Troisième séance du jeudi 06 novembre 2025
- Présidence de M. Christophe Blanchet
- 1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
- Deuxième partie (suite)
- Après l’article 8 (suite)
- Amendement no 861
- M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales
- M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités
- Amendements nos 862, 867, 868, 276, 2490, 186, 859, 865, 864, 866, 869, 2090 et 2097
- Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics
- Amendements nos 231, 1279, 2007, 1354, 2008, 367, 271, 300, 301, 270, 870, 2464, 2422, 258, 871 et 257
- Rappel au règlement
- Après l’article 8 (suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 8 (suite)
- Après l’article 8 (suite)
- Deuxième partie (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Christophe Blanchet
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nos 1907 et 1999, 2057, 2049).
Deuxième partie (suite)
M. le président
Cet après-midi, l’Assemblée nationale a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement no 861 portant article additionnel après l’article 8.
Après l’article 8 (suite)
M. le président
L’amendement no 861 de M. Damien Maudet est défendu.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.
M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales
Défavorable.
M. le président
La parole est à M. le ministre du travail et des solidarités, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités
Défavorable.
(L’amendement no 861 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 862 de Mme Ségolène Amiot est défendu.
(L’amendement no 862, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 867, 868, 276, 2490, 186, 859, 865, 864, 866, 869, 2090 et 2097, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l’amendement no 867.
Mme Ségolène Amiot
Ce soir, nous allons vous parler d’ArcelorMittal, de LVMH, d’Arkema, de Vencorex, de Casino et des 380 plans sociaux – dont 159 homologués par l’administration – qui ont eu lieu au premier trimestre 2025. Notre amendement propose que ces entreprises, qui ont déployé des plans de suppressions d’emplois tout en versant des dividendes à leurs actionnaires la même année, remboursent les exonérations dont elles ont bénéficié. Nous refusons de financer par nos impôts, ou par ce qui aurait dû constituer des recettes pour l’État, les plans sociaux de ces entreprises qui avaient suffisamment d’argent pour rémunérer les actionnaires. S’il y en a pour les actionnaires, il doit y en avoir aussi – et surtout – pour les salariés ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Louis Boyard, pour soutenir l’amendement no 868.
M. Louis Boyard
On ne se pose pas assez souvent cette question dans notre assemblée : allons-nous réussir à respecter l’accord de Paris sur le climat ? Allons-nous réussir à ne pas dépasser 1,5 oC d’augmentation de la température par rapport aux niveaux préindustriels ? Je vous informe : nous n’y arriverons pas. Structurellement, nous dépassons déjà ce plafond.
M. Jean-Pierre Vigier
On va y arriver, vous parlez pour ne rien dire !
M. Louis Boyard
Chers collègues macronistes, Donald Trump étant déjà sorti de l’accord de Paris, ne croyez pas que nous allons y parvenir ! Alors que vous deviez baisser les émissions de gaz à effet de serre de 5 % par an, elles ne baissent que de 1 %. Si j’étais vous, je baisserais donc d’un ton sur le sujet.
Nous proposons de conditionner l’octroi d’aides publiques au respect de normes environnementales. Alors que notre société doit opérer des transformations profondes, je trouve aberrant que des entreprises qui ne respectent pas l’impératif écologique – l’impératif du siècle – perçoivent de l’argent public. Plusieurs rapports indiquent que les exonérations de cotisations sociales et les aides publiques n’ont pas d’effet sur l’emploi. Si, de surcroît, elles ne permettent pas d’exiger que les entreprises respectent la planète et les droits humains, où allons-nous ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet, pour soutenir les amendements nos 276 et 2490, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Yannick Monnet
Je ne désespère pas de vous convaincre et de vous placer devant vos contradictions ! Tout à l’heure, un collègue m’a demandé où je travaillais auparavant. Ce n’était pas, il est vrai, dans des entreprises, mais surtout dans le secteur associatif, en tant que travailleur social. Or, je peux en témoigner, aucun financeur public ne verserait des subventions à une association sans lui demander des comptes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR et LFI-NFP.) Cela n’existe pas ! Quand on octroie une subvention ou un avantage à une association, c’est pour financer tel ou tel poste et on vérifie quel usage est fait de cet argent – avec plus ou moins de rigueur, certes, mais on ne donne jamais d’argent public sans fixer des conditions. En matière de gestion publique, il est irresponsable d’octroyer des avantages à une entreprise sans imposer un minimum d’exigences. C’est de l’argent public, c’est notre argent ! (Mme Karine Lebon applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour soutenir l’amendement no 186.
Mme Sandrine Rousseau
Cet amendement a été déposé par mon collègue Sébastien Peytavie pour conditionner le bénéfice de l’allègement des cotisations patronales au respect d’indicateurs relatifs à l’accessibilité de l’environnement et du poste de travail, ainsi qu’au respect de l’obligation d’emploi de personnes en situation de handicap. Il est extrêmement important de le voter !
M. le président
L’amendement no 859 de Mme Ségolène Amiot est défendu.
La parole est à M. Bérenger Cernon, pour soutenir l’amendement no 865.
M. Bérenger Cernon
Depuis trente ans, les politiques d’exonération de cotisations sociales que vous menez ont enfermé notre pays dans une trappe à bas salaires. On subventionne massivement les emplois payés au smic, mais on n’encourage jamais la progression salariale. Les dernières annonces concernant la remise en cause du fameux GVT, glissement vieillesse technicité, sont scandaleuses. J’espère, d’ailleurs, monsieur le ministre du travail et des solidarités, que vous le défendrez aussi chèrement que vous l’avez défendu en tant que président de la SNCF !
Le résultat de ces exonérations, ce sont des millions de travailleuses et de travailleurs qui restent bloqués au même niveau de salaire toute leur vie. En effet, un employeur a tout intérêt à maintenir les salaires au plancher, en limitant les augmentations, afin de ne pas les perdre. Cet amendement propose donc une mesure de bon sens : retirer les exonérations aux entreprises qui maintiennent leurs salariés au smic plus de deux ans.
Si une entreprise ne valorise jamais ses salariés, pourquoi continuer à la subventionner avec de l’argent public ? Nous voulons enrayer le plancher collant du smic, redonner de la mobilité salariale et faire en sorte que le travail paie vraiment. Vivre dignement de son travail, c’est le minimum ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Damien Maudet, pour soutenir l’amendement no 864.
M. Damien Maudet
« Je ne prends plus la voiture, par angoisse de la panne, car il faut encaisser les réparations. Même en CDI, c’est devenu compliqué. » Le témoignage de Mathieu, chauffeur de bus à Ambazac, est révélateur d’une réalité qui traverse tout le pays.
Avec cet amendement, nous lançons un appel à l’indexation des salaires sur l’inflation. Depuis les années 1980, les travailleurs se sont appauvris sous l’effet du transfert de 10 % de la richesse créée – 150 milliards d’euros par an – des salaires vers les dividendes rémunérant le capital. Certains pays européens imposent déjà l’indexation des salaires sur l’inflation afin de limiter cet effet. Nous vous proposons de les imiter pour ne pas continuer à gaver le capital. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 866.
M. Hadrien Clouet
Dans une branche, les entreprises doivent se soumettre à l’obligation légale de négocier tous les cinq ans la révision des classifications, soit la définition des différentes catégories de salariés et du salaire minimum conventionnel appliqué à chacune. Comme nous sommes le parti de la négociation, nous pensons qu’on négocie mieux quand un terme et des conditions sont posés. Quand une négociation a lieu, on fixe généralement un délai. Mais ce n’est pas le cas avec le patronat. En lien avec les syndicats, nous pensons donc que, pour que les négociations aient lieu de manière saine et constructive, il faut y subordonner les exonérations. Cette mesure me semblant aller de soi, j’imagine qu’elle sera adoptée à l’unanimité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 869.
M. Hadrien Clouet
Il propose d’imposer des conditions plus contraignantes, dans le cadre de leur branche, aux entreprises qui bénéficient d’exonérations de cotisations sociales. Il s’agit de promouvoir une forme de démocratie sociale et industrielle en conditionnant le bénéfice des exonérations à la présence minimale d’un tiers de représentants des salariés au sein des instances de décision et de gestion des entreprises, comme le préconisent les syndicats au niveau européen.
Les exonérations de cotisations sociales sont ainsi subordonnées à la présence des salariés dans les conseils d’administration et donc à la mise en discussion collective des grandes orientations de l’entreprise : qualifications, emploi, inscription dans les territoires. Ces exonérations pourraient ainsi être un outil de planification démocratique permettant aux salariés d’exprimer leur avis sur toutes ces questions, plutôt que le chèque en blanc qu’elles sont aujourd’hui. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 2090.
M. Loïc Prud’homme
Cet amendement relève de l’évidence sociale et sanitaire puisqu’il vise à mettre fin aux exonérations fiscales dont bénéficient les entreprises qui produisent de la malbouffe. Le coût des dégâts sanitaires provoqués par ces entreprises – puisque vous êtes attachés aux équilibres budgétaires – est évalué à 60 milliards d’euros par an dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire que j’ai eu le plaisir de présider.
L’État paie deux fois : les exonérations fiscales, puis le coût de la réparation sanitaire, sachant que l’on fait face à une hausse de l’obésité, du diabète et des cancers directement liée à la consommation de malbouffe, majoritaire dans nos rations alimentaires. Cet amendement propose de conditionner les exonérations fiscales au respect des taux de sel, de sucre et d’acides gras recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 2097.
M. Loïc Prud’homme
Cet amendement porte sur la même thématique. Il vise à cibler les entreprises qui produisent des aliments ultratransformés, lesquels ont un coût sanitaire et social exorbitant. Un rapport de l’Unicef a souligné, il y a quelques semaines, que la prévalence de l’obésité était devenue la première cause mondiale des maladies infantiles, devant la malnutrition, en raison de ces aliments. Le monde – et notre pays n’y échappe pas – succombe à l’excès et à l’alimentation ultratransformée plutôt qu’à la malnutrition.
Pour maintenir les équilibres budgétaires, il est nécessaire de conditionner les exonérations fiscales afin d’inciter ces entreprises à réorienter leur production et à réviser leurs recettes, au lieu de réparer a posteriori 50 à 60 milliards d’euros de dégâts sanitaires. D’autant que les chiffres progressent : 48,8 % de la population française est désormais en situation de surpoids ou d’obésité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Vous avez évoqué de nombreux de sujets ; quant à moi, je me limiterai à vos amendements. Monsieur Monnet, je vous rejoins sur la conditionnalité. Quand des entreprises bénéficient de subventions, notamment d’aides à l’investissement, des conditions doivent s’appliquer. Dans le cadre du plan de relance, des conditions ont d’ailleurs été imposées, notamment sur l’égalité hommes-femmes, mesurée par des indicateurs.
Je ne conçois pas les allègements généraux comme des subventions. D’ailleurs, il n’y en a pas s’il n’y a pas de salaires versés à des salariés qui, d’une certaine manière, en ont bénéficié.
Certains amendements tendent à conditionner ces allègements, mais c’est oublier qu’ils sont déjà assortis de conditions : en premier lieu, ne pas se livrer au travail illégal ; ensuite, convoquer des négociations annuelles obligatoires (NAO), dont je pense qu’il faut améliorer l’organisation.
Il se trouve que je me suis intéressé à ce qui avait guidé le choix du législateur, lors de l’examen de la loi du 3 décembre 2008, dite loi en faveur des revenus du travail. Son rapporteur, Gérard Cherpion, un député d’une circonscription vosgienne voisine de la mienne, spécialiste des questions de travail et très attaché au dialogue social, écrivait dans son rapport que « lier le bénéfice des allégements généraux à la conclusion d’une négociation présenterait deux inconvénients fondamentaux : le risque, en privant d’une partie du bénéfice des allègements les entreprises qui connaissent des difficultés, d’aggraver ces difficultés qui constituent précisément l’une des raisons pour lesquelles elles ne sont pas en mesure d’offrir davantage en termes de salaires ; une obligation de conclure qui paraît difficilement compatible avec les principes de liberté et d’autonomie des partenaires sociaux. » Ces deux raisons, que j’ignorais, me paraissent intéressantes lorsqu’il est question de conditionnement.
Venons-en à des réponses plus spécifiques sur chaque amendement. L’amendement no 865 tend à suspendre les bénéfices des exonérations de cotisations sociales pour les entreprises qui maintiennent la rémunération d’au moins un de leur salarié au niveau du smic pendant plus de deux années consécutives. Que dirons-nous à l’agriculteur ou à l’artisan qui travaillent parfois à perte ou pour de très petites marges et qui ne peuvent pas augmenter leurs salariés ? Cette mesure ne me semble pas adaptée à la réalité de la vie économique.
L’amendement no 864 tend à supprimer le bénéfice de la réduction générale pour les entreprises qui augmentent les salaires à un taux inférieur à celui de l’inflation. Les entreprises connaissent parfois des situations très différentes : la réalité économique des entreprises, des secteurs, des territoires peut varier. Cette mesure ne permettrait pas forcément d’augmenter les salaires et coûterait plus qu’elle ne rapporterait aux finances publiques si elle générait des destructions d’emploi.
L’amendement no 866 vise à supprimer le bénéfice des exonérations de cotisations sociales patronales aux entreprises des branches dont les classifications professionnelles n’ont pas été révisées pendant cinq ans. Vous ne manquez pas d’imagination !
M. Hadrien Clouet
Eh oui !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Vous voulez pénaliser les entreprises, mais elles ne sont peut-être pour rien dans le fait que leur branche n’a pas rempli ses obligations. Ce serait les rendre responsables du fait d’autrui et les sanctionner lourdement. Une entreprise peut avoir des pratiques vertueuses, quand bien même sa branche n’a pas actualisé ses classifications professionnelles : la sanctionner serait injuste ; or je sais que vous combattez l’injustice !
L’amendement no 869 tend à conditionner les allègements généraux au respect d’un seuil de représentation des salariés dans les conseils d’administration et dans les comités spécialisés des entreprises – là encore, vous faites preuve de beaucoup d’imagination ! Nous débattons du budget de la sécurité sociale : occupons-nous donc du budget de la sécurité sociale ! L’organisation de la représentation du personnel relève davantage du droit du travail et je ne suis pas certain de la pertinence qu’il y a à l’aborder à travers la question des cotisations sociales.
Enfin, les amendements nos 2090 et 2097 tendent à conditionner les allègements généraux au respect de normes alimentaires. Je doute fort qu’il soit possible d’appliquer les deux mesures proposées, même si je suis convaincu de l’importance d’une alimentation saine et de qualité : la charge que représentera pour l’Urssaf la vérification du respect des critères vagues que vous mentionnez me paraît excéder de très loin l’économie qui pourrait en résulter.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces amendements, dont je précise que la commission ne les a pas examinés.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Ces amendements en discussion commune visent, selon des modalités différentes, à modifier les conditions d’application des exonérations de cotisations sociales et à les utiliser plus ou moins directement comme moyens de pression sur les entreprises.
Je rappelle que les réductions et les exonérations de cotisations sociales ne sont pas des outils pertinents pour agir dans les différents domaines de régulation identifiés par vos amendements. Ce qu’elles doivent réguler, c’est le coût du travail, notamment les salaires de base dans les entreprises, dont on connaît le rôle important sur le niveau d’emploi.
Les exonérations générales sont l’un des principaux leviers d’abaissement du coût du travail en France – elles ont été conçues pour cela. En outre, elles offrent aux employeurs une vision claire de l’évolution de leur masse salariale ; or la notion de prévisibilité est importante quand on dirige une entreprise. Elles permettent aussi aux entreprises de qualifier le coût d’une embauche ou d’une augmentation de salaire.
Les exonérations générales visent à favoriser l’insertion dans l’emploi en réduisant le coût du travail pour les bas salaires et en limitant le frein à l’embauche que représente le niveau des cotisations. Et elles y parviennent, tous les rapports le disent !
Les conditions auxquelles ces amendements visent à soumettre les exonérations sont assez imprécises, notamment en matière environnementale – tout est renvoyé à des décrets. Pour la plupart, ces conditions sont impossibles à satisfaire, à prouver ou à contrôler, quand elles ne sont pas contraires au principe d’égalité. Le rapporteur général l’a rappelé, il est par exemple impossible de sanctionner une entreprise au motif que la branche dont elle relève n’aurait pas relevé ses minimums conventionnels, puisque l’entreprise ne serait pas responsable de la situation.
Nous sommes opposés à des mesures qui viendraient remettre en cause a posteriori les exonérations, ce qui affecterait davantage la prévisibilité et mettrait en danger les entreprises. Une entreprise qui doit appliquer un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est par définition en difficulté : lui réclamer le remboursement des exonérations dont elle a bénéficié ne ferait qu’aggraver sa situation.
Au total, je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements.
M. le président
Sur ces douze amendements en discussion commune, je donnerai la parole à deux députés pour et à deux députés contre.
La parole est à Mme Karine Lebon.
Mme Karine Lebon
Vous me faites parfois penser à ma fille de 2 ans. En ce moment, elle découvre les formes : elle prend un cube et essaie de le faire entrer dans un trou de forme ronde, mais constate que le cube n’y entre pas. (Applaudissement et rires sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Elle s’énerve, elle tape, puis comprend qu’il faut changer de stratégie. Ça marche, quand on change de stratégie ! (Sourires.)
Vous, vous êtes au pouvoir depuis 2017. Comme vous appliquez toujours la même stratégie, vous obtenez les mêmes résultats : toujours plus de suppressions d’emploi, malgré les 211 milliards d’euros d’aides accordées sans contrepartie aux entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.) Si je peux me permettre un conseil, faites comme ma fille de 2 ans : changez de stratégie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.)
M. Charles Sitzenstuhl
C’était limite, quand même…
M. le président
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
Chers collègues de gauche, à défaut de pouvoir augmenter l’ensemble des contributions et des cotisations sociales, à défaut de pouvoir supprimer l’ensemble des exonérations de charges, vous voulez soumettre les entreprises en leur imposant des conditions. Ces amendements en sont la preuve ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Vous invoquez des dizaines de raisons à l’établissement de ces conditions, mais, en fait, vous ajoutez des contraintes pour les entreprises. Pourquoi leur en vouloir autant ? Je vous le dis comme je le pense : laissez les entreprises produire et créer des emplois ! Laissez-les vivre ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Loïc Prud’homme.
M. Loïc Prud’homme
Depuis le début de la journée et encore plus depuis le début de l’examen de ces amendements, j’ai l’impression, madame la ministre, monsieur le ministre, que vous êtes la double réincarnation de Margaret Thatcher. Vous nous dites que votre stratégie économique n’a pas d’alternative, mais, en réalité, il est moins question de votre stratégie que de votre idéologie dans la lutte des classes.
M. Philippe Vigier
C’est une mise en cause personnelle !
M. Loïc Prud’homme
En repoussant les amendements que j’ai signés, vous choisissez la cupidité plutôt que la protection de la santé, voire de la vie, de nos concitoyens. Ce dont on se rend compte d’une manière assez éclatante en cet instant, c’est que votre cynisme est sans limites et qu’il est alimenté par votre cupidité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Élisa Martin
Bravo !
M. le président
La parole est à Mme la ministre de l’action et des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics
J’ai un seul point commun avec Margaret Thatcher : elle a eu des jumeaux et moi aussi ! (Sourires.) Margaret Thatcher affirmait qu’il n’y avait pas d’alternative, alors que nous vous en proposons une : le renoncement à l’application du 49.3 rend à cette assemblée un pouvoir souverain de décision. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) En outre, Margaret Thatcher n’était pas première ministre d’un pays qui consacrait 32 % de son PIB aux dépenses sociales. Margaret Thatcher privatisait de nombreux services qui sont restés publics en France. Margaret Thatcher ne composait pas avec une entreprise équivalente à la SNCF – que Jean-Pierre Farandou a dirigée avec beaucoup d’ambition pendant plusieurs années – puisqu’elle a privatisé le rail anglais. Margaret Thatcher a surtout exprimé une vision personnelle de son propre pays.
Nous, nous sommes en France, nous faisons nos choix et nous avons notre modèle social ! Les Britanniques n’ont jamais eu le Conseil national de la Résistance, ils n’ont jamais eu la sécurité sociale. Ils doivent relever leurs défis, nous devons relever les nôtres. Ne tombons pas dans la caricature, je vous remercie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Voilà une bonne nouvelle ! À en croire nos collègues, il n’y aura plus aucune loi à préparer pour la France une fois le budget voté – si nous y arrivons : tout sera dans la loi budgétaire !
En réalité, les mesures que vous venez de défendre dans ces amendements n’ont rien à faire dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elles relèvent d’autres lois. Ce n’est pas l’outil fiscal qui protège la santé de nos concitoyens et ce n’est pas l’outil fiscal qui fait de la diététique. Plus tôt, certains ont évoqué le cas de personnes dont la responsabilité pénale était engagée et proposé de les condamner avec un outil fiscal. Arrêtez ! Notre travail est simplement d’élaborer une loi fiscale. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 867.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 157
Nombre de suffrages exprimés 157
Majorité absolue 79
Pour l’adoption 64
Contre 93
(L’amendement no 867 n’est pas adopté.)
(Les amendements nos 868, 276, 2490, 186, 859, 865, 864, 866, 869, 2090 et 2097, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Vous avez dépassé les 80 kilomètres à l’heure, monsieur le président. Attention, Édouard Philippe ne va pas être content ! (Sourires.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour soutenir l’amendement no 231.
Mme Sandrine Rousseau
Il tend à créer une écoconditionnalité.
Je vais vous faire une révélation. Il y a un truc dont on ne parle pas du tout dans cet hémicycle, quelque chose de presque tabou : le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité, qui compromettent nos conditions de vie sur terre ! C’est comme si cela n’existait pas. Depuis des jours, nous débattons du budget de l’État et du budget de la sécurité sociale, mais pas un mot sur le sujet. Comme si ça n’avait rien à voir ! Comme si le fait que les grandes entreprises soient exonérées de cotisations sociales n’avait rien à voir ! Comme si cela n’avait pas de lien avec le travail, le temps de travail et les heures supplémentaires ! Dans quelques années, on lira le compte rendu de nos débats en se demandant quelle conscience nous pouvions bien avoir de notre responsabilité… (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. – M. Romain Eskenazi applaudit également.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Madame Rousseau, je vous ai entendue. Il existe en France des normes sociales et des normes environnementales – certains pays feraient d’ailleurs bien de s’inspirer. Ce qui compte, c’est de les faire respecter. Or cela dépend surtout – je me tourne vers les bancs du gouvernement – des procédures de contrôle qui sont prévues et mises en œuvre. Bref, l’outil fiscal et social que vous proposez de conditionner n’est pas le bon, madame Rousseau ! Dit autrement, je ne suis pas opposé au respect des normes adoptées dans cette assemblée, mais si ces obligations ne sont pas respectées, des sanctions sont prévues.
Vous voudriez faire croire que le dispositif des allègements généraux de cotisations sociales – votre amendement parle des exonérations, ce qui n’est pas tout à fait pareil – a été prévu pour faire respecter des normes environnementales. Non ! Il a été conçu pour conserver certains niveaux de salaire au sein des entreprises qui ont un coût du travail plus élevé qu’ailleurs ; il vise donc à préserver l’emploi et à favoriser la compétitivité. À chaque dispositif son objectif – comme nous avons évoqué un peu plus tôt des mesures visant à favoriser le pouvoir d’achat. Vos objectifs sont louables, mais vous ne les ferez pas respecter par ce biais. C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement. Ce n’est pas par désintérêt, ce n’est simplement pas le bon outil. On ne fera pas avancer les causes que vous défendez de cette manière,…
Mme Ségolène Amiot
C’est sûr que si vous essayez de faire rentrer des ronds dans des carrés !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
…mais plutôt grâce à des procédures de suivi et de contrôle. Par exemple, tout à l’heure, nous avons invité le ministre du travail à évaluer un dispositif de signalement des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) afin d’évaluer les progrès réalisés en 2025 en matière de sinistralité. Voilà comment nous pouvons progresser.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Je vous parlerai d’un sujet qui m’intéresse : l’écologie pratique. Comme vous le savez, je viens de la SNCF, où l’on est plutôt du bon côté du point de vue des mobilités. Durant mes six années à la tête de l’entreprise, j’ai d’ailleurs eu les moyens de développer le ferroviaire dans le pays – c’était l’esprit de la réforme de 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire, que j’ai eu la chance d’appliquer à partir de 2020. Regardez ce qu’il se passe à présent : les TGV et les TER sont pleins, les trains de banlieue ne désemplissent pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs du groupe LIOT. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI et EcoS.) Nous avons passé l’épreuve des travaux pratiques avec un certain succès, franchement !
M. Louis Boyard
Vous avez abîmé le fret !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Mon collègue Philippe Tabarot, ministre des transports, travaille d’ailleurs actuellement à une loi-cadre qui créera les moyens de poursuivre le développement du ferroviaire français. Pour en revenir à l’amendement, je suis d’accord avec le rapporteur général : les allègements généraux sont conçus pour favoriser l’emploi, les embauches, et pour rendre les entreprises françaises compétitives.
Mme Sandrine Rousseau
Même TotalEnergies ? Allons, gardez vos grands discours !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Le dispositif n’a que cet objectif, qui est déjà très important. Je suis donc au regret d’émettre un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Hendrik Davi
Madame la ministre, en ce qui concerne nos amendements visant à supprimer les allégements généraux de cotisations dès 2 smic, j’ai refait le calcul depuis la séance de cet après-midi : j’ai repris mes tableurs Excel et constaté qu’avec un point de sortie à 2,5 smic, la mesure représenterait un coût de 2,16 milliards pour les entreprises – et non pas 9 milliards, comme l’a dit le rapporteur général ! Il est vrai, néanmoins, que la courbe fait une cassure ; cet effet de seuil est effectivement problématique. Si vous voulez ne pas dépasser 3 milliards d’euros supplémentaires à la charge des entreprises et rester à 2,16 milliards, il suffit de passer de 1,75 à 1,80 la valeur P de la formule prévue par le décret du 4 septembre 2025 relatif aux modalités d’applications de différents dispositifs de réduction et d’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale. Le coût pour les entreprises ne sera alors que de 2,13 milliards – mes chiffres ne sont peut-être pas parfaitement à jour, mais vos services pourront vérifier. Publiez un décret pour modifier la formule et nous pourrons rediscuter.
Pour revenir à l’amendement de ma collègue, conditionner les exonérations au respect d’objectifs environnementaux est évidemment une bonne idée. Les entreprises polluantes existent ; elles polluent l’air, la mer, l’ensemble nos ressources, et ce faisant génèrent des maladies – oui, la pollution de l’air entraîne des problèmes de santé ! Il est donc légitime que ces entreprises soient moins exonérées de cotisations sociales, sauf à les encourager à continuer – c’est évident ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI.)
M. le président
La parole est à Mme Annie Vidal.
Mme Annie Vidal
Pour une fois, je suis d’accord avec ma collègue Sandrine Rousseau, qui parle d’une transition,…
Mme Sandrine Rousseau
Tout arrive ! (Sourires.)
Mme Annie Vidal
…mais pour en souligner une autre : la transition démographique. Depuis plusieurs jours, nous discutons de nombreux sujets intéressants, mais surtout pas de ce qui concerne directement le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) : quand parlerons-nous des Ehpad qui n’arrivent pas à boucler leur budget à cause des charges sociales plus importantes dans le secteur public que dans le privé ?
M. Louis Boyard
On ne parle que de ça !
M. le président
Ne hurlez pas s’il vous plaît, monsieur Boyard !
Mme Annie Vidal
Quand pourrons-nous nous mettre réellement au travail sur le PLFSS et la transition démographique ?
(L’amendement no 231 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement no 1354, par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires ; sur l’amendement no 367, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour soutenir l’amendement no 1279.
Mme Sandrine Rousseau
Puisque, manifestement, vous n’avez pas compris, je vais en remettre une couche. Dès 1972, le rapport Meadows, « Les limites à la croissance », établissait une corrélation entre la recherche de la productivité et notre empreinte carbone. Depuis, rien n’a changé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
J’en ai parlé lors de la discussion générale de ce PLFSS et Mme la ministre m’avait répondu que je vivais dans un cauchemar. Ce n’est pas moi qui vis dans un cauchemar, mais cette assemblée qui vit dans le déni complet de ce qui est en train de se passer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI.)
Monsieur Bazin, les allègements généraux peuvent devenir un outil pour agir ! Aujourd’hui, les mêmes exonérations de cotisations sociales sont appliquées pour les PME, les artisans et TotalEnergies, une entreprise écocidaire – c’est inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et GDR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Avis défavorable, pour les mêmes raisons. L’amendement a été rejeté par la commission.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
La COP30 se tient en ce moment à Bélem. Le président de la République s’y est d’ailleurs rendu ce soir. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Sandrine Rousseau
Super, on peut dormir tranquilles !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Et cette semaine, grâce à la France, l’Union européenne a adopté une trajectoire climatique avec un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 90 % d’ici à 2040. Je ne dors pas tranquille, vous non plus ! Est-ce que nous allons assez vite ? Non !
Mme Sophia Chikirou
Vous avez été condamnés trois fois pour inaction climatique !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Avons-nous réussi à embarquer avec nous l’ensemble des pays ? Non ! Est-ce que la France a pris sa part et montré la voie en Europe ? Oui !
Nous sommes le pays qui a les émissions de CO2 par kilowattheure les plus faibles. Notre mix électrique nous permet d’avoir, avec la Suède, l’électricité la plus décarbonée d’Europe ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.) Ainsi les trains de la SNCF peuvent-ils servir la mobilité verte.
Vous avez utilisé le terme « écocidaire » pour qualifier certaines entreprises ; mais nous avons aussi des leaders mondiaux du recyclage, de la mobilité et de l’énergie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.) On peut toujours se flageller, madame Rousseau, ou on peut continuer d’investir, d’innover, notamment par l’intermédiaire des entreprises qui disposent des moyens de le faire.
La France a défendu des réformes au niveau européen et mondial.
Mme Sandrine Rousseau
Vous n’avez rien fait, strictement rien !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je ne pense pas qu’une politique écologique se mène grâce à des allègements de charges. Elle requiert plutôt une stratégie, des coalitions mondiales, de l’ambition…
Mme Sandrine Rousseau
Elle se traite de toutes les manières possibles !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je sais que cela vous fait mal de le reconnaître, mais le président de la République a guidé une coalition au service de cette stratégie quand bien des pays avaient décidé de mettre à mal l’accord de Paris – on se souvient du premier mandat de Donald Trump. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
M. le président
La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle Obono
En effet, madame la ministre, il est bon de rappeler que la COP a lieu en ce moment au Brésil et qu’en la matière, non, la France d’Emmanuel Macron n’est pas exemplaire. Elle a d’ailleurs été condamnée à deux reprises pour inaction climatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Philippe Vigier
Pas du tout !
Mme Danièle Obono
Le bilan d’Emmanuel Macron, c’est beaucoup de blabla et zéro politique.
M. Ian Boucard
Quel rapport avec le PLFSS ?
Mme Danièle Obono
Votre réponse prouve bien que votre vision écologique est complètement à côté de la plaque. Une véritable transition écologique – la bifurcation dont nous avons besoin – réclame une approche transversale : donc oui, conditionner les exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les grandes entreprises à des objectifs écologiques, c’est précisément ce qu’il faudrait faire. Et c’est ce que vous ne faites pas depuis huit ans, puisque vous faites tout le contraire : vous continuez de subventionner des entreprises polluantes, écocidaires ; vous êtes donc responsables… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’oratrice. – Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent celle-ci.)
M. le président
La parole est à Mme Prisca Thevenot.
Mme Prisca Thevenot
Je crois que, ces derniers jours, on a bien compris que la gauche détestait l’entreprise. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Et voilà que, d’un coup, elle voudrait placer cette dernière au cœur de l’un de ses combats, à savoir – je présume – la lutte contre le réchauffement climatique ! Très bien, mais cela me semble un peu incohérent. Dans cet amendement comme dans le précédent, vous fixez aux entreprises bénéficiaires des exonérations une nouvelle condition à respecter sous peine d’être punies : elles ne doivent pas délocaliser. Mais avec toutes les taxes que vous leur imposez depuis une semaine, comment voulez-vous qu’elles pensent à autre chose qu’à délocaliser et à fuir votre folie fiscale, mesdames et messieurs de la gauche ? (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme Mathilde Panot
C’est vous qui gouvernez depuis huit ans !
Mme Prisca Thevenot
Plutôt que de pointer du doigt les entreprises, de les taxer en permanence et de les inciter à partir, encouragez-les, pour une fois ! (Brouhaha.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Mme Vidal nous a interrogés au sujet d’une autre transition, la transition démographique, elle aussi source de difficultés tant à court qu’à moyen terme. Je l’ai dit hier soir à propos de la taxe sur les salaires – c’est un peu le même sujet –, nous devons réfléchir à l’échelle du monde socio-économique dans son ensemble, en intégrant les établissements médico-sociaux et les Ehpad, afin de calibrer les enjeux de charges et de taxes pour que les personnels soient mieux payés, que les employeurs soient incités à mieux recruter, à embaucher à temps plein et à donner à celles et ceux qui s’engagent pour nos aînés des conditions de travail plus avantageuses, leur permettant de s’engager plus durablement dans leur métier.
On sait que le turnover est considérable et qu’il est la conséquence d’un traitement salarial et managérial à revoir en profondeur. Madame la députée Vidal, nous allons travailler pour répondre à votre inquiétude dans le cadre de cette réflexion plus globale en intégrant la taxe sur les salaires et en visant les établissements assujettis ou non à TVA.
M. Louis Boyard
Si seulement vous étiez au gouvernement !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Nous y travaillerons dès le 2 janvier, au lendemain de la promulgation du présent budget.
(L’amendement no 1279 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 2007 et 1354, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement no 2007.
Mme Eva Sas
Il vise à conditionner le bénéfice de la réduction générale des cotisations patronales au respect, par les branches professionnelles, de leur obligation de se doter de grilles salariales basées sur le smic. Ainsi, la réduction ne s’appliquerait plus lorsque les minima conventionnels deviennent inférieurs au smic pendant plus de six mois – sauf si, entre-temps, l’entreprise met en place un accord prévoyant des salaires supérieurs.
En octobre 2025, dix-neuf branches du secteur général, soit 11 % des 171 branches suivies par la direction générale du travail (DGT), représentant plus de 1,2 million de salariés, disposaient encore de grilles salariales présentant un coefficient inférieur au smic. Or nous avons besoin d’augmenter les salaires, de relancer la dynamique salariale : revaloriser les grilles de salaires est la meilleure façon d’y parvenir. Nous avons aussi besoin de conditionner les exonérations de cotisations – elles ont atteint plus de 78 milliards d’euros l’année passée – qui sont déversées sur les entreprises sans aucune condition : à tout le moins, il convient de réserver les exonérations aux branches ou aux entreprises qui ont des grilles conformes au smic.
M. le président
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l’amendement no 1354.
M. Paul-André Colombani
Cet amendement propose de conditionner les exonérations de cotisations – désormais regroupées dans un seul dispositif de réduction dégressive – à la revalorisation des minima de branches lorsqu’ils sont inférieurs au smic pendant plus de six mois. En mai 2024, 12 branches professionnelles avaient encore des minima salariaux en dessous du smic – ce chiffre augmente régulièrement, du fait notamment des revalorisations successives du smic, et il est probable qu’il augmentera encore.
Le groupe parlementaire LIOT a d’ores et déjà fait adopter un amendement permettant de ramener le délai de négociation salariale de trois mois à quarante-cinq jours en cas de minima inférieurs au smic. C’est un premier pas indispensable pour s’assurer du dynamisme du dialogue social. Toutefois, il est possible d’aller un peu plus loin. L’amélioration des conditions de rémunération doit reposer en priorité sur le dialogue social ; toutefois, en cas d’échec, une action des pouvoirs publics est nécessaire. L’amendement vise à conditionner la réduction dégressive des cotisations au respect des minima salariaux au niveau du smic.
M. le président
Sur l’amendement n° 2008, je suis saisi par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Monsieur Colombani, nous avons déjà adopté votre amendement visant à calculer les allègements généraux sur les minima de branche. Je ne sais pas ce qui se passera pendant la navette, mais nous avons donc fait un pas sur cette question.
Ces deux amendements proposent la même mesure, la seule différence étant la date d’effet : le 1er janvier 2027 pour l’amendement de M. Colombani, dès l’année prochaine pour celui de Mme Sas.
Je serai bref, car nous avons déjà eu ce débat. Au sein d’une branche, il peut y avoir des entreprises qui respectent les minima alors que la branche n’a pas revu ses grilles. La mesure que vous proposez serait donc profondément injuste pour ces entreprises-là. Elle risquerait de pénaliser des entreprises vertueuses pour des comportements dont elles ne sont pas responsables, la fixation des minima conventionnels incombant aux partenaires sociaux au niveau de la branche.
C’est ce que j’ai appelé tout à l’heure la culpabilité « pour le fait d’autrui ». Le Conseil constitutionnel pourrait y voir un manquement au principe d’individualisation des sanctions ayant le caractère d’une punition. C’est la raison pour laquelle je vous invite à retirer vos amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. Les deux amendements ont été rejetés par la commission.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Monsieur Colombani, votre amendement no 1354 est assez similaire à un amendement que nous avons examiné précédemment. Vous ne serez donc pas surpris de la conclusion. Certains problèmes juridiques incitent à la prudence. Là encore, nous avons des difficultés à saisir la logique de l’amendement, qui soulève plusieurs difficultés. Avis défavorable sur les deux amendements.
M. le président
La parole est à Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas
Monsieur le rapporteur général, vous n’avez pas bien lu l’amendement. Il précise que si l’entreprise est couverte par un accord d’entreprise prévoyant des salaires supérieurs au smic, elle peut bénéficier des exonérations de cotisations sociales. Le cas de figure que vous décrivez dans lequel une entreprise serait sanctionnée parce que la branche n’aurait pas fait son travail ne pourrait donc pas se produire. L’entreprise peut définir sa grille de salaires par un accord d’entreprise et bénéficier des exonérations.
M. le président
La parole est à M. Paul-André Colombani.
M. Paul-André Colombani
J’ajoute que cet amendement va plus loin que celui qui a été adopté. En réalité, ce qui ne tourne pas rond, ce n’est pas mon amendement, mais le fait que des gens aient des salaires aussi bas dans notre pays ! La solution est de conditionner les aides de l’État à la revalorisation des petits salaires. C’est la mesure la plus juste ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI et SOC.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Monsieur Colombani, vous le savez – rappelez-vous nos débats en commission –, nous partageons votre préoccupation et nous souhaitons que les entreprises respectent le smic. Ces dernières années, le smic a connu une augmentation importante liée à l’inflation ; certains accords de branche sont donc arrivés tardivement. Nous avons eu ce débat à plusieurs reprises – chaque fois qu’un ministre du travail est venu à l’Assemblée.
Madame Sas, mea-culpa : l’amendement précise en effet que la disposition ne s’applique pas si l’entreprise est couverte par un accord collectif – quand je me trompe, je le reconnais. Reste que le problème que j’ai mentionné au sujet de l’amendement précédent de M. Colombani demeure : une entreprise peut relever de plusieurs branches et plusieurs conventions peuvent coexister au sein d’une même branche. Ainsi, des entreprises pourraient être punies injustement pour certaines de leurs activités. C’est la raison pour laquelle mon avis reste défavorable.
(L’amendement no 2007 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1354.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 225
Nombre de suffrages exprimés 225
Majorité absolue 113
Pour l’adoption 91
Contre 134
(L’amendement no 1354 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement no 2008.
Mme Eva Sas
Il vise à conditionner le bénéfice de la réduction de cotisations patronales à une exigence simple : ne pas laisser ses salariés stagner plus de deux ans au niveau du smic. Lorsqu’un employeur n’a pas revalorisé les salariés payés au smic au-delà de la seule indexation automatique du smic sur l’inflation, il perd le bénéfice de cette réduction.
L’amendement part du principe suivant : le smic est un salaire d’embauche. Au bout de deux ans, l’employeur doit tenir compte de l’expérience du salarié et l’augmenter. L’amendement vise à valoriser le travail, à redonner du sens à la politique salariale et à mettre fin au système dans lequel l’État subventionne des trappes à bas salaires.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Madame Sas, sur le fond, je ne peux que vous rejoindre. Dans un monde idéal, nous aimerions que les salaires progressent pour tous et partout, dans tous les secteurs. Mais dans la vraie vie, dans certains secteurs, dans certaines entreprises, il est parfois impossible d’augmenter les salaires, au risque de mettre en danger les emplois eux-mêmes. Car les entreprises rencontrent parfois des problèmes de rentabilité.
Si l’amendement venait à être adopté, des entreprises risqueraient de se retrouver dans une impasse, ce qui, par ricochet, créerait des difficultés pour les salariés eux-mêmes. Je comprends l’idée, mais appliquer uniformément cette mesure à l’ensemble des secteurs économiques et des entreprises serait profondément inadapté à leur réalité et à leur situation, qui peut varier dans le temps. C’est la raison pour laquelle mon avis est défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
La particularité du système français est que le smic est indexé sur l’inflation. Dans les périodes d’inflation élevée, cette indexation a permis de maintenir le smic à un niveau élevé – elle est faite pour cela. La France n’est pas du tout mal placée en comparaison des autres pays européens. Au fond, la NAO est faite par l’index. Être payé au smic dans les entreprises en France, ce n’est pas si mal en comparaison de ce qui se fait ailleurs – le pouvoir d’achat est maintenu par le mécanisme d’indexation. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Pour les mêmes raisons que le rapporteur général, avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme Sophia Chikirou.
Mme Sophia Chikirou
Monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, vous êtes vraiment gênants, tous les deux, dans vos réponses ! On vous sent très mal à l’aise, et à juste titre, puisque vous expliquez qu’il n’y a aucune raison d’augmenter le smic, celui-ci étant indexé sur l’inflation. Mais une indexation sur l’inflation, cela ne veut pas dire que les salaires augmentent : cela signifie qu’ils suivent le coût de la vie. Le travailleur n’y gagne rien, c’est juste qu’il ne s’appauvrit pas davantage. Cette injustice que vous maintenez et que vous justifiez est tout à fait anormale !
En plus, monsieur le rapporteur général, vous dites que vous rejetez cette mesure pour préserver les entreprises, mais cela n’a vraiment pas de sens. Vous condamnez au smic des gens sur des périodes très longues, sans possibilité de voir leur rémunération s’améliorer, ce qui a des conséquences négatives pour l’entreprise elle-même : ses salariés cherchent à la quitter pour obtenir ailleurs une meilleure rémunération.
L’amendement de Mme Sas vise à augmenter les salaires au bout de deux ans, mais sans préciser le montant minimum de cette augmentation, qui pourrait n’être que de 10 euros par mois. Vous pourriez au moins envisager cette mesure !
M. le président
La parole est à M. Emeric Salmon.
M. Emeric Salmon
Madame Sas, je comprends l’intention de votre amendement. Nous sommes également favorables à sortir les gens du smic. Nous ne votons généralement pas les augmentations du smic, ce qui nous est reproché, parce que Marine Le Pen défend l’augmentation généralisée des salaires jusqu’à trois fois le smic en annulant les cotisations patronales. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous sommes contre votre amendement parce que nous ne voulons pas rendre cette mesure obligatoire pour les patrons. Ils devraient avoir le libre choix d’augmenter ou non les salariés selon la qualité du travail fourni. Rendre l’augmentation de salaire automatique et obligatoire au bout de deux ans serait probablement néfaste : cela pourrait impliquer, dans certains cas, que les patrons se séparent des salariés qu’ils ne souhaiteraient pas augmenter.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2008.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 226
Nombre de suffrages exprimés 219
Majorité absolue 110
Pour l’adoption 73
Contre 146
(L’amendement no 2008 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour soutenir l’amendement no 367.
Mme Sandrine Rousseau
J’ai déjà défendu tout à l’heure par erreur cet amendement, qui a pour objet l’égaconditionnalité – le fait de conditionner les exonérations au respect de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Je vous invite à le soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Retrait ou avis défavorable – je ne voudrais pas être injuste envers Mme Lebon, qui a défendu un amendement similaire.
Madame Rousseau, ce n’est pas le bon outil ! La directive européenne sur la transparence salariale, qui devrait clairement vous satisfaire, sera transposée d’ici juin 2026. Elle prévoit des sanctions pour les employeurs qui ne respecteraient pas l’égalité salariale.
Mme Sandrine Rousseau
Vous avez oublié d’indiquer que mon amendement avait été accepté par la commission !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Vous avez raison, l’égalité entre les femmes et les hommes est une cause fondamentale (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS) – nous pouvons au moins nous accorder sur l’importance des causes que vous défendez ! Ma collègue Aurore Bergé et moi-même travaillons à faire avancer les choses dans ce domaine.
La directive européenne que le rapporteur général a mentionnée vise à instaurer davantage de transparence dans les entreprises sur cette question. Nous sommes au travail, les concertations avec les partenaires sociaux ont démarré afin de préparer sa transposition concrète et nous ferons en sorte d’achever la transposition d’ici l’été 2026, échéance à laquelle la directive doit être obligatoirement transposée dans le droit français.
Pour chacune de vos propositions, nous formulons toujours un peu la même réponse : la réduction des allègements généraux n’est pas le bon instrument. Je le répète, ce dispositif vise à favoriser l’emploi en maîtrisant le coût du travail. Il existe d’autres dispositifs pour le but que vous poursuivez. Je suis au regret d’émettre un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président
La parole est à Mme Karine Lebon.
Mme Karine Lebon
L’égaconditionnalité est un sujet important. La directive européenne retient la notion de travail de valeur égale, plutôt que le principe d’un salaire égal pour un travail égal. Quand on ne parle pas de valeur égale, on compare des postes totalement identiques. Or une femme qui fait un métier genré, par exemple celui d’auxiliaire de vie, accomplit des gestes professionnels effectués aussi par certains ouvriers – par exemple, porter des charges lourdes – souvent mieux payés. La directive européenne viendra corriger cela. Nous espérons vraiment qu’elle sera appliquée, car elle va dans le bon sens – nous pouvons nous accorder là-dessus !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 367.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 226
Nombre de suffrages exprimés 221
Majorité absolue 111
Pour l’adoption 77
Contre 144
(L’amendement no 367 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 271, 300, 301, 270 et 870, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 271 et 300, ainsi que les amendements nos 270 et 870, sont identiques.
Sur ces amendements identiques, je suis saisi par les groupes Écologiste et social et La France insoumise-Nouveau Front populaire de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Yannick Monnet, pour soutenir l’amendement no 271.
M. Yannick Monnet
Avant de défendre mon amendement, je voudrais revenir sur les propos du collègue du Rassemblement national qui a dit vouloir « sortir les gens du smic ».
M. Emeric Salmon
Oui !
M. Yannick Monnet
Vous espérez donc qu’ils aient un meilleur salaire. Mais alors pourquoi être contre les augmentations du smic ?
M. Emeric Salmon
Non !
M. Ian Boucard
Même moi, j’ai compris !
M. Yannick Monnet
Ça ne vous choque pas ? Vouloir que les gens gagnent plus et être contre les augmentations du smic, c’est n’importe quoi. Soyez sérieux !
Il vise à supprimer l’exonération des cotisations salariales sur les heures supplémentaires et complémentaires. La défiscalisation des heures supplémentaires contraint les embauches – si une personne peut travailler plus, pourquoi en embaucher une autre ? –, mais aussi les salaires – si les gens peuvent gagner plus en faisant des heures supplémentaires, pas besoin d’augmenter leur salaire. Nous sommes donc contre cette défiscalisation.
M. le président
La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 300.
M. Hendrik Davi
Nous proposons de supprimer l’exonération des cotisations sur les heures supplémentaires, présentée comme une mesure de pouvoir d’achat. En réalité, elle favorise les heures supplémentaires plutôt que l’embauche, ce qui freine la création d’emplois et aggrave le chômage structurel. Je rappelle qu’il y a 1,5 milliard d’heures supplémentaires par an, soit l’équivalent de 900 000 emplois à temps pleins, alors que 5,7 millions de nos concitoyens sont inscrits en tant que demandeurs d’emploi à France Travail en 2025. C’est donc une hérésie ! Dans le même temps, et c’est lié, entre 300 000 et 500 000 personnes seraient en situation de burn-out.
Favoriser les heures supplémentaires est absurde. Il serait préférable de réduire le temps de travail et de mieux partager le travail entre toutes et tous. C’est d’autant plus urgent que les heures supplémentaires représentent une perte pour la sécurité sociale estimée à 1,7 milliard d’euros. (Mme Catherine Hervieu applaudit.)
M. le président
Les amendements nos 301 de M. Hendrik Davi, 270 de M. Yannick Monnet et 870 de Mme Ségolène Amiot sont défendus.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Sur ce sujet, je me situe à 180 degrés de votre position. Je pense même qu’on doit aller plus loin ! Fin 2018, nous sortions de la crise des gilets jaunes : dans l’urgence d’une nuit de décembre, des mesures pour le pouvoir d’achat ont été prises ; parmi ces mesures, attendues par nos concitoyens, il y avait le retour de l’exonération des cotisations sur les heures supplémentaires. Dans nos territoires, personne ne m’a dit que c’était une mauvaise idée.
M. Ian Boucard
Exactement !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
On m’a d’ailleurs plutôt remercié, car cette mesure a permis d’augmenter le pouvoir d’achat de ceux qui le voulaient. Personne n’est obligé de faire des heures supplémentaires et, quand l’employeur le propose, elles permettent d’avoir un peu plus de pouvoir d’achat chaque mois. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Vous proposez de supprimer l’ensemble des régimes sociaux dérogatoires applicables à la rémunération des heures supplémentaires. J’ai déjà largement étayé mon avis, je vais donc m’en tenir à l’essentiel.
Alors que la problématique du pouvoir d’achat est aujourd’hui centrale, comment expliquerions-nous à ceux qui en bénéficient que nous avons supprimé ces exonérations ? Je rappelle qu’en 2024, les déductions patronales ont bénéficié à presque 750 000 entreprises, qui verraient leurs charges augmenter de 865 millions si on supprimait cet avantage. La réduction des cotisations salariales, couplée aux gains liés à l’exonération d’impôt sur le revenu, a quant à elle permis un gain annuel moyen de pouvoir d’achat de l’ordre de 450 euros par an et par personne pour 6,5 millions de salariés et environ 600 000 agents publics. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Thomas Ménagé.
M. Thomas Ménagé
Chers collègues de gauche, vous vous attaquez désormais aux salaires, après avoir ciblé l’épargne des Français, avec les macronistes, en vous attaquant au plan d’épargne logement (PEL) et à l’assurance vie avec la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) sur le capital.
Mme Ségolène Amiot
Il faut augmenter les salaires !
M. Thomas Ménagé
Je rappelle que 8,8 millions de Français, soit un salarié sur deux à temps complet, font des heures supplémentaires parce qu’ils veulent acheter un bien ou parce que la famille accueille un nouvel enfant. Je rappelle également que les très petites entreprises (TPE) sont les entreprises qui recourent le plus au mécanisme des heures supplémentaires, pour faire face à un surcroît de travail, car elles n’ont pas la capacité d’embaucher.
J’ai fait les comptes : vos amendements auraient pour conséquences non seulement de prendre aux salariés quasiment 200 euros par an, soit autant de pouvoir d’achat en moins pour les classes populaires et les classes moyennes, mais aussi de relever les charges des TPE de 100 euros. Encore une fois, vous vous attaquez aux entreprises et aux Français qui travaillent. Au Rassemblement national, nous défendons au contraire le travail et le mérite. Nous voulons aider ceux qui cherchent à s’en sortir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 271 et 300.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 218
Nombre de suffrages exprimés 217
Majorité absolue 109
Pour l’adoption 40
Contre 177
(Les amendements identiques nos 271 et 300 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 301 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 270 et 870.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 209
Nombre de suffrages exprimés 208
Majorité absolue 105
Pour l’adoption 35
Contre 173
(Les amendements identiques nos 270 et 870 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Sur les amendements nos 2422, 258 et 257, je suis saisi par les groupes Les Démocrates et Droite républicaine de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de deux amendements, nos 2464 et 2422, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Nicolas Turquois, pour soutenir l’amendement no 2464.
M. Nicolas Turquois
Nous souhaitons tous accroître les moyens de la protection sociale, qui a des besoins énormes, mais nous sommes aussi très sensibles à la question des coûts de production des entreprises. Pour des raisons démographiques, les besoins de la protection sociale sont en hausse, mais augmenter les cotisations signifierait augmenter les coûts des entreprises, ce qui handicaperait notre compétitivité et limiterait les hausses de salaires.
Nous pensons donc qu’il faut une révolution, ou plutôt une évolution majeure, et nous proposons de renforcer la contribution des importations, elles aussi assujetties à la TVA, au financement de notre système de protection sociale.
M. le président
Monsieur Turquois, il est temps de conclure !
M. Nicolas Turquois
Pour les présentations d’amendement, ce n’est pas deux minutes ?
M. le président
Non, c’est une minute !
M. Nicolas Turquois
Nous proposons une baisse de 2,1 % des cotisations sociales pour les salariés, compensée par une hausse de 10 % du taux normal de la TVA.
M. le président
La parole est à M. Pascal Lecamp, pour soutenir l’amendement no 2422.
M. Pascal Lecamp
Si vous n’êtes pas comblé par l’amendement Turquois, adoptez l’amendement du groupe Démocrates, qui s’inspire des travaux d’Antoine Foucher et des propositions de l’U2P, l’Union des entreprises de proximité !
L’idée est de faire en sorte que le travail paye mieux, en redonnant du pouvoir d’achat aux salariés, sans dégrader les comptes publics ni ceux des entreprises. Il s’agit d’engager une refonte du financement de la protection sociale pour répondre au double défi de la rémunération du travail et de la soutenabilité de notre modèle social. Selon Eurostat, les coûts non salariaux représentent 32 % du coût total du travail en France, soit un record en Europe.
L’amendement propose de réduire de 1,4 point les cotisations sociales salariales jusqu’au salaire médian, soit 1,6 smic, ce qui représenterait des gains annuels allant de 140 euros pour un salarié au smic jusqu’à 740 euros pour un couple à 1,6 smic. Ces gains de pouvoir d’achat seraient entièrement financés par un double mouvement de TVA : augmentation du taux normal de 20 % à 22 %, soit le niveau du taux médian européen, et abaissement du taux réduit de 5,5 % à 2,1 %, soit une perte de recettes d’environ 7 milliards, pour plus de justice sociale, car ce taux s’applique aux produits que consomment principalement nos concitoyens les plus pauvres. Qui pourrait voter contre cette proposition ?
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Monsieur Turquois, je ne savais pas que vous étiez révolutionnaire ! Peut-être allez-vous rejoindre les Insoumis ?
M. Hadrien Clouet
Excellent !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Ces amendements proposent une baisse des cotisations vieillesse compensée par une augmentation de la TVA, mais la modulation des taux de TVA ne peut se faire que dans le cadre d’une loi de finances, pas dans celui d’une loi de financement de la sécurité sociale. Un autre problème se pose : vous n’avez pas précisé si la réduction des cotisations était dégressive. Vous devrez le faire si vous voulez consolider cette mesure, qui nécessiterait également une étude d’impact pour sécuriser le dispositif et vérifier les chiffres. Mais nous aurons bientôt l’occasion de débattre de la branche vieillesse. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il faut reconnaître au député Turquois sa capacité à lancer des débats conceptuels intéressants et pertinents ! Je suis toutefois assez sceptique : admettons que vous adoptiez cet amendement, qui priverait la sécurité sociale de 12 milliards de recettes, qu’est-ce qui nous garantit que l’Assemblée votera pour une augmentation de la TVA à due proportion dans le cadre du projet de loi de finances ?
En réalité, ce débat sur les modalités de financement de la sécurité sociale est un débat d’élection présidentielle. Il est d’ailleurs lié aux questions évoquées par le député Boyard. Ces amendements sont plutôt des amendements d’appel, mais la sécurité sociale, ce soir, est lourdement en déficit. Je suggère donc leur retrait.
M. le président
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.
M. Jean-Pierre Vigier
Il y a des moments où il faut ouvrir des voies, comme dans l’alpinisme. La voie qu’il faut ouvrir aujourd’hui, c’est celle du pouvoir d’achat. Certains expliquent qu’il faut augmenter les salaires de 10 %. Quant à nous, nous voulons simplement qu’il y ait plus d’argent dans les poches des salariés et, pour cela, il n’y a pas trente-six leviers.
Mme Ségolène Amiot
Si, justement !
M. Jean-Pierre Vigier
Soit on taxe les entreprises, soit on diminue les charges sociales qui pèsent sur les salaires. Vous avez raison, madame la ministre, cela doit se faire dans le cadre du projet de loi de finances, mais notre proposition est simple : d’une part, l’augmentation du taux normal de la TVA de 20 % à 22 %, ce qui rapporterait 15 milliards, et la baisse du taux réduit, de 5,5 % à 2,1 % ; d’autre part, la baisse des cotisations salariales, qui se traduirait par un gain net de pouvoir d’achat pouvant aller jusqu’à 500 euros par an pour un couple.
Je conçois qu’un amendement déposé dans le cadre du PLFSS ne puisse pas tout fixer, mais il n’existe pas beaucoup d’autres leviers. On ne peut pas demander aux entreprises d’augmenter les salaires, cela ne marchera pas. Ouvrons donc le débat et apportons une réponse à nos concitoyens qui nous regardent. Sur le chômage et le pouvoir d’achat, on a déjà tout essayé. La solution, c’est la TVA ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à M. Ian Boucard.
M. Ian Boucard
Si l’on écoutait Mme la ministre, il faudrait commencer la campagne présidentielle dès aujourd’hui. En effet, le nombre de débats à lancer pour l’élection de 2027 est si élevé qu’il faut se lancer sans plus attendre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ah !
M. Ian Boucard
Nos collègues Turquois et Lecamp posent la vraie bonne question de cette journée. Le débat que vous lancez est très important, car il s’agit du pouvoir d’achat des Français et de son financement. Or la protection sociale est payée presque exclusivement par les travailleurs.
En revanche, et je rejoins Mme la ministre sur ce point, on ne peut pas conclure ce débat un jeudi soir à vingt-deux heures quarante-cinq, en créant une TVA sociale – car c’est finalement l’option que propose notre collègue Turquois, même s’il ne la nomme pas ainsi. Comme vous, j’ai lu le livre d’Antoine Foucher et il formule exactement la même proposition.
Au sein du groupe Droite républicaine, nous pensons que votre débat est juste, mais que la baisse des cotisations salariales doit être compensée par une baisse des dépenses : on ne peut pas donner dans la poche gauche ce qu’on va reprendre dans la poche droite avec la TVA. Mais franchement, le débat que vous suscitez est sans doute le plus intéressant de la journée.
M. le président
Je vous rappelle que nous nous tenons à un pour, un contre, même pour les discussions communes.
Monsieur Turquois, retirez-vous votre amendement ?
M. Nicolas Turquois
Oui, je le retire. Il s’agissait d’un amendement d’appel, et Mme la ministre a deviné que je serais candidat en 2027. (Sourires.)
M. le président
Monsieur Lecamp, retirez-vous votre amendement ?
M. Pascal Lecamp
Je le retire également, mais j’aurais voulu répondre au rapporteur général… (M. le président coupe le micro de l’orateur.)
(Les amendements nos 2464 et 2422 sont retirés.)
M. le président
La parole est à M. Romain Eskenazi, pour soutenir l’amendement no 258.
M. Romain Eskenazi
Cet amendement de M. Guedj déposé au nom du groupe socialiste vise à supprimer la déduction forfaitaire des cotisations sociales : c’est de l’argent en plus pour la sécurité sociale, sans toucher au pouvoir d’achat des salariés, contrairement aux amendements précédents. Notre objectif est en effet de trouver des ressources pour nos Ehpad, nos hôpitaux et le bien-être de nos aînés. Pour avoir travaillé quatre ans à l’hôpital avant d’être élu, je peux vous assurer que l’hôpital a besoin d’argent.
La déduction forfaitaire est aujourd’hui de 1,50 euro pour les entreprises de moins de vingt salariés, et de 0,50 euro pour celles de moins de 250 salariés. Elle contrevient au principe du partage du travail et contribue à diminuer les recettes de la sécurité sociale, alors que notre système de santé en a besoin. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
J’ai déjà répondu à M. Monnet dans le même sens, lorsque nous avons examiné son amendement relatif aux heures supplémentaires. Vous proposez de revenir sur une mesure adoptée dans le courant de l’été 2022, à la suite de l’élection présidentielle et des élections législatives, lors desquelles nous avions pu mesurer dans nos circonscriptions les attentes fortes de nos concitoyens en matière de pouvoir d’achat.
À l’époque déjà, il n’existait pas de majorité absolue, mais une majorité s’était néanmoins dégagée pour encourager les entreprises à recourir aux heures supplémentaires. Le coût du dispositif reste très ciblé : il bénéficie à quelque 740 000 entreprises, majoritairement des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME). Parce que la déduction est forfaitaire, et non proportionnelle, elle favorise surtout les salaires modestes : comme vous l’avez rappelé, elle s’élève à 1,50 euro par heure pour les entreprises de moins de vingt salariés, et à 0,50 euro pour celles comptant entre 20 et 250 salariés.
Vous affirmez que cette déduction va à l’encontre du partage du travail. Mais dans la vraie vie des entreprises, notamment chez les artisans, l’activité n’est pas un gâteau que l’on partage : on ne crée pas ainsi un emploi, en remplacement d’heures supplémentaires. (M. Didier Le Gac applaudit.)
Certaines compétences ou expertises particulières peuvent être ponctuellement requises, ce qui rend indispensable le recours à des heures supplémentaires. Certaines activités sont saisonnières.
Par ailleurs, les heures supplémentaires représentent une véritable source de pouvoir d’achat pour les salariés. Dans ma circonscription, plusieurs d’entre eux m’ont confié qu’ils aimeraient en effectuer davantage, mais que leur employeur n’en a pas les moyens en raison de leur coût. Or la mesure que vous proposez de supprimer aide justement les entreprises, moyennant un coût limité, à proposer ces heures supplémentaires. Elle constitue donc une mesure concrète de soutien au pouvoir d’achat. C’est pourquoi je suis défavorable à votre amendement. (M. Didier Le Gac applaudit.)
J’ajoute qu’avec mes collègues du groupe Droite républicaine, nous proposerons même de rétablir le dispositif tel qu’il existait sous la présidence de Nicolas Sarkozy, sans distinction entre les entreprises de moins de 250 salariés et les autres.
Mme Sandrine Runel
Et on finira tous en prison !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Nous parlons ici de l’univers des petites entreprises : il faut penser à elles et les soutenir, car elles représentent un fort potentiel d’emplois. Plus leurs effectifs sont réduits, plus le recours aux heures supplémentaires se révèle utile, à la fois pour les employeurs et pour les salariés.
Les déductions patronales sont bel et bien compensées. En 2024, elles représentaient un coût d’environ 865 millions d’euros. Certes, cette mesure ne constitue pas stricto sensu une politique de pouvoir d’achat, mais elle y contribue indirectement, en incitant les entreprises à recourir aux heures supplémentaires. Sans cet encouragement, il y a tout lieu de craindre une diminution du nombre d’heures supplémentaires proposées.
En 2024, les déductions ont bénéficié à 750 000 entreprises – preuve de leur efficacité et de leur succès auprès des petites entreprises qui, sans ce dispositif, auraient supporté 865 millions d’euros supplémentaires. En contrepartie, ces entreprises ont généré beaucoup d’heures supplémentaires, et donc du pouvoir d’achat pour leurs salariés, dans un contexte où celui-ci constitue un sujet majeur de préoccupation des Français. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Romain Eskenazi.
M. Romain Eskenazi
Avant de travailler à l’hôpital, j’ai moi-même été chef d’entreprise. Dans ma PME, ce qui motivait le recours aux heures supplémentaires n’était pas une aide de 0,50 ou de 1,50 euro, mais bien l’activité supplémentaire à absorber. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Olivier Serva applaudit également.)
Cette déduction constitue donc un cadeau inspiré par la politique de l’offre. Si je ne m’abuse, des élections législatives ont eu lieu récemment, et les Français se sont exprimés pour moins de politique de l’offre et plus de services publics, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation. C’est tout le sens de cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Jordan Guitton.
M. Jordan Guitton
Nous constatons que la gauche souhaite supprimer toutes les exonérations de charges patronales et sociales, y compris celles liées aux heures supplémentaires. Or, si chaque salarié perçoit un salaire fixe, il peut souhaiter, pour diverses raisons, effectuer des heures supplémentaires, qui représentent un véritable gain de pouvoir d’achat.
La suppression des exonérations peut effectivement générer des recettes supplémentaires à court terme. Mais le Rassemblement national plaide pour un véritable choc de pouvoir d’achat, afin que les Français consomment davantage, ce qui bénéficiera également aux recettes de l’État.
Ces déductions forfaitaires sur les cotisations, même si elles représentent une perte de recettes, ne constituent pas une dépense, mais un investissement : en permettant aux salariés de mieux gagner leur vie, elles reviennent indirectement dans la poche de l’État. Votre raisonnement est donc erroné : le gain de pouvoir d’achat se traduit nécessairement par un choc de consommation. (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 258.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 209
Nombre de suffrages exprimés 209
Majorité absolue 105
Pour l’adoption 74
Contre 135
(L’amendement no 258 n’est pas adopté.)
M. le président
Mes chers collègues, nous avançons au rythme de vingt-quatre amendements par heure. Il me semble que nous pourrions essayer d’accélérer la cadence.
L’amendement no 871 de M. Hadrien Clouet est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Kévin Mauvieux.
M. Kévin Mauvieux
Je vais vous raconter très rapidement l’histoire de Kévin (Exclamations sur divers bancs) qui, pour financer ses études, avait un CDI étudiant de huit heures par semaine au Carrefour Market de Pont-Audemer. Pour arrondir ses fins de mois, il devait régulièrement effectuer des heures supplémentaires, qui augmentaient considérablement son revenu.
Grâce à ces heures supplémentaires, j’avais un revenu moyen de 400 à 450 euros par mois, ce qui me permettait de payer mon loyer et mon carburant. C’était à l’époque de Nicolas Sarkozy, mais est arrivé M. Hollande qui, par démagogie, est revenu sur la défiscalisation des heures supplémentaires.
M. Ian Boucard
Il n’a pas tort !
M. Kévin Mauvieux
Du jour au lendemain, mon revenu mensuel est tombé à 290 euros et l’aide personnalisée au logement (APL) que je percevais a diminué de 200 euros, car mon revenu était désormais fiscalisé. En tant qu’étudiant, j’y ai largement perdu et cette situation m’a beaucoup stressé pour la suite de mes études. Alors, j’en profite pour dire : merci, monsieur le président ! (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur. – Les députés des groupes RN, DR et UDR applaudissent ce dernier.)
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Cet amendement, qui vise les petites entreprises, m’étonne un peu. Celles-ci connaissent souvent davantage de difficultés de recrutement que les grandes entreprises. Il est donc nécessaire de leur accorder des avantages spécifiques. Pouvoir proposer des heures supplémentaires à leurs salariés, qu’elles forment, et ainsi mieux les rémunérer, constitue un atout pour fidéliser leur personnel.
Par ailleurs – je ne sais pas si ce point a été évoqué lors des débats, car j’étais en commission des finances –, un chef d’entreprise évoque chaque année, lors de l’entretien individuel, l’évolution de la rémunération avec son salarié. (Mme Ségolène Amiot s’exclame.) C’est un véritable moment de rencontre, et il est heureux qu’un tel temps d’échange existe, en particulier dans les petites entreprises – je connais moins les grands groupes.
La relation entre entrepreneurs et salariés est souvent très humaine et les premiers ont à cœur que les seconds gagnent bien leur vie. (M. Hendrik Davi rit.)
(L’amendement no 871 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements identiques nos 879 et 2283, par le groupe Droite républicaine ; sur l’amendement no 299, par le groupe Écologiste et social ; sur l’amendement no 2216, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire ; et sur l’amendement no 259, par le groupe Droite républicaine.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l’amendement no 257.
M. Jérôme Guedj
Très rapidement, puisque vous avez compris notre philosophie…
M. Ian Boucard
Toujours plus de taxes !
M. Jérôme Guedj
On ne touche pas au pouvoir d’achat des salariés, puisque notre proposition concerne uniquement les cotisations patronales et non les cotisations salariales. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à notre amendement précédent : seules les heures supplémentaires effectuées par un salarié dont la rémunération est supérieure à trois fois le smic seraient soumises aux cotisations patronales.
L’enjeu de pouvoir d’achat est limité, même si celui-ci n’est en aucun cas affecté. L’employeur peut en effet considérer que, compte tenu du niveau de rémunération du salarié, sa motivation première n’est pas le gain financier.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Même avis.
M. Jérôme Guedj
Vous n’êtes pas inventifs !
M. le président
La parole est à M. Jocelyn Dessigny.
M. Jocelyn Dessigny
Je me permets de m’attarder sur le sujet des heures supplémentaires, d’autant plus que le fossoyeur des exonérations, M. Hollande, nous fait l’honneur de sa présence – une fois n’est pas coutume. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
M. François Hollande
Oui !
M. Jocelyn Dessigny
Nous regrettons ce que vous avez fait, car vous avez mis des milliers de Français dans une situation dramatique, et pas seulement le petit Kévin.
M. Ian Boucard
Il y avait aussi le petit Jordan !
M. Jocelyn Dessigny
J’étais, à l’époque, responsable d’une agence d’intérim. De nombreux salariés intérimaires pouvaient alors bénéficier d’un petit plus chaque mois, et vous le leur avez retiré. (Mêmes mouvements.) Vous dites en être fiers ? Très bien ! Les Français, eux, vous ont déjà jugés, et ils ont bien fait. Quand nous serons aux commandes,…
M. Pierre Pribetich
Dans tes rêves !
M. Jocelyn Dessigny
…nous rétablirons des mesures de bon sens, qui permettront une augmentation non seulement du smic, mais aussi de l’intégralité des salaires… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur. – Plusieurs députés du groupe RN applaudissent ce dernier.)
M. le président
Monsieur le député, lors de la dernière conférence des présidents, votre présidente de groupe a rappelé qu’il convenait d’éviter toute référence aux personnes présentes ou absentes dans l’hémicycle, afin d’éviter tout malentendu. Je vous invite donc à faire preuve d’exemplarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
La parole est à M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun
J’ai écouté avec beaucoup d’émotion les propos de M. Mauvieux, qui faisait des heures supplémentaires pendant ses études. Cela signifie qu’il travaillait trente-cinq heures par semaine et dépassait régulièrement ce quota. Il se trouve que je connais bien M. Mauvieux, qui a le même âge que moi et est élu dans le même département. Nous avons d’ailleurs des connaissances en commun. Je sais donc qu’en 2013, quand les heures supplémentaires ont été refiscalisées, il avait 22 ans et avait déjà fini ses études.
M. Kévin Mauvieux
Non ! C’est faux !
M. Philippe Brun
Les heures supplémentaires qu’il a faites pendant ses études n’ont donc jamais été fiscalisées. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Dem.) Elles sont désormais défiscalisées dans la limite de 7 500 euros par an et, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances (PLF), l’Assemblée nationale a même proposé de les défiscaliser entièrement. Je propose donc que nous laissions ce débat derrière nous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. Pierre Pribetich
Bravo !
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Kévin Mauvieux, pour un rappel au règlement.
M. Kévin Mauvieux
Il se fonde sur l’article 70, alinéa 3, relatif aux mises en cause personnelles. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.) M. Brun connaît visiblement les mauvaises personnes ; sinon, il saurait que j’ai terminé mes études en 2015 et que j’ai donc subi la fiscalisation des heures supplémentaires imposée par François Hollande. À l’époque, j’avais même écrit au président de la République pour lui signaler ma situation – les archives ministérielles en ont probablement la trace – (Sourires sur les bancs des groupes RN et SOC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN), en échange de quoi j’ai eu droit à l’échelon 0 bis de bourse, autant dire à pas grand-chose. Merci, monsieur le président, pour cette négligence envers les étudiants ! (Sourires et échange d’exclamations entre les bancs des groupes RN et SOC.)
M. Emeric Salmon
A-t-il répondu ?
M. le président
Je suis sûr que nous avons tous eu une vie étudiante passionnante, mais je suggère que nous reprenions plutôt le cours de notre débat.
Après l’article 8 (suite)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 257.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 221
Nombre de suffrages exprimés 221
Majorité absolue 111
Pour l’adoption 54
Contre 167
(L’amendement no 257 n’est pas adopté.)
M. Pierre Pribetich
Maintenant, nous voudrions connaître la suite des aventures de Kévin !
M. le président
Je suis saisie de deux amendements, nos 304 et 872, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 304.
M. Hendrik Davi
Quand j’étais étudiant… Non, je plaisante. (Rires.)
Un député du groupe RN
C’était drôle, pour une fois !
M. Hendrik Davi
Cet amendement de repli vise à supprimer les exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires, uniquement dans les entreprises de plus de vingt salariés. Il serait absurde de favoriser les heures supplémentaires alors que la France compte 5,7 millions de chômeurs et des centaines de milliers de personnes en burn-out. On peut néanmoins comprendre que les petites entreprises de moins de vingt salariés ne puissent pas embaucher pour faire face à un pic d’activité. Dans un souci de compromis, nous proposons donc un amendement de repli.
Si vous voulez vraiment augmenter le pouvoir d’achat des Françaises et des Français, il suffit d’augmenter le smic. (« Ils ne veulent pas ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Cela ne coûtera rien à l’État et rapportera énormément de cotisations sociales, car les salaires dans leur ensemble augmenteront.
M. le président
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l’amendement no 872.
Mme Ségolène Amiot
Il tend à supprimer les déductions forfaitaires de cotisations patronales sur les heures supplémentaires dans les entreprises de moins de 250 salariés. En proposant une fois de plus de limiter les régimes d’exonération en tout genre, nous vous offrons une nouvelle recette de 18 milliards d’euros. Il faut faire preuve d’objectivité : même la Cour des comptes, une organisation qu’on pourrait difficilement qualifier de marxiste (Murmures sur les bancs du groupe RN), déclare que « l’exonération de cotisations salariales pour les heures supplémentaires crée une impasse financière [...] qui doit être corrigée ». Nous devrions l’écouter. De plus, la désocialisation des heures supplémentaires ne crée pas d’emplois. C’est même tout l’inverse, comme le révélait déjà un rapport parlementaire de 2011. Quant au gain de pouvoir d’achat, le bilan est nul, car le dispositif a d’abord profité aux cadres.
Nous proposons donc la suppression d’un dispositif inutile pour l’emploi, contre-productif pour le pouvoir d’achat et qui, de surcroît, dévitalise les caisses de la sécurité sociale. (Mme Danièle Obono applaudit.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Madame Amiot, la Cour des comptes n’évoquait pas la déduction forfaitaire de cotisations patronales, mais l’exonération de cotisations salariales.
Monsieur Davi, vous raisonnez comme si le temps de travail était un gâteau qu’il fallait partager entre travailleurs, comme si l’exécution d’heures supplémentaires par un salarié empêchait la création d’emplois. Cela ne fonctionne pas ainsi. Au demeurant, je m’étonne de vos propos, car les salariés que je rencontre dans ma circonscription et qui effectuent des heures supplémentaires me vantent le dispositif et me demandent de ne surtout pas y toucher. J’ai consulté une étude qui recense les salariés concernés par les heures supplémentaires : 70 % des ouvriers et 50 % des employés en font. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Grâce aux dispositifs d’exonération fiscale et sociale, ces heures représentent pour eux un gain considérable de pouvoir d’achat. Il faut prendre en considération ces retours de terrain ; nous sommes aussi là pour répondre aux demandes des salariés, surtout les plus modestes, qui ont de fortes attentes en matière de pouvoir d’achat.
Quant à l’augmentation du smic, une entreprise ne peut pas toujours s’engager en offrant une augmentation qui pèsera durablement sur ses finances. Elle préfère parfois donner la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires quand son activité le permet, sachant que la demande des clients peut fluctuer et qu’elle risque de diminuer. C’est la réalité du monde économique. Nous ne pouvons pas toujours prendre des mesures rigides ; il faut être pragmatique. (Mme Ségolène Amiot s’exclame.) Je ne nie pas que les dispositifs existants puissent être corrigés, mais en l’état, vos amendements porteraient préjudice au pouvoir d’achat des ouvriers et des employés qui nous demandent de ne pas toucher aux heures supplémentaires.
M. Ian Boucard
Excellent !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Je suis étonné des attaques dont font l’objet à la fois les petites entreprises et les heures supplémentaires. Les petites entreprises forment le tissu de l’emploi et de l’activité économique des territoires, elles sont menées par des dirigeants qui se donnent à fond ; je suis surpris de vous voir vous concentrer sur les entreprises de 20 à 250 salariés. En tant que ministre du travail, je ressens un certain malaise à l’idée d’embêter ces entreprises.
M. Hendrik Davi
Ce n’est pas ce que fait l’amendement !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Quant aux heures supplémentaires, je crois bon de rappeler quelques chiffres. En moyenne, elles rapportent chaque année 3 151 euros à un cadre, 1 906 euros à un salarié moyen, 1 421 à un employé et 2 036 euros à un ouvrier. C’est à peu près l’équivalent d’un treizième mois. Les heures supplémentaires sont donc très importantes pour le pouvoir d’achat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Philippe Vigier applaudit également.)
Souhaitant défendre les petites entreprises ainsi que les heures supplémentaires, je suis défavorable aux deux amendements.
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Je comprends mal les réponses du rapporteur général et du ministre. Nous n’avons jamais dit que nous voulions supprimer les heures supplémentaires ! Elles ne nous posent aucun problème. Nous voulons simplement qu’elles soient soumises à fiscalité.
Mme Ségolène Amiot
Voilà !
M. Yannick Monnet
Si les gens font des heures supplémentaires, c’est qu’il y a du travail à faire et qu’ils créent donc de la richesse supplémentaire. Il est normal que cette richesse participe à financer la sécurité sociale. Pour défendre le pouvoir d’achat, certains groupes proposent de rapprocher le brut et le net. Cela paraît logique à première vue, mais pensez-vous que cela améliorera le pouvoir d’achat des gens lorsqu’ils devront aller à l’hôpital ? Non. Nous ne voulons pas en arriver là, et proposons donc d’alimenter la sécurité sociale par des cotisations.
M. Ian Boucard
Il faut baisser les dépenses !
M. Yannick Monnet
Si des heures supplémentaires doivent être effectuées, elles le seront sans problème sous ce régime ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
(Les amendements nos 304 et 872, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 879 et 2283.
La parole est à M. Ian Boucard, pour soutenir l’amendement no 879.
M. Ian Boucard
Par cet amendement de repli, qui s’inscrit dans la droite ligne de l’amendement no 878 excellemment défendu par Mme Gruet cet après-midi, nous vous invitons à poursuivre le débat relatif aux heures supplémentaires. Nous proposons de revenir au dispositif défini en 2007 par Nicolas Sarkozy et qui avait rencontré un réel succès. En 2012, le président Hollande, à peine élu, s’est donné pour seul objectif de détricoter méthodiquement l’héritage de Nicolas Sarkozy, y compris cette mesure, qui connaissait un grand succès auprès de tous les travailleurs et travailleuses. (M. Inaki Echaniz s’exclame.) Environ 40 % des entreprises avaient recours aux heures supplémentaires défiscalisées, qui offraient aux salariés un gain de pouvoir d’achat estimé à 500 euros par an en moyenne ; le président Hollande a pourtant choisi de revenir dessus.
Le dispositif de 2007 a été partiellement rétabli lors du quinquennat précédent : les heures supplémentaires ont été désocialisées. Nous proposons de le rétablir entièrement. Constatant qu’ils n’ont pas voté l’amendement no 878, j’appelle MM. Mauvieux et Dessigny, qui nous ont livré des témoignages très émouvants, à voter celui-ci, pour que les étudiants de demain ne connaissent pas les mêmes problèmes que ceux d’hier.
M. Vincent Descoeur
Très bien !
M. le président
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 2283.
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Ce matin, dans mon rôle de rapporteur général, j’ai appelé M. Boucard à la raison en l’invitant à retirer l’amendement no 838, qui visait à supprimer la CSG et la CRDS – contribution pour le remboursement de la dette sociale – sur les heures supplémentaires. Je trouvais en effet que l’amendement, qui dépassait le dispositif instauré par Nicolas Sarkozy en 2007, allait trop loin. La CSG et la CRDS ont été maintenues. Après la crise des gilets jaunes, fin 2018, l’exonération de cotisation salariale et d’impôt sur le revenu a été rétablie, mais la déduction forfaitaire de cotisation patronale ne l’a été, à l’été 2022, que pour les entreprises de moins de 250 salariés. Par ces amendements, nous proposons d’étendre le bénéfice de cette déduction aux entreprises d’un effectif supérieur pour favoriser le recours aux heures supplémentaires, accroître le nombre de salariés qui en bénéficient et accroître par conséquent leur pouvoir d’achat.
Ayant présenté l’amendement, je vais donner mon avis.
M. Ian Boucard
C’est là qu’il est vraiment bon !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
L’amendement no 878 aurait coûté 2 milliards à la sécurité sociale, ce qui me semblait déraisonnable. Ces amendements identiques, au contraire, entraîneraient un coût de 150 millions d’euros. Les ministres me contrediront s’ils le souhaitent, mais cela paraît raisonnable. En outre, cette mesure rétablirait l’équité : il est illogique d’aider les entreprises de moins de 250 salariés et non celles de plus de 250 salariés, qui peuvent être organisées en plusieurs sites séparés. Enfin, elle permettrait de stimuler le recours des salariés aux heures supplémentaires, et donc leur pouvoir d’achat.
Tout comme mon collègue socialiste, qui a rappelé les montants par heure supplémentaire, je serai très précis quant au calcul du coût de l’amendement. La déduction forfaitaire patronale représente 0,50 euro par heure supplémentaire et ne s’appliquerait nouvellement qu’aux entreprises au-delà de 250 salariés, ce qui explique son coût modique. C’est d’autant plus vrai que la plupart des heures supplémentaires sont effectuées au sein des TPE-PME. Pour vous donner un ordre d’idée, la somme en question ne représente guère que 5 % de la recette de l’augmentation de la CSG sur le patrimoine, votée hier.
M. Ian Boucard
Très bonne comparaison !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Comme l’a rappelé M. le rapporteur général, j’ai indiqué à Mme Gruet que le coût de 2 milliards d’euros associé à l’amendement no 878 serait insoutenable dans l’état actuel de nos finances publiques.
Par ces amendements identiques, vous proposez, au fond, de rétablir une forme d’égalité entre les salariés. J’ai les données sous les yeux : les entreprises de plus de 250 salariés représentent 53 % de la masse salariale totale. Cette mesure serait utile, étant donné le nombre d’emplois concernés. Ces entreprises offrent à leurs employés moins d’occasions d’effectuer des heures supplémentaires ; toutefois, comme l’a rappelé M. le ministre du travail, le gain annuel de pouvoir d’achat lié aux heures supplémentaires équivaut à peu près à un treizième mois – il peut même représenter un peu plus dans le cas des ouvriers. Dans un contexte où nous souhaitons réindustrialiser le pays et où la croissance française est un peu plus forte que celle de certains de nos voisins européens, il peut être intéressant d’accompagner ainsi cette dynamique.
Avant de donner mon avis, je vous appellerai à la prudence sur un point. Honnêtement, cette disposition me semble plus efficace que celle votée dans le cadre du PLF, qui consiste à supprimer le plafond de défiscalisation des heures supplémentaires, fixé à 7 500 euros. Je rappelle qu’en moyenne, les cadres perçoivent environ 3 000 euros par an au titre des heures supplémentaires. Par conséquent, la suppression du plafond ne me semble profiter qu’à des cadres dirigeants dont le contrat permet la rémunération d’heures de travail au-delà de leur forfait jours. Cette mesure fiscale coûterait entre 500 millions et 1 milliard d’euros.
Sur ces amendements, je m’en remettrai à la sagesse de l’Assemblée. Je tiens toutefois à faire savoir à la représentation nationale que cet avis est lié à mon souhait de procéder à un recalibrage au cours de la navette, ou de revenir sur la mesure fiscale votée dans le PLF.
Il y a très peu d’ouvriers, très peu de salariés appartenant aux classes moyennes, très peu d’employés qui atteignent les 7 500 euros ; un salarié au smic doit quasiment effectuer 500 heures supplémentaires dans l’année pour atteindre ce montant. Ces salariés ne sont donc pas au cœur de votre mesure. Cela étant dit, je reconnais que la mesure que vous proposez par ces amendements identiques coûte moins que 150 millions d’euros et recrée l’égalité. À vous, mesdames et messieurs les parlementaires, de décider de ce que vous voulez faire.
M. le président
La parole est à M. Marc Ferracci.
M. Marc Ferracci
Les amendements identiques nos 879 et 2283 sont intéressants à plusieurs titres. D’abord, ils s’inscrivent dans une philosophie que nous défendons depuis 2017, celle de la valorisation du travail, qui nous a conduits à supprimer les cotisations salariales en 2018 et à monétiser les RTT en 2023. Valoriser le travail, c’est aussi faire en sorte d’accroître l’écart entre les revenus du travail et ceux de l’inactivité. De ce point de vue, j’avoue avoir du mal à entendre les prises de position des députés du Rassemblement national qui ont voté contre la réforme de l’assurance chômage et contre l’obligation d’activité pour les allocataires du RSA – tout cela est hypocrite. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Philippe Vigier
Exactement !
M. Marc Ferracci
Les amendements no 879 et 2283 présentent aussi l’avantage de supprimer un effet de seuil pour les entreprises de 250 salariés. Nous savons que les effets de seuil sont toujours défavorables à la croissance des entreprises. Ainsi, dès lors que nous voulons que les entreprises croissent, nous ne voulons pas leur imposer des contraintes liées à certains seuils.
Enfin, parce que la déduction de cotisation patronale est forfaitaire, comme l’a expliqué M. le rapporteur général, cette disposition présente l’avantage de favoriser d’abord les salariés modestes. Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de ces amendements identiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Je serai bref, car Marc Ferracci a déjà développé les arguments qui me paraissent essentiels, en particulier le fait que ces amendements résolvent le problème de l’effet de seuil. Je connais des entreprises qui connaissent un surplus d’activité pendant quelques semaines et qui n’osent pas y répondre par les heures supplémentaires à cause du surcoût réel qu’elles impliquent. Nous apporterons ainsi à l’ensemble des entreprises cette possibilité d’avoir davantage recours aux heures supplémentaires. Vous l’avez compris – c’était le sens de l’amendement que nous avons défendu avec Nicolas Turquois et Pascal Lecamp –, il y a un problème de pouvoir d’achat ; nous n’échapperons pas à ce débat et nous devons apporter des solutions.
M. le président
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Hendrik Davi
Nous sommes évidemment contre cette mesure, mais j’aimerais qu’elle soit chiffrée. Combien coûte-t-elle ?
Plusieurs députés du groupe DR
150 millions !
M. Ian Boucard
Nous, nous chiffrons !
M. Hendrik Davi
Monsieur le rapporteur général, vous soutenez que des salariés, notamment des ouvriers, sont contents d’effectuer des heures supplémentaires. Mais si c’est le cas, c’est parce que leurs salaires sont tellement bas qu’ils sont obligés de faire des heures supplémentaires pour avoir de quoi manger à la fin du mois ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.) Si vous posez la question aux caissières qui travaillent jusqu’à 21 heures dans un Carrefour Market – j’en connais –, elles vous répondront qu’elles préféreraient ne pas faire d’heures supplémentaires et voir leurs mômes ; de même, les ouvriers qui travaillent sur les chantiers à 6 heures du matin préféreraient ne pas faire ces heures supplémentaires et accompagner leurs mômes à l’école. Les gens préfèrent être avec leur famille plutôt que de travailler et s’ils font des heures supplémentaires, c’est qu’ils y sont contraints, et jamais par plaisir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 879 et 2283.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 226
Nombre de suffrages exprimés 222
Majorité absolue 112
Pour l’adoption 139
Contre 83
(Les amendements identiques nos 879 et 2283 sont adoptés.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
Je suis saisi de quatre amendements, nos 299, 2216, 2492 et 295, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 299.
M. Hendrik Davi
Faire payer les plus pauvres, les malades et les retraités pour faire vivre notre système de santé et payer les pensions n’est pas la solution. Notre pays est riche ; la France compte cinquante-deux milliardaires, je vous l’ai déjà dit, et, avec près de 2,9 millions de millionnaires, elle se hisse même au troisième rang mondial et au premier rang européen. Plus largement, le taux d’épargne des Français est de 19 %, bien au-dessus de la moyenne européenne qui est de 15 %. Il est donc possible de faire payer ceux de nos concitoyens qui ont des revenus élevés. Or ces revenus ne se résument pas aux salaires : une part importante est versée en intéressement, participation et plans d’épargne entreprise (PEE). Ces revenus ne sont pas soumis à cotisation, ce qui fait que les salariés les plus riches paient moins de cotisations en proportion de leurs revenus que les plus pauvres. Pire, ces exemptions ne sont pas compensées à la sécurité sociale. Les pertes de recettes atteignent 19 milliards, soit 8 milliards de plus qu’en 2018.
L’amendement no 299 vise à mettre fin à cette hérésie en intégrant ces revenus dans l’assiette des cotisations sociales. Cette mesure rapporterait 3,7 milliards d’euros à la sécurité sociale en 2026. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Élise Leboucher, pour soutenir l’amendement no 2216.
Mme Élise Leboucher
Nous vous proposons d’augmenter les recettes de la sécurité sociale en soumettant aux cotisations sociales les dividendes, l’intéressement, la participation et les plus-values de la levée d’option et de la vente d’actions. Adopté par l’Assemblée nationale lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, un amendement similaire avait été balayé d’un revers de main par le gouvernement Barnier, faisant ainsi une croix sur plus de 12 milliards d’euros de recettes nettes pour la sécurité sociale. Les actionnaires du CAC40 ont perçu 98,2 milliards en 2025, après avoir déjà frôlé les 100 milliards l’année précédente. La soumission des revenus du capital au taux global des cotisations sociales patronales, qui s’élève à 29 %, permettrait un gain net de 10 milliards d’euros pour le financement de notre protection sociale. Quant aux dispositifs de partage de valeur, le coût des exonérations de cotisations sociales est estimé à 2,2 milliards. Plutôt que de prendre aux apprentis, aux malades, aux retraités, nous vous proposons donc des recettes pour combler votre sacro-saint trou de la sécu : soumettre les revenus du capital aux cotisations sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Karine Lebon, pour soutenir l’amendement no 2492.
Mme Karine Lebon
Il vise à inclure l’ensemble des dispositifs de partage de la valeur, tels que l’intéressement, les participations ou les plans d’épargne entreprise dans l’assiette des cotisations sociales. Dans son rapport de mai 2024, la Cour des comptes note que « le recours croissant aux compléments de salaire exemptés et exonérés de cotisations sociales minore la progression des recettes de la sécurité sociale et contribue à son déficit en se substituant en partie à des augmentations de salaire de base soumises à cotisations sociales. » En outre, la Cour note que « la sécurité sociale ne récupère qu’à peine plus du tiers du manque à gagner qu’elle subit du fait des exemptions sur les compléments de salaire. » Le montant total des compléments de salaire s’élevait à 87,5 milliards en 2022 et les dispositifs dits de partage de la valeur représentaient 35 % de cette somme, soit 30 milliards environ. Il nous semble donc légitime d’intégrer les dispositifs de partage de la valeur à l’assiette des revenus d’activité soumis à cotisation.
M. le président
L’amendement no 295 de M. Yannick Monnet est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
L’amendement no 295 de M. Monnet me semble un peu différent des autres…
M. Yannick Monnet
Non !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
À travers les amendements no 299, 2216 et 2492, il me semble que vous vous trompez de cible. En fait, ces amendements ne s’appliquent qu’aux dividendes versés aux salariés du régime général et du régime agricole. Ils n’ont donc pas d’incidence sur les chefs d’entreprise que vous évoquez, à l’exception de ceux qui bénéficient du statut de gérant assimilé salarié. L’adoption de ces amendements aurait pour conséquence paradoxale d’augmenter les prélèvements sociaux sur l’actionnariat salarié sans modifier les prélèvements versés aux actionnaires non salariés.
L’amendement no 295 est un peu différent, car il ne porte pas sur les dividendes, mais seulement sur l’intéressement et la participation. Vous connaissez mon avis sur le sujet : je pense qu’il n’est pas souhaitable de désinciter les entreprises à recourir à ces deux instruments de partage de la valeur. J’appartiens à une famille politique qui est très attachée à la participation et à l’intéressement ; c’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur ces amendements.
Les amendements nos 299, 2216, 2492 et 295 ont été rejetés par la commission.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
La lecture des amendements donne l’impression qu’il y a des fuites majeures dans un système qui serait sans plafond, sans limite. Cependant, le plafond d’exonération s’appliquant à la prime de partage de la valeur est de 3 000 euros et il est porté à 6 000 euros si l’entreprise a déployé un dispositif d’intéressement. Vous pouvez considérer que c’est beaucoup d’argent, mais nous avons instauré cela précisément pour créer une véritable incitation à mettre en place des dispositifs d’intéressement pérenne. De même, l’exonération de la CSG est plafonnée à 3 000 ou à 6 000 euros pour les entreprises de moins de 50 salariés et elle s’applique uniquement aux rémunérations inférieures à 3,5 smics. Je veux bien que l’on soutienne qu’il y a des dispositions qui sont soumises à moins de charges ou qui n’y sont pas soumises, mais il n’y a pas dans notre pays de dispositions qui permettent de verser des salaires sans limite, sans charges et sans impôt.
Mme Karine Lebon
Nous parlons de compléments de salaires !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il y a effectivement différentes dispositions qui portent sur des compléments de salaires. Cependant, là aussi, les cas où il n’y a aucune charge et aucun impôt sont limités – c’est la question que posent les titres-restaurant ; nous y viendrons. En tout état de cause, il serait injustifié d’y voir une faille dans le système.
Je sais que M. Guedj, ainsi que des députés siégeant sur d’autres bancs, envisagent d’instituer un dispositif plus progressif. En effet, plutôt que d’appliquer des taux homogènes, on pourrait mettre en place un taux de cotisation variant selon un barème, de façon similaire à la progressivité de l’impôt sur le revenu.
Toutefois, aucun des amendements en discussion commune ne va dans ce sens. Je suis défavorable au premier pour les raisons que je viens d’indiquer, et aux suivants parce qu’ils me semblent maximalistes. Supprimer les exonérations sur tout l’intéressement, c’est contraire à ce qu’était la proposition initiale du général de Gaulle…
M. Yannick Monnet
Ce n’était pas la nôtre !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ce n’est pas la vôtre, monsieur le député, mais elle avait recueilli un assez fort assentiment, qui s’étendait également à la vision de l’entreprise qu’elle impliquait, liée à la valeur produite par le capital et le travail, une vision selon laquelle les travailleurs doivent pouvoir récupérer une partie des bénéfices – et que, je crois, nous sommes nombreux à défendre.
L’avis du gouvernement sur ces amendements est défavorable. Par cet avis, je ne rejette pas une réflexion à venir sur des mécanismes plus progressifs ou en tout cas plus adaptés, notamment quand les montants deviennent très importants, mais aucun de ces amendements ne propose une telle disposition.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier, pour un rappel au règlement.
M. Philippe Vigier
Sur le fondement de l’article 100, portant sur l’organisation des débats. Pour la bonne compréhension des amendements nos 879 et 2283 qui ont été adoptés, monsieur le rapporteur général, nous confirmez-vous qu’ils ont tous les deux la même incidence financière de 150 millions d’euros ? Ce n’est pas ce que nous comprenons de vos explications.
M. le président
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Les amendements nos 879 et 2283 sont strictement identiques. Peut-être mes explications ont-elles entraîné une confusion. Ce matin, le groupe Droite républicaine a déposé un amendement qui revenait sur la CSG et la CRDS qui représentait 2 milliards d’euros. J’ai invité les auteurs de l’amendement à le retirer au profit de ces amendements plus ciblés dont le coût est de 130 millions d’euros. (Exclamations sur quelques bancs du groupe Dem.) Je l’ai dit à trois reprises.
Après l’article 8 (suite)
M. le président
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Hendrik Davi
Monsieur le rapporteur général, nous ne nous sommes pas trompés. À travers ces amendements, nous ne visions pas les patrons, mais les salariés qui ont des revenus assez élevés et qui profitent de compléments de salaire que les autres n’ont pas. Nous ne voulons pas forcément supprimer ces compléments de salaire, mais nous proposons qu’ils soient soumis aux cotisations à un taux suffisant.
Par ailleurs, vous nous dites, madame la ministre, que tous ces dispositifs sont plafonnés et ne représentent pas grand-chose, mais expliquez-moi : le gouvernement est disposé à soumettre à cotisation 1,2 milliard pour les chèques-vacances et les titres-restaurant – ça, il faut absolument aller les chercher ! –, mais il ne faudrait pas toucher à l’intéressement et à la participation qui s’élèvent à 3,7 milliards. Je ne comprends toujours pas votre raisonnement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 299.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 217
Nombre de suffrages exprimés 217
Majorité absolue 109
Pour l’adoption 40
Contre 177
(L’amendement no 299 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2216.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 207
Nombre de suffrages exprimés 204
Majorité absolue 103
Pour l’adoption 38
Contre 166
(L’amendement no 2216 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 2492 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je voudrais revenir sur un point qui a l’air d’interroger un certain nombre de députés. Comme le rapporteur général, j’ai bien indiqué que l’amendement no 879 de la Droite républicaine avait un coût de 150 millions d’euros. L’amendement précédent sur la CSG coûte 2 milliards et la défiscalisation des heures supplémentaires, votée dans le PLF, a un coût estimé entre 500 millions et 1 milliard d’euros.
À ce titre, je demande qu’au cours de la navette, le débat sur l’amendement no 879 soit l’occasion de réviser ce qui a été voté dans le cadre du PLF. Si je n’ai pas été claire, je m’en excuse, mais je voulais m’assurer qu’il n’y avait pas eu d’incompréhension. J’espère que tout le monde est éclairé sur le vote de cet amendement.
(L’amendement no 295 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l’amendement no 259.
M. Jérôme Guedj
Madame la ministre, nous avons un problème. Nous avons décidé tous ensemble d’exonérer de cotisations les titres-restaurant et les chèques-vacances. Il manque donc 960 millions d’euros à l’équilibre de ce PLFSS.
Depuis plusieurs heures, nous examinons des options pour dégager des ressources. Aucune n’a été votée. Pire, à l’instant, vous venez d’aggraver le besoin de financement en votant 130 millions d’euros de dépenses supplémentaires. C’est pourquoi nous devons être inventifs et constructifs.
M. Pierre Pribetich
Bravo !
M. Jérôme Guedj
Nos amendements tendent à soumettre aux cotisations sociales les compléments de salaire – versements de dividendes, plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco), plans d’épargne entreprise (PEE), participation et intéressement – des personnes qui ont un haut niveau de revenu.
Les amendements précédents avaient un rendement de 12 milliards d’euros et touchaient la participation et l’intéressement dès le premier euro, alors que le montant moyen de la participation est de 1 600 euros. Je suis prêt à discuter du seuil de cette mesure – trois ou quatre smics – qui dégagerait des ressources pour la sécurité sociale sans porter atteinte au principe de partage de la valeur.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Je dois vous avouer qu’il ne manque pas que 960 millions !
M. Jérôme Guedj
En citant ce chiffre, je raisonnais par rapport à l’article !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Nous avons pris des décisions collectives qui représentent des sommes importantes, comme le montre le décompte que je vous ai communiqué. En réalité, le déficit sera plus important.
M. Yannick Monnet
Vous êtes bien dispendieux, à droite ! (Sourires.)
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Nous n’avons même pas encore parlé des articles 9 et 45 bis, en particulier de l’amendement du gouvernement sur les retraites.
Votre amendement est cohérent avec la position que vous tenez depuis trois jours. Vous voulez augmenter les prélèvements sur d’autres formes de revenus, mais la participation et l’intéressement sont déjà soumis à un forfait social de 20 %, à une CSG de 9,2 %, que vous allez d’ailleurs augmenter à 10,4 % et à une CRDS de 0,5 %. Faut-il aller encore plus loin ? Je pense que ce que nous avons fait hier est important et qu’il faut en rester là. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Il y a bien un sujet d’équilibre depuis ce matin. J’ai soutenu la proposition qui consistait à élargir les cotisations aux titres-restaurant et aux chèques-vacances. Il y en avait bien pour 950 millions – et maintenant, on se demande comment les récupérer.
L’intéressement et la participation sont des politiques fortes et anciennes, auxquelles les salariés et certains groupes de l’Assemblée sont très attachés. Leur remise en cause pose donc question. La hausse du forfait social est peut-être envisageable, mais il ne faut pas oublier la CSG patrimoine, à laquelle votre groupe n’est pas étranger. Il m’est compliqué d’accepter cet amendement en tant que tel, mais je vous invite à explorer les pistes de travail proposées. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Monsieur Guedj – ou devrais-je dire « monsieur le ministre Guedj » ? –, à chaque fois que je vois un amendement qui porte votre nom, je me demande si c’est un amendement du groupe socialiste ou un amendement du gouvernement. On ne sait jamais trop quels sont les arbitrages ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
Vous nous proposez, une nouvelle fois, de nous en prendre à des millions de salariés. Certes, le seuil est au-dessus de trois smics, mais on est loin des ultrariches. Depuis des semaines, vous appelez à taxer ces derniers, mais là, vous visez beaucoup plus large ! Sont ciblés les intéressements, les plans d’épargne entreprise et les plans d’épargne retraite, soit 13 millions de personnes. Madame la ministre, vous avez dit que vous étiez ouverte au taux progressif sur ce sujet. J’aimerais bien en savoir plus.
M. le président
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois
J’aime bien la philosophie de l’amendement Guedj, mais je pense qu’il faut ajuster son seuil. Il y a de nombreuses personnes qui gagnent trois smics – 5 400 euros –, comme l’a dit notre collègue du Rassemblement national. C’est un bon salaire, touché par des cadres moyens. Il y a aussi des gens qui gagnent 80 000 à 100 000 euros par mois. Ceux-là, s’ils ne peuvent pas payer leurs cotisations sociales, je me demande ce qu’ils peuvent faire. Je pense qu’il faut viser une tranche plus élevée de revenus.
M. Jérôme Guedj
Sous-amendez mon amendement !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 259.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 212
Nombre de suffrages exprimés 211
Majorité absolue 106
Pour l’adoption 69
Contre 142
(L’amendement no 259 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 336 et 889.
La parole est à Mme Karine Lebon, pour soutenir l’amendement no 336.
Mme Karine Lebon
Depuis 2017, différentes mesures législatives ont assoupli le dispositif relatif aux revenus d’intéressement. De fait, selon les études de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), l’intéressement s’est largement développé depuis cette date, tant en nombre de bénéficiaires qu’en montants perçus.
Comme l’ensemble des dispositifs de contournement de salaire, la mesure proposée pose un certain nombre de problèmes, qui ont été bien documentés récemment par la Cour des comptes, ainsi que par les députés Margueritte et Sas dans leur rapport d’information d’avril 2023.
Ces derniers ont clairement identifié des effets d’aubaine avérés, à travers la substitution de cette prime à des augmentations de salaire. Ils ont également souligné que, d’après un certain nombre d’études, la répartition des primes de participation et d’intéressement ainsi que l’accès à l’épargne salariale étaient plus inégalitaires que celle des salaires. Cette inégalité entre salariés vaut également au regard des montants versés.
Enfin, la Dares avait évalué à 844 millions d’euros net les pertes de recettes induites par le régime social de l’intéressement en 2022. Cette perte non négligeable est en constante augmentation. Elle doit donc cesser. Il est aussi essentiel d’y mettre fin pour que le salaire retrouve ses droits sur les primes.
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 889.
M. Hadrien Clouet
Je défendrai aussi l’amendement no 890. Le débat de ce soir me paraît important : il s’agit de savoir comment on rémunère le travail des gens. Dans cet hémicycle, il y a le camp du salaire – ici, autour de moi – et le camp du bingo – là-bas, à droite. Quand je dis bingo, je pense évidemment à la participation et à l’intéressement. (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
Ce n’est pas la même chose de payer les gens avec un salaire ou avec de l’intéressement. Le salaire est régulier, l’intéressement est aléatoire. Le salaire est prévisible pour mener des projets de vie, l’intéressement est surprenant et imprévisible. Le salaire est irréversible sur un même poste au long de la carrière, l’intéressement varie et peut baisser. Le salaire est positif, l’intéressement peut être nul.
Pour toutes ces raisons, nous voulons mettre fin à la logique qui encourage à substituer l’intéressement et la participation au salaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Je pense aux exonérations de cotisations sociales, qui sont un avantage financier. Nous proposons donc de soumettre à cotisations sociales les rémunérations sous forme d’intéressement et de participation.
Il faut éviter que les revenus ne dépendent que des choix stratégiques et des revenus générés à court terme par l’entreprise. Il faut que les salariés aient des parcours de vie, que leurs qualifications soient reconnues, qu’ils soient payés pour ce qu’ils savent faire et pas pour les résultats de l’entreprise, trimestre après trimestre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Sur les amendements nos 221 et 267, je suis saisi par le groupe Droite républicaine de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Madame Lebon, je ne peux pas vous répondre en détail, parce que nous avons déjà eu ce débat. C’est frustrant, mais je pense que vous le comprendrez.
Monsieur Clouet, je ne sais pas où est le camp du bingo ! (« Là, à droite ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) J’ai été salarié d’une entreprise pendant dix ans et je peux vous dire qu’il y a de bonnes et de mauvaises années. Les bonnes années, quand l’entreprise fait du résultat et qu’il y a de la participation, les salariés qui peuvent en profiter sont très contents. Aucun ne souhaite supprimer ces dispositifs de partage de la valeur. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR. – « Ce n’est pas la question ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Dans une PME, si certaines équipes ont été très méritantes, s’il y a eu des pics d’activité et d’engagement, l’entreprise le reconnaît par l’intéressement. Ce n’est pas que pour les grands actionnaires ! Le principal, ce qui manque dans votre raisonnement, c’est que les revenus des entreprises varient. Si vous n’intégrez pas cela, vous êtes à côté de la plaque. Avis défavorable. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Vincent Descoeur
Très bien !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
En tant qu’ancien dirigeant d’entreprise, je pense que l’intéressement a de la valeur. Il n’est pas anormal de relier les résultats de l’entreprise et ceux des salariés, au sens premier du terme. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
À la SNCF, les cheminots étaient ravis d’avoir de l’intéressement. Comme l’a dit le rapporteur général, qui se rappelle son expérience en entreprise, les deux sont importants. L’intéressement est un bon dispositif qu’il faut garder. Il est défini par des accords d’entreprise négociés avec les syndicats – il ne tombe donc pas du ciel.
Mme Ségolène Amiot
Il permet surtout de faire passer la pilule des bas salaires !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Vous le voyez, je serai toujours le champion du dialogue social.
Mme Ségolène Amiot
Vous avez gelé les salaires à la SNCF !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
De la même manière, la participation doit être conservée. Il faut associer les personnels aux résultats de l’entreprise. Avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot
C’est de la mauvaise foi !
M. le président
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Hendrik Davi
Je prends la parole pour vous faire entendre ce que mes collègues vous disent. Nous ne vous proposons pas de supprimer les heures supplémentaires ou l’intéressement, mais de les soumettre à cotisations. Est-ce clair ?
M. Hadrien Clouet
Voilà !
M. Hendrik Davi
Il s’agit seulement que ces compléments de salaire soient pris en compte lorsque l’on a besoin d’argent pour que le même salarié puisse se faire soigner à l’hôpital. Est-ce clair ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) S’il ne le peut pas, s’il se retrouve dans un couloir des urgences sans médecin pour le soigner, ça lui fera une belle jambe que son intéressement, n’étant pas soumis à cotisations, lui ait rapporté quelques euros de plus. C’est normalement assez simple à comprendre ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
(Les amendements identiques nos 336 et 889 ne sont pas adoptés.)
M. le président
L’amendement no 890 de Mme Ségolène Amiot a été défendu.
(L’amendement no 890, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Karine Lebon, pour soutenir l’amendement no 335.
Mme Karine Lebon
Depuis quelques années est encouragé l’actionnariat salarié, dont la forme la plus répandue consiste en l’acquisition d’actions dans le cadre d’un plan d’épargne entreprise ou par l’intermédiaire d’un fonds commun de placement collectif. En 2020, plus de 600 000 personnes ont ainsi bénéficié d’une opération d’actionnariat salarié, dont 460 000 ont reçu des actions gratuites, généralement sous forme de stock-options et de bons de souscription. L’attribution d’actions gratuites constitue le mode le plus attractif, sans doute en grande partie parce qu’elle donne lieu à l’exonération de diverses cotisations.
En 2022, selon la Dares, ces exonérations auraient fait perdre à la sécurité sociale 507 millions d’euros nets de recettes, perte dont le montant augmente constamment depuis 2018. De plus, si l’actionnariat salarié est souvent cité comme un exemple de gestion en commun de l’entreprise, il ne faudrait pas croire qu’il suffit à la transformer en société coopérative et participative (Scop), puisque le poids de chacun dans la décision dépend du nombre d’actions qu’il détient. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Madame Lebon, la LFSS pour 2025 a porté de 20 % à 30 %, ce qui n’est pas rien, la contribution patronale sur les actions gratuites ; à cela s’ajoutent d’une part 17,2 % de prélèvements sociaux sur ces revenus du patrimoine, d’autre part l’impôt sur le revenu, à la rubrique des traitements et salaires, avec un abattement. Au-delà de 300 000 euros de gain d’acquisition s’applique un autre régime, ayant ses propres taux. Cela répond à l’objection de M. Davi : ces produits contribuent au financement des hôpitaux, des services publics. À Nantes, une entreprise a fait participer ses salariés, qui ont bénéficié d’actions gratuites : par ces cotisations patronales, cette CSG, cette CRDS, le forfait déjà évoqué, ils concourent au financement de notre protection sociale ! Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Même avis. Vous proposez d’assujettir à cotisations sociales les actions attribuées par les entreprises à titre gratuit et les options d’achat d’actions. De même que le rapporteur général, je relève que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a porté le taux de la cotisation patronale de 20 % à 30 %, atteignant un point d’équilibre ; dans l’intérêt de l’attribution de ces actions gratuites, je plaiderai pour la stabilité en la matière. Si nous devions aller plus loin, mieux vaudrait réfléchir à d’autres pistes, comme le plafonnement.
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Le rachat d’actions ou l’attribution d’actions gratuites, c’est aussi la qualité d’actionnaire conférée au salarié. Franchement, même si le coût de ces opérations en a un peu réduit l’attractivité, il faut y voir moins un avantage salarial déguisé qu’une participation des salariés au capital : ils reçoivent des informations, ils deviennent, je le répète, actionnaires. C’est un outil de management, d’intégration dans l’entreprise.
Mme Ségolène Amiot
C’est vite dit ! Une voix sur mille, ça reste très limité !
M. le président
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
Incidemment, cet amendement nous permet de parler des distributions d’actions gratuites : je ne sais pas à quel moment du débat nous pourrons aborder de nouveau ce sujet, mais je voudrais que chacun prenne conscience de ce qu’il signifie. Le Conseil des prélèvements obligatoires a publié très récemment un avis consacré aux assiettes de la CSG et des cotisations sociales. Selon lui, les 4,9 milliards d’euros de ces distributions se répartissent « de la façon suivante entre trois grands seuils » de revenu annuel : un tiers concerne des salariés percevant moins de 100 000 euros par an – on peut considérer que cela relève de l’incitation, des start-up.
Un autre gros tiers, soit environ 300 000 euros chacun, échoit à seulement 5 000 personnes qui gagnent entre 100 000 euros et 2 millions par an. Le dernier tiers, soit environ 11 millions en actions chacun, est partagé entre 145 personnes dont le salaire annuel dépasse 2 millions. Rien de tout cela n’est soumis à cotisations sociales pleines et entières. L’an dernier, nous avons porté le forfait social de 20 % à 30 % ; il nous faut l’augmenter de dix points encore, afin d’aller chercher 300 ou 400 millions – ce sera un début. Je préfère taxer la distribution d’actions gratuites à des gens dont le salaire s’élève à plus de 2 millions par an plutôt que les titres-restaurant ou les chèques-vacances ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
(L’amendement no 335 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir les amendements nos 221 et 267, pouvant être soumis à une discussion commune.
M. Jérôme Guedj
La ministre nous a invités tout à l’heure à entrer dans une logique de progressivité ; elle a parlé de barème au sujet de la prime de partage de la valeur. En réponse à une préconisation de la Cour des comptes, je vous propose donc d’abaisser à 6 000 euros le plafond d’exemption des compléments de salaire lorsque le salaire même est supérieur à trois smics – tout en reconnaissant ces compléments, et sans pénaliser le pouvoir d’achat. Je veux bien que soient déposés des sous-amendements, je veux bien que ces dispositions soient retravaillées au cours de la navette, mais si tous nos amendements sont rejetés, il n’y aura pas matière à discussion ! Si vous êtes d’accord pour traiter la question des compléments de salaire, il vous faudra à un moment ou à un autre adopter un amendement, la navette permettant d’affiner ensuite le texte ; or le no 221 est peut-être, si j’ose dire, le moins maximaliste à ce sujet. Quant au no 267, il est défendu.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Tout cela mérite travail, mérite réflexion, mérite ajustements. La notion de forfait pourrait être intéressante ; vous retenez souvent le seuil de trois smics, peut-être faut-il considérer d’autres valeurs. Il s’agirait d’évolutions profondes d’un certain nombre d’instruments de rémunération : tout cela mérite consultations, débat avec les partenaires sociaux. Recourir à la navette est également une idée intéressante, mais reconnaissez que vos conceptions sont nouvelles. Certains de vos arguments ont été entendus. Vous comprendrez qu’en l’état, il me serait difficile d’émettre un avis favorable ; reste que le gouvernement, je le répète, est prêt à travailler sur ces sujets.
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Le ministre vient de le dire, cet amendement demande que l’on puisse y travailler : je ne suis pas certain que 6 000 euros soit le bon plafond. Certains membres de notre groupe, sensibles aux arguments exposés par Jérôme Guedj, voteront pour, de manière à permettre, lors de la navette, d’aboutir à une solution. (M. Gérard Leseul applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Nous assistons en direct, dans cette assemblée, aux négociations entre le Parti socialiste et le gouvernement ! Ce serait peut-être plus simple, plus clair pour tout le monde, si nous disposions de la liste des amendements socialistes, en particulier ceux de M. Guedj,… (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SOC ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. Jérôme Guedj
Ils sont devant vous ! (Quelques députés du groupe SOC désignent l’écran de leur tablette.)
M. Matthias Renault
…au sujet desquels le gouvernement est ouvert à la discussion, comme vous dites. Impossible en l’état, possible dans la perspective de la navette parlementaire, ce qui implique que le Parti socialiste vote pour le PLFSS ; on commence par gagner du temps, on pourra éventuellement discuter. Pour la clarté du débat, mieux vaudrait, je le répète, une liste de ces amendements dont vous êtes prêts à discuter avec les socialistes ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Je rappelle que les orateurs doivent normalement concentrer leur propos sur l’amendement en cours d’examen.
Je mets aux voix l’amendement no 221.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 176
Nombre de suffrages exprimés 172
Majorité absolue 87
Pour l’adoption 68
Contre 104
(L’amendement no 221 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 267.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 179
Nombre de suffrages exprimés 177
Majorité absolue 89
Pour l’adoption 63
Contre 114
(L’amendement no 267 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Catherine Hervieu, pour soutenir l’amendement no 2320.
Mme Catherine Hervieu
Il vise à instaurer un malus sur les cotisations patronales lorsque les entreprises présentent un fort taux d’embauche à temps partiel. Le travail à temps partiel, vous le savez, concernant majoritairement les femmes, ce levier contribuerait à la lutte contre les inégalités de genre au travail.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Cet amendement n’a pas été étudié par la commission ; je dois vous avouer, madame Hervieu, que je ne vois pas trop comment il est possible d’établir un rapport direct entre la cause légitime que vous défendez et les cotisations d’assurance maladie. Il conviendrait aussi d’adapter, de prendre en compte la disparité des secteurs d’activité, des établissements, et le fait que le temps partiel peut être subi ou choisi. Bien sûr, des entreprises sont susceptibles d’en abuser ; d’autres aimeraient donner plus d’heures de travail à des salariés qui, eux, ne souhaitent pas passer à temps complet. Je le répète, il y a des réalités dont il faut tenir compte : une telle rigidité risque de se retourner contre les entreprises et les salariés. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
Même avis.
(L’amendement no 2320 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Karine Lebon, pour soutenir l’amendement no 278.
Mme Karine Lebon
Le travail à temps partiel concerne plus d’une femme sur quatre, d’un jeune sur quatre, d’un salarié expérimenté sur quatre, et 31 % des employés contre 9,2 % des cadres. L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) rappelle dans un rapport remis en décembre 2024 qu’en France, le taux de salariés à temps partiel subi est supérieur à la moyenne de l’Union européenne et à celle de la zone euro : 24,4 % des salariés à temps partiel, soit plus de 1 million de personnes, y sont contraints. Encore ce chiffre est-il probablement sous-estimé, puisqu’il n’inclut pas, alors qu’elles aspirent à travailler davantage, les personnes qui déclarent travailler à temps partiel soit en raison d’un handicap ou problème de santé, soit afin de s’occuper d’un enfant ou d’un proche – surprise : ce sont surtout des femmes qui se trouvent dans ce dernier cas !
En outre, les salariés à temps partiel sont plus exposés à des conditions de travail précaires, des horaires atypiques, des rémunérations moindres et un risque de pauvreté. C’est le dernier amendement de la soirée : je vous invite à l’adopter afin de conclure celle-ci sur une note positive ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Madame Lebon, il faut vraiment que je trouve ce jeu pour enfants pour apprendre à faire entrer un cube dans une forme carrée. J’ai encore des progrès à faire en tant que rapporteur général. (Sourires.)
Mme Karine Lebon
Je peux vous l’offrir, si vous voulez !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
S’il y a un combat qu’on pourrait mener en commun, c’est bien celui de la lutte contre les trappes à pauvreté que constituent les temps partiels subis. Je rencontre parfois des salariés dans cette situation. Toutefois, les cotisations des différentes branches ne sont pas forcément l’outil approprié pour lutter contre ce phénomène. Cet amendement a été rejeté par la commission. C’est donc un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre
J’irai très vite, rassurez-vous, mais je me dois d’apporter une réponse à Mme Lebon. Je comprends votre intention de limiter le temps partiel subi. Le gouvernement partage cet objectif, qui faisait d’ailleurs partie des priorités partagées avec les partenaires sociaux lors de la dernière conférence sociale.
Pour autant, je pense que la majoration des cotisations que vous proposez n’est pas le bon système pour cela. Le point que vous soulevez est important, mais la voie suggérée ne nous convient pas. Je ne pourrai donc pas donner un avis favorable à votre amendement.
(L’amendement no 278 n’est pas adopté.)
M. le président
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra