Troisième séance du lundi 27 octobre 2025
- Présidence de Mme Nadège Abomangoli
- 1. Projet de loi de finances pour 2026
- Première partie (suite)
- Après l’article 12 (appelé par priorité – suite)
- Amendement no 1530
- M. Philippe Juvin, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- M. Roland Lescure, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique
- Amendements nos 1049, 539, 3583 rectifié et 1123
- Sous-amendement nos 3856, 3857, 3858
- Amendement no 2870
- Sous-amendement nos 3861, 3859, 3860
- Amendement no 2623 rectifié
- Sous-amendement nos 3850, 3851, 3852, 3849
- M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Amendements nos 2240, 2481, 3663, 2122, 2153, 899, 3601 rectifié, 3685 rectifié, 3722, 1913, 635, 1902, 2397, 2394 et 2208
- Rappel au règlement
- Après l’article 12 (amendements appelés par priorité – suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 12 (amendements appelés par priorité – suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 12 (amendements appelés par priorité – suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 12 (amendements appelés par priorité – suite)
- Amendement no 3303 deuxième rectification
- Après l’article 12 (appelé par priorité – suite)
- Première partie (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Projet de loi de finances pour 2026
Première partie (suite)
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 (nos 1906, 1996).
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant aux amendements identiques nos 2311 et 2731 portant article additionnel après l’article 12.
Après l’article 12 (appelé par priorité – suite)
Mme la présidente
Pour information, nous avançons, ces dernières heures, au rythme d’un peu moins de quatorze amendements par heure – et de onze par heure depuis le début de l’examen du texte. Nous allons reprendre en essayant de nous en tenir à un pour un contre, sauf discussion commune particulièrement importante.
Les amendements identiques nos 2311 et 2731 ne sont pas défendus.
L’amendement no 1530 de M. Aurélien Le Coq est défendu.
Sur cet amendement, je suis saisie par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouveau Front populaire de demandes de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Juvin, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
M. Philippe Juvin, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Roland Lescure, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Il s’agit ici, par des mécanismes d’amortissement fiscaux, de favoriser la conversion rapide des flottes d’entreprise aux véhicules électriques, en réduisant les avantages fiscaux liés à l’amortissement des véhicules thermiques.
M. Pierre Cordier
L’amendement est défendu ! Pourquoi reprend-il la parole ?
M. Matthias Tavel
Cela encouragerait la massification de la production de véhicules électriques et contribuerait à la baisse du prix de ces derniers pour les particuliers, tout en alimentant le marché de l’occasion, dont on sait qu’il est abondamment pourvu par les flottes professionnelles. Ce serait une mesure cohérente sur le plan tant écologique qu’industriel. (M. Aurélien Le Coq applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Roland Lescure, ministre
Des dispositions inscrites à l’article 13 du projet de loi de finances (PLF) prévoient plusieurs mesures en faveur du verdissement de la fiscalité des véhicules. Nous les examinerons bientôt :…
M. Matthias Tavel
Bientôt… (Sourires.)
M. Roland Lescure, ministre
…attendons un peu ! Avis défavorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1530.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 80
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l’adoption 34
Contre 45
(L’amendement no 1530 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 539, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Dieynaba Diop, pour soutenir l’amendement no 1049.
Mme Dieynaba Diop
Il vise à adapter le dispositif encadrant les dons alimentaires afin que les entreprises distribuant des denrées alimentaires soient davantage incitées à préférer le don à la destruction. On sait très bien que les quantités détruites sont importantes !
La disposition, neutre sur le plan fiscal, produirait un fort effet incitatif sur les dons, sans contrainte administrative supplémentaire pour les grandes et moyennes surfaces. (M. Aurélien Rousseau applaudit.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La commission a adopté l’amendement. Avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
Avis défavorable.
M. Aurélien Rousseau
Oh ! Un effort !
M. Roland Lescure, ministre
Les pertes de denrées alimentaires périssables étant inévitables dans le secteur de la distribution au détail, la mesure que vous proposez viendrait pénaliser injustement des entreprises qui font déjà face à une perte de chiffre d’affaires du fait de ces mêmes pertes.
Mme Dieynaba Diop
Au contraire !
M. Roland Lescure, ministre
Le taux cumulé de la nouvelle réduction d’impôt pourrait s’élever à 85 % pour une même fraction de don : si elle atteignait un niveau aussi élevé, l’incitation aux dons serait à mon avis trop importante alors que, dans le même temps, des pertes automatiques se verraient fortement sanctionnées. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.
Mme Christine Pirès Beaune
Je crois que M. le ministre se trompe. Le régime fiscal actuel favorise la destruction des denrées alimentaires invendues ! Cet amendement déposé par M. Garot, qui était d’ailleurs à l’origine du dispositif, vise à contrecarrer cela. Il faut vraiment inverser la logique ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1049.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 98
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l’adoption 49
Contre 27
(L’amendement no 1049 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune, pour soutenir l’amendement no 539.
Mme Christine Pirès Beaune
Je précise d’emblée que cet amendement ne change rien au dispositif généreux de suramortissement que nous devons à M. Charles de Courson et qui permet de verdir les flottes professionnelles. C’est un dispositif plutôt vertueux, mais des pratiques abusives ont été constatées ; certaines entreprises françaises mettent à disposition, via des contrats de location, des véhicules qui bénéficient de l’aide fiscale française, mais qui sont utilisés – et roulent donc – à l’étranger. L’amendement vise à combler une faille du dispositif. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. Aurélien Rousseau
C’est très clair !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La commission a rejeté l’amendement. Ce que dit notre collègue est cependant tout à fait vrai : il arrive que des sociétés étrangères utilisent des bus propres payés avec les impôts des Français mais qui roulent à l’étranger. Toutefois, le secteur du transport routier de marchandises étant totalement européanisé, l’affectation d’un véhicule à une « activité en France » sera très difficile à définir. Le problème que vous posez est bien réel, mais je ne vois pas comment il sera possible de déterminer si un bus ou un camion roule majoritairement en France ou à l’étranger : comment distinguer l’activité effectuée sur une route française de celle réalisée ailleurs en Europe ? Avis défavorable, malgré les bons arguments que vous avez donnés.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
Trois problèmes résulteraient de l’adoption de votre amendement, à commencer par celui de la conformité au droit européen. Ensuite, dans la mesure où 50 % des poids lourds sont loués – par des entreprises françaises à l’étranger ou inversement –, 50 % du marché se retrouverait exclu du dispositif visant à favoriser l’utilisation de véhicules propres. Enfin, votre amendement délègue la fiscalité, un pouvoir législatif, au pouvoir réglementaire : cela revient à vous dessaisir de votre pouvoir et c’est anticonstitutionnel ! Sur le fond comme sur la forme, je vous engage à le retirer. Peut-être pourrons-nous y retravailler par la suite, mais en l’état, ça ne fonctionne pas.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
J’ai en effet défendu cet amendement l’année dernière. Cependant, quand nous avions voté ce suramortissement, à une large majorité, nous n’avions pas connaissance des pratiques de certaines banques, qui passent des accords avec les fabricants de ces véhicules et les acquièrent à des prix fort intéressants avant de les louer à l’étranger. Ce n’était pas le but de la mesure, dont la visée était écologique ! On nous dit que si nous précisons que l’activité doit avoir lieu en France, il y a un risque d’euro-incompatibilité. Ce n’est pas faux mais, monsieur le ministre, avez-vous des idées pour éviter ce contournement de la disposition, dont l’objectif initial était de réduire les émissions de gaz à effet de serre en France, et pas en Norvège ?
On m’a parlé du cas extraordinaire d’une banque dont je tairai le nom : elle a créé une filiale qui achète des camions à des prix très élevés, fait du suramortissement et les envoie en Scandinavie – je n’entrerai pas dans les détails. Ce n’était évidemment pas le but de notre dispositif ! Nous devons trouver un moyen d’éviter ce détournement de la loi fiscale française.
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.
Mme Christine Pirès Beaune
Si c’est la mention du recours au décret qui gêne M. le ministre dans mon amendement, il suffit de la supprimer ! Quoi qu’il en soit, on ne peut pas accepter que l’argent des Français finance des véhicules qui iront ensuite rouler en Norvège, pour reprendre l’exemple cité par M. de Courson. Je n’ai aucun mal à le dire : une banque française a acheté des bus en profitant du suramortissement payé par les Français ; ces bus se sont ensuite retrouvés à rouler en Norvège via un contrat de location ! C’est un exemple particulièrement frappant d’optimisation fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Roland Lescure, ministre
Je comprends, madame la députée, mais ce que je dis, c’est que votre amendement, en l’état, ne permet pas de résoudre le problème.
Mme Christine Pirès Beaune
On le vote et vous modifierez !
M. Roland Lescure, ministre
En me déléguant ce pouvoir par la voie réglementaire, vous ne réglez rien. Si je publie un décret, il sera anticonstitutionnel – en tout cas, votre amendement l’est.
Je dois avouer que je découvre ce sujet, auquel vous avez consacré de longs débats l’année dernière. Je comprends qu’il soit frustrant d’entendre un ministre vous demander encore un peu de temps, mais nous devons y retravailler. À l’heure actuelle, je n’ai pas de solution. La seule possible serait d’exclure tous les véhicules de location ; or vous savez bien qu’une part importante des poids lourds et des bus qui circulent en France sont précisément des véhicules de location.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Soyons clairs : Mme Pirès Beaune a tout à fait raison de souligner que des sociétés utilisent les crédits dont nous parlons pour acheter des bus qu’elles feront circuler ailleurs, ce qui est absurde.
Mme Christine Pirès Beaune
Eh oui !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Cependant, si l’on réserve la mesure à des véhicules qui roulent en France, cela risque de ne pas fonctionner, car le poids lourd qui fait du transport international, à un moment donné, sortira du territoire national pour s’intégrer au trafic routier en Allemagne, en Belgique ou en Italie. Même si vous avez raison, ce dispositif serait inopérant : nous devons y retravailler. Vous avez soulevé un lièvre, un gros lièvre, mais il court mal.
Mme Dieynaba Diop
Alors votez-le !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
On ne peut pas voter quelque chose qui ne fonctionne pas ! On ne va pas remplacer une anomalie par une autre.
M. Pierre Cordier
M. le rapporteur général est chasseur ! (Sourires.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 539.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 176
Nombre de suffrages exprimés 172
Majorité absolue 87
Pour l’adoption 140
Contre 32
(L’amendement no 539 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Loïc Kervran, pour soutenir l’amendement no 3583 rectifié.
M. Loïc Kervran
L’amendement, adopté en commission des finances, tend à rétablir, pour deux ans, le dispositif de suramortissement pour les investissements des PME industrielles dans le domaine de la robotique et de la transformation numérique, afin de relancer l’investissement industriel.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La commission a rendu un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
J’ai bien compris l’intention des signataires d’accélérer la robotisation des PME, mais l’amendement poserait deux problèmes. Tout d’abord, il créerait une nouvelle niche fiscale, alors que nous souhaitons en limiter le nombre. Ensuite, le dispositif de suramortissement, en ce qu’il permet de défalquer une somme du résultat imposable, ne permettrait pas de soutenir les PME déficitaires. Je vous invite à retirer l’amendement pour que nous puissions en revoir la rédaction ; à défaut, j’y serai défavorable.
(L’amendement no 3583 rectifié n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 1123, 2870 et 2623 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune. Ces amendements font l’objet de sous-amendements.
La parole est à M. Fabrice Roussel, pour soutenir l’amendement no 1123.
M. Fabrice Roussel
Il tend à instaurer un dispositif de suramortissement vert en faveur des navires à mode de propulsion principale vélique afin de soutenir les PME de la filière. Il y a urgence à décarboner le transport maritime, qui représente 3 % des émissions de gaz à effet de serre, dans un contexte où l’Organisation maritime internationale a repoussé d’un an le dispositif de taxation du carbone et où nous attendons encore la création du fonds dédié à la décarbonation du secteur maritime, promis par l’ancien premier ministre, François Bayrou, devant le comité interministériel de la mer.
La filière vélique est innovante. Les PME ont déjà investi 1 milliard d’euros dans les projets véliques et prévoient de doubler cet investissement dans les cinq prochaines années. Pas moins de 1 000 emplois ont été créés ces trois dernières années et 2 300 supplémentaires devraient l’être dans les années qui viennent.
Les armateurs ne sont pas les derniers à s’engager ! Nous avons eu la chance d’assister, à Nantes, il y a quelques jours, à l’inauguration du plus gros cargo à voiles du monde, dont les voiles ont été construites dans les Chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire. Notre objectif est de consolider notre soutien à cette filière. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir les sous-amendements nos 3856, 3857 et 3858, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Matthias Tavel
J’ai déposé les mêmes sous-amendements sur les deux amendements suivants, car ces derniers sont similaires, ce qui témoigne du caractère transpartisan de cette initiative destinée à soutenir la filière de la propulsion vélique dans le secteur de la marine marchande et à favoriser ainsi la décarbonation du secteur maritime.
La lutte contre le dérèglement climatique est un enjeu majeur et nous ne pouvons que déplorer l’ajournement, la semaine dernière, par l’Organisation maritime internationale – sous la pression des États-Unis de Donald Trump –, de sa décision sur l’adoption d’un plan mondial destiné à réduire les émissions de gaz à effet de serre des navires jusqu’à une décarbonation totale en 2050.
Nous voulons, pour ce qui nous concerne, réaffirmer notre soutien à cet objectif, qui pourrait être atteint par plusieurs moyens. La propulsion vélique en est un. Dans cette filière, la France dispose d’atouts non négligeables en matière de recherche et de développement, chez les équipementiers, dans les chantiers navals et chez les armateurs qui s’engagent dans cette voie. Nous avons à cœur de les soutenir pour qu’ils dépassent le cap du prototype et se lancent dans l’industrialisation. Nous savons faire, nous l’avons prouvé : le plus grand cargo à voiles du monde vient d’arriver à Saint-Pierre-et-Miquelon après avoir traversé l’Atlantique et subi l’épreuve de la tempête Benjamin. La voile, ça marche ! N’hésitons pas à nous lancer !
Le sous-amendement no 3856 tend à aligner le taux de suramortissement pour une propulsion vélique accessoire sur le régime de la propulsion vélique principale. Les deux sous-amendements suivants, nos 3857 et 3858, visent à conditionner l’avantage fiscal à la construction des équipements en France, pour l’un, en Europe, pour l’autre. Il n’est pas question, en effet, de créer une niche fiscale qui profiterait à des fabricants de navires ailleurs dans le monde. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l’amendement no 2870.
Mme Christine Arrighi
Cet amendement tend, dans le même esprit, à favoriser l’investissement dans la propulsion vélique car, comme chacun sait, le vent ne coûte rien et ne pollue pas. Cette évolution répond à un double enjeu : accélérer la transition écologique du transport maritime – 90 % des marchandises sont transportées par navire –, qui reste extrêmement polluant, puisqu’il utilise du fioul lourd, bien plus polluant que toutes les autres énergies fossiles, mais aussi soutenir l’innovation industrielle française, à la pointe dans ce domaine, dans lequel notre pays dispose d’une expertise reconnue.
Afin d’éviter le cumul de trop nombreux avantages fiscaux et de s’assurer que la mesure bénéficie en priorité aux PME nationales, l’amendement prévoit toutefois que les grands groupes relevant de l’article 209-0 B du code général des impôts, à savoir ceux soumis à la taxe au tonnage, soient exclus du dispositif.
Nous proposons une mesure juste, écologique et stratégique pour l’avenir de la flotte maritime et des PME qui s’engagent dans cette nouvelle technologie. S’en remettre à la force du vent est une forme de retour aux sources.
Mme la présidente
Les sous-amendements nos 3861, 3859 et 3860 de M. Matthias Tavel ont été défendus.
La parole est à M. Jimmy Pahun, pour soutenir l’amendement no 2623 rectifié.
M. Jimmy Pahun
Le dispositif du suramortissement est de nature à restaurer la confiance entre les banques et les armateurs. Il aura permis à la flotte française de se moderniser. Les ferries de Saint-Malo peuvent ainsi sortir du port essentiellement en propulsion électrique.
Monsieur le ministre, en 2024, vous avez signé le pacte vélique avec la filière du transport maritime : il marquait un engagement de long terme et permettait à la France de se positionner comme leader mondial dans ce secteur. L’amendement que je défends ne coûterait rien puisqu’il tend simplement à accélérer le remboursement, consolidant ainsi la confiance mutuelle entre la banque et les armateurs.
Cela a été souligné à juste titre : le vent est l’instrument de décarbonation le plus simple et le plus efficace qui soit. Nous l’avons montré en France. La flotte française est à l’avant-garde dans ce secteur, grand pourvoyeur d’emplois.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir les sous-amendements nos 3850, 3851, 3852 et 3849, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Matthias Tavel
J’ai déjà défendu les trois premiers. Le dernier, le sous-amendement no 3849, tend à corriger un excès d’enthousiasme de notre collègue Jimmy Pahun, qui fait référence à un article du code des transports qui n’existe pas encore. (Sourires.) Je vous invite à adopter ce sous-amendement, si l’on devait retenir l’amendement de M. Pahun, mais les amendements de M. Roussel et de Mme Arrighi sont très satisfaisants eux aussi.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements et ces sous-amendements en discussion commune ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La commission a rendu un avis favorable sur l’amendement de M. Pahun, qui propose le même dispositif que ses deux collègues mais prévoit en plus un plafonnement. Quant aux sous-amendements, je suis favorable, bien entendu, au no 3849, mais également au no 3852. En revanche, je suis défavorable au sous-amendement no 3851, car la restriction du champ d’application de la mesure aux équipements produits en France pourrait être contraire au droit européen. Sur le sous-amendement no 3850, je m’en remets à la sagesse de l’assemblée.
Les deux autres amendements n’ont pas été examinés en commission, mais j’invite leurs auteurs à les retirer, car, je le répète, celui de M. Pahun me semble plus adapté.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
J’aurais bien aimé que l’amendement no 2240 de Mme Firmin Le Bodo, qui vient juste après, ait été inscrit dans cette discussion commune, car il traite du même sujet et apporte des solutions qui sont selon moi plus efficaces. J’ai entendu les arguments du rapporteur général, mais je vous invite à retirer ces amendements au profit du no 2240.
Monsieur Tavel, j’ai eu l’occasion, vous le savez, de visiter les Chantiers de l’Atlantique de Saint-Nazaire où se construit actuellement un superbe voilier. Nous en avions d’ailleurs tous deux découpé une tôle.
M. Antoine Léaument
C’est vous qui vous êtes pris une tôle, plutôt ! (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Roland Lescure, ministre
Non, monsieur Léaument, je ne me suis pas pris une tôle, j’en ai découpé un morceau, comme on poserait la première brique d’une maison !
En l’état actuel du droit, les entreprises bénéficient d’un taux d’amortissement accéléré de 115 % pour l’installation d’équipements qui permettent l’utilisation d’une propulsion exclusivement vélique. Les amendements proposés ne remettent pas en cause cette disposition. En revanche, vous souhaitez passer d’un taux d’amortissement de 75 à 120 % pour les équipements qui ne permettraient qu’une propulsion principale vélique – ce qui veut dire que les bateaux auraient besoin d’être en partie véhiculés et propulsés par des moteurs thermiques traditionnels, même si la consommation d’énergie carbonée que cela suppose serait allégée par la présence de voiles.
Vous prévoyez donc un amortissement plus favorable que ce qui est prévu pour un bateau purement à voiles, pour un bâtiment qui continuera d’émettre des gaz à effet de serre. Cela ne me semble pas cohérent, au-delà du fait que les taux d’amortissement prévus, 115 % pour la propulsion exclusive vélique, 75 % pour la propulsion principale vélique, entrent dans le cadre du dispositif d’aide de l’État, ce qui ne serait pas le cas d’un taux d’amortissement de 120 % pour une propulsion principale vélique.
Ma préférence va à l’amendement no 2240, qui se concentre sur les PME. Si je ne m’abuse – je parle sous le contrôle de ses auteurs, qui le présenteront bien mieux que moi –, cet amendement prévoit de préserver le dispositif actuel, qui incite à préférer le recours à la propulsion exclusive vélique plutôt qu’à la propulsion principale vélique, mais en prévoyant en plus, uniquement pour les PME, un suramortissement accéléré, augmenté de 30 %, ce qui ferait passer le taux de 115 à 145 % pour la propulsion exclusive et de 75 à 115 % pour la propulsion principale.
Je vous invite par conséquent à retirer tous ces amendements et sous-amendements, sachant que je rendrai un avis favorable sur le no 2240, s’il ne tombe pas.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Les amendements qui viennent d’être présentés sont importants et très attendus par l’ensemble de la filière. C’est au cours de la première moitié du XXe siècle que les derniers cargos à voiles et bateaux à voiles de marine de commerce et de pêche ont disparu des Bancs de Terre-Neuve. Mon intuition me dit que la propulsion carbonée des bateaux de commerce pourrait n’être qu’une petite parenthèse dans l’histoire du transport maritime à voiles et qu’avant la fin du siècle, nous pourrions assister à la domination des bateaux principalement ou exclusivement à voiles.
M. Hervé Berville
Tout à fait !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Monsieur le ministre, une propulsion principalement vélique n’a pas la signification que vous lui donnez : vous parlez de propulsion vélique auxiliaire par rapport à des bateaux à voiles, mais il s’agit, en l’espèce, d’une propulsion soit totale soit principale d’un point de vue vélique, dans laquelle intervient éventuellement un auxiliaire carboné. Il se trouve que la marine de commerce a considérablement ralenti sa vitesse et que, d’un point de vue technique, la voile est devenue très concurrentielle.
Si vous naviguez sur les océans, vous verrez qu’il n’est pas rare que des voiliers-cargos soient désormais à 11 nœuds de moyenne, bien plus rapides qu’il y a une vingtaine d’années. C’est le résultat de l’indispensable décarbonation. Bref, nous disposons de la technologie permettant d’envisager une propulsion vélique totale des bateaux de commerce.
M. Erwan Balanant
Fabriqués à Concarneau !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
La France a des atouts considérables, développés grâce à la course au large. Elle dispose des architectes, des maîtres voiliers et des chantiers navals qui lui permettraient de jouer un rôle majeur dans le développement de tels bateaux. Nous sommes en avance, même si nos concurrents sont en train de nous rattraper, voire de nous dépasser, précisément parce qu’ils sont aidés par l’État – je pense à l’Espagne, qui a montré l’exemple sur les éoliennes offshore et qui nous devance désormais dans ce secteur.
Il est donc essentiel d’aider la filière, pas simplement sur le plan de la recherche et développement, mais aussi sur le plan industriel. Les amendements en discussion commune, précisément parce qu’ils ne se limitent pas aux PME, sont donc absolument indispensables. Ils sont en outre soutenus par une association nantaise, Wind Ship, qui travaille beaucoup dans ce domaine.
M. Hervé Berville
Très bien !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Même si nous ne préconisons pas forcément tous les mêmes mesures, je voudrais rendre hommage à tous les collègues, de plus en plus nombreux, qui soutiennent cet effort. Qu’il s’agisse de la proposition de loi de Mme Agnès Firmin Le Bodo et de MM. Jimmy Pahun et Jean-Paul Lecoq, ou du colloque « Décarboner le transport maritime par la propulsion vélique », que j’ai organisé avec Christine Arrighi et Matthias Tavel, jusqu’aux présents amendements, tout cela démontre que nous pouvons obtenir une majorité pour que la propulsion vélique franchisse un pas décisif et prenne son essor. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR. – M. Hervé Berville applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
Il est bon d’avoir ce débat et que toute la représentation nationale sache combien cette économie progresse, et à quelle vitesse. En tout cas, nous ne sommes pas en retard dans cette nouvelle filière ! Nous avons affaire à des armateurs surmotivés – économiquement, mais aussi politiquement – à l’idée de laisser une mer et une planète propres à leurs enfants. Au Havre, un armateur a donné les prénoms de ses enfants à ses voiliers – un bateau vélique, pour ma part, j’ai toujours appelé cela un voilier, même s’il a un moteur pour sortir du port ou naviguer quand la mer est étale. La France mesure l’enjeu, comme le démontre entre autres la proposition de loi visant à accélérer le développement du transport maritime à propulsion vélique de Mme Firmin Le Bodo, que j’ai cosignée avec Jimmy Pahun, ou le colloque dont parlait M. Coquerel.
Je suis député du Havre.
M. Inaki Echaniz
Et bientôt maire !
M. Jean-Paul Lecoq
Avant que les chantiers navals ne ferment, cette ville a donné naissance aux plus grands paquebots à voiles du monde. Le premier s’appelait Club Med 1, le second Club Med 2, et tous deux continuent de sillonner les mers. Nous étions des pionniers ! Nous n’avions pas mesuré à l’époque l’importance de cette énergie, que j’allais qualifier de nouvelle, mais qui est en réalité très ancienne. Nous devons, les uns et les autres, dans tous les groupes, prendre la mesure de son rôle dans l’économie. Pour des raisons de rentabilité, nous en sommes encore à considérer que les marchandises transportées doivent avoir de la valeur – de sorte que le tonnage du navire, ramené à la valeur économique de la marchandise, ne soit pas trop déséquilibré –, mais nous devons, quoi qu’il en soit, soutenir le développement d’une véritable industrie vélique. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Arrighi.
Mme Christine Arrighi
Je suis députée de Toulouse, mais écologiste : mon groupe soutient cette industrie de pointe, d’avenir, et la France doit évidemment la défendre !
Monsieur le rapporteur général, vous avez expliqué que nous avions adopté l’amendement de M. Pahun en commission, mais ce n’est pas exact. Nous ne l’avons pas soutenu, précisément parce qu’il ne limite pas la déduction fiscale aux PME engagées dans la décarbonation, alors que l’amendement déposé par mon groupe exclut du dispositif les entreprises soumises à la taxation au tonnage. L’amendement de M. Pahun a depuis été rectifié pour que le dispositif ne bénéficie pas à l’ensemble de la flotte maritime – en particulier à une compagnie qui a les moyens d’investir dans l’industrie vélique sans que nous venions à son secours.
M. Philippe Brun
Elle a raison !
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Monsieur le président Coquerel, je suis heureux de vous voir enfin adhérer aux thèses du grand capital. Les amendements que vous défendez tendent à autoriser certaines entreprises à pratiquer un suramortissement, lequel induit un besoin en capitaux.
Monsieur Lecoq, écoutez-moi ! (Exclamations sur les bancs des groupes EcoS et GDR.) Nous parlons de l’industrie du transport vélique, très bien, mais c’est un fait général : toutes les entreprises ont besoin de capitaux pour se développer…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Pourquoi cette condescendance ? Le Verny craque ! (Sourires.)
M. Gérault Verny
J’ai beau être député d’Aix-en-Provence, j’ai traversé deux fois l’Atlantique à la voile et je me sens concerné. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ouvrez un blog !
M. Gérault Verny
Il existe cependant d’autres filières importantes en France, notamment celles du nucléaire – vous savez, cette énergie qui permet de produire l’électricité qui fait tourner les usines – ou des drones – c’est très pratique, en particulier en Ukraine, où ils permettent de se battre contre la Russie. Bref, tous les secteurs industriels ont besoin de capitaux pour se développer, donc d’investisseurs, de richesses.
Monsieur Lecoq, écoutez, il est important que vous compreniez le système !
M. Jean-Paul Lecoq
Mais je vous écoute !
M. Gérault Verny
Aussi, taxer les richesses ne permet pas aux entreprises de se développer. Ces amendements sont intéressants, mais ils ne devraient pas viser seulement le transport vélique : il faut aller beaucoup plus loin et cibler toutes les entreprises industrielles qui créent de l’emploi, de la richesse et de l’innovation, car elles ont tout autant besoin de capitaux. Je vous invite donc à élargir la disposition à toutes les industries qui innovent. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne
Je suis député de Touraine, un territoire un peu éloigné des côtes,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
De moins en moins, monsieur Labaronne !
M. Daniel Labaronne
…mais néanmoins traversé par l’axe ligérien, sur lequel naviguent des toues, des fûtreaux, des gabares, donc des bateaux à voiles !
Monsieur Coquerel, j’ai adoré votre hymne à l’entrepreneuriat, à la prise de risque, à l’innovation, à l’engagement dans l’aventure industrielle. Bravo ! (Rires et exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Cependant, pour être crédible, il faudrait peut-être cesser de chercher à taxer les bénéfices, le chiffre d’affaires des entreprises, les dividendes, les revenus du capital, et tout ce qui va avec ! (Haranguant les bancs de la gauche de l’hémicycle, l’orateur s’éloigne du micro et devient inaudible. – De nombreux députés des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR l’encouragent et l’applaudissent.)
Mme la présidente
Il faut parler dans le micro, monsieur Labaronne !
M. Daniel Labaronne
Pardon, je reprends ! (Rires.)
Pour être cohérent, il faudrait cesser de taxer les dividendes, les revenus d’exploitation, bref libérer l’énergie du pays en faisant confiance aux entrepreneurs ! (Hilarité générale. – Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et « Bravo ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS. – M. Antoine Léaument montre les muscles.)
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
Je m’en tiendrai au sujet de l’énergie vélique, donc du vent – il y en a parfois beaucoup dans cet hémicycle, mais d’un genre qui ne fera pas avancer les voiliers.
Le président Coquerel et mon collègue Jimmy Pahun l’ont bien souligné : la France possède potentiellement une filière d’excellence, qui est déjà novatrice et pourrait l’être davantage – je m’adresse aux écologistes, qui freinent un peu sur le sujet au motif qu’il s’agit de transporter deS marchandises. (Protestations sur les bancs du groupe EcoS.) Ce sont certes des marchandises, mais leur transport est décarboné, madame Arrighi !
Plusieurs députés du groupe EcoS
Ne nous caricaturez pas !
M. Erwan Balanant
Je rappelle qu’à chaque kilomètre parcouru, le transport vélique n’émet que deux grammes de CO2 par tonne transportée… (Brouhaha.) Vous étiez contre, vous êtes désormais pour, à cette réserve près que, selon vous, cela ne peut pas fonctionner pour les gros cargos. Je soutiens, quant à moi, que ce n’est pas une affaire de gros ou de petits, mais de décarbonation de la marine marchande.
Puisque tout le monde a donné son pedigree, je rappelle que je suis député de Concarneau, où sont fabriqués ces navires : ils mesurent aujourd’hui 80 mètres et peuvent atteindre un certain tonnage pour des coûts très abordables – si tant est que l’on continue d’aider la filière.
Ne prenons pas de retard dans le transport maritime vélique, car c’est un transport d’avenir. À l’attention de ceux qui ne comprendraient pas que des navires à voiles puissent aller aussi vite que des navires à pétrole, à kérosène ou à gaz, je précise que le temps de parcours d’une traversée transatlantique en bateau à voiles fabriqué à Concarneau est désormais quasiment identique à celui d’un cargo à moteur.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
La question posée n’est pas de savoir si nous sommes pour ou contre la propulsion vélique. Les armateurs prévoient de toute façon des investissements énormes dans les années à venir dans la décarbonation ; ils voient bien que la filière se développe. La France ne doit donc pas rater le coche, en effet. Reste que les amendements se concentrent sur la propulsion vélique exclusive,…
M. Erwan Balanant
Eh oui !
M. Matthias Renault
…ce qui ne nous paraît pas soutenable. Le pari est tout de même assez osé ! Autant il est vrai que les armateurs se projettent, à titre de complément, dans la propulsion vélique principale – ne serait-ce que pour faire des économies de carburant –, autant la propulsion vélique exclusive n’est pas crédible s’agissant du transport maritime mondial – ne serait-ce que pour des raisons de météorologie, de constance de vitesse ou parce que les ports ne sont pas tous adaptés. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes EcoS et Dem.) Bref, à titre de complément, oui, mais en totalité, ce n’est pas crédible. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Erwan Balanant
Mais si, on va faire la traversée ensemble !
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Nous aurons au moins réussi à mettre le sujet à l’ordre du jour de notre assemblée, ce qui n’est pas une petite victoire ! Il s’agit d’envoyer un message de soutien aux armateurs, aux équipementiers, aux constructeurs, aux chantiers navals et aux marins qui s’engagent dans ces projets de navires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – MM. Gérault Verny et Hervé Berville applaudissent également.) Ce sont eux qui construisent le transport maritime décarboné. Et je dis bien « décarboné », collègue Verny, car en évoquant d’autres industries, vous n’avez manifestement pas saisi la nuance : nous parlons de décarbonation !
M. Gérault Verny
Le nucléaire, c’est décarboné !
M. Matthias Tavel
Décarboner le transport maritime : voilà un objectif particulier qui engage l’intérêt général de tous les êtres humains sur la planète. C’est pourquoi il faut lui réserver un traitement à part.
Collègue Labaronne, je crois que vous vous êtes laissé emporter par votre propre propagande !
M. Jean-René Cazeneuve
Pas du tout !
M. Matthias Tavel
Vous n’avez pas compris que nous défendons une politique industrielle basée sur la planification, sur des objectifs à long terme et sur des contreparties aux aides publiques – en l’espèce, une condition écologique de décarbonation et une condition économique d’investissement. Il ne s’agit plus seulement de concevoir des prototypes, mais bien de passer à l’échelle industrielle et de donner ainsi des emplois et de la visibilité à toute la filière de la construction maritime. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Nous n’aurions pas tout ce débat, fort utile, si les entreprises n’avaient pas d’impôts de production à payer ou si l’impôt sur les sociétés était plus faible. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et UDR.) Je partage donc l’emportement de M. Labaronne.
Madame Arrighi, les services ont vérifié : c’est bien l’amendement de M. Pahun qui a été adopté en commission.
M. Erwan Balanant
Eh oui !
Mme Christine Arrighi
Non, ce n’est pas celui-là !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Je réitère donc mon avis favorable sur cet amendement.
(Les sous-amendements nos 3856, 3857 et 3858, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 1123 n’est pas adopté.)
(Les sous-amendements nos 3861, 3859 et 3860, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 2870 n’est pas adopté.)
(Les sous-amendements nos 3850, 3851, 3852 et 3849, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 2623 rectifié est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS, Dem, LIOT et GDR.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 2240, je suis saisie par le groupe Horizons & indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Bertrand Bouyx, pour soutenir l’amendement.
M. Bertrand Bouyx
Cet amendement fait suite à la longue discussion que nous avons eue sur les énergies renouvelables dans le transport maritime – que ce soit de marchandises ou de passagers – et propose une déduction d’impôt exceptionnelle pour les entreprises qui investiraient dans les énergies et les propulsions propres.
Il a comme premier avantage de s’inscrire dans le prolongement du projet de loi de finances pour 2024, qui favorisait les énergies décarbonées. Son second avantage, en permettant une défiscalisation à hauteur de 30 % pour les petites entreprises et de 20 % pour les entreprises moyennes, est d’être conforme au droit européen. Je rappelle, enfin, que le gouvernement a signé un pacte visant à promouvoir la propulsion des navires par le vent, mais pas seulement – d’où l’idée de favoriser l’ensemble des énergies renouvelables.
Compte tenu de ces trois éléments, cet amendement tombe sous le sens ; nous serions avisés de l’adopter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe HOR. – Mme Sandra Marsaud applaudit également.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La commission n’a pas étudié cet amendement. À titre personnel, et suivant les recommandations de M. le ministre, je donne un avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
L’amendement qui vient d’être adopté n’est pas conforme au droit européen. En revanche, celui-là l’est, puisqu’il est concentré sur les PME et donc passe sous le radar des aides d’État. Il créerait une incitation forte à investir dans les PME qui contribuent au développement de la propulsion vélique – et, au-delà, de la propulsion propre – dans la marine. Il maintient le dispositif actuel concernant les grandes entreprises. Avis très favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Jimmy Pahun.
M. Jimmy Pahun
L’amendement que nous venons d’adopter donne un vrai coup de pouce au transport maritime vélique – c’est-à-dire mû par le vent –, alors que celui-ci tend à aider tous les types de transport maritime. Je vous remercie d’avoir voté en faveur du transport maritime vélique ; les autres types de transport maritime existent déjà. Il s’agit d’une industrie et d’un savoir-faire français qu’il faut continuer à défendre. Tous ces navires sont très souvent construits dans le Sud-Est asiatique alors que nous, en France, nous avons tout ce qu’il faut pour développer cette filière. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et SOC ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé Berville.
M. Hervé Berville
Je me réjouis de l’adoption de l’amendement de Jimmy Pahun. Nous devons envoyer un signal à cette belle filière ! Comme l’a dit le président Coquerel, nous avons, en France, une industrie compétitive dans ce secteur. Nous avons déjà les outils, les entreprises, les industries pour devenir le leader mondial de la propulsion vélique.
Dès 2022, nous avons lancé un fonds de décarbonation pour accélérer les investissements publics et privés dans la propulsion vélique. Avec Roland Lescure, alors ministre de l’industrie, nous avons signé un pacte vélique pour nous donner les moyens d’atteindre nos objectifs de décarbonation, sachant que 85 % des importations de l’Union européenne sont transportées par voie maritime.
Si nous voulons être au rendez-vous de la souveraineté économique et de la transition écologique, nous devons donner à la filière de la propulsion vélique les moyens d’accélérer. C’est pourquoi l’adoption transpartisane de cet amendement est une excellente chose. Et si nous devons modifier le droit européen, monsieur le ministre, modifions-le !
M. Emeric Salmon
C’est curieux, dans votre bouche, cet argument !
M. Hervé Berville
Le droit européen n’est pas toujours adapté aux nouveaux enjeux et il ne l’est pas à celui de la décarbonation du transport maritime. Par ce vote de l’Assemblée, nous envoyons un beau signal à cette industrie, dont l’essor est un enjeu d’innovation technologique, de transition écologique et, bien évidemment, de croissance et d’emploi.
Pour toutes ces raisons, je suis très fier que l’Assemblée ait adopté l’amendement de M. Pahun et je vous appelle, chers collègues, à soutenir également cet amendement.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2240.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 270
Nombre de suffrages exprimés 237
Majorité absolue 119
Pour l’adoption 83
Contre 154
(L’amendement no 2240 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 2481, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de quatre amendements, nos 2481, 3663, 2122 et 2153, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 2122 et 2153 sont identiques.
La parole est à M. Romain Eskenazi, pour soutenir l’amendement no 2481.
M. Romain Eskenazi
J’associe à cet amendement ma collègue Christine Arrighi, du groupe Écologiste et social.
Les acteurs de l’aérien, la Commission européenne et le gouvernement se sont engagés, dans la feuille de route Destination 2050, à la neutralité carbone du secteur aérien à l’horizon 2050. Cette décarbonation doit passer par une maîtrise de la croissance du secteur, notamment grâce à la fiscalité – nous y reviendrons avec les amendements suivants –, mais aussi grâce au carburant durable d’aviation (SAF) et au renouvellement des flottes.
Ce renouvellement représente à lui seul 27 % de l’objectif de décarbonation. Les nouveaux avions consomment entre 15 % et 30 % de moins et leur empreinte sonore est jusqu’à moitié moins forte. Je parle en tant que député du Val-d’Oise, qui subit le bruit des avions tous les jours ! Le renouvellement des flottes est essentiel. C’est pourquoi cet amendement vise à instaurer un abattement fiscal de 30 % pour l’achat de nouveaux avions. Les appareils sont très coûteux : pour le pavillon français, 1 milliard d’euros sont investis chaque année dans le renouvellement des flottes.
Le rejet de cet amendement entraînerait une distorsion de concurrence très forte : des compagnies, notamment dans le golfe Persique, bénéficient d’avions gratuits, achetés et mis à leur disposition par l’État. Nous proposons que le mécanisme de suramortissement soit majoré de 10 points pour l’achat de nouveaux avions produits en Europe ; il s’agit ainsi de défendre notre souveraineté industrielle.
Enfin, l’amendement répond à la déclaration de politique générale du premier ministre, dans laquelle il a déclaré vouloir créer de nouvelles ressources exceptionnelles pour soutenir les investissements du futur – nous y sommes ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. Philippe Brun
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l’amendement no 3663.
Mme Christine Arrighi
Je le retire !
(L’amendement no 3663 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Plassard, pour soutenir l’amendement no 2122.
M. Christophe Plassard
Les arguments sont les mêmes, l’objectif étant d’accélérer le renouvellement des flottes aériennes. Celle-ci a des avantages économiques et écologiques puisqu’elle permet la diminution de la consommation de carburant. Elle favorise également l’atténuation du bruit pour les riverains, les avions de nouvelle génération étant en moyenne 30 % moins bruyants que les avions actuels. Il s’agit donc d’accompagner à la fois la transition écologique et l’industrie de l’aviation.
Mme la présidente
L’amendement no 2153 de M. Lionel Causse est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Ces amendements n’ont pas été examinés en commission. Je ferai deux remarques. La première est que ces amendements, alors qu’ils proviennent de groupes différents, sont tous strictement identiques. Je ne sais par quel miracle l’expliquer.
M. Julien Dive
C’est le Saint-Esprit !
M. Vincent Descoeur
Ou les lobbys !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Le Saint-Esprit, vous croyez ?
La seconde remarque, c’est que le suramortissement prévu peut coûter très cher au pays et engendrer des effets d’aubaine, pour une réduction des émissions de dioxyde de carbone de 15 % seulement – je ne suis pas un spécialiste des émissions aériennes, mais je crois savoir que, régulièrement, ces émissions diminuent. Nous risquons de voir des sociétés venir s’installer sur le territoire national pour se faire subventionner par nos impôts.
Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
À ce niveau-là, ce n’est même plus un effet d’aubaine ! Vous remplacez un vieux coucou par un avion moderne et vous obtenez 30 % de réduction d’impôt. Tous les avions modernes consomment entre 15 % et 20 % de moins que les vieux coucous, sachant que les avions que l’on remplace aujourd’hui ont généralement 30 ou 40 ans. C’est bien essayé, mais vos amendements sont surtout un superbe cadeau aux compagnies aériennes. Est-ce que cela conduira Ryanair à s’installer en France ? J’en doute ! À ce compte-là, la France n’est plus un paradis fiscal, c’est l’Eldorado des compagnies aériennes…
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Vous reconnaissez donc que la France est un paradis fiscal !
M. Roland Lescure, ministre
…à qui on fera un chèque pour acheter des avions qu’elles achètent déjà !
J’ajoute que, l’année dernière, nous avions voté plusieurs aides à la transition afin que la filière aérienne adapte ses carburants pour aller au-delà des 15 % de réduction des émissions simplement dus au renouvellement des flottes. Nous avons instauré un crédit d’impôt pour inciter les compagnies aériennes à intégrer dans leurs appareils des carburants durables d’aviation. Le secteur aérien est exceptionnel, il fait rayonner la France dans le monde entier, mais il bénéficie déjà d’aides directes et d’aides à la recherche. Adopter cet amendement serait aller beaucoup trop loin. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Ces amendements me laissent également sceptique – peut-être pas pour les mêmes raisons que M. le rapporteur général et M. le ministre. Je crains les effets de bord considérables de ce genre de mesure. Je m’interroge aussi sur ces rédactions identiques, des écologistes au groupe Droite républicaine…
Mme Danielle Brulebois
Ça ne vous arrive jamais à vous ?
Mme Claire Lejeune
Un dispositif d’exonération fiscale à hauteur de 30 % est considérable s’agissant d’avions dont on ne peut attendre, si j’ai bien lu, que le bénéfice d’une réduction de 15 % des émissions de gaz à effet de serre – bien peu, en comparaison des perspectives identifiées par la recherche pour les années à venir.
M. Eskenazi a par ailleurs évoqué une réduction de 50 % des nuisances sonores, quand son amendement indique le chiffre de 30 % : une clarification serait la bienvenue.
Cette mesure, surtout, ne va pas faire disparaître les avions les plus polluants – ceux que M. le ministre a appelés « les vieux coucous ». Ils seront vendus ou iront compléter la flotte de la compagnie pour répondre à la hausse actuelle du trafic de passagers.
Si cette mesure n’est pas accompagnée de dispositions réglementaires pour interdire les avions les plus polluants et limiter le trafic des passagers, elle ne sera qu’une énorme niche fiscale au bénéfice des compagnies aériennes – rien d’autre ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – M. Charles Fournier applaudit également.) Elle ne nous fera pas beaucoup avancer, en revanche, vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien et vers la bifurcation écologique.
Nous ne voterons pas ces amendements, dont l’adoption susciterait une vive inquiétude. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandra Marsaud.
Mme Sandra Marsaud
Je tiens à préciser la nature de l’amendement no 2153, que j’ai cosigné avec mon collègue Lionel Causse : comme il est clairement indiqué à la fin de l’exposé sommaire, la mesure que nous proposons a été travaillée avec les équipes d’Air France.
M. Emeric Salmon
Les autres ne l’ont pas dit !
Mme Sandra Marsaud
Mon collègue a donc fait preuve d’une grande transparence. Je ne vois d’ailleurs pas qui, dans cet hémicycle, pourrait reprocher aux autres de travailler des amendements avec des ONG, des syndicats, des représentants, etc. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) C’est aussi notre travail de les rencontrer et de travailler avec eux. Par ailleurs, sur certains textes, nous avons vu des amendements à la rédaction identique par centaines, voire par milliers, et je m’étonne d’entendre le rapporteur général, pour lequel j’ai par ailleurs le plus grand respect, formuler une remarque à ce sujet.
M. Hervé Berville
Tout à fait !
Mme Sandra Marsaud
M. Causse indique également dans l’exposé sommaire que le dispositif de déduction, pour éviter toute spéculation, est conditionné et étalé dans le temps – on pourra toujours juger que cela ne concourt pas suffisamment à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Il existe enfin un projet de production de SAF commun à la Charente et à la Haute-Vienne, dont le financement se monte à 2,2 milliards d’euros. Les SAF sont une réalité, y compris dans les zones rurales.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Je vous remercie pour cet exercice de transparence : sur les cinq amendements déposés, seul celui de M. Causse précise en effet, à la fin de son exposé sommaire, qu’il a été travaillé avec Air France. C’est l’occasion de faire savoir au public que des associations, des syndicats ou, comme dans le cas qui nous occupe, une entreprise, peuvent faire passer à des députés des amendements clé en main – au cours de déjeuners, de dîners ou simplement par e-mail. (« Oh ! » sur les bancs du groupe EcoS.) Vous pouvez protester, mais une partie des amendements dont nous discutons viennent de l’extérieur, ce qui pose de véritables problèmes de transparence – plus encore dans ce cas d’espèce, où l’amendement est au bénéfice d’une entreprise et non pas d’une association ou d’un syndicat à but non lucratif.
Un député du groupe EcoS
Et la loi Duplomb ?
M. Matthias Renault
Sur environ 1 milliard d’euros d’achat annuel de nouveaux avions par Air France, 300 millions seraient directement pris en charge par l’État. Cela pose un véritable problème, au-delà du fond que nous contestons. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Quel aveu dramatique de la part de la gauche ! Ces deux séries d’amendements– sur le transport vélique et sur la réduction des émissions de CO2 dans le transport aérien – nous le font bien voir : la France est un enfer fiscal pour les entreprises.
M. Alexis Corbière
Eh oui ! C’est bien connu !
M. Gérault Verny
Pour qu’il soit intéressant d’investir en France et pour que les entreprises puissent se développer, la puissance publique doit revenir à la raison et reprendre son souffle. Chers collègues de gauche, réfléchissez deux secondes…
M. René Pilato
Nous réfléchissons, nous, pas comme vous !
M. Gérault Verny
…et sortez de vos totems vert pastèque. Sur quoi devons-nous innover en France ? Le transport décarboné dans les airs et sur mer, c’est très mignon, mais sachez que pendant ce temps-là, les autoroutes françaises sont inondées de voitures chinoises. Pourquoi ? Parce que vous avez tellement assommé de taxes et de normes les fabricants français qu’ils ne peuvent plus produire en France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Par votre faute, ils sont obligés de délocaliser en Turquie ou au Moyen-Orient – pour produire n’importe où sauf en France, notre pays étant devenu un enfer fiscal pour toutes les entreprises qui produisent.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Pas brillant, le Verny ! (Sourires.)
M. Arthur Delaporte
On va taxer la connerie !
M. Gérault Verny
Je vous invite donc à revenir à la raison. Si vous voulez retrouver une France capable de produire, une France des ouvriers – ces ouvriers que vous avez délaissés depuis des décennies et qui se sont tournés vers le Rassemblement national (Applaudissements sur les bancs du groupe RN), où ils savent qu’ils pourront trouver des élus capables de les défendre, contrairement à vous, qui ne faites qu’attiser la misère –, il va falloir mettre fin à cette folie fiscale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Alexis Corbière
Quel piètre orateur !
Mme Sabrina Sebaihi
Prends ta carte au RN !
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
Revenons aux amendements et laissons les délires fantasmatiques du Rassemblement national contre les importations de l’étranger – on pourrait parler aussi de l’importation en Europe du modèle des centrales nucléaires sud-coréennes, qui vont bien plus vite que les centrales françaises ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Alexandre Sabatou
À qui la faute ?
Mme Julie Laernoes
Le groupe écologiste votera contre ces amendements : on ne peut pas subventionner des avions. J’ai travaillé avec Romain Eskenazi. Nous sommes tous deux députés de circonscriptions où se trouve un aéroport : faire diminuer le bruit de ces aéroports – dont des études ont démontré les effets sur les maladies cardiovasculaires – est une urgence sanitaire pour les riverains.
M. Hervé Berville
C’est laborieux !
Mme Anne-Laure Blin
Et Notre-Dame-des-Landes ?
Mme Julie Laernoes
Le fonds de compensation des nuisances aériennes ne doit pas servir à renflouer le budget général, comme le prévoit le projet de loi de finances pour 2026. Il faut réguler le trafic autour des aéroports et ne pas subventionner les compagnies aériennes, qui feront voler de plus en plus d’avions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Sébastien Delogu applaudit également.) Nous pouvons contraindre les compagnies en prenant des mesures claires et fermes, établissant les types d’avion qui peuvent survoler les zones urbaines denses.
Les écologistes sont cohérents en soutenant les bateaux à voiles, qui offrent une alternative au transport maritime carboné,…
M. Kévin Pfeffer
Et les avions à voiles ? (Rires sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
S’il vous plaît !
Mme Julie Laernoes
Je peux terminer ? Quant à la décarbonation du trafic aérien et aux SAF, ce sont seulement des hypothèses, qui ne sont pas modélisées dans notre modèle énergétique. Le véritable enjeu écologique est de parvenir à une réduction du trafic aérien. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.)
M. Laurent Jacobelli
N’importe quoi, les écolos !
Mme la présidente
La parole est à M. Romain Eskenazi.
M. Romain Eskenazi
Monsieur Renault, quand on prend la parole sur un amendement, il est bon d’en dire quelques mots.
Mme Michèle Martinez
Allez, allez !
M. Romain Eskenazi
Vous avez parlé de l’industrie française. Il se trouve que le secteur aéronautique français affiche un excédent commercial de 30 milliards. On fabrique encore des avions en France, et c’est précisément là notre sujet ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Je suis assez surpris de la position du groupe Écologiste et social, dans la mesure où Mme Arrighi a cosigné mon amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) Pour ma part, j’assume une approche équilibrée – je défendrai un peu plus tard des amendements visant à limiter la croissance du trafic au moyen d’une fiscalité incitant à moins prendre l’avion.
M. Emeric Salmon
Vous voulez détruire l’industrie aéronautique française !
M. Romain Eskenazi
Cependant, il y aura toujours des avions. Alors, quitte à ce qu’ils volent au-dessus de ma tête, je préfère qu’ils soient moins polluants et moins bruyants.
Je vous le confirme, madame Lejeune, les bénéfices du remplacement d’un avion dépendent de l’avion remplacé : selon les cas, entre 15 % et 30 % de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et entre 30 % et 50 % de réduction de l’empreinte sonore. Le remplacement d’un Boeing 777 n’aura pas le même impact que celui d’un ancien Airbus en matière de nuisance sonore.
Si cet amendement vous paraît déraisonnable, monsieur Verny, considérez cependant que nos concurrents – notamment les États du Golfe – offrent à leurs compagnies aériennes nationales des avantages allant bien au-delà d’une déduction fiscale de 30 % : ils achètent des avions qu’ils mettent gratuitement à leur disposition !
Enfin, je l’assume sans peine : si nombre de mes amendements à venir ont été travaillés avec des ONG et des associations de riverains, celui-ci l’a été avec Air France (« Ah ! » sur plusieurs bancs) afin d’inciter les compagnies aériennes françaises à accélérer leur rythme de renouvellement des flottes, pour le bien-être des habitants de ma circonscription. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2481.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 303
Nombre de suffrages exprimés 288
Majorité absolue 145
Pour l’adoption 33
Contre 255
(L’amendement no 2481 n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 2122 et 2153 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 3601 rectifié et 3685 rectifié, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir l’amendement no 899.
M. Julien Dive
En proposant la création d’un dispositif de suramortissement, il vise à mettre en lumière les difficultés auxquelles sont confrontées de nombreuses entreprises, soit qu’elles souhaitent s’engager d’elles-mêmes dans une transition énergétique de leurs outils de production, de leur flotte ou de leurs infrastructures, soit qu’elles soient contraintes à ces efforts colossaux par les effets de la loi « climat et résilience » de 2021 – loi que notre groupe n’avait pas votée.
Conscient de son coût et des effets d’aubaine qu’il pourrait engendrer, je vais retirer cet amendement. Je tenais cependant à vous alerter, monsieur le ministre, sur les difficultés de ces nombreuses entreprises qui ne seront pas prêtes à répondre, dès l’année prochaine, aux exigences de la loi « climat et résilience » : les trésoreries ne sont pas toujours au rendez-vous devant l’importance des investissements attendus d’elles.
(L’amendement no 899 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Roland Lescure, ministre
Il est vrai que les effets d’aubaine de votre amendement auraient été du niveau de ceux dont nous venons de débattre. Vous avez cependant raison, les enjeux de la transition écologique sont considérables pour les PME.
Je tiens à rappeler qu’il existe différents dispositifs : l’Ademe – l’Agence de la transition écologique – propose des subventions et la Banque publique d’investissement, BPIFrance, des prêts ; les certificats d’économie d’énergie permettent d’accéder à des subventions pour accélérer les investissements ; le C3IV – crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte –, que nous avions voté ensemble dans le cadre de la loi relative à l’industrie verte, ouvre également droit à des crédits d’impôts, droit que nous avons conquis de haute lutte auprès de l’Union européenne. Le C3IV arrive d’ailleurs à échéance à la fin de cette année et je donnerai naturellement un avis favorable à sa prolongation quand nous l’aborderons dans le cadre de nos débats.
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 3601 rectifié et 3685 rectifié.
La parole est à M. Paul Midy, pour soutenir l’amendement no 3601 rectifié.
M. Paul Midy
Il s’agit de soutenir l’innovation dans le champ de l’économie sociale et solidaire (ESS), puisque l’innovation existe dans tous les secteurs : on pense souvent à la technologie, mais n’oublions pas l’innovation sociale – par exemple, certaines start-up testent des solutions de coliving pour des familles monoparentales. (M. Inaki Echaniz s’exclame.)
Les structures de l’ESS – entreprises solidaires d’utilité sociale (Esus) et sociétés commerciales – ne rentrant pas toujours dans le droit commun, notamment dans les dispositifs de soutien à l’innovation, nous souhaitons réparer cette injustice afin qu’elles puissent accéder aux dispositifs dédiés aux jeunes entreprises innovantes (JEI).
Nous proposons qu’elles bénéficient d’un taux intermédiaire, en créant une catégorie spécifique – les jeunes entreprises innovantes à impact (JEII). Il s’agit, je le répète, de réparer une injustice et de permettre le développement de l’innovation dans l’ESS.
Le coût de l’amendement est très limité, mais le dispositif est symboliquement très important. Nous y avons réfléchi avec le mouvement Impact France. L’Assemblée nationale avait adopté un amendement similaire l’an dernier ; malheureusement, il n’avait pas été repris dans le texte promulgué après recours au 49.3. Mais, comme il n’y aura pas de 49.3 cette année, faisons en sorte qu’il passe !
M. Matthias Tavel
Il ne sera pas dans les ordonnances non plus !
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland, pour soutenir l’amendement no 3685 rectifié.
Mme Anne-Cécile Violland
Je partage l’analyse de M. Midy. Et ce n’est pas seulement symbolique : cela permet de créer une nouvelle catégorie de jeunes entreprises, les JEII, dans un contexte budgétaire où, on le sait, l’économie sociale et solidaire est en difficulté.
C’est donc une manière de soutenir l’innovation sociale et à impact dans le champ de l’ESS, pour répondre aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux.
Je salue les travaux de M. Midy ainsi que ceux du mouvement Impact France, qui illustrent qu’il est tout à fait possible de concilier économie, écologie et préservation de notre planète.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La loi de finances pour 2024 avait déjà fortement assoupli le régime des jeunes entreprises, en relevant les plafonds de l’impôt sur le revenu des PME (IR-PME) et le taux de la réduction d’impôt. Néanmoins, la commission a donné un avis favorable à ces amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
Évidemment, je suis très favorable au développement de l’économie sociale en général, et des Esus en particulier, d’autant que, c’est vrai, certaines entreprises dans ce secteur sont innovantes – il n’y a aucune raison pour qu’on ne puisse être à la fois social, solidaire et innovant.
Mais je vais vous demander de bien vouloir retirer vos amendements, sans quoi j’y serai défavorable – même si je vois la déception sur votre visage, madame Violland. En effet, vous profitez de ces amendements pour modifier le statut des jeunes entreprises innovantes.
M. Paul Midy
Non.
M. Roland Lescure, ministre
Vous pourrez me répondre. D’après mon analyse, vous en profitez pour faire passer de 20 % à 5 % le seuil minimal de dépenses en recherche et développement, en contrepartie d’une légère modification de l’avantage fiscal.
Ce débat est ancien – vieux comme Hérode, pourrait-on dire : les sociétés de l’ESS bénéficient seulement d’un soutien fiscal indirect. Le législateur n’a jamais souhaité leur accorder un statut fiscal spécifique. Elles sont donc aidées via l’IR-PME, qui permet aux personnes investissant dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire de bénéficier de réductions d’impôts.
Or, avec votre amendement, vous ajoutez à ce dispositif – que nous proposons d’ailleurs de prolonger, un peu plus loin dans le texte – une autre exemption fiscale, cette fois au bénéfice de l’entreprise elle-même. Et j’ai l’impression – mais vous allez peut-être me prouver le contraire, monsieur Midy – que cela revient à dévoyer le statut des jeunes entreprises innovantes.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
C’est le moment des larmes de crocodile, collègues macronistes et Horizons ! Vous versez des larmes sur l’économie sociale et solidaire – que vous prétendez aimer plus que tout – alors que le budget présenté par le gouvernement prévoit une baisse de 54 % des crédits alloués à ce secteur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Madame Violland, vous versez ces larmes de crocodile alors que, dans la région qu’elle préside, la vice-présidente de votre parti, Mme Morançais, a supprimé toutes les subventions à l’économie sociale et solidaire ! (Mme Anne-Laure Blin s’exclame.)
Nous ne participerons pas à cette comédie, à ce numéro d’hypocrisie, à ce flot de larmes de crocodile ! Si vous voulez réellement soutenir l’économie sociale et solidaire, rejetez ce budget injuste et les coupes budgétaires qu’il prévoit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Et demandez à la vice-présidente de votre parti de changer de politique : elle détruit des milliers d’emplois de l’économie sociale et solidaire dans les Pays de la Loire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe HOR.)
Mme Béatrice Bellamy
Johanna Rolland aussi !
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier.
M. Charles Fournier
Dans le prolongement des propos de M. Tavel, je m’inquiète des baisses drastiques dans le soutien à l’économie sociale et solidaire, ainsi que de la disparition de toute aide à l’innovation sociale.
Quand on parle d’innovation dans ce pays, seule l’innovation technologique est mise en avant. Quand on évoque la France de 2030, par exemple, on ne parle que d’une France technologique – jamais d’une France de l’innovation sociale.
Pourtant, l’innovation sociale touche à tous les aspects de notre vie : elle touche notre quotidien, transforme l’organisation des entreprises, permet de répondre à des besoins sociaux et écologiques non satisfaits – elle fait sens. Mais elle ne trouve jamais sa place dans les dispositifs de soutien.
C’est pourquoi je pense qu’il faut à la fois rétablir les budgets et – à la différence de mon collègue Tavel – voter pour cet amendement (M. Erwan Balanant applaudit), car les jeunes entreprises innovantes à impact social et écologique ont besoin de soutien.
Je suis beaucoup moins convaincu par les amendements portant sur l’innovation de rupture car ces innovations bénéficient déjà de nombreux soutiens. En revanche, l’innovation sociale en manque dans notre pays.
Il faut soutenir les entreprises de l’ESS et rétablir les budgets alloués à l’économie sociale et solidaire. L’amendement a été adopté en commission des affaires économiques ; j’espère qu’il poursuivra son chemin, et que nous soutiendrons l’ESS à la hauteur de ce qu’elle représente pour notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC. – M. Paul Midy applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Berrios.
M. Pierre Cordier
On avait dit un orateur pour, un orateur contre, madame la présidente !
M. Sylvain Berrios
Monsieur Tavel, nous ne sommes pas ici pour importer des querelles régionales ou municipales. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Si vous le souhaitez, je peux évoquer la gestion de la ville de Nantes, et nous aurons de quoi nous amuser un petit moment ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.)
Tout à l’heure, nous avons également assisté à une attaque en règle contre le maire de Toulouse. Je suis prêt à vous expliquer ce qu’il fait pour cette grande métropole.
Nous avons devant nous des amendements qui vont dans le sens que vous souhaitez ; ayez l’honnêteté de les voter ! Cela nous permettrait d’être rassemblés, plutôt que d’importer des querelles inutiles dans cet hémicycle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Midy.
M. Paul Midy
Le seuil de 5 % a été adopté en 2024 – nous ne créons rien. La seule chose qui change, c’est l’introduction d’un taux intermédiaire de réduction d’impôt, pour inciter fiscalement à investir dans ce type de structure. Ce taux est fixé à 40 %, entre deux taux – 30 % et 50 % – qui existent déjà. Il n’y a donc aucune malice dans ma proposition.
Je le répète, il faut soutenir l’innovation dans le champ de l’économie sociale et solidaire.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Nous voterons contre ces amendements, par souci de cohérence – quoi qu’en disent les collègues de gauche.
En effet, lors de l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique, nous avons proposé la suppression d’un certain nombre d’organismes prétendument représentatifs de l’économie sociale et solidaire,…
Mme Anne-Laure Blin
J’ai proposé ces amendements !
M. Matthias Renault
…comme le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, le Conseil national des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire ou lesdites chambres régionales.
Mme Anne-Laure Blin
Tout cela, c’est moi qui l’ai proposé !
M. Erwan Balanant
L’ESS, c’est tout de même 15 % du PIB !
M. Matthias Renault
La présidente de la région Pays de la Loire a peut-être des défauts, mais sa politique de réduction de certaines subventions – à hauteur de 100 millions d’euros – visait à améliorer la gestion de la région et à réduire la gabegie dans plusieurs secteurs. Il faut plutôt saluer cette démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Maxime Laisney
Les sécateurs sont sortis !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Sabrer dans la culture, voilà votre programme !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Roland Lescure, ministre
Dont acte sur les 5 %, monsieur Midy, d’autant que j’ai dû voter ce dispositif. La seule question que je me pose, et à laquelle je n’ai pas encore de réponse – j’ai demandé qu’on me la trouve –, c’est pourquoi une société de type Esus n’aurait pas accès à ce statut si elle atteint les 20 % de dépenses en recherche et développement ? C’est peut-être lié à l’ancienneté de l’entreprise, toutes ne pouvant pas être considérées comme JEI.
M. Paul Midy
Elle n’y a pas accès.
M. Roland Lescure, ministre
Nous en reparlerons dans la suite de l’examen de ce projet de loi – inutile d’entamer un dialogue maintenant. De mon point de vue, rien n’empêche une Esus d’accéder au statut de JEI, à condition qu’elle respecte l’ensemble des critères. J’ai demandé des précisions, et je serai heureux d’en discuter avec vous.
M. Paul Midy
Donnez un avis favorable !
M. Roland Lescure, ministre
Je ne peux pas émettre un avis favorable, mais je laisserai l’Assemblée nationale décider d’elle-même. Je m’en remets donc non pas à la malice de M. Midy, mais à sa sagesse, et à celle des 576 autres députés. (Sourires.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 3601 rectifié et 3685 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 296
Nombre de suffrages exprimés 290
Majorité absolue 146
Pour l’adoption 142
Contre 148
(Les amendements identiques nos 3601 rectifié et 3685 rectifié ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l’amendement no 3722.
Mme Perrine Goulet
Le projet de loi de finances pour 2024 a prévu de classer automatiquement en zone France ruralités revitalisation (FRR) toutes les communes d’un département dont la densité est inférieure au tiers de la densité moyenne nationale et dont la population a diminué de plus de 4 % entre 1999 et 2019.
Ce dispositif concernait initialement six départements. En principe, ils devaient être entièrement couverts par le zonage FRR, afin d’y insuffler un nouveau dynamisme.
Or un amendement est passé par là, et certaines communes – souvent les plus importantes – ont été exclues du dispositif. Cela crée de grandes difficultés sur le terrain : dans certains cas, une seule commune du département n’est pas classée en zone FRR, alors que toutes les autres le sont. Les médecins fuient la commune en question pour s’installer dans celle d’à-côté, qui bénéficie du zonage. Il en va de même pour les petites entreprises, qui préfèrent s’implanter là où elles peuvent bénéficier des avantages liés au zonage FRR.
Cet amendement vise à corriger cet effet de seuil, qui va à l’encontre de l’intention initiale du gouvernement. Il s’agit de permettre à ces communes de réintégrer le dispositif, et d’éviter les effets de bord qu’elles subissent.
M. Éric Martineau
C’est très bien !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La commission a donné un avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
Ce débat me rappelle furieusement celui que nous venons d’avoir avec M. Ray – qui soulevait exactement le même problème, mais à propos d’un autre dispositif fiscal. On se retrouve ici avec les mêmes effets de bord.
Déjà, l’année dernière, le débat était sans fin, et presque sans fond, et nous nous étions engagés à réintégrer dans le zonage 2 200 communes. Vous évoquez de nouveaux effets de bord et la nécessité de rattraper d’autres communes, d’où votre souhait de relever le seuil à 35 000 habitants.
Mme Perrine Goulet
Non, cela ne concerne que six départements !
M. Roland Lescure, ministre
Soit, mais je vous propose que nous y réfléchissions ensemble – avec vous, M. Ray et toutes celles et ceux qui le souhaitent – afin d’adapter les choses l’année prochaine.
Le dispositif n’a qu’un an et – vous l’avez tous deux souligné – il est très difficile à comprendre pour les communes. Les amendements que vous proposez risquent de le complexifier encore davantage, en modifiant les règles pour l’installation des médecins ou les critères de classement des communes, au risque de nouveaux effets de bord.
Je vous suggère de retirer l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. Comme je l’ai déjà dit à M. Ray, si l’amendement venait à être rejeté, je m’engage à travailler avec vous pour régler le problème – mais pas de cette manière, pas en risquant de créer de nouveaux effets de bord.
Mme la présidente
La parole est à Mme Perrine Goulet.
Mme Perrine Goulet
En réalité, mon amendement ne modifierait le dispositif que pour six départements. On ne parle donc pas du nombre de communes que vous avez évoqué. Dans ces départements, nous plaidons pour une augmentation du plafond, afin que les communes exclues puissent réintégrer le dispositif.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Je comprends la problématique soulevée par ma collègue nivernaise mais, dans l’Indre, Châteauroux dépasse les 35 000 habitants. La jauge n’est donc pas suffisante.
Je ne suis pas berrichon du sud, contrairement à un autre collègue ici présent. Il y a des effets de bord alors qu’on avait annoncé à certains départements qu’ils seraient entièrement classés en zone FRR. Cela n’a finalement pas été le cas, puisqu’un amendement est venu exclure les communes de plus de 30 000 habitants, ce qui crée notamment des difficultés dans les agglomérations : toutes les petites communes bénéficient du zonage, mais pas la ville-centre. (Mme Perrine Goulet acquiesce.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun
L’amendement de notre collègue Perrine Goulet a le mérite de pointer le problème que nous rencontrons aujourd’hui avec le zonage FRR. Une commune très rurale, très excentrée, avec un habitat très dispersé et très peu de commerces de proximité, mais qui a le malheur d’être implantée sur un territoire de forêts ou en limite d’une agglomération, se trouve exclue du zonage. Elle n’a plus le droit à l’exemption de cotisation foncière des entreprises (CFE) et de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). La cartographie dont dépendent un certain nombre d’avantages fiscaux ne correspond pas à la réalité de nos territoires ruraux.
Perrine Goulet propose ici d’augmenter le seuil d’habitants pour les villes. Nous nous abstiendrons sur son amendement parce que nous estimons que, si ce seuil est bien l’un des problèmes du zonage FRR, ce n’est pas le plus important. Le plus grave en effet, c’est la double peine infligée aux communes situées en bordure d’agglomération. Une commune très rurale mais en bordure d’agglomération est en effet automatiquement exclue des zones FRR. C’est la raison pour laquelle nous interpellons le ministre : il est urgent de revoir la cartographie.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Roland Lescure, ministre
Ce débat est important mais il est compliqué. J’imagine que la raison pour laquelle la commune très proche d’une agglomération dont vous parlez, monsieur Brun, est exclue du zonage FRR, c’est que l’on a considéré que l’attractivité de l’agglomération en question constituait sans doute un avantage comparatif pour cette petite commune, par rapport à une commune identique mais située à 30, 40 ou 50 kilomètres.
Quant à vous, madame Goulet, vous me dites, sans les citer, que votre mesure ne concerne que six départements. Cependant, l’amendement concerne bien toutes les communes, de telle sorte que si, l’année prochaine, n’importe où en France, une commune bascule de part ou d’autre du seuil de 35 000 habitants, son département sera touché. Autrement dit, vous introduisez dans la loi un seuil national pour régler un problème départemental. Je ne peux donc que vous engager à lever le crayon et à retirer cet amendement pour pouvoir le retravailler. Ce dispositif n’a qu’un an et bénéficie à de nombreuses communes. Il est préférable d’en reparler.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Ray.
M. Nicolas Ray
J’ai déposé tout à l’heure un amendement un peu différent puisqu’il s’agissait de créer des zones dédiées pour remédier aux déserts médicaux, sans qu’elles soient calquées sur le zonage FRR. En ce qui concerne cet amendement, je considère qu’à partir de 30 000 habitants, on n’est plus vraiment en zone rurale. La préfecture de mon département est dans une zone FRR mais je ne suis pas sûr qu’elle présente pour autant les caractéristiques d’une zone rurale, pour ce qui est de la densité ou de l’urbanisation. Le groupe Droite républicaine sera donc plutôt défavorable à cet amendement.
(L’amendement no 3722 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l’amendement no 1913.
M. Michel Castellani
Mon amendement concerne les zones de développement prioritaire (ZDP), qui permettent aux entreprises exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale de bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu (IR) ou d’impôt sur les sociétés (IS). Inutile de préciser que c’est un dispositif qui permet d’abord la création, puis le maintien d’entreprises dans un certain nombre de territoires fragiles. Pourtant, ce dispositif est menacé puisqu’il ne concerne pour l’instant que les entreprises créées entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2026. Notre amendement vise donc à supprimer ces bornes temporelles.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Il me semble, tout d’abord, que cet amendement comporte une erreur rédactionnelle, puisqu’il fait mention du 31 décembre 2023 au lieu du 31 décembre 2026. Ensuite, vous souhaitez supprimer le bornage dans le temps, qui ne me semble pas inutile pour des zones de développement prioritaire. Comme nous avons jusqu’au 31 décembre 2026, je suggère que vous retiriez cet amendement pour le retravailler, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
Je vous confirme qu’il s’agit bien du 31 décembre 2026 et qu’il s’agit bien de supprimer ce bornage.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Juvin, rapporteur général
J’entends donc que vous maintenez votre amendement. J’ai pourtant bien sous les yeux la date de 2023, mais sans doute cette erreur n’est-elle qu’un détail.
(L’amendement no 1913 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune, pour soutenir l’amendement no 635, sur lequel je suis saisie, par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Mme Christine Pirès Beaune
Les médecins conventionnés bénéficient de trois abattements fiscaux cumulables : un abattement de 2 % sur leur bénéfice non commercial (BNC), au titre des frais professionnels, auquel cet amendement ne change rien ; un deuxième abattement forfaitaire compris entre 770 et 3 050 euros en fonction du type d’activité exercée ; un troisième abattement qui est une réduction de 3 %, dite complémentaire, du BNC.
Nous proposons de réserver le bénéfice de ces deux derniers abattements aux praticiens installés dans les déserts médicaux, pour récompenser, en quelque sorte, les efforts consentis par les professionnels dans le choix de leur installation. L’économie pour l’État serait d’environ 200 millions d’euros.
M. Philippe Brun
Bravo !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Cet amendement a été rejeté par la commission.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
Et peut-être rejeté pour des bonnes raisons. En effet, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) seront lancées les maisons France Santé, 5 000 maisons qui permettront – du moins je l’espère – de résoudre en grande partie le problème des déserts médicaux.
Si l’on adopte votre dispositif, qui risque d’entrer en friction avec le dispositif FRR – certes imparfait –, on va multiplier les abattements fiscaux pour les médecins qui s’installent en zone rurale, dans un désert médical ou dans une maison France santé ; ce sera source d’une grande complexité.
Nous tentons de mettre sur pied un système dont j’espère qu’il sera validé à l’issue de l’examen du PLFSS, et je vous invite donc, dans cette perspective, à retirer votre amendement.
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.
Mme Christine Pirès Beaune
Je ne propose nullement de supprimer quelque abattement que ce soit. Il s’agit seulement de conserver la portée générale du premier et de réserver les deux derniers aux médecins qui font l’effort de s’installer en zone carencée, ce qui, en plus, fait faire des économies à l’État. Je maintiens l’amendement.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 635.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 263
Nombre de suffrages exprimés 258
Majorité absolue 130
Pour l’adoption 173
Contre 85
(L’amendement no 635 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Nicolas Bonnet applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 1902.
M. Aurélien Le Coq
Le gouvernement préfère visiblement que nous ne parlions pas tout de suite de la question des holdings et du patrimoine, mais la séance a heureusement inséré l’amendement no 1902 à un endroit qui nous permet d’en avoir un avant-goût.
Les holdings sont au cœur du système qui permet aux milliardaires et aux plus riches de ce pays d’échapper très largement à l’impôt, puisqu’ils paient moins de 2 % d’impôt sur le revenu. C’est grâce à ses trente et une holdings domiciliées au Luxembourg, dont trois seulement ont une activité réelle, que Bernard Arnault paie bien moins d’impôts en proportion que tout le reste de la population.
Mme Marie-Christine Dalloz
Il y avait longtemps…
M. Ian Boucard
Et Matthieu Pigasse ? Vous ne le citez jamais !
M. Aurélien Le Coq
Il en est ainsi pour la quasi-totalité des entreprises du CAC40, qui domicilient également 166 holdings au Luxembourg.
Nous vous proposons donc ici un dispositif que nous espérons efficace et qui consiste à permettre à l’administration fiscale d’établir, au titre de l’article 111 du code général des impôts, une présomption de distribution sur les revenus des holdings, de manière à requalifier ces revenus en revenus distribués, de sorte qu’ils intègrent les revenus de celles et ceux qui détiennent les parts de ces holdings et puissent enfin être imposés et taxés. Il s’agit de mettre un terme à cette gabegie absolue qui contribue au creusement de notre déficit et qui fait qu’aujourd’hui, en France, 80 à 100 milliards d’euros s’évadent chaque année vers des comptes offshore ou je ne sais où, et que l’administration fiscale est incapable de les récupérer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Monsieur Le Coq, je me demande si la disposition que vous proposez n’est pas contraire à la directive mère-fille, qui prévoit que les dividendes versés par une filiale à une société mère sont exonérés d’impôt sur les sociétés, à l’exception d’une quote-part de 5 %.
Ces dividendes sont déjà soumis à l’IS, et vous proposez donc une double imposition, voire une triple imposition, puisque ces dividendes pourront ensuite être soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) lorsque l’actionnaire les percevra.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
Même avis, pour les mêmes raisons.
Mme la présidente
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
Je vous confirme que cet amendement est contraire à la directive mère-fille (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), et c’est précisément son objectif, puisque la directive mère-fille est l’outil qui permet à ces personnes d’utiliser les holdings pour soustraire à l’imposition les revenus qu’elles tirent en l’occurrence du capital.
La question que nous devons nous poser ici est celle du bien-fondé de cette directive. Les chiffres que vous a fournis notre collègue Le Coq indiquent que cette directive mère-fille est à la source d’un effet d’aubaine pour les ultrariches et les milliardaires français, qui, au bout du compte, paient en proportion beaucoup moins d’impôt sur leurs revenus que les classes moyennes ou même que les riches qui n’appartiennent pas au 0,001 % ultrariche.
Cet amendement pose la question de notre volonté politique : veut-on continuer à accepter ce dispositif d’échappement à l’impôt ou décide-t-on, au contraire, de le combattre ? Dans ce dernier cas, il faut adopter une mesure comme celle-ci. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Juvin, rapporteur général
J’entends ce que vous dites, mais une loi française ne peut être contraire à une directive ou à un règlement européens.
M. Jean-François Coulomme
Alors, que faisons-nous là ?
M. Aurélien Le Coq
Désobéissons !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Si vous n’êtes pas d’accord avec cette directive, il faut agir au niveau du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen ; il n’y a guère que cette solution. J’aurais donc envie de vous suggérer de vous faire élire à Strasbourg…
Mme Danièle Obono
Mais il y est allé !
M. Manuel Bompard
Oui, et ce n’est pas le sujet !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
…et de mener un travail d’influence auprès du Conseil.
C’est une question de fond : peut-on sérieusement imaginer que nous votions ici une loi française dont on sait qu’elle est contraire au droit européen, donc qu’elle ne sera pas appliquée ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous êtes dans votre rôle en proposant des amendements d’appel politiques, mais vous savez très bien que cet amendement ne s’appliquera pas.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Nous voterons évidemment en faveur de cet amendement très important, même s’il s’agit d’un amendement d’appel.
Aujourd’hui, le régime mère-fille coûte à peu près 30 milliards d’euros au budget de l’État. Rappelons que 95 % des dividendes qui remontent dans les holdings sont exonérés de tout impôt – 95 %, c’est énorme ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Aux États-Unis, ce n’est pas le cas : toutes les holdings y sont transparentes, de sorte que chaque remontée de dividende fait l’objet d’un prélèvement forfaiture unique.
Je trouve donc cet amendement tout à fait bienvenu. Néanmoins, j’en proposerai un autre, qui sera peut-être susceptible d’être adopté, car il n’est pas tout à fait contraire à la directive mère-fille. Il arrivera un peu plus tard en discussion et vise à doubler la quote-part pour frais et charges.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
On a l’impression, et c’est un peu agaçant, que vous découvrez quelque chose, alors qu’il y a longtemps que nous parlons du régime mère-fille. Ce n’est pas nouveau, cela fait des années ! D’ailleurs, lors des débats qui ont précédé les élections européennes, le sujet n’a guère été mis en avant, par quelque camp que ce soit.
M. Matthias Tavel
Vous ne nous avez pas assez écoutés !
M. Jean-Paul Mattei
Pour ma part, j’ai essayé de le faire, en proposant de modifier le taux de la quote-part pour frais et charges – on pourrait, par exemple, le porter de 5 % à 10 %.
Vous faites croire que vous allez dans ce sens, alors que vous nous demandez d’adopter un amendement qui ne sert à rien, puisqu’il ne pourra pas prospérer. Voilà ce qui est pénible. Nous faisons certes de la politique, mais il faut être sérieux et essayer d’adopter des amendements qui aient une chance, juridiquement, d’être appliqués…
M. Ian Boucard
Il a raison ! Mattei, c’est le meilleur ici !
M. Jean-Paul Mattei
…plutôt que de faire du cinéma. Nous sommes nombreux à avoir abordé ce problème à l’échelon politique national, mais pas assez à l’avoir fait à l’échelon politique européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Sylvain Maillard
Très bien !
(L’amendement no 1902 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur chacun des amendements nos 2397, 2394, 2208, 1860 et 1915, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Nous en venons aux amendements nos 2397, 2394 et 2208, qui peuvent être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 2397.
Mme Claire Lejeune
Par cet amendement, nous vous proposons de reprendre l’une des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Nous en profitons pour rendre hommage au travail des citoyennes et des citoyens qui ont siégé dans le cadre de cette convention de longs mois durant, sans que, malheureusement, toutes leurs mesures soient reprises par le gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Ils proposaient notamment une taxe de 4 % sur les dividendes fléchée vers le financement de la bifurcation écologique – pour laquelle nous avons besoin, je le rappelle, de 34 milliards d’euros par an. Nous vous proposons d’élargir la mesure aux rachats d’actions, mécanisme de spéculation entièrement nocif, dont nous aurons l’occasion de reparler au cours de la discussion budgétaire.
Que constatons-nous ? D’une part, le dérèglement climatique s’accélère, entraînant des effets catastrophiques partout dans notre pays – pas une de nos circonscriptions n’est épargnée ! De l’autre, la financiarisation du capitalisme s’accélère, elle aussi ; ce capitalisme est toujours plus déconnecté de l’économie réelle et continue à soutenir les actifs bruns.
La France accumule du retard en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre – nous en avons discuté hier. On observe un ralentissement très fort de la baisse des émissions ; nous ne sommes pas du tout sur la trajectoire que nous devrions être en train de suivre, si nous respections les engagements que nous avons pris nous-mêmes dans le cadre de l’accord de Paris. La France est donc en retard, tout en étant championne européenne du versement de dividendes – ce n’est pas un motif de fierté !
J’entends déjà vos arguments : cela va affecter l’activité des entreprises françaises. Nous vous renvoyons au travail de deux chercheurs français : Adrien Matray et Charles Boissel ont publié un article portant spécifiquement sur la taxation des dividendes et l’allocation du capital,…
M. Paul Midy
Ça n’a aucun lien !
M. Sylvain Maillard
On s’éloigne du sujet !
Mme Claire Lejeune
…qui montre que cette taxation a un effet positif sur l’investissement et sur l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 2394.
M. Aurélien Le Coq
À quoi sert un actionnaire du CAC40, si ce n’est sans doute à empêcher, tel un parasite, que l’argent retourne dans l’économie réelle, les salaires ou l’investissement ? (Exclamations sur plusieurs des groupes EPR et DR.)
Je vous ai entendus ces dernières heures nous expliquer qu’il fallait que les grandes entreprises fassent des bénéfices, parce qu’elles faisaient tourner l’économie.
Mme Danielle Brulebois
Eh oui !
M. Aurélien Le Coq
En réalité, lorsque les entreprises du CAC40 font des bénéfices, elles ne les distribuent ni en salaires à celles et ceux qui, pourtant, sont les seuls à produire de la richesse,…
M. Laurent Jacobelli
Et toi, tu as produit quelles richesses ?
M. Aurélien Le Coq
…ni en investissements, ni en emplois. Elles les distribuent quasi systématiquement en dividendes.
J’en veux pour preuve ce qui s’est passé en 2023 et en 2024 : alors que les bénéfices des entreprises du CAC40 diminuaient, passant de 150 à 130 milliards d’euros, les versements de dividendes et les rachats d’actions sont restés au même niveau, autour de 100 milliards. Ces 100 milliards distribués chaque année aux actionnaires sont en réalité perdus pour notre économie. En effet, pendant que l’on distribue des dizaines de milliards d’euros de dividendes, le chômage augmente dans notre pays, les emplois sont détruits, et personne ne vit mieux, hormis quelques actionnaires qui continuent d’empocher ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
L’année prochaine, le chômage risque d’atteindre 8,5 %. Personne ne prédit d’augmentation des salaires, qui ont baissé de 3 % en moyenne ces dernières années. Pourtant, les entreprises du CAC40 continuent à verser des dividendes. Alors, oui, envoyons-leur un message très clair : disons-leur que, lorsqu’elles distribueront des dividendes, elles seront taxées dessus ! Peut-être les verrons-nous enfin verser un peu plus d’argent aux salariés.
Je le répète : jamais un actionnaire n’a produit la moindre valeur ni la moindre richesse.
M. Pierre Cordier
Arrêtez de réciter !
M. Aurélien Le Coq
Il n’y a que le travail qui produit. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur plusieurs des groupes EPR, DR et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement no 2208.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
J’ai entendu les objections que M. le rapporteur général et certains collègues, notamment Jean-Paul Mattei, opposaient aux amendements précédents : le fait qu’ils ne respectent pas la directive mère-fille. Je dois dire que je soutiens ces amendements, car je pense qu’il faut imposer un bras de fer.
Néanmoins, en vous soumettant le présent amendement, je vous donne l’occasion de voter sur le fond, en faveur d’une taxation des dividendes qui respecte la directive mère-fille, puisqu’elle exclut les dividendes versés à la société mère par ses filiales établies dans un autre État membre. En conséquence, la mesure sera évidemment beaucoup moins rentable, mais cela permettra du moins de pointer l’un des problèmes dû à la politique d’offre et de compétitivité. Celle-ci reposait sur un pari : favoriser les revenus du capital pour favoriser l’investissement et l’emploi. Or nous avons déjà eu l’occasion de constater que les résultats n’étaient pas à la hauteur.
M. Daniel Labaronne
Si, si !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
En revanche, une telle politique a entraîné une augmentation considérable des dividendes, qui sont la manière la plus égoïste pour le capitaliste d’utiliser les profits, à tel point que nous sommes aujourd’hui champions d’Europe des versements de dividendes. Même quand la situation économique s’est dégradée, les dividendes n’ont pas cessé d’augmenter, notamment ceux versés par les entreprises du CAC40. À ceux qui penseraient que nous voulons attaquer les petits actionnaires, je rappelle que 1 % des foyers fiscaux captent à eux seuls 96 % des dividendes.
Cet amendement répondant à toutes vos objections, je ne doute pas qu’il se trouvera une majorité pour l’adopter et taxer les superdividendes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Je reprends l’argument que j’exposais tout à l’heure : je comprends le sens politique des dispositions que vous proposez, mais je répète qu’elles sont contraires à la réglementation européenne, en particulier à la directive mère-fille.
J’ai consulté le site du Parlement européen pour voir quelles avaient été les positions des groupes politiques en 2011, lorsque ladite directive a été retravaillée – il s’agissait d’un réexamen. J’ai eu la surprise de constater, sous réserve de confirmation, que les groupes de gauche avaient voté pour : non seulement les socialistes et démocrates et les Verts, mais aussi (M. le rapporteur général se tourne vers les bancs du groupe LFI-NFP) la Gauche unitaire européenne, dont vous faites partie là-bas.
M. Manuel Bompard et M. Aurélien Le Coq
Non, pas en 2011 !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Le Parti populaire européen et l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, à savoir les centristes, avaient aussi voté pour. En somme, pas un seul groupe politique ne s’était opposé à cette directive. C’est tout de même très surprenant !
On peut certes changer d’avis sur une loi, à mesure que l’on en constate les avantages et les inconvénients, mais peut-être faudrait-il relativiser, à l’aune des votes émis à Bruxelles ou à Strasbourg, les déclarations d’opposition tonitruantes prononcées dans cette assemblée contre la directive européenne en question. Je confirme mon avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
L’erreur est humaine, mais persévérer est diabolique. Certains sur ces bancs se souviennent d’une taxe de 3 % sur les dividendes distribués, qui avait été instaurée en 2012.
M. Jean-Paul Mattei
Exactement !
M. Roland Lescure, ministre
Elle avait été adoptée par une majorité qui commençait par là (M. le ministre désigne les bancs du groupe SOC) et dont les effectifs étaient plus importants à l’époque. Or vous nous proposez aujourd’hui de la tripler. Monsieur le président Coquerel, je peux vous dire que le bras de fer a déjà eu lieu, : il a coûté 11 milliards. Donc, celui-ci en coûterait sans doute 33. (M. Jean-Paul Mattei acquiesce.) En effet, on a collecté de l’impôt pendant cinq ans ; on a été attaqué ; on a été condamné et on a remboursé, avec intérêts. Le Trésor public, la direction générale des finances publiques (DGFIP) et le ministre que je suis n’ont pas vocation à servir de banque aux grandes entreprises !
En adoptant des mesures contraires au droit européen, on se fait plaisir en adressant un bras d’honneur à l’Europe, mais en fait, on se tire une balle dans le pied, de même qu’en votant pour des dispositions non constitutionnelles. Dans les jours qui viennent, lorsqu’un ministre ou un parlementaire vous dira « c’est contraire au droit européen », songez que cela peut coûter 33 milliards. Je pense qu’il n’y a pas de débat sur ce point.
La directive mère-fille ne concerne pas ce qui se passe dans une école ou une famille de bonne tenue ; elle régit, au sein de l’Union européenne, les relations entre les filiales et leur société mère. Par conséquent, si nous allons contre le droit européen en taxant ces dividendes deux fois au lieu d’une – M. le rapporteur général a raison, certains de vos amendements tendent même à les taxer trois fois –, nous serons condamnés. Qui plus est, les holdings s’installeront ailleurs. Nous aurons donc perdu sur les deux tableaux.
Cela vaut malheureusement aussi pour votre amendement no 2208, monsieur le président Coquerel – j’ai bien compris que le no 1860 était encore différent. En dépit du travail subtil et des efforts que vous avez déployés pour exonérer les dividendes relevant de la directive mère-fille, l’amendement no 2208 paraît confondre le régime de l’intégration fiscale et le régime mère-fille. Pour assurer la conformité avec la directive, tous les dividendes relevant de la directive mère-fille devraient être exonérés, et non pas seulement ceux afférents à des distributions au sein d’une intégration fiscale.
J’émets donc un avis défavorable sur les trois amendements.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve
Monsieur Le Coq, il est tard, mais cela ne vous autorise pas à insulter 7 millions de Français, comme vous venez de le faire. Vous venez de traiter 7 millions de Français de parasites ! (M. Aurélien Le Coq proteste.) Vous rendez-vous compte de ce que vous dites ? Je sais que vous appartenez à un parti politique qui a souvent l’injure et le mépris faciles,…
Mme Julie Laernoes
Parce que vous, vous ne versez jamais dans le mépris ?
M. Jean-René Cazeneuve
…mais c’est tout de même assez incroyable ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Je vais vous expliquer ce qu’est un actionnaire. Vous pouvez devenir actionnaire à partir de 10, 20 ou 30 euros d’investissement. Vous avez plusieurs possibilités. Vous pouvez placer votre argent à la banque ; vous espérez évidemment en tirer une rémunération, même quand vous le placez sur un livret A. Vous pouvez aussi acheter de l’immobilier ; vous en espérez évidemment une rémunération au cours du temps. Vous pouvez enfin acheter une action ; vous en attendez évidemment un retour sur investissement.
Si vous ramenez les sommes que vous avez citées au capital des entreprises concernées, vous obtenez une rémunération qui s’établit en moyenne aux alentours de 2 %, ce qui ne me paraît pas excessif – 2 %, 3 %, 4 %, le taux varie selon les années –, d’autant qu’il s’agit d’un rendement qui n’est pas certain. (« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il est donc normal de rétribuer la prise de risques. En effet, si tout le monde investissait uniquement dans des produits bancaires et dans l’immobilier, nous n’aurions plus de tissu industriel. Monsieur Le Coq, retirez donc l’insulte que vous avez adressée à 7 millions de Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. – M. Pierre Meurin applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
En réalité, monsieur Le Coq, vous êtes un parasite. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Et vous ne le savez même pas – quelle ironie !
Figurez-vous, monsieur Le Coq, qu’en votre qualité de député, vous cotisez à un fonds de retraite complémentaire, lequel investit, notamment dans des actions du CAC40. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Tous les fonctionnaires de France cotisent, de la même manière, à une retraite par capitalisation – eh oui, collègues d’extrême gauche, par capitalisation ! (Mêmes mouvements.) Une partie de nos retraites complémentaires est investie en actions du CAC40. Merci, monsieur le parasite ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Paul Lecoq
Il se fonde sur l’article relatif à la mise en cause personnelle.
Messieurs, quand vous interpellez M. Le Coq et le traitez comme vous venez de le faire, et vu la manière dont vous utilisez les capsules vidéo pour votre communication, on peut croire que c’est à moi que vous vous adressez.
Nos prénoms respectifs servent à nous distinguer. Désormais, je vous demanderai de préciser le prénom selon que vous vous adresserez à l’un ou à l’autre. (Rires et applaudissements sur de nombreux bancs.)
Après l’article 12 (amendements appelés par priorité – suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Je ne réagirai pas aux provocations de M. Verny, qui visiblement a craqué. (Rires et applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, EPR, SOC, Dem, LIOT et GDR.)
Monsieur Cazeneuve, il est tard, mais vous ne pouvez pas faire comme si vous n’aviez pas compris les propos de notre collègue Le Coq. (« Lequel ? » sur plusieurs bancs.) Je veux parler d’Aurélien Le Coq.
À la vérité, nous parlons d’une infime minorité de privilégiés, qui accumule les richesses, qui accapare les ressources. Vous qui parlez sans cesse du travail, du mérite, de l’effort, vous n’avez pas de mots assez forts ou assez puissants pour défendre des gens qui gagnent de l’argent en dormant, tout simplement, qui vivent de la rente ou de l’héritage ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
J’achèverai mon propos en vous parlant d’un autre homonyme, Gaëtan Lecocq, secrétaire général de la CGT ArcelorMittal France à Dunkerque. Lui et ses collègues, vous ne les défendez pas, monsieur Cazeneuve ! Quand nous demandons plus de justice sociale et plus de justice fiscale, nous voulons surtout rappeler que l’argent ne doit pas aller dans la poche des actionnaires, mais être mis au service des salariés de ce pays, qui se lèvent tous les matins pour aller travailler. Oui, si des actionnaires peuvent continuer à s’enrichir comme ils le font, c’est parce que vous refusez cet effort de justice fiscale et de justice sociale.
M. Laurent Croizier
Revenez un peu dans la vraie vie !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Effectivement, nous ne vivons pas dans la même société : nous, nous savons qui sont les parasites qui empêchent une meilleure répartition des richesses ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
Je vois bien comment certains cherchent à faire diversion pour faire oublier le véritable objet de ces amendements, à savoir le niveau historiquement haut des dividendes versés l’année dernière par les entreprises du CAC40.
M. Gérault Verny
C’est pour payer vos retraites !
M. Manuel Bompard
J’ai beaucoup entendu dire que la France était championne d’Europe dans tel domaine ou championne du monde dans tel autre, mais jamais qu’elle était championne d’Europe pour le versement des dividendes par les grandes entreprises.
M. Alexis Corbière
Eh oui !
M. Manuel Bompard
Demander à ceux qui en ont déjà largement profité une contribution supplémentaire sur les dividendes reçus, dans une situation économique difficile, me semble être une proposition tout à fait normale.
Tout à l’heure, il a été question du rapport aux règles européennes. Contrairement à ce que le rapporteur général Juvin nous a indiqué, la modification de la directive mère-fille ne relève pas de la compétence des parlementaires européens. Que nous siégions tous à Strasbourg ou à Bruxelles n’y changerait rien, puisque le pouvoir d’initiative appartient soit au Conseil de l’Union européenne, soit à la Commission européenne.
Monsieur Juvin, monsieur le ministre : si vous êtes favorables à la remise en cause de la directive mère-fille, c’est au gouvernement d’en faire la demande au Conseil, ou bien au parti macroniste, dont l’ancien secrétaire général est devenu commissaire, de plaider cette cause au sein de la Commission. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Soit vous vous cachez derrière les règles européennes pour nous dire qu’on ne peut rien faire, alors même que vous souhaiteriez une modification de la directive ; soit vous ne souhaitez pas réellement que cette modification ait lieu. Vous devez donc préciser vos intentions !
Mme Danièle Obono
Eh oui !
M. Manuel Bompard
Quant au fait que la France risque de ne pas respecter certaines règles européennes, je pourrais vous dire, non sans ironie, que ce que nous faisons depuis vendredi – débattre d’un budget prévoyant un déficit supérieur à 3 % du PIB – ne respecte pas tout à fait les règles européennes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Marcellin Nadeau et M. le président de la commission des finances applaudissent également.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny, pour un rappel au règlement.
M. Alexis Corbière
Oh, non ! Nous ne sommes pas vernis ! (Sourires.)
M. Gérault Verny
Il se fonde sur l’article 70, alinéa 3, relatif à la mise en cause personnelle.
Je ne comprends pas ce qui vous a choqués dans mon intervention et pourquoi vous me répondez avec une telle violence. M. Le Coq (« Lequel ? » sur quelques bancs) a insinué que tous les actionnaires du CAC40 étaient des parasites. Or M. Le Coq, en tant que cotisant à un régime de retraite complémentaire, est un actionnaire du CAC40, comme nous tous.
M. Alexis Corbière
C’est faux !
M. Gérault Verny
Je vais plus loin : si les actionnaires du CAC40 sont majoritairement des fonds anglo-saxons ou des fonds de pension étrangers, c’est parce qu’on ne peut plus investir en France… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)
Mme la présidente
Monsieur Verny, nous sortons du cadre d’un rappel au règlement pour mise en cause personnelle.
Après l’article 12 (amendements appelés par priorité – suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Didier Berger.
M. Jean-Didier Berger
Il est quelque peu déplacé d’opposer systématiquement les travailleurs et ceux qui permettent aux travailleurs d’avoir un outil de travail. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Mme Sabrina Sebaihi
Mais c’est bien sûr…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Qui peut posséder l’outil de production sans ceux qui se lèvent tous les matins pour travailler ?
M. Jean-Didier Berger
Les actionnaires sont à la base de la création des entreprises, du développement de l’activité et de la création d’emplois. Il faudrait peut-être vous rappeler qu’heureusement, il y a des actionnaires, des entrepreneurs, des entreprises et un secteur privé. Sans eux, il n’y aurait pas de richesses à redistribuer dans notre pays.
Mme Danièle Obono
Ils ne redistribuent rien du tout ! Ils versent des dividendes !
M. Jean-Didier Berger
Il n’y aurait pas de quoi faire vivre la solidarité ; il ne serait pas possible de lever l’impôt ; il ne serait pas possible de créer du lien social. Cela, vous l’oubliez systématiquement !
M. Benjamin Lucas-Lundy
On ne veut pas interdire les riches, on veut seulement les taxer. Vous n’avez donc rien compris !
M. Jean-Didier Berger
Cessez vos caricatures et cessez d’opposer les Français les uns aux autres ! Cela ne vous mènera à rien, et ne mènera à rien notre pays.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
S’agissant de la production de richesses, je vous ferai remarquer qu’il existe des entreprises sans actionnaires, mais qu’il n’y a pas d’entreprises sans travailleurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)
Vous ne semblez pas gêné que l’on prenne deux ans de la vie des travailleurs au moyen d’une loi qui n’a été votée par personne, mais vous l’êtes quand on exige un peu plus de justice fiscale dans un contexte d’accumulation des dividendes.
Si le peuple a pris ses distances vis-à-vis de l’Union européenne, c’est parce qu’elle lui apparaît comme le bouclier du capitalisme le plus débridé et dérégulé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Voilà le problème de fond et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle, en 2005, les Français ont majoritairement voté contre un traité qui constitutionnalisait le libre-échange et le capitalisme le plus débridé.
M. Matthias Tavel
Absolument !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Sur la désobéissance à la directive mère-fille, Manuel Bompard a raison de rappeler que ce sont les États qui ont le pouvoir de faire bouger les positions au sein du Conseil. Au demeurant, je remarque qu’à certains moments, nous ne sommes pas dérangés par d’éventuelles désobéissances aux traités européens : quand la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de prêter directement aux États après l’épidémie de covid – ce qui a été plutôt positif –, elle a complètement désobéi aux traités. Il serait tout de même étonnant que la BCE, indépendante des pouvoirs publics, puisse agir ainsi, mais pas nous, parlementaires français, alors que nous nous prononçons souverainement sur le budget. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Dans mon amendement no 2208, j’ai prévu des exceptions ; je ne l’ai pas fait de gaîté de cœur, car le rendement de la taxe en est amoindri. En tout cas, si vous estimez qu’il ne respecte pas la directive mère-fille, c’est que vous l’avez mal lu. Il y est écrit, en parfaite cohérence avec cette directive : « Toutefois, cette taxe n’est pas due par les sociétés d’un groupe et les sociétés intermédiaires pour les dividendes qu’elles versent à leur société mère. Elle n’est pas due non plus pour la fraction des dividendes versés par une société mère correspondant, dans le total des bénéfices de la société mère, aux dividendes qui lui ont été versés par des sociétés du groupe ou des sociétés intermédiaires établies dans un État membre autre que la France. »
Même à gauche, on sait rédiger des amendements qui respectent les textes européens. Il n’y a donc plus de prétexte pour repousser cet amendement, même si, j’en conviens, le rendement de la taxe sera bien moindre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Monsieur Bompard, en matière de fiscalité – une compétence nationale – le Conseil de l’Union européenne se prononce à l’unanimité, tandis que le Parlement européen s’exprime par un vote non contraignant. En l’espèce, il l’a fait, et les différents groupes que j’ai cités tout à l’heure, dont le vôtre,…
M. Manuel Bompard
Toujours pas, non !
M. Matthias Tavel
C’est faux !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
…se sont manifestement prononcés en faveur de la directive mère-fille. Ils auraient pu voter contre, mais ne l’ont pas fait, pour des raisons qui les regardent. Quoi qu’il en soit, le Parlement européen a bien été saisi de la question.
M. Ian Boucard
Allez, il faut voter ! Ils se font plaisir, là !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Le président Coquerel vient d’évoquer un sujet très important. La directive mère-fille a été conçue pour éviter les doubles impositions au sein de l’Union européenne, mais il soutient qu’entre filiales françaises, la directive ne s’applique pas. C’est une thèse.
M. Ian Boucard
Ça va finir par se voir que vous ne voulez pas voter le budget.
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Mais, en droit européen, le principe de non-discrimination s’applique – c’est sur le fondement de ce principe que le marché intérieur est organisé. Selon moi, la non-discrimination à rebours que vous proposez pourrait faire l’objet d’analyses très critiques. Je confirme mon avis défavorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2397.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 254
Nombre de suffrages exprimés 235
Majorité absolue 118
Pour l’adoption 80
Contre 155
(L’amendement no 2397 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2394.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 253
Nombre de suffrages exprimés 225
Majorité absolue 113
Pour l’adoption 71
Contre 154
(L’amendement no 2394 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2208.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 258
Nombre de suffrages exprimés 255
Majorité absolue 128
Pour l’adoption 102
Contre 153
(L’amendement no 2208 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Feld, pour soutenir l’amendement no 1860.
Mme Mathilde Feld
Pourquoi un tel émoi dans l’hémicycle ce soir ? Parce que nous abordons le sujet sensible de l’évasion fiscale – M. Attal est présent, cela tombe bien.
Pourquoi défendons-nous tant d’amendements ? Parce que nous essayons désespérément d’accomplir un travail que les gouvernements ne font pas depuis des années.
Je rappelle que l’évasion fiscale est estimée entre 80 et 100 milliards d’euros par an. Nous avons entendu beaucoup de belles paroles, ou des propos offusqués, et avons assisté à la création de belles coquilles vides, comme le Conseil d’évaluation des fraudes, par M. Attal, dont la première et dernière session s’est tenue le 10 octobre 2023. Depuis, plus rien.
M. Gabriel Attal
Dois-je comprendre que je vous manque ?
Mme Mathilde Feld
Voilà pourquoi nous défendons ces amendements aujourd’hui.
Un projet de loi assez erratique, relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, a été présenté, il y a quelques jours, en Conseil des ministres. Il flatte les vieilles marottes de la droite et de l’extrême droite, alors que la fraude sociale ne correspond qu’à un dixième de ce que représente la fraude fiscale et qu’elle est plus souvent le fait des prescripteurs que des patients, lesquels sont pourtant la principale cible du texte.
Mon amendement tend à lutter contre l’optimisation fiscale des multinationales, en limitant le régime mère-fille aux filiales situées dans un État membre de l’Union européenne. Conformément aux recommandations de l’OCDE, il vise également à plafonner les déductions fiscales auxquelles peuvent prétendre les filiales situées en dehors de l’Union, afin de limiter les avantages fiscaux tirés de dividendes remontés par des filiales implantées dans des pays à fiscalité très basse ou nulle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Vous avez raison : la directive mère-fille ne s’applique qu’entre deux sociétés domiciliées dans des pays de l’Union européenne. Toutefois, la France a souverainement décidé d’appliquer ce modèle de droit européen à des sociétés qui sont implantées en dehors de son territoire et de celui de l’Union européenne.
Revenir sur ce point de droit français, c’est courir le risque de soumettre à une double imposition – et, potentiellement, de mettre en difficulté – des filiales de société françaises implantées hors de l’Union européenne, par exemple au Royaume-Uni ou au Maghreb. Dans un pays comme la France qui se veut tourné vers le monde en matière économique, il serait absurde d’instaurer un tel système, qui introduirait une double imposition délétère pour le climat des affaires.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
Même avis que le rapporteur. La France n’a pas fait ce choix pour se faire plaisir, mais parce que d’autres pays l’ont fait avec elle. Revenir sur ce choix reviendrait à accepter qu’une entreprise française, par exemple LVMH, Sanofi, Total – toutes celles que vous détestez mais qui font la fierté de la France – ne rapatrie plus ses dividendes en France, dès lors qu’elle aurait une filiale au Royaume-Uni, au Canada, au Maghreb ou ailleurs. Les entreprises auraient alors deux options : déplacer leur siège social dans un autre État membre – à Amsterdam, Munich ou Francfort – puisque ces dispositions sont en vigueur partout en Europe, ou constituer à l’étranger une holding dans laquelle elles déposeraient leurs dividendes.
Il y a un problème d’appréhension de la relation entre une entreprise mère et ses filiales. Airbus, qui vend des avions partout – nous en sommes très fiers –, a des filiales et fait des profits dans le monde entier. Si on lui dit : « Vous avez vendu plus que Boeing l’an dernier, bravo, mais on va vous taxer deux fois », Airbus s’installera aux Pays Bas ou y constituera une holding. Il ne faut pas le faire.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
En commission des affaires étrangères, nous sommes souvent saisis de traités internationaux destinés à éviter la double imposition. Ils ne se réfèrent pas à ces dispositifs mère-fille. De nombreux accords bilatéraux prévoient que les entreprises soient imposées dans le pays où elles réalisent des profits, et écartent une deuxième imposition. Cela relève de la bonne gestion dans les relations économiques internationales ; on ne peut en dire autant du dispositif mère-fille et de son application hors de l’Union européenne.
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne
Depuis que nous sommes aux affaires, nous avons beaucoup agi pour lutter contre toutes les formes de fraudes. C’est tout à l’honneur de la formation politique à laquelle j’ai le plaisir d’appartenir.
Nous avons commencé par voter, en 2018, un projet de loi visant à lutter contre la fraude fiscale, sociale et douanière. À cette occasion, nous avons fait sauter le verrou de Bercy. Puis, nous avons voté un projet de loi visant à lutter contre la fraude aux aides publiques, notamment dans le domaine de la rénovation énergétique. Nous nous apprêtons à examiner une nouvelle proposition de loi qui a été présentée en Conseil des ministres. En parallèle, nous avons mis en place des dispositifs visant à lutter contre la fraude bancaire ; à mon initiative, ils ont été adoptés à l’unanimité. Enfin, toujours à mon initiative, nous avons déposé un projet de loi visant à lutter contre la fraude sur les marchés financiers.
Mme Danièle Obono
Quels sont les résultats depuis huit ans, monsieur Labaronne ?
M. Daniel Labaronne
Bref, affirmer que nous n’avons rien fait est inexact. D’autant que les chiffres sont là : grâce à ces actions de lutte contre toutes les formes de fraude, nous avons recouvré près de 13 milliards d’euros. Nous avons aussi donné des moyens à l’administration fiscale pour développer des outils d’intelligence artificielle permettant de repérer les fraudeurs de manière beaucoup plus efficace et rapide, et de recouvrer des sommes importantes.
Mme Christine Arrighi
Assez ! Coupez !
M. Daniel Labaronne
Je m’inscris donc en faux contre ceux qui disent que nous n’avons rien fait.
M. Carlos Martens Bilongo
Vous n’avez rien fait !
M. Daniel Labaronne
Nous avons voté des textes, ils ont été mis en œuvre et les résultats sont là en matière de recouvrement de la fraude fiscale. (MM. Carlos Martens Bilongo et Matthias Tavel dessinent de la main le chiffre zéro.) La lutte contre les fraudes est indispensable si l’on veut qu’il y ait un consentement à l’impôt. (M. Guillaume Kasbarian et Mme Liliana Tanguy applaudissent.)
Un député du groupe LFI-NFP
Vive la lutte des classes !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1860.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 241
Nombre de suffrages exprimés 214
Majorité absolue 108
Pour l’adoption 58
Contre 146
(L’amendement no 1860 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 1915.
Mme Élisa Martin
Par cet amendement, nous voulons rendre inapplicable aux holdings le régime fiscal des sociétés mères, afin qu’il ne soit plus possible d’échapper à l’impôt ou de l’amoindrir considérablement, comme cela se produit actuellement. Aujourd’hui quand les bénéfices d’une filiale remontent à la holding, le taux d’imposition est de l’ordre de 5 %, sans que rien ne le justifie hormis des logiques d’optimisation fiscale.
Avec l’optimisation fiscale, au fond, plus on est riche, moins on paye d’impôt. Cela s’apparente très fortement à de la triche, pour deux raisons. Premièrement, vous ne contribuez pas à due proportion de ce que vous possédez, ce qui entre en contradiction avec un principe constitutionnel, pourtant juste.
M. Jean-François Coulomme
Exactement !
Mme Élisa Martin
Deuxièmement, le fait qu’une personne ou une société ne paie pas les impôts qu’elle devrait payer constitue un manque à gagner pour la société.
Vous répétez constamment : « Il n’y a pas d’argent, comment va-t-on faire ? »
M. Laurent Jacobelli
Quelle actrice !
Mme Élisa Martin
Nous avons une solution ! Nous proposons de taxer comme ils doivent être taxés – et non à 5 % – les bénéfices d’une filiale qui remontent à la holding. C’est une question de justice et d’efficacité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Philippe Tanguy
Je le formule sur le fondement de l’article 47 de la Constitution, qui fixe notamment des délais pour l’examen des projets de loi de finances. Cette discussion se déroule comme si nous avions tout le temps devant nous. Or, depuis vendredi – je parle sous le contrôle du président de la commission des finances –, nous avons examiné 300 amendements sur 3 200.
M. Jean-Paul Mattei
Il a raison !
M. Ian Boucard
C’est vrai !
M. Jean-Philippe Tanguy
J’aimerais qu’on m’explique comment nous allons procéder pour tenir les délais. Si nous ne sommes pas en mesure de le faire, il faut que les groupes s’expriment, et que les groupes concernés affirment une bonne fois pour toutes, devant les Françaises et les Français qui nous regardent et devant les médias qui commentent, qu’ils n’entendent pas respecter les délais. Seules deux forces politiques ont respecté la jauge fixée pour les amendements : le groupe Rassemblement national et les socialistes – vous voyez, je suis honnête ! Les autres groupes l’ont dépassée, soit un peu, soit très nettement – c’est le cas de la Droite républicaine et des composantes du bloc central. (Protestations sur les bancs des groupes EPR et DR.)
M. Philippe Gosselin
Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Jean-Philippe Tanguy
Qu’ils prennent la parole et qu’ils expliquent aux Français comment ils comptent tenir les délais et examiner les 2 900 amendements restants, alors que nous en étudions 100 par jour. Dites la vérité ! Il est incroyable de faire preuve d’autant de cynisme et de lâcheté.
M. Vincent Descoeur
Parole d’expert !
M. Jean-Philippe Tanguy
Le cynisme, c’est de déclarer à la télévision que l’on souhaite donner du pouvoir au Parlement, qu’il faut débattre et aller au bout du budget, tandis qu’on dépose des amendements qui, mécaniquement, empêchent de tenir les délais. La lâcheté, c’est que vous n’assumez pas cette vérité devant les Français.
M. Julien Dive
Nous perdons du temps ! Vous nous faites perdre du temps ! Mensonges !
M. Jean-Philippe Tanguy
Il est incroyable de mentir à ce point, à un niveau absolument jamais vu sous la Ve République ! Vous dites que je mens, monsieur Dive, mais dites la vérité, prenez la parole, expliquez-nous comment on étudiera 2 900 amendements en respectant le délai ! Il est facile de nous accuser de faire du théâtre ; en réalité, c’est vous qui en faites. Vous mentez aux Français quand nous nous contentons de dire la vérité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
Il nous faudrait 175 heures pour terminer l’examen des amendements. Dans la mesure du possible, je limite à deux le nombre de prises de parole après les avis. Toutefois, lorsque des amendements suscitent un débat intéressant, comme ceux relatifs à la propulsion vélique, je n’ai d’autre choix que de laisser tous les groupes s’exprimer.
Après l’article 12 (amendements appelés par priorité – suite)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 1915 ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Madame Martin, votre amendement est intéressant mais le droit européen interdit d’aller au-delà de 5 %. Il est loisible de faire moins, si on le souhaite – ce qui n’est manifestement pas votre cas –, mais on ne peut dépasser ce seuil maximal.
Vous évoquez les holdings. Bien que tout le monde le comprenne, ce terme n’existe pas dans le code de commerce. Même si c’est un détail, nous ne pouvons légiférer sur les holdings puisque le droit ne les connaît pas. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
L’immense majorité des conventions fiscales – il y en a 125 – contiennent des dispositions limitant à 5 % le prélèvement à la source sur les dividendes versés. Ainsi, il n’y a pas de double imposition et les taux d’imposition sont très réduits.
Je suis défavorable à cet amendement pour les raisons précédemment exposées. Par ailleurs, au niveau international, au sein de l’OCDE, nous avons adopté le pilier 2, qui prévoit une taxation minimale des multinationales au taux de 15 %. Ce dispositif a été introduit en France par la loi de finances pour 2024. En 2026, pour la première fois, nous percevrons 500 millions en application de cette règle de taxation des multinationales – montant qui figure dans le présent budget. Nous devrions tous nous en réjouir, sinon nous applaudir les uns les autres pour avoir voté ces dispositions. Les choses avancent !
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour un rappel au règlement.
M. Inaki Echaniz
Je le formule sur le fondement de l’article 62 du règlement. Je profite de la fin de cette journée d’examen pour souhaiter, avec toute la sincérité possible, un prompt rétablissement aux seize députés du Rassemblement national qui semblent être malades ce soir. C’est cinq de plus que cet après-midi. Je souhaite au Rassemblement national de trouver le virus qui contamine ses bancs et un remède pour faire en sorte que ses membres respectent les règles relatives à la délégation de vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Après l’article 12 (amendements appelés par priorité – suite)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1915.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 230
Nombre de suffrages exprimés 229
Majorité absolue 115
Pour l’adoption 92
Contre 57
(L’amendement no 1915 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour soutenir l’amendement no 3303 deuxième rectification.
M. Jean-René Cazeneuve
Cet amendement, assez technique, vise à sécuriser les entrepreneurs qui passent du statut d’entreprise individuelle à celui d’entreprise soumise à l’impôt sur les sociétés. Il s’agit de mieux traiter les plus-values latentes.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
La commission a donné un avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre
Le gouvernement donne également un avis favorable. Je reconnais là la maîtrise technique de M. Cazeneuve. C’est un amendement bienvenu, qui garantit la neutralité fiscale dans les opérations de restructuration d’entreprises individuelles qui avaient opté pour l’impôt sur les sociétés et qui souhaitent se transformer en sociétés.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
On ne mesure pas très bien l’impact de cette mesure : est-elle neutre pour les recettes ? Le gouvernement pourrait-il nous donner des précisions à ce sujet ? D’autant que la dernière phrase de l’exposé sommaire laisse entendre que cet amendement technique a déjà été soumis aux services de Bercy – ce qui n’est pas un problème en soi.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Ce n’est pas un petit amendement ! Il fait écho à la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante, qui a créé le statut d’entreprise individuelle et prévu, pour une telle entreprise, la possibilité d’opter pour l’impôt sur les sociétés.
J’aimerais avoir des précisions sur le report d’imposition des plus-values, prévu par l’article 151 octies du code général des impôts. Comme traitez-vous cette situation ? Est-ce un sursis ou une purge de la plus-value ? Depuis quelques années, je soumets un amendement qui vise à éviter le report d’imposition des plus-values, car cela implique une taxation de la plus-value même quand la valeur baisse. Or c’est un élément bloquant pour la transformation de l’entreprise individuelle en société.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
J’exprime moi aussi une inquiétude. La phase de transition entre l’ancien statut d’entreprise individuelle et le statut nouvellement créé empêchera la taxation des plus-values latentes. Certains pourraient donc avoir recours à ce mécanisme avant de procéder à une revente, échappant ainsi sans cesse à la taxation des plus-values latentes. Selon moi, cet amendement n’est donc pas purement technique : il a un réel impact fiscal.
J’ajouterai, du point de vue de la qualité du débat, que le fait de le présenter comme un amendement technique, qui plus est à minuit, ne me semble pas la marque d’une grande sincérité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Cyrielle Chatelain applaudit également.)
(L’amendement no 3303 deuxième rectification n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La suite de l’examen du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au gouvernement ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie afin de permettre la poursuite de la discussion en vue d’un accord consensuel sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ;
Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2026.
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra