Première séance du mercredi 12 novembre 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au gouvernement
- Hommage aux héros et aux victimes du Bataclan
- CHU de Caen
- Attaque à Oléron
- Soutien à l’économie des territoires d’outre-mer
- Insécurité
- Sincérité budgétaire
- Attentats du 13 novembre 2015
- Attitude des forces de l’ordre lors de la manifestation à Sainte-Soline
- Devoir de vigilance
- Attentats du 13 Novembre
- Attitude des forces de l’ordre lors de la manifestation à Sainte-Soline
- 2. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
- Troisième partie (suite)
- Article 45 (appelé par priorité)
- Mme Véronique Riotton
- Mme Fanny Dombre Coste
- M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales
- Mme la présidente
- Amendement no 2693
- Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics
- Mme Sandrine Runel, rapporteure de la commission des affaires sociales
- Amendements nos 2375 et 2376
- Suspension et reprise de la séance
- Article 45 bis (appelé par priorité)
- Rappel au règlement
- Article 45 (appelé par priorité)
- Article 45 bis (suite)
- M. Paul Christophe
- M. Stéphane Viry
- M. Stéphane Peu
- M. Philippe Bonnecarrère
- M. Jean-Pierre Farandou, ministre
- Amendements nos 653, 910, 956 et 2686
- Sous-amendements nos 2696, 2697, 2715 et 2708
- Amendement no 2536
- Rappel au règlement
- Troisième partie (suite)
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à 14h.)
1. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Hommage aux héros et aux victimes du Bataclan
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Falorni.
M. Olivier Falorni
Avant toute chose, – si la nouvelle est confirmée – je veux vous dire ma très grande joie d’apprendre la libération de Boualem Sansal. (Les députés se lèvent et applaudissent vivement. – Les membres du gouvernement se lèvent également.)
Monsieur le ministre de l’intérieur, il y a dix ans, la France plongeait dans l’enfer d’une nuit de sang et d’horreur. Le 13 novembre 2015, le terrorisme islamiste menait une attaque d’une ampleur inédite, et d’une violence inouïe, contre notre république et ses valeurs. Dix ans après, nous n’oublions pas. Nous n’oublierons jamais les 130 victimes, les 70 enfants orphelins, les centaines de blessés. Nous avons aussi le devoir de ne jamais oublier celles et ceux qui ont tout fait pour les sauver, souvent au péril de leur propre vie : honneur à eux tous. (Les députés se lèvent et applaudissent très longuement. – Les membres du gouvernement se lèvent aussi.)
Tout le monde a célébré, à juste raison, le courage et le professionnalisme des unités spécialisées de la BRI et du Raid, qui ont libéré les otages du Bataclan. Mais beaucoup ignorent que les premiers à être entrés dans cet enfer absolu sont les policiers de la BAC de nuit de Paris, avec leurs seules armes de poing pour affronter des kalachnikovs. C’est leur commissaire et son équipier qui ont stoppé le massacre, en abattant l’un des trois terroristes. Ce sont dix-sept policiers de la BAC 75N qui ont immédiatement sécurisé la fosse et évacué les premiers blessés. Malgré tant de vies sauvées, ils ont été les héros oubliés du Bataclan. C’est pourquoi je tenais à leur dire – je l’espère, en votre nom à tous – toute notre admiration et toute notre gratitude.
N’oublions pas, n’oublions jamais, toutes les victimes et tous les héros du 13 novembre. (Les députés se lèvent et applaudissent très longuement. – Les membres du gouvernement se lèvent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nuñez, ministre de l’intérieur
Permettez-moi aussi, au nom du gouvernement, d’avoir une pensée pour les forces de sécurité intérieures intervenues ce soir-là et pour l’excellent travail qu’elles font depuis en matière de lutte contre le terrorisme, sous l’impulsion du président de la République.
Vous avez raison de souligner que les forces spécialisées sont intervenues, notamment la BRI, appuyée par le Raid, mais que ceux qui ont interrompu la tuerie et aidé à l’évacuation des victimes sont les policiers que l’on a appelés les primo-intervenants : la BAC nuit, et bien d’autres équipages, parfois ceux de police secours.
Je vous remercie pour cet hommage. Le ministre de l’intérieur que je suis et l’ensemble du gouvernement ne les ont pas oubliés. Dans mes fonctions précédentes, j’ai vu ce que ces primo-intervenants ont accompli, comme en témoigne le livre dans lequel Yvan Assioma leur a donné la parole afin de raconter ce qu’ils ont vécu cette nuit-là. Quand j’étais préfet de police, je les avais déjà autorisés à communiquer, à témoigner des horreurs vécues alors, source d’un traumatisme pour nombre d’entre eux.
Il faut leur rendre hommage, car c’est un commissaire courageux qui a fait intervenir son équipage de la BAC nuit pour interrompre la tuerie, permettant ainsi l’intervention des forces spécialisées.
Depuis, nous avons tiré toutes les conséquences de cette tuerie, en termes de renseignement mais surtout de primo-intervention. Depuis, un schéma national d’intervention a été défini, et les primo-intervenants sont équipés, armés, capables de faire face à un événement comparable. Nous le devons à l’engagement très fort du président de la République, qui a demandé que l’on applique tous ces plans d’actions grâce auxquels nous sommes désormais mieux armés, face à une menace réduite. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC, Dem et LIOT.)
CHU de Caen
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Bruneau.
M. Joël Bruneau
Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé. La semaine dernière, nous apprenions la décision de ne pas accueillir d’internes dans le service d’urgence du CHU de Caen.
Avec mes collègues, le maire de Caen et le président de la communauté urbaine de Caen la mer, nous vous avions déjà alertée. Je tiens d’ailleurs à vous remercier pour la mobilisation de la réserve sanitaire, solution qui n’est malheureusement que temporaire face à une crise aiguë qui fait suite à plusieurs mois de difficultés récurrentes.
Cette décision de retrait des internes est inédite et grave car elle remet en cause deux des missions centrales d’un CHU : former et soigner.
Je tiens à apporter tout mon soutien aux internes et personnels soignants du CHU touchés par cette situation, qui n’est pas spécifique à Caen, mais reflète une faille majeure dans l’organisation de notre système de santé et plus particulièrement dans celui des urgences.
En effet, alors que nous manquons d’urgentistes hospitaliers, les hôpitaux publics peuvent se livrer à une concurrence malsaine – comme dans le Calvados – aboutissant à une répartition des praticiens sans lien avec le nombre de patients accueillis sur chaque site.
Cette situation découle de problèmes d’ordre organisationnel à l’échelle du groupement hospitalier de territoire, mais aussi d’un manque d’attractivité de l’hôpital public, notamment pour les missions à fortes contraintes, comme les urgences.
Le gouvernement compte-t-il engager un travail de fond sur l’attractivité de l’hôpital public, notamment du métier de médecin urgentiste ? Le gouvernement compte-t-il doter les ARS ou les GHT d’outils juridiques leur permettant de mieux organiser les soins, en obligeant à une coopération entre établissements aboutissant à la création d’équipes médicales de territoire, ou à tout le moins à la définition d’une quotité obligatoire de travail dans l’établissement support pour tout praticien urgentiste dans un même territoire ?
Les élus locaux, et moi-même nous tenons à votre disposition pour évoquer plus longuement la situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, ainsi que sur quelques bancs SOC et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées
Je vous remercie pour votre question concernant le CHU de Caen, notamment son service d’urgence, où les internes, qui devaient prendre leur stage de six mois au 1er novembre, ne sont pas arrivés du fait de l’absence d’encadrants, si bien que pendant six mois, ce service d’urgence n’aura pas d’interne.
Notre pays compte 612 services d’urgences que nous suivons de très près en essayant notamment d’anticiper, de prévenir et d’agir avant d’en arriver à ces situations difficiles.
D’ailleurs, il me semble important, alors que l’épidémie hivernale arrive, de rappeler à nos concitoyens que la vaccination contre la grippe, quand on a plus de 65 ans et qu’on est fragile, évitera l’encombrement excessif de nos services d’urgences dans les semaines qui viennent.
Pour revenir au CHU Caen, nous avons immédiatement pris des mesures. Tout d’abord, j’ai demandé à l’ARS de diligenter un rapport pour comprendre les raisons de ces difficultés. Ensuite, nous avons envoyé de la réserve sanitaire composée d’urgentistes qui vont consolider et soutenir l’équipe actuelle. Enfin, nous avons permis, avec la prime de solidarité territoriale, que les urgentistes des autres établissements puissent venir renforcer l’équipe. Nous avons donc activé les différents leviers possibles. Je remercie d’ailleurs les professionnels qui s’activent pour faire fonctionner ce service – certes régulé par le Samu, les personnes devant d’abord appeler le 15 pour s’y rendre.
Vous demandez comment nous allons avancer, notamment dans les groupements hospitaliers de territoire. C’est un enjeu très important, puisque plusieurs rapports montrent qu’ils aident les établissements les plus en difficulté là où ils fonctionnent.
Attaque à Oléron
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Plassard.
M. Christophe Plassard
Le groupe Horizons s’associe aux hommages rendus à l’ensemble des victimes du 13 novembre.
Monsieur le ministre de l’intérieur, il y a une semaine, l’île d’Oléron a connu l’impensable : 30 minutes d’une chevauchée automobile qui avait pour but de tuer. Avez-vous des nouvelles des victimes, de l’enquête et de la perspective d’un procès ?
M’exprimer sur ce drame est délicat tant chaque prise de parole doit être mesurée dans de telles circonstances. Je pense que notre assemblée ne pourra que partager mes pensées pour ceux qui ont vécu ce funeste événement et, plus globalement, pour les habitants de ce territoire paisible, attaché à sa solidarité et à sa tranquillité. Je pense d’abord aux cinq victimes touchées dans leur chair, mais aussi à ceux qui ont échappé à cette catastrophe. Ensuite à tous ceux qui ont été impliqués, les habitants secourant et alertant, puis la chaîne de solidarité, d’aide et d’action composée des élus municipaux, de la police, des pompiers, de la préfecture, de la gendarmerie, du Samu, coordonnés avec efficacité par les services de l’État.
Tous ont permis d’éviter un bilan plus tragique. Chaque maillon de cette chaîne a été solide, résistant, efficace.
Je vous remercie de m’avoir aussitôt prévenu, d’avoir décidé de vous rendre sur place et de m’avoir proposé de vous accompagner grâce à la logistique de l’État. Notre collègue Pascal Markowsky, dont la collaboratrice parlementaire est parmi les victimes, s’est également joint à nous.
Votre présence a été un signe fort et apprécié de tous. Je sais combien la brutalité de cette journée a fait basculer la vie de nombreuses personnes. Après le temps des soins, vient celui de la reconstruction physique et psychologique, puis le parcours judiciaire et, nous le souhaitons, le procès.
D’ailleurs, la population s’interroge : l’auteur des faits, un marginal mis en examen pour tentatives d’assassinats, serait atteint d’un trouble altérant son discernement. Beaucoup craignent que cela n’aboutisse à une irresponsabilité pénale totale, qui susciterait incompréhension et colère.
Alors, de façon posée, sans polémique et dans le respect des victimes, pouvez-vous répondre à mes questions afin d’éclairer les Oléronais, et plus généralement les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. Olivier Falorni applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nuñez, ministre de l’intérieur
Merci de m’avoir accompagné sur le terrain, avec Pascal Markowsky, dont la collaboratrice a été gravement touchée. J’ai une pensée pour les personnes blessées : une autre personne se trouve toujours en urgence absolue, et trois autres ont des blessures plus légères. À ma connaissance, ils sont toujours dans un état grave même si leur pronostic vital n’est plus engagé.
Merci d’avoir salué la promptitude de l’intervention des forces de sécurité. Je salue les gendarmes, notamment ceux de la brigade territoriale de Saint-Pierre-d’Oléron, qui se sont mobilisés et ont permis de mettre fin à ce que j’ai immédiatement qualifié de périple meurtrier. Merci également aux sapeurs-pompiers, et aux secouristes qui sont intervenus.
Y aura-t-il un jugement ou pas ? Le Parquet national antiterroriste ne s’est pas saisi, mais le procureur a communiqué de façon très claire en ne parlant pas d’abolition mais d’altération du discernement. La personne a été entendue, elle est actuellement écrouée. J’ai donc toutes les raisons de penser que le procès aura lieu et que ce criminel aura à répondre de ses actes.
Vous avez eu raison de souligner son comportement, qui nous a tous interrogés. Même si le procureur national antiterroriste a tranché, le périple meurtrier de cette personne est extrêmement grave – d’autant plus qu’elle a invoqué un certain nombre de références religieuses.
L’attaque n’a fait que renforcer la détermination des forces de sécurité intérieure et des services de renseignement à repérer ces individus.
Je vous remercie une fois de plus, ainsi que M. Pascal Markowsky, de m’avoir accompagné sur l’île d’Oléron au lendemain de ce très triste événement, il y a huit jours. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Soutien à l’économie des territoires d’outre-mer
Mme la présidente
La parole est à M. Davy Rimane.
M. Davy Rimane
Monsieur le premier ministre, vous avez annoncé que le gouvernement renonçait à raboter les exonérations créées par la loi pour le développement économique des outre-mer, ce qu’il prévoyait initialement de faire dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est une bonne nouvelle.
Vous reconnaissez enfin que les économies ultramarines ne peuvent être traitées comme celles de l’Hexagone. Votre recul n’est pas tombé du ciel : il est le fruit de la mobilisation de parlementaires ultramarins de tous bords, qui ont su parler d’une seule voix pour défendre leurs territoires et rappeler que l’égalité réelle ne se renégocie pas à chaque échéance budgétaire.
En réalité, vous desserrez le poing pour mieux serrer la ceinture : votre projet de loi de finances s’en prend désormais au régime d’aide fiscale à l’investissement productif, un outil vital pour nos entreprises. Le Rafip n’a pourtant rien d’un privilège, car il compense des inégalités structurelles bien connues, liées aux coûts du fret, des matériaux, de l’énergie, du logement ou encore du crédit bancaire.
Sans lui, produire localement deviendrait tout simplement impossible. En clair, c’est un instrument de cohésion et de compétitivité indispensable à nos territoires. Le gouvernement l’a pourtant fait figurer parmi les vingt-trois niches fiscales à repenser pour économiser 5 milliards d’euros.
Dans le même temps, la mission Outre-mer voit ses crédits amputés de près de 600 millions en autorisations d’engagements et de plus de 150 millions d’euros en crédits de paiements, tandis que le budget de la défense augmente de 7 milliards.
En renonçant à diminuer les exonérations liées à la Lodeom, vous avez franchi un premier pas. Mais alors que vous corrigez une erreur dans le PLFSS, les outre-mer restent traités comme de simples lignes comptables dans le PLF.
Vous êtes bien placé pour savoir que la puissance de la France ne se mesure qu’à l’aune des territoires ultramarins qui la composent encore. Pourriez-vous nous indiquer clairement si vous comptez renoncer à ces coupes, pour assumer pleinement une politique de développement des outre-mer et abandonner une gestion comptable qui n’assure que leur survie. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre.
M. Sébastien Lecornu, premier ministre
Avant de répondre à votre question, vous me permettrez d’exprimer, au nom du président de la République, notre soulagement à l’annonce de la grâce de Boualem Sansal par les autorités algériennes. Nous souhaitons qu’il puisse rejoindre ses proches et être soigné au plus vite.
Je tiens à remercier du fond du cœur celles et ceux qui ont contribué à cette libération, fruit d’une méthode pleine de respect et de calme. (Les députés des groupes EPR, SOC, DR, EcoS, Dem, HOR, LIOT et GDR, quelques députés des groupes RN et LFI-NFP ainsi que MM. Bonnecarrère et Vuibert se lèvent et applaudissent.)
C’est en tant que député de Guyane et président de la délégation aux outre-mer que vous me posez votre question. Je salue la manière dont vous menez, depuis quinze jours, un travail méthodique et transpartisan sur la question, essentielle et centrale, du modèle économique et productif de chaque territoire d’outre-mer.
La réalité nous impose de dire que certains enjeux sont transverses et communs à tous ces territoires, mais que le traitement des autres exige une adaptation forte, en fonction de la situation géographique, économique voire institutionnelle locale.
Le volet social de la Lodeom a jadis été pensé par le législateur comme une protection de l’emploi ultramarin. Vous m’interpellez aussi sur les niches fiscales que le législateur avait pensées pour répondre à la nécessité d’accompagner l’investissement productif. Ces deux dispositifs ont, en partie, fonctionné.
L’application de la Lodeom a permis une baisse importante du chômage dans certains territoires, malgré ses imperfections en matière d’accompagnement des bas salaires. Dans le passé, les niches fiscales ont également porté leurs fruits, particulièrement dans les secteurs de l’agroalimentaire, du tourisme ou du BTP. Toutefois, leur objectif initial – celui de transformer toute l’économie ultramarine – n’a pas été atteint.
Le gouvernement ne profitera pas de la navette parlementaire pour revenir sur le vote du Parlement au sujet de la Lodeom.
M. Thibault Bazin
Heureusement !
Mme Estelle Youssouffa
Même à Mayotte ?
M. Sébastien Lecornu, premier ministre
S’agissant des amendements issus du travail transpartisan que vous avez engagé au sujet des niches fiscales, le gouvernement s’en remettra à la sagesse des députés.
Je veux même aller plus loin et répondre à certaines de vos attentes, en réalisant enfin l’étude d’impact, territoire par territoire, que vous avez demandée à plusieurs reprises. Elle permettra d’identifier des effets positifs – il y en a – et des effets négatifs – il y en a aussi –, en fonction de la situation économique de chaque territoire, puis d’avancer vers un modèle productif et économique plus global. Elle devra également traiter des freins européens que nous aurons à lever, comme le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité ou l’encadrement de la pêche et de l’économie du bois.
Dans certains cas, il faudra adapter et non raboter ces niches fiscales. C’est ainsi que nous aurons un effet de levier efficace et suivrons enfin un modèle économique qui va de l’avant.
Les mécanismes que nous évoquons ont tous été imaginés par nos anciens, qui souhaitaient permettre l’égalité réelle et l’émancipation économique des territoires. Aujourd’hui, une forme de dépendance aux outils dont nous avons hérité s’est installée. Vous et moi pouvons constater qu’ils atteignent leurs limites : il nous appartient donc d’inventer de nouvelles mesures.
Je vous propose de consacrer les prochaines semaines à l’adaptation de ces outils, non pas pour diminuer leur portée mais pour assurer le développement de l’économie, de l’emploi et de la consommation dans les outre-mer. Le projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer prolongera ce travail, puisqu’on sait très bien qu’on ne peut pas parler de modèle productif sans parler de consommation, et fournira l’occasion d’objectiver les marges et les monopoles.
M. Hervé de Lépinau
Pour en finir avec la vie chère, il faut diminuer les taxes !
M. Sébastien Lecornu, premier ministre
Tel qu’adopté par le Sénat, ce projet de loi ne vous convient pas complètement, je le sais. Profitons de sa lecture à l’Assemblée nationale pour le muscler jusqu’à ce qu’il réponde aux attentes que formulent nos concitoyens d’outre-mer vis-à-vis du gouvernement, du Parlement et de la solidarité nationale tout entière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme Estelle Youssouffa
Et la Lodeom à Mayotte alors ?
Mme la présidente
La parole est à M. Davy Rimane.
M. Davy Rimane
Nous ne voulons pas dépendre d’aides mais souhaitons que les territoires ultramarins soient capables de produire, que leur économie soit résiliente.
M. Sébastien Lecornu, premier ministre
Exactement !
M. Davy Rimane
Je salue moi aussi la libération de Boualem Sansal, mais je rappelle à la représentation nationale que Steeve Rouyar, originaire de la Guadeloupe, est toujours emprisonné à Lomé. J’attends du gouvernement qu’il fasse preuve de la même célérité pour le faire sortir des geôles togolaises. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Insécurité
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat
Le groupe UDR salue à son tour la libération de Boualem Sansal et remercie l’Allemagne qui a joué un rôle déterminant.
Les chiffres de l’insécurité en France en octobre 2025 viennent de tomber. Que révèlent-ils ? Une France qui sombre, une France qui saigne, une France qui devient, jour après jour, une véritable France Orange mécanique.
Regardez-les en face ! Escroqueries en hausse de 9 %. Homicides en hausse de 8 % : 73 morts de plus, 73 vies fauchées, 73 familles brisées. Violences sexuelles en hausse de 7 %. Agressions en hausse de 4 %. Vols avec violence en hausse de 3 %. Actes de vandalisme en hausse de 3 %. Même le nombre de vols sans violence, qui baissait jusqu’à présent, repart à la hausse et progresse de 4 %.
Mme Dieynaba Diop
Ce bilan est le vôtre !
M. Olivier Fayssat
J’imagine déjà que vous voudrez rassurant dans votre réponse, mais je vous parle au nom des Français qui ne sont ni préfets de police ni ministre de l’intérieur. Là où vous êtes, vous ne vivez plus dans le réel. Or la rue brûle ! Je viens vous parler des vraies gens, de ceux qui voient, de ceux qui vivent, de ceux qui subissent une insécurité bien plus réelle que ces chiffres abstraits. Les Français ne se sentent plus en sécurité nulle part, ni dans leur quartier, ni dans le métro, ni devant chez eux. C’est le chaos sécuritaire !
Mme Dieynaba Diop
C’est vrai qu’un préfet de police ne sait pas de quoi il parle !
M. Olivier Fayssat
C’est l’ensauvagement d’une nation autrefois fière, autrefois respectée, autrefois protégée.
Vous persistez dans votre négationnisme sécuritaire. Vous niez le lien évident, criant, entre immigration incontrôlée et explosion de l’insécurité.
Mme Florence Herouin-Léautey
Oh là là !
Mme Anna Pic
Non mais franchement !
M. Olivier Fayssat
Quelles mesures concrètes, immédiates, radicales allez-vous enfin prendre pour mettre fin à cet ensauvagement, pour rendre à la rue aux Français, pour que nos enfants puissent rentrer seuls de l’école et pour que nos femmes cessent d’avoir peur le soir ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nuñez, ministre de l’intérieur
Loin de moi l’idée de vous tenir un discours rassurant : je suis un homme d’action et, à la tête des policiers et des gendarmes, je suis dans l’action tous les jours pour lutter contre la délinquance.
Je ne conteste pas les chiffres que vous citez et qui sont ceux du mois d’octobre seulement. Il est toujours préférable de s’intéresser à des séries plus longues, qui révèlent par exemple que le nombre de cambriolages a diminué de 5 % depuis le début de l’année, le nombre de vols avec violence de 5 %, le nombre de vols de véhicules de 9 % et le nombre de vols dans les véhicules de 6 %. Le nombre de trafiquants mis en cause explose.
Il y a donc d’autres chiffres, d’autres façons de présenter la délinquance.
Je peux vous dire que nous sommes sur le terrain, en action.
M. Nicolas Meizonnet
Que faites-vous concrètement ?
M. Laurent Nuñez, ministre
Je ne suis pas loin des réalités, je les connais aussi bien que vous, grâce à mon passage à la préfecture de police de Paris et à mon expérience des quartiers nord de Bourges, ville dont je suis originaire. Nous sommes présents sur le territoire et les renforts octroyés depuis l’élection du président Macron en 2017 ont amélioré notre présence dans l’espace public.
M. Pierre Cordier
Cessez de citer tout le temps le président de la République, ça ne vous vaudra aucun bon point !
M. Thibault Bazin
Il y en a au moins un qui s’en réclame encore !
M. Laurent Nuñez, ministre
Le PLF pour 2026 prévoit des effectifs supplémentaires et nous poursuivrons notre lutte contre le trafic de stupéfiants.
Le narcotrafic est à l’origine de bien des phénomènes de délinquance. Les vols avec violence, les séquestrations, les règlements de compte et les homicides. Nous poursuivrons le combat et nous continuerons à démanteler les réseaux de trafic de stupéfiants. Nous continuerons à lutter contre les vols avec violence comme nous le faisons.
Je ne nie pas la réalité, je ne dis pas que le verre est plein : il reste beaucoup à faire. Je regarde la situation avec beaucoup de lucidité, avec beaucoup de courage et beaucoup de détermination, à la tête des femmes et des hommes que je dirige.
Sincérité budgétaire
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Permettez-moi, au nom de mon groupe, de saluer avec beaucoup d’émotion la libération de Boualem Sansal et d’adresser nos pensées à notre compatriote Christophe Gleizes, toujours injustement emprisonné en Algérie.
Monsieur le premier ministre, comme tous les macronistes, vous saviez qu’Emmanuel Macron ruinait la France. Comme tous les macronistes, vous avez laissé Emmanuel Macron ruiner la France. Et comme tous les macronistes, vous avez couvert et couvrez encore les mensonges d’État qui ont permis la ruine de la France.
Bref, comme tous les socialo-macronistes ici présents,…
Mme Dieynaba Diop
Ah ! Ça faisait longtemps !
M. Jean-Philippe Tanguy
…vous avez, directement, par complicité ou par recel, été pris en flagrant délit de faillite frauduleuse par le Rassemblement national.
Mme Laure Miller
Rendez l’argent !
Mme Dieynaba Diop
Rendez les 4 millions que vous avez volés à l’Europe !
M. Jean-Philippe Tanguy
À votre culpabilité évidente, vous ajoutez l’indécence de vos pleurnicheries, pareilles à celle d’un enfant gâté qui, pris la main dans le sac, accuserait un ami imaginaire ! Il n’y a que la caste médiatique pour gober encore les fausses confessions de Bruno Le Maire, qui s’invente une vie de lanceur d’alerte alors qu’il est le cœur battant de l’escroquerie d’État. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Dès 2023, le RN dénonçait les comptes insincères que vous présentiez au Parlement.
M. Hervé de Lépinau
Eh oui !
M. Jean-Philippe Tanguy
Dès février 2024, nous affirmions que vous mentiez volontairement aux Français sur l’état des comptes.
Mme Dieynaba Diop
Plus c’est gros, plus ça passe !
M. Jean-Philippe Tanguy
Quelques semaines plus tard, notre groupe vous sommait de présenter une loi de finances rectificative. Vous avez refusé de le faire et nous avons donc tenté de vous censurer. Aucun des groupes ici présents n’a soutenu la censure du Rassemblement national.
Mme Dieynaba Diop
Jamais !
M. Jean-Philippe Tanguy
Et pour cause, il y avait les élections européennes ! Il fallait encore mentir aux électeurs et essayer d’acheter les voix, jusqu’au bout. Quand Emmanuel Macron a dissous l’Assemblée nationale, c’était évidemment pour cacher son véritable bilan, celui d’un homme passé des banques à la banqueroute ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme Béatrice Bellay
Rendez l’argent !
M. Jean-Philippe Tanguy
Tous les députés qui ont participé au front républicain contre le RN sont complices de cette arnaque et de la ruine macroniste. Monsieur le premier ministre, qu’allez-vous faire contre tous ceux qui ont enfreint la Constitution et la loi organique relative aux lois de finances ?
Mme Laure Miller
Taisez-vous !
M. Jean-Philippe Tanguy
Qu’allez-vous faire contre les Kohler, Le Maire, Borne, Attal et tant d’autres, tous complices et tous coupables ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Mme Justine Gruet applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’action et des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics
Nous nous attachons à respecter les compromis trouvés par les députés. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Nous étions en commission des finances ce matin, où nous avons indiqué que, pour la première fois depuis quelques années, l’objectif de déficit, de 5,4 % pour l’année prochaine serait tenu.
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est faux !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le Haut Conseil des finances publiques indique que notre estimation est crédible et réaliste. L’objectif sera tenu parce que nous avons fait preuve de transparence durant toute l’année 2025 : nous avons réuni les comités d’alerte, partagé les informations avec l’ensemble des parlementaires en avril dernier, puis à nouveau en juin, jusqu’à la présentation, ce matin, en commission des finances de l’Assemblée et du Sénat, d’un projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025 qui sera examiné en séance lundi prochain et qui montrera précisément que cette année – puisque vous demandiez ce que nous faisions –, nous avons fait notre devoir, savoir respecter le vote du Parlement en tenant le déficit.
M. Jean-Philippe Tanguy
Avec 25 milliards d’impôts en plus !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le lexique que vous avez utilisé est celui du procès : selon vous, il y aurait des coupables, des arnaques, des mensonges (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe RN), des complicités et des recels. (Mêmes mouvements.) Dans notre pays, quand une action politique est mise en cause, il est toujours possible de saisir la Cour de justice de la République. Vous ne pouvez pas impunément considérer des actions politiques comme non conformes à la Constitution sans appuyer vos accusations sur des éléments tangibles. Je crois que le gouvernement a agi de manière transparente en transmettant toutes les données et tous les documents. Nous sommes sous le regard permanent du Haut Conseil des finances publiques qui n’a jamais indiqué que le budget était insincère. Si c’était le cas, jamais les textes n’auraient pu être évalués et examinés. Tâchons de nous montrer responsables, dans nos actions comme dans nos propos.
Attentats du 13 novembre 2015
Mme la présidente
La parole est à Mme Pauline Levasseur.
Mme Pauline Levasseur
S’il est un territoire qui connaît le coût de la douleur, le prix des larmes et l’horreur du terrorisme, c’est ma ville d’Arras. Au lycée Gambetta d’Arras, Dominique Bernard a été sauvagement assassiné en défendant son établissement, en défendant ses élèves, en défendant le savoir et la liberté.
Monsieur le ministre de l’intérieur, la France commémorera demain le triste anniversaire des attentats du 13 novembre. En quelques minutes, plus d’une centaine de nos compatriotes y ont perdu la vie, des centaines ont été blessés et tout un pays a été marqué à jamais par cette attaque monstrueuse de l’islamisme contre la France. Une fois de plus, je veux, avec vous toutes et tous, rendre hommage aux victimes, à leurs familles et à leurs proches. Je veux saluer l’action exceptionnelle de nos forces de l’ordre, de nos forces de secours et de nos services de renseignement. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR et LIOT ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Avant cet attentat, il y a eu Nice, Saint-Étienne-du-Rouvray, le parvis de la gare Saint-Charles, le marché de Noël de Strasbourg ; il y a eu l’assassinat de Samuel Paty, comme une attaque frontale contre notre liberté, contre toutes nos valeurs ; puis il y a eu Dominique Bernard, à Arras.
Avec Gabriel Attal et les députés du groupe EPR, nous avons la conviction que nous ne devons jamais baisser la garde, ni contre le terrorisme ni contre l’islamisme – ni contre la radicalisation et l’entrisme, qui en sont les terreaux. Nous avons beaucoup agi depuis 2017. Nous avons fait des propositions et nous sommes prêts à en faire encore, prêts à vous soutenir et vous appuyer. Comment comptez-vous continuer à agir contre la menace terroriste islamiste dans le pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur plusieurs bancs des groupes DR et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nuñez, ministre de l’intérieur
Merci d’avoir salué les forces de sécurité intérieures. Depuis 2015, nous n’avons eu de cesse d’adapter l’appareil de lutte contre la menace terroriste et contre le terrorisme. Je dis bien depuis 2015, et je veux d’ailleurs saluer l’action du président François Hollande en la matière (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes EPR, SOC et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR), comme celle de deux de mes prédécesseurs au ministère de l’intérieur, MM. Cazeneuve et Valls ainsi que celle du président de la République Emmanuel Macron qui s’est emparé du sujet en 2017 – jusqu’à la promulgation de la loi renforçant la sécurité intérieure et la luttre contre le terrorisme. Bref, grâce à l’ensemble des ministres de l’intérieur et des gardes des sceaux qui se sont succédé, nous n’avons pas cessé de renforcer notre dispositif. Par ailleurs, les budgets des services de renseignement ont été doublés et les effectifs ont été augmentés de manière significative.
Désormais, nous disposons d’un arsenal juridique qui permet de mieux contraindre les personnes, d’un arsenal en matière de renseignement qui permet de mieux détecter les menaces. Des efforts budgétaires considérables ont été consentis. Si les mailles du filet se sont resserrées, le risque zéro n’existera évidemment jamais, prétendre le contraire serait mentir aux Français. Nous avons néanmoins réduit le risque de manière significative.
Les services de renseignements continuent à travailler. Vous avez cité la radicalisation violente, le terrorisme. Nous nous sommes aussi attaqués au séparatisme. Le président de la République et le premier ministre l’ont annoncé : nous poursuivrons cette action en ciblant l’entrisme – l’islamisme politique qui ne dit pas son nom, qui vise à imposer une loi religieuse et qui diffuse ses idées dans la société.
Il y a encore du pain sur la planche, évidemment, mais à la veille de la commémoration du terrible drame du 13 novembre, je veux surtout saluer les efforts qui ont été déployés. On ne peut pas laisser dire que rien n’a été fait contre la menace terroriste : nous le devons à tous les pouvoirs qui se sont succédé depuis 2015 et qui ont permis aux services de disposer des moyens efficaces pour lutter contre elle. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Attitude des forces de l’ordre lors de la manifestation à Sainte-Soline
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
« Je ne compte plus les mecs qu’on a éborgnés », « Un vrai kif », « Vous balancez en tendu ! », « Bien joué, en pleine gueule ! », « Faut qu’on les tue », « J’ai signé pour ça, mec, j’ai attendu dix ans de gendarmerie pour vivre ça », « Dans le cortège y’avait des gamins ? C’est le jeu, fallait pas les emmener ! ». Tels sont quelques-uns des propos enregistrés par les caméras embarquées des gendarmes à Saint-Soline, le 25 mars 2023.
Un député du groupe LFI-NFP
Quelle honte !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Ce jour-là, une manifestation joyeuse… (Vives exclamations sur les bancs des groupes RN, DR, HOR et sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Fabrice Brun
Ultraviolente, vous voulez-dire !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
…s’était élancée à travers champs. Des gens de tous âges, pique-nique dans le sac-à-dos. On rit, on chante ; et puis le chaos : 5 000 grenades tirées en quelques heures ; les cris, les larmes, le sang. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Je revois cette jeune fille, portée par plusieurs personnes, et ces mots : « Elle n’a plus de mâchoire ! ». Je revois ce tout jeune homme, qui pleurait dans mes bras, et cet autre, la joue à moitié arrachée, prêt à se faire recoudre immédiatement, sans anesthésie. Je revois tous ces visages ensanglantés, tous ces gens qui boitaient, tous ces blessés dans des couvertures de survie, allongés dans la boue (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN), que nous avons essayé de protéger par une chaîne humaine (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS), laquelle fut défaite par des tirs tendus de lacrymos depuis des quads lancés à toute allure – légitime défense, selon l’Inspection générale de la gendarmerie nationale !
J’entends encore cette soignante paniquée : « Mais il faut leur dire, c’est n’importe quoi, je m’en suis pris plein la gueule en allant récupérer les blessés ! » (Exclamations sur les bancs du groupe DR et plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Philippe Ballard
C’est Verdun, là !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Quant à Serge, entre la vie et la mort, il attendra trois heures avant d’être héliporté. Au bout du compte : 200 blessés, dont quatre gravissimes, et des témoignages terrifiants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Trop occupé à attaquer les Soulèvements de la Terre et la Ligue des droits de l’homme, le ministre Gérald Darmanin, n’a pas jugé bon de demander une enquête administrative ! L’IGGN possède les images depuis deux ans mais personne n’a manifestement considéré que pouvait constituer une faute grave le fait que des gradés ordonnent des tirs tendus potentiellement mortels, ou que des gardiens de la paix se réjouissent de faire des blessés ? (Mêmes mouvements.)
M. Fabrice Brun
Nous sommes pour la présomption de légitime défense des forces de l’ordre !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
La nation vous écoute, monsieur le ministre de l’intérieur. S’il ne s’agissait pas d’une stratégie délibérée de répression ultraviolente de vos opposants, je vous demande au nom de Serge, d’Alix, d’Olivier, de Mickaël et de tous les autres : pourquoi n’avez-vous rien fait, rien dit, pourquoi n’avez-vous sanctionné personne en deux ans et demi ? (Plusieurs députés du groupe RN désignent la sortie à l’oratrice. – Applaudissements nourris sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont plusieurs députés se lèvent. – Plusieurs députés du groupe EcoS applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nuñez, ministre de l’intérieur
Tout d’abord, il s’agissait d’une manifestation interdite, pas d’une manifestation joyeuse. Ce jour-là, les gendarmes ont eu à faire face à une violence sans nom, inégalée, inédite. (Vives protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Anne Stambach-Terrenoir
C’est faux !
M. Laurent Nuñez, ministre
Ils ont reçu des projectiles, leurs fourgons ont été incendiés. Il est bon de rappeler le contexte… (MM. Gabriel Amard et René Pilato se lèvent.)
M. Gabriel Amard et M. René Pilato
On y était, nous ! Ce que vous dites n’est pas vrai !
M. Laurent Nuñez, ministre
L’ordre a été maintenu. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, EPR et HOR.)
Ensuite, vous citez des propos relayés par les médias qui sont, je vous le dis sans détour, intolérables et inacceptables. (Les exclamations des députés du groupe LFI-NFP persistent.) C’est la raison pour laquelle j’ai demandé l’ouverture d’une enquête administrative. Elle aura lieu : les gendarmes qui ont tenu ces propos ou fait usage de leur arme dans des conditions qui ne semblent pas réglementaires, seront entendus ; s’il doit y avoir des sanctions, il y en aura.
Croyez bien que le ministre de l’intérieur que je suis, que le directeur général de la gendarmerie et que l’ensemble de l’institution condamnent évidemment ces propos. Une enquête administrative est en cours. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Ségolène Amiot
Vous avez mis deux ans à vous en rendre compte ?
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Que s’est-il passé pendant deux ans ?
M. Laurent Nuñez, ministre
Je vais vous l’expliquer, comme je l’ai fait dans les médias : après que quatre manifestants qui ont été blessés ont déposé plainte, une enquête judiciaire a été ouverte, laquelle a permis de saisir l’ensemble des caméras, dont les caméras-piétons des gendarmes aujourd’hui mis en cause. Jusqu’à ce jour, nous n’avions pas accès à ces vidéos ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Elles viennent d’être rendues publiques, ce qui explique que nous ayons pu en prendre connaissance.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Vous pouviez ouvrir une enquête !
M. Laurent Nuñez, ministre
Quoi qu’il en soit, c’est le parquet de Rennes, compétent dans cette affaire, qui mène les investigations dans le cadre de l’enquête ouverte après les dépôts de plainte des quatre personnes blessées le jour de la manifestation à Sainte-Soline, en 2023. C’est lui qui dispose de ces vidéos. Le cas échéant, je ne doute pas qu’il y donnera suite. Cependant, j’ai bien noté qu’il précisait dans son communiqué de presse qu’aucune action publique n’était engagée à ce jour.
M. René Pilato
Darmanin, démission !
M. Laurent Nuñez, ministre
Mon enquête administrative, quant à elle, prospèrera ! (« Excellent ! » et applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
Devoir de vigilance
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Le groupe socialiste exprime sa joie après l’annonce de la libération de Boualem Sansal. Nous appelons également à celle de Christophe Gleizes, auquel nous adressons un salut fraternel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Dix ans après le Bataclan, je voudrais rappeler avec émotion la position de mon groupe : nous condamnons sans aucune ambiguïté le terrorisme islamiste ; nous exprimons notre gratitude totale envers les soignants et les forces de sécurité qui ont été les visages bleus, blancs et rouges de la France (Mêmes mouvements), et également notre fierté d’appartenir à une nation civique, rassemblée à l’époque autour du président de la République François Hollande pour s’opposer à la barbarie et rappeler les valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et GDR.)
M. Pierre Cordier
Finalement, il n’était pas si mal !
M. Fabrice Brun
Il y a prescription !
M. Dominique Potier
Il y a dix ans se tenait également la COP15, moment historique dans la lutte contre le dérèglement climatique, qui permit de définir une trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Dix ans après, à Bélem, lieu de la COP30, il faut admettre que l’humanité a échoué à limiter la hausse des températures à moins de 1,5 degré Celsius.
La force d’une nation ne réside pas uniquement dans son unité, mais dans la cohérence entre sa parole et ses actes. Or lorsque le président de la République nous engage à voter un accord avec le Mercosur qui pourrait entraîner le rejet de 100 à 500 millions de tonnes de CO2 en détruisant les prairies de nos éleveurs ainsi que les forêts d’Amazonie, nous démontrons notre incohérence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR. – MM. Erwan Balanant et M. Hervé Berville applaudisent également.) Nous démontrons notre incohérence lorsque nous divisons par deux l’aide publique au développement, contrairement à tous les engagements pris dans la loi de 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales !
Enfin, nous serions encore incohérents si Roland Lescure, actuellement à Bruxelles, défendait, au nom de la France, une position conduisant à la destruction du pacte vert pour l’Europe, en particulier le devoir de vigilance qui impose aux multinationales de respecter les droits de l’homme, de lutter contre le travail des enfants et contre tout ce qui détruit notre planète ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR. – M. Jimmy Pahun applaudit également.)
Alors que le Parlement européen doit se prononcer sur la directive omnibus et à la veille du trilogue, la France s’engage-t-elle à ce que la responsabilité civile reste la règle du droit des multinationales ? Privilégiez-vous la responsabilité sur l’impunité de ceux qui disposent du pouvoir économique ? Faites-vous le choix d’une Europe du droit et de la justice dans la mondialisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, dont plusieurs députés se lèvent. – Les députés des groupes EcoS et GDR applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.
Mme Anne Le Hénanff, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique
Je vous remercie pour votre question. Je connais votre engagement en faveur du devoir de vigilance des entreprises. Je vous prie d’excuser l’absence de Roland Lescure, qui est effectivement à Bruxelles.
Le contexte commercial dans lequel nous évoluons se caractérise par une pression extrême, tandis que nos compétiteurs n’hésitent pas à mener des actions de prédation. L’Europe ne peut évidemment pas rester spectatrice et subir ces agressions commerciales. Il y va de sa souveraineté. Le rapport de Mario Draghi sur l’avenir de la compétitivité européenne a d’ailleurs alerté les pays de l’Union sur un risque de décrochage, en l’absence de réaction. Or on estime que 10 points de croissance sont perdus à cause des charges réglementaires européennes. Nous avons donc un devoir de simplification envers les entreprises.
La France, si cela peut vous rassurer, tient une position équilibrée. Nous marchons sur deux jambes, avec à la fois l’ambition de simplifier les règles administratives, de jouer à armes égales sur le plan industriel et économique, et, en même temps, de défendre nos valeurs avec force.
Mme Élisa Martin
Oh là là, la blague !
Mme Anne Le Hénanff, ministre déléguée
Nous l’avons prouvé avec l’épisode Shein : quand il s’agit de défendre les valeurs européennes, nous sommes au rendez-vous. Nous nous montrerons intraitables envers nos compétiteurs étrangers. La France continuera à défendre cette position équilibrée, entre défense d’une meilleure compétitivité et défense de nos valeurs. Nous en parlerons probablement prochainement. D’ici là, nous restons à votre disposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Attentats du 13 Novembre
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Barnier.
M. Michel Barnier
Avec mes collègues du groupe Droite républicaine, nous saluons Boualem Sansal et le remercions pour son courage, sa force physique et morale ainsi que l’exemple qu’il nous donne. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR, SOC, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et EcoS.)
Dix ans après les tragédies du Bataclan, des terrasses de Paris et du Stade de France, plusieurs leçons sont à tirer et plusieurs devoirs s’imposent. D’abord, un devoir de mémoire à l’égard de toutes les victimes et un devoir de solidarité avec leurs familles. Ensuite, un devoir de soutien inébranlable – j’insiste sur ce mot (L’orateur désigne du doigt les bancs du groupe LFI-NFP) – aux forces de sécurité (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR, Dem et HOR. – M. Yannick Monnet applaudit aussi), aux services de renseignement, aux sapeurs-pompiers, aux médecins, aux infirmiers et aux magistrats, qui ont, avec un professionnalisme remarquable, incarné la force de l’État et la résilience de la République face à ceux qui défient notre société démocratique de la plus lâche et de la plus abjecte des façons. Je tiens à saluer à mon tour François Hollande, qui était le chef de l’État. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR, SOC, Dem. – M. Yannick Monnet applaudit aussi.)
Nous avons aussi, dix ans après, un devoir de vigilance et de détermination. Les terrasses et les salles de concert sont sans doute bondées, nous n’avons pas peur, nous gagnons la bataille de la vie. Néanmoins, dix ans après, avons-nous vraiment gagné la bataille contre l’islamisme ? L’État est-il encore suffisamment déterminé face à toutes les menaces quotidiennes que cette idéologie dirige contre notre sécurité, notre culture et notre mode de vie ? Avons-nous pris la bonne mesure de l’entrisme des Frères musulmans et de la façon dont il dévoie au quotidien les valeurs démocratiques et républicaines ? Monsieur le premier ministre, que fait le gouvernement pour protéger la France et les Français contre l’islamisme ? (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR, HOR et sur quelques bancs du groupe Dem. – M. François Hollande applaudit aussi.)
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre.
M. Sébastien Lecornu, premier ministre
Vous parlez d’or en évoquant les leçons et les devoirs qui s’imposent à nous. Depuis les attentats perpétrés par Mohammed Merah, celui commis contre Charlie Hebdo et les vingt-quatre attentats mortels survenus depuis le 13 novembre 2015, le premier des devoirs est celui de l’unité. Nous nous souvenons de ceux qui, en leur temps, ont voulu diviser le peuple français. Or il importe d’assurer l’unité politique inébranlable aux côtés de ceux qui incarnent l’État dans ces moments d’épreuve – à l’époque, le président Hollande, son premier ministre et ses ministres –, afin de garantir aux services de l’État l’efficacité et la réactivité nécessaires pour protéger nos concitoyens. C’est cela, la continuité républicaine ; nous la devons au peuple français, quelle que soit notre sensibilité politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC, DR et Dem ainsi que sur plusieurs bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe GDR.)
De ces événements, nous gardons la conviction profonde qu’il est toujours possible d’améliorer les choses. Vous avez mentionné les magistrats à juste titre : le procès hors norme de ceux qui ont perpétré ces actes horribles a marqué une avancée pour l’autorité judiciaire. Des leçons ont aussi été tirées pour renforcer l’efficacité des forces de l’ordre et de la direction générale de la sécurité intérieure – le ministre de l’intérieur l’a rappelé. Des décisions courageuses face au terrorisme ont également été prises, dès le mandat du président Hollande, concernant l’action des forces armées – comment, de là d’où je viens, ne pas les citer – et de la direction générale de la sécurité extérieure. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.) La menace terroriste est endogène, mais elle est aussi exogène, compte tenu de la situation au Levant et des menaces que l’État islamique au Khorassan fait peser sur l’ensemble des pays européens. Nous y reviendrons à l’occasion de l’examen du budget des armées : la lutte antiterroriste décisive passe aussi par des opérations en mer ou dans des pays amis comme l’Irak – qui vient de tenir ses élections législatives. N’oublions pas que la menace projetée sur notre sol il y a dix ans provenait de l’extérieur. Nous ne pouvons séparer durablement la lutte contre le terrorisme menée sur le territoire national de ce qu’il se passe à l’étranger.
Cependant, la fin de votre question va plus loin : elle soulève le problème de l’entrisme et du séparatisme, c’est-à-dire de ce qui n’est pas encore du terrorisme endogène mais conduit à la remise en cause du pacte social et républicain. À cet égard, un travail considérable a été remis au goût du jour tout au long de l’année 2024 : des rapports ont été remis – certains rendus publics –, des conseils de défense et de sécurité nationale se sont tenus – parfois en votre présence lorsque vous étiez premier ministre. Forts de ces travaux, complétés depuis, les ministres concernés pourront lancer une consultation des différentes formations politiques représentées à l’Assemblée nationale, afin d’identifier ce qui dans notre arsenal juridique peut être encore amélioré pour lutter contre le séparatisme et l’entrisme. Il peut s’agir en particulier d’éléments juridiques très techniques qui font encore défaut à l’autorité judiciaire ou aux préfets.
Enfin, la lutte contre l’entrisme et le séparatisme relève aussi d’un combat politique. Toutes les lois, tous les décrets, juges ou préfets n’effaceront pas la nécessité pour l’ensemble des partis politiques de lutter contre ces idéologies – à commencer par l’entrisme dans les listes des prochaines élections municipales ! Chaque formation politique, chaque commission d’investiture doit faire le ménage. Au-delà des règles et des lois que nous édictons, ce combat politique dans l’unité et pour la République demeure nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR. – M. Yannick Favennec-Bécot applaudit aussi. – Plusieurs députés du groupe RN désignent du doigt les bancs d’en face. – Exclamations sur quelques bancs du groupe SOC.) Je propose que nous le menions ensemble. Nous le devons au peuple français qui, au-delà des paroles, attend de nous des actes. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. – MM. Yannick Favennec-Bécot, François Hollande et Aurélien Rousseau applaudissent aussi.)
Attitude des forces de l’ordre lors de la manifestation à Sainte-Soline
Mme la présidente
La parole est à Mme Lisa Belluco.
Mme Lisa Belluco
Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur mais elle pourrait s’adresser aussi au garde des sceaux et ancien ministre de l’intérieur. « Des merdes comme ça, il faut les brûler ! », « Je ne compte plus les mecs qu’on a éborgnés », « Moi, j’ai envie d’aller les tabasser ». (Exclamations sur quelques bancs des groupes EPR, DR et HOR.) Ces propos ont été tenus par des gendarmes lors de la manifestation de Sainte-Soline, le 25 mars 2023. C’est ce que révèlent les images des caméras-piétons des forces de l’ordre diffusées par Libération et Mediapart la semaine dernière. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Ces propos sont choquants. Mais ils ont été accompagnés d’actes plus choquants encore, comme des tirs tendus de grenades lacrymogènes et explosives, exécutés volontairement et parfois sur ordre des supérieurs hiérarchiques, alors qu’ils sont interdits car potentiellement mortels.
M. Kévin Pfeffer
Quarante-sept gendarmes ont été blessés !
Mme Lisa Belluco
Toutefois, le plus choquant dans cette histoire reste que l’Inspection générale de la gendarmerie nationale, qui a visionné ces images, n’ait pas jugé bon d’en informer le procureur. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Ce dernier avait pourtant chargé l’IGGN de l’enquête ouverte pour déterminer les circonstances dans lesquelles quatre manifestants ont été gravement blessés. La retranscription des vidéos transmise au procureur n’évoque que très partiellement les faits et en amoindrit la gravité.
En cette veille du 13 Novembre, nous saluons l’engagement quotidien des membres des forces de l’ordre. Nous affirmons avec d’autant plus de force que ceux parmi eux qui salissent l’uniforme ne devraient pas être au-dessus de la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.) Cela devrait être garanti par un contrôle indépendant et transparent.
Comment justifier cette retranscription ni loyale ni honnête ? Comment expliquer que le ministre de l’intérieur de l’époque, M. Darmanin, n’ait pas jugé utile d’ouvrir en parallèle une enquête administrative sur ces faits, pourtant dénoncés par de nombreux élus présents lors de la manifestation ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. – M. Jean-Victor Castor applaudit aussi.) Enfin, comment pouvez-vous garantir l’indépendance du parquet quand le garde des sceaux, supérieur hiérarchique du procureur de la République, était le plus haut responsable du maintien de l’ordre au moment des faits ? M. Darmanin est manifestement en situation de conflit d’intérêts. Dans une démocratie, il aurait déjà démissionné ! (Mêmes mouvements.) En France, messieurs les ministres, participer à une manifestation interdite est sanctionné d’une amende, pas de deux semaines de coma ! Alors pour une fois en Macronie, soyez à la hauteur ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nuñez, ministre de l’intérieur
Vous vous étonnez du fait que je n’aie pas connaissance, en tant que ministre de l’intérieur, de ces vidéos et de ces faits très graves qui ont donné lieu à l’ouverture d’une enquête administrative. Or je vous rappelle qu’une enquête judiciaire est en cours à la suite de quatre plaintes. Les vidéos diffusées sont directement issues de cette enquête puisqu’elles ont été saisies par le parquet de Rennes et demeurent à sa disposition.
Mme Marie-Charlotte Garin
Pourquoi ces vidéos n’ont-elles pas déclenché une enquête interne avant les plaintes ?
M. Laurent Nuñez, ministre
La meilleure preuve de l’indépendance des inspections, dont je rappelle qu’elles sont désormais dirigées par des magistrats – décision prise par Gérald Darmanin lorsqu’il était ministre de l’intérieur –, c’est précisément que je n’ai pas eu connaissance de ces vidéos, qui constituent des éléments de la procédure judiciaire. D’une part, une enquête administrative est en cours s’agissant des faits révélés par ces vidéos ; d’autre part, la justice en est saisie et tranchera pour savoir si ces faits doivent donner lieu à des poursuites.
Mme Sandrine Rousseau
Vous pouvez consulter les images des caméras de surveillance de n’importe quel quartier et vous n’avez pas ces vidéos ?
M. Laurent Nuñez, ministre
Vous laissez entendre que l’IGGN n’est pas indépendante parce qu’elle n’a pas informé le ministre de l’intérieur. Or elle n’avait pas à le faire : cela s’appelle le secret de l’instruction et il faut le respecter.
M. Hervé Berville
Ils n’aiment pas l’État de droit !
M. Laurent Nuñez, ministre
Enfin, je tiens à rappeler que lors de cette manifestation, quarante-huit gendarmes ont été blessés. C’était une manifestation d’une violence inouïe et il lui a été apporté une réponse proportionnée. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Benoît Biteau
C’est faux !
M. Laurent Nuñez, ministre
Les faits révélés par les vidéos ont donné lieu à une enquête et, s’il le faut, il y aura des sanctions. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
2. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nos 1907 et 1999, 2057, 2049).
Troisième partie (suite)
Mme la présidente
Dimanche, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la troisième partie du projet de loi, s’arrêtant à l’article 31.
Je vous rappelle qu’à la demande du gouvernement, en application de l’article 95, alinéa 4, du règlement, l’Assemblée examinera par priorité, et dans cet ordre, les articles 45, 45 bis, 44, 42 et 49.
Nous reprendrons, ensuite, le cours normal de nos travaux. Je vous informe que, sur ce texte, 382 amendements restent à examiner.
Article 45 (appelé par priorité)
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Riotton, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Mme Véronique Riotton
Aujourd’hui encore, en France, l’écart entre le montant des pensions des hommes et celui des femmes est de 38 %.
Ce n’est pas une fatalité ; c’est un choix de société. Ce choix, nous ne l’acceptons plus. En 2023 déjà, avec la réforme des retraites présentée par Élisabeth Borne, nous avons inscrit dans la loi l’objectif de ramener cet écart à zéro d’ici à 2050.
Des mesures ont déjà été prises en ce sens : protection des femmes aux carrières hachées, revalorisation du minimum contributif – perçu en majorité par des femmes – et renforcement de la prise en compte des congés parentaux dans le calcul des droits.
L’article 45 du PLFSS – le projet de loi de financement de la sécurité sociale – va plus loin encore. Aux huit trimestres par enfant, il prévoit, pour les carrières longues, une majoration de deux trimestres – trimestres non seulement validés mais aussi cotisés. La base de calcul du salaire annuel moyen est également ramenée, pour les mères, de vingt-cinq à vingt-quatre ans – voire vingt-trois –, ce qui entraînera une augmentation du montant de leur pension de base.
Ces mesures ne sont pas des promesses, mais des actes – revendiqués par notre parti, par la délégation aux droits des femmes et par un gouvernement qui assume ses responsabilités.
La vraie question n’est pas de savoir si la réforme de 2023 est parfaite, mais si elle va dans le bon sens : la réponse est oui, et nous devons continuer.
À ceux qui crient à l’injustice, je demande : où étiez-vous ? Où étiez-vous quand les femmes cumulaient temps partiel, écarts salariaux et interruptions de carrière, sans aucune compensation ? Où étiez-vous quand les retraites des femmes étaient sacrifiées sur l’autel du statu quo ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.) La réforme a posé les bases de la réduction des inégalités de pension entre les hommes et les femmes. Nous devons poursuivre la transformation de notre système de retraites pour le rendre plus juste, plus universel et plus responsable. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme Mathilde Panot
C’est vous qui l’avez rendu injuste !
Mme la présidente
La parole est à Mme Fanny Dombre Coste.
Mme Fanny Dombre Coste
L’article 45 s’inscrit dans le prolongement du conclave sur les retraites, en reprenant certaines propositions que les partenaires sociaux y avaient formulées, notamment en vue de corriger les inégalités de pension entre les femmes et les hommes.
Il introduit, à cette fin, deux mesures principales : la prise en compte, pour les mères, de deux trimestres de majoration de durée d’assurance pour ouvrir droit au dispositif carrières longues et la réduction de la période de référence du salaire annuel moyen à vingt-quatre années pour les mères d’un enfant et à vingt-trois années pour les mères de deux enfants ou plus.
Nous soutenons ces mesures tendant à améliorer le montant des retraites pour un certain nombre de femmes ainsi qu’à permettre à celles qui ont commencé tôt de choisir un départ anticipé.
Soyons cependant lucides : ces mesures ne sont que des correctifs. Elles interviennent à la fin d’un parcours professionnel déjà inégalitaire : selon le Conseil d’orientation des retraites, le revenu salarial des femmes, en 2023, était encore inférieur de plus de 22 % à celui des hommes. La pension des retraitées de la génération née en 1953, quant à elle, représente à peine 71 % de celle des hommes. Ces écarts sont la conséquence directe de carrières heurtées, de temps partiel subis et d’interruptions liées à la maternité.
Ces mesures, si imparfaites soient-elles, sont un premier pas – premier pas d’autant plus nécessaire qu’elles sont le fruit d’un compromis entre syndicats et patronat. Le groupe Socialiste est attaché à la démocratie sociale : quand un accord est trouvé, il doit être respecté.
Nous regrettons, à cet égard, que le gouvernement ait écarté les autres volets du conclave, notamment la prévention et la réparation de la pénibilité. Nous continuerons à défendre ces propositions.
Toutefois, parce que les femmes ne peuvent plus attendre, parce que le dialogue social doit être honoré et parce que toute avancée, même partielle, est bonne à prendre, le groupe Socialistes votera en faveur de cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales.
M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales
L’article 45, qui s’inscrit dans la continuité des réformes visant à réduire les inégalités de pension entre les femmes et les hommes, est très attendu. La retraite des femmes, en 2023, ne représentait encore que 64,8 % de celle des hommes – 77,2 % si l’on y ajoute les dispositifs de droits familiaux et conjugaux.
Cette situation est le reflet direct des inégalités de carrière, fruits de parcours professionnels souvent interrompus par la maternité. Dans un contexte de baisse de la natalité et alors qu’une augmentation du taux d’emploi est indispensable à notre pays, il est plus que jamais nécessaire de mieux valoriser et de mieux reconnaître la maternité.
Les mesures proposées par cet article – meilleure prise en compte des majorations de la durée d’assurance et adaptation du calcul du revenu annuel moyen par voie réglementaire – vont dans ce sens. Elles permettent une meilleure appréciation des carrières hachées, encouragent le retour à l’emploi des mères et rendent plus facilement compatibles la vie professionnelle et la vie familiale.
Il s’agit autant d’un levier de justice sociale que d’efficacité économique. Soutenir les femmes dans leur double rôle de salariées et de mères, c’est également investir dans l’avenir de la société.
Une autre injustice demeurait, madame la ministre chargée des comptes publics, à l’égard des femmes mères et fonctionnaires, qui ne bénéficient actuellement que de deux trimestres de majoration de durée d’assurance pour chacun des enfants nés à compter du 1er janvier 2004. L’amendement que vous présentez corrigera, au moins pour moitié, cette injustice, puisque vous proposez d’intégrer un de ces deux trimestres dans la durée de service et de bonification servant au calcul de la pension de retraite. J’y suis personnellement très attaché et je suis également très favorable à l’article dans son ensemble, article que la commission a d’ailleurs adopté à une large majorité.
Il restera beaucoup à faire, chers collègues, pour harmoniser les droits conjugaux et familiaux. Cette harmonisation par le haut ne sera possible que si nous parvenons à améliorer structurellement le taux d’emploi, seul moyen de rééquilibrer les comptes publics et de relever les défis qui nous attendent.
Mme la présidente
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement no 2693 par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, et sur l’article 45 par le groupe Droite républicaine.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre du travail et des solidarités.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Mesdames et messieurs les députés, vous avez choisi, samedi dernier, de poursuivre la discussion parlementaire sur le volet dépenses du PLFSS pour 2026. Votre vote a rendu possible l’ouverture d’une séquence très importante et très attendue par les Françaises et les Français, celle consacrée aux retraites. L’article 45 concerne plus particulièrement la retraite des femmes ayant eu un ou plusieurs enfants.
L’écart important entre les pensions des femmes et des hommes a été rappelé : 38 % avant la prise en compte de la pension de réversion.
Les causes profondes sont connues. D’abord, les rémunérations : il existe un écart significatif entre les hommes et les femmes. (Brouhaha.)
Mme la présidente
Mes chers collègues, un peu de silence, s’il vous plaît.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Les femmes choisissent parfois des carrières plus hachées, marquées par des interruptions ou par le recours au temps partiel, souvent liés à la maternité et à la garde des enfants.
Pour réduire cet écart salarial entre les femmes et les hommes, des mesures ont été prises au cours des dernières années. Je salue ma prédécesseure, Mme Pénicaud, qui a introduit l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. En tant qu’ancien président de la SNCF, je peux vous assurer qu’il est utilisé et analysé dans toutes les entreprises.
Je salue également la loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, que vous avez défendue, madame Rixain, et que le Parlement a largement votée : elle améliore la représentation des femmes dans les postes de direction des grandes entreprises.
Je pense enfin à la directive européenne du 10 mai 2023 dite directive sur la transparence salariale, que nous devons transposer d’ici juin 2026 – nous devons y travailler très vite avec les partenaires sociaux.
Concernant les retraites et leur calcul, je rappelle que la réforme des retraites de 2023 se fixe pour objectif d’atteindre l’égalité des pensions à l’horizon 2050, avec une division par deux de l’écart dès 2037.
L’article 45 intègre des trimestres de majoration pour les carrières longues des femmes. Dans le cadre des mesures réglementaires, pour celles qui ont eu un ou plusieurs enfants, seules les vingt-trois ou vingt-quatre meilleures années seront prises en compte dans le calcul, ce qui sera plus avantageux que vingt-cinq.
Ces propositions sont issues du dialogue social entre les partenaires sociaux. Vous connaissez mon attachement à ce dialogue, et ma conviction : lorsqu’on fait appel à eux suffisamment tôt, les partenaires sociaux sont en mesure de faire progresser le droit.
Le gouvernement a par ailleurs déposé un amendement, que la ministre des comptes publics présentera dans quelques instants, en faveur des droits à la retraite des femmes fonctionnaires et militaires qui ont eu des enfants après leur recrutement.
Certes, comme l’a dit le rapporteur général, il reste encore beaucoup de travail en matière d’égalité femmes-hommes, mais cet article va dans le bon sens.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’action et des comptes publics, pour soutenir l’amendement no 2693.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics
Il fait suite à une réunion du Conseil commun de la fonction publique (CCFP) qui s’est tenue vendredi dernier et au cours de laquelle le gouvernement a proposé de mettre fin à une inégalité entre les femmes du secteur privé et les femmes fonctionnaires.
En effet, depuis 2003, les mesures introduites pour favoriser les retraites des femmes du secteur privé n’ont jamais été transposées aux fonctionnaires.
Cela aboutit à une situation particulière : certes, les femmes fonctionnaires peuvent partir un peu plus tôt lorsqu’elles ont été mères, mais leurs pensions sont plus faibles, à moins de travailler beaucoup plus longtemps. L’amendement vise à combler cette inégalité, largement documentée et analysée.
Pour autant – certains d’entre vous l’ont dit –, on n’efface pas les inégalités salariales entre les hommes et les femmes uniquement lors de la retraite ; il faut les corriger bien en amont. C’est pour cela que la réunion de vendredi, présidéee par David Amiel, a également validé un accord de méthode ouvrant une nouvelle négociation sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique.
L’amendement propose quant à lui de prendre en compte un trimestre au titre de la bonification dans les deux trimestres de majoration d’assurance. Même si elle ne résout pas tout, cette bonification contribuera à réduire les écarts de pension, avec un gain moyen substantiel, de l’ordre de 2 %.
L’impact financier serait progressif : il atteindrait 30 millions d’euros en 2035. Si elle est adoptée, la disposition concernera 70 à 80 % des femmes fonctionnaires nées à partir des années 1970 et partant à la retraite selon le cadre prévu.
Il s’agit d’une modification importante. Depuis les réformes concernant les retraites de 2003, ce qui a été fait pour les femmes du secteur privé a rarement donné lieu à une transposition pour les femmes fonctionnaires. Or elles représentent la moitié de la fonction publique ; il était donc nécessaire de mettre fin à cette injustice.
Vous pouvez compter sur la vigilance de David Amiel, sur la mienne et, bien sûr, sur celle de M. Farandou pour que l’application de ces dispositions soit rapide, effective et visible.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Runel, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la branche vieillesse, pour donner l’avis de la commission.
Mme Sandrine Runel, rapporteure de la commission des affaires sociales
L’article 45 transpose dans la loi une des propositions faites par la délégation paritaire permanente lors du conclave sur les retraites. Il s’agit d’améliorer les conditions de départ à la retraite des femmes en intégrant une partie des trimestres de majoration de durée d’assurance liés aux enfants dans le calcul des trimestres réputés cotisés pour un départ anticipé en retraite après une carrière longue.
En effet, en fonction de l’âge de début d’activité, le dispositif relatif aux carrières longues permet de partir entre 58 et 63 ans, mais il favorise les assurés ayant des carrières ininterrompues et linéaires – ce qui est trop rarement le cas des femmes. À cet égard, l’article 45 propose une évolution positive. Le nombre de trimestres sera fixé par décret, et le gouvernement a indiqué qu’il serait de deux trimestres par femme. Nous nous en réjouissons.
Mais je tiens à rappeler devant cette assemblée que, depuis lundi à 11 heures 30, les femmes travaillent gratuitement. La véritable solution au problème des inégalités de pension reste l’égalité salariale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Quant à l’amendement, s’il corrige partiellement l’écart en intégrant l’un des deux trimestres de majoration pour accouchement dans la durée de service et de bonification servant au calcul de la pension des femmes fonctionnaires, le compte n’y est toujours pas.
À titre personnel, j’y donnerai malgré tout un avis favorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Les femmes ont des pensions de retraite inférieures à celles des hommes, alors qu’elles partent en moyenne beaucoup plus tard qu’eux – elles effectuent en moyenne dix mois de travail supplémentaires. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elles doivent compenser une partie des temps partiels ou interruptions professionnelles qu’elles ont connus au cours de leur carrière. Les différences de pension sont donc le résultat des écarts cumulés tout au long de la vie professionnelle entre les hommes et les femmes.
Mais n’oublions pas une deuxième inégalité : les inégalités de pension du régime général restent inférieures à celles des pensions versées par les complémentaires. Non seulement les hommes gagnent plus, travaillent davantage à temps plein tout en percevant des revenus supérieurs, ne prennent pas leur part du travail domestique gratuit – sur ce plan, la différence entre les hommes et les femmes est de dix heures par semaine – mais ils épargnent davantage, ce qui leur permet de bénéficier de retraites complémentaires plus élevées.
Il est vraiment temps de s’attacher à réduire l’inégalité entre les femmes et les hommes. Pour cela, il faudrait que le congé parental, que ce PLFSS tend à réformer, soit en partie obligatoire pour les hommes. Or vous avez voté contre une telle mesure. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2693.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 386
Nombre de suffrages exprimés 386
Majorité absolue 194
Pour l’adoption 386
Contre 0
(L’amendement no 2693 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, DR, EcoS, Dem, HOR, LIOT et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je salue ce vote. Il souligne que la cause des femmes nous unit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Les fonctionnaires sont souvent les oubliés des avancées, parce qu’on entend trop souvent la même petite musique – ils seraient des privilégiés. Nous avons encore beaucoup de travail en ce domaine, sur l’accès à une mutuelle, à la prévoyance et à une complémentaire santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Jérôme Guedj
Oui, à la prévoyance !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Sur ces sujets, similaires à celui sur lequel vous venez de voter, j’aimerais que nous puissions affirmer que les fonctionnaires s’engagent chaque jour pour notre pays. Nous allons bientôt rendre hommage à de nombreux hommes et femmes engagés dans des circonstances dramatiques il y a dix ans. Nous leur devons au moins l’égalité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
L’amendement no 2375 de Mme Sandrine Runel, rapporteure, tend à corriger une erreur matérielle.
(L’amendement no 2375, accepté par le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 2376 de Mme Sandrine Runel, rapporteure, est un amendement de précision.
(L’amendement no 2376, accepté par le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 45, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 391
Nombre de suffrages exprimés 391
Majorité absolue 196
Pour l’adoption 391
Contre 0
(L’article 45, amendé, est adopté.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
Madame la présidente, je demande une suspension de séance de cinq minutes.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Article 45 bis (appelé par priorité)
Mme la présidente
Nous abordons l’important article 45 bis, sur lequel vous êtes nombreux à vouloir vous exprimer. Après avoir échangé avec plusieurs présidents de groupe, je vous indique que les orateurs auront chacun trois minutes d’intervention, ce qui leur permettra de développer un peu plus leur argumentation. Le débat pourra ensuite se poursuivre au sujet des amendements de suppression.
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Mme Marine Le Pen
Voici venue l’heure de vérité, celle où le pacte de non-censure entre le gouvernement, le Parti socialiste et Les Républicains va – ou non – se matérialiser sous nos yeux.
Nous allons dévoiler un premier mystère : comment un gouvernement a-t-il pu mettre son sort entre les mains des socialistes qui ne représentaient, lors de la dernière présidentielle, que 1,5 % des voix ?
Un député du groupe RN
Eh oui !
Mme Marine Le Pen
Trente deniers sous forme de suspension de l’horrible réforme Borne – si importante aux yeux de la Macronie qu’elle avait usé scandaleusement du 49.3 face au refus d’une majorité de l’Assemblée de la voter.
Nous allons percer un second mystère, celui qui a conduit les députés LR – eux qui nous expliquaient que la réforme Borne était un enjeu vital, n’hésitant pas à traiter de crypto-communistes tous ceux qui s’opposaient au relèvement de l’âge de départ à la retraite –,…
M. Pierre Cordier
C’est Ciotti qui le disait !
Mme Marine Le Pen
…à accepter la suspension en échange de l’assurance de ne pas retourner devant les électeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Je voudrais, chers collègues socialistes et Républicains, vous dire solennellement une chose : l’opportunisme vous a conduits à livrer un concentré chimiquement pur des manœuvres, ententes et arrangements que les Français ne supportent plus.
M. Erwan Balanant
Les Français ne comprennent rien à ce qu’elle raconte !
Mme Marine Le Pen
Renaissance est contre la suspension ; ils voteront pour. LFI est pour ; ils voteront contre. Les communistes sont pour ; ils voteront contre – ou peut-être s’abstiendront. LR est contre ; ils voteront pour. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) C’est cela qui abaisse la politique, c’est cela que refuse le Rassemblement national. (Mme Nathalie Oziol s’exclame.) Nous serons les seuls à être cohérents : en attendant son abrogation, nous allons voter pour suspendre la réforme Borne – injuste socialement et inefficace économiquement.
Mme Dieynaba Diop
Vous avez dit que vous alliez voter contre !
Mme Marine Le Pen
Contrairement à vous, nous allons exprimer ce vote fièrement, la tête haute. Pour vous, il sera la marque du reniement ; pour nous, celle de la constance et de la loyauté. C’est cela l’honneur de l’engagement politique, c’est cela que nous défendons. Notre seul souverain, notre seule boussole,…
Mme Dieynaba Diop
C’est l’argent ! L’argent que vous devez rendre.
Mme Marine Le Pen
…notre seul allié, c’est le peuple français. (Les députés des groupes RN et UDR se lèvent et applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gabriel Attal.
M. Gabriel Attal
Dans quelques minutes, l’Assemblée nationale suspendra la réforme des retraites de 2023. Ce vote, que le premier ministre avait annoncé dans sa déclaration de politique générale, est acquis : étant donné la position de la gauche et du Rassemblement national, quels que soient les choix des autres groupes, la réforme sera bien suspendue. (« Décalée ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous connaissez notre position sur cette réforme : nous l’avons promue, nous l’avons défendue de toutes nos forces ; pourtant, aujourd’hui, le groupe EPR s’abstiendra. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe RN.) Ce ne sera pas de gaîté de cœur, mais avec lucidité.
Nous sommes lucides sur les mécanismes qui nous ont amenés là. (Les exclamations s’intensifient.) Si la suspension ou l’abrogation de cette réforme a été demandée, c’est parce que certains ont affirmé qu’elle avait été adoptée dans des conditions non démocratiques. (« C’est vrai ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Mais si elle a été adoptée par 49.3, c’est parce que certains, qui la défendaient pourtant pendant la campagne présidentielle, ont ensuite fait le choix de s’y opposer, avant semble-t-il de la défendre de nouveau aujourd’hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Nous sommes lucides sur le fait que cette suspension ne sera pas une bonne nouvelle pour l’économie française et pour le budget de la France. Mais nous ne voulons pas nous mettre en travers du compromis trouvé par le premier ministre avec le groupe socialiste ; si la suspension n’avait pas été décidée,…
Mme Ségolène Amiot
Il n’y a pas de suspension, il y a décalage !
M. Gabriel Attal
…il n’y aurait aujourd’hui pas de gouvernement et pas d’espoir de doter notre pays d’un budget d’ici à la fin de l’année – espoir qui doit nous mobiliser.
Nous sommes surtout lucides sur le fait que le débat que nous avons aujourd’hui appartient déjà au passé. Nous sommes en train de discuter de l’opportunité de retirer un morceau de scotch sur un système des retraites qui prend l’eau de toutes parts. Ce ne sont plus les paramètres qu’il faut modifier, mais le système qu’il faut changer. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Hervé Berville
Eh oui !
M. Gabriel Attal
Avec les députés Renaissance, ceux du groupe Ensemble pour la République, nous proposons de passer à un nouveau système de retraite : un système universel (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – « Eh voilà ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP) où, quel que soit votre statut – fonctionnaire, salarié, indépendant –, vous aurez les mêmes droits. Un système libre, débarrassé de l’âge légal de départ, où seule jouera la durée de cotisation : si vous partez très tôt, vous aurez une petite pension ; si vous partez plus tard, elle sera meilleure. Un système productif, qui fait enfin sauter le tabou de la capitalisation dans notre pays (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP )…
Mme Mathilde Panot
Bravo, les socialistes !
M. Gabriel Attal
…et qui permet aux Français de capitaliser tout au long de leur vie pour améliorer leur retraite tout en soutenant notre économie, nos entreprises et l’innovation.
C’est cela qui nous guidera dans ce débat. Il faut cesser les querelles, dépasser les erreurs du passé, préparer l’avenir pour les Français : c’est la conviction de mon groupe, notre seule boussole. (Plusieurs députés du groupe EPR se lèvent et applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme Mathilde Panot
Voter pour le décalage de la réforme des retraites, c’est voter pour la retraite à 64 ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Les Insoumis ne valideront jamais par leur vote les deux années de vie volées au peuple de France. Après avoir fait passer cette réforme en force, contre l’ensemble des syndicats, contre des millions de grévistes et de manifestants, et même contre cette assemblée, par 49.3 (Mêmes mouvements), vous avez tout essayé, espérant que les gens allaient oublier. Vous avez refusé de reconnaître le résultat des urnes ; vous vous êtes livrés à une obstruction massive pour nous empêcher de voter sur l’abrogation de la retraite à 64 ans lors de notre niche parlementaire (Mêmes mouvements) ; vous avez inventé un conclave fumeux qui n’a rien donné. Et voici votre nouvelle arnaque : présenter comme une grande victoire non pas la suspension de la réforme Borne, mais le décalage d’un an de son calendrier d’application ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Personne n’est dupe ; nous voterons contre le décalage de la retraite à 64 ans car nous n’en acceptons pas le principe. Nous n’acceptons pas que 15 000 personnes supplémentaires meurent chaque année avant d’avoir vécu un seul jour de leur retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous n’acceptons pas que les femmes soient les grandes perdantes alors qu’elles se demandent déjà comment tenir jusqu’à 67 ans avec la décote. Surtout, nous n’acceptons pas que ce décalage se fasse au prix de coupes sur le dos des retraités et des malades, dans votre budget de la sécurité sociale. (Mêmes mouvements.)
Tout cela pour ouvrir la voie à la retraite à points, pourtant déjà battue par les mobilisations populaires en 2020, et à la retraite par capitalisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Pire encore, cette tromperie se fait au prix de la poursuite de la politique de malheur d’Emmanuel Macron, et grâce à la non-censure des socialistes que vous avez achetés avec ce décalage. (Mêmes mouvements.) Quant au Rassemblement national, il s’apprête à voter pour la retraite à 64 ans et s’allie avec ceux qui veulent la retraite à 67 ans. (M. Hervé de Lépinau mime un joueur de pipeau.) Vous êtes des hypocrites !
Nous n’avons pas été élus pour obtenir des miettes de la Macronie en déroute mais pour rompre avec la violence sociale qu’elle inflige à tous. Madame la ministre, vous ne viendrez jamais à bout de nous. L’abrogation recueille la majorité à l’Assemblée et dans le pays. Fidèles à notre promesse, nous ferons la retraite à 60 ans, la sixième semaine de congés payés et l’augmentation des salaires ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent.)
M. Pierre Cordier
Et la semaine de 25 heures !
Mme la présidente
La parole est à Mme Océane Godard.
Mme Océane Godard
« Ce que je ferai, je le ferai avec vous. Ce qui alimente la colère ou le rejet de nos concitoyens, c’est la certitude que le pouvoir est aux mains de dirigeants qui ne leur ressemblent plus,…
Une députée du groupe LFI-NFP
C’est vous !
Mme Océane Godard
…« ne les comprennent plus, ne s’occupent plus d’eux. Tout notre malheur vient de là. » Ces mots, ma foi fort justes, ont été écrits par Emmanuel Macron en 2016 dans son livre Révolution. Si le président de la République a beaucoup contribué à abîmer l’esprit de la démocratie…
M. Pierre Cordier
Pourtant il était dans le gouvernement de François Hollande !
Mme Océane Godard
…en étant sourd à ce que les Français, les partenaires sociaux et l’ensemble des corps intermédiaires ont exprimé au moment du débat sur la réforme des retraites de 2023, il a également imposé à nos concitoyens de travailler plus, sans tenir compte des vécus – ni de ceux qui refusent de perdre la vie à la gagner, ni de ceux qui ont du plaisir à gagner leur vie sans la sacrifier. Nous n’acceptons pas cette brutalité sociale. Les socialistes sont allés négocier avec le gouvernement actuel la possibilité de retisser la confiance entre le peuple et le pouvoir, grâce à l’écoute permanente, à l’empathie (Exclamations et rires sur les bancs du groupe RN) et à une compréhension sensible des citoyens.
Suspendre la réforme des retraites (« Décaler ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP), c’est permettre à 3,5 millions de femmes et d’hommes de partir en retraite trois mois plus tôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Cela compte, c’est sérieux lorsque l’on sait que trop de Françaises et de Français ont besoin de ralentir leur vie parce que les corps et les esprits sont fatigués.
Enfin, en négociant la suspension de cette réforme inique, les socialistes ont voulu poser le débat : quel projet voulons-nous pour notre population vieillissante ? Soit on accepte massivement des emplois précaires et pénibles, et on compense par l’âge de départ – ce n’est pas notre choix (M. Aurélien Le Coq s’exclame) ; soit on investit dans des emplois de qualité, la prévention, le management, la formation, la recomposition productive, et on articule le financement des retraites autour de ces décisions. C’est le grand projet de débat national qui nourrira la présidentielle de 2027. Le groupe Socialistes et apparentés votera pour suspendre la réforme des retraites…
Mme Mathilde Panot
La décaler !
Mme Océane Godard
…et donner une perspective de nouveau contrat social aux Français.
Mme Marie Mesmeur
Vous mentez !
Mme Océane Godard
Le bonheur commun viendra de là. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, dont plusieurs députés se lèvent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Wauquiez.
M. Laurent Wauquiez
Nous abordons aujourd’hui un débat qui cristallise, nous le mesurons tous, beaucoup d’inquiétudes et d’espoirs chez les Français. Les retraités sont inquiets, à juste titre, de la pérennité du financement du régime de retraite ; ils voient les attaques régulières contre le niveau des pensions – en particulier ceux qui ont eu des carrières longues, parfois pénibles, dans des secteurs comme celui du bâtiment. Mais l’inquiétude touche également la France qui travaille – trop souvent oubliée, y compris dans cet hémicycle – et qui comprend que chaque fois que des cadeaux sont faits, c’est vers elle qu’on se tourne pour augmenter les taxes et les impôts.
Bien sûr, il peut être populaire de vendre aux Français une suspension illusoire de la réforme des retraites ; il peut être facile de la vendre en faisant croire que, par magie, on peut baisser l’âge de départ à un moment où le nombre de retraités augmente et où celui des actifs diminue.
Nous pensons au contraire qu’il faut dire aux Français la vérité : dans un pays ruiné, suspendre la réforme des retraites est illusoire. La vérité, c’est que les mêmes qui vous vendent aujourd’hui la suspension de la réforme des retraites viendront ensuite vous expliquer que pour la financer, il faut soit baisser le niveau de vie des retraités – les députés de la Droite républicaine s’y opposeront –, soit augmenter les cotisations et les impôts – nous nous y opposerons également. Ils ont d’ailleurs déjà commencé : au cours des jours qui viennent de s’écouler, ils ont ainsi proposé par anticipation d’augmenter la CSG sur la petite épargne des Français, l’assurance vie, les plans d’épargne logement (PEL) et les plans d’épargne en actions (PEA). (« C’est faux ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer les réactions sur leurs bancs !
C’est pour ces raisons que le groupe de la Droite républicaine votera contre la suspension – illusoire – de la réforme des retraites.
Contre ceux – du Rassemblement national à la gauche – qui ont voté 34 milliards d’euros de hausses d’impôt ces derniers jours (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR et HOR), les députés de la droite se sont battus inlassablement pour une ligne claire et constante : aucune hausse d’impôt ni de taxe, mais des économies sur la dépense publique et l’assistanat. C’est la seule voie qui permettra le redressement du pays.
Nous sommes surpris que certains débats demeurent tabous. Si nous voulons débattre des retraites, parlons de la suppression définitive des régimes spéciaux de retraite, qui coûtent si cher aux Français (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR) ; parlons de l’égalité entre les secteurs public et privé, un sujet que certains ne veulent pas voir aborder ici (Mêmes mouvements) ; parlons de l’introduction d’une part de capitalisation, attendue par de nombreux Français.
Ces débats, nous les aurons en 2027, et ils opposeront ceux qui défendent la France qui travaille et qui a travaillé toute sa vie à ceux qui sont prêts à augmenter les impôts pour financer leurs promesses. La droite républicaine sera toujours du côté de la France qui travaille et qui a travaillé toute sa vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
La réforme des retraites de 2023 a jeté des millions de personnes dans la rue pendant de nombreuses semaines – un nombre jamais vu depuis 1968.
M. Fabien Di Filippo
La dimension parallèle de Mme Rousseau !
Mme Sandrine Rousseau
Elle a créé une tension considérable dans le pays. Alors que près de deux tiers de Français y étaient opposés, le gouvernement d’Élisabeth Borne a décidé de se passer de l’avis du Parlement et de l’Assemblée nationale. Nous avions pourtant averti qu’il n’existe rien de plus injuste que la fixation d’un âge de départ.
Fixer un âge de départ à la retraite, c’est traiter les cadres supérieurs de la même manière que les ouvriers, les employés ; c’est traiter tous les métiers de la même manière, qu’ils soient pénibles ou non. Les débats qui ont eu lieu alors à l’Assemblée nationale ont constitué un moment d’une grande violence – et surtout d’une grande violence sociale.
C’est pourquoi, lorsque nous avons été appelés à nous prononcer sur le report de cette réforme – fût-il de quelques mois et au bénéfice d’une minorité de Français –, la majorité de mon groupe a décidé de voter en faveur de sa suspension et de son décalage. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS et sur de nombreux bancs du groupe SOC.)
Néanmoins, je souhaite poser une question au gouvernement : comment comptez-vous financer le coût de ce décalage de la réforme des retraites ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Bravo !
Mme Sandrine Rousseau
Pour ce faire, comptez-vous faire appliquer par la voie réglementaire les dispositions que nous avons rejetées dans le PLFSS, à savoir le doublement des franchises médicales, la création de franchises bucco-dentaires, la réforme des affections de longue durée (ALD), des indemnités journalières et des arrêts de travail de longue durée ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS. – Brouhaha.)
Si vous financiez le simple décalage de trois mois de la réforme des retraites par de telles mesures, vous en feriez supporter le coût aux plus vulnérables et aux plus fragiles de notre société. (Mme Clémentine Autain et M. Alexis Corbière applaudissent.) Dans le même temps, adopter ce décalage reviendrait, pour la première fois, à inscrire dans les votes de l’Assemblée le principe des quarante-trois annuités et des 64 ans.
Alors, je vous pose de nouveau cette question, madame et monsieur les ministres : comment allez-vous financer le décalage de la réforme en 2026 et en 2027 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Marc Fesneau.
M. Marc Fesneau
Le groupe Démocrates s’abstiendra très majoritairement sur le vote de l’article 45 bis visant à suspendre la réforme des retraites. Par ce choix, nous entendons ne pas faire obstacle au compromis recherché par le gouvernement, tout en rappelant que ce compromis ne saurait se faire sans vigilance, ni au prix de nos convictions sur la question des retraites.
Nous ne pouvons faire abstraction de la réalité des chiffres. C’est pourquoi nous demeurons dubitatifs face à une suspension décidée sans présenter d’autre solution, au mépris d’un examen lucide de la situation – notamment financière – et au détriment des jeunes générations.
Notre démographie a changé : 4 actifs pour un retraité à la sortie de la guerre, moins de 1,7 aujourd’hui. Au cours de la même période, l’espérance de vie a augmenté de près de 20 ans. Seulement 39 % des 60-64 ans sont en activité en France, nettement moins que partout en Europe.
Notre conviction n’a pas changé : il est nécessaire de réformer notre système. C’était l’objet même de la réforme des retraites, mais aussi du conclave, dont on ne peut que regretter qu’il n’ait pas abouti. Il faut bien le reconnaître : nous ne sommes pas parvenus à faire accepter cet effort nécessaire par les Français.
Pourtant, nous devons regarder lucidement la réalité des comptes ; cette suspension ne permettra en rien de franchir le mur de nos difficultés. C’est cette responsabilité qui demeure, plus que jamais, celle de notre groupe, et qui sera, tôt ou tard, celle de tous ceux qui aspirent à exercer des responsabilités dans notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny, pour un rappel au règlement.
M. Gérault Verny
Au titre de l’article 100, relatif à la bonne tenue de nos débats. Madame Rousseau, pourriez-vous éviter de hurler quand vous prenez la parole ? ( Vives protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Vous nous cassez les oreilles ! À défaut, serait-il possible de réduire le volume… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Dehors !
Mme Dieynaba Diop
Quelle honte !
Mme la présidente
Monsieur Verny, ce n’est pas acceptable, votre rappel au règlement est terminé et je vous rappelle à l’ordre immédiatement ! C’est insupportable, c’est honteux ! (Les députés des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR se lèvent et applaudissent vivement. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem, HOR et LIOT.)
Vous ne vous rendez pas compte ! Par ailleurs, je vous informe que deux interventions précédentes qui visaient également Mme Rousseau ont donné lieu il y a quelques minutes à deux rappels à l’ordre. Je ne tolérerai plus aucune attaque sexiste dans cet hémicycle. C’est fini, c’est fini ! (Les députés des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR se lèvent et applaudissent vivement et longuement, rejoints par plusieurs députés des groupes EPR, Dem, LIOT. – Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Article 45 bis (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Christophe.
M. Paul Christophe
« Pour corriger l’inévitable – on parle de la pyramide des âges –, c’est vrai qu’à partir de l’année 2005, le poids des femmes et des hommes à la retraite ayant quitté la production pèsera trop lourd sur les autres âges si on ne prend pas les mesures nécessaires. » Ces mots ne sont pas de moi, mais de François Mitterrand…
M. Emmanuel Maurel
Un grand président !
M. Paul Christophe
…qui, le 15 avril 1988, pendant la campagne présidentielle, affirmait que le prochain gouvernement devrait lui-même s’y attaquer.
Dès lors, nier la question démographique, c’est mentir aux Françaises et aux Français. Notre système par répartition s’est construit avec plus de 4 cotisants pour un retraité ; nous sommes aujourd’hui tombés à 1,7 cotisant par retraité, et ce sera bientôt 1,4. À sa création en 1945, ce système finançait en moyenne 5,5 années au bénéfice de chaque retraité, contre 22,5 aujourd’hui.
Diviser le nombre de cotisants par trois et multiplier la durée de liquidation par quatre, en affirmant que tout va bien, c’est mentir aux Françaises et aux Français, mentir aux générations futures et mentir à soi-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
J’attends d’ailleurs avec impatience les réactions des syndicats cogestionnaires de la retraite complémentaire des salariés du privé, qui, confrontés au même déficit démographique, avaient décidé en 2019, pour une durée de trois ans, d’appliquer un malus sur la retraite de celles et ceux qui la sollicitaient à l’âge de 62 ans – l’âge légal à l’époque.
Dans un pays déjà très endetté, la suspension d’une réforme jugée nécessaire mais pas suffisante – que ce soit par le Conseil d’orientation des retraites (COR) ou par la Cour des comptes – ne crée pas une quatrième voie. Implicitement, elle ne laisse le choix qu’entre l’augmentation des prélèvements sur les actifs – et donc la baisse de leur pouvoir d’achat –, la baisse des pensions – et donc celle du pouvoir d’achat des retraités –, ou l’augmentation de la dette à la charge de nos enfants, et même de nos petits-enfants.
La question reste pendante : qui va payer ? Les députés du groupe Horizons & indépendants assument pleinement d’être de ceux qui pensent à l’avenir et cherchent les voies et moyens de réformer durablement notre système. Nous voulons un pays qui produise, travaille et forme davantage, pour financer dignement et durablement notre modèle social – non par la dette, non en trompant les générations futures, mais par l’effort et le mérite.
Pour toutes ces raisons, notre groupe proposera la suppression de l’article 45 bis. Oui, madame Le Pen, nous sommes contre la suspension de la réforme et nous assumons cette position. La question reste bien entière : qui va payer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane Viry
À cet instant, il convient de reconnaître que le gouvernement a tenu l’un de ses engagements : l’article 45 bis, introduit par lettre rectificative, nous invite cet après-midi à suspendre la réforme de 2023.
Ne nous racontons pas d’histoires : la suspension de cette réforme n’est ni un idéal ni un objectif en soi ; c’est un moyen de remettre au centre du débat le financement et la justice de notre système de retraites, afin de concevoir, espérons-le, une vraie réforme, qui aille bien au-delà du simple relèvement de l’âge légal.
L’avenir du système de retraites implique de nous pencher sérieusement sur son financement – compte tenu de la démographie –, de nous poser la question de la capitalisation individuelle obligatoire, celle de la responsabilisation personnelle, ou encore celle d’un financement pesant moins sur le travail – toutes questions incontournables.
La suspension de la réforme est donc une occasion de remettre l’ouvrage sur le métier. Elle donne aussi les moyens de donner un budget à la France et de sortir de la panade – de l’impasse dans laquelle le gouvernement était enfermé à la fin du mois de septembre 2025. Il faut le dire et le reconnaître : c’est une avancée dans le compromis demandé.
Fort de ces éléments, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, dans la continuité de ses appels constants à l’organisation d’une conférence et à la remise à plat de notre système, votera majoritairement pour la suspension. À cet instant, c’est le seul chemin pour avancer et donner un budget à la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu
Nous nous souvenons tous de la réforme brutale et injuste de 2023, des immenses mobilisations sociales dans les rues de France et du refus majoritaire des Français – un refus quasiment unanime de la part des Français encore en activité. Nous nous rappelons aussi l’utilisation du 49.3 et ce coup de force antidémocratique, sans équivalent depuis la négation du vote des Français lors du référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.)
On se souvient aussi des élections législatives de 2024, au cours desquelles le rejet de la réforme des retraites avait pesé lourd dans le vote des Français. (Mêmes mouvements.) Pourtant, le président de la République, les gouvernements successifs et les médias dominants ont tout fait pour accréditer l’idée que les Français étaient passés à autre chose, qu’ils avaient tourné la page. (Mme Sandrine Rousseau applaudit.) C’était compter sans l’opiniâtreté des syndicats et des groupes d’opposition de gauche qui n’ont jamais lâché l’affaire,…
M. Pierre Cordier
Il n’y a pas qu’eux !
M. Stéphane Peu
…allant jusqu’à faire adopter dans notre niche parlementaire, le 5 juin, une résolution pour l’abrogation de la réforme des retraites. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS. – Mme Fatiha Keloua Hachi applaudit également.) Vous devriez donc le savoir : s’il est un sujet sur lequel on ne peut ni abuser ni tromper les Français, c’est bien celui de la réforme des retraites.
Pourtant, derrière notre débat se cache une véritable entourloupe. Le 10 octobre, je me trouvais dans le bureau du président de la République. Comme les autres participants, je l’ai entendu proposer un décalage de trois mois, payé par les retraités et les assurés sociaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et LFI-NFP.) J’ai vécu ce moment comme une provocation.
Le 14 octobre, dans cet hémicycle, j’ai écouté le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, évoquer quant à lui une suspension de la réforme. Je me suis alors demandé : qui a tort, qui a raison, qui ment ou qui essaie de tromper ? Je me suis donc penché sur le texte, c’est-à-dire la lettre rectificative présentée en Conseil des ministres le 23 octobre.
Cette lettre rectificative est claire : c’est un décalage de trois mois, et rien d’autre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Édouard Bénard applaudit également.) Payé, de surcroît, par les assurés sociaux et les retraités !
C’est donc une entourloupe ! Vous avez tous rencontré des Français qui croient qu’il s’agit de suspendre la réforme Borne, de figer l’âge légal à 62 ans et 9 mois et la durée de cotisation à 170 trimestres, pour toutes les générations à venir. En bon français, suspendre veut dire bloquer la réforme. En l’occurrence, ce n’est qu’un décalage payé par les Français.
Je dirai à Mme Le Pen que nous, nous sommes constants : nous avons voté l’abrogation de la réforme des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et LFI-NFP.) Nous sommes les seuls à avoir permis qu’un vote ait lieu dans cet hémicycle sur le sujet. Alors nous ne nous satisferons pas d’une entourloupe ; nous ne tromperons pas les Français ; nous ne voterons pas un décalage de trois mois qui, par ailleurs, revient à entériner la retraite à 64 ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP, dont plusieurs députés se lèvent. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère
Dans la vie, la responsabilité doit être partagée, collective. Nous demander de suspendre cet après-midi la réforme des retraites est un mauvais service rendu au pays. Avec un taux d’activité des seniors toujours insuffisant, une espérance de vie qui – heureusement – continue à s’allonger et une natalité en forte baisse, notre système de retraites n’est pas à l’équilibre et le sera encore moins avec la suspension de la réforme. J’observe d’ailleurs que les groupes qui demandent le plus fortement cette suspension se gardent bien de déposer des amendements présentant la réforme des retraites qu’ils proposent à nos concitoyens. (« On n’a pas le droit ! Ils seraient irrecevables ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Le groupe socialiste ne nous laisse le choix qu’entre deux solutions : renoncer à une réforme impopulaire mais nécessaire ou faire face à une troisième censure et à une nouvelle période d’instabilité, c’est-à-dire revenir aux pratiques qui ont fait mourir la IVe République. Je ne ferai jamais, mes chers collègues, la politique du pire et, à regret, j’approuverai la suspension d’une réforme que j’assume pourtant d’avoir votée.
Cependant je dis à ceux qui applaudiront tout à l’heure cette suspension qu’ils ne peuvent pas refuser de voter des économies (« Ah ! » sur quelques du groupe LFI-NFP) et de favoriser la création de richesses dans notre pays. « Économies » n’est pas un gros mot. Nos concitoyens savent bien ce qu’il signifie.
La responsabilité collective que j’appelle de mes vœux ne doit pas être limitée au PLFSS mais doit aussi concerner le projet de loi de finances (PLF). Hier, nous étions tous devant les monuments aux morts pour accomplir un devoir de mémoire. Ne pas voter le PLF voudrait dire accepter une loi spéciale avec 7 milliards d’euros en moins pour la défense, pour nos soldats. Or la France en a besoin. Les leçons dramatiques de l’histoire ne s’arrêtent pas le 11 novembre à minuit. Si vous nous demandez, mes chers collègues, de suspendre la réforme des retraites, prenez votre part de la responsabilité dans les votes à venir. Le compromis ne peut pas être à sens unique au Parlement, de la même manière qu’un consensus minimum doit exister au sein de notre pays – c’est une des leçons que nous devons garder d’une réforme des retraites qui va être suspendue. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
En vous écoutant, je me dis que vous avez bien fait de voter la partie du PLFSS concernant les recettes : cela en valait la peine, car cela permet d’avoir ce débat de qualité – je crois que les Françaises et les Français y seront attentifs. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Ils sont 3,5 millions à attendre le résultat de ce vote, qui a donc beaucoup d’importance. Depuis dix jours que je suis à ce banc et que j’apprends le métier, j’ai pu mesurer votre capacité à trouver des majorités pour approuver, refuser, modifier, proposer, voter et définir ainsi ce qui deviendra la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2026. Au fond, le pari du débat est réussi – je voulais le souligner.
Le premier ministre s’est engagé solennellement à soumettre cette suspension au débat et au vote. C’est ce que vous ferez dans un instant ; l’engagement a été tenu.
En quoi consiste cette décision ? Il faut être clair : ce n’est ni une abrogation – cela a été souligné – ni le déploiement initial de la réforme, puisque tous les paramètres seront suspendus jusqu’au 1er janvier 2028. Pourquoi suspendre cette réforme ? Je commencerai par évoquer le dialogue social, car les partenaires sociaux nous ont montré la voie. Ils sont prêts, dans le cadre de la conférence sur le travail et les retraites que j’ai lancée le 4 novembre dernier, à discuter de ces sujets, en commençant par le travail.
Mme Mathilde Panot
Arrêtez vos embrouilles : il y a déjà eu le conclave !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Le travail est certainement le grand oublié des deux réformes précédentes ; pourtant ce qui se passe pendant quarante ou quarante-deux ans de vie au travail conditionne la retraite et en particulier l’acceptation et l’entente dont le système des retraites peut faire l’objet.
Mme Mathilde Panot
On n’a jamais pu voter sur les 64 ans !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Le débat démocratique s’amorce ; certains partis ont déjà apporté leur pierre à l’édifice par des contributions. Cela mérite du temps, du débat et de la respiration démocratique. Les retraites seront certainement au cœur de la campagne présidentielle qui se dessine – cela en vaut la peine tellement le sujet est central.
Dernier argument : 61 % des Français souhaitent la stabilité, dont cette suspension est un élément nécessaire. Nous avons besoin de stabilité : il faut proposer un budget aux Français. Il faut aussi que le gouvernement travaille, puisque plusieurs d’entre vous m’ont tendu des perches au sujet des accidents du travail, des conditions de travail, de l’égalité entre les femmes et les hommes, de l’emploi des seniors ou de l’emploi des femmes. Les sujets sont nombreux !
Le gouvernement a déposé ce matin un amendement destiné à compléter le champ la suspension annoncée par le premier ministre lors de sa déclaration de politique générale. Nous prenons ainsi en considération les départs anticipés, notamment à la suite d’une carrière longue, et appliquons aux catégories actives et superactives de la fonction publique–policiers, pompiers professionnels, égoutiers – et aux infirmières l’assouplissement des conditions pour prendre sa retraite. Étendre la mesure à cette catégorie d’emplois difficiles, rigoureux, exigeants de la fonction publique me paraît une bonne idée.
Je le redis, le temps de la suspension doit être un temps utile au dialogue social et au débat démocratique.
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 653, 910 et 956, tendant à supprimer l’article 45 bis.
La parole est à M. Sylvain Berrios, pour soutenir l’amendement no 653.
M. Sylvain Berrios
Le groupe Horizons & indépendants s’oppose à la suspension de la réforme des retraites car nous considérons que c’est une ineptie budgétaire.
Tout à l’heure, Mme Rousseau, avec beaucoup de dynamisme (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EcoS), a posé une question : Qui va payer ? Mais tous les Français connaissent la réponse ! Ce sont eux, justement, qui devront payer, des plus jeunes aux plus vieux, des plus riches aux plus modestes, à travers la hausse du coût des mutuelles, la taxation de l’épargne, l’augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les livrets A, les PEA, les PEL ou les plans d’épargne retraite (PER), et, demain, l’aggravation du poids des pensions de retraite.
La suspension est une ineptie budgétaire parce qu’elle constitue une injustice sociale profonde.
En réalité, tous les Français vont devoir payer votre inconséquence. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
M. Jérémie Patrier-Leitus
Exactement !
M. Sylvain Berrios
Nous souhaitons d’abord remettre les comptes de la nation en ordre pour redonner une belle perspective au pays, respecter sa souveraineté et aborder l’avenir dans les meilleures conditions.
La suspension de la réforme des retraites est une hérésie budgétaire et sociale. Si elle était adoptée, les Français la paieraient très cher. J’invite tous ceux qui se sont exprimés contre elle à voter cet amendement.
Mme la présidente
La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 910.
Mme Justine Gruet
L’article 45 bis tend à mettre en pause une réforme certes indigeste pour notre société mais nécessaire – tout en étant loin d’être suffisante – pour l’avenir du système de retraites par répartition.
Mme Le Pen nous a tenu un discours hypocrite : elle s’est attaquée à la position du PS, mais elle-même, à l’inverse de ses nouveaux amis ciottistes, votera ce deal. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Sur le principe, il peut être tentant de revenir sur cette cause de fracture datant désormais de deux ans et demi. Mais est-il responsable, raisonnable et juste de suspendre une réforme sans prévoir de solution financière susceptible de rendre notre système de retraite pérenne ? Vous proposez certes une hausse de la CSG sur tous les petits épargnants, sachant qu’ajouter des taxes supplémentaires ne vous dérange pas – je rappelle que le RN et LFI ont voté plus de 34 milliards de taxes ces dernières semaines. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Nous assumons pour notre part de tenir un discours de vérité car les Français en ont besoin, tout comme ils ont besoin d’être rassurés. J’aurais donc plusieurs questions à vous adresser, madame et monsieur les ministres. Combien coûtera cette suspension après 2027 ? Comment pourrions-nous être plus nombreux à travailler plutôt que de demander toujours plus à ceux qui travaillent ? Enfin, comment remettre la liberté au cœur de notre système pour que chacun, en conscience, puisse définir la trajectoire de sa carrière ?
Vous l’aurez compris, faute d’une solution de rechange crédible, nous nous opposons à cette suspension. Les débats sont ouverts pour 2027. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Karl Olive, pour soutenir l’amendement no 956.
M. Karl Olive
Je veux exprimer un malaise, celui que nous éprouvons à entériner la suspension de la réforme des retraites, une décision qui coûtera 300 millions d’euros dès 2026, puis 1,9 milliard en 2027, alors que nous cherchons 40 milliards cette année pour combler le déficit.
Je comprends et je partage l’objectif du premier ministre, dont je salue le courage et l’honnêteté. Il est en effet impératif de doter la France d’un budget, mais la note est salée. La réforme de 2023 était perfectible sur les carrières longues, les retraites des femmes et les métiers pénibles. Sans elle, le déficit de notre système de retraites atteindrait 14 milliards en 2030 et 21 milliards en 2035. Rappelons-le : l’âge de départ est de 66 ans en Allemagne et de 67 ans en Italie. En le portant à 64 ans, la France reste le pays d’Europe où l’on part le plus tôt.
Trois leviers seulement existent : reculer l’âge de départ, allonger la durée de cotisation ou baisser les pensions. À ceux qui souhaitent une suspension de la réforme des retraites, disons clairement qu’ils doivent assumer de fragiliser le système par répartition et de vouloir baisser les pensions des retraités.
Pour toutes ces raisons, sans renier mes convictions ni celles des habitants de la douzième circonscription des Yvelines, mais parce que la France a besoin d’un budget, parce que les Français veulent de la stabilité politique, parce que le pays est plus important que les partis, en responsabilité, je ne prendrai pas part au vote. (Rires sur les bancs du groupe RN. – Exclamations et rires sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
Mme Sandrine Runel, rapporteure
Nous en venons enfin à l’article relatif à la suspension de la réforme des retraites. Vous êtes nombreux ici à vouloir en débattre ; je ne comprends donc pas ces amendements de suppression.
Contrairement à ce qui a été dit, il n’y a aucune entourloupe dans cet article.
M. Jean-Paul Lecoq
Si, si ! C’est tellement une entourloupe que le gouvernement n’est pas soutenu par sa majorité !
Mme Sandrine Runel, rapporteure
Dans sa rédaction actuelle, il comporte déjà plusieurs mesures importantes. (Brouhaha.)
Mme la présidente
S’il vous plaît, un peu de silence ! C’est un débat important ; j’aimerais que nous nous écoutions.
Mme Sandrine Runel, rapporteure
L’article prévoit ainsi de geler l’âge de départ à la retraite à 62 ans et 9 mois pour la génération née en 1964. Il gèle également à son niveau actuel, c’est-à-dire 170 trimestres, la durée d’assurance requise pour un départ en retraite à taux plein. Ces dispositions, qui améliorent nettement la pension de retraite des assurés pour les générations nées en 1964 et 1965, constituent une première avancée.
Toutefois, je l’avais dit en commission, ce n’est qu’une étape, car l’article 45 bis, en l’état, ne matérialise pas entièrement l’engagement pris par le premier ministre devant l’Assemblée. En effet, il ne comporte pas de dispositions pour les carrières longues, pour les assurés de Saint-Pierre-et-Miquelon ni pour les assurés nés au premier trimestre de l’année 1965. Lors de l’examen du texte en commission, j’avais alerté le gouvernement sur ces insuffisances. Celui-ci va présenter un amendement pour enrichir et compléter l’article, qu’il n’est donc pas souhaitable de supprimer.
Cet amendement, le no 2686, tend à étendre les effets de la suspension aux assurés éligibles aux dispositifs de départ anticipé pour carrières longues et aux catégories actives et superactives de la fonction publique, c’est-à-dire aux égoutiers, aux sapeurs-pompiers, aux aides-soignantes, aux policiers, aux personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire et à tant d’autres de nos concitoyens qui ont commencé à travailler tôt ou qui exercent un métier pénible. Ce n’est pas rien.
Il concerne également les assurés nés au premier trimestre 1965. Je cite le premier ministre : « Aucun relèvement de l’âge n’interviendra à partir de maintenant jusqu’à janvier 2028 ». Respecter cet engagement impliquait de permettre aux assurés nés entre le 1er janvier et le 31 mars 1965 un départ à 62 ans et neuf mois afin qu’ils puissent partir au cours du dernier trimestre de l’année 2027. C’est désormais chose faite.
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il est par ailleurs en général mieux rémunéré en activité qu’en retraite. C’est sur ce point que je voulais insister ; c’est à ce propos que la Cour des comptes a rappelé que le coût de l’abrogation s’élèverait en 2035 à 13 milliards d’euros. Il était utile que je le redise ici.
Mme la présidente
Sur ces amendements identiques nos 653, 910 et 956, je suis saisie par les groupes Rassemblement national, Socialistes et apparentés, Horizons & indépendants et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Thomas Ménagé.
M. Thomas Ménagé
Le groupe Rassemblement national s’opposera naturellement à ces amendements de suppression. Comme vient de le rappeler Marine Le Pen, nous sommes cohérents : nous votons dans le sens de l’intérêt général, dans le sens des Français, non dans celui des petits calculs d’appareil. Favorables à la réforme des retraites il y a deux ans, les macronistes, pour certains, voteront en faveur de sa suspension. D’autres, à gauche, voteront pour les amendements de suppression de l’article afin d’empêcher la suspension d’une réforme qu’ils dénonçaient hier, privant ainsi les Français de trois mois de retraite en plus.
Ironie du sort, enfin, ceux qui crient aujourd’hui le plus fort contre cette réforme sont ceux qui l’ont initiée : qui a porté à 43 annuités la durée de cotisation ? Les socialistes, avec la réforme Touraine opérée sous François Hollande, ici présent ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et UDR.) Le premier à lever la main, à l’époque, c’était vous, monsieur Faure ! Les Français voient vos contorsions, vos reniements, vos calculs – tout cela pour sauver vos sièges. Souvenez-vous que le 31 octobre 2024, à l’occasion de la niche parlementaire de notre groupe, nous aurions pu abroger purement et simplement le départ à 64 ans : vous, les sociaux-traîtres de gauche, plutôt que d’admettre que le Rassemblement national avait raison, avez préféré voter contre vos promesses de campagne !
Nous, nous ne faisons pas de la politique du pire ; lorsqu’une mesure va dans le bon sens, même si elle ne vient pas de nous, nous la soutenons. Parce que chaque trimestre rendu aux Français compte, et afin de financer une réforme juste, nous assumons de lever les vrais tabous : l’immigration, la gabegie, la fraude. C’est là, non dans les poches de ceux qui travaillent, que se trouvent les milliards qui nous manquent pour financer les retraites.
Mme Dieynaba Diop
Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !
M. Thomas Ménagé
Les Français ne sont pas dupes : ils savent qui agit pour soi-même et qui agit pour eux. Or le seul bloc sincère est celui du Rassemblement national ; nous, nous ne jouons pas avec la retraite des Français, nous la défendons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Nous connaissions le parti de la retraite à 64 ans : ses membres sont là. Nous découvrons le parti de la retraite à 65 ans, à 66 ans, à 68 ans. La signification de ces amendements est claire : ils sont soutenus par celles et ceux qui souhaitent qu’aucun ouvrier, aucun employé n’arrive jamais à l’âge de la retraite, qui veulent décaler celle-ci – nous le disons et nous l’assumons – dans une logique de mort ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Ce que vous avez en commun, c’est d’avoir voté, depuis une semaine, contre tous les amendements qui visaient à mettre de l’argent dans la caisse. (Mêmes mouvements.) Lorsque nous avons proposé de faire cotiser davantage les gens payés plus de 10 000 euros par mois, vous avez refusé afin de les protéger. Normal : vous déjeunez ensemble !
Ce front commun de celles et ceux qui veulent obliger les gens à partir à la retraite au moins à 64 ans suscite une question : qui est censé payer le décalage ? On ne le comprend toujours pas. Tantôt un ministre nous déclare que le décalage sera financé par le gel des pensions, donc payé par les retraités d’aujourd’hui, tantôt une ministre nous répond : « Non, pas du tout ! Il sera financé par les franchises médicales ! » – c’est-à-dire que tous les malades du pays paieraient le décalage de l’âge de la retraite. Un autre encore surgit et, ne sachant quoi faire : « Mais non, ce sont les patients atteints d’ALD, les malades chroniques, qui paieront ! ». Dans tous les cas, les gens partiront à 64 ans : c’est le résultat global. La question consiste à savoir à qui, sous ce prétexte, vous ferez les poches par-dessus le marché ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Prisca Thevenot.
Mme Prisca Thevenot
Le groupe Ensemble pour la République s’abstiendra lors du vote des amendements de suppression, comme d’ailleurs sur l’ensemble de l’article, comme l’a rappelé Gabriel Attal. En effet, il ne s’agit pas de refaire les débats qui ont eu lieu en 2023, mais plutôt de regarder en avant : les jeux sont faits, il nous faut désormais travailler à un nouveau système, un système complètement refondé – là encore, le président de notre groupe l’a dit tout à l’heure. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Concernant les discussions de 2023, je tiens à souligner que certains mots, certains discours de franchise ont fait défaut. Je le dis avec beaucoup de respect et d’indulgence envers nos collègues du groupe Les Républicains. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et HOR. – Exclamations sur quelques bancs du groupe DR.) Madame Gruet, je vous ai entendue défendre avec verve la réforme des retraites : malheureusement, si nous en sommes là aujourd’hui, c’est aussi un peu à cause des LR d’hier. (Exclamations continues sur les bancs du groupe DR.) En 2023, vos voix nous ont manqué…
M. Pierre Cordier
Il n’y a jamais eu de vote !
M. Patrick Hetzel
On réécrit l’histoire !
Mme Prisca Thevenot
…non seulement pour faire valoir cette réforme que vous aviez pourtant défendue en 2022 (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe HOR), mais pour la faire adopter, d’où la nécessité de recourir au 49.3. Pire, afin de nous punir d’avoir utilisé ce dernier pour faire passer le texte, vous avez voté la censure. J’espère que, désormais, nous pourrons enfin discuter du fond et travailler au nouveau système de retraite que notre pays attend. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Patrick Hetzel
Quel culot !
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Pradié.
M. Aurélien Pradié
Tous ceux d’entre nous qui étaient présents à l’époque conservent un souvenir assez précis des âpres débats suscités par la réforme Borne. Que notre position ait été favorable ou hostile à celle-ci, nous sommes du moins allés au bout des convictions qui nous animaient. Madame Thevenot, je ne regrette pas qu’à l’époque ma voix vous ait manqué : vous avez reçu d’autres soutiens, notamment celui de M. Ciotti, accouru au secours de Mme Borne. Chacun défend ses convictions avec la constance qu’il entend. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR, EcoS et Dem.)
Pour ma part, monsieur le ministre, j’ai deux problèmes. Dans le chemin vers un nouveau débat sur la réforme des retraites, nous nous heurtons à un vice. Nous savons tous que ce qui nous a conduits à rediscuter n’est pas la question de la pérennité du système mais celle de la survie du gouvernement. Tout est là : la survie politique, les négociations, les pactes, les deals peuvent-ils effacer les grands débats que nous devons avoir, notamment au sujet de cette réforme ? Tel est, je le répète, le premier vice qui entache cette discussion.
Ma seconde source d’inquiétude est la tromperie. Nous pouvons tenir toutes les discussions que nous voulons, mais sur un sujet aussi essentiel que les retraites – un sujet qui dans la vie de nos concitoyens est absolument majeur, qui les a animés durant de longs mois, de longues années, qui fait partie de la manière dont ils organiseront leur existence à l’avenir –, nous n’avons pas droit à un millimètre de tromperie. S’il s’agit seulement d’un décalage, disons clairement qu’il s’agit seulement d’un décalage ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Ce n’est pas là un débat accessoire. S’il s’agit de faire payer à d’autres la suspension ou le décalage de la réforme des retraites, nous devons le dire ; il n’est pas question de tromperie ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
Merci, cher collègue.
M. Aurélien Pradié
Enfin – nous aurons l’occasion d’y revenir –, il faut être extrêmement clair au sujet des carrières longues, s’assurer que tous bénéficient du dispositif et que personne ne soit trompé. Encore une fois, nous n’avons pas le droit de tromper les Français. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
Au moment de nous prononcer sur cette suspension (« Décalage !» sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), une seule question doit nous animer : est-ce que nos concitoyens bénéficieront de ce que nous allons voter dans un instant ? Est-ce qu’en 2026 et en 2027 ceux qui auraient été pénalisés par la réforme Borne pourront bénéficier de sa suspension ? Honnêtement, la réponse est oui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – « C’est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Qu’ils aient une carrière longue, 62 ans et 9 mois, 170 trimestres de cotisation, qu’ils soient actifs ou superactifs, des centaines de milliers, des millions de nos concitoyens en profiteront pleinement. J’entends sur certains bancs s’exprimer l’inquiétude que voter la suspension revienne à valider ad vitam æternam la réforme elle-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Nicolas Sansu
Bien sûr !
M. Jérôme Guedj
Chers collègues, à quel point doutez-vous de votre capacité à convaincre les Français en 2027, puisque tel est le grand rendez-vous démocratique qui permettra de trancher ?
Ce débat a fracturé le pays ; ce que nous avons obtenu, c’est une suspension de l’application de la réforme afin que la discussion soit rouverte, afin que lors de la présidentielle de 2027 la question sociale, la question du travail, la question de la protection sociale, la question des retraites soient au cœur du débat démocratique. Nous devrions tous en être satisfaits ! (Mêmes mouvements.)
Des syndicats réformistes nous invitent à voter pour cette suspension car, écrit la CFDT, elle exprime l’attention que nous portons au monde du travail. Nous devrions garder chevillée au corps cette invitation à être attentifs à ce que le monde du travail attend de nous. Suspendons pour mieux réformer le système des retraites et pour le faire dans le cadre du débat démocratique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, dont quelques députés se lèvent.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Ruffin.
M. François Ruffin
Nous voterons contre les amendements de suppression. Cette retraite à 64 ans, c’est la grande faute d’Emmanuel Macron, qui responsable, en tant que président de la République, de l’unité de la nation, l’a déchirée en imposant cette réforme seul contre tous – seul contre huit salariés sur dix, contre l’union de tous les syndicats, contre une majorité au sein de notre assemblée, laquelle n’a jamais voté sur ce sujet. C’est là une blessure sociale, mais avant tout morale.
Mesdames et messieurs du gouvernement, vous gelez, jusqu’au 1er janvier 2028, à 62 ans et 9 mois l’âge du départ à la retraite, à 170 le nombre des trimestres de cotisation nécessaires – 500 000 travailleurs vont en profiter, partir trois mois ou six mois plus tôt : nous prenons. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et SOC.) Nous prenons comme toujours, comme depuis huit ans, dans cette assemblée. Lorsqu’il s’agit d’un plein de caddie pour les auxiliaires de vie, nous prenons ! (Mêmes mouvements.)
M. Philippe Brun
Il a raison !
M. François Ruffin
Lorsqu’il s’agit d’un treizième mois pour les femmes de ménage, nous prenons. Lorsqu’il est question du sauvetage d’une usine dans la Somme, nous prenons. Cependant nous ne faisons pas passer ces miettes pour un festin ! Nous grattons ce que nous pouvons gratter pour les gens, sans attendre l’avènement d’un monde parfait, sans attendre le grand soir ou l’aube nouvelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Au printemps 2027, lors des élections, les Français trancheront : veulent-ils maintenir la réforme Borne ou, comme nous le réclamons, l’abroger ? Cela concernera aussi la durée de cotisation, le niveau des pensions, l’emploi des seniors, une inaptitude record.
Notre devoir à nous, à gauche – camarades communistes, Insoumis, écologistes et socialistes –, consiste à tracer ensemble un chemin vers la victoire. Notre devoir, c’est que les travailleurs et travailleuses de notre pays retrouvent un peu d’espoir. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC et sur quelques bancs du groupe GDR.) Il y a un manque de confiance dans le fait de dire que…
Mme la présidente
Merci, monsieur Ruffin.
M. François Ruffin
…nous ne serions pas capables, demain, d’abroger la réforme. Nous le ferons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. – M. Emmanuel Maurel applaudit également.)
M. Alexandre Portier
La gauche, c’est vraiment une famille compliquée !
Mme la présidente
La parole est à M. Matthieu Bloch.
M. Matthieu Bloch
Le groupe UDR soutiendra les amendements identiques visant à supprimer la suspension de la réforme Borne. Soyons clairs : nous ne défendons pas cette réforme injuste, incomplète et inadaptée, mais nous refusons la solution de facilité qui consiste à la suspendre sans cap, sans courage, sans projet et surtout sans financement.
Ces amendements ne sont rien d’autre qu’un arrangement politique entre le PS et la Macronie, un marché de couloir en vue d’éviter de retourner devant les Français. La réforme de 2023 a manqué sa cible, oublié la pénibilité, les carrières longues – oublié les temps partiels et les congés parentaux, pénalisant de nombreuses femmes. Elle a creusé le fossé entre public et privé, alors que l’équité est censée constituer le socle de tout système de santé. Les Français ressentent cette injustice ; pour autant, le statu quo ne constitue pas une solution. Suspendre ne serait pas corriger, mais repousser l’injustice à plus tard. Notre système est à bout de souffle, déficitaire, démographiquement condamné ; nous devons changer de modèle et non appuyer simplement sur « pause ».
Le groupe UDR défend une autre voie : une réforme plus équitable qui prenne en compte la pénibilité réelle des métiers, une réforme plus lucide qui soutienne la natalité, une réforme plus fructueuse qui introduise enfin dans le système un véritable pilier de capitalisation,… (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hadrien Clouet
Nous y voilà !
M. Matthieu Bloch
…comme aux Pays-Bas, où la pension d’un retraité équivaut en moyenne à 90 % de son salaire net, contre seulement 74 % en France. Voilà ce que nous devons aux générations qui travaillent aujourd’hui, à celles qui viendront demain. Suspension, non ; réforme juste, ambitieuse et audacieuse, oui ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
La majorité des membres du groupe LIOT votera contre ces trois amendements de suppression de l’article 45 bis. Pourquoi ? D’abord, mes chers collègues, cet article donne raison à ceux qui ont combattu la réforme des retraites de 2023 et qui ont expliqué qu’une réforme des retraites juste, efficace et durable doit recueillir un minimum de consensus politique d’une part, et recevoir l’appui d’une large partie des partenaires sociaux d’autre part.
Il y a une seconde raison à notre vote. Une réforme juste, socialement et économiquement efficace, ne pourra voir le jour que si nous prenons des mesures incitatives – et non pas coercitives – pour inciter à la fois nos jeunes concitoyens à commencer à travailler plus jeunes, et nos concitoyens âgés à travailler plus longtemps pour ceux qui le souhaitent.
C’était ça, la voix de la raison. Alors, mes chers collègues, votons contre ces trois amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois
En cohérence avec les propos du président Fesneau, les députés du groupe Démocrates s’abstiendront sur ces amendements de suppression. Nous considérons que n’ont pas été réglés les enjeux de financement de la protection sociale en général et du système de retraites en particulier, que les enjeux démographiques restent à aborder, et que le sujet de la lisibilité doit être traité. En effet, nous étions très favorables à la réforme du système universel de retraite à points, qui n’a pas abouti à ce jour, qui donnait de la lisibilité au système.
Nous cautionnons la démarche de compromis du premier ministre, mais nous exprimons aussi nos réserves et soulignons les sujets qui devront être évoqués dans les prochains mois, peut-être d’ici à l’élection présidentielle, pour préserver notre système de retraite.
M. Pierre Cordier
Un bon centriste.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 653, 910 et 956.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 494
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue 169
Pour l’adoption 70
Contre 266
(Les amendements identiques nos 653, 910 et 956 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Nous en venons à l’amendement no 2386 du gouvernement à l’article 45 bis, amendement qui fait l’objet de quatre sous-amendements nos 2996, 2997, 2515 et 2708.
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 2686, par les groupes Ensemble pour la République, Socialistes et apparentés et Horizons & indépendants ; sur le sous-amendement no 2715, par le groupe Écologiste et social ; sur le sous-amendement no 2708, par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement du gouvernement.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
J’ai l’honneur de vous présenter un amendement complémentaire à la suspension. Il faut être clair et rassurer sur la bonne foi du gouvernement et du premier ministre qui a inscrit le principe de suspension dans la lettre rectificative. Vous vous souvenez de ses propos lors du discours de politique générale : il n’a pas précisé le périmètre, mais a avancé une estimation s’élevant à 400 millions d’euros. Cela correspond à un périmètre assez large et va au-delà des calculs faits dans la première expression de la lettre rectificative, puisque cela inclut bien évidemment les départs anticipés.
L’examen est certes un peu tardif, mais nous avons beaucoup travaillé, d’abord sur les recettes, puis nous avons donné du temps à la commémoration du 11 Novembre.
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Les poilus ont bon dos.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
C’est donc tardivement que nous avons mis au point et rédigé l’amendement qui vous est présenté.
Dans cet amendement, on retrouve bien l’accès pour les assurés bénéficiant d’un départ anticipé lié aux carrières longues, ainsi que ce qui a déjà été dit par la rapporteure, à savoir l’inscription des catégories actives et super actives de la fonction publique. Les métiers concernés sont dignes de notre attention ; on parle des policiers, des égoutiers, des sapeurs-pompiers professionnels, c’est-à-dire des populations dont on connaît l’engagement pour nos compatriotes.
Pourquoi écarter les régimes de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon ? Ils ont aussi toute leur place.
L’amendement propose également une lecture plus précise en matière de dates. C’est pointu, mais on peut considérer que les assurés nés au premier trimestre de l’année 1965 peuvent aussi être éligibles.
Voilà donc les correctifs apportés par cet amendement, allant dans le sens de la logique et de la cohérence avec l’expression du premier ministre.
Au total, cela correspond à quasiment 20 % de bénéficiaires supplémentaires. Ce n’est pas négligeable. Ce sont des Françaises et des Français qui seront satisfaits si vous votez cet amendement.
Mme la présidente
La parole est Mme la rapporteure, pour soutenir les sous-amendements nos 2696 et 2697, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Sandrine Runel, rapporteure
Tout d’abord, merci pour cet amendement que nous attendions et que nous n’avons pas examiné en commission. Il a évidemment son intérêt puisqu’il vient compléter l’article 45 bis.
J’en ai déjà largement évoqué les effets lors de la discussion sur les amendements de suppression, mais je voudrais quand même rappeler que cette mesure est une véritable avancée pour les Françaises et les Français, notamment les travailleurs en carrière longue ainsi que ceux qui travaillent dans la fonction publique et qui exercent des métiers pénibles mentionnés par le ministre : les égoutiers, les militaires ou les surveillants de l’administration pénitentiaire.
L’amendement permet aussi d’inclure nos compatriotes de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte. Mme la députée Youssouffa présentera un sous-amendement à ce sujet. (Mme Estelle Youssouffa s’exclame.) Ils étaient exclus initialement alors même qu’ils sont également concernés par le renouvellement de l’âge de départ et de la durée d’assurance requise pour accéder à un taux plein. Pour eux, l’âge sera maintenu au niveau actuel jusqu’au 1er janvier 2028, c’est-à-dire à 62 ans et 3 mois à Saint-Pierre-et-Miquelon et à 62 ans et 6 mois à Mayotte.
Enfin, cet amendement concrétise un véritable gel de l’âge et de la durée d’assurance jusqu’au 1er janvier 2028. Ainsi, les Françaises et les Français nés au premier trimestre 1965 pourront prétendre à un départ en fin d’année 2027, à l’âge de 62 ans et 9 mois. Très concrètement, grâce à cet amendement, un assuré né le 1er janvier 1965 qui a commencé à travailler avant l’âge de vingt ans et qui atteindrait 171 trimestres cotisés au 1er janvier 2027 pourra partir un trimestre plus tôt, le 1er octobre 2026, quand il aura atteint 170 trimestres cotisés.
Je réponds à certains qui, pendant nos débats, disaient que nous ne connaissons pas le monde du travail. Eh bien, si, justement, nous connaissons le monde du travail et nous répondons à ses acteurs. Nous répondons à la demande des syndicats et des partenaires sociaux. Nous répondons aussi aux 700 000 travailleurs concernés par la suspension dès 2026 qui attendent notre vote avec impatience. Nous répondons aussi à la dame de ménage de l’Assemblée nationale dont parlait Mme Rousseau qui, fatiguée, a dû se couper les cheveux parce qu’elle ne peut plus lever les bras ; elle pourra partir à la retraite six mois plus tôt grâce à cette suspension. Rien que pour ça, je pense qu’il est nécessaire de la voter.
C’est un premier coup d’arrêt au départ à la retraite à 64 ans. N’en déplaise à certains, il n’y a aucun doute sémantique possible. Il s’agit d’une victoire pour des millions de travailleurs et travailleuses dans notre pays.
J’annonce par avance que j’émettrai évidemment un avis favorable sur cet amendement. Il n’avait pas été étudié en commission puisqu’il a été déposé plus tard. Les deux sous-amendements que j’ai déposés sont rédactionnels. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour soutenir le sous-amendement no 2715.
Mme Sandrine Rousseau
Ce sous-amendement vise à imposer une forme de clause de revoyure sur la réforme des retraites.
Nous sommes face à un dilemme – cela a été dit plusieurs fois et par plusieurs de mes collègues. Il s’agit ici de faire voter par l’Assemblée nationale, pour la première fois, de manière historique, l’âge de 64 ans et les 43 annuités nécessaires pour le départ à la retraite. L’idée du sous-amendement est donc d’imposer une revoyure après l’élection de présidentielle. La différence entre décalage et suspension, c’est qu’une suspension oblige à revoir la réforme des retraites, à la faire revoter ou à en proposer une autre, alors que le décalage n’y oblige pas.
Il s’agit d’un sous-amendement qui respecte l’article 40 de la Constitution ; il est donc modeste, mais il consiste tout de même à demander la remise d’un rapport à l’Assemblée nationale sur l’état des pensions juste après l’élection présidentielle de 2027. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa, pour soutenir le sous-amendement no 2708.
Mme Estelle Youssouffa
J’ai beaucoup entendu parler de Mayotte, d’entourloupe, et dire qu’on faisait de gros efforts. Je voudrais juste rappeler que pour la réforme Dussopt, Mayotte n’était pas concernée. Pour celle-ci, vous faites un effort pour X, Y ou Z, mais Mayotte n’est toujours pas concernée. Les sous-amendements pour une revalorisation des retraites à Mayotte sont irrecevables. J’en défends donc un qui demande un rapport, grandiose, simplement pour vous interpeller.
À Mayotte, il y a 3 759 retraités en tout et pour tout. Notre île est tellement jeune qu’elle ne compte que 3 759 retraités. Ils perçoivent en moyenne 347 euros de retraite par mois à taux plein. Ces montants, évidemment, sont les plus faibles du pays, alors que le coût de la vie est supérieur de 71 % à celui de l’Hexagone.
Les études d’impact évaluent à 19 millions d’euros par an le coût du rattrapage pour les retraités mahorais ; rattrapage que le gouvernement refuse.
Mais ce qui ajoute le magnifique au sublime, c’est que le régime de retraite de Mayotte est excédentaire ! Les cotisations sociales couvrent non seulement largement les pensions versées à Mayotte, mais on constate un excédent de 62 %. Cela veut dire que Mayotte, le territoire le plus pauvre de France, avec les plus petites retraites de France, envoie 61 millions d’euros d’excédent à Paris chaque année : 61 millions d’euros d’excédent envoyés de Mayotte à Paris pour les retraites, et vous refusez d’augmenter les retraites des pensionnés mahorais !
Vous pouvez voter pour ce rapport, ça vous fera plaisir, mais je me bats, nous nous battons depuis des années, pour sortir nos anciens de l’indignité dans laquelle vous nous plongez. Et les gouvernements successifs, avec une constance remarquable, refusent de sortir Mayotte de la pauvreté. Je vous le dis, vous pouvez voter pour la remise d’un rapport, mais ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est que 61 millions d’euros sont envoyés chaque année du territoire le plus pauvre de France, qui compte les retraités les plus pauvres de France. Et vous, vous ne voulez rien faire. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement sur les sous-amendements ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Je donnerai l’avis du gouvernement avec la ministre des comptes publics.
En ce qui concerne les sous-amendements présentés par Mme Runel, c’est un avis favorable.
Madame Rousseau, il nous semble que ce que vous proposez est largement satisfait par un rapport du Comité de suivi des retraites qui porte sur les effets de la réforme des retraites, prévu à l’article 10 de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. Ce rapport analysera l’évolution des différents paramètres de l’équilibre financier de l’ensemble des régimes obligatoires de base à l’horizon 2040. Il doit être remis en octobre 2027. Il y aura donc un débat à l’Assemblée et au Sénat à ce moment-là. Pour ces raisons, je me vois au regret d’émettre un avis défavorable à votre sous-amendement.
Mme la présidente
Madame la ministre, vous souhaitez compléter ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je donnerai en effet la position du gouvernement sur le sous-amendement de Mme Youssouffa. Je répondrai en deux temps.
D’abord, il est absolument essentiel que Mayotte ne soit pas mise de côté. L’amendement du gouvernement précise qu’il y aura bien un décret définissant les nouvelles trajectoires d’âge, de durée de cotisation et, de facto, de niveau de pension pour Mayotte. Nous avons tous entendu, madame la députée, votre conviction légitime et votre volonté de faire en sorte que les retraités de Mayotte bénéficient d’une convergence effective, comme cela a été voté dans la loi du 11 août 2025 de programmation pour la refondation de Mayotte. L’amendement prévoit bien un décret spécifique à Mayotte pour que ces nouvelles trajectoires reflètent ce qui est fait pour le reste du pays. Vous serez évidemment associée à sa rédaction.
Votre deuxième intervention porte plutôt sur la réalité du montant actuel des pensions. Vous mentionnez les sous-amendements, malheureusement irrecevables, que vous avez présentés…
Mme Estelle Youssouffa
Vous pouvez les reprendre !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…pour augmenter les pensions de 300, 200 ou 150 euros, selon les versions.
Depuis la loi d’août 2025, un chantier est en cours. Des ordonnances sont en cours de rédaction – vous serez évidemment associée – pour aboutir à une convergence sur les salaires, sur les droits sociaux, sur le financement, et donc sur la réalité économique à Mayotte, afin que les plus de 3 000 retraités que vous défendez puissent effectivement voir leur niveau de vie augmenter.
L’engagement du gouvernement est total. Vous serez associée aux ordonnances relatives à la convergence et à la rédaction du décret relatif à la suspension de la réforme des retraites sur laquelle l’Assemblée est appelée à se prononcer aujourd’hui.
Au fond, ce qui est en jeu, c’est non seulement la convergence sociale, mais aussi le modèle économique de l’île : Mayotte doit disposer d’un financement et d’une activité solides – des salaires plus élevés assureront des droits sociaux plus élevés. Mais la solidarité nationale doit pleinement s’exercer au profit de Mayotte.
Mme Estelle Youssouffa
Pour Mayotte, c’est zéro, la tête à Toto ! Il n’y a rien !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Avis favorable à votre sous-amendement. La transparence doit être faite et la représentation nationale doit être pleinement informée.
Mme la présidente
Madame la rapporteure, vous aviez donné l’avis de la commisison sur l’amendement et vos sous-amendements mais pas sur les deux autres sous-amendements ?
Mme Sandrine Runel, rapporteure
S’agissant du sous-amendement no 2715 de Mme Rousseau, une clause de revoyure est déjà prévue : il s’agit des élections présidentielles de 2027. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Sandrine Rousseau
Non !
Mme Sandrine Runel, rapporteure
La suspension de la réforme des retraites qui sera soumise au vote aujourd’hui permet de décaler le rythme du calendrier de report de l’âge de départ à la retraite jusqu’au 1er janvier 2028. Aussi émettrai-je un avis de sagesse sur ce sous-amendement, qui n’a pas été examiné en commission. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Pour ce qui concerne le sous-amendement no 2708 de Mme Youssouffa, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon avaient été oubliées dans la rédaction de l’article 45 bis lors de son dépôt. En tant que rapporteure, j’ai veillé à ce que les futurs pensionnés de ces deux territoires puissent bénéficier des effets de la suspension de la réforme des retraites, comme le prévoit l’amendement du gouvernement. J’émettrai bien sûr un avis favorable à votre sous-amendement qui a pour objet une demande de rapport.
Mme Estelle Youssouffa
Merci, madame la rapporteure !
Mme la présidente
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
Le problème d’un débat dans lequel les amendements arrivent au dernier moment, c’est que le diable se niche dans les détails. Madame la ministre, monsieur le ministre, je voudrais que vous répondiez précisément à plusieurs questions relatives à l’amendement qui vient d’être déposé par le gouvernement.
Tout d’abord, dans la version initiale, vous évoquiez un coût pour les finances publiques de 100 millions d’euros l’année prochaine, alors que le décalage allait selon vous concerner 80 % d’une génération. Aujourd’hui, vous dites que vous allez compléter ce dispositif en incluant les personnes ayant effectué une carrière longue, qui représentent 20 % d’une génération, et que cette mesure représentera une dépense de 200 millions d’euros supplémentaires l’année prochaine. J’ai du mal à comprendre comment une mesure qui coûterait 100 millions alors qu’elle concerne 80 % de la population, en coûterait 200 millions pour les 20 % restants. Pourriez-vous nous apporter des précisions ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Ensuite, dans l’exposé sommaire de votre amendement, il est indiqué que pour des raisons techniques, l’intégration des carrières longues se ferait à partir du 1er septembre 2026. Quel est le pourcentage des personnes qui devaient bénéficier d’un départ anticipé, au titre du dispositif pour longues carrières, en 2026, qui seraient dès lors exclues du dispositif que vous proposez pour étendre le décalage ? (Mêmes mouvements.)
Enfin, le nombre de personnes qui pourraient profiter de ce décalage – 500 000 ou 600 000 – fait l’objet de débats.
Mme Sandrine Runel, rapporteure
600 000 !
M. Manuel Bompard
Je l’affirme devant l’Assemblée nationale : pas une seule personne ne profiterait de ce décalage s’il devait entrer en vigueur, pour une raison simple : si vous prévoyez 300 à 400 millions d’euros de dépenses supplémentaires en décalant l’âge de départ à la retraite, mais que dans le même temps, vous faites 2 milliards d’économies en sous-indexant les pensions de retraite pendant quatre ans, ou 2,3 milliards d’euros d’économies en doublant les franchises médicales, personne n’y gagnera – y compris ceux qui pourraient partir trois mois plus tôt à la retraite ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe LFI-NFP.) En vérité, ils paieront davantage parce qu’ils verront leurs pensions de retraite sous-indexées et leurs franchises médicales doublées.
Madame la ministre, monsieur le ministre, si vous voulez me contredire sur ce sujet, ne vous défilez pas ; faites une chose simple : prenez l’engagement devant l’Assemblée nationale, de ne pas doubler les franchises médicales, de ne pas sous-indexer les pensions de retraite et de ne pas faire payer les malades chroniques. Allez-y, faites-le ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Justine Gruet.
Mme Justine Gruet
Si l’amendement du gouvernement n’avait concerné que les carrières longues, nous l’aurions voté – nous avons conscience de l’importance de la prise en compte des durées de cotisation plus que de l’âge légal pivot, qui cristallise parfois les tensions. Cependant cet amendement ne concerne pas que les carrières longues : il ouvre à un public plus large la suspension de la réforme des retraites. Nous voterons donc contre l’amendement et contre tous les sous-amendements, sauf le sous-amendement no 2708 de Mme Youssouffa, car il nous apparaît essentiel de soutenir le combat qu’elle mène.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Thibault Bazin, rapporteur général
M. Bompard a posé les bonnes questions. (« Ah » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Ces questions, nous les avons posées à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) lors des auditions préparatoires. En effet, nous nous demandions pourquoi le coût pour les finances publiques était estimé à 100 millions alors que, dans son discours de politique générale, le premier ministre avait annoncé un coût de 400 millions.
En réalité, ce qui coûte le plus cher dans le décalage de la réforme des retraites, ce sont les départs anticipés. C’est un élément très important : leur intégration représenterait un coût supplémentaire de 200 millions. Ensuite, la Cnav retient certaines hypothèses comportementales :…
M. Fabien Di Filippo
Le départ anticipé d’Emmanuel Macron !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
…ce n’est pas parce qu’on gèle la durée d’assurance requise et l’âge légal que tous les assurés partiront à la retraite lorsque les conditions seront réunies. Par exemple, la part des hommes et des femmes qui ont recours au dispositif de départ anticipé n’est pas la même. Lorsque la Cnav nous avait transmis les hypothèses qu’elle avait retenues pour arriver à un chiffrage de 300 millions, j’avais moi-même été surpris que le coût soit si élevé. Ce qui coûte cher, ce sont les départs anticipés et les parcours de vie. Le chiffrage communiqué par le gouvernement est cohérent – je n’ai pas soutenu le gouvernement sur l’ensemble des articles. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
L’article 45 bis et l’amendement du gouvernement relatifs au décalage de la réforme des retraites sont quand même une reconnaissance – un aveu politique – de la faute commise par Emmanuel Macron et ses gouvernements successifs en imposant la réforme des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)
Ce décalage ne répare pas tout. Il atténue un peu les effets de la réforme : les personnes nées entre 1964 et 1968 pourront partir un peu plus tôt à la retraite. Si ce décalage intervient, c’est parce que pendant des mois, la gauche et les écologistes n’ont pas lâché et ont continué à poser la question de l’abrogation de la réforme des retraites. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et SOC.) Il aura fallu que nous nous battions, y compris pour obtenir cet amendement relatif aux carrières longues. C’est pour cela que nous voterons pour : il n’y a pas de raison de décaler l’application de la réforme sans intégrer les carrières longues dans ce décalage.
Monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les membres du gouvernement, vous n’avez pas répondu aux questions posées. Nous voulons supprimer l’article 44, qui arrive après l’article 45 bis relatif aux retraites. Nous supprimerons le gel des prestations sociales et la désindexation des pensions de retraite, c’est-à-dire la perte de pouvoir d’achat des retraités. Il est absolument hors de question qu’un décalage de trois mois soit financé par les retraités et par les plus fragiles d’entre nous. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)
Répondez : vous engagez-vous à ne pas financer la suspension de la réforme des retraites par la hausse des franchises médicales ? Nous avons besoin de réponses. Nous voterons pour l’amendement du gouvernement et pour l’article 45 bis qui prévoit un décalage de l’application de la réforme, mais nous le disons très clairement : cela ne réparera pas la faute et, finalement, la réforme des retraites sera abrogée. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
L’amendement du gouvernement permet d’embarquer tous ceux qui doivent être concernés par la suspension pleine et entière de la réforme des retraites, quelle que soit leur situation – je pense aux carrières longues – ou l’endroit où ils vivent – y compris à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, comme le prévoit l’amendement du gouvernement. C’est la raison pour laquelle – je vous le dis avec beaucoup de franchise –, je suis abasourdi devant les circonvolutions de certains à gauche, qui cherchent toutes les bonnes raisons pour ne pas voter ce qui constituera une avancée pour des centaines de milliers de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Jamais je n’aurais pensé voir quelqu’un à gauche invoquer des arguments sur le financement ou sur tel détail technique pour justifier un vote contre une avancée sociale que des syndicats eux-mêmes vous invitent à défendre en respectant le monde du travail ! (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes SOC, EPR et Dem. – Les exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NFP couvrent les propos de l’orateur jusqu’à la fin de son intervention.)
Vous en êtes réduits à demander au gouvernement de prendre l’engagement de ne pas doubler les franchises médicales et de ne pas désindexer les pensions ! Mes chers collègues, ce n’est pas au gouvernement de s’engager ! C’est à ce Parlement de légiférer. C’est la raison pour laquelle il nous fallait voter la partie sur les dépenses. Dans quelques minutes, nous allons légiférer pour refuser le gel des pensions et l’année blanche ! Ce n’est pas un engagement du gouvernement ; ce sera le vote souverain de cette assemblée ! (Les exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP se poursuivent.)
Plus tard dans la soirée, nous nous opposerons au doublement des franchises médicales ! Plutôt que d’invoquer des motifs fallacieux, reconnaissez qu’il s’agit d’une avancée pour des centaines de milliers de nos concitoyens. S’agissant du financement, oui, nous préserverons les plus faibles et le système d’assurance maladie, et nous refuserons le doublement des franchises médicales. Nous pouvons le faire parce que nous en débattons à l’instant présent, alors même qu’il y a quarante-huit heures, vous refusiez ce débat ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EPR et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Monsieur Bompard, on vous sent très gêné aux entournures face à un amendement au sujet duquel il se pourrait peut-être que les Insoumis se disent qu’il faudrait peut-être voter pour. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) S’agissant des carrières longues et des catégories actives, on vous a toujours entendu dire, comme beaucoup, qu’il fallait revenir sur les mesures.
M. Pierre Cordier
Elle a raison !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
L’amendement du gouvernement propose de revenir sur certaines mesures. (Mêmes mouvements.) Il est assez savoureux de vous avoir entendu dire que vous étiez contre, alors que vous avez peut-être des remords de l’être. (Mêmes mouvements.) Il est aussi assez savoureux de vous voir très engagé dans un débat que samedi, à 17 heures, vous ne vouliez pas avoir. Samedi à 17 heures, il ne fallait pas débattre. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC et HOR.) Il fallait rejeter la partie sur les recettes pour ne jamais parler des dépenses. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Enfin, il est tout aussi savoureux de vous entendre poser des questions sur des débats qui arriveront plus tard, nous demander à nous, les membres du gouvernement, de nous engager, alors que, je le répète, vous avez le pouvoir. Les amendements relatifs au gel des pensions viendront ensuite. C’est d’ailleurs pour cela que le gouvernement les a appelés par priorité. Les amendements relatifs aux méthodes de financement ont déjà été examinés ou ils le seront plus tard.
M. Aurélien Le Coq
Nous voulons des réponses aux questions !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ensuite, s’agissant du financement, vous avez entendu les réponses qui vous ont été faites. Ce ne sont pas 80 % des Français qui bénéficieront de la suspension du report de l’âge de la retraite, puisque beaucoup d’entre eux n’ont pas prévu de partir à la retraite à 62 ans et 9 mois ou à 63 ans. L’article 45 bis ne bénéficiera qu’à ceux qui décideront d’y avoir recours, or ces derniers sont loin de représenter 100 % d’une génération. En revanche, les personnes ayant eu une carrière longue ou relevant des catégories dites actives et super actives, en bénéficieront dans leur immense majorité, pour ne pas dire à 100 %. (Mêmes mouvements.)
Il est savoureux en tout cas de voir les Insoumis s’évertuer à crier très fort dans un débat qu’ils ne voulaient pas avoir il y a encore quarante-huit heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Je remercie M. le rapporteur général pour la précision et la qualité des travaux de la commission des affaires sociales. Celle-ci a évalué de manière très précise les chiffres présentés dans l’amendement du gouvernement. Ce travail technique est important pour disposer de faits et de chiffres établis et vérifiés par la commission.
Permettez-moi, en tant que novice, d’être un peu surpris de voir certains groupes politiques rejoindre le discours du patron du Medef – je voulais partager avec vous mon rapport d’étonnement au début de mon travail de ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Je ne voudrais pas que nous avancions dans ce débat sans que des réponses très précises n’aient été apportées à certaines questions, en particulier celle relative aux modes de financement – je me tourne vers le gouvernement. (« Ah » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Je ne voudrais pas que cette journée se transforme en journée des dupes (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe HOR) et que sous couvert d’avancées sociales, on fragilise notre modèle social.
La question du financement appelle des réponses précises. Le texte initial prévoyait dans la partie relative aux recettes une cotisation sur les mutuelles, qui a été supprimée. Il prévoyait par ailleurs une sous-indexation des retraites, dont les supporters de la mesure que nous nous apprêtons à adopter nous disent qu’ils ne veulent pas.
Quel est, aujourd’hui, le financement de cette mesure ? S’il n’y en a pas, alors c’est le déficit. Permettez-moi de remettre ce mot dans le débat, parce qu’il est important, car le déficit de nos comptes sociaux signifie la fragilisation de notre modèle social. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Je veux bien qu’on se gave de mots, qu’on parle d’avancée sociale, mais à quel prix, à quel coût ? Les avancées sociales à crédit sur les générations futures pour financer un modèle social asphyxié, c’est facile, ça ne coûte pas cher, mais ça coûtera cher aux générations qui nous suivront. (Mêmes mouvements.)
Soyons précis sur le financement, car il doit y en avoir un. Évitons cette douce impression de facilité pour que cette journée ne soit pas une journée des dupes. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Runel, rapporteure.
Mme Sandrine Runel, rapporteure
Effectivement, c’est important de revenir sur la question du financement de la suspension de la réforme pour 2026 et 2027, mais, évidemment, monsieur le président, je vais m’inscrire en faux contre vos propos.
À ce moment du débat, le gouvernement n’a pas fléché de financement très précis. Dans le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale, il était prévu de faire payer la suspension de la réforme par les retraités eux-mêmes par le gel des pensions, puis de taxer les mutuelles. La commission des affaires sociales a réussi à faire sauter ces deux mesures injustes et austéritaires, comme l’était le projet initial de budget de la sécurité sociale dans son ensemble.
Nous avons les moyens de financer cette suspension grâce au vote de l’augmentation de la CSG – contribution sociale généralisée – sur le patrimoine. Elle rapportera 2,7 milliards. La suspension ne creusera donc pas le déficit. Il n’y a pas de volonté de notre part de la faire payer par les retraités. Il est important de le dire au moment où nous allons voter et je souhaite que nous adoptions l’amendement. Il n’y a pas de faux débat et il n’y a pas de dupes. Le gouvernement a modifié sa lettre rectificative pour élargir les bénéficiaires de la suspension. La Cnav nous l’a dit : plus de 700 000 personnes en bénéficieront. Cela représente 300 millions pour l’année 2026, que nous pourrons financer avec la CSG sur le patrimoine. (Applaudissement sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre. Je vous prie d’être bref, car j’ai dû refuser la parole à de nombreux parlementaires.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Je suis désolé, madame la présidente, mais je voulais répondre au président Valletoux, qui a interpellé le gouvernement pour lui dire que le travail n’est pas terminé. La navette parlementaire fera son œuvre et c’est vous qui déciderez, pas le gouvernement. Ce sont bien les parlementaires qui décideront à la fin du budget de la sécurité sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Comme vous, je suis préoccupé. Les chiffres sont connus. La partie recettes a été votée avec un déficit d’un peu plus de 20 milliards, alors que nous voulions terminer à 17,5 milliards. Nous n’en prenons pas le chemin. Il nous faudra donc être très attentifs à la fin de la partie dépenses pour retrouver des équilibres. Le gouvernement sera très attentif aux comptes. (M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit.)
(Le sous-amendement no 2696 est adopté.)
(Le sous-amendement no 2697 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 2715.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 466
Nombre de suffrages exprimés 209
Majorité absolue 105
Pour l’adoption 102
Contre 107
(Le sous-amendement no 2715 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 2708.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 470
Nombre de suffrages exprimés 425
Majorité absolue 213
Pour l’adoption 414
Contre 11
(Le sous-amendement no 2708 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2686, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 469
Nombre de suffrages exprimés 358
Majorité absolue 180
Pour l’adoption 250
Contre 108
(L’amendement no 2686, tel qu’il a été sous-amendé, est adopté ; en conséquence, les amendements nos 1240, 2687, 2692, 2691, 2690 de M. Aurélien Pradié et 2377 de Mme Sandrine Runel tombent.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Ray, pour soutenir l’amendement no 2536.
M. Nicolas Ray
Il est simple : nous proposons de ne pas suspendre l’allongement de la durée de cotisation, une mesure de bon sens prévue par la réforme Borne, mais aussi par la réforme Touraine.
Autant le décalage de l’âge de la retraite à 64 ans a fait l’objet de nombreuses contestations, notamment à propos de ses conséquences sur les carrières longues de ceux qui ont commencé à travailler tôt, sur les métiers pénibles ou sur la carrière des mères de famille, autant l’allongement de la durée de cotisation à quarante-trois années a fait l’objet d’un consensus auprès des personnes responsables, qui souhaitent sauver notre régime de retraite. Cette mesure a été soutenue par les syndicats réformistes, car ils comprennent que la dégradation du ratio entre actifs et retraités et l’allongement de la durée de la retraite nécessitent de prendre certaines mesures.
Plutôt que de suspendre toute la réforme et ainsi jeter le bébé avec l’eau du bain, cet amendement propose de ne pas suspendre l’allongement de la durée de cotisation à quarante-trois années, qui est inéluctable si nous voulons sauver notre régime par répartition. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Runel, rapporteure
Votre amendement est une fausse bonne idée car, en supprimant les alinéas 13 à 15, vous supprimez l’abaissement de la durée requise pour une retraite à taux plein et instaurez ainsi deux régimes assez différents, avec un âge légal pour les assurés du régime général et un autre pour les fonctionnaires. Cela manque de cohérence.
Sur le fond, vous indiquez que la baisse de la durée d’assurance requise pour le taux plein accroît la pression financière sur le système de retraite, mais nous l’avons déjà largement allégé par l’augmentation de la CSG sur le patrimoine. Plutôt que de ne faire contribuer que les travailleurs, nous avons fait un choix de justice fiscale en mettant davantage à contribution les revenus du patrimoine, qu’il s’agisse des revenus fonciers ou des dividendes et des contrats de capitalisation.
J’émets un avis défavorable à cet amendement, que la commission n’a pas pu étudier.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Le débat de fond que vous soulevez est un débat majeur. L’âge de départ et la durée de cotisation sont au cœur de la réflexion sur la survie de notre régime par répartition.
Toutefois, dans le contexte qui est le nôtre et compte tenu des objectifs de stabilité et de donner le temps au dialogue social et au débat politique sur l’avenir des retraites, je souhaite garder l’intégralité de l’amendement du gouvernement.
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Thibault Bazin, rapporteur général
La question posée par notre collègue Ray – faut-il privilégier l’âge ou la durée ? – est récurrente dans les débats sur la retraite. Certains proposent d’aller vers un système de liberté, mais, ce qui compte, c’est de savoir combien on touchera au moment de la retraite.
Vous n’évoquez pas la réforme de 2023, mais la réforme Touraine, décidée sous le quinquennat François Hollande, qui a allongé la durée de cotisation à quarante-trois annuités. Il ne faut pas faire croire que la réforme de 2023 est revenue dessus.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
La question de la durée de cotisation est une question de justice sociale pour tous ceux qui travaillent et une question de solidarité intergénérationnelle, parce qu’il ne faut pas mentir aux générations futures. Si nous voulons que celles-ci croient à nouveau dans notre système de répartition, les règles doivent être les mêmes pour toutes les générations.
La piste que vous proposez n’est pas inintéressante. C’est elle qui serait la plus efficace budgétairement à court terme. Je crois que Mme la ministre ne nous contredira pas.
Mme la présidente
Sur cet amendement, je ne vais pas donner la parole à un orateur par groupe.
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Nous voterons évidemment contre cet amendement, car il ne répond pas à la question posée depuis quelques minutes, en fait depuis quelques semaines, voire quelques années dans ce pays : comment le projet de décalage du départ à la retraite à 64 ans sera-t-il financé ?
Nous avons déjà posé cette question, qui est simple, à cinq ou six reprises. Si besoin, nous la reposerons sept, huit, neuf ou dix fois. Nous avons déjà entendu quatre hypothèses, qui ont été mises sur la table depuis le début du débat : hypothèse du gel des pensions, où ce sont les retraités d’aujourd’hui qui paient pour les retraités de demain ; hypothèse des franchises médicales, dont nous avons parlé en commission, où ce sont les malades qui paient ; hypothèse de la division par trois de l’indemnisation des affections de longue durée (ALD) où ce sont les malades chroniques qui payent ; hypothèse de la taxe sur les mutuelles où ce sont les assurés qui paient, par l’intermédiaire de cotisations plus élevées.
Ma question est simple : à qui allez-vous faire les poches ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Avec cet amendement, nous sommes au cœur du débat. Il pose en effet une question principielle, qui sera ouverte à la discussion entre les partenaires sociaux dans le cadre de la conférence sur le travail et les retraites, organisée par mon collègue Jean-Pierre Farandou.
Cette question est la suivante : faut-il conserver un âge d’ouverture des droits ou préférer uniquement des paramètres de durée de cotisation ? La proposition du président Gabriel Attal apporte un nouvel équilibre. Ces débats sont fondamentaux. Je rappelle que l’âge d’ouverture des droits permet d’éviter que certaines personnes, qui souhaitent s’arrêter de travailler plus tôt, s’exposent délibérément à une importante décote et donc reçoivent des pensions beaucoup plus faibles.
C’est un vrai sujet et c’est aussi pour cela que la réforme est suspendue. Le gouvernement compte bien utiliser le temps de cette suspension pour faciliter la négociation et les réflexions structurelles.
Je voudrais répondre aux députés insoumis, qui font mine de s’interroger pour justifier leur vote contre, ce qui vous place dans une position politique très particulière. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Au vu de vos votes, on a du mal à comprendre ce que vous êtes en train de faire.
Vous posez la question du financement de la suspension. Je dois évoquer la situation politique. Le gouvernement a renoncé au 49.3. Vous êtes donc souverains et le texte suivra son cours dans le cadre de la navette, avec une deuxième lecture et le, cas échéant, une CMP – commission mixte paritaire – conclusive ou non. Ce sont les règles du jeu de la démocratie. Tout le monde les connaît.
M. Aurélien Le Coq
Et les ordonnances ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le gouvernement a proposé une solution de financement en 2026.
Mme Danièle Obono
Bla bla bla !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je ne suis pas gênée du tout. Je vous explique ce qu’il y a dans le projet du gouvernement : taxe sur les complémentaires en 2026, sous-indexation renforcée en 2027. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Aurélien Le Coq
Là, c’est clair !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Si la majorité des députés ne souhaitent pas que la suspension soit financée ainsi, vous pouvez voter les amendements à l’article suivant et vous avez déjà mis ce sujet dans la navette en votant une augmentation de la CSG sur le capital. Vous avez fait des choix souverains. Nous avons renoncé au 49.3, je ne suis donc pas celle qu’il faut interroger sur le financement de la suspension de la réforme.
M. Hadrien Clouet
Vous n’apportez pas de réponses !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Monsieur le député, mentir et dire des choses erronées ne contribue pas au débat. Il n’a jamais été question de diviser par trois les indemnités des personnes en affection de longue durée. Jamais. Ce n’est nulle part dans le budget. Aucun Français ne le verra. Nous pouvons bien sûr nous opposer, mais, au minimum, il faut le faire sur la base de faits, d’amendements et de votes et pas en faisant croire aux Français en des choses qui n’arriveront pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Pradié.
M. Aurélien Pradié
Madame la ministre, monsieur le ministre, vous ne devriez pas, quelles que soient les positions politiques des uns et des autres, balayer d’un revers de main les questions techniques qui vous sont posées. Lors du dernier débat de la réforme des retraites, nous avons passé de très longues journées à examiner la moindre virgule, parce que cette réforme a des conséquences sur la vie de nos concitoyens. Il faut donc que vous éclaircissiez deux points qui faisaient l’objet des amendements qui viennent de tomber.
Notre devoir est de faire preuve d’une extrême lucidité, en méprisant tout autant les circonvolutions de ceux qui voudraient justifier un vote contre, que celles des défenseurs à tout prix d’un vote pour.
Pouvez-vous affirmer, devant cette assemblée, que toutes les générations éligibles à une retraite anticipée pour carrière longue bénéficieront de trois mois de moins de cotisations, quels que soient leur trimestre et leur année de naissance ? Vous avez dit qu’une majorité d’entre eux bénéficieraient de ces trois mois. C’est beaucoup, trois mois, dans une carrière longue. Pouvez-vous nous assurer que personne ne passera à la trappe ? La rédaction de votre amendement n’est pas claire, comme le soulignent aussi les organisations syndicales.
Enfin, la mesure de suspension a été réintroduite par une lettre rectificative au projet de loi initiale du gouvernement. Or, dans l’hypothèse d’une adoption par ordonnances – qui n’est pas à exclure – les amendements votés n’auront pas la force de votre lettre rectificative. Dans ce cas, pouvez-vous nous dire ce qu’il advient des carrières longues, et pourquoi le gouvernement, dans sa lettre rectificative, ne les a pas incluses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour un rappel au règlement.
M. Hadrien Clouet
Sur le fondement de l’article 70 concernant la mise en cause personnelle. Je suis désolé de devoir rappeler à madame la ministre que l’article 29 du PLFSS réduit de 1095 à 365 euros – soit une division par trois – l’indemnisation maximum des ALD non exonérantes. Les personnes qui nous écoutent et souffrent d’arthrose, d’un glaucome, de diabète ou d’épilepsie seront concernées.
M. Philippe Gosselin
Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Hadrien Clouet
Votre PLFSS comporte bel et bien une division par trois de l’indemnisation maximum. Apprenez le projet et travaillez-le avant d’en parler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
(L’amendement no 2536 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 45 bis.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 505
Nombre de suffrages exprimés 401
Majorité absolue 201
Pour l’adoption 255
Contre 146
(L’article 45 bis est adopté.)
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------