porter à 30 % et à le proroger jusqu’en 2030 ; un avis favorable sur le no 2713, qui tend à proroger le taux majoré actuel jusqu’en 2030 ; et également favorable sur le no 2234 de M. Midy, qui ne veut le proroger que jusqu’en 2027. En revanche, je suis défavorable aux deux sous-amendements de M. Fournier.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
J’ai exprimé le soutien du gouvernement aux foncières solidaires, qui permettent de faciliter le parcours locatif, en particulier celui des ménages les plus modestes. Je suis favorable à l’amendement no 2234 et défavorable aux autres, qui visent – comme les sous-amendements de M. Fournier, d’ailleurs – soit à majorer le taux de la réduction d’impôt, soit à la prolonger au-delà de ce que nous souhaitons.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Sommes-nous sûrs que le dispositif s’éteindra au 1er janvier si l’Assemblée ne se prononçait pas ? L’exposé des motifs de l’article 8 n’en fait pas mention ; en outre, si l’on consulte les pages 63 et 64 de l’évaluation préalable des articles annexée au PLF, il apparaît que, si le dispositif n’est pas modifié, il reste en l’état. L’article 1764 du code général des impôts prévoit certes des amendes pour ceux qui ne respecteraient par leurs engagements, néanmoins il me semble que nous sommes face à un vide juridique – ou à une divergence d’interprétation juridique – quant au niveau du taux à venir de la réduction d’impôt à partir du 1er janvier prochain.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je reprends l’explication apportée au député Jean-Philippe Tanguy au début de l’examen de l’article 8. Si l’on ne fait rien, le dispositif IR-PME intermédié s’arrêtera au 31 décembre 2025, date limite de la notification de la Commission européenne.
M. Matthias Renault
Cela relèverait donc du droit européen ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Non, c’est du droit français, en vue de la bonne application des traités européens. Le gouvernement a proposé l’article 8 afin de sécuriser le dispositif dans sa version intermédiée. Si vous ne le votez pas, nous devrons repartir de zéro, c’est-à-dire qu’il nous faudra élaborer un dispositif que nous devrons de nouveau notifier à la Commission européenne. Or nous sommes certains, étant donné les modalités de notification de cette dernière – par rapport à celles d’une simple prolongation – et au vu de nos récents échanges de courriers avec elle, que cela équivaudrait à sa suppression.
C’est la raison pour laquelle nous avons cherché à sécuriser la prolongation du dispositif. Je l’ai indiqué à M. Tanguy lorsque j’ai donné mon avis sur son amendement de suppression de l’article 8. Cela n’a pas empêché votre groupe de maintenir son opposition à l’article 8, alors même que vous aviez vous-même étendu sa portée, contre mon avis ! Je souligne ici une incohérence : vous ne pouvez pas choisir d’étendre le dispositif proposé par M. Midy puis rejeter l’ensemble ! D’autant que j’avais pris soin de souligner que l’extension que vous proposiez allait au-delà de ce que nous avions notifié à la Commission, ce qui induirait de nouveaux courriers. Nous avons un dispositif qui fonctionne : sécurisons-le.
Je rappelle également que l’IR-PME liée aux investissements directs n’est pas concernée par l’article 8 – cela tombe bien, ce n’était pas l’objet de notre débat. Je l’ai indiqué plusieurs fois, y compris à vous-même, monsieur Renault : j’ai bien distingué entre l’investissement direct, les FCPI, le PEA-PME, l’assurance vie et le dispositif intermédié de l’IR-PME dédié aux investissements indirects.
C’est ce dernier que nous avons cherché à sécuriser juridiquement, car nous avons à son sujet un débat juridique depuis 2018 avec la Commission – Mme Olivia Grégoire, M. Laurent Saint-Martin et moi-même nous sommes beaucoup impliqués à l’époque. Or si vous maintenez votre vote sur l’article 8 dans le cadre de la navette, nous ne pourrons pas le faire : le dispositif disparaîtra au 1er janvier 2026 et il devra être reproposé sur de nouvelles bases, ce qui rendra son destin plus qu’incertain au vu des courriers échangés avec la Commission à son sujet. Bref, votre vote conduit à la suppression de facto de l’IR-PME intermédié. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.
Mme Christine Pirès Beaune
Monsieur Midy, la nuance est souvent préférable aux raisonnements binaires. Le groupe socialiste a prouvé qu’il voulait soutenir les PME en votant l’augmentation du plafond de l’IS à taux réduit pour toutes les PME. Cependant, il faut bien reconnaître que le dispositif Madelin n’aide que très peu les PME, en réalité ! (Exclamations sur quelques bancs des groupes EPR, DR et HOR.) Écoutez bien ce chiffre : les FIP et les FCPI lèvent environ 300 millions d’euros par an, soit 0,01 % de la capitalisation des TPE et des PME françaises.
Nous voterons l’amendement identique no 3426 de M. Leseul qui prolonge le dispositif jusqu’à 2030, et, s’il n’est pas adopté, nous voterons l’amendement de repli de M. Midy, car il va dans le bon sens, quoiqu’il ne vise à le prolonger que jusqu’à 2027 et que nos entreprises aient besoin de la plus grande visibilité possible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Wauquiez.
M. Laurent Wauquiez
Nous venons d’assister à un moment d’amateurisme très préoccupant : le vote du Rassemblement national sur l’article 8 entraîné, sans qu’ils en aient conscience, la suppression d’un outil précieux pour toutes les TPE et les PME de notre pays, qui comptent sur cet outil pour investir. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, HOR et sur quelques bancs du groupe Dem.) Après tout, ce n’est pas très étonnant : le RN a déjà voté 34 milliards d’euros d’augmentations d’impôts avec la France Insoumise et le PS ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
Vous décrédibilisez votre propre message !
M. Laurent Wauquiez
En l’occurrence, vous jouez avec nos entreprises et nos industries, alors qu’elles ont besoin d’investir pour aller de l’avant. Vu la gravité de la situation, madame la ministre, je sollicite une seconde délibération, en sorte que nous puissions revenir sur cette folie votée par le Rassemblement national au détriment de nos entreprises et de notre tissu industriel. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Midy.
M. Paul Midy
Merci au président Wauquiez. Nous devons en effet soutenir nos PME, et cette seconde délibération est une très bonne idée. Pour ce qui concerne la série d’amendements en discussion, je propose évidemment que nous convergions pour voter mon amendement no 2234. À ce propos, je salue le travail de Mme Grégoire, ancienne ministre de l’économie sociale et solidaire (ESS), et de M. Charles Fournier, puisque nous nous accordons tous deux chaque année sur ce sujet.
Le groupe EPR soutiendra également le sous-amendement no 3957 de M. Fournier, qui donne un peu plus de cette visibilité chère au cœur de Mme Pirès-Beaune ; nous nous abstiendrons sur le sous-amendement no 3956 qui vise à augmenter le taux de la réduction d’impôt. Nous recherchons un compromis et une majorité pour voter le no 2234, au bénéfice des Esus, des foncières solidaires et de l’ESS.
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault, pour un rappel au règlement.
M. Matthias Renault
Je voudrais revenir sur la seconde délibération demandée par M. Wauquiez, prévue par l’article 101 de notre règlement. Monsieur Wauquiez, peut-être êtes-vous spécialiste des questions fiscales et nationales…
M. Laurent Wauquiez
C’est vous qui n’avez pas compris votre propre vote !
M. Matthias Renault
Je vais donc poser autrement la question, car je n’ai pas compris votre réponse, madame la ministre : au 1er janvier 2026, la non-application du dispositif Madelin sera-t-elle due à notre loi ou à une décision de la Commission européenne ?
M. Jean-Philippe Tanguy
Erreur 404 !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Matthias Renault
Pourquoi n’y a-t-il rien à ce sujet dans l’évaluation préalable des articles du projet de loi de finances ? Ne serions-nous pas confrontés à un manque d’information du Parlement ?
Après l’article 8 (suite)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 2752 et 3426.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 242
Nombre de suffrages exprimés 241
Majorité absolue 121
Pour l’adoption 89
Contre 152
(Les amendements identiques nos 2752 et 3426 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 2713, accepté par la commission, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
(Le sous-amendement no 3957, repoussé par la commission et le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 3956.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 240
Nombre de suffrages exprimés 209
Majorité absolue 105
Pour l’adoption 86
Contre 123
(Le sous-amendement no 3956 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 2234, sous-amendé, est adopté.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour un rappel au règlement.
M. Laurent Wauquiez
Sur le fondement de l’article 101, alinéa 1, et pour que les choses soient claires : je demande formellement que soit procédé à une seconde délibération sur l’article 8, suite à la folie à laquelle nous avons assisté.
Mme la présidente
À la demande du rapporteur général, je suspends la séance.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à douze heures.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Article 9
Mme la présidente
Sur l’amendement no 1313 rectifié, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky.
Mme Léa Balage El Mariky
Cet article est un coup de pouce en faveur des associations, afin que la solidarité individuelle leur vienne en aide – puisque la solidarité nationale, elle, est saignée par ce projet de budget. Près de 2 millions de salariés du secteur, qui contribuent à l’intérêt général, se trouvent fragilisés et connaissent un plan social à bas bruit. Les associations nous le disent : elles ne tiennent plus.
Sur un tel article, que propose le Rassemblement national ? Leur sport préféré : la préférence nationale. Que vous êtes prévisibles ! Les associations sont déjà multicontrôlées, chaque euro dépensé doit être justifié, contrairement à ce que vous faites au Parlement européen. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Olivier Faure applaudit également.) Contrôlons plutôt l’argent que nous donnons aux entreprises qui délocalisent, qui licencient, qui discriminent, plutôt que d’aller chercher des poux aux associations culturelles, artistiques, environnementales ou de mémoire, qui font vivre nos villes et villages. Cela ne tient plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS, sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Feld, pour soutenir l’amendement no 1313 rectifié.
Mme Mathilde Feld
Je m’associe aux propos de la collègue Balage El Mariky. Par cet amendement, nous proposons de transformer la réduction d’impôt dite Coluche en crédit d’impôt. Cette réduction d’impôt permet d’inciter les contribuables à la générosité envers une association. Elle est essentielle à la survie du tissu associatif. Le nombre de leurs bénéficiaires a été multiplié sous l’effet des politiques antisociales de la Macronie : les Restos du cœur ont enregistré 400 000 bénéficiaires supplémentaires depuis cinq ans, pour atteindre le chiffre record de 1,3 million de personnes accueillies.
Évidemment, il n’est pas satisfaisant de faire appel à la générosité pour venir en aide à des Français plongés dans la misère à cause de la brutalité cynique des dirigeants de ce pays. Mais c’est la moindre des choses de permettre à ceux qui ont peu, qui ne payent pas d’impôt et qui veulent quand même partager, de bénéficier des mêmes avantages que les autres grâce à un crédit d’impôt. Cet amendement a été adopté à l’unanimité – me semble-t-il – en commission. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir le sous-amendement no 3962.
M. Jean-Philippe Tanguy
Comme l’a indiqué le rapporteur général Juvin en commission, cet amendement pourrait coûter jusqu’à 12 milliards d’euros par an si tout le monde en faisait usage. (M. le rapporteur général fait de la tête un signe de dénégation.) Nous proposons de limiter ce crédit d’impôt à 100 euros par an et par ménage : en effet, les études montrent que 58 % des ménages français font chaque année un don aux associations inférieur à 100 euros. Cet étiage correspond à celui des familles des classes moyennes et populaires ; il préviendrait les effets d’aubaine.
Le coût de la mesure serait de 2 milliards d’euros – un montant significatif que ce sous-amendement empêcherait de déraper. En effet, instaurer un crédit d’impôt de 1 000 euros pour tous les foyers français représenterait une perte extravagante pour les finances publiques et discréditerait la bonne intention initiale.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
L’amendement de Mme Feld a été adopté par la commission à une large majorité ; il vise à transformer la réduction d’impôt en crédit d’impôt. À titre personnel, je ne voterai pas en sa faveur parce que je n’arrive pas à savoir combien il coûterait, sachant que la réduction d’impôt représente déjà 550 millions d’euros par an. Toutefois, monsieur Tanguy, je ne me souviens pas avoir évoqué un coût de 12 milliards d’euros – ou alors je me trouvais dans un état second ! Le coût n’atteindrait évidemment pas cette somme mais serait certainement supérieur aux 550 millions d’euros, peut-être de quelques centaines de millions d’euros.
Le sous-amendement de M. Tanguy n’a pas été examiné en commission. Il vise à limiter le crédit d’impôt à 100 euros par ménage, contre 1 000 euros aujourd’hui.
Avis défavorable au sous-amendement et défavorable à titre personnel à l’amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je dois dire ma totale stupeur devant le sous-amendement de Jean-Philippe Tanguy.
M. Hervé Saulignac
C’est une honte !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Nous disposons de plusieurs régimes de dons aux associations. Parmi eux figure un régime fortement bonifié à l’égard des associations qui viennent en aide aux plus démunis : le Secours populaire, Les Restos du cœur, par exemple. Chaque contribuable peut faire un don qui, jusqu’à 1 000 euros par an, sera soumis à une déduction fiscale de 75 %.
Ces associations nous ont dit qu’elles faisaient face à plusieurs difficultés et qu’elles cherchaient à lever davantage de fonds. Il nous a paru dès lors opportun d’inciter à un geste collectif de solidarité en relevant le plafond de 1 000 à 2 000 euros, tout en assumant que certaines personnes donneront peut-être davantage aux associations concernées qu’à d’autres causes – ce qui fait l’objet d’un débat dans le monde associatif.
Il s’agit d’une réduction d’impôt : elle ne peut donc bénéficier qu’à ceux qui sont imposables. Mme Feld propose de la remplacer par un crédit d’impôt, afin que les ménages non imposables puissent également bénéficier de cette incitation à donner aux associations qui viennent en aides aux personnes démunies. Cela sans modifier le plafond, qui resterait fixé à 1 000 euros par an et par ménage.
Cette transformation de la réduction d’impôt en crédit d’impôt aurait un coût certain, comme le constate le rapporteur général. De plus, elle n’est pas demandée par les associations d’aide aux personnes vulnérables…
M. Jean-François Coulomme
Si ! Si !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…qui réclament plutôt le doublement du plafond de la réduction d’impôt.
Le gouvernement propose de renforcer le soutien aux Restos du cœur, au Secours populaire, au Secours catholique – bref, aux associations dans lesquelles des bénévoles accompagnent les ménages les plus modestes du pays. Quelle ne fut pas ma stupeur en découvrant votre sous-amendement, monsieur Tanguy, qui tend à diviser par dix – par dix ! – le montant que chaque ménage pourra donner en bénéficiant d’une déduction au taux majoré de 75 %.
M. Gérard Leseul
C’est honteux !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Madame Feld, votre amendement entend-il fixer un plafond de 1 000 euros au crédit d’impôt, ou à 2 000 euros ?
M. Manuel Bompard
À 2 000 euros puisque le gouvernement entend doubler le plafond de la réduction d’impôt, que nous voulons transformer en crédit d’impôt !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Quoi qu’il en soit, monsieur Tanguy, ou bien je ne suis pas parvenu à lire votre sous-amendement, ou bien il contrevient à l’esprit dans lequel le gouvernement souhaite agir. Tel qu’il est rédigé, son intention demeure incompréhensible.
Mme la présidente
Madame la ministre, quel est donc votre avis ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Avis défavorable à l’amendement de Mme Feld, en raison de son coût pour les finances publiques. Avis très défavorable au sous-amendement de M. Tanguy, qui ne me paraît pas avoir lu l’amendement qu’il sous-amendait…
Mme la présidente
Merci !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…puisque cela revient à diviser par dix l’incitation faite aux ménages de donner aux associations.
Mme Christine Arrighi
On a compris !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Madame Le Pen, il me semble que, politiquement, je dois alerter la représentation nationale sur ce que vous proposez. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR. – Mme Marine Le Pen fait signe à la ministre de partir.)
M. Bruno Bilde
Pas de leçon !
Mme la présidente
La parole est à Mme Pascale Got.
Mme Pascale Got
Transformer la réduction d’impôt en crédit d’impôt, comme le propose Mme Feld, c’est reconnaître équitablement tous les bénévoles, y compris les retraités modestes et les étudiants ; c’est garantir l’égalité entre les bénévoles imposables et non imposables. (M. Gérard Leseul applaudit.) Cet amendement permettra aussi de simplifier la prise en compte des frais kilométriques et de valoriser officiellement l’engagement bénévole comme une contribution économique et sociale – non comme un simple temps libre.
Le bénévolat n’est pas une niche fiscale : c’est un acte civique et social. Les associations sont des partenaires de l’action publique : elles apportent proximité, innovation et confiance. Le groupe Socialistes et apparentés invite donc à voter en faveur de cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Monsieur Tanguy, je ne comprends pas votre amendement. Se tient aujourd’hui au Palais des congrès, non loin d’ici, le Forum national des associations et fondations. Vous savez bien, vous qui êtes comme moi un député rural, que ces associations tiennent une grande partie du pays : les Petits frères des pauvres, Les Restos du cœur, le Secours catholique, le Secours populaire…
M. Matthias Tavel
Ce n’est pas votre politique qui les aide !
M. Jérémie Patrier-Leitus
Pourquoi vouloir abaisser le plafond d’un dispositif de soutien qui a fait ses preuves ? Ce crédit d’impôt n’est pas une niche fiscale : les associations et fondations participent au lien intergénérationnel et au lien social auxquels vous êtes attachés. Je ne comprends pas pourquoi vous souhaitez, avec votre sous-amendement, pénaliser la générosité des Français qui permet aux associations et aux fondations de fonctionner.
M. Hervé Saulignac
C’est irresponsable !
M. Jérémie Patrier-Leitus
Ce serait un très mauvais signal à leur envoyer, elles qui nous regardent ! Si je peux me permettre, je vous demande de retirer ce sous-amendement qui viendrait les fragiliser. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Madame la ministre, je vous rassure : nous avons déposé ce sous-amendement en pleine conscience !
M. Olivier Faure
C’est bien ça le problème !
M. Jean-Philippe Tanguy
L’amendement de Mme Feld, que nous avons soutenu en commission et que nous nous apprêtons de nouveau à voter, ouvrirait jusqu’à 2 000 euros – un amendement du groupe Droite républicaine va même jusqu’à 2 500 euros – de crédit d’impôt à tous les ménages français. Nous sommes bien d’accord ? (Mme la ministre acquiesce.)
Vous préférez donc, si je comprends bien, ouvrir un crédit d’impôt de 2 000 euros…
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je suis contre !
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est pourtant bien ce qui va arriver : l’amendement de Mme Feld a été adopté par la commission et il le sera de nouveau tout à l’heure. Ne nous refaites pas le même cirque que lors de la discussion de l’article 8 ! Vous préférez, donc, offrir un crédit d’impôt à tous les ménages français.
M. Hervé Saulignac
Ça n’a aucun sens de parler de tous les ménages !
M. Gérard Leseul
Il s’agit uniquement de ceux qui donnent !
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous préférons également, pour notre part, un crédit d’impôt à une réduction d’impôt : cette dernière est de nature discriminatoire, puisque les ménages les plus fortunés peuvent en disposer pour aider les associations tandis que les ménages les plus modestes, qui ne payent pas d’impôt, ne le peuvent pas.
Le coût de ce crédit d’impôt, accordé à tout le monde, serait toutefois considérable pour les finances publiques. Lors de l’examen du texte en commission des finances, les élus macronistes ont donné le chiffre de 12 milliards… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés des groupes RN et UDR applaudissent ce dernier.)
Mme la présidente
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
L’amendement que nous proposons ne se substitue pas à l’article ; il le complète, en proposant d’ajouter à l’augmentation du plafond de la réduction d’impôt la possibilité de transformer cette dernière en crédit d’impôt.
Vous prétendez, madame la ministre, que les associations ne demandent pas un crédit d’impôt mais seulement l’augmentation du plafond ; or elles demandent les deux. Leur situation est aujourd’hui très difficile. La précarité alimentaire, par exemple, progresse de manière vertigineuse. Nous devons les aider davantage.
Permettez-moi de vous dire ma stupéfaction face au sous-amendement de M. Tanguy et à ses explications alambiquées. Ce sous-amendement ne tient pas la route car, s’il était adopté, le plafond qu’il prévoit ne s’appliquerait pas uniquement au crédit d’impôt mais également à la réduction d’impôt déjà en vigueur.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Exactement !
M. Manuel Bompard
L’adoption de ce sous-amendement entraînerait une désincitation à donner au Secours populaire, à Emmaüs… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent ce dernier.)
M. Pierre Cordier
Et au Secours catholique, monsieur Bompard !
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz
L’avoir fiscal permet une déduction d’impôt, tandis que le crédit d’impôt est destiné à ceux qui ne sont pas imposables.
La niche Coluche – je n’aime pas ce nom, mais passons – fonctionne, au service de nos associations.
Le crédit d’impôt figurant dans l’amendement de Mme Feld, madame Got, ne revient pas particulièrement à reconnaître le bénévolat : ne mélangeons pas tout !
M. Pierre Cordier
Il reconnaît les donneurs !
Mme Marie-Christine Dalloz
Le dispositif existant peut sans doute être amélioré, mais il ne faut pas le remettre pas en cause. Le sous-amendement de Jean-Philippe Tanguy, quant à lui, nuirait grandement aux associations œuvrant auprès des plus démunis : c’est intolérable. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR et EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Reprenons. La niche Coluche est une bonification d’exonération permettant de déduire de ses impôts jusqu’à 75 % de ses dons, dans la limite d’un plafond de 1 000 euros.
Le gouvernement, par l’article 9, propose de passer ce plafond à 2 000 euros. Mme Feld propose, quant à elle, de transformer cette réduction d’impôt en crédit d’impôt plafonné à 2 000 euros.
M. Jean-François Coulomme
Elle propose un crédit d’impôt parce que les donneurs sont des gens modestes !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Monsieur Tanguy, enfin, propose par un sous-amendement un crédit d’impôt plafonné, lui, à 100 euros. Si, donc, l’amendement de Mme Feld ainsi sous-amendé est adopté, les Restos du cœur, le Secours populaire ou encore le Secours catholique auront dix fois moins de soutien qu’ils n’en ont actuellement et vingt fois moins que ce que propose le gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et HOR.)
M. Pierre Cordier
C’est mathématique !
M. Erwan Balanant
Retirez ce sous-amendement, ça ira mieux après !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Essayons d’éclairer les débats. Autant je comprends le sens politique de l’amendement de Mme Feld – passer d’une réduction à un crédit d’impôt –, amendement dont j’ai relevé les conséquences budgétaires, autant je ne comprends absolument pas ce vous cherchez, monsieur Tanguy, en affaiblissant les Restos du cœur, le Secours populaire et le Secours catholique. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
M. Matthias Tavel
Ils n’aiment pas la solidarité, voilà tout !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le président des Restos du cœur m’a invité au lancement de leur campagne annuelle, qui aura lieu mardi prochain, afin que la ministre des comptes publics apporte son soutien à une association en manque de moyens. Je ne comprends décidément pas ce que vous voulez faire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Philippe Tanguy
Sur le fondement de l’article 100.
Je vais donc retirer mon sous-amendement. (« Ah ! » sur plusieurs bancs.)
Nous allons nous abstenir sur l’amendement de Mme Feld et nous vous laisserons vous débrouiller avec le coût qu’il va engendrer !
M. Erwan Balanant
Arrête, tu as fait une connerie, ça ne sert plus à rien !
M. Jean-Philippe Tanguy
Mon sous-amendement aurait rapporté 4 milliards aux associations – 40 millions de foyers fiscaux avec 100 euros de crédit d’impôt –, vous racontez donc n’importe quoi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Votre raisonnement, monsieur Tanguy, est pour le moins intéressant : 100 % des foyers vont donner 100 euros. Dans quel monde vivez-vous ? Qui donne, aujourd’hui, dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC, DR et HOR. – M. Damien Girard applaudit également.)
On ne va pas forcer les gens à donner ! Le gouvernement proposait, pour ceux qui choisissent de le faire, de passer le plafond de la réduction d’impôt de 1 000 à 2 000 euros. Votre sous-amendement était pour le moins étrange – il est de bonne politique que vous le retiriez. (M. Jean-Philippe Tanguy s’exclame.)
Article 9 (suite)
(Le sous-amendement no 3962 est retiré.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1313 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 280
Nombre de suffrages exprimés 188
Majorité absolue 95
Pour l’adoption 110
Contre 78
(L’amendement no 1313 rectifié est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et quelques bancs du groupe EcoS. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Ray, pour soutenir les amendements nos 66 et 67, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Nicolas Ray
Ces amendements équilibrés d’Alexandre Portier prévoient, en conservant le cadre de la réduction d’impôt, d’en porter le plafond à 2 500 euros – amendement no 66 – et à 3 000 euros pour les foyers comptant au moins deux enfants – amendement no 67.
Nous renforcerions ainsi les incitations fiscales aux dons en faveur des organismes œuvrant pour les plus démunis, sans déroger pour autant à la nécessaire maîtrise des finances publiques – contrairement à l’amendement de Mme Feld, qui crée des dispenses fiscales très importantes. Le sous-amendement du Rassemblement national à ce dernier aurait, quant à lui, drastiquement limité les dons à ces associations dont le travail est formidable. (M. Frédéric Boccaletti s’exclame.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Ils auraient été intéressants si, depuis quelques secondes, la réduction d’impôt ne s’était pas transformée en crédit d’impôt. En matière de dépenses publiques, je ne sais pas très bien où nous allons. (« Ah ! Bravo ! » sur les bancs du groupe RN.) Je vous demande de retirer ces amendements ; sinon avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
La réduction d’impôt ayant en effet été transformée en crédit d’impôt, je pense que nous irions un peu au-delà de nos capacités en montant son plafond au-delà de 2 000 euros. D’une réduction d’impôt plafonnée à 1 000 euros – c’est le droit en vigueur – nous sommes passés à un crédit d’impôt plafonné à 2 000 euros : restons-en là pour l’année 2026, si toutefois cet amendement est conservé dans la navette parlementaire. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Ray.
M. Nicolas Ray
Je les retire donc – à regret, car leur caractère équilibré aurait permis d’aider les associations sans ouvrir, pour autant, les vannes de la dépense publique.
(Les amendements nos 66 et 67 sont retirés.)
Mme la présidente
Je vous informe que je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement no 3421 par le groupe Ensemble pour la République et sur l’article 9 par les groupes Rassemblement national et Ensemble pour la République.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
L’amendement no 3421 de la commission est rédactionnel.
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Favorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.
Mme Christine Pirès Beaune
Je saisis l’occasion de cet amendement rédactionnel pour prendre la parole, puisque vous n’avez pas pu me la donner avant, madame la présidente
Ces amendements répondent à la situation financière très difficile dans laquelle se trouvent les associations du fait de l’augmentation de la pauvreté. Nous aurions préféré que ces associations aient les moyens de vivre sans réduction ou crédit d’impôt – et que les Français aient les moyens de vivre sans ces associations.
Votre chiffrage à 12 milliards d’euros, monsieur le rapporteur général, n’a absolument aucun sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Pensez-vous que les quelque 10 millions de Français qui peinent à finir le mois et à remplir leur frigo peuvent se payer le luxe de donner quoi que ce soit aux associations caritatives ?
M. Pierre Cordier
Ce sont souvent les plus modestes qui donnent, madame !
Mme la présidente
Si je ne vous avais pas donné la parole, madame Pirès Beaune, c’est que Mme Got l’avait déjà eue, pour le groupe socialiste, sur l’amendement no 1313 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Si j’assume tout ce que je dis, je n’assume pas ce que je ne dis pas ! Je ne sais pas d’où vient ce chiffre de 12 milliards – des chercheurs se pencheront sûrement sur cette question. (Sourires.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 3421.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 275
Nombre de suffrages exprimés 229
Majorité absolue 115
Pour l’adoption 228
Contre 1
(L’amendement no 3421 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 9, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 275
Nombre de suffrages exprimés 258
Majorité absolue 130
Pour l’adoption 200
Contre 58
(L’article 9, amendé, est adopté.)
Rappels au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Philippe Tanguy
Sur le fondement de l’article 101 de notre règlement.
Le groupe Rassemblement national entend s’associer à la demande de seconde délibération sur l’article 8. (« Ah ! » sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Philippe Gosselin
C’est un aveu !
M. Erwan Balanant
Je croyais que c’était honteux ?
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous l’assumons, comme le reste, sans aucune difficulté.
Nous n’acceptons pas que l’Union européenne fasse la loi à la place de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Nous n’acceptons pas que la Commission européenne fasse la loi à la place de la France. (Mêmes mouvements.)
M. Philippe Gosselin
Ça rame !
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)
Mme la présidente
Nous en prenons acte, mais il n’est pas permis, dans un rappel au règlement, de dévier sur le fond. (M. Antoine Léaument s’exclame.)
M. Jean-Yves Bony
Bien essayé !
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Cazeneuve
Au titre de l’article 101, alinéa 1, sur les secondes délibérations.
Je tenais à rappeler les propos que M. Tanguy a tenus, il y a deux jours, sur les secondes délibérations. (« C’est hors sujet ! » sur les bancs du groupe Rassemblement national.)
Mme la présidente
J’ai coupé M. Tanguy, après avoir pris acte de sa demande, parce qu’il revenait sur le fond. N’allez pas faire pareil à votre tour !
M. Pierre Cazeneuve
En aucune façon, car je m’en tiens à la question des secondes délibérations. M. Tanguy, il y a deux jours, a donc accusé l’Assemblée nationale, le gouvernement et notre groupe d’avoir utilisé la pire forme d’antiparlementarisme en demandant une seconde délibération sur la C3S – la contribution sociale de solidarité des sociétés. Il me semble que vous avez quelque peu changé d’avis sur ce sujet, monsieur Tanguy ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Philippe Gosselin
C’est à géométrie variable avec eux !
M. Alexandre Sabatou
Quel est le problème ? Nous allons dans votre sens !
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel, pour un rappel au règlement.
M. Matthias Tavel
Également sur la base de l’article 101 de notre règlement.
Des collègues semblent découvrir le débat budgétaire – et qu’il est préférable de lire avant de voter. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Thierry Tesson
Monsieur le professeur !
Mme la présidente
Ce n’est pas un rappel au règlement, monsieur Tavel.
M. Matthias Tavel
J’y viens. Nous ne pourrons avoir de seconde délibération sur l’article 8, comme le souhaitent certains, que si nous allons jusqu’au vote de la partie recettes du PLF. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Damien Girard applaudit également.)
M. Patrick Hetzel
Elle peut avoir lieu avant !
M. Matthias Tavel
La moindre des choses serait alors que vous preniez l’engagement, madame la ministre, que nous y parvenions effectivement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Jusqu’à présent, les secondes délibérations ont toujours été demandées par les présidents des commissions.
Mme Ségolène Amiot
Pas toutes !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Si le gouvernement a renoncé au 49.3, c’est pour que vous ayez la maîtrise des débats, sur le fond comme dans leur déroulement.
Ce n’est pas à moi d’accepter ou non une seconde délibération. Les commissions sont seules souveraines, et vous êtes souverains dans l’organisation des débats. Vous connaissez les règles et les procédures ; c’est votre choix collectif.
Monsieur Tavel, ce n’est pas à moi de m’engager pour que les débats avancent. Je le répète, vous avez la maîtrise. Je n’ai pas l’impression que mes propos sont abusivement longs. J’essaie d’éclairer les débats sur des sujets où, à mon avis, certains font preuve d’une certaine incohérence. Mais vous gardez la maîtrise du fond, du rythme et des débats. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. Mme Julie Laernoes s’exclame également.)
M. Matthias Tavel
On a quand même vu ce qui s’est passé hier !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je le répète, ce n’est pas à moi de m’engager, c’est au Parlement. Je suis simplement à votre disposition : vous me posez des questions, je réponds ; j’alerte, j’éclaire – c’est mon seul rôle dans cet hémicycle.
M. Matthias Tavel
Vous éclairez, mais vous éteignez aussi !
Mme la présidente
La parole est à Mme Hanane Mansouri, pour un rappel au règlement.
Mme Hanane Mansouri
Sur la base de l’article 101, nous demandons également une seconde délibération. Le gouvernement n’a pas transmis d’information – il n’y a rien, ni dans le projet de loi, ni dans l’étude d’impact. Il va donc falloir revoir cet article. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDR et RN.)
Après l’article 9
Mme la présidente
Sur les amendements nos 2474, 1534 et les amendements identiques nos 241 et 2131, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir l’amendement no 2474, portant article additionnel après l’article 9.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Cet amendement d’Aymeric Caron propose de limiter, voire de décourager, les subventions accordées à la corrida et aux écoles taurines. (Exclamations sur plusieurs bancs.) Dans cet hémicycle, nous avons déjà tenté d’abolir la pratique de la corrida, pratique cruelle et archaïque. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Elle constitue une véritable tache dans notre droit pénal, puisque l’article 521-1 du code pénal interdit les actes de cruauté envers les animaux. Pourtant, une dérogation subsiste pour la corrida.
Honnêtement, nous ne pouvons pas défendre les chats et les chiens, tout en acceptant que l’on torture un animal domestique sous prétexte que cela se déroule dans une arène. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Un député du groupe RN
Et l’abattage rituel, vous en pensez quoi ?
Mme Anne Stambach-Terrenoir
L’argument de la tradition ne tient pas. Quelle est la véritable question posée à notre société ? En 2025, acceptons-nous d’ériger la torture, la souffrance et la mort d’un animal sensible en spectacle ?
M. François Cormier-Bouligeon
AdopteUnTaureau.com !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
En réalité, les Français ont déjà tranché : plus de 80 % d’entre eux souhaitent la fin de la corrida. À défaut de pouvoir l’interdire aujourd’hui, nous proposons qu’au moins l’argent public cesse de subventionner la cruauté envers les animaux. Non ! La mort n’est pas un divertissement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Je comprends que certaines populations – notamment celles vivant dans des régions qui n’ont pas cette tradition –, puissent être touchées par cette pratique.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Ce n’est pas mon cas !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Mais la question n’est pas là : je crois savoir que la corrida n’est pas interdite en France. Je ne vois donc pas sur quelle base juridique nous pourrions agir. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Ségolène Amiot
C’est une dérogation qui ne vaut que pour les coqs et les taureaux ! Il faut arrêter de prendre les gens pour des idiots !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Si vous ne cessez pas de crier, nous n’allons pas réussir à nous entendre. Je vous indique mes arguments. Ils sont, me semble-t-il, raisonnables. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Je crois également en la libre administration des collectivités territoriales. Celles-ci n’ont pas à être dirigées dans leurs choix politiques, car il existe un juge de paix – l’électeur municipal.
M. Jean-François Coulomme
On parle tout de même d’argent public !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Ensuite, vous parlez d’exclure certaines associations de la possibilité de percevoir des dons défiscalisés. Mais toutes les associations n’en perçoivent pas – elles doivent être reconnues d’utilité publique. Votre demande est donc partiellement satisfaite.
En conséquence, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Nous avons déjà eu plusieurs jours de débats où, sous couvert du droit fiscal, les discussions ont largement dépassé le simple fonctionnement du code général des impôts. Or, de nombreux sujets ne se traitent pas par le biais des niches fiscales ou autres dispositifs similaires.
Je ne suis pas la ministre en charge de ces questions et ne suis donc pas compétente pour mener avec vous un débat sur la corrida ou les courses taurines.
En revanche, je peux l’affirmer : le droit fiscal suit le droit pénal. Une association qui ne respecte pas le droit – et a fortiori le droit pénal – est dissoute. Lorsqu’une association est dissoute, les crédits ou réductions d’impôt dont elle bénéficiait s’arrêtent. Dans certains cas, l’association peut même être contrainte de rembourser ou de verser des dommages et intérêts.
Il me semble par ailleurs compliqué d’aborder la dotation globale de fonctionnement (DGF), dont vous souhaitez encadrer l’utilisation, dans le cadre d’une discussion sur le code général des impôts et les niches fiscales.
En outre, il n’existe pas dans notre pays de filtre fiscal permettant de juger du contenu ou du motif associatif. La direction générale des finances publiques (DGFIP) et les inspecteurs des impôts n’ont pas à se prononcer sur l’existence d’une association. Soit une association existe et elle a droit à la réduction d’impôt, soit elle est interdite et elle n’a pas droit à la réduction d’impôt – c’est une tautologie.
Troisième élément : vous souhaitez, par exemple, qu’une école taurine qui bénéficie d’un don communal, ne bénéficie pas de la réduction d’impôt. Mais le code des impôts est clair : chaque commune agit librement avec les associations, sous réserve de rendre compte au préfet dans le cadre du contrôle de légalité. Si une association est légale, elle peut donc bénéficier de la réduction d’impôt à hauteur de 66 %, sous les plafonds et pour les motifs que vous connaissez tous.
En conséquence, je suis défavorable à cet amendement.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Madame la ministre, vous nous embrouillez ! Certes, les associations qui ne respectent pas le code pénal ne sont pas concernées. Mais c’est bien là le problème : la corrida constitue une véritable faille dans notre code pénal.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Donc je ne suis pas la bonne ministre !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Ce qui est strictement interdit pour tous les animaux, en tous lieux, devient autorisé lorsqu’il s’agit d’un taureau dans une arène.
M. Patrick Hetzel
Mais ce n’est pas le sujet !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
C’est un véritable problème. Vous évoquez la tradition régionale pour excuser la perpétuation de telles cruautés. Mais les corridas sont désormais interdites dans de nombreuses régions où elles étaient de tradition. C’est le cas à Toulouse, par exemple, où les arènes sont devenues un lycée, et non plus un lieu de corrida.
La Catalogne, qui fut l’un des hauts lieux de la corrida dans le monde, a également mis fin à cette pratique, car la population a estimé qu’elle n’était plus tolérable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Vincent Descoeur
Respectons seulement la loi ! Vos propos sont réducteurs !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Nous devons en réalité répondre à une question éthique : acceptons-nous, oui ou non, d’ériger en spectacle la torture d’un animal ? (Le temps de parole étant écoulé, la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent cette dernière.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandra Regol.
Mme Sandra Regol
Nous n’allons pas refaire le débat pour ou contre la corrida. En revanche, nous débattons dans le cadre d’un exercice budgétaire et devons nous interroger : comment orienter l’argent public afin qu’il serve au mieux et de manière égale à toutes les Françaises et Français ? Nous parlons de pratiques minoritaires, qui concernent donc très peu de personnes.
M. Vincent Descoeur
Si l’on commence à s’attaquer aux pratiques minoritaires… Dans ce cas, avec moins d’associations de chasseurs, vous auriez aussi moins de chasseurs !
Mme Sandra Regol
Peut-être pouvons-nous collectivement considérer – y compris ceux qui défendent la corrida – qu’il serait préférable de ne pas utiliser les niches fiscales pour ces pratiques, et d’utiliser cet argent pour des choses plus utiles.
Messieurs les grands défenseurs de l’économie française, c’est une mesure pragmatique et utile pour le pays. Nous voterons cet amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
Prenez l’habitude de lever simplement la main, s’il vous plaît ; ne claquez pas des doigts – ce n’est pas une façon de faire. Je vous vois ; vous êtes en face de moi, monsieur de Courson.
M. Charles de Courson
Cet amendement est inconstitutionnel. Pourquoi ? Parce que la Constitution garantit la libre administration des collectivités territoriales. Vous ne pouvez donc pas déposer un amendement visant à interdire la corrida avec un tel dispositif. Il suffit de déposer un amendement qui modifie le code pénal, mais cela sort du cadre du débat budgétaire.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Mme Marine Le Pen
Je partage l’avis de M. de Courson. Chacun peut aimer ou ne pas aimer la corrida, souhaiter son interdiction, ou pas, mais ce n’est pas le débat aujourd’hui.
M. Matthias Tavel
Vous êtes gênés aux entournures !
Mme Marine Le Pen
La gauche a tendance à vouloir interdire tout ce qu’elle n’aime pas. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Vincent Descoeur
Ce qui est minoritaire !
Mme Marine Le Pen
Pour notre part, même lorsque nous n’aimons pas, nous essayons de respecter la Constitution et, accessoirement, la liberté de ceux qui souhaitent préserver ces traditions.
Mme Sabrina Sebaihi
Tuer les animaux, c’est une tradition depuis quand ?
M. Aymeric Caron
Arrêtez ! C’est une imposture !
Mme Marine Le Pen
Soit la corrida est interdite et, dans ce cas, il n’y a évidemment pas lieu de prévoir de défiscalisation ; soit elle n’est pas interdite, et il paraît totalement inconstitutionnel d’opérer une forme d’interdiction par le biais fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Jean-François Coulomme
On va faire des corridas avec vos chats !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Si nous ouvrions le débat, cela irait beaucoup plus loin que le simple débat budgétaire.
M. Aymeric Caron
Ouvrons le débat !
M. Vincent Descoeur
On ne l’a pas vu dans l’hémicycle et il a fallu qu’on appelle son amendement pour qu’il arrive !
Mme la présidente
Monsieur le député, seule la ministre a la parole.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Monsieur Caron, je vous salue, mais essayons d’avoir un débat organisé. En l’état du droit, il n’existe aucune distinction dans le soutien dont peuvent bénéficier les associations d’intérêt général, dès lors qu’elles sont déclarées en préfecture et reconnues comme telles.
Une association d’intérêt général est une association qui exerce une activité présentant de manière prépondérante un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, concourant à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.
Mon propos vise simplement à vous alerter : si on commence à débattre de ce qui est éligible ou non, nous allons ouvrir une infinité de débats car il existe des divergences de vues sur tous les sujets, qu’ils soient scientifiques, humanitaires, sociaux, familiaux ou culturels.
Mme Sabrina Sebaihi
Eh bien ! Ouvrons le débat !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le droit est simple : si l’association est déclarée en préfecture et qu’elle est d’intérêt général, les dons à cette association bénéficient de la réduction d’impôt de 66 %. Si cette association vient en aide aux personnes, elle bénéficie de la bonification – à 75 % – que vous venez de transformer en crédit d’impôt. Le droit fiscal suit le droit civil et le droit pénal.
Enfin, madame Stambach-Terrenoir, vous l’avez dit : ce n’est pas un sujet fiscal, c’est un sujet pénal. Je ne suis pas garde des sceaux, mais ministre des comptes publics. Il faut voir avec le garde des sceaux, mais ce n’est pas le sujet du jour.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2474.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 256
Nombre de suffrages exprimés 234
Majorité absolue 118
Pour l’adoption 68
Contre 166
(L’amendement no 2474 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 1534.
M. Aurélien Le Coq
Le 11 octobre dernier, dans toutes les rues de France, le secteur associatif lançait un cri d’alerte : nos associations ne s’en sortent plus – 30 % d’entre elles rencontrent des difficultés financières et de trésorerie. Or ce sont elles qui suppléent à l’incapacité de l’État.
Dans ce pays, 350 000 personnes vivent à la rue : qui les aide ? Les associations. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Des millions de Françaises et de Français sont mal logés : qui les aide ? Les associations. Et qui aide les associations ? Certainement pas l’État, puisque les subventions publiques ont baissé de 40 % entre 2005 et 2020. Dans ce budget, il est même proposé de réduire encore la mission de 300 millions d’euros, soit près de 20 %.
C’est pourquoi nous proposons de défendre nos associations, qui ne peuvent malheureusement compter que sur les dons. Notre amendement vise à transformer la réduction d’impôt pour les dons aux associations en crédit d’impôt, afin que les 55 % de foyers non imposables dans notre pays puissent participer à la solidarité et soutenir les associations qui font vivre nos quartiers et notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Je suis assez surpris par le dispositif que vous proposez. En pratique, que va-t-il se passer ? Comme ce sont plutôt les foyers aisés qui donnent le plus, on constatera une diminution des dons aux associations.
M. Jean-François Coulomme
Ah non ! Pas en proportion des revenus !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Je ne comprends pas. Vous faites le panégyrique des associations. Vous avez raison car elles sont l’un des piliers de la République – avec des valeurs de solidarité, d’entraide, de don et de fraternité. Mais, en même temps, votre amendement revient, en pratique, à les pénaliser. C’est absurde !
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Tout le monde sera d’accord pour soutenir ce que vous avez dit au début de votre intervention, mais la mesure que vous proposez – je vous le dis crûment – rapporterait 500 millions d’euros aux caisses de l’État et en enlèverait autant aux associations. En effet, le plafonnement est actuellement fixé à 20 % du revenu imposable ; vous souhaitez le baisser à 1 200 euros. Pourtant, si votre collègue a raison de dire que les ménages modestes donnent plus en proportion de leur revenu, même avec ce taux inférieur, ce sont les dons des ménages aisés qui financent les associations. Votre proposition excède, du point de vue budgétaire, les préconisations du rapport que la mission de l’inspection générale des finances m’avait remis au début de l’été, et qui avait fait grand bruit. Elle aurait pour résultat d’enrichir l’État de 500 millions d’euros tout en privant les associations de cette somme.
Certains groupes, dans l’hémicycle, ne sont pas à une incohérence près : l’amendement vise, disent-ils, à soutenir les associations ; mais il entraînerait pour elles une perte de 500 millions d’euros. C’est contradictoire. Quant à moi, je cherche simplement à vous éclairer. Soit l’amendement n’est pas bien rédigé, soit il poursuit un autre but que celui qui est affiché. (Mme Sandra Marsaud applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Madame la ministre, pouvez-vous nous donner une estimation du montant que rapporterait aux associations la transformation de la réduction en un crédit d’impôt, qui permettrait à 55 % de la population, actuellement exclue, de faire des dons ? Des chiffres, j’en ai également : selon Odoxa, les Françaises et les Français donnent en moyenne aux associations quelque 222 euros par an. Certes, les plus aisés contribuent plus, mais en proportion bien moindre par rapport à leur revenu : chez les cadres, le don moyen est de 436 euros ; chez les indépendants, de 344 euros ; chez les ouvriers, de 191 euros ; chez les employés, de 120 euros. Je suis prêt à entendre des arguments, mais donnez-nous des détails chiffrés !
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Chers collègues de La France insoumise, on voit votre incohérence : vous avez fait un plaidoyer vibrant en faveur des associations, rappelant leur situation difficile et précaire – elles ont du mal à remplir leurs missions. Vous avez raison ; mais l’amendement que vous proposez risque, comme Mme la ministre l’a solennellement dit, de porter un coup d’arrêt, voire de mettre à mort une grande partie de nos associations et fondations, qui dépendent de la générosité du public. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous avez raison de dire qu’en proportion de leur revenu, les catégories populaires donnent plus ; mais en valeur absolue, en montant donné, ce sont les catégories les plus aisées de la population qui financent les associations. (Mme Mathilde Feld s’exclame.) Avec votre amendement, vous risquez de fragiliser ce financement.
Je ne comprends pas, chers collègues de gauche, pourquoi vous voulez toucher à ces dispositifs fiscaux alors que nos associations sont déjà mal en point.
M. Jean-François Coulomme
Parce qu’ils sont injustes !
M. Jérémie Patrier-Leitus
Elles ont besoin de stabilité, c’est ce qu’elles nous demandent. Arrêtez de détricoter tous les mécanismes fiscaux qui ont fait leurs preuves ! Un peu de stabilité et de visibilité ! (Mme Sandra Marsaud applaudit.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1534.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 267
Nombre de suffrages exprimés 217
Majorité absolue 109
Pour l’adoption 41
Contre 176
(L’amendement no 1534 n’est pas adopté.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Manuel Bompard, pour un rappel au règlement.
M. Manuel Bompard
Sur la base de l’article 100. Madame la ministre, ce n’est pas correct de ne donner qu’une partie des informations. Vous dites que modifier le plafonnement des dons aux associations conduira à priver celles-ci de 500 millions d’euros ; mais l’amendement prévoit de transformer la réduction d’impôt en crédit d’impôt. Combien cette transformation apportera-t-elle ?
M. Erwan Balanant, M. Patrick Hetzel et M. Emeric Salmon
Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Manuel Bompard
À la suite de vos propos, des collègues comme M. Jérémie Patrier-Leitus se permettent, en se fondant sur vos chiffrages biaisés, de faire des interventions qui n’ont aucun sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Monsieur Bompard…
M. Manuel Bompard
Avec tout mon respect, il serait bon de nous donner le tableau complet pour nous éclairer.
Mme la présidente
Il n’y a pas d’atteinte au règlement.
Après l’article 9 (suite)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 241 et 2131.
La parole est à M. Arnaud Bonnet, pour soutenir l’amendement no 241.
M. Arnaud Bonnet
Il concerne les réductions d’impôt sur les dons aux établissements d’enseignement privé.
L’écart de la composition sociale entre le privé et le public n’a cessé d’augmenter ces trente dernières années. De nombreux établissements publics sont ainsi en concurrence directe avec des établissements privés – qui, eux, sélectionnent leurs élèves, même s’il y a des exceptions régionales. En parallèle, les établissements privés ne jouent pas le jeu de l’inclusion. Ainsi, les unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) sont présentes dans plus de 60 % des collèges du réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+) contre moins de 20 % des établissements privés. France Info a révélé en septembre 2024 que la dotation horaire globale (DHG) – ce sigle parle beaucoup aux enseignants du secondaire – et le nombre d’heures par élève étaient bien souvent supérieurs dans les établissements privés que dans les établissements publics. La même logique est à l’œuvre dans l’enseignement supérieur. Nous surfinançons les établissements privés, sans conditions et, comme nous l’avons vu l’année dernière, souvent sans contrôle.
Les réductions d’impôt sur les dons à ces établissements, dont nous ne connaissons pas le montant total – si vous avez le chiffre, nous en sommes preneurs –, posent un problème de transparence et d’équité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Vannier, pour soutenir l’amendement no 2131.
M. Paul Vannier
Il tend à supprimer la niche fiscale dont bénéficient les particuliers qui versent des dons aux établissements privés sous contrat. En effet, nous estimons que le libre choix de quelques-uns ne peut pas être financé par l’effort de tous, d’autant que ce choix aggrave la ségrégation sociale et scolaire, et prive l’État de recettes indispensables au bon fonctionnement de l’école publique.
Cette niche fiscale jouit d’une grande opacité puisque la DGFIP est incapable d’estimer les montants qui échappent, dans ce cadre, à l’impôt. Il y a quelques jours, madame la ministre, je vous demandais de chiffrer ce mécanisme pour le volet qui profite aux entreprises ; vous étiez dans l’impossibilité de le faire. Je vous pose désormais la question pour le volet qui concerne les particuliers : pouvez-vous mesurer le montant qui échappe à l’impôt grâce à cette niche fiscale ?
J’appelle tous les collègues à voter pour la suppression de ce énième privilège fiscal dont bénéficient les établissements privés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Jean-François Coulomme
École privée, argent privé !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Je suis toujours étonné de ces amendements qui reviennent comme des marronniers pour remettre en cause, sous des allures de justice fiscale, l’enseignement privé. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Léa Balage El Mariky
Ce n’est pas vrai !
Mme Sabrina Sebaihi
Pas du tout !
Mme Christine Arrighi
Forcément, ils ne sont jamais adoptés !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Mais si, c’est la réalité. Vous oubliez que l’enseignement privé sous contrat participe au service public de l’enseignement et que le privé est aussi une source d’économies budgétaires pour l’État et les communes. (Les exclamations s’intensifient.) Quand vous êtes maire d’une commune, comme j’ai eu l’honneur de l’être, et que celle-ci abrite sur son territoire un établissement privé sous contrat, les élèves qui le fréquentent n’ont pas à être pris en charge dans les établissements publics. Vous l’ignorez peut-être mais c’est ainsi.
Mme Léa Balage El Mariky
Mais ce n’est pas vrai !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Si la vérité vous ennuie, faut-il changer la vérité ?
L’enseignement privé accueille 17 % des élèves en France.
Mme Sabrina Sebaihi
Les gens envoient leurs enfants dans le privé par choix !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Pourquoi voulez-vous fragiliser cette part de l’enseignement ?
Mme Marie-Charlotte Garin
On n’a rien contre ; mais sans l’argent public !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Les collèges et lycées d’enseignement agricole sont à 60 % privés. Enfin, la liberté d’enseignement – le libre choix du public ou du privé –, que cela vous plaise ou non, est une notion à valeur constitutionnelle. Vos amendements vont à l’encontre de ce principe. Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR.)
Mme Léa Balage El Mariky
N’importe quoi !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je répondrai de la même façon que j’ai répondu, à propos de l’amendement précédent, à M. Caron – qui est reparti (Rires sur les bancs du groupe RN) –, en vous renvoyant aux principes de notre droit. Dans le droit civil de notre République, si une association déclarée en préfecture est reconnue d’intérêt général, les dons qui lui sont faits ouvrent le droit à une réduction d’impôt de 66 %.
Mme Marie-Christine Dalloz
Bien sûr !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
C’est ainsi que cela marche. Les services fiscaux regardent si l’association est bien enregistrée et si elle est reconnue d’intérêt général ; le cas échéant, ils octroient la réduction d’impôt aux donateurs, dans les limites de 20 % du revenu imposable.
Je ne vais pas, au-delà de ce processus, entrer dans le débat sur un quelconque sujet de fond. Si nous le faisions, nous aurions des débats sur ce qu’est la bonne et la mauvaise philanthropie (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR) ;…
M. Jérémie Patrier-Leitus
Eh oui !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…la bonne et la mauvaise science ; le bon et le mauvais humanitaire ; les bonnes et les mauvaises associations sportives ; la bonne et la mauvaise politique familiale ; la bonne et la mauvaise culture. Le motif d’intérêt général est octroyé en préfecture ; si je commence à répondre à vos amendements sur le fond en estimant que telle ou telle association peut bénéficier de plus ou moins de réduction d’impôt, nous fragiliserons tout le cadre juridique des associations d’intérêt général.
Mme Léa Balage El Mariky
Mais l’enseignement privé n’est pas d’intérêt général, il concurrence l’école publique !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Si vous considérez que les organisations, les fondations et les structures d’enseignement privé sous contrat ou hors contrat ne doivent plus être considérées comme d’intérêt général, c’est un autre combat, et je ne suis pas la ministre chargée de ce sujet. Jusqu’à présent, notre pays bénéficie d’une liberté d’enseignement, et les établissements scolaires qui contribuent à l’éducation sont bien reconnus d’intérêt général – lorsqu’ils n’y contribuent pas, d’ailleurs, ils sont contrôlés et fermés.
N’ouvrons pas ce débat, sinon nous aurons des complotistes qui viendront nous dire ce qu’est la bonne manière d’être féministe,…
Mme Léa Balage El Mariky
Pour ça, il y a déjà le RN !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…de mettre en valeur le patrimoine artistique, de défendre l’environnement naturel, de diffuser notre langue, et ainsi de suite. Je ne veux pas entrer dans cette discussion. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR.)
M. Jean-François Coulomme
C’est de la politique !
Mme la présidente
Je prendrai un pour et un contre, en essayant de faire tourner la parole pour la donner à des députés qui se sont peu exprimés.
La parole est à M. Inaki Echaniz.
M. Inaki Echaniz
Nous avons bien compris l’intention de ces amendements identiques, mais une partie de mon groupe votera contre, car nous les considérons trop larges. En effet, vous n’excluez pas du dispositif le privé associatif, venu pallier le désengagement de l’État, notamment pour ce qui concerne la préservation des langues territoriales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Jérémie Patrier-Leitus applaudit également.) Je pense aux écoles diwan, calandreta et ikastola, qui fonctionnent grâce à l’implication de familles et de bénévoles ayant permis la survie de nos langues, si chères à nos concitoyens. Nous avons besoin d’elles tant que l’État n’assumera pas cette responsabilité. Nous ne pouvons pas mettre en danger ce système associatif qui irrigue nos territoires et notre culture, et nous appelons chacun à soutenir le privé associatif pour assurer à nos langues un avenir durable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Avant de donner la parole à un orateur qui est pour les amendements, je tiens à vous signaler, chers collègues, qu’on a bien avancé mais pas suffisamment : nous avons traité 26 amendements à l’heure ; il en reste 2 024. À ce rythme, il faudrait soixante-dix-huit heures pour les examiner ; il nous en reste quarante-deux. Je vous invite donc à accélérer.
La parole est à M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier
Monsieur Echaniz, le réseau des établissements privés sous contrat qui enseignent les langues régionales ne totalise qu’une petite part des contrats, dont l’écrasante majorité est allouée aux établissements de l’enseignement catholique. (« Ah ! » sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Hervé de Lépinau
Voilà l’ennemi !
M. Paul Vannier
L’amendement ne porte pas sur les moyens attribués aux écoles de langues régionales.
Madame la ministre, vous ne pouvez pas dire que les établissements privés sont contrôlés : au rythme actuel, ils le sont une fois tous les trois mille ans ; sur le plan financier, une fois tous les mille cinq cents ans.
M. Fabien Di Filippo
Sur ce point, il a raison !
M. Paul Vannier
Monsieur le rapporteur général, je veux tordre le cou à la fake news que vous propagez : j’ai compris que vous étiez le porte-parole du lobby de l’école privée (Exclamations sur les bancs du groupe DR),…
Mme Marie-Christine Dalloz
Scandaleux !
M. Paul Vannier
…mais oser dire qu’elle coûte moins cher que l’école publique c’est proférer une contrevérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Si vous considérez les frais administratifs, que vous vous intéressez au type de personnel employé par ces écoles, que vous constatez que le secteur privé sous contrat ne comprend pas ou peu d’établissements de voie professionnelle, vous verrez que le privé coûte plus cher ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 241 et 2131.
M. Corentin Le Fur
Madame la présidente, je veux faire un rappel au règlement !
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 232
Nombre de suffrages exprimés 223
Majorité absolue 112
Pour l’adoption 59
Contre 164
(Les amendements identiques nos 241 et 2131 ne sont pas adoptés.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Corentin Le Fur, pour un rappel au règlement.
M. Corentin Le Fur
Sur le fondement de l’article 100, relatif à la bonne tenue de nos débats.
Madame la présidente, j’avais demandé la parole avant le lancement du scrutin. Sur un débat de cette importance, vous ne pouvez pas laisser la gauche dialoguer avec elle-même ! Ces amendements attaquent durement l’enseignement privé…
Mme la présidente
Monsieur Le Fur, j’ai pris un pour et un contre ; il se trouve que les deux orateurs appartenaient à des groupes de gauche. Il s’agit aussi de faire tourner la parole pour éviter que ce soient toujours les mêmes députés qui s’expriment. M. Echaniz n’avait pas encore pris la parole durant cette séance.
M. Inaki Echaniz
Et c’est rare !
Mme la présidente
La suite de l’examen du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.
3. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, cet après-midi, à seize heures :
Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2026.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra