Première séance du lundi 27 octobre 2025
- Présidence de M. Sébastien Chenu
- 1. Projet de loi de finances pour 2026
- Première partie (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Sébastien Chenu
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Projet de loi de finances pour 2026
Première partie (suite)
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 (nos 1906, 1996).
Samedi 25 octobre, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 2829 portant article additionnel après l’article 2.
Après l’article 2 (suite)
M. le président
La parole est à Mme Sophie Pantel, pour soutenir l’amendement no 2829.
Mme Sophie Pantel
Cet amendement vise à corriger une inégalité qui concerne les obligations légales de débroussaillement. Elles imposent aux propriétaires d’une habitation d’intervenir jusqu’à 150 mètres autour de celle-ci – la distance varie en fonction des arrêtés préfectoraux –, y compris chez autrui. Du fait de la déprise agricole, cela coûte très cher aux habitants concernés. Il existe une réduction d’impôt, mais pas de crédit d’impôt pour ceux qui, a priori, sont les moins fortunés. Le débroussaillement est un dispositif constituant un levier essentiel pour la prévention incendie, et qui permet d’accompagner la population vers la résilience face aux feux et aux incendies.
Je vous propose, pour bien commencer cette journée, de voter à l’unanimité cet amendement, de manière apaisée.
M. le président
Merci de vos préconisations, madame la députée.
Sur l’amendement n° 2829, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
M. Philippe Juvin, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Vous avez raison, les obligations légales de débroussaillement imposées aux propriétaires sont un sujet important. Toutefois, ce que vous proposez existe déjà dans le cadre du crédit d’impôt services à la personne (Cisap), puisque les travaux de jardinage – et donc de débroussaillement – me semblent couverts. Je donnerai donc un avis défavorable. Cela dit, si nous doutions du fait que le débroussaillement puisse être couvert dans le cadre des travaux de jardinage, il faudrait préciser les choses par voie réglementaire. Je m’adresse à M. le ministre sur ce point.
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Roland Lescure, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique
Je voudrais commencer par remercier les groupes parlementaires qui ont accepté le changement d’agenda de l’examen des articles. (« On n’a pas eu le choix ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
Mme Christine Arrighi
On ne nous a rien demandé !
M. Emeric Salmon
On ne nous a pas laissé le choix !
M. Roland Lescure, ministre
J’ai l’impression que tout le monde ne l’a pas accepté, mais je voudrais tout de même remercier ceux qui l’ont fait. C’est en raison de mon propre agenda que j’ai demandé cette modification : la réunion des ministres de l’énergie et de l’environnement du G7 me conduisant à quitter Paris mercredi, j’ai demandé à pouvoir examiner en priorité les articles touchant à la fiscalité des entreprises, qui relève de ma responsabilité, d’où ma présence aujourd’hui. Je sais que vous êtes déçus, mais ne vous inquiétez pas, vous retrouverez très vite la ministre de Montchalin.
En ce qui concerne votre amendement, madame la députée, je suggère le retrait. Ces dépenses obligatoires peuvent déjà entrer dans le cadre du Cisap pour l’emploi d’un jardinier. Nous allons nous assurer que les dispositifs réglementaires permettent de le faire, au moins sur la propriété personnelle des gens concernés. Faire un crédit d’impôt sur des dépenses obligatoires – elles le sont depuis un certain temps – me semble contre-productif et superfétatoire, notamment dans le contexte actuel. Ce sera un peu mon antienne pendant toutes ces heures de discussion, parce que devant chaque plus il faudra un moins. Un certain nombre de dispositifs fiscaux sont envisagés dans le cadre des articles : essayons de nous concentrer sur les plus efficaces. Avis défavorable.
M. le président
À défaut de pouvoir faire un pour, un contre, je prendrai une prise de parole par groupe politique. Je vous demande de vous mettre d’accord. La parole est à Mme Stéphanie Galzy.
Mme Stéphanie Galzy
Je soutiens cet amendement. En effet, s’il est normal que le débroussaillement, qui protège nos vies, nos maisons, nos forêts, soit obligatoire, pour beaucoup de familles modestes, pour les retraités, pour les classes moyennes, il est devenu un fardeau financier. Le dispositif actuel aide ceux qui sont imposables et laisse de côté ceux qui ne le sont pas. Pourtant, eux aussi doivent débroussailler et participent à la sécurité collective. Ce crédit d’impôt restituable vient réparer une injustice en remettant tout le monde sur un pied d’égalité. Il dit à chaque citoyen : oui, ton effort compte, et l’État t’accompagne. Cette mesure protège nos territoires et renforce la solidarité nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour un rappel au règlement. Nous allons essayer de le faire, comme Mme Pantel l’a recommandé, dans la sérénité et le silence.
M. Aurélien Le Coq
Sur le fondement de l’article 100, monsieur le président. Je voudrais poser une question à M. le ministre, parce que j’avoue avoir du mal à comprendre. Vous venez de nous dire, monsieur le ministre, que vous remerciez les parlementaires qui ont accepté le changement d’ordonnancement de la discussion. Ce changement, qui repousse de fait l’examen de l’article 3 par rapport au programme initial, fait que nous ne sommes pas certains d’examiner aujourd’hui la question de la taxation sur les patrimoines, notamment celle de la taxe Zucman.
Puisque vous dites que certains parlementaires ont accepté ce changement, est-il possible de savoir avec quels parlementaires il y a eu une discussion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Pour notre part, nous n’avons pas été consultés et n’avons pu donner le moindre avis sur le sujet, alors que, visiblement, vous avez eu un échange avec des parlementaires sur cette question.
Par ailleurs, si ce n’était pas l’effet recherché, nous aimerions connaître la raison pour laquelle l’examen de l’article 3 est repoussé à plus tard. Il nous semble, du fait du débat public et de la recherche des recettes, que la question de la taxe Zucman et de l’imposition des hauts patrimoines est un point central et névralgique du débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Tout d’abord, le gouvernement a le choix du ministre qu’il souhaite désigner au banc. Ensuite, je vous renvoie à l’article 95 du règlement, qui dit que la modification de l’ordre de la discussion des articles à la demande du gouvernement ou de la commission saisie au fond est de droit. Dans les autres cas, le président décide. Nous continuons donc la discussion.
Après l’article 2 (suite)
M. le président
La parole est à M. Hervé Saulignac.
M. Hervé Saulignac
Je voudrais dire à M. le ministre et à M. le rapporteur que je suis très étonné de leur réponse. Ils disent que le Cisap prend en considération le débroussaillage. C’est absolument faux, d’autant plus que les obligations de débroussaillage concernent souvent les espaces ruraux, parfois des personnes âgées qui ont des bâtiments agricoles sur une grande surface. Ils peuvent être tenus de débroussailler des surfaces absolument considérables et de débourser parfois plus de 10 000 euros. Il suffit de discuter avec les agents des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) chargés du contrôle de ces débroussaillages pour comprendre les situations dans lesquelles se trouvent ces propriétaires, qui aimeraient pourtant se soumettre aux obligations légales.
Cet amendement propose donc de régler en partie – il ne résoudra pas tout –, la situation de ces propriétaires moins fortunés. Ne dites pas que les impôts prennent déjà leur situation en considération, parce que c’est faux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Denis Masséglia.
M. Denis Masséglia
Je veux d’abord dire que cet amendement m’étonne, puisqu’après avoir voulu réduire le Cisap de façon importante la semaine dernière, le groupe socialiste demande aujourd’hui l’augmentation d’une aide au débroussaillage. Il y a ici une incohérence.
M. Aurélien Rousseau
Inopérant !
M. Denis Masséglia
Ensuite, de façon plus générale, après avoir relevé les plus et les moins du budget à l’aide d’une calculatrice, je suis en mesure d’indiquer à la représentation nationale que nous avons aujourd’hui près de 3 milliards d’euros de déficit en plus par rapport au début de l’examen du budget, soit 0,1 % de déficit supplémentaire. Afin de maîtriser nos dépenses, il faut faire attention aux dispositifs que nous proposerons dans les prochaines heures et les prochains jours. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Feld.
Mme Mathilde Feld
Tout d’abord, je note une incohérence, monsieur le ministre. Lorsqu’on crée un crédit d’impôt pour une obligation, cela vous dérange, mais lorsqu’on en crée un pour faire respecter la loi à certaines personnes, cela ne vous dérange pas du tout.
Ensuite, cet amendement aborde un sujet de fond, madame Pantel. En Gironde, particulièrement, avec les incendies que l’on a vécus, ce débroussaillement est essentiel. En revanche, la création d’un crédit d’impôt qui ne soit pas conditionné, notamment aux ressources, me gêne un peu. Je me demande si l’on ne pourrait pas plutôt demander au gouvernement d’abonder le fonds Vert ou des enveloppes budgétaires qui seraient à la main des sous-préfets. Elles pourraient être utilisées de façon cohérente par les collectivités, lesquelles pourraient établir un état général du débroussaillement, collectivité par collectivité, afin d’agir par des marchés publics et de mutualiser les moyens nécessaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Marc Fesneau.
M. Marc Fesneau
Je ne suis pas d’accord, pour une fois, avec notre collègue Denis Masséglia, quand il dit qu’on a dépensé 3 milliards en allégements d’impôts. Je rappelle qu’il n’y a qu’une seule mesure qui coûte 2 milliards, c’est la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu.
M. Aurélien Rousseau
Eh oui, il a raison !
M. Inaki Echaniz
Merci M. Wauquiez !
M. Marc Fesneau
Il faut que l’on fasse la balance des mesures, et chacun doit faire sa part, me semble-t-il.
Je voudrais, au nom de mon groupe, soutenir l’amendement de Mme Pantel. D’abord parce que l’obligation légale de débroussaillement, initialement cantonnée au sud, monte progressivement en latitude : une quarantaine de départements y sont désormais soumis. Ensuite, parce qu’elle concerne parfois des personnes qui n’ont pas les moyens, si bien qu’elle n’est pas fonctionnelle. Je suis certain qu’un crédit d’impôt plafonné à 3 000 euros coûtera toujours moins cher que des incendies comme ceux auxquels on a assisté, qui résulteraient du non-respect des obligations légales de débroussaillement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Roland Lescure, ministre
J’espère parvenir à vous convaincre : le Cisap correspond à la propriété personnelle ; je confirme que le débroussaillage effectué autour de votre habitation personnelle fait l’objet d’un crédit d’impôt si vous faites appel à un jardinier.
M. Hervé Saulignac
Non !
M. Roland Lescure, ministre
Si je comprends bien, l’amendement concerne également d’autres propriétés qui peuvent être des terrains forestiers n’étant pas directement situés sur la propriété personnelle – je vois la signataire de l’amendement opiner. En d’autres termes, n’êtes pas éligible au Cisap si vous allez débroussailler un terrain forestier qui ne vous appartient pas.
Vous proposez donc de créer une nouvelle niche alors que nous essayons d’en supprimer. Nous avons mis 45 millions de subventions de l’État pour aider les Sdis à investir dans la lutte contre les incendies. On peut multiplier les dispositifs, mais cela me semble inefficace. Je préfère que l’on aide directement les Sdis à améliorer encore la prévention et que l’on se contente de ce qui existe déjà.
En ce qui concerne la taxe Zucman, le débat aura lieu, nous y sommes prêts, mais il n’est pas possible qu’il se tienne aujourd’hui car je dois partir à l’étranger mercredi et qu’un certain nombre d’amendements et d’articles portaient sur des dispositions qui concernent mon périmètre. Je vous le répète, vous pourrez débattre le moment venu de l’impôt sur le patrimoine ainsi que d’autres choses qui vous intéressent, notamment de l’impôt sur les sociétés (IS) et du crédit d’impôt recherche (CIR).
M. Manuel Bompard
Quel jour ?
M. Roland Lescure, ministre
Dans un certain temps.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2829.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 172
Nombre de suffrages exprimés 137
Majorité absolue 69
Pour l’adoption 104
Contre 33
(L’amendement no 2829 n’est pas adopté.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour un rappel au règlement.
M. Inaki Echaniz
Il se fonde sur l’article 100 du règlement, relatif à la bonne tenue de nos débats et à la sincérité des scrutins.
Je voudrais revenir sur les délégations de vote, qui nous ont beaucoup occupés vendredi et samedi, et rappeler que deux motifs les justifient : celui d’être parlementaire en mission et celui d’avoir un certificat médical attestant une maladie.
Les délégations ont eu d’importantes conséquences sur les différents scrutins organisés vendredi et samedi, notamment sur les scrutins publics organisés par la présidence à la suite de votes à main levée n’ayant pas été concluants. Le résultat de ces votes en est affecté : nous constatons que trois groupes cumulent, à eux seuls, près de quarante-cinq délégations, alors que les huit autres groupes en cumulent moins de quinze.
M. Hervé Saulignac
Oh !
M. Inaki Echaniz
Les critères de délégation sont-ils respectés ? Soit ces trois groupes comptent beaucoup de parlementaires en mission, soit il y a de vraies épidémies en leur sein.
M. Emeric Salmon
Osez-vous mettre en cause les services de l’Assemblée, qui vérifient ces délégations ?
M. Inaki Echaniz
Dans tous les cas, la sincérité de nos débats est compromise. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
Il me semble nécessaire de faire preuve de transparence et d’éviter que les débats parlementaires soient biaisés par des pratiques non conformes à nos règles.
M. Hervé Saulignac
Il y a des voyous !
M. Inaki Echaniz
Par exemple, une députée avait délégué ses votes samedi matin et samedi après-midi, mais elle était présente samedi soir : soit sa mission était très courte, soit elle a guéri très vite !
M. Christophe Barthès
Et alors ?
Mme Ayda Hadizadeh
C’est pas très joli !
M. Inaki Echaniz
Un autre député avait délégué ses votes vendredi et samedi, mais a tenu une réunion publique vendredi soir dans sa circonscription.
M. Vincent Descoeur
Vous êtes détective privé maintenant ?
M. Inaki Echaniz
Enfin, une autre députée participait à une réunion publique dans la ville où elle est candidate aux municipales, alors qu’elle avait délégué ses votes vendredi et samedi.
Mme Ayda Hadizadeh
Encore de la triche !
M. Inaki Echaniz
Ces exemples nous invitent à faire preuve de plus de transparence et à garantir le respect des règles.
En attendant que le bureau soit saisi de ce problème, je demande que chaque président de groupe, avant chaque séance, annonce publiquement le nombre de délégations organisées au sein de son groupe. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SOC.) En tant que secrétaire de l’Assemblée nationale, je demande à la présidence de me laisser consulter les motifs de délégation – pour mission ou pour raison médicale –, afin de faire la lumière sur ces pratiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS. – Mme Michèle Martinez fait signe à l’orateur de quitter l’hémicycle.)
Mme Danielle Simonnet
Il y a de la gruge !
M. le président
Nous prenons acte de votre rappel. Vos demandes seront transmises à Mme la présidente.
Après l’article 2 (suite)
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Sans vouloir mettre en cause votre présidence, je tiens à préciser que jusqu’à présent, nous sommes parvenus à étudier environ 10,5 amendements par heure de débat. À ce rythme, nous devrons consacrer 250 heures de débats au projet de loi de finances (PLF) : j’ai bien peur qu’il faille renoncer à tenir l’échéance du 4 novembre et reprendre l’examen du texte après l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026.
Plus nos débats se prolongeront et plus la crainte d’un dépassement des soixante-dix jours de débat, partagée par plusieurs députés, sera grande. Serait-il possible de limiter les prises de parole à un pour, un contre, sauf quand un amendement nécessite un débat plus approfondi ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – M. Nicolas Ray applaudit également.)
M. le président
J’y suis tout à fait favorable et je m’efforcerai de limiter les interventions à un pour, un contre, mais si les demandes de prises de parole sont trop nombreuses, je serai obligé de donner la parole à tous les groupes.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1441 et 1550.
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l’amendement no 1441.
Mme Danielle Brulebois
Les mesures du dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt (Defi forêt) sont excellentes, car elles permettent de mettre en œuvre une gestion des bois qui soit à la fois durable et économique. Cependant, l’état alarmant des parcelles forestières invite à leur ajustement.
Cela a été dit sur tous les bancs de cet hémicycle, les forêts rendent des services inestimables, qu’il s’agisse de services économiques, écologiques ou sociaux, ou encore de captation du carbone – on n’a pas trouvé mieux que la photosynthèse pour lutter contre le réchauffement climatique.
Aujourd’hui, elles souffrent de nombreux fléaux – tempêtes, incendies, sécheresse –, ainsi que de leur grand morcellement. En effet, 75 % des forêts françaises appartiennent à des propriétaires privés, qui sont 67 % à ne posséder que 1 hectare de surface boisée. Pour ces derniers, la gestion est très difficile ; ils doivent s’appuyer sur des coopératives forestières ou des groupements forestiers, qui facilitent la gestion des coupes, de la commercialisation et du reboisement.
En résumé, nous devons impérativement soutenir la bonne gestion de nos forêts.
M. le président
La parole est à M. Nicolas Ray, pour soutenir l’amendement no 1550.
M. Nicolas Ray
Comme le président Coquerel, je souhaite que nos débats accélèrent. Aussi me contenterai-je d’indiquer que cet amendement, identique au précédent, est défendu.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Je donne évidemment raison à Mme Brulebois et à M. Ray quand ils soulignent l’importance du Defi forêt. Toutefois, je rappelle que le crédit d’impôt associé possède un mécanisme de plafonnement très généreux – les dépenses sont retenues dans la limite annuelle de 6 250 euros pour une personne célibataire et 12 500 euros pour un couple, les fractions excédentaires étant retenues au titre des quatre années suivantes.
L’avis sera donc défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
Je demande le retrait de ces amendements. J’en comprends la logique, mais vous savez que les travaux forestiers peuvent être effectués directement ou par l’intermédiaire d’un groupement forestier, d’une Société d’épargne forestière (SEF) ou d’un groupement d’intérêt économique et environnemental forestier. Or le dispositif que vous défendez, parce qu’il ne concerne que les propriétaires entretenant directement leur massif, introduit une différence de traitement. En outre, il est anti-redistributif, puisque les contribuables les plus aisés en seraient les principaux bénéficiaires.
Enfin, vous avez déjà voté une mesure relative aux forêts qui me semble suffisante.
(Les amendements identiques nos 1441 et 1550 sont retirés.)
M. le président
La parole est à M. Elie Califer, pour soutenir l’amendement no 2681.
M. Elie Califer
Il vise à aller au bout de la logique d’individualisation du paiement de l’impôt sur le revenu (IR). Aujourd’hui, si le taux du prélèvement à la source peut être individualisé, le paiement final demeure collectif : il en résulte une certaine complexité, voire une injustice lorsque les revenus des membres du foyer sont très inégaux.
Nous proposons donc de rendre obligatoire l’individualisation du solde de l’impôt. Cette mesure simple permettra à chaque contribuable de mieux comprendre sa situation fiscale et de payer l’impôt en fonction de ses revenus réels et à la hauteur de sa propre contribution, non plus en proportion des revenus globaux de son foyer.
Cette mesure de transparence, d’équité et de justice fiscale s’inscrit pleinement dans l’esprit de la réforme du prélèvement à la source, qui veut que l’impôt soit adapté à la réalité des revenus de chacun, pour une fiscalité plus lisible, plus juste et plus moderne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
J’entends la philosophie de cet amendement, déjà exprimée la semaine dernière. La mesure ne modifierait pas les recettes de l’État, mais elle complexifierait considérablement le travail de l’administration.
J’ajoute que lorsque le foyer fiscal est composé de personnes mariées, le code civil prévoit que les époux contribuent aux charges du mariage « à proportion de leurs facultés respectives ». La question que vous soulevez doit donc être tranchée au sein du foyer fiscal. Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.
M. le président
Sur l’amendement n° 2681, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
Mes arguments sont les mêmes que ceux du rapporteur général, auxquels j’ajoute une précision : vous avez déjà décidé de maintenir la conjugalisation de l’impôt sur le revenu. La cohérence voudrait que vous conserviez la conjugalisation du calcul du taux de prélèvement à la source.
Je demande le retrait, sans quoi mon avis sera défavorable.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2681.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 189
Nombre de suffrages exprimés 176
Majorité absolue 89
Pour l’adoption 69
Contre 107
(L’amendement no 2681 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de quatre amendements, nos 1632, 3263, 3452 et 235, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 3263 et 3452 sont identiques.
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 1632, sur lequel je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. Aurélien Le Coq
J’ai entendu sur ces bancs avant-hier, et sur quelques plateaux de télévision depuis, que La France insoumise refuserait la justice fiscale et la taxation de celles et ceux qui perçoivent les plus hauts revenus. Je tiens à démentir cette idée.
J’imagine que toutes celles et tous ceux qui, dans cet hémicycle, ont fait de la justice fiscale leur combat voteront mon amendement. Il tend à tripler le taux de la contribution de solidarité sur les hauts revenus, ceux qui dépassent 250 000 euros par an pour une personne seule et 500 000 euros par an pour un couple. La mesure vise donc celles et ceux qui gagnent plus de 20 000 euros par mois.
Les impôts des Françaises et des Français augmentent depuis longtemps et le gouvernement a tenté de faire passer une nouvelle augmentation de la taxation de 18 millions d’entre eux, mais que nous dit le ministère de l’économie ? Que pour les 10 % des Français les plus riches, les taux d’imposition réels ont baissé ces dernières années ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
On vient donc toujours frapper les mêmes, pendant qu’on baisse les impôts des plus riches. Le taux d’imposition sur le revenu des milliardaires n’est que de 2 % !
On nous dit qu’il n’y a pas que l’impôt sur le revenu. Certes, mais les milliardaires du pays paient en moyenne moitié moins de prélèvements obligatoires que le reste des Français. C’est une honte, à l’heure où l’on décide de récupérer 7 milliards d’euros sur le dos des malades et de s’en prendre à ceux qui reçoivent des indemnités journalières pour affection de longue durée (ALD) !
Il est temps que les plus riches paient et contribuent à leur juste part ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 3263.
M. Nicolas Sansu
Il vise à renforcer la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) en portant ses taux actuels de 3 % et 4 %, à 6 % et 8 % respectivement.
Instaurée par la loi de finances pour 2012, la CEHR s’applique à partir de 250 000 euros pour une personne seule et de 500 000 euros pour un couple : elle ne concerne donc qu’une infime minorité des contribuables.
Même si cette contribution demeure inefficace, car elle épargne les revenus du capital, l’augmentation de ses taux en renforcerait la progressivité. À l’appui de mon propos, voici quelques chiffres parlants : si nous nous étions contentés de ne pas indexer sur l’inflation les deux tranches d’imposition associées aux taux de 41 % et 45 %, les personnes assujetties à la CEHR n’auraient eu à s’acquitter que de 270 euros de plus par an, soit 22 euros par mois. Le doublement des taux de la CEHR permettrait un rendement de 1 500 euros supplémentaires pour un foyer déclarant 300 000 euros par part et un rendement de 27 500 euros de plus pour un foyer déclarant 1 million d’euros par part, c’est-à-dire cent fois plus que la simple mesure de non-indexation déjà évoquée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Bien sûr, nous aurions préféré que notre amendement visant à améliorer la progressivité de l’IR reçoive un sort favorable. Contre mauvaise fortune, faisons bon cœur : la mesure que nous défendons à présent améliorera le rendement de la CEHR et la justice fiscale, et je ne doute pas qu’elle reçoive votre assentiment à l’heure où vous vous apprêtez à faire des coupes claires dans le budget des plus faibles. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP.)
M. le président
Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements identiques nos 3263 et 3452, par les groupes Droite républicaine, Écologiste et social et de la Gauche démocrate et républicaine ; sur l’amendement n° 235, par le groupe Droite républicaine.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Tristan Lahais, pour soutenir l’amendement identique no 3452.
M. Tristan Lahais
Monsieur le ministre, samedi dernier, en fin de séance, Mme de Montchalin a récité une fable, selon laquelle ce budget serait au bout du compte le nôtre, celui du Parlement. Non, ce budget sera d’abord le vôtre, et nous n’avons la possibilité de l’amender qu’à la marge. La meilleure preuve de cela est que les groupes du socle commun ne réagissent que lorsque le ministre donne son assentiment à voter tel ou tel amendement, telle ou telle mesure de compromis.
M. Jean-René Cazeneuve
Ce n’est pas vrai !
Mme Danielle Brulebois
Ne dites pas n’importe quoi !
M. Jean-Paul Lecoq
Ils sont présents, au moins, on ne va pas se plaindre !
M. Tristan Lahais
Vous avez une grande responsabilité. À l’heure où nous devons réduire le déficit public, effacer l’ensemble des horreurs qui figurent dans le PLFSS et mieux financer les services publics, en évitant en particulier de sacrifier les crédits alloués à l’écologie, nous avons besoin de recettes supplémentaires. Dans les heures et les jours qui viennent, nous chercherons de nouveau à taxer davantage le patrimoine, mais il faut également mieux taxer les revenus déclarés. Or nos amendements ont été battus en brèche.
M. Jean-René Cazeneuve
Ce sont vos amis qui ont fait ça !
M. Tristan Lahais
Puisque nous nous sommes privés des recettes supplémentaires que nous aurions pu récupérer allègrement sur l’impôt des plus riches, il est temps de se rattraper avec le présent amendement comme avec ceux qui suivront sur la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR). Nous attendons un geste de votre part ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l’amendement no 235.
M. Michel Castellani
Cet amendement, similaire à ceux qui viennent d’être présentés, a un double objectif : la justice fiscale et l’amélioration du rendement de l’impôt, au profit de l’équilibre budgétaire. Il vise à relever les taux applicables aux deux tranches de la CEHR : de 3 à 3,5 % sur la fraction du revenu fiscal de référence comprise entre 250 000 et 500 000 euros, et de 4 à 5 % sur celle excédant 500 000 euros. Nous avons bien conscience, ce faisant, de durcir l’impôt, comme du fait qu’il s’agit, en quelque sorte, d’une solution de facilité – nous n’oublions pas que le niveau de pression fiscale est déjà très élevé. Si l’indispensable effort de redressement budgétaire doit passer par une contrainte des dépenses, nous ne pourrons éviter de porter l’effort – temporairement, nous l’espérons – sur les recettes.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour un rappel au règlement.
M. Charles Sitzenstuhl
Il se fonde sur les articles 119 et suivants relatifs à la discussion des lois de finances. Monsieur Lahais, il est contradictoire de nous avoir reproché, trois ans durant, l’usage de l’article 49.3, en regrettant l’incapacité de l’Assemblée à se prononcer sur le budget…
Mme Clémence Guetté
Ce n’est pas un rappel au règlement ! Vous n’êtes pas ministre !
M. Nicolas Sansu
Il fait ça pour se chauffer !
M. Charles Sitzenstuhl
…et de nous expliquer maintenant que le travail que nous effectuons en ce moment ne servirait à rien… (M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Ce n’est pas un rappel au règlement, revenons au débat.
Après l’article 2 (suite)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Leur point commun est d’augmenter, d’une manière ou d’une autre, le taux de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Je rappellerai d’abord que lorsqu’un Français gagne dix euros, la puissance publique lui en prend plus de cinq ; n’oublions pas que nous avons un taux de prélèvement global très élevé.
M. Nicolas Bonnet
Pas pour Bernard Arnault !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Ensuite, contrairement à ce que vous prétendez, « contribution », « taxe » ou « impôt » ne sont pas synonymes de justice fiscale. À mon sens, une bonne définition de cette dernière serait que chacun contribue en proportion de ses capacités, mais aussi que chacun puisse conserver la juste rétribution de son travail. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Nicolas Sansu
Un million d’euros par part, c’est pas mal !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Certaines de vos propositions risquent par ailleurs d’être considérées comme des impositions confiscatoires. (« Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Je n’y peux rien si vous n’aimez pas les chiffres ! Le taux marginal d’imposition atteindrait 74,2 % pour une CEHR à 12 %, et 70,2 % pour un taux à 8 %. Avec de tels taux, non seulement le Conseil constitutionnel risquerait de censurer ces dispositions, mais cela serait confiscatoire sur le plan économique ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Nous n’abordons jamais un sujet pourtant fondamental : il y a évidemment un lien entre le poids de la fiscalité et l’activité économique.
M. Sylvain Maillard et M. Daniel Labaronne
Bien sûr !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Cessons de penser que les Français n’adaptent pas leur comportement lorsqu’on les taxe ! Quand un consommateur voit le prix d’un bien augmenter, il s’adapte, change de fournisseur, choisit un autre magasin. Il en va de même pour un contribuable soumis à une forte augmentation de l’impôt. D’un contribuable à l’autre, le comportement varie : parfois, il peut aller jusqu’à la fuite, laquelle – bien que le budget ne soit pas un objet moral –, est évidemment moralement condamnable ; il peut aussi se mettre à produire moins – c’est d’ailleurs ce qui se passe, et nous avons plusieurs exemples de taxes tellement élevées que leur base fiscale en a été anéantie. Apprenons de nos erreurs !
M. Nicolas Sansu
Incitez-vous les plus riches à pratiquer l’évasion fiscale ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
On ne peut pas indéfiniment augmenter la fiscalité sans se préoccuper de ses effets sur l’activité économique. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.
Mme Danielle Simonnet
De 3 à 9 % ou de 4 à 12 %, ce n’est pas de l’asphyxie !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
Monsieur Lahais, le premier amendement adopté ce matin avait reçu un avis défavorable du gouvernement. Il a d’ailleurs été voté à une large majorité, après avoir été soutenu par le président Fesneau.
M. Erwan Balanant
L’excellent président Fesneau !
M. Roland Lescure, ministre
Vous voyez donc bien que, contrairement à ce que vous imaginez, les groupes de la majorité relative ne soutiennent pas aveuglément le gouvernement ! N’hésitez pas à voter les amendements auxquels nous serons favorables, et inversement. (Sourires.)
Pour en revenir à l’amendement, le rapporteur a raison, il faut faire attention aux prélèvements confiscatoires.
M. Nicolas Sansu
Arrêtez avec ça !
M. Roland Lescure, ministre
Nous avons privilégié la contribution différentielle sur les hauts revenus, sorte de voiture-balai qui ramasse tout, et qui rattrapera ceux des contribuables qui sont capables d’optimiser leur CEHR.
M. Nicolas Sansu
Ce n’est pas un plafond, c’est un plancher !
M. Roland Lescure, ministre
Les amendements en discussion visent quant à eux à doubler, voire à tripler les taux, soit une imposition qui verse clairement dans le confiscatoire. (« Non ! » sur les bancs des groupes EcoS et GDR.)
Même la proposition du député Castellani de les augmenter de 50 % reste élevée : elle se traduirait par des prélèvements considérables, qui seraient sans doute jugés comme confiscatoires.
Il me semble que la CEHR, créée il y a une quinzaine d’années, n’a jamais été indexée sur l’inflation. De ce fait, le nombre de contribuables concernés a déjà doublé. Nous proposons, en gros, de procéder à cette indexation – vous l’avez d’ailleurs votée pour l’ensemble des tranches du barème de l’impôt sur le revenu, samedi dernier, il serait donc incohérent de ne pas en faire de même à présent.
En outre, quand bien même l’imposition ne serait pas confiscatoire pour certains contribuables, ceux-ci seront de toute façon rattrapés par la CDHR. Je vous demande de retirer les amendements, sans quoi j’y serai défavorable.
M. le président
Au risque de désespérer le président Coquerel, et puisque chaque groupe ou presque veut intervenir, la parole est à Mme Élisa Martin.
Mme Élisa Martin
Nous en venons à l’un des cœurs du débat, la justice fiscale, qui suppose que les hauts revenus contribuent davantage, eux dont la fortune a doublé depuis 2017 – pas par magie, et pas non plus parce qu’ils auraient contribué plus largement à la création de richesses, mais bien grâce aux avantages qui leur ont été octroyés par la Macronie. En outre, 70 % des Français sont favorables à ce que le budget national traduise une plus grande solidarité des hauts revenus. Pour ces deux raisons, il est possible d’augmenter le taux de cet impôt de solidarité qu’est la CEHR.
Cette imposition ne sera pas confiscatoire. Si les contribuables concernés réalisent des bénéfices en France, c’est bien parce qu’il y a de la stabilité économique, des richesses ainsi qu’un nombre important de consommateurs. Au reste, si l’on avait voulu éviter les contournements, il aurait fallu voter, la semaine dernière, la taxe sur les profits réalisés à l’étranger – l’abstention du groupe socialiste, pardon de le souligner, ne l’a pas permis. Nous en reparlerons lors de l’examen de la taxe Zucman. Quelle que soit la nature de cette dernière, il faudra d’ailleurs prévenir la possibilité de passer entre les mailles du filet – ce que les riches, qui disposent d’une foule d’avocats fiscalistes, parviendront à faire.
M. le président
La parole est à M. Nicolas Ray.
M. Nicolas Ray
Créée dans le cadre du PLF pour 2012, la CEHR était conçue comme une mesure de justice fiscale et de réduction du déficit. Ce dernier objectif a été raté, preuve que l’augmentation éternelle des impôts n’entraîne pas nécessairement – cela se saurait ! – la baisse du déficit. Je rappelle également que la mesure était censée être temporaire. Alors qu’elle a déjà été pérennisée, vous voulez à présent l’augmenter. La logique du tout-fiscal comporte pourtant des risques d’évasion. Au reste, des mesures de justice fiscale sont présentes dans ce projet de loi de finances : l’Assemblée a déjà voté la prolongation de la CDHR, instituée par Michel Barnier ; quant au barème de l’impôt sur le revenu, il est déjà progressif. Attention donc à ne pas charger la barque dans un pays qui détient déjà le record des prélèvements obligatoires – 44 %, contre 39 % en zone euro.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Le groupe EPR est opposé aux amendements. Le risque d’inconstitutionnalité, pointé sur les bancs des commissions et du gouvernement, doit être pris avec précaution.
M. Nicolas Sansu
Ce n’est pas vrai !
M. Charles Sitzenstuhl
Dans cet hémicycle, ce risque est envisagé selon une géométrie variable, ce qui ne cesse pas de m’étonner…
M. Maxime Laisney
L’inconstitutionnalité de la loi « immigration » ne vous a pas gênés !
M. Charles Sitzenstuhl
À en croire certains bancs de la gauche – pas tous –, nous devrions nous montrer très prudents lorsque nous légiférons sur des textes relatifs à l’ordre public, tandis que sur les sujets de fiscalité – le hasard, sans doute ! –, nous pourrions prendre des risques considérables. Le débat sur la taxe Zucman nous permettra d’en reparler.
Mon rappel au règlement précédent n’était pas abusif, monsieur le président. Je voulais simplement informer nos collègues de gauche que je trouvais contradictoire leur approche du débat. Vous avez longtemps reproché l’utilisation du 49.3, qui empêchait l’Assemblée de décider souverainement ; il ne sera plus activé. Au terme de l’examen des plus de 3 000 amendements, c’est bien cette assemblée qui décidera, ou non, d’adopter le projet de budget du gouvernement. Du reste, nous pouvons tout à fait rejeter les articles, l’un après l’autre,…
Mme Christine Arrighi
Le budget dans son ensemble, aussi !
M. Charles Sitzenstuhl
…et nous pouvons amender – nous le faisons beaucoup. Aucun parlementaire, y compris au sein des groupes du socle gouvernemental, n’est à la botte du gouvernement. Nous votons d’ailleurs parfois contre l’avis de notre propre gouvernement, vous le constaterez peut-être lors du débat. L’Assemblée décide, et le peuple y est souverain, à travers les représentants que nous sommes. Nous déciderons du budget pour 2026.
Mme Danielle Simonnet
Bla bla bla !
Mme Christine Arrighi
Vous prenez les Français pour des pigeons !
M. le président
La parole est à Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas
Je soutiens l’amendement no 3452 de mon collègue Tristan Lahais, qui propose d’augmenter les taux de la CEHR. Premièrement, taxer les revenus n’est pas la manière la plus efficace de mettre les plus riches à contribution, nous l’avons dit à plusieurs reprises.
M. Charles Sitzenstuhl
Ah !
Mme Eva Sas
Les riches minimisent leurs revenus, voilà pourquoi il vaut mieux taxer le patrimoine et pourquoi nous continuerons de défendre la taxe Zucman. C’est comme cela que nous serons efficaces ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Aurélien Le Coq applaudit également.) Hélas, ce n’est pas le choix du gouvernement.
Deuxièmement, le gouvernement se répand dans les médias en déclarant que ce budget met tout le monde à contribution et que l’effort qu’il demande est équilibré – qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ! En réalité, selon les chiffres communiqués par le Haut Conseil des finances publiques, les plus aisés ne sont mis à contribution qu’à hauteur de 1,3 milliard d’euros, soit 10 % des 13 milliards d’euros de recettes supplémentaires que ce budget cherche à prélever – c’est un montant ridicule ! Cela signifie que 90 % de l’effort est accompli par les retraités, les malades, les allocataires du RSA. Avec ce budget, vous protégez les ultrariches et vous ne les mettez pas réellement à contribution ; vous faites semblant, en leur imposant des mesures cosmétiques, comme la CEHR. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
On pourrait, au minimum, doubler cette contribution exceptionnelle. Mais il faudra que nous puissions débattre de la taxe Zucman, qui est la meilleure et même la seule façon de mettre véritablement à contribution les ultrariches. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Aurélien Le Coq
Bravo !
M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Monsieur le rapporteur général, la CEHR consiste simplement à ajouter deux tranches à l’impôt sur le revenu. Elle a été instaurée au moyen du PLF pour 2012, par la majorité d’alors que vous connaissez bien. Le relèvement du taux de ce prélèvement ne serait pas confiscatoire, d’abord parce que pour un revenu de 1 million d’euros par part fiscale, cela représenterait seulement 27 500 euros d’impôt supplémentaire. Surtout, vous mélangez dans votre argumentation des prélèvements qui ne sont pas de même nature – certains portent sur les revenus du travail, d’autres sur ceux du capital. Or avec les niches fiscales, notamment la flat tax pour les revenus du capital, le taux réel acquitté par ce type de ménage n’atteint même pas 30 %, c’est-à-dire même pas 300 000 euros par part.
Monsieur le ministre, quelque chose m’inquiète dans vos propos sur la CDHR. Vous dites que vous avez tout prévu et qu’une imposition minimale de 20 % est bien atteinte. Vous estimez donc que la CDHR n’est plus un plancher mais un plafond, c’est très inquiétant ! Cela signifie qu’on se contente, aujourd’hui, de dire que les très riches – 1 million d’euros par part fiscale, c’est quand même des gens très riches – ont le droit de s’acquitter d’un taux réel d’imposition de 20 % seulement. Je trouve cela inadmissible.
Le doublement de la CEHR est une bonne mesure de justice fiscale. Elle pourrait redonner confiance eu égard à ce que vous cherchez à faire adopter en commission des affaires sociales dans le PLFSS, qui touche les apprentis, les retraités, toutes celles et tous ceux qui n’ont que leur travail pour vivre et qui ne perçoivent pas de revenus du capital. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Laurent Baumel.
M. Laurent Baumel
Dans son ouvrage Deux siècles de rhétorique réactionnaire, le sociologue Albert Hirschman (Rires sur les bancs du groupe RN)…
M. Laurent Jacobelli
Ah !
M. Alexandre Portier
Ça commence mal !
M. Laurent Baumel
…a montré que la mise en évidence de l’effet pervers de l’impôt, ainsi que vient de le faire M. Juvin, est l’un des arguments favoris des conservateurs. Nous n’y sommes pas sensibles, de même que nous ne sommes pas sensibles aux variations systématiques sur le thème de l’inconstitutionnalité.
Nous sommes ici, avec l’ensemble des groupes de gauche, pour essayer de rééquilibrer un budget qui, pour le moment, fait porter l’effort sur les plus modestes, sur les couches populaires et moyennes. C’est pourquoi, et je rassure M. Le Coq, le groupe Socialistes et apparentés voteraen faveur de son amendement. (Mme Anna Pic applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Mes chers collègues, quatre amendements sont proposés. Le premier, no 1632, est manifestement anticonstitutionnel. On peut toujours essayer,…
M. Aurélien Le Coq
Essayons !
M. Charles de Courson
…mais vous verrez ! En effet, porter le taux majoré de la CEHR de 4 % à 12 % conduit à un taux d’imposition sur le revenu de 12 + 45 = 57 %. Si vous ajoutez la contribution sociale généralisée (CSG), la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et les prélèvements, notamment sur les revenus du patrimoine, vous atteignez un niveau confiscatoire. Cet amendement, si on le vote, sera selon toute vraisemblance censuré par le Conseil constitutionnel.
Quant aux amendements identiques de MM. Sansu et Lahais, ils sont limite. Le seul qui ne pose pas de problème constitutionnel, c’est l’amendement de M. Castellani. Je vous invite donc à le voter,…
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Habile !
M. Charles de Courson
…afin de montrer qu’un petit effort est demandé à ceux qui ont des revenus de plus de 250 000 euros pour les célibataires et de plus de 500 000 euros pour les couples, ce qui est quand même déjà assez confortable.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1632.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 235
Nombre de suffrages exprimés 235
Majorité absolue 118
Pour l’adoption 95
Contre 140
(L’amendement no 1632 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 3263 et 3452.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 233
Nombre de suffrages exprimés 233
Majorité absolue 117
Pour l’adoption 94
Contre 139
(Les amendements identiques nos 3263 et 3452 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 235.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 235
Nombre de suffrages exprimés 232
Majorité absolue 117
Pour l’adoption 101
Contre 131
(L’amendement no 235 n’est pas adopté.)
Mme Danielle Simonnet
Le RN ne veut pas taxer les riches !
M. le président
Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 2253, par le groupe Droite républicaine et sur les amendements no 1470 et identiques, par les groupes La France insoumise-Nouveau Front populaire, Socialistes et apparentés, Droite républicaine et Écologiste et social.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de quatre amendements, nos 2253, 1470, 2369 et 3475, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1470, 2369 et 3475 sont identiques.
La parole est à M. Laurent Croizier, pour soutenir l’amendement no 2253.
M. Laurent Croizier
Les Français nous le disent : ils sont prêts à consentir des efforts à condition qu’ils soient justes et partagés par tous. L’État doit montrer l’exemple en réduisant la dépense publique et en mesurant plus rigoureusement son efficacité. Ensuite, l’effort ne saurait reposer uniquement sur les Français qui travaillent. Enfin, les Français les plus aisés doivent contribuer à l’effort national proportionnellement à leurs moyens. C’est le sens de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.
Cet amendement comporte deux dispositions. Premièrement, l’abaissement du seuil de revenu fiscal à partir duquel la CEHR s’applique, à 180 000 euros pour les contribuables célibataires et à 360 000 euros pour les contribuables soumis à une imposition commune. Deuxièmement, le relèvement du taux d’imposition minimum à 25 %.
Cet amendement vise ainsi à élargir l’assiette de l’effort de solidarité demandé aux contribuables les plus aisés, au moment où chaque euro compte et où chaque Français participe au redressement des finances publiques. (Mme Christine Arrighi applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 1470.
Mme Claire Lejeune
Il y a quelque chose de sidérant dans ces débats sur la fiscalité. Lorsqu’il s’agit d’imposer les plus riches de ce pays, vous faites preuve d’une prudence, d’une mansuétude assez étonnante ; on parle alors d’une « contribution exceptionnelle » censée durer seulement un an. Mais vous n’avez pas la même précaution lorsqu’il s’agit de faire reposer 90 % de l’effort budgétaire sur les classes populaires de ce pays ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – M. Emmanuel Duplessy applaudit aussi.)
M. Jean-François Coulomme
Vous y allez alors à la tronçonneuse !
Mme Claire Lejeune
J’aimerais répondre à un point soulevé par M. le rapporteur général. Attention, nous dit-il, si vous alourdissez la fiscalité sur les plus aisés, il y aura des effets économiques ! Mais lorsque vous faites porter 90 % de l’effort budgétaire sur les classes populaires, lorsque vous faites reposer la fiscalité sur la TVA, lorsque vous désindexez le barème de l’impôt sur le revenu, croyez-vous que cela n’ait pas d’effets économiques ? Ce sont des familles qui ne pourront plus faire trois repas par jour, des personnes qui ne pourront plus se loger ni consommer : tout cela aura évidemment un effet sur l’activité économique ! Ce point devrait être au cœur de nos discussions car, si la croissance est atone, si les recettes fiscales ne rentrent plus, c’est aussi parce que vous avez tué la consommation populaire, en faisant constamment reposer l’effort sur les mêmes, les classes modestes et populaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP)
Aujourd’hui, le principe simple de l’égalité devant l’impôt n’est pas respecté. Les plus riches de ce pays échappent de manière systématique à l’impôt. Cette CDHR vient réparer, de façon très partielle et imparfaite, cette immense fracture fiscale qui s’est créée dans notre pays depuis qu’Emmanuel Macron est au pouvoir. Cet amendement vise à aller plus loin dans cette réparation en relevant à 30 % le taux de la CDHR. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Charles Fournier applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Estelle Mercier, pour soutenir l’amendement no 2369.
Mme Estelle Mercier
Je me permets de revenir sur la pédagogie du rapporteur général, qui déclarait tout à l’heure que pour 10 euros de revenu, un Français paye en moyenne 5 euros d’impôt. C’est bien cela, monsieur Juvin ? (M. le rapporteur général acquiesce.) Or, sur 10 euros, les Français qui ont de très hauts revenus payent en réalité un peu moins de 3 euros. Quant aux Français très, très riches, ils payent 2,50 euros – quand ce n’est pas 0 euro, comme Bernard Arnault.
La contribution différentielle sur les hauts revenus est un mécanisme de justice fiscale qui permet de relever le taux moyen d’imposition sur les hauts revenus. Cet amendement vise à établir ce taux, comme pour les Français moyens, à 30 % contre 20 % aujourd’hui. Cela permettrait de porter ces 3 euros payés en moyenne par les hauts revenus à, au moins, 4 ou 5 euros.
Je rappelle que le taux marginal sur la dernière tranche de l’impôt sur le revenu n’a jamais été aussi bas depuis près d’un siècle. Il me paraît donc difficile de parler d’une surcote confiscatoire ou anticonstitutionnelle, alors qu’on observe une tendance à exonérer les plus riches de l’impôt sur le revenu. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Tristan Lahais, pour soutenir l’amendement no 3475.
M. Tristan Lahais
À en entendre certains, il faudrait qu’on les remercie d’avoir abandonné le 49.3 et de nous laisser voter le budget !
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Tristan Lahais
Nous disons simplement que, contrairement à la fable que vous laissez prospérer ces derniers jours, nous ne sommes pas entrés en VIe République et que ce budget est bien le vôtre. Nous pouvons, heureusement, l’amender et le discuter – nous avons encore quelques droits parlementaires dans ce pays, quand bien même nous ne sommes pas véritablement entrés dans la démocratie parlementaire à laquelle nous aspirons. (Mme Cyrielle Chatelain applaudit.)
Nous avons besoin de recettes fiscales. Alors que des gens ont de l’argent à n’en savoir que faire, ce budget finance la croissance de leur richesse par la baisse des dépenses à destination des plus fragiles – je pense au gel des allocations sociales ou à ce que vous prévoyez de faire pour les affections de longue durée. C’est une question d’équilibre budgétaire autant qu’une question morale. (M. Dominique Potier applaudit.) Qu’il s’agisse de la CDHR, de la CEHR ou de l’imposition sur le patrimoine, nous devons dégager des recettes qui doivent peser sur les plus riches de nos concitoyens.
Enfin, concernant le rappel permanent à la Constitution, vous avez moins d’égards lorsqu’il s’agit d’immigration que lorsqu’il s’agit de répartition des richesses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements en discussion commune ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Il s’agit toujours du même débat, mais vous avez raison de le placer dans un cadre général. Pour faire face au déficit budgétaire, très inquiétant et qui devrait tous nous inciter à regarder la réalité en face, il y a trois manières d’agir. La première, c’est d’augmenter les taxes et les impôts ; c’est ce que vous proposez.
M. Pouria Amirshahi
Sur les plus riches, soyons honnêtes !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La deuxième, c’est de diminuer la dépense publique. La troisième – je regrette qu’elle ne soit pas suffisamment développée dans les amendements et qu’elle soit même entravée par certains d’entre eux –, c’est d’augmenter l’activité. (M. Philippe Bonnecarrère applaudit. – Mme Eva Sas s’exclame.) Si vous augmentez l’activité, vous augmentez les recettes fiscales : avec une augmentation de 0,1 % du taux de croissance cette année et de 0,2 % l’année prochaine, on obtiendrait 12 ou 13 milliards de recettes fiscales supplémentaires.
M. Jean-François Coulomme
C’est précisément sur ce point que vous avez échoué !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Ma crainte, c’est que vos propositions, qui ont toutes pour unique objet d’augmenter la pression fiscale, finissent par avoir un effet néfaste sur l’activité économique. (Mme Christine Arrighi s’exclame.) La commission a donné un avis défavorable aux amendements qu’elle a examinés ; Même avis pour les autres.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
Monsieur Lahais, ce budget, si on y parvient, ne sera ni le vôtre ni le mien.
M. Tristan Lahais
Davantage le vôtre que le mien !
M. Roland Lescure, ministre
Les onze groupes parlementaires sont en désaccord profond sur un certain nombre de sujets. Si nous parvenons à voter un budget, c’est que nous aurons réussi à converger sur plusieurs points et à trouver un équilibre – difficile – entre ces trois paramètres que le rapporteur général a très bien décrits : le taux de prélèvements obligatoires, la dépense publique et leurs conséquences conjuguées sur la croissance.
Le taux d’épargne des ménages est à un niveau historiquement élevé. Si nous parvenons à redonner confiance à nos agents économiques, nous aurons de la croissance – le rapporteur général l’a dit – et les recettes fiscales qui vont avec. Je sais que nous aurons des désaccords sur ce sujet : certains souhaiteront une baisse plus importante des impôts et des dépenses, quand d’autres préféreront taxer plus pour dépenser plus. Ce qui m’inquiète, c’est que nous étouffions une croissance encore positive – tant mieux, et merci à ceux qui l’alimentent tous les jours –, mais fragilisée par les incertitudes politiques et par une pression fiscale trop élevée. Je crains donc que nous nous éloignions de l’équilibre que nous devons trouver.
La CDHR, monsieur Sansu, est bien un plancher, et non un plafond. Si un contribuable à hauts revenus doit s’acquitter d’un prélèvement de 25 %, il s’en acquittera – on ne va pas le ramener à 20 %. Celui, en revanche, qui paie 15 %, paiera 20 %. C’est bien d’une voiture-balai qu’il s’agit, permettant d’élever le taux minimum d’imposition de certains contribuables qui, pour une raison ou pour une autre, ne payent pas suffisamment d’impôts. Grâce à cette mesure, le prélèvement fiscal unique est passé de 30 à 37 %. Ce sont des taux que l’on peut considérer comme assez élevés : je pense qu’il faut en rester là. Je vous demande donc de retirer ces amendements – avis défavorable sinon.
M. le président
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
La question qui nous occupe, monsieur le rapporteur général, est de savoir si les personnes les plus riches doivent payer un impôt au moins égal à 20 % de leur revenu – selon le taux en vigueur –, à 25 % ou à 30 %, comme le proposent différents amendements. Il n’y a donc là rien de confiscatoire, contrairement à ce qu’avancent certains dans leur argumentation.
Il convient non seulement d’augmenter le taux de contribution des plus hauts revenus, mais aussi d’empêcher l’évasion fiscale pratiquée au moyen des dispositifs d’exonération et des niches qui leur permet, au bout du compte, de payer moins d’impôts que les classes moyennes. Il faut donc, évidemment, augmenter ce plafond – c’est l’objectif de ces amendements.
Les personnes qui nous écoutent doivent bien comprendre que, lors de la discussion précédente, un certain nombre de parlementaires – en particulier ceux du Rassemblement national – se sont opposés à l’amendement déposé par M. Castellani (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP),…
M. Pouria Amirshahi
C’est normal, ils sont libéraux !
M. Manuel Bompard
…lequel proposait que le taux d’imposition au titre de la CEHR passe de 3 % à 3,5 % pour les contribuables célibataires gagnant de 250 000 à 500 000 euros par an, et de 4 % à 5 % pour ceux gagnant plus de 500 000 euros par an. Voilà ce que le Rassemblement national, dans cet hémicycle, vient de rejeter : tout le monde doit le savoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. Hervé Saulignac
C’est une honte !
M. Manuel Bompard
Je tiens à rappeler que le Conseil constitutionnel – il en sera encore souvent question au cours de ces débats – légifère a posteriori, et non a priori : arrêtons donc de le convoquer pour empêcher les députés de voter certaines dispositions. On invoque souvent la décision du 29 décembre 2012 par laquelle il a rejeté la taxation à 75 % de la tranche des revenus supérieurs à 1 million d’euros ; il ne l’a cependant pas rejetée en raison de son taux, mais parce qu’elle ciblait les individus et non les foyers. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme Dieynaba Diop
Exactement !
M. le président
La parole est à M. Sylvain Maillard.
M. Sylvain Maillard
Nous avons fait de nombreuses propositions durant les travaux de la commission des finances, notamment en faveur d’une augmentation du taux d’imposition, pourtant contraire à nos convictions – nous pensons qu’il y a trop d’impôts en France.
M. Julien Odoul
La faute à qui ? Vous gouvernez depuis huit ans !
M. Antoine Léaument
Vous êtes de droite !
M. Sylvain Maillard
Nous sommes, par ailleurs, les seuls à avoir voté le budget à l’issue de ces débats : même quand nous faisons des propositions allant dans votre sens, ce n’est jamais suffisant pour vous !
Le taux d’imposition a augmenté depuis plusieurs années, notamment grâce à cette « voiture-balai » que le ministre a évoquée. Une succession de dispositifs dont vous avez l’air de vous plaindre fait en effet baisser marginalement ce taux d’imposition ; mais pourquoi ?
Mme Christine Arrighi
C’est faux !
M. Sylvain Maillard
Pour permettre d’investir dans la restauration du patrimoine, par exemple, ou encore, avec l’IR-PME, pour favoriser l’investissement dans les entreprises. À vous écouter – et je suis là depuis le début –,…
Mme Christine Arrighi
Nous aussi – et nous étions aussi là l’année dernière, contrairement à vous !
M. Sylvain Maillard
…on a l’impression d’assister à un débat quelque peu daté opposant les uns et les autres dans un esprit de luttes sociales. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Nous devons trouver un équilibre : si nous cassons la croissance et l’envie d’investir en France,…
M. Julien Odoul
Comme vous l’avez fait depuis huit ans !
M. Sylvain Maillard
…le gâteau ne fera que diminuer. Nous faisons, pour notre part, des propositions ; mais voilà trois jours que nous augmentons les impôts et il est temps de s’arrêter.
M. le président
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
J’aurais aimé que la ministre Amélie de Montchalin assiste aujourd’hui à nos débats.
M. Roland Lescure, ministre
Désolé !
M. Gérault Verny
Je lui ai en effet signalé, la semaine dernière, que les chiffres de la DGFIP – la direction générale des finances publiques – et de l’Insee démontraient, au-delà des fantasmes de l’extrême gauche, que les plus hauts revenus étaient déjà, de très loin, les plus fiscalisés. (M. Antoine Léaument s’exclame.) J’aurais aimé que la ministre confirme les chiffres que je vais présenter de nouveau : les 0,1 % des plus riches, en France, ont un taux d’imposition de 55,2 %. Ils sont donc, de très loin, les plus fiscalisés, à l’opposé des fantasmes qui ne les mettent qu’à 2 %, 5 % ou 20 %.
M. Sébastien Delogu
C’est faux ! Vous mentez !
M. Gérault Verny
Vous pouvez le dire – j’aimerais en tout cas que le gouvernement puisse confirmer ou infirmer ces chiffres, qui sont publics. Libre à vous de contester les chiffres de la DGFIP ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Sébastien Delogu
Ce n’est pas parce que c’est écrit dans Frontières que c’est vrai !
M. le président
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Je suis désolé mais je vais encore décevoir nos collègues de la gauche radicale.
Mme Dieynaba Diop
Vous ne nous décevez jamais !
M. Jean-Philippe Tanguy
Il sera inutile, dans les jours à venir, de geindre et de pleurnicher : nous ne participerons pas à vos 183 milliards d’impôts supplémentaires sur les Françaises et les Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Dieynaba Diop
Seulement sur les ultrariches !
M. Jean-Philippe Tanguy
Cela vous fera peut-être de la peine ; mais vous nous facilitez tellement le travail, par la caricature que vous nous présentez de ce que vous êtes depuis dix ans déjà,…
Mme Dieynaba Diop
C’est l’hôpital qui se moque de la charité !
M. Jean-Philippe Tanguy
…vous qui essayez de faire croire aux Françaises et aux Français que la solution serait dans ces 183 milliards supplémentaires alors que le pays est déjà totalement saturé d’impôts. Vous ne voulez pas comprendre que vos mesures ne fonctionnent pas et que ces 183 milliards, que vous promettez sur les milliardaires, seront au bout du compte supportés par les classes moyennes, y compris les classes moyennes supérieures !
M. Nicolas Sansu
C’est le RN de Montretout !
M. Jean-Philippe Tanguy
Or les classes moyennes supérieures, que vous vilipendez systématiquement, sont les dernières à financer encore, par l’investissement, l’économie réelle. Vous opposez systématiquement les Françaises et les Français entre eux, quand il faut au contraire les unir pour renforcer l’économie nationale, investir, réindustrialiser, financer nos agriculteurs, la forêt et la pêche françaises ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Maxime Laisney
Vous cherchez une place au gouvernement ?
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous ne votez jamais les mesures de justice fiscale du Rassemblement national :…
M. Jean-François Coulomme
Jamais, non !
M. Jean-Philippe Tanguy
…c’est bien la preuve de votre hypocrisie systématique ! L’impôt sur la fortune financière : vous ne le votez jamais ! L’impôt sur les surdividendes : vous ne le votez jamais ! Pire : vous votez une taxe inférieure à celle que nous proposons, offrant ainsi un cadeau aux superactionnaires que vous condamnez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) La taxe sur les rachats d’actions, soit 7 à 8 milliards : vous ne l’avez jamais votée, préférant voter, en commission des finances, une taxe sur les rachats d’actions qui ne rapporte que quelques centaines de millions d’euros. Vous favorisez la pire des spéculations.
Nous n’avons aucune leçon de morale à recevoir ! Nous savons ce que nous voulons… (M. le président coupe le micro de l’orateur. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Béatrice Bellay et Mme Dieynaba Diop
Rends l’argent !
M. le président
Il est inutile, chers collègues, de s’invectiver et de hurler ; il suffit que chacun demande la parole.
Mme Marie Pochon
Ce discours a duré cinq minutes !
M. le président
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Les interventions venues des rangs du Rassemblement national sont tout de même inouïes : depuis le début de la discussion budgétaire, vous avez défendu nombre de niches concédant de confortables avantages aux ultrariches,…
M. Jean-Philippe Tanguy
Lesquelles ?
Mme Danielle Simonnet
…sans cesser d’aboyer pour protéger les maîtres de la finance !
M. Emeric Salmon
Nous ne sommes pas des chiens !
Mme Danielle Simonnet
Avec les macronistes, vous votez contre chaque amendement que nous défendons pour augmenter la contribution des plus riches à l’effort national. Les amendements dont nous débattons maintenant visent à faire passer de 20 % à 30 % le taux de la contribution différentielle sur les hauts revenus – un minimum quand, en dix ans, la richesse des 500 plus grosses fortunes de France a augmenté de 1 000 milliards d’euros ! Il faudrait, bien entendu, instaurer enfin une véritable justice fiscale en taxant le patrimoine et sans en exclure les biens professionnels – une bataille que nous espérons bien remporter. L’effort budgétaire ne repose que pour 10 % sur les plus riches alors que les 90 % restants pèsent sur l’ensemble du peuple.
La Macronie nous parle d’impôt confiscatoire ;…
M. Sylvain Maillard
Et c’est vrai !
Mme Danielle Simonnet
…mais quand vous haussez les franchises médicales, vous confisquez au peuple le droit de se soigner (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Sylvain Maillard proteste) ; quand vous gelez les pensions et cassez le service public, vous lui confisquez le pouvoir de vivre.
Vous affirmez que ces prélèvements ne permettent pas de développer l’activité économique. Voilà pourtant huit ans que vous nous promettez, par votre stratégie de cadeaux fiscaux, un ruissellement qui n’est jamais arrivé ! Le ruissellement n’est rien d’autre que le moyen par lequel les plus riches captent et empochent l’argent public. La justice fiscale que nous exigeons doit y mettre fin. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Estelle Mercier.
Mme Estelle Mercier
Une chose est sûre, et monsieur Tanguy vient de nous le prouver : le Rassemblement national est du côté des plus riches. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Julien Odoul
Il faut travailler un peu vos arguments !
Mme Dieynaba Diop
C’est un fait !
Mme Estelle Mercier
Permettez-moi de rappeler que la CDHR ne concerne que les personnes seules dont les revenus dépassent 250 000 euros et les couples dont les revenus dépassent 500 000 euros : nous parlons bien des 10 % les plus riches, pas des Français moyens.
On en appelle sans cesse à l’argument de la constitutionnalité et au caractère prétendument confiscatoire des dispositions que nous défendons : mais si un taux de 30 % sur les plus hauts revenus est confiscatoire, qu’en est-il du taux de 50 % dont s’acquittent la plupart des classes moyennes et la majorité des Français ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.) Si un taux de 50 % n’est pas confiscatoire, pourquoi un taux de 30 % le serait-il ? Il y a quelque chose que je ne comprends pas dans vos arguments ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Sylvain Maillard
On parle d’une accumulation d’impôts !
M. le président
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Notre groupe n’est favorable à aucun de ces quatre amendements. Ils ne posent pas la vraie question, qui est celle de l’assiette, à partir de laquelle les seuils sont calculés. Ne touchons donc pas aux seuils ni aux taux en eux-mêmes, mais attaquons-nous à l’assiette, comme je proposerai de le faire dans l’amendement suivant. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
La CDHR concerne théoriquement 63 000 ou 64 000 foyers ; pourquoi, dès lors, ne sont-ils que 24 000, soit 40 % d’entre eux, à la payer ? Je vous l’expliquerai dans la défense de l’amendement suivant (Sourires sur plusieurs bancs), mais c’est tout simplement parce que la notion de revenu au sens de la CDHR est beaucoup plus étroite que pour la CEHR. Je propose d’y remédier dans mon amendement no 1275, auquel je vous invite à vous rallier plutôt que de voter les présents amendements.
M. Nicolas Sansu
L’un n’empêche pas l’autre !
M. le président
Quel teasing et quel talent, monsieur de Courson !
La parole est à M. Pascal Lecamp.
M. Pascal Lecamp
Mes prises de parole sont rares, mais je voudrais ramener le débat à la raison. (« Oh ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
On peut faire varier les plafonds et les taux pendant des heures et des heures ! La semaine dernière, toutefois, nous avions trouvé un équilibre, en prolongeant la CDHR jusqu’à ce que nous repassions sous la barre des 3 % de déficit public – effort national qui est notre objectif à tous –, grâce à l’amendement no 3358 dont la paternité revient à mon collègue Mattei, au nom duquel je me permets de prendre la parole. Avec cet amendement équilibré ont été adoptés des plafonds ainsi que le taux de 20 %. Rappelons que cette contribution est différentielle et s’ajoute ainsi aux impôts déjà payés – c’est normal – par les personnes qui gagnent le plus d’argent.
Restons-en là, accélérons un peu et tournons la page de ces débats sur les taux et les plafonds qui n’ont aucun sens et à propos desquels la droite et la gauche – l’extrême droite et l’extrême gauche –, de toute façon, ne tomberont jamais d’accord !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2253.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 246
Nombre de suffrages exprimés 245
Majorité absolue 123
Pour l’adoption 105
Contre 140
(L’amendement no 2253 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1470, 2369 et 3475.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 241
Nombre de suffrages exprimés 241
Majorité absolue 121
Pour l’adoption 99
Contre 142
(Les amendements identiques nos 1470, 2369 et 3475 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Sur l’amendement no 1275, je suis saisi d’une demande de scrutin public par le groupe Rassemblement national.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement.
Mme Dieynaba Diop
Ça y est ! Le nouvel épisode est arrivé !
M. Charles de Courson
La contribution différentielle sur les hauts revenus vise à garantir une imposition minimale de 20 % sur l’ensemble des revenus des foyers les plus aisés. Pourtant, seuls 24 300 foyers sur les 62 500 entrant dans le champ de la contribution sont effectivement redevables, en raison de la multiplication des retraitements et correctifs réduisant artificiellement l’assiette.
Le présent amendement vise à restaurer la cohérence et la portée du dispositif, en supprimant l’essentiel des retraitements introduits, sources de complexité et de déperdition de rendement. Il prévoit, tout d’abord, de retenir pour le calcul du seuil d’assujettissement le revenu fiscal de référence, déjà utilisé pour la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Il est quand même extraordinaire qu’on n’ait pas la même définition du revenu entre la CDHR et la CEHR, l’assiette étant plus large pour la CEHR que pour la CDHR ! Ensuite, il propose d’exclure la prise en compte des avantages fiscaux liés aux réductions et crédits d’impôt dans le calcul du taux effectif d’imposition. Enfin – c’est un peu technique –, il ajuste le mécanisme de la décote, mais c’est un point secondaire dont on en reparlera plus tard, l’essentiel étant dans les deux premiers points.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
L’amendement de M. de Courson cherche à atteindre une forme de pureté réglementaire et, d’une certaine manière, politique. En effet, le taux actuel n’est pas véritablement à 20 % mais à 18,9 %, pour les raisons qu’il a évoquées, à savoir la décote, essentiellement, et l’exonération de l’impôt déjà payé.
Même si, sur le fond, M. de Courson a raison, l’adoption de son amendement aurait deux effets. D’abord, il alourdirait de 400 à 450 millions d’euros supplémentaires la facture fiscale.
M. Nicolas Sansu
On parle de gens qui ont 250 000 euros par part !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Ensuite, à partir du moment où nous créons un impôt prétendument exceptionnel – prétendument, parce que je rappelle que le crédit exceptionnel voté en 2012 est toujours en vigueur –, il doit obéir à des règles stables.
M. Manuel Bompard
Puisqu’on l’a pérennisé, il n’y a plus de problème !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Or, en révisant le mode de calcul, l’amendement de M. de Courson, dont je saisis l’ambition, est porteur d’instabilité et peut susciter l’incompréhension des contribuables concernés. C’est la raison pour laquelle la commission a donné un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure
La raison principale pour laquelle seuls 25 000 foyers, sur les 50 000 foyers en théorie éligibles, paient la CDHR, c’est que, parmi ces foyers éligibles, nombreux sont ceux qui paient déjà plus de 20 % – 25, 30 ou 35 %. Si vous êtes en tête de la parade, vous n’êtes pas concerné par la CDHR, qui est une sorte de voiture-balai.
Mme Christine Arrighi
Justement, raison de plus pour tout augmenter !
M. Roland Lescure
Vous suggérez – et je comprends votre logique – de réintégrer un certain nombre de niches fiscales dans le calcul de l’assiette de la CDHR, l’idée étant que, actuellement, les exonérations liées à ces niches réduisent d’autant la base fiscale, conduisant à ce que la CDHR corresponde in fine à un montant inférieur à 20 % du revenu réel.
Votre proposition soulève plusieurs difficultés. D’abord, parmi les niches que vous ciblez, certaines sont liées à l’activité professionnelle. Prenons ainsi le cas d’un contribuable, entrepreneur individuel qui dépose un brevet, ce qui lui ouvre le bénéfice d’une niche fiscale. Selon qu’il a choisi l’imposition au titre de l’impôt sur le revenu ou au titre de l’impôt sur les sociétés, il sera, avec votre amendement, traité de manière différente puisque, dans le cas où il a opté pour l’impôt sur le revenu, il perd le bénéfice de la niche fiscale attachée au brevet, ce qui n’aurait pas été le cas s’il avait choisi l’impôt sur les sociétés. Les niches que vous ciblez sont des niches qui concernent l’activité professionnelle, et c’est bien la raison pour laquelle nous avons décidé de ne pas en tenir compte dans le calcul de l’assiette de l’impôt sur le revenu, acquitté, lui, à titre personnel.
Autre exemple : un ménage qui aurait investi dans le dispositif Pinel, soit en 2016, sous la présidence de François Hollande, soit en 2019, sous celle d’Emmanuel Macron, et qui perdrait, avec votre amendement, le bénéfice fiscal de son investissement.
Ces exemples concrets…
Mme Christine Arrighi
Non, ce n’est pas concret, ça n’existe pas !
M. Roland Lescure
…montrent que, outre qu’il est inefficace, votre amendement risque d’avoir des effets négatifs sur l’innovation et sur un certain nombre d’investissements, notamment dans l’immobilier locatif. J’ajoute que, en supprimant les abattements liés à la famille – cela peut être sous-amendé, me direz-vous –, vous touchez à la conjugalisation dont vous avez voté, lundi, le maintien, ce qui fait peser un risque d’inconstitutionnalité sur votre amendement.
C’est donc un avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
J’aurais préféré qu’on adopte les amendements précédents mais celui de Charles de Courson a le grand mérite de pointer un des problèmes posés par la taxation des hauts revenus, à savoir qu’ils sont mités par les exonérations et les exceptions – un fait documenté. En cela, il va dans le sens de la justice.
Ensuite, de manière sans doute involontaire, M. le ministre a pointé un second problème, qui concerne les exonérations liées aux biens professionnels des ultrariches – nous aurons évidemment l’occasion d’y revenir lors de la discussion de l’article 3 et des amendements concernant la taxe Zucman.
En tout état de cause, l’amendement de Charles de Courson et la réponse qu’a faite le ministre cernent les deux questions qui se posent à propos de la manière dont les très hauts revenus de ce pays échappent à l’impôt.
M. le président
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Nous allons soutenir cet amendement, et j’ai du mal à comprendre la réponse de M. le ministre. L’an dernier, nous avons instauré un mécanisme pour que les plus aisés de notre pays paient leur juste part. Or il se trouve que deux tiers des personnes qui devraient être concernées y échappent, ce qui ne vous empêche pas de dire qu’au nom de la stabilité, on ne peut pas changer les modes de calcul tous les ans. Vous ne pouvez pas refuser de corriger un dispositif qui ne fonctionne pas !
M. Matthias Renault
Ce n’est pas le même mécanisme !
M. Aurélien Le Coq
Par ailleurs, on a vu tout à l’heure la fébrilité de M. Tanguy, qui s’est mis à hurler (Mme Marine Le Pen s’esclaffe) pour démontrer que Mme Le Pen, que cela rend visiblement hilare, n’est pas l’amie des plus fortunés.
Mme Marine Le Pen
Mais c’est très drôle !
M. Aurélien Le Coq
Or, non seulement, madame Le Pen, vous avez refusé que nous fassions contribuer les plus riches un petit peu plus, avec la contribution de solidarité sur les hauts revenus, mais vous avez même fait pire, il y a quelques minutes, en refusant que les plus riches de ce pays paient simplement ce qu’ils doivent payer ! Oui, vous vous êtes opposée à ce que les personnes qui gagnent plus de 250 000 euros par an soient contraintes de payer 30 % en moyenne d’impôt sur le revenu, ce qui est conforme à l’impôt théorique puisque, quand on gagne 250 000 euros, on doit s’acquitter en moyenne de 33 % d’impôt sur le revenu. Comme ce n’est pas le cas, nous demandons simplement que les plus riches paient leur juste part mais Mme Le Pen se dresse en protectrice des plus riches ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Nicolas Sansu
C’est normal, elle défend sa classe !
M. Aurélien Le Coq
Vous pouvez paniquer et vous énerver, mais c’est un fait. Le Rassemblement national s’oppose à la contribution différentielle sur les hauts revenus comme il s’est opposé en commission au rétablissement de l’impôt sur la fortune, comme il s’est opposé à la taxe Zucman, à la taxation des dividendes, à celle des yachts, à toutes les taxations qui visent vos amis les plus aisés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.) Vous êtes démasqués !
M. le président
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Je voudrais répondre aux deux arguments de M. le ministre.
Vous admettez, d’abord, que la CDHR a une assiette plus étroite que la CEHR mais balayez cette différence en expliquant que, par définition, la CEHR est exceptionnelle. Mais puis-je vous rappeler que nous avons décidé de la maintenir jusqu’au retour à 3 % de déficit ?
M. Erwan Balanant
Ce n’est pas pour demain !
M. Charles de Courson
Elle n’est donc pas si exceptionnelle.
Ensuite, vous avez insisté sur le fait que toucher aux avantages fiscaux divers et variés qui réduisent l’assiette de la CDHR – mais pas celle de la CEHR – peut avoir un effet désincitatif sur l’investissement productif ; mais n’est-ce pas en totale contradiction avec votre position sur le mitage de l’assiette de la contribution exceptionnelle ?
Quant à la décote, c’est un point tout à fait subsidiaire de cet amendement qui est, avant tout, un amendement de justice. On ne touche ni au taux ni au seuil, on se contente de rétablir une cohérence entre la CEHR et la CDHR. C’est simple et cela peut rapporter, d’après le rapporteur général, 450 millions d’euros. Ce n’est pas révolutionnaire mais cela introduit de la justice dans le système. Je ne vois donc aucune raison de se disputer sur cette affaire.
M. le président
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Alexis Corbière
Ne criez pas !
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous soutiendrons cet amendement de Charles de Courson (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP), comme nous l’avons soutenu en commission, pour la simple raison que nous devons appliquer correctement cet impôt pour qu’il soit conforme à ce qui a été annoncé aux Françaises et aux Français lors de sa création. Dans ses propos liminaires, le Rassemblement national avait d’ailleurs souligné le fait que le taux annoncé ne correspondait pas au taux effectif et, à cet égard, l’amendement de Charles de Courson est techniquement remarquable.
Si M. le ministre craint pour sa constitutionnalité, il sera temps, en commission mixte paritaire, de proposer un correctif qui nous prémunisse contre ce risque de censure – si toutefois il est réel. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Nicolas Sansu
C’est bien d’avoir un amendement de rendement, pour une fois !
M. le président
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve
Il y a, dans cette assemblée, une majorité de députés qui souhaitent aboutir à un compromis et qui, je crois, sont raisonnables. Il y a ceux qui pensent qu’il n’y a jamais assez d’impôts et qui proposent, depuis maintenant plusieurs jours, des niveaux d’imposition extrêmement élevés et ceux qui pensent, à l’inverse, que nous sommes le pays où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés et où la redistribution est la plus importante.
M. Sylvain Maillard
Et ce sont eux qui ont raison !
M. Jean-René Cazeneuve
Cet article est un bon compromis : nous avons collectivement décidé de prolonger cet impôt, qui devait être exceptionnel l’année dernière. Essayons d’en rester là et de ne pas rajouter une imposition supplémentaire (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR) ; sinon, nous empêcherons une partie significative de l’hémicycle de voter l’article. Je répète : si l’on veut que les députés raisonnables trouvent ce budget acceptable, il ne faut pas en rajouter par rapport à ce qui a déjà été voté.
En outre, on ne peut pas dire que les riches de notre pays ne paient pas leur juste part d’impôt.
Mme Dieynaba Diop
On peut le dire ! C’est factuel !
M. Jean-René Cazeneuve
Vous confondez en permanence les revenus et le patrimoine.
M. Aurélien Le Coq
Non !
M. Jean-René Cazeneuve
Certes, quelques centaines de nos compatriotes possèdent un patrimoine professionnel extrêmement élevé. Comment aborde-t-on ce sujet ? Nous en débattrons quand il sera question de la taxe Zucman. Mais 99,9 % des Français paient un impôt très élevé, redistributif et progressif ; et 1 % des foyers français paient 33 % de l’impôt sur le revenu. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Jean-François Coulomme
Sont-ils moins riches pour autant ?
M. Jean-René Cazeneuve
Les Français les plus riches paient donc beaucoup d’impôts – c’est normal, c’est très bien, mais n’en rajoutez pas et ne les insultez pas en répétant sans cesse qu’ils ne paient pas d’impôts ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Pascal Lecamp.
M. Pascal Lecamp
Il ne s’agit pas d’insulter qui que ce soit pour ses idées ou ses prises de position – restons dans la mesure ! Par cohérence avec l’amendement de Jean-Paul Mattei, mais aussi dans un souci d’équité et de lisibilité fiscales qu’avait souligné M. de Courson, la majorité de notre groupe votera donc l’amendement. (M. Charles de Courson et M. Olivier Faure applaudissent.)
En rétablissant l’indexation de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, nous avons engagé une dépense de 2 milliards d’euros ; récupérer 540 millions d’euros en introduisant davantage d’équité et de justice fiscales me semble donc une bonne décision. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. Nicolas Sansu
Très bien !
M. le président
La parole est à Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas
Nous soutiendrons l’amendement de Charles de Courson, qui va dans le bon sens : il élargit l’assiette de la CDHR, améliorant ainsi son rendement.
Je tiens toutefois à rappeler que, l’année dernière, le rendement de cette contribution était estimé à 2 milliards d’euros. En réalité, selon l’Institut des politiques publiques (IPP), il ne sera probablement que de 1,2 milliard. Nous sommes excédés de constater qu’année après année, on nous promet des rendements très élevés pour ce type de mesures symboliques, mais qu’ensuite, les rendements ne sont jamais au rendez-vous.
Notre groupe plaide pour davantage de sincérité dans les prévisions de recettes, en particulier lorsqu’il s’agit des hauts revenus ou des entreprises ; il a d’ailleurs demandé que la commission des finances saisisse le Conseil des prélèvements obligatoires afin que ce dernier évalue le rendement prévisionnel de la taxe sur les holdings. Nous ne faisons pas confiance au gouvernement – j’y insiste, les rendements annoncés ne sont jamais au rendez-vous. Nous demandons donc solennellement que le Conseil des prélèvements obligatoires soit saisi pour évaluer la réalité des recettes attendues pour cette taxe. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe GDR.)
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Monsieur Cazeneuve, je vais vous répondre avec quelques chiffres. Je reviendrai dans une autre intervention sur la redistribution, généralement calculée entre les 10 % les plus riches et les 10 % les plus pauvres, alors qu’il faudrait comparer les 0,1 % les plus riches aux 10 % les plus pauvres : on constaterait alors que le rapport n’est plus d’un à trois.
S’agissant des revenus – et uniquement des revenus, nous reviendrons aussi sur les patrimoines –, une étude publiée en 2023 par l’IPP et intitulée « Quels impôts les milliardaires paient-ils ? », prenant en compte tous les revenus des plus riches, conclut que le taux d’imposition effectif devient régressif à partir des 0,1 % les plus riches, soit environ 40 000 foyers. Leur taux moyen d’imposition sur les revenus est par ailleurs passé de 29,3 % en 2003 à 25,7 % en 2024. Autrement dit, même sur les revenus, on constate qu’une régression fiscale s’est opérée depuis vingt ans, à rebours de la redistribution. Cela doit évidemment faire partie du débat.
En outre, selon la DGFIP, le revenu annuel moyen des foyers appartenant aux 0,1 % les plus riches a augmenté de 119 % entre 2003 et 2022. Pour le reste de la population – soit plus de neuf foyers sur dix – l’augmentation n’a pas dépassé 39 %. L’accroissement des inégalités est donc considérable, à la fois dans la distribution des revenus et dans leur imposition, tout cela au bénéfice des ultrariches.
Et j’ose le dire : c’est, depuis huit ans, la marque du macronisme, lequel a favorisé comme jamais les ultrariches de ce pays avec, à la clé, un manque à gagner évident de recettes publiques. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Alexis Corbière
Exactement !
M. le président
La parole est à M. Roland Lescure, ministre.
M. Roland Lescure, ministre
Monsieur Coquerel, ce n’est que le début d’une longue aventure qui nous amènera, tout au long de la semaine, à débattre de la hausse des prélèvements obligatoires prévue dans ce budget.
Un peu plus de 20 % de ces prélèvements concernent directement les contribuables aux revenus les plus élevés. Or nous n’avons pas 20 % de riches en France – en tout cas, pas à ma connaissance. Cela signifie que le projet de budget prévoit déjà une contribution importante des contribuables les plus aisés au redressement fiscal.
Nous débattrons de la taxation du patrimoine et de sa proportionnalité mais, certains l’ont dit, la France a déjà le système fiscalo-social le plus redistributif d’Europe ; et ce projet de budget vient renforcer la redistribution.
Monsieur de Courson, si certaines niches fiscales ne vous plaisent pas, supprimez-les !
M. Nicolas Sansu
Je suis d’accord !
M. Roland Lescure, ministre
Mais je vous rappelle que nous avons commencé cette journée en en réinventant une nouvelle, à laquelle j’étais opposé – j’ai été battu. En l’espèce, ces niches existent, et elles sont pluriannuelles. Si le crédit d’impôt services à la personne est retiré de l’assiette de la CDHR, et qu’un contribuable emploie plusieurs salariés à domicile, ce qui lui permet de réduire son taux d’imposition en dessous de 20 %, il sera rattrapé.
M. Sylvain Maillard
C’est incohérent !
M. Roland Lescure, ministre
De même, l’avantage fiscal d’un contribuable ayant investi dans un bien immobilier locatif avec le dispositif Pinel risque d’être supprimé rétroactivement cette année si votre amendement est adopté.
M. Charles de Courson
Non !
M. Roland Lescure, ministre
Si, monsieur de Courson ! C’est la même chose pour les brevets : en France, 4 de nos 6 millions d’entreprises relèvent de l’impôt sur le revenu, et seules 2 millions de l’impôt sur les sociétés. Parmi ces 4 millions, toutes celles qui ont déposé des brevets se retrouveront surtaxées si votre amendement est adopté.
Dernier point, la réduction d’impôt sur le revenu au titre des dépenses de restauration de monuments historiques. Vous aimez le patrimoine, monsieur de Courson, comme moi. En l’état du droit, un contribuable qui investit dans la rénovation d’un bâtiment classé bénéficie, sur plusieurs années – ces travaux sont longs – d’une réduction d’impôt. Si votre amendement est adopté, la réduction sera intégrée à l’assiette de la CDHR, donc annulée.
L’immobilier, l’innovation, le patrimoine : nous souhaitons tous encourager ces trois secteurs. Pourtant, si votre amendement est adopté, ce sera clairement désincitatif.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Roland Lescure, ministre
Je réitère donc mon avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Vous indiquez que la question de la déconjugalisation est subsidiaire ; ce n’est pas subsidiaire, c’est inconstitutionnel ! Certes, comme M. Tanguy l’a observé, nous pourrons corriger ce problème, mais le reste – la suppression de fait de certaines niches fiscales pour une partie des contribuables – n’est pas nettoyable. Ceux qui paient l’impôt sur les sociétés continueraient à bénéficier de ces niches, tandis que ce ne serait plus le cas des contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu.
J’insiste : il faut faire preuve de prudence face aux effets indésirables de cet amendement, très dangereux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1275.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 245
Nombre de suffrages exprimés 240
Majorité absolue 121
Pour l’adoption 192
Contre 48
(L’amendement no 1275 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 1867 tombe.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
Sur l’amendement n° 2159, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement.
Mme Élisa Martin
Il s’agit de systématiser la déconjugalisation des dettes fiscales. En cas de séparation d’un couple, et même lorsqu’il existe un régime de séparation des biens, l’un des membres du couple peut se retrouver contraint de payer des dettes fiscales qu’il n’a pas contractées.
En 2008, une décharge de l’obligation de paiement a été mise en place, mais accordée uniquement en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et la situation financière et patrimoniale nette du demandeur. Il permet aux services fiscaux d’évaluer si la personne – qui, je le rappelle, n’est pas responsable de la constitution de la dette – se trouve dans une situation justifiant une exonération du paiement effectif. Mais la décision reste à la discrétion de l’administration fiscale.
En 2024, autre avancée de bon sens : les personnes victimes de violences conjugales peuvent désormais être exclues de cette obligation. Mais, là encore, cela relève de l’appréciation des services fiscaux.
C’est pourquoi nous proposons de systématiser le dispositif : le membre du couple non responsable de la dette fiscale contractée par son ex-conjoint ne doit pas être redevable de cette obligation de paiement.
Cet amendement s’inscrit dans une démarche féministe, dans un monde où les hommes sont hyperdominants : 87 % des demandes de non-paiement de dettes fiscales contractées par l’autre membre du couple émanent de femmes. Dans un contexte marqué par le patriarcat, une telle mesure serait parfaitement légitime. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Tristan Lahais applaudit également.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
C’est un débat très important car, en cas de séparation, chacun des ex-époux est tenu de régler les dettes fiscales créées pendant l’imposition commune, même si la décharge de responsabilité permet de libérer l’un des ex-époux de ces dettes.
Notre collègue Perrine Goulet a réalisé un travail très significatif dans le cadre de la récente proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille, dont elle était la rapporteure. La loi du 31 mai 2024 a ouvert la possibilité pour l’administration fiscale de prononcer une décharge gracieuse, précisément pour tenir compte de situations, réelles et graves, qui affectent la vie quotidienne de nos concitoyens – violences conjugales, mais aussi dettes issues d’activités auxquelles la personne séparée n’a pas participé et dont elle n’a pas tiré profit.
Cette réforme a-t-elle permis d’améliorer les choses ? Oui, puisqu’elle a fait passer le taux de décisions favorables de 39 à 88 %. Votre amendement me semble donc satisfait : les objectifs qu’il poursuit sont désormais atteints, en grande partie grâce à la réforme susmentionnée. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
Même avis. Vous soulevez un véritable problème, mais il a été réglé par la proposition de loi de M. Hubert Ott et plusieurs de ses collègues, dont Perrine Goulet était la rapporteure, et que nous avons adoptée – j’étais sur vos bancs à l’époque. (Mme Élisa Martin s’exclame.)
Prenons un exemple concret : une institutrice ou un instituteur marié à un avocat ou une avocate divorce. Si l’avocat avait contracté des dettes fiscales, jusqu’en 2024, le risque était que l’instituteur ou l’institutrice se retrouve contraint de rembourser une partie de ces dettes, alors qu’il ou elle n’y était absolument pas associé. Depuis 2024, ce n’est plus possible.
Dans 90 % des cas, ces demandes gracieuses d’exonération sont acceptées. Dans les 10 % qui restent, elles ne sont pas acceptées au motif qu’elles ne sont pas légitimes. L’administration fiscale peut par exemple considérer que la solidarité entre les époux existe parce que les dettes ont été contractées ensemble dans le cadre d’une entreprise qu’ils détenaient. Ces dettes devront alors être remboursées, à condition que les revenus permettent de le faire.
Le problème a donc été réglé et je suggère en conséquence le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme Sarah Legrain.
Mme Sarah Legrain
Je ne comprends pas votre argument : vous ne pouvez pas dire qu’on a réglé le problème, sauf dans 10 % des cas. Le cas des dettes mutuelles n’a aucun rapport avec ce dont nous sommes en train de parler, puisque le cas qui nous occupe est celui où une femme – dans 87 % des cas – se retrouve, après la séparation, à devoir payer des dettes contractées par son ex-conjoint. Elle se retrouve alors contrainte de se tourner vers l’administration fiscale pour lui demander de ne pas l’obliger à payer ces dettes.
Nous avons déjà adopté la décharge de solidarité pour les femmes victimes de violences conjugales. Il faut aller jusqu’au bout pour éviter aux administrées de devoir aller supplier l’administration fiscale de les dispenser de payer les dettes de leur ancien conjoint. Vous ne pouvez pas à la fois dire que cela marche, sauf dans 10 % des cas, et que c’est impossible de l’inscrire dans la loi. Il faut inverser la logique. Après une séparation, il y a suffisamment de choses à gérer pour ne pas avoir en plus à faire cette démarche auprès de l’administration fiscale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne
J’aimerais comprendre pourquoi mon amendement n° 1867 est tombé. Il proposait de réintroduire l’incitation au mécénat dans le calcul de la contribution différentielle. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Sarah Legrain
Mais ce n’est pas possible !
Mme Élisa Martin
On comprend, monsieur Labaronne, que les femmes ne vous intéressent pas…
M. Daniel Labaronne
Votre amendement, chers collègues, est très intéressant…
Mme Élisa Martin
Alors examinons-le !
M. le président
Laissez M. Labaronne exprimer son point de vue.
M. Daniel Labaronne
…mais laissez-moi formuler mon interrogation ! Mon amendement est-il tombé à la suite de l’adoption de l’amendement de M. de Courson, qui empêcherait la prise en compte dans le calcul de la contribution différentielle du mécénat, que les très hauts revenus pratiquent en faveur de l’éducation, de la science, de la défense des animaux ou encore de la conservation des monuments historiques ? J’aimerais avoir une explication.
M. le président
Votre amendement est effectivement tombé à la suite de l’adoption de l’amendement de M. de Courson, car celui-ci modifie l’article 224 du code général des impôts.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à Mme Sarah Legrain, pour un rappel au règlement.
Mme Sarah Legrain
Mon rappel au règlement concerne la bonne tenue des débats et s’appuie sur l’article 100.
Monsieur Labaronne, j’adore qu’on parle de culture et de mécénat et je me serais opposée avec grand plaisir à votre amendement, si vous aviez pu le défendre. Toutefois, nous sommes en train de parler de femmes qui se voient contraintes de payer les dettes de leur ex-conjoint en cas de séparation et vous profitez de votre réponse à cet amendement pour parler du vôtre. Je trouve que, pour la bonne tenue des débats, votre attitude… (M. le président coupe le micro de l’oratrice. – Plusieurs députés du groupe LFI-NFP applaudissent cette dernière.)
M. le président
Ce n’est pas un rappel au règlement.
Après l’article 2 (suite)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Roland Lescure, ministre
Le dispositif voté par l’Assemblée nationale fonctionne dans 90 % des cas parce qu’il y a 10 % dans lesquels il ne doit pas fonctionner. Si des conjoints ont contracté des dettes ensemble dans le cadre d’une activité professionnelle, il n’y a pas de raison qu’en cas de divorce, ils ne partagent pas cette charge fiscale.
Vous proposez que la décharge de solidarité se fasse de manière automatique. Ce serait la porte ouverte à une fraude qui consisterait à organiser l’insolvabilité d’un des deux conjoints et à une annulation de fait de la dette.
Mme Élisa Martin
Mais non !
M. Roland Lescure, ministre
Dans les cas où l’administration a donné une réponse positive – qui représentent 90 % des demandes –, aucune dette n’est restée à la charge du demandeur. Le dispositif fonctionne donc bien. Évitons de complexifier les choses et d’inciter à la fraude !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2159.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 194
Nombre de suffrages exprimés 137
Majorité absolue 69
Pour l’adoption 74
Contre 63
(L’amendement no 2159 est adopté.)
M. le président
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 3619, 879, 3576, 3596, 3620, 374, 1299 et 3618 pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 3576, 3596 et 3620, d’une part, et les amendements nos 374 et 1299, d’autre part, sont identiques.
Dans le cadre de cette discussion commune, je suis saisi d’une série de demandes de scrutins publics : sur l’amendement no 3619, par le groupe Droite républicaine ; sur l’amendement no 879, par le groupe Rassemblement national ; sur les amendements no 3576 et identiques, par les groupes Ensemble pour la République, Droite républicaine, Écologiste et social, Les Démocrates et Horizons & indépendants ; sur l’amendement no 3618, par le groupe Droite républicaine.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l’amendement no 3619.
M. Vincent Descoeur
Il vise à prolonger pour un délai de trois ans l’exonération des pourboires, ces gratifications versées par des clients satisfaits de la qualité d’un service. Je rappelle que cette exonération a été adoptée par notre assemblée à l’occasion de la loi de finances pour 2022. Sa prorogation pour un an, votée l’an dernier, arrive à échéance le 31 décembre, c’est-à-dire dans quelques semaines.
Cette mesure a satisfait tant les employeurs que les salariés, en particulier dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, où les pourboires représentent une part non négligeable de la rémunération et contribuent incontestablement à l’attractivité de ces métiers en tension. Fidèles à notre priorité, nous proposons par cet amendement de valoriser le travail de ces salariés animés de la volonté d’offrir un service de qualité.
Mme Anne-Laure Blin
Bravo !
M. le président
La parole est à M. Julien Limongi, pour soutenir l’amendement no 879.
M. Julien Limongi
Vous voulez désormais taxer les pourboires de nos serveurs. Franchement, on a le sentiment que votre gouvernement veut tout taxer et qu’il taxerait jusqu’au sourire du client si c’était possible. On se demande d’ailleurs si cela fait partie du deal avec le PS, tant les socialistes sont habitués à trahir les travailleurs.
Permettez-moi de remettre un peu de contexte dans notre débat budgétaire. Si vous en êtes là, à chercher à gratter quelques euros sur le travail des Français, c’est parce que vous êtes incapables de faire des économies massives là où elles s’imposeraient : sur le coût colossal de l’immigration, sur la contribution toujours plus importante à l’Union européenne – que vous considérez comme intouchable –, sur la fraude ou encore sur un grand nombre d’agences de l’État devenues de véritables usines à gaspillage de l’argent public.
Les pourboires sont une tradition française. Ils sont un geste de reconnaissance, pas une assiette fiscale. Prolonger cette exonération, c’est du bon sens et du respect pour ceux qui bossent dur, souvent tard, pour faire vivre nos cafés, nos brasseries, nos restaurants et, au fond, notre art de vivre à la française. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Félicie Gérard, pour soutenir l’amendement no 3576.
Mme Félicie Gérard
Il vise à proroger l’exonération fiscale et sociale des pourboires pour les années 2026 et 2027. Cette mesure a démontré son efficacité tant pour améliorer les revenus des salariés concernés que pour renforcer l’attractivité de ces métiers.
Je précise que cet amendement, qui soutient la France qui travaille,…
M. Nicolas Sansu
Il faut arrêter avec ça ! Tout le monde travaille !
Mme Félicie Gérard
…a été adopté en commission des finances.
M. le président
La parole est à Mme Brigitte Klinkert, pour soutenir l’amendement no 3596.
Mme Brigitte Klinkert
Cette mesure juste, efficace et concrète bénéficie à des femmes et des hommes qui travaillent dur : des serveurs, des barmans, des réceptionnistes, des bagagistes, souvent jeunes, souvent à temps partiel et parfois au smic.
Pour eux, les pourboires, ce n’est pas un petit bonus mais un vrai complément de revenu. Grâce à cette défiscalisation, chaque euro donné par un client se retrouve intégralement dans la poche du salarié, sans coût pour l’entreprise ni formalité supplémentaire. C’est du pouvoir d’achat immédiat. Dans le contexte actuel, ce n’est pas anodin. C’est aussi un levier d’attractivité pour des métiers en tension. Nous le savons tous : les cafés, les restaurants et les hôtels peinent à recruter. En maintenant cette mesure, nous rétablissons un peu de reconnaissance et de motivation dans ces professions essentielles à notre économie et à notre vie quotidienne.
Cette mesure ne coûte presque rien aux finances sociales et encourage la régularité plutôt que le travail au noir. C’est du bon sens économique et social.
Elle ne remplace pas la nécessaire revalorisation des salaires, mais ceux-ci se négocient par le dialogue social, alors que les pourboires sont la manifestation de la reconnaissance directe du client pour un service bien fait. Les deux se complètent et ne s’opposent pas
Pour finir, je veux saluer le travail de toutes les structures d’insertion qui, partout en France, redonnent leur chance à celles et à ceux qui veulent travailler : Épices et Un Petit Truc en plus à Mulhouse, la fondation Infa – Institut national de formation et d’application –, La Table de Cana, Café joyeux, l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) et bien d’autres. Elles démontrent chaque jour que ces métiers sont des tremplins vers l’emploi et l’égalité.
En prolongeant la défiscalisation des pourboires, nous soutenons le travail, l’attractivité et le pouvoir d’achat, qui sont nos priorités. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Corentin Le Fur, pour soutenir l’amendement no 3620.
M. Corentin Le Fur
Il suit la même logique que l’amendement qu’a parfaitement défendu mon collègue Descoeur. Défiscaliser les pourboires, c’est redonner du pouvoir d’achat à la France qui travaille. Cette défiscalisation est d’autant plus nécessaire que de moins en moins d’argent liquide circule et que les pourboires sont souvent donnés par carte. Elle ne nous exonère pas de mener une réflexion plus globale pour augmenter les salaires dans les métiers de la restauration, qui souffrent d’un vrai déficit d’attractivité. Il faut que le travail paie plus pour que ces métiers trouvent davantage de main-d’œuvre.
M. le président
La parole est à M. Gérault Verny, pour soutenir l’amendement no 374.
M. Gérault Verny
J’ai demandé un scrutin public sur cet amendement.
La semaine dernière, vous avez voté en faveur de la prolongation et du maintien des avantages des journalistes et des élus. J’imagine donc que vous serez sensibles au sort des serveurs qui ont, eux, un métier vraiment pénible puisqu’ils bossent avec des horaires décalés. Ils peuvent toutefois bénéficier d’un lien direct avec leurs clients pour mettre un peu de beurre dans les épinards grâce aux pourboires.
Si le dispositif d’exonération n’est pas prolongé, j’invite tous les Français à verser les pourboires en liquide, ce qui fluidifie d’autant plus la relation.
M. le président
Vous ne pouvez pas demander de scrutin public au nom de votre groupe car vous n’avez pas de délégation de présidence de groupe.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 1299.
M. Charles de Courson
Notre groupe, qui est favorable à la prolongation du dispositif jusqu’en 2027, s’était rallié à l’amendement Gérard en commission des finances.
Je voudrais appeler votre attention sur le problème de la responsabilité des patrons de restaurant. Autrefois, les pourboires étaient payés en espèces et le patron ne savait donc pas combien avait touché chaque employé, d’autant que, dans beaucoup de restaurants, les employés mutualisaient les pourboires avant de se les redistribuer entre eux. Aujourd’hui, les pourboires sont payés par carte. Il est possible de choisir leur montant – 5 %, 10 % ou 15 % – directement sur le terminal de paiement. Les patrons connaissent donc désormais le montant des pourboires et certains ont été accusés de ne pas les déclarer. Il est donc urgent que nous votions cette disposition et que nous nous mettions tous d’accord sur l’échéance de 2027. On verra comment faire en 2028.
M. le président
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l’amendement no 3618.
Mme Anne-Laure Blin
Il s’agit d’un amendement de repli à notre amendement précédent – no 3619 –, que j’invite évidemment mes collègues à voter. Exonérer les pourboires, c’est tout simplement une mesure de bon sens. L’ingéniosité de Bercy nous invite à grappiller ici ou là pour combler le déficit, alors que la volonté et l’énergie permettraient de dégager des économies. C’est le sens des amendements que nous soutiendrons sur le volet dépenses, visant notamment à la suppression d’agences qui sont une grande source de gaspillage d’argent public.
Au-delà des arguments excellemment exposés par mes collègues, je serais curieuse, monsieur le ministre, de savoir comment vos services vont s’y prendre pour que les serveurs déclarent chaque pourboire. Votre volonté de taxer ces revenus va produire une véritable usine à gaz ! Vous allez imposer de la paperasse, encore plus de paperasse, à des entrepreneurs qui en ont déjà bien assez.
Alors que les Français en ont assez des démarches administratives inutiles, ce nouveau dispositif va en créer de nouvelles, encore plus complexes, et qui vont alimenter le sentiment de multiplier les démarches en ligne pour justifier tout et n’importe quoi. Pour éviter cette nouvelle usine à gaz, le bon sens consiste à voter l’amendement no 3619, de manière à proroger cette exonération de plusieurs années. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR. – Mme Liliana Tanguy applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
La défiscalisation et l’exonération de cotisations sociales d’une partie des revenus des salariés contribuent-elles à la stagnation des salaires ? Je m’appuierai sur une étude de l’Insee publiée en mars 2023 – M. Labaronne sera content que je cite mes références, comme j’ai d’ailleurs coutume de le faire…
M. Daniel Labaronne
Très bien !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Cette étude démontrait que la prime de partage de la valeur (PPV) – dite prime Macron – avait contribué à hauteur de 30 % à la non-augmentation des salaires de base au quatrième trimestre de 2022, dans la mesure où les salariés avaient perçu une prime totalement ou partiellement défiscalisée.
De plus, comme M. de Courson vient de le rappeler, les pourboires sont désormais presque systématisés : lorsque vous réglez par carte bancaire, il vous est proposé d’ajouter 5, 10 euros ou davantage à votre addition. Dès lors, la défiscalisation et l’exonération de cotisations sociales sur ces pourboires se traduisent non seulement par une baisse des recettes de l’État, mais aussi par l’augmentation du déficit de la sécurité sociale. Supprimer des cotisations sociales sur un revenu du travail, c’est inévitablement agir sur les salaires : prétendre le contraire est inexact.
M. Vincent Descoeur
Mais les touristes paient en cash !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Lorsqu’on favorise un revenu défiscalisé et exonéré de cotisations, on crée inévitablement un effet mécanique qui freine la progression des salaires. En soutenant une telle mesure, vous allez aggraver l’un des principaux problèmes du secteur de la restauration : les difficultés de recrutement dues à la faiblesse des salaires. Pour toutes ces raisons, ces amendements risquent de générer des conséquences délétères sur les recettes et sur la sécurité sociale,…
M. Vincent Descoeur
Ah, vous n’aimez pas les serveurs !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
…ainsi que sur les salaires.
Mme Anne-Laure Blin
Encore des impôts ! On reconnaît bien la gauche !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Tous ces amendements visent à ne pas taxer les pourboires. Si on en arrive à taxer les pourboires, taxons aussi la gratitude, le « merci », le sourire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs du groupe RN. – Mme Françoise Buffet applaudit également.)
Si tous ont le même objectif, ces amendements sont légèrement différents, c’est pourquoi la commission a donné un avis défavorable aux amendements nos 3619 et 879, mais un avis favorable aux amendements nos 3576 et suivants, jusqu’à l’amendement no 3620 de M. Wauquiez. Elle n’a pas examiné les amendements nos 374, 1299 et 3618 parce qu’ils étaient tombés.
Les deux premiers visent à repousser à 3028, pardon, à 2028…
Mme Anne-Laure Blin
Ce serait bien, on aurait délégué le problème !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Oui, ce serait une bonne idée, il faudrait y penser ! (Sourires.) Les amendements suivants visent à prolonger l’exonération jusqu’en 2027, ou jusqu’à cette année simplement. Je le redis, ils ont tous le même but : ne pas taxer le « merci » que vous avez voulu dire à celui qui vous a rendu un service. C’est non seulement une mesure fiscale, mais aussi une mesure de tradition. Le pourboire, c’est une tradition. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Même si la commission a exprimé un avis défavorable aux deux premiers amendements, je donnerai, à titre personnel, un avis favorable à tous.
M. Nicolas Sansu
Ce n’est pas possible, il n’y a pas d’avis personnel !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
J’ai l’honneur, comme vous le savez, d’avoir été élu par les Français qui vivent en Amérique du Nord. Je veux donc alerter la représentation nationale sur le fait qu’aux États-Unis et au Canada, où cette pratique existe depuis des décennies…
Mme Anne-Laure Blin et Mme Justine Gruet
Nous sommes en France !
M. Roland Lescure, ministre
Laissez-moi terminer ! Cette pratique, qui fait du pourboire une part importante de la rémunération, produit deux conséquences. La première est de maintenir la pression à la baisse sur les salaires et la seconde est – si je puis dire – de systématiser le sourire, dans la mesure où le pourboire devient une rémunération déguisée. Aux États-Unis et au Canada, vous donnez donc 15 % de pourboire sans réfléchir, que le service ait été chaleureux ou non.
M. Julien Odoul
Dans ce cas-là, il faut le faire partout ?
M. Roland Lescure, ministre
J’attire juste votre attention sur le fait que cette pratique conduira à la fois à affaiblir les rémunérations de base et à mal évaluer la qualité du service rendu – croyez-en mon expérience.
En revanche, vous avez raison sur un point : pendant des années, les pourboires étaient de fait défiscalisés puisqu’ils n’étaient pas déclarés.
M. Vincent Descoeur
C’est ce qui a fait la richesse des Auvergnats !
M. Roland Lescure, ministre
De plus, du fait de la covid et de l’amélioration des technologies, la carte de crédit a simplifié les choses en permettant, dans certains cas, de verser directement un pourboire, entraînant du même coup un risque supplémentaire de défiscalisation.
Madame la députée Blin, je suis sûr qu’il serait techniquement possible et simple d’enregistrer les déclarations des pourboires, en modifiant à la marge le logiciel de paie, puisque les cartes de crédit intègrent déjà cette fonctionnalité.
Mme Anne-Laure Blin
Et le numéraire ?
M. Roland Lescure, ministre
Il ne sera sans doute pas plus fiscalisé qu’hier ou qu’avant-hier : on ne va pas se mentir !
Mme Anne-Laure Blin
Ah !
M. Roland Lescure, ministre
J’entends vos arguments mais reconnaissons-le : les pourboires sont versés de manière bien plus visible qu’autrefois et sont donc, en théorie, fiscalisables. J’en profite pour remercier le président de la République, qui avait annoncé cette mesure de défiscalisation au sortir de la crise du covid.
Mme Brigitte Klinkert
Exact !
M. Roland Lescure, ministre
Il semble d’ailleurs que cette initiative fasse, pour une fois, l’unanimité sur vos bancs, à l’exception peut-être du président Coquerel, ce qui ne m’étonne pas.
Je suggère donc le retrait des premiers amendements au bénéfice des suivants, c’est-à-dire la prolongation de cette exonération pour deux ans, jusqu’en 2027, à l’instar d’autres suspensions annoncées. Ce débat intéressant, qui touche à la manière de rémunérer le service dans le domaine de la restauration, animera ainsi la prochaine élection présidentielle.
M. le président
La parole est à Mme Marianne Maximi.
Mme Marianne Maximi
Je voulais commencer par réagir aux propos d’un député de l’extrême droite (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN) et du rapporteur général. En parlant du pourboire, ils ont tous deux invoqué la tradition. L’une des plus grandes traditions de notre histoire est celle de notre protection sociale : les cotisations permettent de protéger les salariés en leur garantissant un salaire différé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous affirmez que la mesure que vous préconisez n’est pas incompatible avec une augmentation des salaires, mais elle l’est totalement ! Plus vous exonérerez fiscalement et socialement les pourboires, moins le patronat augmentera les salaires dans la restauration.
Pourtant, des expérimentations sont menées et méritent un examen approfondi, s’agissant notamment de l’amélioration des conditions de travail : comment éviter les coupures, comment mieux protéger les employés de l’hôtellerie et de la restauration en augmentant les salaires ?
Comme vous le savez, les besoins de recrutement sont forts : selon France Travail, 50 % des patrons cherchent des salariés et ont du mal à recruter. Pourtant, vous nous proposez une solution qui prolongera les difficultés du secteur en la matière, alors que les salaires demeurent assez faibles – à peine 12 euros brut de l’heure : la vraie solution serait de s’en préoccuper.
Un mot enfin sur les apprentis – dont nous débattrons encore dans la suite de l’examen du PLF et du PLFSS –, qui touchent en moyenne 35 % du smic : en dix ans – c’est-à-dire durant les années Macron –, le nombre de jeunes en formation dans les métiers de l’hôtellerie et de la restauration a été divisé par dix.
Toutes les mesures que vous préconisez ne feront qu’accentuer la crise de recrutement dans ces métiers essentiels, qui constituent un secteur important de notre économie. Ces amendements proposés par la droite libérale et par la Macronie ne régleront rien et sont contradictoires avec vos beaux discours selon lesquels il faudrait augmenter les salaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Boris Tavernier.
M. Boris Tavernier
J’ai été serveur et cuisinier pendant dix ans dans un petit bistrot de Lyon, la plupart du temps payé au smic. Vous connaissez les conditions de travail, les horaires coupés, la pression quotidienne. J’aurais préféré être payé avec un salaire décent plutôt qu’avec des pourboires ou des primes défiscalisées pour boucler les fins de mois. Malheureusement, ces pourboires restent indispensables pour les travailleurs de l’hôtellerie et de la restauration. C’est pourquoi il faut les préserver, faute de mieux. (M. Philippe Brun applaudit.)
J’éprouve néanmoins une petite inquiétude : si M. Wauquiez, l’auteur d’un de ces amendements, verse des pourboires proportionnels à ses notes de frais, le manque à gagner pour l’État risque d’être substantiel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
M. Alexandre Portier
Ça y est, il a fait sa vidéo !
M. le président
La parole est à Mme Edwige Diaz.
Mme Edwige Diaz
Le gouvernement souhaite fiscaliser les pourboires avec le soutien de la gauche, qui vient de nous expliquer qu’après la climatisation, les pourboires, c’est d’extrême droite ! (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) Cette idée gouvernementale est une mauvaise idée, puisque les pourboires sont impossibles à fiscaliser totalement et, tout simplement, à contrôler.
Mme Anne-Laure Blin
Mais non, d’après le ministre, on a une super administration !
Mme Edwige Diaz
En effet, malgré mes recherches, je n’ai trouvé aucun rapport de la DGFIP indiquant combien la fiscalisation des pourboires rapportait avant l’application de leur défiscalisation.
De plus, cette idée est contraire à la volonté du Rassemblement national, qui est très attaché à la revalorisation du travail. Nous souhaitons remédier au manque d’attractivité de certains métiers en tension et fidéliser les 780 000 travailleurs des secteurs de l’hôtellerie-café-restauration, mais aussi les coiffeurs, les taxis et les livreurs.
Enfin, c’est une très mauvaise idée parce que d’après un sondage, 40 % des salariés qui seraient concernés par cette refiscalisation envisageraient de quitter leur métier.
C’est pourquoi nous soutiendrons l’amendement de notre collègue Philippe Lottiaux, qui a le mérite de donner de la visibilité puisqu’il demande le maintien de la défiscalisation jusqu’en 2028. J’espère que cet amendement sera largement adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Ray.
M. Nicolas Ray
Ces amendements défendent la France qui travaille et sont des amendements de simplification.
Mme Anne-Laure Blin
Exactement !
M. Nicolas Ray
Arrêtez de vouloir compter les petites pièces sur les comptoirs des cafés !
Mme Justine Gruet
Arrêtez de taper sur ceux qui travaillent !
M. Nicolas Ray
Les amendements diffèrent sur la durée de prorogation de la défiscalisation, entre un et trois ans. Pour notre part, nous défendons une durée de trois ans, en cohérence avec la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) qui borne à trois ans les nouvelles dépenses fiscales.
Mme Justine Gruet
C’est une tradition ! Vous voulez tout déconstruire !
M. Nicolas Ray
Ainsi, nous évitons le retour de ce débat chaque année et nous offrons de la stabilité à nos règles fiscales. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à M. Loïc Kervran.
M. Loïc Kervran
Dans la continuité du travail en commission, concrétisé par l’amendement de ma collègue Félicie Gérard, le groupe Horizons défendra la défiscalisation des pourboires pour une raison très simple : c’est la défense du bon sens, de la tradition, du travail et de ceux qui travaillent. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR et DR.)
M. le président
Il est onze heures et quart. La parole est à M. Paul Midy. (Sourires et applaudissements.)
M. Paul Midy
Pas mal ! Même si ce n’est pas encore mon heure, je prends la parole. (Sourires.) Nous sommes évidemment favorables à la défiscalisation des pourboires, car il est important de soutenir le travail. Comme nous sommes également favorables au compromis dans cette assemblée, nous vous proposons, pour avancer collectivement comme nous avons su le faire en commission, de voter pour les amendements identiques nos 3576, 3596 et 3620. Si nous pouvions trouver une majorité sur ces amendements, ce serait une bonne idée pour les serveurs et les serveuses.
M. le président
La parole est à Mme Brigitte Klinkert.
Mme Brigitte Klinkert
Dans le contexte actuel, les entreprises sont obligées, pour recruter, de revoir les horaires et les conditions de travail. La mesure que nous proposons est rapidement applicable et n’aura pas d’impact sur les entreprises. Je précise que les pourboires n’ont pas vocation à remplacer une augmentation de salaire, mais à s’y ajouter.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 3619.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 221
Nombre de suffrages exprimés 190
Majorité absolue 96
Pour l’adoption 142
Contre 48
(L’amendement no 3619 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 879, 3576, 3596, 3620, 374, 1299 et 3618 tombent.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et DR.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Le Feur, pour soutenir l’amendement no 1500.
Mme Sandrine Le Feur
Il s’agit d’une mesure de justice sociale et de cohérence écologique. Nos concitoyens subissant de plein fouet l’augmentation du coût de la vie et de l’énergie, nous leur proposons de proroger un dispositif concret qui a fait ses preuves : la prise en charge par les employeurs de 75 % des frais de transports publics. Cette mesure soutiendra immédiatement le pouvoir d’achat, mais aussi la transition écologique : en incitant les salariés à utiliser les transports collectifs et les mobilités douces, nous réduirons notre dépendance à la voiture individuelle et aux énergies fossiles. C’est un réel investissement dans le quotidien des Français, dans la compétitivité des entreprises et dans la transition écologique des territoires. Par cet amendement, nous faisons le choix d’un État qui protège, accompagne et prépare l’avenir.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La mesure est intéressante et elle a pris tout son sens lors de la grande crise. Toutefois, il me semble que nous devrions éviter de proroger des dispositifs conçus comme temporaires – celui-ci a été instauré à l’été 2022, en pleine crise de l’inflation. La commission n’a pas examiné cet amendement, mais j’y suis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
Même avis : je vous suggère de retirer l’amendement. Sans cette mesure, la prise en charge à hauteur de 50 % reste obligatoire pour tous les employeurs, ce qui suffit à produire l’incitation à prendre les transports en commun. Pendant la crise sanitaire, cette incitation était particulièrement nécessaire, ce qui nous a conduits à porter la prise en charge à 75 % ; mais il est temps de sortir du « quoi qu’il en coûte ».
Mme Sandrine Le Feur
Je retire l’amendement.
M. Jean-François Coulomme
Il est repris !
(L’amendement no 1500 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot, pour soutenir l’amendement no 1524.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Il vise à exclure de l’assiette de la contribution sur les hauts revenus les gains provenant d’investissements dans les PME françaises ou dans les secteurs industriels stratégiques. Le diagnostic est clair : les PME françaises connaissent des vagues de défaillances sans précédent, l’industrie et les PME françaises souffrent d’un manque flagrant de capitaux propres. C’est la principale faiblesse de notre économie ; une des manières de la limiter consiste à soutenir l’investissement dans les PME françaises et dans les secteurs industriels stratégiques.
Je propose d’inciter les Français à investir en capital dans les entreprises en question, en rendant les gains obtenus par ces investissements non imposables au titre de la contribution sur les hauts revenus. Je laisse le soin au ministère de l’économie de définir précisément les critères selon lesquels l’investissement dans un secteur industriel sera considéré comme stratégique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR et sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Je partage votre objectif, mais je vous suggère de retirer l’amendement, car sa rédaction pose plusieurs problèmes. Premièrement, vous mentionnez la contribution sur les hauts revenus, qui n’existe pas : notre fiscalité ne prévoit qu’une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et une contribution différentielle sur les hauts revenus. L’amendement serait donc inopérant. Deuxièmement, de quels gains parlez-vous : des dividendes, des plus-values immobilières ou d’autres revenus ? L’amendement n’étant pas opérant, j’en demande le retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
Au-delà du fait qu’il est très mal écrit, je trouve cet amendement intéressant à plus d’un titre. Plusieurs de nos amendements visaient à augmenter le taux de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ou celui de la contribution différentielle sur les hauts revenus, de manière que les personnes les plus riches paient au moins 25 ou 30 % d’impôts ; l’extrême droite s’y est opposée. Cette fois, elle propose de réduire l’impôt sur les plus riches en ajoutant de nouvelles exonérations ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, GDR, et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.) Il est important que tout le monde le comprenne : l’extrême droite s’est opposée à la mise à contribution des plus riches et elle défend à présent des amendements pour les faire payer moins. (Mêmes mouvements.)
M. le président
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Voulons-nous une industrie exposée aux fonds prédateurs anglo-saxons – je vous ai entendu, l’année dernière, vous effrayer de la prise de contrôle du Doliprane par un fonds américain –, ou voulons-nous que l’argent des Français finance l’industrie française ? Sachez qu’il n’y a pas d’industrie sans capitaux ; j’ai conscience que cela n’entre pas dans votre schéma de pensée et que vous ne le comprenez pas. (M. Jean-François Coulomme s’exclame.) L’amendement vise à mettre la CEHR au service de l’économie réelle. Il faut être dans le réel, chers collègues d’extrême gauche ! (M. Aurélien Le Coq s’exclame.) Il faut sortir de l’idéologie, comprendre qu’une industrie doit se financer et qu’elle a besoin de capitaux. L’amendement relève du bon sens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDR.)
(L’amendement no 1524 n’est pas adopté.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures trente-cinq.)
M. le président
La séance est reprise.
Article 4 (appelé par priorité)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
L’article 4 vise à pérenniser la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises en la diminuant de moitié. D’aucuns nous expliquent que l’impôt sur les sociétés vampiriserait les entreprises, mais c’est une blague. Le rendement attendu de l’IS dans le projet de loi de finances pour 2026 s’élève à 58 milliards d’euros, c’est-à-dire 2 points de PIB, or le niveau moyen des recettes de l’impôt sur les sociétés dans l’OCDE est de 2,9 points de PIB, soit 85 milliards d’euros.
Si le rendement est si faible, c’est parce que l’assiette de l’IS est mitée par tout un tas de niches fiscales. L’IS est tout simplement la participation que versent les entreprises pour contribuer au financement des services publics. En effet, les entreprises ont besoin des services publics, dans le domaine de la recherche, de l’enseignement, de l’accompagnement des enfants ou du soutien à l’innovation – et j’en passe. Elles reçoivent sans doute cinq ou dix fois plus que le montant de leur contribution. N’oublions pas non plus les records de dividendes versés par les grandes sociétés concernées par cette contribution exceptionnelle après paiement de l’IS, ce qui corrobore l’idée qu’elles réalisent des résultats confortables.
Les collègues qui ont déposé des amendements de suppression n’aident pas les petits boulangers ou les PME de l’industrie, mais bien les multinationales qui savent échapper à l’impôt au moyen d’une optimisation agressive.
Mme Virginie Duby-Muller
Ça n’a rien à voir !
M. Nicolas Sansu
Pour notre part, nous préférerions un impôt sur les sociétés progressif, que nous proposerons par voie d’amendement après l’article 12.
Monsieur le ministre, je me permets de vous poser une question. Vous attendez de l’IS un rendement de 58 milliards mais, au vu de la conjoncture économique et notamment des faillites qui se multiplient, quel en sera le rendement réel ?
M. le président
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Notre groupe soutiendra la prorogation de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises prévue à l’article 4. L’an dernier, nous avions posé une limite : le maintien de la baisse des autres impôts de production. Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui va dans le bon sens d’un point de vue économique. Un amendement de M. Labaronne, adopté en commission, tend à protéger les entreprises de taille intermédiaire, celles qui font un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliard d’euros. Nous soutiendrons de nouveau cet amendement dans l’hémicycle, car il nous semble que le contexte économique actuel dans notre pays est très difficile, en particulier pour l’industrie. Les entreprises de taille intermédiaire (ETI), qui réalisent une part importante de ce qu’il nous reste d’exportations, méritent d’être protégées. J’espère donc que cet amendement fera l’objet d’un consensus.
Sur le principe, nous avons soutenu la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, même l’an dernier, nonobstant le problème des impôts de production, car c’est une forme de rescrit fiscal sur les surprofits réalisés par les multinationales pendant la surinflation. Un certain nombre d’entre elles, pour ne pas dire toutes, se sont assez mal comportées, profitant d’un effet d’aubaine général pour augmenter leurs marges au-delà du raisonnable. Marine Le Pen avait proposé à ce titre des mesures contre les surprofits, qu’il faut distinguer des superprofits. En effet, critiquer les superprofits revient à reprocher aux entreprises de faire de gros profits, mais ceux-ci peuvent être liés à des innovations, à la conquête de nouveaux marchés et plus généralement à la réussite ; ce n’est pas le sujet ici. En revanche, les surprofits sont des profits abusifs liés à un contexte, ici l’hyperinflation. Ces deux années de contribution exceptionnelle valent quitus, en quelque sorte, pour les surprofits réalisés pendant l’hyperinflation. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Le groupe EPR proposera des amendements de suppression de l’article 4, car nous voulons avoir le débat et rappeler que cette mesure devait être exceptionnelle ; or elle sera prolongée pour 2026.
Depuis 2017, notre politique a été de baisser l’impôt sur les sociétés pour replacer notre pays dans la moyenne européenne. Nous y sommes parvenus. À présent que nous sommes dans la moyenne, il ne faudrait pas de nouveau nous en faire sortir – car en France, quand on sort de la moyenne pour une mesure fiscale, c’est toujours vers le haut. La baisse de l’impôt sur les sociétés a permis aux entreprises d’avoir plus de marge pour augmenter les salaires, pour investir et pour recruter. Tel était l’objectif de l’IS à 25 %.
Un député du groupe EcoS
Ça ne s’est pas vu !
M. Charles Sitzenstuhl
Je pense que certains groupes se trompent sur les effets de cette surtaxe d’impôt sur les sociétés. En discutant avec les chefs des entreprises fortement concernées, on se rend compte que ce sont les entreprises qui ont plutôt un comportement vertueux qui sont les plus redevables. En effet, ce sont des entreprises qui sont fortement implantées sur le territoire national qui payent la plus grande partie de cette surtaxe. Notre collègue Sansu évoquait des multinationales – on pense par exemple à des multinationales dans le secteur pétrolier –, qui en réalité n’ont rien à faire de cette surtaxe. De façon très paradoxale, ce sont des banques mutualistes, des banques coopératives ou encore des entreprises fortement soumises à la concurrence internationale, comme Airbus ou Safran, qui sont principalement touchées par cette surtaxe.
Nous pouvons donc considérer que si cette surtaxe rapporte, certes, un peu d’argent au budget de l’État, elle manque la cible que vous visez, celle d’une plus grande justice fiscale.
M. le président
La parole est à Mme Marianne Maximi.
Mme Marianne Maximi
Je veux répondre à M. Sitzenstuhl : il n’est pas banal de soutenir que le fait de déposer des amendements de suppression permet d’avoir un débat. C’est incroyable : vous prétendez vouloir débattre de la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés et pour cela, vous proposez de supprimer d’emblée l’article 4.
Il faut noter que le groupe EPR veut supprimer cette contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises. Je ne sais pas qui soutient encore le gouvernement dans cet hémicycle.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Personne !
Mme Anne-Laure Blin
Nous, nous travaillons pour les Français !
Mme Marianne Maximi
En tout cas, il ne reste pas grand-chose de cette taxe par rapport à l’an dernier, car les taux de cette contribution sont divisés par deux et, pour ceux qui nous écoutent, elle touche 400 grandes entreprises dont le chiffre d’affaires en France est au moins égal à 1 milliard d’euros. Ce n’est donc pas la peine de vous lancer dans un couplet sur les PME, car ce ne sont pas elles qui sont concernées. Je voudrais rappeler que le taux de l’impôt sur les sociétés ne fait que chuter en France : sous Macron, il est passé de 33 % à 25 %. Il y a même un décalage important entre le taux légal de 25 % et le taux réel payé par les grandes entreprises, qui est en moyenne de 14 %, alors qu’il s’élève à 21,4 % pour les PME et de 19 % pour les micro-entreprises – je précise à l’intention de M. Labaronne que je m’appuie sur les chiffres de l’Insee.
J’ajoute que les entreprises du CAC40 réalisent régulièrement des bénéfices records. Vous soutenez que cela participe à l’investissement et à l’augmentation des salaires, mais c’est faux. La majorité des profits sont reversés aux actionnaires, à hauteur de plus de 100 milliards l’an dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il ne faut pas non plus oublier les aides publiques versées sans contreparties, ni critères, ni conditions, qui s’élèvent à plus de 211 milliards et qui sont captées par les entreprises concernées par l’article 4. Défendre la suppression de cet article, comme vous venez de le faire, est assez scandaleux.
Enfin, vous nous avez dit que nos propositions qui tendent à augmenter des taux seraient retoquées par le Conseil constitutionnel. Nous ne pouvons pas entendre de tels arguments alors que vous faites passer des lois dont vous savez qu’elles seront retoquées, comme la loi « immigration » ou la loi Duplomb – dans ces moments-là, cela ne vous gêne pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun
Les socialistes voteront l’article 4, qui proroge la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés votée l’an dernier à l’initiative de Michel Barnier, ici présent. Sa vertu est qu’elle ne frappe que les 400 plus grandes entreprises de ce pays et que nous en connaissons le rendement et l’efficacité. Dans l’histoire, cela a toujours été la droite qui l’a proposée : Nicolas Sarkozy en 2012 et Michel Barnier l’an dernier, chaque fois avec un rendement important.
Il me semble que nous devrions nous accorder sur tous les bancs de cette assemblée pour reconnaître qu’une contribution des très grandes entreprises, telles que les grandes banques ou les grands énergéticiens, est nécessaire dans le moment particulièrement difficile que nous connaissons, afin de combler les trous de ce budget.
Depuis vendredi, nous avons voté de très nombreuses baisses de recettes. Nous étions favorables à certaines mesures, comme la réindexation de l’impôt sur le revenu, mais non à d’autres, telles que la défiscalisation des pensions alimentaires au-dessus de 7 500 euros. Il est donc impératif que nous trouvions le moyen de faire rentrer de l’argent dans les caisses. Le gouvernement propose de proroger la surtaxe sur l’IS, qui dans sa forme actuelle devrait rapporter 4 milliards. Je le dis solennellement : si nous ne parvenons pas à doubler ce montant, alors l’exercice budgétaire s’arrêtera très vite, car il faudra financer dans le même temps la suppression de nombreuses horreurs qui figurent dans le PLF et dans le PLFSS. Nous proposerons donc le doublement de la surtaxe sur l’IS à 8 milliards pour rétablir le niveau auquel les gouvernements de Michel Barnier et de François Bayrou l’ont portée l’an dernier.
Nous proposerons également que l’on traite de la question des armateurs, car ils ne paient pas d’impôt sur les sociétés – ils s’acquittent juste d’une taxe au tonnage à hauteur de 0,2 % de leurs bénéfices – et il serait anormal qu’ils n’aient pas à payer une surtaxe sur l’IS cette année.
Nous défendrons donc le doublement de la surtaxe sur l’IS et la reconduction de la surtaxe sur les bénéfices des armateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Christine Arrighi.
Mme Christine Arrighi
Alors que, budget après budget, le gouvernement demande toujours plus d’efforts aux ménages modestes, aux classes moyennes et aux petites entreprises – je pense, en particulier, aux horreurs que contient le PLFSS et contre lesquelles nous nous battrons pied à pied –, vous choisissez de diviser par deux la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des plus grandes entreprises.
Selon vous, son caractère exceptionnel empêche sa reconduction à l’identique par rapport à l’an dernier. Mais ce qui est exceptionnel, c’est que, depuis l’an dernier, vous n’avez strictement rien fait pour réduire la dette et défendre les services publics. De plus, nous doutons de la fiabilité toute relative de vos précédentes estimations – et nous ne sommes pas les seuls. En 2024, le sénateur Jean-François Husson a rendu un rapport qui montrait que la contribution sur la rente inframarginale – qui devait rapporter 13 milliards, selon les propos tenus par François Bayrou sur France Inter il y a quelques mois – a rapporté 330 millions la première année et 680 millions la seconde. Vous nous parlez maintenant de 4 milliards. Nous estimons que cette contribution doit être doublée par rapport à ce que vous proposez cette année. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Je voudrais poser une question toute simple au gouvernement. L’année dernière, quand nous avons voté la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises, son rendement était estimé à 8 milliards. Nous avions demandé au gouvernement s’il était sûr de ce chiffre ou bien s’il ne s’attendait pas plutôt à un rendement de 6 milliards, en raison des pratiques d’optimisation fiscale.
La question se posait aussi pour la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, estimée à 2 milliards et reconduite à 1,5 milliard. Beaucoup pensent d’ailleurs que le chiffre réel se situe probablement entre 1,2 et 1,4 milliard. Pourriez-vous donc nous éclairer sur les estimations actuelles ? Vous attendez-vous à 4 milliards ou plutôt à 3 milliards ?
M. le président
Sur les amendements n° 705 et identiques, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de quatre amendements identiques, tendant à supprimer l’article 4, nos 705, 1019, 1644 et 3613.
La parole est à M. Gérault Verny, pour soutenir l’amendement no 705.
M. Gérault Verny
Cet amendement de suppression a été déposé pour plusieurs raisons. Premièrement, penser que les grandes entreprises sont forcément plus rentables que les autres, étant donné leur taille, relève du fantasme : en moyenne, les grandes entreprises ont une rentabilité opérationnelle de 6 %, contre 9 % pour les PME. L’article 4 n’opère aucune distinction entre les entreprises très rentables et celles qui le sont moins.
Deuxièmement, les grandes entreprises françaises font vivre les PME. Les PME et les ETI industrielles dépendent toutes de la commande des grandes entreprises. Si on augmente la fiscalité des grandes entreprises, celles-ci répercuteront ces surcontributions fiscales sur leur politique d’achat et se tourneront vers les entreprises des pays low cost. Encore une fois, c’est le tissu industriel français qui souffrira. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
Mme Ayda Hadizadeh
Ce n’est pas vrai !
M. Gérault Verny
Troisièmement, je vous rappelle que 71 % des recettes publiques, sur un total de 1 600 milliards de contributions, viennent des entreprises. Taxer à nouveau les grandes entreprises reviendrait à taxer toutes les entreprises, fragilisant ainsi ceux qui créent de la richesse et de l’emploi, et génèrent de la contribution. Nous sommes donc opposés à l’article 4.
M. le président
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 1019.
Mme Virginie Duby-Muller
La reconduction de la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises est une erreur économique. En 2025, elle était justifiée par la situation budgétaire et devait être ponctuelle. En 2026, elle devient structurelle – c’est tout le problème. En prolongeant cette contribution, vous envoyez un message désastreux : en France, quand une entreprise réussit, elle est aussitôt surtaxée. Comme l’a rappelé notre collègue Sitzenstuhl, cela pénalise les entreprises vertueuses.
Mme Béatrice Bellay
Non ! Cela les fait participer !
Mme Virginie Duby-Muller
Les grandes entreprises sont déjà confrontées à un taux d’imposition effectif supérieur de près de 10 points à la moyenne européenne. Cette reconduction alourdirait encore leurs charges, au moment même où la France cherche à attirer de nouveaux investisseurs. Maintenir cette contribution, c’est aussi compromettre nos efforts d’attractivité, de réindustrialisation et de souveraineté économique. Pendant que nos voisins, notamment allemands, baissent la pression fiscale pour relancer l’industrie, nous l’augmentons pour combler les trous du budget. C’est l’inverse du bon sens.
Ce n’est pas en affaiblissant les entreprises qu’on financera la croissance, mais au contraire en leur donnant la liberté d’investir, d’embaucher et d’innover. Cet amendement de suppression propose donc simplement de rétablir un cadre fiscal cohérent, lisible et compétitif. La stabilité, voilà ce qu’attendent nos entreprises – et non la reconduction éternelle de mesures dites exceptionnelles.
M. le président
La parole est à M. Sylvain Maillard, pour soutenir l’amendement no 1644.
M. Sylvain Maillard
Nous voulons créer des emplois, de l’attractivité et de la valeur en France. C’est pourquoi, depuis 2017, nous avons progressivement baissé l’impôt sur les sociétés jusqu’au taux de 25 %. Ce n’est pas une révolution. Ce n’est pas non plus un paradis fiscal. C’est juste la moyenne européenne, ce qui permet à toutes nos entreprises d’être compétitives. Comme d’habitude, la gauche veut sanctionner les entreprises du CAC40.
M. Nicolas Sansu
C’est Michel Barnier !
M. Sylvain Maillard
Nous avons proposé un amendement pour protéger nos ETI, qui irriguent l’ensemble de notre marché. Il est essentiel de le voter, surtout si nous devions aller plus loin, en augmentant ou en pérennisant l’impôt supplémentaire sur les grandes entreprises.
M. Philippe Brun
Nous parlons de 400 entreprises !
Mme Ayda Hadizadeh
Arrêtez de dire n’importe quoi !
M. le président
La parole est à Mme Marie Lebec, pour soutenir l’amendement no 3613.
Mme Marie Lebec
Depuis huit ans, nous avons fait le choix de développer notre attractivité pour que les entreprises reviennent sur notre sol et que tous nos concitoyens en profitent. Nous souhaitons aussi que les entreprises contribuent à leur juste mesure. Cet amendement tend à supprimer un article qui nuirait à l’attractivité, au développement et à la croissance économique de nos entreprises.
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Le problème, c’est d’avoir décidé l’an dernier que cette contribution serait exceptionnelle. Jean-Paul Mattei le dit souvent : annoncer une mesure en la qualifiant d’exceptionnelle, c’est encourager à la contourner.
Il est envisagé de prolonger cette contribution en réduisant de moitié son taux – je pense que cette réduction est une erreur. L’an dernier, l’effort demandé aux grandes entreprises et aux hauts patrimoines représentait environ 20 % de l’effort global. Cette année, il ne représente plus que 15 %, puisqu’il a diminué de 4 milliards. La suppression de cette contribution exceptionnelle réduirait encore le pourcentage de l’effort demandé par rapport à celui de l’ensemble des Français.
M. Nicolas Thierry
Il a raison !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Madame Lebec, vous estimez que cette mesure nuirait à la croissance. Son effet récessif, estimé à 0,8 % du PIB, viendra plus de vos coupes budgétaires, imposées à l’ensemble des Français, que de la contribution exceptionnelle des grandes entreprises.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La commission a donné un avis défavorable à tous ces amendements. Permettez-moi cependant quelques remarques d’ordre personnel. Nous ne pouvons pas parler de fiscalité des entreprises sans nous poser la question de l’effet de cette fiscalité sur l’activité économique globale. C’est simple : quand vous augmentez l’imposition d’une entreprise, celle-ci la répercute toujours sur le consommateur ainsi que sur ses choix d’investissement et d’embauche. Nous aurions donc tort de n’appréhender l’effet fiscal que sur une seule année.
Ensuite, regardez les recettes de l’IS entre 2018 et 2022, alors que son taux diminuait : elles se sont élevées à 27 milliards en 2018 et à 62 milliards en 2022.
M. Nicolas Sansu
Il y avait le CICE !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
En effet, il faut prendre en compte la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Mais même si vous excluez celui-ci, la diminution de l’IS a probablement entraîné une hausse des recettes d’environ 20 milliards.
J’entends que le gouvernement a besoin de recettes et que la situation est très grave. J’entends aussi que les recettes sont divisées par deux par rapport au budget de l’année dernière. Seulement, je crois que nous devrions être très prudents sur l’augmentation de la fiscalité des entreprises, car celle-ci pèse sur l’activité économique, l’embauche et la croissance en général. À titre personnel, je suis favorable sur ces amendements.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
Avis défavorable à ces amendements de suppression. Je ne suis pas un grand fan du matraquage fiscal, surtout quand il s’agit de nos grandes entreprises, qui pour certaines sont globalisées. Toutefois, il faut faire face à la réalité : si nous pouvions réduire les dépenses publiques de 40 milliards sans menacer notre modèle social, nous le ferions. Or nous ne pouvons pas le faire en un an, sans majorité.
Nous avons besoin d’un cadre budgétaire solide et sérieux pour 2026. Cela passe par une baisse importante du déficit budgétaire, sans hausse excessive des prélèvements obligatoires. Il importera de s’assurer de l’effectivité des baisses de dépenses tout en vérifiant que nos services publics sont préservés.
Je l’ai dit lors de la discussion générale : certains pays ont attendu plus longtemps que nous pour rétablir leurs finances publiques, ce qui a été très douloureux pour les recettes comme pour les dépenses. Nous vous proposons un chemin plus équilibré, qui implique une obligation des prélèvements obligatoires. Nous veillerons à en limiter les effets négatifs sur l’économie, en évitant par exemple de toucher les entreprises en difficulté. Ici, seules les entreprises qui réalisent des bénéfices importants seront mises à contribution. Le taux d’IS qui leur sera appliqué passera de 35 %, soit une surtaxe de 8 milliards, à environ 30 %, soit une surtaxe à 4 milliards.
Il faut reconnaître que c’est une recette efficace. Bien évidemment, ceux qui la paient ne sont pas heureux de la payer, je les comprends, mais elle permet de financer une bonne partie des efforts fiscaux que l’on fait cette année. J’engage l’Assemblée nationale à rejeter ces amendements de suppression. Des amendements seront examinés, certains proposant d’aller plus loin, d’autres moins loin ; discutons-en. En tout état de cause, supprimer la surtaxe de l’IS mettrait l’équilibre du budget en grande difficulté. C’est donc un avis défavorable.
M. Nicolas Sansu
Ce sont les vôtres qu’il faudra convaincre !
M. Roland Lescure, ministre
C’est ce que j’essaie de faire ; j’espère qu’ils écouteront.
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Nous avons là les amendements de suppression des jusqu’au-boutistes du macronisme. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) À lire vos exposés des motifs, on croirait que tout va pour le mieux dans le pays : les usines poussent comme des champignons et nous sommes, je cite, « en route vers le plein-emploi ». Je me demande dans quelle réalité parallèle vous vivez.
Il est insupportable de lire ça quand on sait que de nombreuses usines ferment,…
M. Sylvain Maillard
Et vous pensez que ça les aidera à rester ouvertes ?
Mme Claire Lejeune
…que 400 plans de suppression d’emplois sont prévus, que la précarisation du marché du travail est à l’œuvre sous Emmanuel Macron et qu’elle détruit des vies. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est absolument lunaire.
Nous parlons ici d’une mesure qui touche les 400 plus grandes entreprises du pays. Rappelons qu’en 2024, 98 milliards d’euros de dividendes ont été versés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
La suppression de cette mesure est inacceptable ; même sa division par deux est absurde. Cette disposition fait de ce budget un texte encore plus injuste que celui de l’ancien premier ministre Barnier. Quelle en est la justification ? A-t-on, cette année, deux fois moins de déficit budgétaire ? Deux fois moins de besoins en termes d’investissement dans nos services publics ? Deux fois moins de bénéfices des grandes entreprises ? Non ! Vous voyez bien que rien ne justifie une division par deux de cette surtaxe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Enfin, l’hypothétique augmentation des recettes de l’impôt sur les sociétés est en réalité trompeuse quand on tient compte de la suppression des 20 milliards d’euros du CICE et de l’effet de l’inflation, qui a davantage affecté ces recettes que, par exemple, celles de la CSG. Ce que vous dites est faux ; votre raisonnement ne tient pas.
M. Sylvain Maillard
Regardez plutôt les chiffres de l’Insee !
Mme Claire Lejeune
Il faut donc voter contre ces amendements de suppression et nous suivre pour maintenir… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’oratrice. – Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent cette dernière.)
M. le président
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
Avec cet amendement de suppression, les groupes qui soutiennent le gouvernement sont parfaitement cohérents avec la politique menée depuis 2017 : ils restent dans une logique de baisse de l’imposition des entreprises.
M. Sylvain Maillard
C’est vrai !
Mme Anne-Laure Blin
Baisse de l’imposition des entreprises et des Français !
Mme Cyrielle Chatelain
Mes chers collègues, la réalité vous a donné tort. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.) Vous avez baissé le taux de l’impôt sur les sociétés de 33 à 25 %. Quels en ont été les effets ? Une explosion du déficit public, un effet nul sur les salaires et sur l’emploi, et des délocalisations massives. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.) Je vous parle en tant qu’élue d’un territoire qui a subi des suppressions d’emplois dans les entreprises Vencorex, Arkema, et désormais Teisseire. Comprenez que cette politique ne fonctionne pas ! L’OCDE le dit : depuis les années 1990, nous assistons à une dynamique qui consiste à faire peser la charge fiscale sur les ménages, notamment les classes moyennes, et à réduire l’imposition des entreprises. Aujourd’hui, les entreprises contribuent seulement à hauteur de 5 % aux recettes de l’État ; ce n’est rien du tout !
Nous demandons de mettre à contribution les entreprises qui réalisent plus de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, soit les très gros contribuables. Là encore, l’OCDE nous dit que les stratégies de croissance fondées sur les baisses de taxes ciblant les plus gros contribuables ont montré leurs limites, tant sur le plan économique que sur le plan de la cohésion sociale. Votre politique est un échec ; il faut le reconnaître. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Prenez des notes, monsieur Maillard !
Mme Cyrielle Chatelain
Je veux aussi dire que les compromis faits entre le gouvernement et ses propres soutiens ne vaudront pas compromis pour cette Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Arrêtez de prétendre que le fait d’appliquer la moitié d’une mesure mise en place l’année dernière représente un effort énorme pour les entreprises ! Mes chers collègues, revenez à la réalité : acceptez non pas de supprimer la contribution exceptionnelle mais de revenir au moins à son niveau prévu par le budget de l’année dernière. Mettons à contribution les entreprises qui ne participent plus assez au budget de l’État, alors même qu’elles bénéficient d’aides publiques très importantes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)
M. le président
La parole est à M. Paul Midy. Vous le faites exprès, monsieur Midy ; il est midi ! C’est bien votre heure. (Sourires.)
M. Paul Midy
Je n’interviens pas seulement pour vous faire plaisir mais aussi pour faire trois commentaires – si vous m’en donnez le temps, puisque c’est mon heure. (Sourires.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
On cherche Midy à quatorze heures !
M. Paul Midy
Premièrement, nous croyons que le réalignement de notre équation économique et fiscale sur la moyenne des pays de l’OCDE donne des résultats. Globalement, si l’on tient compte à la fois des impôts de production, des charges sur le travail et de l’impôt sur les sociétés, sur cette fiscalité cumulée, la France est championne du monde. Nous avons baissé l’impôt sur les sociétés et les impôts de production, nous avons mis en place la flat tax et maintenu les allégements généraux de charges ; 2,5 millions d’emplois ont été créés. (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et EcoS.) C’est la moitié du chemin vers le plein-emploi. Nous pensons donc qu’il faut continuer dans cette voie. Nous avons commencé à réindustrialiser le pays, à recréer des usines.
M. Aurélien Le Coq et Mme Claire Lejeune
C’est faux !
M. François Ruffin
Vous avez baissé la part de l’industrie dans le PIB : voilà votre bilan !
M. Paul Midy
Évidemment, il faut aller beaucoup plus loin. C’est pourquoi nous nous opposons à cette augmentation de l’impôt sur les sociétés : 4 milliards d’euros prélevés à ces entreprises, ce sont 4 milliards qui ne seront pas investis l’année prochaine.
Deuxièmement, nous tenons en revanche à ce que toutes les entreprises paient leur juste part et contribuent à l’effort collectif. Dans notre pays, certaines entreprises ne paient pas l’impôt qu’elles devraient, nous semble-t-il, payer – je pense aux géants du numérique américains. C’est pourquoi nous avons mis en place la taxe Gafa à 3 %,…
Mme Béatrice Bellay
Mais ça ne fonctionne pas !
M. Paul Midy
…et c’est pourquoi nous nous battons depuis des années aux côtés de dizaines d’autres pays pour la mise en place du pilier 1 de l’OCDE. Nous pouvons aller plus loin et proposer une surtaxe pesant sur ces entreprises-là plutôt que sur des entreprises françaises comme Fleury-Michon.
Troisièmement, je l’ai dit et je le répéterai : nous sommes ouverts au compromis. Nous sommes convaincus qu’une solution est possible et nous voulons qu’elle aboutisse. J’en veux pour preuve le fait qu’en commission, notre groupe a voté le budget, fruit de nombreux compromis – y compris sur ce sujet. Nous irons au bout du compromis jusqu’à la fin de ces débats budgétaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à Mme Perrine Goulet.
Mme Perrine Goulet
Notre pays est à un moment charnière. Nous avons besoin de réduire le déficit public,…
Mme Anne-Laure Blin
Sur le dos des entreprises ! C’est courageux.
Mme Perrine Goulet
…et nous demandons à chacun de contribuer. Les entreprises ont été beaucoup aidées ces dernières années, avec la baisse de l’IS et les aides au maintien de l’emploi versées pendant la crise du covid ; il est désormais possible de demander un effort à certaines d’entre elles.
Contrairement à d’autres propositions avancées récemment, consistant à taxer le capital ou les biens professionnels – propositions qu’un certain économiste essaie de nous vendre depuis plusieurs mois –, la disposition prévue à l’article 4 présente l’avantage d’être bien ciblée, puisqu’elle est fondée sur le bénéfice. Cela signifie qu’une entreprise traversant une période difficile l’année prochaine ne serait pas concernée. C’est la seule mesure qui vise précisément la richesse réelle des entreprises ; s’il y a une mesure à soutenir, c’est bien celle-ci. Le groupe Les Démocrates ne votera donc pas en faveur de ces amendements de suppression. (M. Jimmy Pahun applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme Ayda Hadizadeh.
Mme Ayda Hadizadeh
Je voudrais apporter un argument, jusqu’ici peu entendu. M. Verny explique que les grandes entreprises sont très fragiles et que leur compétitivité est menacée. Il me semble nécessaire de rappeler qu’il existe, dans notre pays, des fondations d’entreprise. Une fondation est créée quand une entreprise a tellement d’argent qu’elle alloue des moyens, parfois plusieurs millions d’euros, pour financer des actions de philanthropie et de charité. En France, les fondations d’entreprise se portent très bien : elles se multiplient, elles ont de plus en plus d’actifs, elles mènent des actions de mécénat remarquables. Leur développement doit nous amener à nous demander si ce n’est plutôt à l’État qu’il revient d’organiser des actions qui relèvent du champ de la politique sociale.
Les 400 grandes entreprises de notre pays se portent bien ; elles se portent tellement bien qu’elles développent leurs propres fondations. Je pense donc qu’elles peuvent supporter une surtaxe sur leur activité sans s’écrouler. Elles financeront moins leurs fondations, les fermeront peut-être, pour que nous, représentants du peuple, puissions organiser l’action publique comme il se doit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme Anne-Laure Blin
Il n’y a plus de mécénat, alors ?
Mme Ayda Hadizadeh
Moins de mécénat, plus d’État !
M. le président
La parole est à M. Laurent Wauquiez.
M. Laurent Wauquiez
Dans ce débat, notre position est très simple : nous sommes contre toutes les augmentations d’impôts. Toutes. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Nous sommes contre l’augmentation de l’impôt sur le revenu, contre la fiscalisation des pourboires, contre les impôts sur les entreprises de moins de 250 salariés, contre les augmentations d’impôt sur les grandes entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)
Pourquoi ? Parce que cela fait des années qu’on emprunte le même chemin ; qu’on nous fait croire qu’il suffit d’augmenter les impôts pour réduire le déficit budgétaire. Ça ne marche pas, parce que vous épuisez la France qui travaille et détruisez les emplois. ( Exclamations sur les bancs des groupes SOC et EcoS.) Notre seule ligne consiste à dire qu’il faut faire des économies sur la dépense. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.) C’est sur la deuxième partie du PLF qu’il faut agir pour réduire le déficit budgétaire, grâce à des réformes structurelles.
M. le président
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Président Wauquiez, merci pour cette précision, mais il me semble que cette disposition a été introduite dans le budget de l’année dernière par M. Barnier qui, je crois, siège sur vos bancs (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – Exclamations sur les bancs du groupe DR) ; et le contexte n’a pas changé depuis.
S’agissant des fondations d’entreprise, madame Hadizadeh, je vous invite à moins de démagogie et à davantage de cohérence, puisqu’il me semble que c’est sous François Mitterrand que la possibilité de financer les fondations a été introduite.
Par ailleurs, il ne faut pas tout confondre. Il y a en effet des entreprises qui font des profits importants ; grand bien leur fasse, c’est une bonne chose pour notre économie. Cependant, ce n’est pas parce que vous enregistrez un gros chiffre d’affaires que vous êtes très rentable. Ce n’est pas très compliqué à comprendre.
Mme Béatrice Bellay
C’est pour ça que c’est la marge nette qui nous intéresse !
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 705, 1019, 1644 et 3613.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 304
Majorité absolue 153
Pour l’adoption 53
Contre 251
(Les amendements identiques nos 705, 1019, 1644 et 3613 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 1380 et 1383, pouvant être soumis à une discussion commune.
Ils font l’objet de demandes de scrutin public de la part du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 1380.
M. Aurélien Le Coq
On en arrive à la disposition qui représente le scandale absolu de ce budget. Vous offrez aux plus grandes entreprises de ce pays, celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros, un cadeau fiscal de 4 milliards d’euros par rapport à l’année dernière – soit exactement la somme que vous allez récupérer dans les poches des retraités et des malades ! Vous financez ce cadeau fiscal aux entreprises par la baisse des pensions et la taxation des affections de longue durée. C’est une honte absolue. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Le présent amendement ne propose qu’une seule chose : faire en sorte que les plus grandes entreprises paient le même niveau d’impôt sur leurs bénéfices que l’année dernière. Ni plus, ni moins.
Ensuite, j’aimerais qu’on arrête d’accumuler les mensonges et les contrevérités dans ce débat.
Selon vous, le taux d’imposition des sociétés en France est plus élevé qu’ailleurs ou se situe juste au niveau de la moyenne. C’est un mensonge ! Le taux d’imposition des grandes entreprises et des multinationales en France est inférieur à la moyenne : il est de l’ordre de 14 %. Il est plus bas que celui des petites entreprises, les PME et les TPE. Les boulangers et les bouchers paient plus d’impôts que les grandes entreprises et les multinationales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Selon vous, les cadeaux fiscaux aux grandes entreprises – ceux dont nous débattons et d’autres, à hauteur de 200 milliards d’euros – vont permettre d’augmenter l’investissement. C’est un mensonge ! L’investissement en France va encore baisser de 1,8 % avec votre budget, et vous le savez.
Selon vous, les cadeaux fiscaux aux grandes entreprises vont permettre d’augmenter les salaires. C’est un mensonge ! Ces derniers ont baissé en moyenne de 3 % ces dernières années.
M. Alexandre Allegret-Pilot
C’est faux !
M. Aurélien Le Coq
Selon vous, les cadeaux fiscaux faits aux grandes entreprises permettront d’augmenter l’emploi. C’est un mensonge ! Le chômage atteindra plus de 8 % cette année.
Selon vous, cela permettra de réindustrialiser… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent ce dernier.)
M. le président
La parole est à M. Damien Maudet, pour soutenir l’amendement no 1383.
M. Damien Maudet
Quand cela va bien, il faut le dire. La France est championne d’Europe : pas quand il s’agit de lutter contre la pauvreté – le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté a augmenté de 14 % depuis 2017 – ni de limiter le nombre de défaillances d’entreprises – les TPE, qui n’ont pas été suffisamment aidées par l’État, croulent sous les factures d’énergie. Elle est championne d’Europe du versement de dividendes.
Les grandes entreprises ont été bien aidées par une fiscalité allégée depuis 2017, notamment par la baisse de l’impôt sur les sociétés. Selon l’Institut des politiques publiques, cette baisse coûte 6 milliards par an aux caisses de l’État. Cela a-t-il profité aux PME ou aux grandes entreprises ? La vérité, c’est que le taux effectif d’imposition est passé de 23 % à 21 % pour les PME et de 19 % à 14 % pour les grandes entreprises. Les grands groupes du CAC40 paient aujourd’hui moins d’impôts sur les sociétés que les petites et moyennes entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Alors qu’une surtaxe de l’impôt sur les sociétés avait été instituée pour les très grandes entreprises qui ont fait des profits, vous voulez diviser par deux l’effort qui leur est demandé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe GDR.) Dans le même temps, vous allez continuer de taxer les retraités, les apprentis, les personnes malades ! (Mêmes mouvements.) Toutes les personnes en difficulté seront taxées, mais vous voulez diviser par deux l’effort sur les bénéfices des grandes entreprises ! Cela n’est pas recevable. Quand on demande des efforts, il faut les demander avant tout à ceux qui vont bien plutôt que de faire un cadeau de 4 milliards aux plus grandes entreprises qui font des bénéfices. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques les bancs des groupes EcoS et GDR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Il ne s’agit pas de faire des cadeaux aux entreprises, mais plutôt de s’interroger sur la manière de sortir d’une situation gravissime. Plusieurs voies sont possibles. Si on augmente les impôts, on risque de tuer l’appareil productif.
M. Jean-François Coulomme
C’est vous qui l’avez tué !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Un jour, vous serez face à un pays qui ne pourra plus ni produire ni créer de richesses. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Pour distribuer les richesses, il faut d’abord les produire. Mais oui ! Si nous pouvons espérer un jour nous en sortir, c’est que nous aurons trouvé une voie pour que la France produise à nouveau.
Mme Béatrice Bellay
Pour distribuer des cadeaux fiscaux, il faut de la fiscalité !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Quand vous produisez, vous créez des richesses à redistribuer. C’est une chose de relever le taux de l’IS à 31 %, mais nous devons nous comparer à nos voisins : la moyenne des taux s’élève à 23 % dans la zone euro et à 21 % dans l’Union européenne.
Mme Virginie Duby-Muller
C’est la vérité !
Mme Béatrice Bellay
Et les aides publiques ?
M. Damien Maudet
Le taux réel est à 14 % !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Nous sommes dans une situation de compétition internationale. M. Midy l’a souligné, au-delà de l’IS, il faut tenir compte des impôts de production. Il y a quelques années de cela, avant la première baisse des impôts de production, les entreprises françaises portaient sur leur dos un fardeau – un sac lesté de 100 milliards de plus que celles des pays voisins. L’enjeu, c’est la fiscalité des entreprises françaises par rapport à celle des pays qui nous entourent. Nous sommes de moins en moins compétitifs à cause de notre fiscalité, qui est très élevée.
Mme Béatrice Bellay
C’est faux !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
Madame Lejeune, selon vous, on ferme des usines en France. Pourtant, depuis 2017-2018, on a ouvert davantage d’usines en France que l’on n’en a fermé. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – M. Éric Martineau applaudit également.) Quand j’étais ministre de l’industrie, j’ai demandé la création d’un baromètre objectif. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Laurent Jacobelli
On s’en souvient !
M. Manuel Bompard
Objectif ?
M. Roland Lescure, ministre
Ne vous en déplaise, monsieur Bompard, la réponse est oui. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Manuel Bompard
Donnez les chiffres de cette année !
M. Roland Lescure, ministre
Je ne dispose pas des chiffres de cette année. (Mme Anna Pic s’exclame.) Si vous les avez, madame Pic, donnez-les moi. Ce baromètre, qui se fonde sur les déclarations officielles auprès des préfets, comptabilise les ouvertures d’usines et les extensions de lignes de production, retranchées des fermetures d’usines et des fermetures de lignes de production. Vous l’admettrez, lorsqu’une entreprise comme Novo Nordisk, premier employeur d’Eure-et-Loir – département cher à M. Guillaume Kasbarian –, investit plus de 1 milliard dans l’extension d’une usine et emploie des milliers de personnes, nous nous en réjouissons.
M. Sylvain Maillard
Réjouissons-nous !
Mme Alma Dufour
Du côté des zones industrielles, il n’y a rien de réjouissant !
M. Aurélien Le Coq
Cette année, 83 entreprises ont fermé, 60 ont ouvert !
M. Roland Lescure, ministre
Ce baromètre créé en 2024…
M. Dominique Potier
Il mesure le nombre d’emplois !
M. Roland Lescure, ministre
Non, il ne mesure pas le nombre d’emplois. Je vais en venir à la question de l’emploi, monsieur Potier. Même si je ne dispose pas encore des chiffres pour l’année 2025,…
M. Aurélien Le Coq
Ah !
M. Roland Lescure, ministre
…d’après les données provisoires, en considérant les extensions de lignes de production défalquées des fermetures de lignes de production,…
M. Aurélien Le Coq
Oh !
M. Roland Lescure, ministre
…le solde net des ouvertures de lignes de production en France est positif. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Sylvain Maillard
Vous devriez vous en réjouir !
M. Roland Lescure, ministre
Tout à fait. On peut partager la misère du monde mais on peut aussi, quand la France a des succès, s’en réjouir.
Ces succès ne sont pas tombés du ciel ; ils ne sont pas arrivés par hasard. Pour la sixième année consécutive, la France est le pays le plus attractif d’Europe, grâce aux politiques que nous avons menées en matière de baisse des impôts des entreprises et des impôts de production – M. Tanguy l’a mentionné, nous y reviendrons un peu plus tard –, de réforme du marché du travail et d’attractivité du territoire. Grâce à ces politiques, la France demeure en 2025 le pays le plus attractif d’Europe – j’espère que ce sera encore le cas en 2026, compte tenu du budget dont nous débattons.
M. Potier m’a interrogé à la volée sur l’emploi. On a perdu plus de 2 millions d’emplois industriels ces vingt-cinq dernières années. À partir de 2018, on en a créé, pour la première fois, plus de 120 000, en chiffres nets. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme Alma Dufour
Il y en a 300 000 qui ont été fermés cette année !
M. le président
Madame Dufour, s’il vous plaît !
M. Laurent Croizier
Faut arrêter de lire Mediapart !
M. Roland Lescure, ministre
Vous le savez bien, tous les jours en France, des emplois sont supprimés et d’autres sont créés. C’est la loi de l’économie. Je sais que votre vision de l’économie est totalement différente de la mienne. Selon vous, si vous étiez ministre du travail, vous pourriez décider le lundi des emplois créés dans la semaine. (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.) Mais la réalité du modèle économique dans lequel nous sommes n’est pas celle-là. À chaque fois qu’un emploi est détruit, je le regrette ; mais aujourd’hui, pour la première fois depuis longtemps, la France recrée des emplois industriels dans des industries du futur, des industries de l’innovation, des industries vertes – cela devrait plaire à certains de vos collègues. (M. Paul Midy applaudit.)
Grâce au crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte (C3IV), que j’ai eu l’honneur de défendre sur ces bancs et que vous n’avez pas voté, on crée aujourd’hui des emplois dans l’industrie de la décarbonation.
Mme Julie Laernoes
Vous voulez parler des entreprises du secteur des énergies renouvelables qui quittent la France et des destructions d’emplois dans la transition énergétique ?
M. Roland Lescure, ministre
Nous pouvons être en désaccord sur plein de choses, mais admettez qu’aujourd’hui, la France recrée des emplois industriels, réinstalle des usines, attire des capitaux internationaux.
Mme Julie Laernoes
Non ! On n’attire rien du tout ! Vous racontez n’importe quoi !
M. le président
Mme Laernoes, s’il vous plaît !
Mme Julie Laernoes
Les énergies renouvelables, ce n’est pas l’avenir ?
M. Roland Lescure, ministre
C’est grâce à la stratégie économique menée depuis bientôt huit ans.
Aujourd’hui, nous sommes face à un défi majeur : est-ce qu’on casse tout ou est-ce qu’on essaie de trouver un équilibre – difficile à trouver, certes – dans le triangle qu’a mentionné M. le rapporteur général tout à l’heure, entre les impôts, les dépenses et la croissance ? On peut décider ensemble d’augmenter les impôts sur les entreprises de 50 milliards et d’augmenter les dépenses sociales du même montant ; le déficit public demeurera inchangé et l’économie française sera totalement à l’arrêt. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Béatrice Bellay
Ce n’est pas ce qu’on a dit !
M. Roland Lescure, ministre
J’espère vraiment que nous allons réussir à naviguer entre les demandes légitimes de baisses d’impôt, les demandes légitimes de préservation du modèle social et les demandes légitimes de préservation de la compétitivité. Il n’est pas facile de trouver une majorité – ces débats en sont la preuve.
Mme Béatrice Bellay
On parle de justice fiscale !
M. Roland Lescure, ministre
Mais moi aussi, madame Bellay, je souhaite davantage de justice fiscale !
M. Dominique Potier
Ce n’est pas flagrant !
M. Roland Lescure, ministre
Ne vous en déplaise, le niveau de justice fiscale en France est déjà élevé. J’entends la demande de davantage de justice fiscale sur les bancs de gauche, et pas seulement – j’en connais d’autres qui y sont sensibles également.
M. Pouria Amirshahi
Lesquels ? Montrez-les moi !
M. Roland Lescure, ministre
Mais attention au matraquage ! Attention à la surenchère ! Attention aux impacts délétères de ce type de stratégie sur l’emploi industriel ! Nous aurons le débat sur la taxe Zucman, je m’y suis engagé. La fiscalité des outils de production est parfaitement contre-productive et, qui plus est, parfaitement inopérante. Nous aurons à débattre du montant de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises ; certains voudront le réduire, notamment pour préserver les entreprises de taille intermédiaire – je me tourne vers M. Labaronne –, et d’autres au contraire l’augmenter.
M. Pouria Amirshahi
On en reparlera lorsque vous taxerez les dividendes !
M. Roland Lescure, ministre
Préserver le maintien d’une surtaxe exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés constitue certes une hausse d’impôt, ce que je trouve regrettable, mais une hausse d’impôt efficace – il s’agit de taxer des entreprises qui font des bénéfices et qui contribueront à l’effort de rétablissement des finances publiques sans fragiliser notre tissu industriel de proximité.
Toutefois, cela revient à dire au monde entier que le taux de l’IS en France n’est plus de 25 % mais de 30 %. Ce taux s’élevait à 33 % il y a huit ans, il a été porté l’an dernier de 25 % à 35 %. Aujourd’hui, nous revenons à 30 %. Vous applaudissez ! (M. le ministre se tourne vers les bancs de gauche.)
M. Aurélien Le Coq
Au-dessus de 3 milliards de chiffre d’affaires !
M. Roland Lescure, ministre
Nous revenons à un taux proche de celui qui prévalait en 2017. Le risque, c’est que la stratégie industrielle que nous avons développée depuis huit ans soit mise en défaut et vous donne raison in fine sur le fait que les fermetures d’usines l’emportent sur les ouvertures.
M. Julien Odoul
La stratégie industrielle ! Quel gag ! Cela ne marche pas !
M. Roland Lescure, ministre
Pour l’instant, cela tient.
M. Manuel Bompard
Arrêtez de mentir !
M. Roland Lescure, ministre
Il faut vraiment que cela tienne. Il s’agit d’une ligne de crête qui est difficile à tenir, mais je vous y engage. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
En 2024, le ministre Le Maire avait dit à l’usine Renault de Sandouville que la réindustrialisation de la France était le plus grand succès du macronisme. Je citerai quelques chiffres, monsieur le ministre. La part de l’industrie manufacturière dans le PIB est passée en dessous de 10 % cette année, pour la première fois sous la Ve République. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) La part de l’emploi industriel dans l’emploi salarié privé total a reculé de 16,4 % en 2018 à 15,4 % en 2024.
M. Frédéric Petit
En valeur absolue !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Pour déterminer la part de l’industrie dans un pays, il faut regarder la proportion. Monsieur le ministre, selon vous, tout indique que les chiffres devraient être bons en 2025.
M. Roland Lescure, ministre
Je n’ai pas dit cela !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Si, vous avez dit « positif ». Je citerai des chiffres issus d’une récente étude de Trendeo. Ces chiffres ne veulent rien dire, selon vous ? Permettez-moi de les citer, nous pourrons ensuite revenir sur les chiffres officiels. D’après cette étude, les usines se font moins nombreuses en France : le pays a perdu, en net, vingt-cinq usines au premier semestre de l’année 2025. Au second semestre de l’année 2024, l’Hexagone avait déjà perdu trente-quatre usines. La tendance n’est donc vraiment pas au beau fixe. Par ailleurs, la CGT a dénombré 300 plans de licenciements et entre 130 000 et 200 000 emplois menacés ou supprimés depuis septembre 2023 – vous me direz, c’est la GGT !
M. Roland Lescure, ministre
Non !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je doute fort que le paysage et les perspectives que vous avez décrites reflètent la réalité – le pays le vit d’ailleurs ainsi, dans toutes les régions, au fil des fermetures d’entreprises, plus particulièrement d’industries. (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.) Je le regrette, je préférerais qu’il en soit autrement.
Quant à l’investissement direct étranger (IDE), dont nous serions les champions d’Europe, c’est vrai pour ce qui est du nombre d’entreprises, mais pas pour ce qui est des valeurs, des volumes et du nombre d’emplois salariés, pour lesquels la France se situe à peu près dans la moyenne européenne. Selon Rexecode, les flux entrants d’IDE ont été de 590 milliards d’euros et les flux sortants de 828 milliards. Je conteste votre description très rose de la situation depuis quelques années. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Monsieur le ministre, je vous laisserai la parole à la fin. La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
J’ai entendu notre collègue Lejeune dire que nous vivions dans une réalité parallèle. Mais, chers collègues de La France insoumise, j’ai l’impression que vous aussi, vous vivez dans une réalité parallèle où la France est une espèce de paradis fiscal pour les entreprises,…
Mme Gabrielle Cathala
Oui !
M. Maxime Laisney
Pour les très grandes entreprises !
M. Pierre Cazeneuve
…où le taux d’imposition est inférieur à ce qu’il est ailleurs.
M. Julien Odoul
Il faut arrêter avec les vidéos !
M. Laurent Jacobelli
On va finir dans « Danse avec les stars » !
M. Pierre Cazeneuve
Le président Coquerel l’a rappelé, quand le taux de l’IS est passé à 25 %, on est revenu dans la moyenne européenne, grâce à l’action de notre ancienne majorité. Mais il faut regarder l’ensemble des prélèvements obligatoires, l’ensemble de la charge fiscale qui pèse sur les entreprises. Quand on ajoute les impôts de production, les charges sociales, et même en déduisant les aides aux entreprises – vous avez beaucoup parlé des 211 milliards, que vous agitez comme un chiffon rouge –, on reste le pays le plus fiscalisé du monde pour nos entreprises, le numéro un. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme Alma Dufour
Non, ce n’est pas ce que dit l’OCDE !
M. Pierre Cazeneuve
Dire le contraire est une absurdité absolue.
Ensuite, j’ai entendu dire qu’il y aurait un manque à gagner fiscal parce que nous avons baissé l’impôt sur les sociétés. Quand on a abaissé le taux à 25 %, les recettes fiscales de cet impôt ont augmenté. Il faut comprendre ce point, qui a été soulevé tout à l’heure par les collègues du groupe Droite républicaine : l’augmentation du taux ne fait pas nécessairement entrer plus d’argent, bien au contraire. Avoir une fiscalité maîtrisée permet d’avoir plus de rentrées fiscales.
Mme Cyrielle Chatelain
Ce n’est pas vrai !
Mme Alma Dufour
Comment pouvez-vous dire ça sérieusement ?
M. Pierre Cazeneuve
Dans votre réalité parallèle, vous donnez l’impression que cela vous embête que nos entreprises fassent des bénéfices, que vous êtes malheureux que les grandes entreprises françaises fonctionnent bien. C’est une chance pour la France quand les grandes entreprises du CAC40 font des bénéfices, c’est autant d’emplois qu’elles créent en France, autant de dividendes qu’elles versent, autant d’investissements réalisés.
M. Julien Odoul
Et plus de vues sur TikTok !
M. Pierre Cazeneuve
On devrait collectivement s’en réjouir plutôt que de vouloir les taxer davantage et in fine les faire partir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Jean-François Coulomme
Et il faudrait imposer les plus modestes ?
M. le président
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Je rappelle la position de notre groupe : nous sommes favorables à l’article, qui correspond pour nous à un compromis – une contribution exceptionnelle, et qui le restera, dont on peut sortir progressivement. C’est un impôt qui permet de faire contribuer les entreprises qui en ont les moyens, et pas les autres.
Je voudrais revenir sur plusieurs confusions.
D’abord, celle sur le rôle du Parlement. Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’ici, nous décidons d’un taux, pas de son application. Oui, certaines entreprises peuvent jouer avec la règle, mais on ne peut pas préciser dans la loi comment elle doit être appliquée. S’il y a un problème avec le taux réel qui s’applique aux grandes entreprises, il faut corriger la manière dont on applique la loi. C’est aussi notre travail, mais il n’est pas législatif.
On a déjà parlé de la confusion entre le taux et l’assiette, mais je voudrais aussi rappeler que lorsqu’un actionnaire vole une entreprise, cela s’appelle un abus de bien social. Une entreprise, dans notre droit et dans notre tradition, est un bien social, qu’elle soit grande ou petite, familiale ou internationale. Ce n’est pas un sale riche ! Quand on taxe, on taxe le bénéfice au moment où il va sortir du bien social.
M. Manuel Bompard
Raison de plus pour voter l’amendement !
M. Frédéric Petit
Vous faites systématiquement cette confusion entre les actionnaires, qui sont des personnes physiques, et les biens sociaux, si bien que vous prononcez des phrases aberrantes. Une grande entreprise ne va peut-être pas contribuer en payant cette taxe exceptionnelle, car elle aura, par exemple, augmenté ses salariés. Si j’augmente mes salariés, je fais moins de bénéfices – et tant mieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Une grande ou une petite entreprise peut choisir où elle fait ses équilibres… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Frédéric Petit
Mais ce n’est pas nous qui décidons de cela !
M. Boris Vallaud
Ce qui devrait nous accabler et nous inquiéter tous, c’est que depuis deux semestres consécutifs, la France perd plus d’usines qu’elle n’en crée et que, compte tenu de ce que vous projetez, les perspectives économiques pour les prochains mois augurent de fermetures d’usines supplémentaires et d’une augmentation du chômage qui atteindrait les 9 % en 2027. Voilà ce qui devrait nous inquiéter, vu le rythme de consolidation que vous avez proposé dans la continuité du projet de François Bayrou. On pourrait sortir beaucoup de chiffres. Il est inquiétant de savoir que nous vivons à crédit depuis longtemps, et jamais autant que ces dernières années : le solde extérieur est déficitaire, le déficit industriel se creuse, la part de l’industrie dans le PIB n’a jamais été aussi faible.
M. Julien Odoul
Il faut en parler à François Hollande !
M. Boris Vallaud
Par ailleurs, nous constatons qu’entre la fin des années 1970 et aujourd’hui, la part des aides directes et indirectes aux entreprises est passée de 3,5 % à 8,5 % du PIB et que cela a été financé par le déficit public et par les impôts des ménages. On en est donc à un moment où l’on ne se pose plus seulement une question économique, d’efficacité de la dépense publique, mais aussi une question démocratique, de consentement à l’impôt. Vous évoquez le taux de 25 % mais en vérité – l’Insee nous le rappelle –, les très grandes entreprises paient 14 % d’impôt, alors que les PME en paient plus de 21 %.
Moi, je ne veux pas que mon boulanger paie plus d’impôts que L’Oréal. Je ne veux pas que l’artisan de mon canton, dans les Landes, paie plus d’impôts que Total ou que CMA-CGM. C’est une question de justice fiscale et de juste répartition de la contribution, alors que nous avons 1 000 milliards de dette supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Ce que nous demandons donc aux entreprises les plus prospères, qui paient l’impôt sur les sociétés, c’est de payer le taux effectif à travers cette surtaxe.
Les multinationales consolident 40 % de leurs résultats dans les paradis fiscaux et il manque à tous les pays de l’Union européenne 20 % de l’impôt sur les sociétés. Ces recettes manquent à tous nos services publics. Ce que l’on demande, c’est du patriotisme économique (Exclamations sur les bancs du groupe RN),…
M. Laurent Jacobelli
Pas ça, pas vous !
M. Julien Odoul
Vous avez vendu la France à la découpe !
Mme Dieynaba Diop
Pas de cinéma !
M. Boris Vallaud
…c’est du consentement à l’impôt, c’est du redressement… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe SOC applaudissent ce dernier.)
C’est nous, les patriotes. Vous êtes des nationalistes ! (Interpellations mutuelles entre les bancs des groupes SOC et RN.)
M. le président
S’il vous plaît, un peu de calme. La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.
M. Alexandre Allegret-Pilot
J’aimerais rebondir sur plusieurs éléments.
Les investissements étrangers en France représentent en stock 600 milliards d’euros et sont, on le sait, parfois des investissements prédateurs.
M. Antoine Léaument
Comme votre ami Stérin !
M. Alexandre Allegret-Pilot
Qu’en est-il des investissements français à l’étranger ? Ce sont 1 200 milliards d’euros que les Français préfèrent investir à l’étranger plutôt que dans leur propre pays, parce qu’ils craignent la fiscalité confiscatoire qu’on leur impose.
S’agissant des créations nettes d’usines, toutes les usines ne sont pas égales. À mon sens, il conviendrait de développer un indicateur qui s’attacherait à la création de valeur ajoutée pour les salariés, aux salaires et aux actifs immobilisés, puisque c’est notamment cela qui fait la valeur industrielle.
Enfin, je vous rejoins sur l’opportunité d’aligner la pression fiscale entre les PME et les grands groupes. Il faut cependant tenir compte du contexte concurrentiel international et de la courbe de Laffer. Nos concurrents internationaux de l’OCDE imposent bien moins les entreprises ; plutôt que d’augmenter l’impôt des grands groupes, mieux vaut donc baisser celui des PME pour l’aligner à 15 %. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDR.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Ray.
M. Nicolas Ray
Je voudrais apporter une clarification. Il y a quelques minutes, M. Verny, du groupe UDR, relevait l’incohérence de la position du groupe Droite républicaine, qui est majoritairement contre cet article alors que cette contribution a été instituée par l’ancien premier ministre Michel Barnier, notre collègue ici présent – je parle sous son contrôle et je lui rends hommage. Rappelons cependant que Michel Barnier disait que ce serait une contribution exceptionnelle.
M. Nicolas Sansu
C’est prévu !
M. Nicolas Ray
Il n’y a donc aucune incohérence. S’il y en a une, monsieur Verny, c’est votre alliance avec le Rassemblement national. Vous êtes d’accord sur le régalien, mais sur l’économie et la fiscalité, vos désaccords sont majeurs. Sur la fiscalité, vous avez des positions très libérales, ce qui n’est pas le cas du RN.
M. Thierry Tesson
Caricature !
M. Nicolas Ray
Vous êtes également contre la suspension de la réforme des retraites – monsieur Ciotti, vous étiez un grand défenseur de cette réforme quand vous étiez dans mon groupe –, alors que le RN demande son abrogation. Donc s’il y a incohérence, elle est chez vous, monsieur Verny ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
M. Emeric Salmon
Ça ne convainc personne !
M. le président
La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière
Nous soutenons bien sûr ces amendements, dont l’utilité a été démontrée. Je note à ce propos que nos collègues du groupe de M. Ciotti confirment que la fiscalité n’est pas la même pour les grandes et pour les petites entreprises. Donc acte.
Mais je reviens un peu en arrière. Monsieur Lescure, vous avez évoqué votre bilan en matière de créations d’entreprises, que vous jugiez positif. En regardant les chiffres de l’Insee, on voit toutefois qu’on ne parle pas de la même chose – poireaux ou carottes. L’Insee dit que le nombre d’entreprises individuelles classiques a baissé, mais que les micro-entreprises se sont développées, notamment dans le secteur du transport. Soyons honnêtes, quand nous parlons de fermetures d’entreprises, vous rétorquez que des entreprises ont été créées, mais nous savons tous ce que sont ces micro-entreprises : des VTC – véhicules de transport avec chauffeur –, des chauffeurs individuels. C’est un jeu de dupes.
Mme Ayda Hadizadeh
Exactement ! C’est la smicardisation de la France !
M. Alexis Corbière
Vous avez précarisé et démantelé le tissu économique, et les micro-entrepreneurs ne peuvent être comparés aux entreprises que nous connaissons, qui embauchent et participent au maillage d’une région. Avouez que le vrai bilan des créations d’entreprises n’est absolument pas celui que vous avez présenté tout à l’heure. C’est l’un des effets pervers des politiques que vous avez menées depuis 2017 qui, contrairement à ce que vous avez annoncé pendant des années, affaiblissent notre tissu économique, profitent à certains groupes et ne participent pas à la création d’entreprises. (M. Marcellin Nadeau applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme Alma Dufour.
Mme Alma Dufour
Pour moi qui suis élue dans une région industrielle, ce débat est insupportable ; je ne peux pas l’entendre. Dans la seule usine Renault de ma circonscription, depuis ma première élection en 2022, on a perdu 2 500 emplois. Au moins trois usines ont fermé, mais aucune n’a ouvert pour l’instant. Des entrepôts logistiques sont certes installés, et Emmanuel Macron a eu le chic de mélanger industrie et logistique pour faire croire qu’il arrivait à réindustrialiser la France. Cependant, les chiffres sont têtus : nous avons l’un des pires déficits commerciaux d’Europe, nous sommes l’un des pays les plus désindustrialisés d’Europe et nous nous fracassons actuellement contre le mur de la crise énergétique à laquelle vous n’avez pas voulu faire face. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Laure Miller
Ce n’est pas vrai !
Mme Alma Dufour
On a eu beau, pendant trois ans, vous répéter que c’était le seul avantage compétitif que nous avions pour sauver notre industrie, vous n’en avez rien eu à faire.
En ce qui concerne les prélèvements obligatoires et le taux d’imposition, monsieur Cazeneuve, lisez un rapport une fois dans votre vie – vous avez fait la même chose l’année dernière avec la Cour des comptes. L’OCDE le dit très clairement : quand on considère tous les prélèvements obligatoires mais qu’on y ajoute les crédits d’impôt, nos entreprises ne paient pas plus que la moyenne de l’OCDE.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Eh oui !
M. Erwan Balanant
Le rapport de l’OCDE dit exactement le contraire, vous devriez le lire !
Mme Liliana Tanguy
Vous faites une lecture sélective des choses !
Mme Alma Dufour
Il n’y a pas de problème de surfiscalité en France, parce que vous distribuez 211 milliards d’aides fiscales et sociales aux grandes entreprises.
Ensuite, non, les grands groupes, en moyenne, ne créent pas d’emplois en France. C’est complètement faux, et si vous lisiez les documents de l’Insee, vous le sauriez.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Exactement !
Mme Alma Dufour
Ce sont les PME, que vous taxez plus que les grands groupes, qui créent des emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Sylvain Maillard
Les PME travaillent pour les grands groupes !
Mme Alma Dufour
En dix ans, les grands groupes français ont détruit 145 000 emplois, les PME-TPE en ont créé 175 000. La balance positive que vous défendez repose donc toujours sur les mêmes : les PME et les TPE, qui font 2 % de marge, et que vous allez assassiner encore une fois avec ce PLF. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Roland Lescure, ministre
Je me permets de reprendre la parole à la suite de plusieurs interpellations.
Cela me permet de répondre aussi à M. de Courson, qui m’avait posé une question, en s’exprimant sur l’article, au sujet des recettes de ce prélèvement exceptionnel. Vous le savez, vous l’aviez voté : le premier acompte de ce prélèvement exceptionnel sera versé en décembre 2025, et le versement final aura lieu en mai 2026. Je ne peux donc vous donner que des estimations, fondées notamment sur l’observation des recettes effectives de l’impôt sur les sociétés en 2025 – qui reposent sur l’année précédente. Selon ces estimations, 2024 a plutôt été un bon exercice. Nous aurons donc à la fois de bonnes surprises sur les recettes traditionnelles de l’impôt sur les sociétés, et des recettes de cette surtaxe d’au moins 7 milliards d’euros – assez proches donc des 8 milliards que nous avions provisionnés ensemble. Tous les montants ne sont qu’estimés, mais on a aujourd’hui des versements de l’impôt sur les sociétés à la fois normaux et exceptionnels qui sont plutôt au-dessus de ce que l’on attendait. Cela répond à votre question.
Est-ce que la France industrielle va bien ? Non.
Mme Alma Dufour
Ah ! Merci de le reconnaître.
M. Roland Lescure, ministre
Je ne cherche pas à vous vendre l’invendable ou à vous faire prendre des rêves pour la réalité.
M. Manuel Bompard
Vous venez de le faire !
M. Roland Lescure, ministre
La France industrielle va juste un peu moins mal que pendant les dernières décennies, lors desquelles des politiques de tous bords ont fait le choix stratégique de dire : les usines, on les envoie au bout du monde et nous, on va faire une économie de services, construire des ronds-points et des centres commerciaux, et tout va bien se passer. La réalité, c’est que la désindustrialisation de la France a provoqué le développement de la misère sociale et des inégalités territoriales extrêmement prégnantes.
M. Carlos Martens Bilongo
C’est vous qui en êtes responsables !
M. Roland Lescure, ministre
Des territoires ont été totalement dévitalisés, ont perdu des milliers d’emplois et se sont retrouvés dans une situation sociale…
Mme Alma Dufour
Catastrophique !
M. Roland Lescure, ministre
…très dure. Je ne le nie pas ; je veux seulement dire qu’il y a sept à huit ans, nous avons pris conscience de cette situation et nous avons pris des mesures qui commencent à payer.
Monsieur le président Coquerel, quand on crée 120 000 emplois industriels en France et, dans le même temps, 2 500 000 emplois dans les autres secteurs, on constate nécessairement que la part de l’emploi industriel ne progresse pas. On a créé encore plus d’emplois ailleurs que dans l’industrie !
M. Gabriel Attal
Très bien !
M. Roland Lescure, ministre
Reconnaissons toutefois que ces créations sont un début et que le chômage de masse recule : il s’établit entre 7 % et 7,5 % et j’espère, monsieur Vallaud, qu’il se stabilisera à ce niveau et ne progressera pas jusqu’à 9 %. Nous avons donc remporté nos premiers succès dans le combat contre le chômage de masse, mais nous devons continuer à le livrer, pour les jeunes, pour les seniors et pour les emplois industriels, dont les enjeux de transition sont très importants.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
M. Roland Lescure, ministre
Monsieur Corbière, vous avez parlé des créations d’entreprises, mais j’évoquerai plus précisément les créations et ouvertures d’usines. Elles repartent à la hausse depuis 2023, ce que confirment les indicateurs que j’ai conçus, et comme l’indiquent, depuis plus longtemps encore, les chiffres fournis par la plateforme Trendeo qu’a mentionnée M. Coquerel.
Toutefois, la tendance est fragile. Les réouvertures de lignes se poursuivent mais les créations nettes d’usines sont de moins en moins nombreuses.
S’agissant des entreprises, vous avez raison : de nombreuses entreprises ont été créées et parmi elles, beaucoup d’entreprises individuelles, dans le secteur des transports ainsi que dans ceux des services à la personne et des services en général. On nous jette à la figure que les défaillances d’entreprises sont au plus haut, mais il faut reconnaître que les faillites concernent surtout ces entreprises individuelles, assez précaires. Elles ont beaucoup contribué à soutenir le nombre de créations d’entreprises en France, mais traversent, depuis la crise de la covid et l’arrêt du soutien public « quoi qu’il en coûte », une situation difficile.
Revenons aux usines : on a créé de l’emploi industriel alors qu’on en détruisait depuis vingt-cinq ans et on a ouvert des usines alors qu’on les fermait depuis vingt-cinq ans. Je pense qu’on est tous d’accord pour dire qu’il faut poursuivre sur cette lancée !
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Roland Lescure, ministre
J’essaie de naviguer dans le triangle infernal – espérons qu’il ne devienne pas le triangle des Bermudes ! – que forment les dépenses, les impôts et la croissance, et qui permet de boucler un budget. Nous essayons de trouver l’équilibre entre ceux qui pensent qu’il faut taxer davantage et dépenser davantage, ceux qui pensent qu’il faut taxer moins et dépenser moins…
M. Sylvain Maillard
C’est nous, ça !
M. Roland Lescure, ministre
…et ceux qui, plus généralement, pensent qu’il ne faut pas casser la croissance en France.
M. Manuel Bompard
Avec votre budget, vous allez diviser la croissance par deux !
M. Roland Lescure, ministre
Des études montrent qu’en France, on taxe les entreprises plus que nulle part ailleurs et qu’on les aide plus que nulle part ailleurs. Conformément à la demande du premier ministre, je prends l’engagement de faire toute la transparence sur les prélèvements et sur les aides. Les travaux du Sénat ont montré que la manière dont on mesurait les aides était à tout le moins ambiguë et que le soutien aux entreprises manquait de transparence, mais il faut aussi faire la transparence sur la fiscalité : nous pourrons ainsi arbitrer efficacement entre recettes et dépenses.
Depuis 2018, nous avons réussi à attirer 88 milliards d’euros d’investissements étrangers ; essayons de préserver cet attrait de la France. Le monde, qui valorise la stabilité politique et la capacité de construire des compromis, nous regarde.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1380.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 280
Nombre de suffrages exprimés 278
Majorité absolue 140
Pour l’adoption 118
Contre 160
(L’amendement no 1380 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1383.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 275
Nombre de suffrages exprimés 274
Majorité absolue 138
Pour l’adoption 122
Contre 152
(L’amendement no 1383 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de quatorze amendements, nos 2864, 2865, 1387, 1389, 3265, 1334, 3567, 1398, 2377, 1759, 1875, 1020, 416 et 729, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1398 et 2377 ainsi que les amendements nos 416 et 729 sont identiques.
Je suis également saisi d’une série de demandes de scrutin public : sur les amendements nos 2864 et 2865, par le groupe Écologiste et social ; sur les amendements nos 1387 et 1389, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire ; sur l’amendement no 3265, par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ; sur l’amendement no 3567, par le groupe Écologiste et social ; sur les amendements no 1398 et identique, par les groupes La France insoumise-Nouveau Front populaire et Socialistes et apparentés ; sur l’amendement no 1759, par le groupe Liberté, indépendants, outre-mer et territoires.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir les amendements nos 2864 et 2865, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Christine Arrighi
Je tiens d’abord à faire état de ma stupéfaction quant aux amendements de suppression défendus il y a quelques instants. De la déclaration de politique générale du premier ministre, je me souviens que le gouvernement devait proposer un projet de budget et les députés en débattre puis voter. Or que se passe-t-il ? Les députés qui soutiennent le gouvernement déposent des amendements tendant à supprimer des articles du projet qu’ils sont censés soutenir !
J’avoue mon incompréhension. Le premier ministre annonce qu’il n’appliquera pas l’article 49.3 mais ses soutiens dégradent le projet gouvernemental qu’ils sont censés défendre : cherchez l’erreur ! Ils procèdent peut-être ainsi pour, devant les journalistes qui les attendent en salle des Quatre-Colonnes, faire passer le fait que la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises n’ait pas été supprimée pour un effort de leur part. C’est le monde à l’envers !
Monsieur Lescure, vous chantez une ode à la politique conduite depuis 2017, vous nous faites un cours sur les lois de l’économie, sur la France qui crée des emplois, sur la France qui gagne. Comment expliquez-vous alors qu’on compte aujourd’hui 10 millions de pauvres, 350 000 personnes sans domicile et 3 000 enfants à la rue ? (Mme Manon Meunier applaudit.) Si la France gagnait réellement et que votre bilan devait réellement vous donner satisfaction, nous ne serions pas dans cette situation !
Mes amendements, inspirés par l’excellent amendement de Jean-Paul Mattei, tendent à maintenir les taux initiaux de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises jusqu’à ce que le déficit public revienne sous le seuil de 3 % du PIB. Cette contribution était pensée pour être exceptionnelle car la situation devait s’arranger un an après sa création. Or tel n’a pas été le cas : la situation des entreprises ne s’est pas améliorée et la pauvreté n’a pas été résorbée. La contribution exceptionnelle doit donc rester en vigueur jusqu’à l’atteinte de la condition que j’ai présentée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 1387.
Mme Claire Lejeune
En votant comme il l’a fait à l’instant, le RN a offert un cadeau à 4 milliards d’euros aux plus grandes entreprises du pays. Il permettra ainsi aux actionnaires de s’enrichir sur le dos des Français.
Vous nous dites qu’il ne faut surtout pas toucher à la fiscalité des entreprises, pour éviter toute incidence sur l’emploi et l’activité économique réelle de notre pays. Nous vous avons donné quelques éléments de bilan de votre action, mais vous semblez vouloir les ignorer : la crise budgétaire que nous traversons est aussi le résultat des cadeaux fiscaux que vous avez offerts aux plus grandes entreprises depuis 2017, puisque le manque à gagner qu’ils ont engendré correspond au déficit budgétaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP)
Vous raisonnez comme si le capitalisme n’était pas financiarisé et comme si les cadeaux que vous faites aux grandes entreprises soutenaient l’économie réelle.
M. Charles Sitzenstuhl
C’est vrai !
Mme Claire Lejeune
En 2025, les dividendes ont augmenté de 8 % et il est prévu qu’ils augmentent encore de 9 % en 2026, mais dans le même temps, le taux de pauvreté explose et nous peinons à financer nos services publics. Voilà la réalité de votre politique ; vos cadeaux fiscaux privent l’État de ses marges de manœuvre et remplissent les poches des actionnaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
La caractéristique du capitalisme contemporain est que les flux financiers n’alimentent plus l’économie réelle, mais qu’ils tournent en boucle et ne servent qu’à enrichir les actionnaires. Vous ne pouvez donc pas nous opposer des arguments qui n’ont, au vu de l’état réel de l’économie du pays, aucun sens. (Mêmes mouvements.) D’ailleurs, vous n’avez apporté aucune réponse aux collègues qui vous interpellaient au sujet des usines et industries qui ferment en France. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
L’amendement no 1389 de M. Aurélien Le Coq est défendu.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 3265.
Mme Elsa Faucillon
Il y a quelque chose d’indécent et d’insupportable à constater que vous êtes prêts à renoncer à 4 milliards d’euros en divisant par deux le taux de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes et très grandes entreprises, quand dans le même temps vous voulez prendre 800 millions d’euros des poches des malades souffrant d’une affection de longue durée. C’est d’autant plus insupportable et indécent qu’on sait que la dette n’est pas creusée par un modèle social qui serait trop coûteux ou dispendieux, mais par un soutien incessant et grandissant à un capitalisme devenu non seulement dépendant à l’argent public, mais aussi réfractaire à toute contribution au bien commun ou à toute contrepartie sociale, au point d’être prêt à s’allier à l’extrême droite pour protéger ses intérêts.
M. Paul Midy
La moitié de notre dette vient de notre système de retraites !
Mme Elsa Faucillon
Le capital n’est pas intouchable. Depuis des années, nous constatons l’explosion du montant des dividendes versés, notamment au sein des entreprises cotées au CAC40. Les bénéfices de ces sociétés ne soutiennent pas l’investissement, la hausse des salaires ou la formation des salariés, mais sont directement empochés par les actionnaires.
M. Charles Sitzenstuhl
C’est faux et c’est démagogique !
Mme Elsa Faucillon
La contribution exceptionnelle, qui n’a rien de révolutionnaire, a été conçue l’an dernier pour répondre à une situation exceptionnelle. La division par deux de son taux est-elle désormais justifiée ? Non, c’est même tout le contraire ! Il faut donc pérenniser la contribution, à son taux actuel, et cesser de raconter qu’elle pénalise l’investissement productif, car elle limite seulement la redistribution de dividendes vers une minorité qui n’en a pas besoin, et ce pendant que la majorité a des besoins immenses. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. Nicolas Sansu
Bravo !
M. le président
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l’amendement no 1334.
M. Michel Castellani
Nous devons gérer une situation complexe et nous sommes pris dans des contradictions considérables. Taxer les entreprises peut avoir des effets pervers sur l’investissement et sur l’emploi, et donc, en définitive, sur les recettes publiques. À l’inverse, nous devons gérer le dérapage budgétaire de la France et la charge importante de la dette, deux drames collectifs. Cette situation impose des sacrifices que nous souhaitons provisoires, mais qui justifient notre amendement.
M. le président
La suite de l’examen du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2026.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra