Troisième séance du vendredi 07 novembre 2025
- Présidence de Mme Hélène Laporte
- 1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
- Deuxième partie (suite)
- Après l’article 11 (suite)
- Amendement no 2437
- Sous-amendement no 2656
- Amendement no 2288
- M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
- Amendement no 1337
- Sous-amendement no 2653
- Amendements nos 2412 et 2438
- Sous-amendement no 2657
- M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales
- Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées
- Rappel au règlement
- Après l’article 11 (suite)
- Amendements nos 1357 rectifié, 528, 460, 1356, 461, 513, 508 et 1801
- Sous-amendements nos 2585 et 2599
- Amendement no 734
- Sous-amendements nos 2583, 2640 et 2606
- Amendements nos 510 et 735
- Sous-amendements nos 2591, 2610, 2581 et 2601
- Amendements nos 457, 567 et 939
- Sous-amendements nos 2580, 2589, 2596, 2608 et 2603
- Amendement no 458
- Sous-amendements nos 2590, 2597, 2609 et 2577
- Amendements nos 1307, 519, 1098, 1305 et 1304
- Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics
- Amendements nos 392, 746, 359, 1308, 1842, 1306, 1667 rectifié, 636, 404, 940, 377 et 941
- Rappel au règlement
- Après l’article 11 (suite)
- Deuxième partie (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Hélène Laporte
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nos 1907 et 1999, 2057, 2049).
Deuxième partie (suite)
Mme la présidente
Cet après-midi, l’Assemblée nationale a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement no 2437 portant article additionnel après l’article 11.
Après l’article 11 (suite)
Mme la présidente
Je suis saisie de cinq amendements, nos 2437, 2288, 1337, 2412 et 2438, pouvant être soumis à une discussion commune. Plusieurs d’entre eux font l’objet de sous-amendements.
Les amendements nos 2412 et 2438 sont identiques.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l’amendement no 2437, qui fait l’objet d’un sous-amendement no 2656.
M. Cyrille Isaac-Sibille
En 1945, on a fait une promesse aux Français : comportez-vous à votre guise, fumez, buvez et mangez ce que vous voulez, car le jour où vous serez malades, vos soins seront pris en charge. Cela explique qu’à l’heure actuelle, l’assurance maladie dépense plus de 260 milliards pour soigner les gens. Je rappelle que 80 % de notre santé est liée à nos déterminants et 20 % seulement aux soins.
L’industrie agroalimentaire, pour des raisons multiples, bonnes comme mauvaises, produit des plats ultratransformés en ajoutant des conservateurs artificiels. Cela conduit à l’augmentation de nombreuses pathologies chroniques et de certaines maladies, notamment digestives. Le but de ces amendements est de contraindre cette industrie, qui reste nécessaire, à adopter les bons comportements et les bons procédés de fabrication.
Mme la présidente
Je vous rappelle ce qui a été convenu en conférence des présidents : les prises de parole pour défendre les amendements ne peuvent excéder une minute. Il nous reste 1 000 amendements pour deux jours de débat. Nous sommes censés terminer dimanche à minuit ; une séance prolongée sera peut-être annoncée, mais elle se poursuivrait jusqu’à très tard dans la nuit. Je pense que nous avons tout intérêt à respecter ce qui a été prévu.
La parole est à M. Nicolas Turquois, pour soutenir le sous-amendement no 2656.
M. Nicolas Turquois
Si vous le permettez, je présenterai aussi les sous-amendements nos 2653 et 2657. Le sucre est un vrai poison pour notre société. C’est l’objet des amendements de nos collègues Cyrille Isaac-Sibille, Frédéric Valletoux et Nicole Dubré-Chirat. Toutefois, je ne suis pas favorable à la taxation et à l’augmentation des prix alimentaires, car j’estime qu’il vaut mieux inciter les professionnels à changer leurs formules. Je sais que des discussions sont en cours, à l’image de celles qui ont permis de diminuer le taux de sel dans la production des boulangers.
Je propose que les amendements de nos collègues s’appliquent à partir du 1er décembre 2026. Cela laisse presque un an aux industriels pour s’adapter et diminuer le taux de sucre dans les aliments.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement no 2288.
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Si vous le voulez bien, je présenterai aussi l’amendement no 2412. J’aimerais revenir sur la discussion que nous avons eue à la fin de la séance précédente. La fiscalité, à elle seule, ne fait pas une politique de santé publique, chacun en est conscient. Mais peut-on avoir une politique de santé publique, c’est-à-dire une politique incitative, sans l’outil de la fiscalité ? C’est une autre question.
Permettez-moi de vous donner un exemple : quand on a accéléré la politique de lutte contre le tabagisme, avec le premier plan Cancer, sous Jacques Chirac, au début des années 2000, le paquet de cigarettes coûtait entre 3 et 3,50 euros. La fiscalité incitative a permis d’accompagner cette accélération : les études ont montré qu’une augmentation de 20 % de la fiscalité sur le tabac avait permis de faire diminuer de 10 % le nombre de fumeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)
L’outil fiscal était combiné avec toute une palette de mesures comme la prévention, les messages d’accompagnement, la pédagogie auprès des publics sensibles et l’aide à ceux qui veulent arrêter. C’est comme quand on joue de la musique sur une console : on joue sur plusieurs leviers. Il faut jouer de la fiscalité comme des autres moyens à notre disposition. Par simplisme, on résume parfois les choses en disant que la fiscalité seule ne permet pas de résoudre les problèmes de santé publique. Certes, mais sans la fiscalité, on n’incite pas les entreprises à évoluer.
Mme Le Pen a rappelé que nous étions intervenus pour réduire les taux de sucre anormalement élevés dans les produits vendus aux Antilles. Nous pouvons être fiers d’avoir voté une loi pour dire stop aux industriels et leur montrer qu’ils allaient trop loin. Quant à la taxe sur les sodas, votée il y a un an, nous n’en verrons pas les effets avant quelques années, mais les industriels me disent déjà que cela les pousse à réfléchir aux recettes de leurs produits.
Ainsi, la fiscalité est un outil parmi d’autres, qu’il faut utiliser. Ces amendements tendent à lutter contre la production d’aliments qui contiennent trop de sucres ajoutés, tout en veillant à préserver les artisans, les productions locales, les petits commerces et la vente directe. Ils ciblent les filières industrielles qui ajoutent du sucre dans les aliments pour créer une addiction. L’amendement no 2412 est un amendement de repli vis-à-vis de l’amendement no 2288.
Mme la présidente
Sur l’amendement no 2288 et les amendements identiques nos 2412 et 2438, je suis saisie par le groupe Horizons & indépendants de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat, pour soutenir l’amendement no 1337, qui fait l’objet d’un sous-amendement no 2653.
Mme Nicole Dubré-Chirat
Cet amendement suit les préconisations du rapport « Charges et produits » de l’assurance maladie. Il tend à créer une taxe sur les produits alimentaires transformés contenant des sucres ajoutés, sur le modèle de la taxe soda renforcée que nous avions adoptée l’an dernier.
Il s’inspire également d’une note sur la fiscalité nutritionnelle du Conseil des prélèvements obligatoires suggérant d’étendre le champ de la fiscalité nutritionnelle au-delà des boissons pour cibler les produits transformés.
Cette taxe contraindrait les industriels à revoir progressivement la composition de leurs produits, en leur imposant une contribution dont le montant sera dégressif au fur et à mesure qu’ils diminueront la teneur en sucre de leurs produits.
La responsabilisation des industriels est un véritable enjeu de santé publique à l’heure où plus de 10 millions de Français sont en situation de surpoids ou d’obésité. Il est important de préserver en parallèle le modèle économique de nos artisans et de nos PME, qui sont nombreux à fabriquer des boissons sucrées artisanales dans nos régions.
Mme la présidente
Le sous-amendement no 2653 de M. Nicolas Turquois a été défendu.
Nous en venons aux amendements identiques nos 2412 et 2438, qui font l’objet d’un sous-amendement no 2657.
L’amendement no 2412 de M. le président de la commission a été défendu.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l’amendement no 2438.
M. Cyrille Isaac-Sibille
C’est un amendement de repli par rapport à l’amendement no 2437. Les publications scientifiques établissent un lien direct entre l’augmentation des pathologies chroniques et de certains cancers et les plats ultratransformés que les Français consomment quotidiennement – c’est le nouveau mode de vie.
Comme le disait le président Valletoux, le but n’est pas de taxer, mais d’inciter les industriels à revoir leurs formules et à diminuer la teneur en sucre de leurs produits, pour réduire leur nocivité. Les artisans sont exclus du champ de la contribution proposée.
Mme la présidente
Le sous-amendement no 2657 de M. Nicolas Turquois a été défendu.
La parole est à M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.
M. Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales
Nous commençons une longue série d’amendements qui proposent de créer des contributions sur les produits alimentaires transformés ou ultratransformés, solides ou semi-solides, contenant des sucres ajoutés, des édulcorants de synthèse ou des additifs chimiques. Certains de ces amendements ont été vus par la commission, d’autres non. Ce sont des variantes ; je ne reprendrai donc pas longuement la parole par la suite.
Je reconnais que ces amendements ont été rédigés avec soin. Vous avez bien défini les opérations industrielles permettant d’identifier la transformation, vous avez bien renvoyé aux dispositions européennes concernant les agents d’édulcoration et d’aromatisation, et vous prévoyez des paramètres très inspirés de la taxe soda. Bref, vous êtes devenus des experts en fiscalité incitative.
Sur le fond, vous voulez encore une fois mobiliser le levier fiscal, mais je pense que la prévention et la responsabilisation sont plus efficaces. De plus, ce serait infantilisant pour les consommateurs : ils savent ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
S’agissant de la réglementation, une question se pose : si un produit n’est pas bon, pourquoi l’autorise-t-on ? (Exclamations sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Dem.) Je vous ai écoutés, moi, je ne vous ai pas crié dessus ! Écoutez-moi donc, vous ne savez quelle sera ma conclusion ! J’essaye de vous donner tous les enjeux de la réflexion.
Si la taxe touchera bien les industriels, je me demande si elle ne se répercutera pas aussi sur le consommateur. Souvent, on produit ce qu’on consomme. Si les industriels changent leurs formules pour éviter la taxation, les gens continueront-ils à consommer leurs produits ? Et s’ils ne les changent pas, les gens continueront-ils à consommer des produits davantage taxés ? Je ne suis pas capable de vous le dire. Ce qui est sûr, c’est que les consommateurs choisiront et que les effets du levier fiscal ne sont pas automatiques.
Si vous deviez garder un amendement, même si je ne suis pas convaincu, je vous recommanderais l’amendement no 2288 du président Valletoux : il exclut les produits fabriqués et vendus directement au consommateur final par nos artisans, nos producteurs et nos commerçants locaux. C’est le moins pire ! Ces amendements n’ont pas été adoptés en commission, pour ceux qui y ont été étudiés. À titre personnel, j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées, pour donner l’avis du gouvernement.
Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées
Avis défavorable. Nous partageons bien sûr l’objectif de ces amendements, à savoir diminuer les teneurs en sucres ajoutés dans les produits alimentaires. Néanmoins, je considère que nous pouvons l’atteindre en mobilisant d’autres leviers que la taxation. Mes prédécesseurs Catherine Vautrin et Yannick Neuder ainsi que la ministre de l’agriculture Annie Genevard ont lancé en septembre une démarche pour poursuivre la réflexion sur ce sujet avec les industriels en vue d’aboutir à des accords collectifs. Dans ce cadre, la filière viennoiserie s’est par exemple engagée à baisser la teneur en sucres de ses produits de 5 à 10 %.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Genetet.
Mme Anne Genetet
Je voudrais parler en médecin : la quantité de sucre – on pourrait aussi évoquer le sel – ajoutée dans un certain nombre de produits transformés est une catastrophe pour l’hygiène alimentaire et la santé de nos concitoyens, y compris les plus jeunes enfants. Néanmoins, lorsque nous instaurons une taxe, les industriels augmentent leurs prix et celui qui paiera le plus, celui que nous pénaliserons, c’est au bout du compte le consommateur final. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et HOR. – Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Il faut bien avoir conscience que la consommation de ces produits transformés est avant tout, très souvent, le fait des populations les plus socialement défavorisées ; je le sais pour avoir travaillé auprès d’elles. Nous devons nous atteler à attaquer l’industriel : c’est auprès de lui qu’il faut agir, avec une politique extrêmement énergique et déterminée. Plus de 6 000 produits ont ainsi vu leur recette modifiée à la suite de la création du nutriscore ! Il nous faut le courage politique de promouvoir avec détermination des actions en faveur de la santé, mais ce n’est pas une taxe qui amènera le consommateur à changer de comportement : elle ne frappera que son portefeuille. Notre groupe votera donc contre ces amendements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Béatrice Bellay.
Mme Béatrice Bellay
Nous devons nous appuyer à ce sujet sur l’expérience des pays des océans, où le docteur André Atallah a signalé en 2011 – il suffisait pour cela des chiffres de l’agence régionale de santé (ARS) – une prévalence, d’ailleurs restée très forte, de l’hypertension, de l’obésité, du diabète, dont les conséquences incluent dialyses, amputations et longues maladies. Encore une fois, madame la ministre, l’État doit prendre ses responsabilités touchant la sécurité de nos concitoyens. Vos prédécesseurs avaient émis l’idée de vraies politiques de prévention, allant jusqu’à l’interdiction : soyons sérieux, c’est ce rôle que nous devons jouer ! En matière de politique comportementale, vous direz toujours que ce sont les clients qui paieront.
Mme la présidente
Merci, madame Bellay.
Mme Béatrice Bellay
Assumons la responsabilité qui est celle de l’État, légiférons au sujet de ces quantités insondables, parfois indicibles, de sucre, et faisons en sorte de protéger… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice.)
Mme la présidente
Étant donné le nombre des demandes, je veux bien accorder la parole plus largement ; mais il importe que chaque orateur – un par groupe – s’en tienne à une minute, sans quoi nous ne nous en sortirons pas.
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Bien sûr, la logique consistant à augmenter les prix du tabac a montré son efficacité, mais tel ne serait pas le cas sans politiques de prévention. Vous avez devant vous un ancien fumeur : j’ai arrêté il y a deux ans. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et RN.)
M. Fabien Di Filippo
N’applaudissez pas : il n’a pas dit ce qu’il fumait !
M. Antoine Léaument
Ce sont ces politiques de prévention qui fonctionnent, notamment le Mois sans tabac, l’une des plus efficaces, dont les résultats sont vraiment probants. En effet, lorsqu’on augmente le prix d’un produit dont ils sont dépendants, les gens peuvent avoir tendance à se tourner vers le marché noir. Cela pose d’autres problèmes de santé publique, à commencer par la qualité – ces produits tuent de toute façon, mais certaines déclinaisons sont encore plus dangereuses. Parce qu’une politique d’augmentation des prix sans politique de prévention ne fonctionne pas, nous nous abstiendrons lors du vote de ces amendements. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Richard Ramos.
M. Richard Ramos
Il faut fabriquer en nos enfants non des consommateurs, mais des mangeurs. Lorsque les enfants sont accoutumés très tôt à rencontrer le sucre partout, ils ne savent plus quel est le goût des choses, ce que c’est que l’acide, ce que c’est que l’amer. Associons à notre démarche le ministre de l’éducation nationale, faisons en sorte qu’ils ne soient pas shootés au sucre matin, midi et soir, que l’école leur apprenne à manger – et en fin de classe de troisième, à lire une étiquette ! En fabriquant des mangeurs et non des consommateurs, nous arriverons à mener une politique de santé publique auprès des plus jeunes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.
Mme Sabrina Sebaihi
Nous sommes favorables à ces amendements. Ce qui sanctionne le consommateur, c’est ce qu’il mange et qui le rend malade. Les produits ultratransformés – on parle d’ailleurs de produits, non d’aliments – sont pleins de sucres cachés : il n’est pas normal qu’une barquette de carottes râpées contienne, à l’insu du consommateur, 11 grammes de sucre. Le sucre possède un pouvoir addictif extrêmement important ; contre cette addiction, il faut lutter dès le plus jeune âge. (Mme Ségolène Amiot applaudit.)
La transparence alimentaire est importante : vous avez raison, c’est une politique globale qu’il convient d’instaurer. On ne peut plus accepter, par exemple, que des marques qui ne souscrivent pas à l’évolution du nutriscore retirent ce dernier de leurs emballages, c’est-à-dire estiment qu’elles n’ont pas à faire preuve de transparence vis-à-vis du consommateur. Nous devons d’une part adopter cette politique, d’autre part taxer – s’agissant du sucre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Corentin Le Fur.
M. Corentin Le Fur
Nous comprenons la logique, l’intention est louable, mais notre groupe s’opposera à toutes ces propositions de taxes comportementales. Bien sûr, nous sommes en faveur de la prévention : le nutriscore a été très utile pour mettre en évidence la présence excessive de sucre dans bien trop d’aliments. En revanche, taxer des produits de consommation revient à pénaliser nos compatriotes, en particulier les plus modestes, dans leur pouvoir d’achat.
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Ménagé.
M. Thomas Ménagé
Comme Marine Le Pen l’a dit il y a quelques heures, le groupe Rassemblement national s’opposera à l’ensemble de ces taxes comportementales. Ce soir, c’est le bal des hypocrites : vous cherchez uniquement de l’argent, chers collègues macronistes qui vous déclarez favorables aux amendements alors que vous n’êtes pas tous d’accord, pour financer en partie le deal que vous avez conclu avec le Parti socialiste. (Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.)
Nous vous l’expliquons clairement : de telles mesures ne serviront à rien, sinon à faire souffrir les Français et à réduire leur pouvoir d’achat, puisque les industriels vont répercuter ces taxes sur le prix que paieront les consommateurs, nos compatriotes. (Mme Béatrice Bellay s’exclame.) Assumez donc le fait que vous voulez simplement faire rentrer de l’argent dans les caisses afin de financer un certain nombre de vos accords. Nous, je le répète, nous nous y opposerons : il doit y avoir de la prévention, il doit surtout y avoir des choix.
Faites donc les bons choix, c’est-à-dire des économies sur notre modèle social, l’immigration, les titres de séjour pour soins, les prestations non contributives pour les étrangers ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Richard Ramos, pour un rappel au règlement – le premier de cette belle soirée.
M. Pierre Cordier
C’est pas vrai ! Il fout tout en l’air…
M. Richard Ramos
Il se fonde sur l’article 100 du règlement. On nous attaque au sujet d’un deal avec les socialistes : je ne reproche pas au Rassemblement national d’avoir des deals avec des lobbyistes et des industriels. Qu’on nous respecte ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem, EPR et SOC.)
Mme Marine Le Pen
La liberté d’après M. Ramos !
Après l’article 11 (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Maillot.
M. Frédéric Maillot
Outre-mer, nous sommes très touchés par le diabète, notamment le diabète de type 2. Vous le savez, mais un chiffre vous fera peut-être mieux comprendre cette réalité : chez nous, à La Réunion, cette maladie entraîne 360 amputations par an ! Il faut donc manifestement lutter contre ce que notre ARS a surnommé les silent killers – tueurs silencieux –, ces produits, notamment des boissons, quatre ou cinq fois plus sucrés que ce qui existe en métropole, fabriqués sur l’île et qui passent sous les radars de la loi dite Lurel. Laissez-moi ajouter une information…
Mme la présidente
Merci, monsieur Maillot.
M. Frédéric Maillot
Madame la présidente, ce que j’allais dire est important !
Mme la présidente
Je ne dis pas le contraire, cher collègue, mais le temps imparti est le même pour tout le monde.
M. Frédéric Maillot
Je conclurai par là.
Mme la présidente
Faites-le très vite, alors !
M. Frédéric Maillot
Un enfant de 8 ans a d’ores et déjà consommé plus de sucre que son grand-père tout au long de sa vie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC et Dem.) Par conséquent, combattons le sucre, combattons le fléau du diabète… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 2656.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 211
Nombre de suffrages exprimés 168
Majorité absolue 85
Pour l’adoption 44
Contre 124
(Le sous-amendement no 2656 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2437.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 209
Nombre de suffrages exprimés 175
Majorité absolue 88
Pour l’adoption 72
Contre 103
(L’amendement no 2437 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2288.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 209
Nombre de suffrages exprimés 180
Majorité absolue 91
Pour l’adoption 87
Contre 93
(L’amendement no 2288 n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
(Le sous-amendement no 2653 est adopté.)
(Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Je vous assure que, de mon poste, le résultat est très clair. Néanmoins, je vous invite à lever franchement la main, afin que votre geste soit bien visible. (Brouhaha.) S’il vous plaît, chers collègues, nous ne sommes pas à la foire. Merci !
Je mets aux voix l’amendement no 1337 ainsi sous-amendé.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 216
Nombre de suffrages exprimés 186
Majorité absolue 94
Pour l’adoption 80
Contre 106
(L’amendement no 1337, sous-amendé, n’est pas adopté.)
(Le sous-amendement no 2657 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 2412 et 2438.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 213
Nombre de suffrages exprimés 181
Majorité absolue 91
Pour l’adoption 74
Contre 107
(Les amendements identiques nos 2412 et 2438 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Favennec-Bécot, pour soutenir l’amendement no 1357 rectifié.
M. Yannick Favennec-Bécot
Dû à Stéphane Viry, il vise à étendre la contribution existante sur les boissons non alcooliques édulcorées à l’ensemble des denrées alimentaires solides ou semi-solides contenant des édulcorants de synthèse. Son objectif est avant tout préventif : inciter les industriels à réduire l’usage de ces substances, limiter l’exposition des consommateurs, notamment des enfants et des jeunes, aux risques qu’elles présentent. Rappelons que les édulcorants de synthèse sont désormais présents dans des milliers de produits alimentaires de consommation courante : yaourts, confiseries, chewing-gums, desserts, biscuits ou encore plats préparés.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Cet amendement est quelque peu étonnant : vous souhaitez intégrer les denrées solides ou semi-solides contenant des édulcorants à l’assiette de la taxe sur les boissons non alcooliques édulcorées, taxe dont la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2025 prévoit l’augmentation à partir de 2026, et qui concerne par définition les liquides – je ne connais pas de boissons solides. (Sourires.)
M. Laurent Jacobelli
Logique !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Peut-être n’y êtes-vous pour rien, mais ça ne tourne pas, si je puis m’exprimer ainsi. S’ajoute à cela un second problème : il est précisé dans l’amendement « y compris les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales ». Au sein de la phrase où il figure, « y compris » renvoie-t-il à l’assiette de la taxe ou à l’exception faite en faveur « des denrées destinées à une alimentation particulière » ? S’il s’agit d’exclure de l’assiette les produits pour bébés mais d’y inclure ceux adaptés aux besoins nutritionnels très spécifiques de personnes malades, nous ne devons surtout pas adopter cet amendement. Je vous invite à le retirer ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal.
Mme Annie Vidal
La pédagogie est l’art de la répétition ; je vais donc répéter ce qui a déjà été dit.
Nous sommes défavorables aux taxes comportementales.
L’augmentation ici prévue n’est pas très importante. On peut légitimement penser que les consommateurs qui utilisent ces produits de manière occasionnelle se tourneront vers d’autres produits, mais les consommateurs qui en sont véritablement dépendants continueront à les acheter. Ce n’est qu’avec une politique de lutte contre toutes les addictions que nous parviendrons à changer les comportements face à ces produits addictifs. La fiscalité ne réglera pas ce problème de santé publique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
(L’amendement no 1357 rectifié n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 528, je suis saisie par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de quatre amendements, nos 528, 460, 1356 et 461, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour soutenir l’amendement no 528.
Mme Sabrina Sebaihi
Il s’agit à nouveau de taxer les sucres ajoutés dans les produits ultratransformés.
Je rappelle quelques chiffres pour alimenter le débat. Aujourd’hui, 36 % de l’apport énergétique des adultes provient d’aliments ultratransformés. Le diabète coûte plus de 9 milliards d’euros par an à l’assurance maladie, sans compter les coûts indirects. On sait qu’une hausse de 10 % de la part d’aliments ultratransformés dans le régime alimentaire d’un individu augmente de 10 % son risque de mortalité, toutes causes confondues.
Il existe une vraie inégalité sociale concernant le surpoids : le taux d’obésité s’élève à 18 % chez les ouvriers contre seulement 9 % chez les cadres supérieurs. On retrouve à peu près le même ratio pour les enfants : 16 % des enfants d’ouvriers, contre 7 % des enfants de cadres.
Les taxes incitatives sur le comportement des consommateurs sont donc une manière de rétablir une égalité sociale, puisque les premiers à être exposés aux dangers du sucre sont les plus précaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Sother, pour soutenir l’amendement no 460. Puis-je vous suggérer une présentation commune avec l’amendement no 461 ?
M. Thierry Sother
Volontiers, madame la présidente. Les chercheurs ont recensé quarante-cinq pathologies associées à une consommation excessive de sucre alimentaire : dix-huit maladies endocriniennes, dix maladies cardiovasculaires, sept cancers et dix autres pathologies.
Ce constat est d’autant plus alarmant que les produits sucrés sont davantage consommés par les enfants. Aujourd’hui, 87 % des enfants et 47 % des adultes consomment une dose de sucre supérieure aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Le sucre est bon marché, mais il est addictif. Il améliore la conservation, mais il est nocif pour la santé. Il est rentable pour les industriels, mais il n’est pas bon pour la santé de nos concitoyens. Nous devons corriger cette incohérence. C’est ce que nous proposons à travers la mise en place d’une taxe progressive sur les concentrations de sucre dans les produits transformés.
Bien sûr, ce n’est pas une baguette magique, mais c’est un outil parmi d’autres pour pousser les industriels à revoir leurs recettes. Cela a été le cas en Grande-Bretagne il y a dix ans : quand le pays a introduit une taxe sur les sodas, les industriels ont modifié leurs recettes. C’est donc un premier pas nécessaire.
Bien entendu, l’éducation alimentaire doit aussi faire partie de la réponse, mais il ne faut pas se restreindre à cet outil.
L’amendement no 461 est un amendement de repli sur le même sujet.
Mme la présidente
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l’amendement no 1356.
M. Paul-André Colombani
Cet amendement reprend également la proposition visant à instaurer une contribution sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires transformés destinés à la consommation humaine. Adoptée par notre assemblée lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, elle n’avait pas été reprise dans le texte gouvernemental après le 49.3.
Il s’agit de renforcer la prévention des maladies chroniques liées à la surconsommation de sucre et d’encourager la reformulation plus saine des produits. Cette contribution poursuit un triple objectif préventif, sanitaire et budgétaire.
Sur le plan économique, la mesure introduirait une cohérence de traitement entre les produits solides et liquides en alignant la fiscalité nutritionnelle sur les objectifs de santé publique.
Les produits non ou faiblement sucrés ne seraient pas concernés, afin de ne pas pénaliser les entreprises engagées dans la reformulation des produits.
Mme la présidente
L’amendement no 461 de M. Thierry Sother a déjà été défendu.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
J’ai écouté avec attention la présentation de ces quatre amendements. Vous semblez dire qu’en augmentant la fiscalité, on augmente le prix du produit, dissuadant ainsi les consommateurs de l’acheter,…
Mme Sabrina Sebaihi
Ce n’est pas ce que nous disons !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
…ou alors que les fabricants changeront sa composition.
Mme Sabrina Sebaihi
Oui.
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Mais les consommateurs changeront-ils vraiment leur mode de consommation ? Ce qui est en jeu, c’est la question du rapport entre production et consommation. On a tendance à produire ce qui est consommé. Les groupes industriels sont parfois malins : ils peuvent modifier les compositions des produits pour contourner les règles. Je ne suis donc pas sûr que ce levier soit le plus pertinent.
Il me semble que le levier réglementaire est important en la matière ; ce n’est pas seulement une question de prévention. S’il y a des éléments dangereux pour la santé, il faut prendre des mesures par la voie réglementaire.
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre
Je répète que je vous rejoins sur l’objectif de baisser les teneurs en sucres ajoutés dans les produits alimentaires.
Pour répondre aux arguments entendus tout à l’heure, vous savez que le ministère de la santé travaille sur un plan Obésité. Je voudrais y associer les parlementaires intéressés avant sa publication. Vous l’avez rappelé, les conséquences en matière de santé publique sont majeures.
Je voudrais aussi redire, comme l’a fait Richard Ramos, qu’il est nécessaire de développer l’éducation à la santé sur ce sujet. Olivia Grégoire et d’autres sur ces bancs ont pris des initiatives intéressantes en la matière ; il faut les poursuivre.
Je souhaitais rappeler l’intérêt de ce plan quant à notre objectif commun de réduction des sucres ajoutés. En revanche, je suis défavorable à ces amendements.
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Guibert.
M. Julien Guibert
Après l’écologie punitive, voici venir la nutrition punitive. (Mme Sabrina Sebaihi s’exclame.)
À chaque problème, la gauche n’a qu’une réponse : une taxe de plus ! Sous prétexte de santé publique, vous voulez surtaxer les produits transformés jugés trop sucrés. Mais derrière ces belles intentions, ce sont encore les Français ordinaires qu’on pointe du doigt, qu’on culpabilise, qu’on infantilise. On leur dit qu’ils mangent mal, qu’ils ne savent pas choisir, et bientôt, qu’ils sont de mauvais parents.
Nous avons déjà le nutriscore, les logos, les campagnes de prévention. Les industriels français ont fait leur part : ils réduisent le sucre, améliorent leurs recettes, s’adaptent aux attentes, s’améliorent sur le plan de la recherche et développement. L’entreprise Jacquet Brossard, dans ma ville de Clamecy, a diminué de 35 % le taux de sucre dans ses produits et affiche le nutriscore sur 100 % de ses gammes.
Résultat : ces taxes représenteraient 13 millions d’euros de charges supplémentaires sur l’ensemble du groupe, mettant en péril la vie d’une entreprise et des 130 familles qu’elle fait vivre. Voilà la réalité de vos mesures punitives : on ne protège pas la santé des Français, on vise à détruire leur emploi.
Trop sucré, trop salé, mais surtout trop taxé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Élisa Martin.
Mme Élisa Martin
Permettez-moi de faire un petit détour en prenant l’exemple de l’amiante. Dès le début du XXe siècle, il y avait un fort soupçon quant à sa dangerosité. En 1945, cette dangerosité a été établie. En 1975, il a été décidé d’équiper les travailleurs de façon à les protéger de ce produit. Et ce n’est qu’en 1997 que l’amiante a été interdit.
Vous comprenez bien pourquoi je cite cet exemple. On entend parler de taxation et de prévention. Certes, la prévention est impérative, mais il y a sans doute aussi une réflexion à mener sur la réglementation relative aux modalités de fabrication et aux contenus des produits dont nous parlons. (Mme Mathilde Panot applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.
Mme Sabrina Sebaihi
Je rappelle qu’il y a 17 % de personnes obèses dans notre pays ; 8 millions de Français sont concernés. Souvenez-vous que pendant le covid, les personnes en situation d’obésité présentaient des facteurs de comorbidité et ont saturé les services de réanimation et les urgences à l’hôpital. C’est donc un véritable enjeu de santé publique.
L’objectif de ces amendements est de faire baisser les teneurs en sucre dans les produits que nous consommons, pas d’augmenter le prix pour le consommateur ! Je le redis, car c’est très important : il ne s’agit pas de sanctionner le consommateur mais de protéger sa santé.
Je vais vous donner un exemple qui fonctionne. Vous avez évoqué le nutriscore ; sachez que certaines marques de céréales ont baissé le taux de sucre dans la composition de leurs produits pour obtenir un meilleur score, parce qu’elles savent que le consommateur est attentif à ce qu’il mange.
M. Julien Guibert
C’est ce que j’ai dit !
Mme Sabrina Sebaihi
Pour certains, c’est une question de vie ou de mort. Il faut absolument travailler sur la baisse des teneurs en sucre dans nos aliments. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, SOC et GDR. – M. Richard Ramos applaudit aussi.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Je vous alerte sur le fait que ces amendements pourraient avoir un effet tout à fait contraire à votre intention.
Des discussions sont en cours entre les filières industrielles et le gouvernement, par exemple dans le secteur des viennoiseries. Certaines sont très avancées et des engagements ont été pris, notamment pour réduire de 5 à 10 % le taux de sucre selon les produits. La pâtisserie suit ; demain, les nectars.
Si vous leur imposez une taxe, vous allez avoir un double effet : une augmentation des prix d’environ 7 % en moyenne et l’arrêt des négociations sur ces produits. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
Je prends deux exemples de négociations constructives. D’abord, les industriels se sont engagés à baisser le taux de sel dans le pain de 20 %. Ils ont tenu leurs engagements. Cette avancée n’a pas été obtenue par la loi, mais par la discussion. De même en ce qui concerne l’arrêt de la publicité pour les produits sucrés et transformés sur les écrans à destination de la jeunesse.
Ces avancées se sont faites d’une manière tout à fait volontaire. Parfois, il n’est pas utile de légiférer et de tordre le bras : mieux vaut faire confiance aux acteurs et les laisser travailler. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR et EPR.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 528.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 221
Nombre de suffrages exprimés 220
Majorité absolue 111
Pour l’adoption 102
Contre 118
(L’amendement no 528 n’est pas adopté.)
(Les amendements nos 460, 1356 et 461, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Sother, pour soutenir l’amendement no 513.
M. Thierry Sother
Colorants, conservateurs, agents de textures sont autant d’additifs que nous cherchons à éviter dans notre consommation courante, nous qui avons les moyens de rechercher des aliments plus sains et moins transformés.
Beaucoup de ces additifs ont un impact mineur sur le produit ou correspondent à une philosophie de perfection de l’aliment qui n’a rien à voir avec leur qualité.
Ces additifs sont certes autorisés par l’Autorité européenne de sécurité des aliments, mais beaucoup, comme l’aspartame ou les nitrites, sont très contestés par la communauté scientifique. En l’absence de certitude, je préfère attendre avant de consommer. Pour que tout le monde puisse avoir ce luxe, il faut que les industriels n’aient plus intérêt à les intégrer à la composition de leurs produits. C’est l’objet de la taxe comportementale que propose cet amendement. Elle fait appel à la sagesse du gouvernement, puisque la liste des additifs comme le montant de la taxe sont renvoyés à un décret – cela permettra de prendre le temps d’une écoute attentive auprès de la communauté scientifique.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Cet amendement a été rejeté par la commission. Avis défavorable à titre personnel du rapporteur général.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre
Défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Théo Bernhardt.
M. Théo Bernhardt
Vous voulez maintenant taxer les additifs alimentaires, mais ils sont quasiment partout dans notre alimentation – vous devez le savoir.
Il est vrai que les études scientifiques nous disent qu’il faut faire attention avec ces additifs, mais avec votre amendement, vous allez augmenter les prix de quasiment tous les produits vendus en grande surface. Au Parti socialiste, vous vous targuez souvent de défendre les plus défavorisés, mais vous allez les mettre dans des situations encore plus précaires. Vous êtes finalement, comme d’habitude, une arnaque. Seul le Rassemblement national, avec Marine Le Pen, défend réellement le pouvoir d’achat des Français que la gauche a oubliés. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Votre amendement aura un impact sur nos industries, sur nos filières et, indirectement, sur nos agriculteurs, qui sont déjà dans une situation très précaire, notamment à cause de l’accord avec le Mercosur que Macron s’apprête à ratifier. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Sother.
M. Thierry Sother
Si vous pouviez éviter les caricatures, nous pourrions peut-être avancer de manière plus constructive ce soir.
Il semblerait que votre seule intention est de ne rien faire.
M. Théo Bernhardt
Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Thierry Sother
C’est très bien, fermez les yeux, mettez des œillères ! Quand il y aura des problèmes de santé publique, on ne vous entendra pas !
Nous pensons au contraire qu’il faut agir. Mettons les mots sur ce phénomène : le sucre est une addiction et un véritable problème de santé publique, qui gangrène notre société et notre population dès le plus jeune âge. On ne peut pas fermer les yeux et mettre des œillères comme vous le faites au Rassemblement national ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
(L’amendement no 513 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 508, 1801 et 734, pouvant être soumis à une discussion commune ; ils font l’objet de plusieurs sous-amendements.
Les amendements nos 508 et 1801 sont identiques.
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement no 508.
Mme Sandrine Runel
Cette série d’amendements propose que le nutriscore soit désormais affiché sur l’ensemble des produits. Selon certains de nos collègues, ce n’est pas la bonne manière de faire, mais à les entendre, il n’en existe aucune ! Les industriels sont en train de nous empoisonner, nous et nos enfants, et ils regardent ailleurs ! Les maladies cardiovasculaires, le diabète, l’obésité et les maladies chroniques ne se combattront pas uniquement par des grandes paroles !
L’an dernier, à la suite du vote de certains de nos amendements, Nestlé – qui n’est pas un petit industriel – a changé la recette des Chocapic. Je ne sais pas si vos enfants mangent des Chocapic,…
M. Fabrice Brun
Ils n’en mangent pas ! On n’est pas chez les Américains !
M. Vincent Descoeur
Qu’est-ce que c’est ?
Mme Sandrine Runel
…mais depuis notre arrivée ici, ils sont meilleurs pour la santé qu’auparavant. Pour que les marques qui ont fait cet effort continuent à le faire et pour préserver la santé de nos enfants et la nôtre, nous demandons à ce que le nutriscore soit affiché sur l’ensemble des produits alimentaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour soutenir l’amendement no 1801.
Mme Sabrina Sebaihi
Ma collègue l’a dit, le nutriscore est un dispositif qui a fait ses preuves. De nombreux jeunes, qui ont compris sa logique, achètent leurs produits en fonction des notes attribuées. L’idée est de rendre le nutriscore obligatoire sur tous les emballages pour que le consommateur puisse choisir en connaissance de cause.
Les grandes marques ne jouent pas le jeu : Ferrero ou Coca-Cola, dont les produits sont notoirement mauvais pour la santé, se gardent bien d’utiliser le nutriscore. Après que certains de ses produits ont vu leur score baisser de B à D, Danone l’a retiré de tous ses emballages. Avec cet amendement, cela ne sera plus possible ! Le nutriscore sera obligatoire : c’est une question de santé publique et de transparence pour les consommateurs. (Applaudissementssur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Rousset, pour soutenir le sous-amendement no 2585 à l’amendement no 508.
M. Jean-François Rousset
Le poète Jean Ferrat chantait :
« Mais ils savaient tous à propos
Tuer la caille ou le perdreau
Et manger la tomme de chèvre
[…] Mais il faisait des centenaires
À ne plus que savoir en faire ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Fabrice Brun
Que la montagne est belle !
M. Jean-François Rousset
Les produits de nos terroirs – faits avec amour par des gens qui se lèvent tous les matins pour reproduire des recettes remontant parfois à plusieurs siècles – ne doivent pas être comparés à des produits ultratransformés.
M. Fabrice Brun
Il a raison !
M. Jean-François Rousset
Ce sous-amendement, soutenu par des parlementaires de plusieurs groupes, vous invite à dispenser de l’obligation d’apposition du nutriscore les produits bénéficiant d’un label national ou européen officiel de qualité et d’origine. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC, DR et HOR.)
Ces produits forment le goût de nos enfants et vont permettre de faire évoluer nos habitudes alimentaires. De grâce, votez ce sous-amendement ! Je viens d’un territoire qui le mérite bien. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et HOR. – M. Inaki Echaniz applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir le sous-amendement no 2599 à l’amendement no 508.
M. Vincent Descoeur
Dans le droit fil des propos de notre collègue Rousset, il vise à alerter nos collègues cosignataires de l’amendement imposant l’obligation d’apposer le nutriscore : si l’intention est louable, la mesure s’avérerait fatale aux filières de qualité qui font notre fierté et celle de nos terroirs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Le sous-amendement vise donc à exclure les produits bénéficiant d’une appellation d’origine protégée (AOP) ou d’une indication géographique protégée (IGP) de l’obligation d’apposition du nutriscore, car ses critères de notation leur sont inadaptés.
M. Fabrice Brun
Il a raison !
M. Vincent Descoeur
C’est particulièrement vrai pour les fromages AOP comme le Cantal, le Picodon ou le Roquefort, auxquels seront attribuées à tort de mauvaises notes…
M. Thierry Sother
Et alors ?
M. Vincent Descoeur
… malgré leurs qualités nutritionnelles reconnues – ils apportent des nutriments et des oligoéléments essentiels –, un cahier des charges exigeant et des systèmes de production vertueux et respectueux de l’environnement. Soyez très prudents au moment de voter : l’amendement serait fatal à ces filières ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l’amendement no 734.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Mme la ministre a évoqué l’existence de plusieurs leviers. Pour moi, les taxes incitatives sont un levier que nous avons eu tort de rejeter. L’information constitue un deuxième levier, l’éducation un troisième. Avec le nutriscore, il s’agit d’informer et non de taxer.
Nos concitoyens ont-ils le droit d’être informés de ce qu’ils mangent et de ce que contiennent les produits qu’ils consomment ? Vous n’allez pas me répondre que non !
Pour tenir compte des observations du rapporteur général, cet amendement prévoit une date d’entrée en vigueur – au plus tard le 31 décembre 2026.
Il y a effectivement plusieurs leviers… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)
Mme la présidente
L’amendement no 734 fait l’objet de trois sous-amendements, nos 2583, 2640 et 2606. Les deux premiers sont identiques.
La parole est à M. Jean-François Rousset, pour soutenir le sous-amendement no 2583.
M. Jean-François Rousset
Après que nous avons évoqué le Cantal, mon voisin me parle du Reblochon…Pour ma part, je voudrais rappeler que nous fêtons le centième anniversaire de l’AOP Roquefort (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et HOR), première AOP mondiale. Cela mérite d’être salué !
Mme la présidente
La parole est à M. Richard Ramos, pour soutenir le sous-amendement no 2640.
M. Richard Ramos
Remercions un grand serviteur de l’État, Serge Hercberg, qui se bat depuis vingt ans pour le nutriscore. Il a été beaucoup décrié au départ. Merci, Serge Hecberg ! Nous avons besoin de gens comme toi ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, SOC et EcoS.)
Un seul bémol : si je défends moi aussi le nutriscore depuis vingt ans, il ne faut pas y soumettre nos produits AOP, nos bons Saint-Nectaire, nos bons Roquefort, notre foie gras d’Alsace ou du Gers. Imposons le nutriscore aux produits industriels et respectons ces artisans qui composent la France, c’est-à-dire les 577 morceaux de terroirs que nous représentons ! Vive les produits du terroir ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, EPR et DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir le sous-amendement no 2606.
M. Vincent Descoeur
Je vais compléter les propos de notre collègue Ramos. À l’heure où cette assemblée recherche des compromis, nous en proposons un : il s’agit d’adopter ces sous-amendements sans lesquels nous ferions la part belle aux produits hypertransformés.
M. Fabrice Brun
Il a raison !
M. Vincent Descoeur
Notre collègue l’a dit, les industriels adapteront leurs recettes ; mais pour les filières du terroir, ce sera désastreux. Que vos mains ne tremblent donc pas au moment de voter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.– M. Jean-Luc Fugit applaudit également.)
Mme la présidente
Le nutriscore suscite beaucoup de débats. Je vais donc donner la parole à un orateur par groupe, mais pour la discussion commune suivante, qui concerne également le nutriscore, nous nous en tiendrons à un orateur pour et un orateur contre.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Une dizaine d’amendements traitent du nutriscore. Quel bonheur d’entendre Jean-François Rousset, Vincent Descoeur et Richard Ramos ! Joyeux centième anniversaire au Roquefort ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) Je dois avouer que je me souviens du Camembert dans chaque bureau ici…
Par cohérence avec ce que je dis depuis le début de la semaine, il me faut souligner que l’affichage d’informations sur des produits relève davantage du droit commercial, du droit de la consommation ou de la régulation de l’économie que du champ du financement de la sécurité sociale. Même si vous avez imaginé une taxe pour passer le barrage de la recevabilité, parce que vous êtes malins, nous sommes quand même un peu éloignés du PLFSS.
Nous disposons d’un rapport de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) de mai 2024 sur ce sujet. Il établit qu’il existe deux leviers beaucoup plus efficaces que la fiscalité mais extérieurs au PLFSS. Le premier consiste à fixer sur des bases scientifiques des limites réglementaires de composition nutritionnelle, notamment en imposant des plafonds pour les teneurs en sucre, sel, matières grasses dans certaines catégories d’aliments. La Cour des comptes l’avait recommandé en 2019. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) pourrait être chargée de définir ces standards, sur la base des données collectées par l’Observatoire de l’alimentation (Oqali).
Le second levier serait de réduire le marketing alimentaire, particulièrement envers les enfants. Il s’agit de restreindre la publicité, non de la taxer. En effet, si on la taxe, elle existe tout de même et produit ses effets. En outre, les entreprises répercutent le montant de la taxe sur le prix de vente.
Vous l’avez compris, sur le fond, je ne suis pas favorable aux amendements no 508, 1801 et 734. En revanche, je suis très favorable aux sous-amendements no 2585, 2599, 2583, 2640 et 2606,…
M. Vincent Descoeur
Très bien !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
…parce que certains produits de très grande qualité – produits sous signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine (Siqo) et produits bénéficiant d’une AOP ou d’un Label rouge – ne doivent pas être pénalisés par une étiquette qui ne reflète pas tout ce que Vincent Descoeur a si bien rappelé.
M. Fabrice Brun
Bravo, monsieur le rapporteur ! Vous êtes un bec fin !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Après les réunions de la commission, je me suis amusé à chercher un beurre classé A, car j’essaie de manger correctement. Je n’ai pas trouvé : le meilleur est étiqueté C. Même chose avec l’huile de très bonne qualité.
M. Vincent Descoeur
La difficulté est la même pour le fromage !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Le problème n’est pas forcément la composition, mais la quantité de produit consommée. L’exemple du Roquefort est édifiant. On ne va pas en manger 2 kilos !
M. Vincent Descoeur
La portion normale est de 100 grammes.
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Les amendements ne sont pas exactement les mêmes et, à partir du no 734, la taxe prévue en cas d’absence de nutriscore ne porte pas sur les dépenses de publicité mais sur le chiffre d’affaires.
J’observe que la nouvelle classification utilisée par nutriscore place des produits laitiers à boire au même niveau que les produits sucrés ou les sodas, ce qui n’a pas de sens. Selon moi, l’amélioration de l’offre alimentaire passe par une coopération entre tous les acteurs de la chaîne alimentaire pour faire avancer la réglementation et éviter les publicités néfastes.
Tous ces éléments m’amènent à émettre un avis défavorable sur l’ensemble des amendements et un avis favorable sur l’ensemble des sous-amendements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.) L’avis demeure cependant défavorable sur les amendements sous-amendés.
M. Marc Fesneau
C’est le principal !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre
Mme la ministre Amélie de Montchalin et moi nous remémorions le vote du nutriscore en 2018 dans cet hémicycle. Nous sommes toutes deux convaincues de l’intérêt de ce logo. Rappelons que les consommateurs font le marché ! D’où l’importance de l’éducation à l’alimentation, qui ne concerne pas seulement les enfants mais l’ensemble des Français. Il est clair que choisir des produits sur lesquels figure le nutriscore poussera les industriels à apposer ce logo sur leurs produits.
Toutefois, les amendements contreviennent au droit de l’Union européenne et font naître un risque de sanction sur le fondement de l’inconventionnalité. La nouvelle fiscalité serait alors sans base objective. Je donne donc un avis défavorable à l’ensemble des amendements.
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Limongi.
M. Julien Limongi
Par cette série d’amendements, la gauche et les macronistes nous prouvent qu’ils excellent autant dans le domaine de la création de normes que dans celui de la création de taxes. Ces normes sont de véritables impôts de papier. Elles coûtent 60 milliards d’euros par an à notre pays. C’est un fléau économique, un carcan qui étouffe nos entreprises, nos artisans et nos territoires ! Ce n’est plus possible !
Derrière ces amendements de contrainte, vous ne touchez pas seulement les grandes structures mais nos petits producteurs et nos AOP. Vous avez parlé du Cantal et du Roquefort ; je pourrais y ajouter le Brie, qui fait vivre notre terroir de Seine-et-Marne et son patrimoine. Alors que de nombreux artisans se battent chaque jour pour préserver un savoir-faire d’excellence, assez de ces normes, refusons ces amendements !
Monsieur Isaac-Sibille, vous qui, en bon élu Modem, vous faites le chantre du droit européen, je suis étonné de lire dans l’exposé des motifs de votre amendement qu’il est contraire au droit de l’Union européenne. Vous feriez mieux de le retirer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Lingemann.
Mme Delphine Lingemann
L’algorithme du nutriscore range 90 % des fromages français dans les classes D ou E. Je tiens à rappeler que dans le Puy-de-Dôme, l’AOC Saint-Nectaire représente 1 200 producteurs, 250 fermes et des centaines d’emplois locaux. Nos produits sous signe officiel – AOP, AOC, IGP et Label rouge – sont à l’origine de 200 000 emplois en France et leur valeur économique s’élève à 25 milliards.
Nos producteurs ne peuvent pas corriger la recette d’un produit AOP car elle relève de leur terroir, de leur savoir et de notre histoire. À l’inverse, il est possible de modifier la composition de certains produits ultratransformés.
Le sous-amendement de notre collègue Rousset, que j’ai cosigné, vise à éviter cette injustice : nos producteurs locaux, qui font vivre nos territoires, ne doivent pas être pénalisés. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et EPR.)
M. Vincent Descoeur
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
Le nutriscore n’est pas une interdiction. C’est un pari sur l’intelligence du consommateur. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. Philippe Vigier
Eh oui !
M. Vincent Descoeur
Ce sont des faillites dans les filières !
M. Jérôme Guedj
L’intelligence du consommateur peut en effet s’exercer dès lors qu’il est informé et éclairé. Notre collègue Ramos a rappelé le travail piloté depuis tant d’années par Serge Hercberg pour mener à bien ce projet né en France et adopté par sept pays européens.
J’entends les objections, madame la ministre. Il nous appartient cependant, dans une démarche messianique (Exclamations sur divers bancs), si j’ose dire,…
M. Xavier Breton
C’est Le Meilleur des mondes !
M. Jérôme Guedj
…de promouvoir cet outil. Un des arguments avancés consiste à expliquer que des produits auxquels nous tenons sont menacés. Mais les consommateurs savent bien que le beurre, l’huile ou les fromages que nous aimons ne peuvent être rangés dans la classe A ! Il n’est pas pour autant interdit de les consommer : le nutriscore nous invite simplement à le faire avec la modération nécessaire.
M. Vincent Descoeur
Il influence le consommateur ! Il le manipule !
M. Jérôme Guedj
Je vais vous donner un exemple de l’utilité du nutriscore. On compte trente-cinq variétés de müesli aux pépites de chocolat en France, classées de A et E. Grâce au nutriscore, le consommateur sait lesquelles sont les plus vertueuses et… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Plusieurs députés des groupes SOC et Dem applaudissent ce dernier.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Je suis au regret d’entendre, dans certaines interventions, l’écho de grands monopoles – Ferrero, Coca-Cola, Mars ou Lactalis – (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP) qui, depuis des décennies, luttent contre toute réglementation ou information sur l’alimentation.
Ils se battent par tous les moyens, à coup d’études truquées, en utilisant des trolls sur internet, en se référant à d’autres indicateurs ou en renvoyant vers des sites totalement obscurs et introuvables. Bref, ils usent de toutes les méthodes des monopoles capitalistes pour empêcher le consommateur de savoir ce qu’il va manger.
Il nous appartient de choisir si nous tenons ou si nous capitulons face aux pressions industrielles et économiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Vincent Descoeur
Venez donc voir un fabricant du Cantal !
M. Hadrien Clouet
J’espère que nous allons tenir, parce que nous avons besoin d’informations faciles à comprendre.
M. Vincent Descoeur
Vous mangerez de La Vache qui rit !
Vous dites qu’il faut s’inquiéter parce que certains produits sont mal classés. Honnêtement, qui se nourrit exclusivement de produits classés A par le nutriscore ? Personne. Votre argument n’a pas de sens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Je vais vous donner un argument qui, lui, a du sens : certaines informations qui nous sont données sont incompréhensibles. Si je vous dis par exemple qu’un produit contient de l’acésulfame K aussi appelé E-950, qu’est-ce que cela signifie ? (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Quelques députés du groupe LFI-NFP applaudissent celui-ci. )
Mme la présidente
La parole est à M. Fabrice Brun.
M. Fabrice Brun
Je vous remercie, madame la présidente, de permettre à un député de l’Ardèche, élevé en plein air à la châtaigne, de s’exprimer sur le nutriscore.
J’entends le gouvernement et le président de la commission parler des agriculteurs, des artisans et des filières courtes dont il est question dans l’article 11. Or – cela se vérifie une fois encore – nous avons une propension, dans ce pays, à scier la branche sur laquelle nous sommes assis.
Nos AOC, nos AOP, nos IGP, nos produits du terroir représentent notre histoire, nos traditions et nos emplois. Alors, de grâce, valorisons nos picodons, nos fromages du Cantal, notre bœuf de Charolles.
M. Vincent Descoeur
Ne les condamnez pas !
M. Fabrice Brun
C’est bon pour le goût et pour la santé – y compris celle de nos enfants. Valorisons nos savoir-faire, qui font la fierté de la France et que le monde entier nous envie !
Nous vous remercions donc de voter pour les sous-amendements de bon sens de nos amis Vincent Descoeur et Jean-François Rousset ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. Jean-François Rousset applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Mon profil ne me trahit pas : je ne suis pas fâché avec les bons produits AOP. Il me semble que vous confondez la valeur organoleptique d’un produit – c’est-à-dire son goût, ce qui fait que nous l’aimons – et ses effets sur la santé.
L’ambition du nutriscore est bien de protéger notre santé. Il est donc normal qu’il nous informe aussi sur le contenu des produits à haute valeur organoleptique – ce qui ne nous empêche pas pour autant d’en consommer.
M. Fabrice Brun
Le lait cru, c’est bon pour la santé ! Il faut le dire !
M. Benoît Biteau
Cher collègue, il faut vous calmer ! Est-ce que je vous ai interrompu ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC.)
Je suggère de revoir certaines règles du nutriscore. Par exemple, si l’on introduisait comme critère l’équilibre entre oméga 3 et oméga 6, ces produits de qualité labellisés AOP obtiendraient une meilleure note. Je suis sûr que Richard Ramos sera d’accord avec moi sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Vincent Descoeur
Rien à voir !
Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Le nutriscore est une fausse bonne idée, d’autant plus qu’il est obligatoire. Le véritable enjeu ne réside pas dans la qualité du produit mais dans l’équilibre nutritionnel. On ne peut pas consommer uniquement des produits classés A. C’est pourtant ce que certains comprennent à cause de la dimension très scolaire, voire infantilisante du nutriscore. Cet outil détourne le citoyen de l’analyse nutritionnelle. Une telle ultrasimplification est préjudiciable et hautement démagogique. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
C’est en réalité la lecture de la composition du produit sur l’étiquette qui compte – M. Guedj donnait l’exemple des müesli. Rien n’empêche le consommateur de lire l’étiquette. Bien au contraire, il doit la lire plutôt que se contenter de la note du nutriscore.
Le mitage du dispositif serait encore pire que son maintien, car il le viderait totalement de son sens.
Plutôt que de se satisfaire d’un score démagogique, il est préférable de travailler sur les règles de composition nutritionnelle, sur l’encadrement du marketing alimentaire et surtout sur l’éducation diététique : il faut former des citoyens émancipés qui savent lire des étiquettes et composer des repas. Car là se situe le vrai problème : on ne forme plus de citoyens capables de s’alimenter correctement. (Mêmes mouvements.) Contrairement à ce que laisse entendre le nutriscore, la nutrition ne se réduit pas à une lettre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Camille Galliard-Minier.
Mme Camille Galliard-Minier
Contrairement à ce qui vient d’être dit, le nutriscore est une très bonne idée. Il permet à chacun de consommer mieux, de façon intelligente. C’est un outil clair et lisible, qui simplifie l’information. Il a d’ailleurs été défendu pendant plusieurs années, de façon transpartisane, par Marisol Touraine, puis Amélie de Montchalin et Olivier Véran. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Actuellement, 1 500 marques affichent le nutriscore. Cet outil au service du consommateur pourrait prendre ce soir une nouvelle dimension en devenant obligatoire.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland.
Mme Anne-Cécile Violland
Je vous remercie de donner la parole à une Savoyarde qui défend bien sûr elle aussi les AOP du terroir. Je remercie M. Ramos, même s’il a oublié le Reblochon, l’Abondance, la tomme de Savoie ou le camembert « Le 5 frères » de Mme la présidente Poussier-Winsback. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR et RN.)
Le nutriscore est en effet un très bon outil ; il faut le défendre. Nous remercions bien sûr M. Serge Hercberg, mais aussi l’Anses, dont les travaux ont contribué à sa création.
Cet outil n’est pas parfait et il faut l’améliorer. Les sous-amendements y contribuent. On ne peut décemment pas accepter que nos AOP et AOC soient soumises au nutriscore. Les produits de nos terroirs doivent être valorisés. De même, il n’est pas acceptable qu’un Coca Zéro soit mieux noté qu’un jus de fruits frais.
Si ces sous-amendements ne sont pas adoptés, le nutriscore ne doit pas devenir obligatoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes RN et DR.)
(Le sous-amendement no 2585 est adopté ; en conséquence, le sous-amendement no 2599 tombe.)
(Les amendements identiques nos 508 et 1801, sous-amendés, sont adoptés ; en conséquence, l’amendement no 734 et les sous-amendements nos 2583, 2640 et 2606 tombent.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
Je suis saisie de six amendements, nos 510, 735, 457, 567, 939 et 458, pouvant être soumis à une discussion commune ; ils font tous l’objet de plusieurs sous-amendements.
Les amendements nos 510 et 735 sont identiques, de même que les amendements nos 457, 567 et 939 sont également identiques.
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement no 510.
Mme Sandrine Runel
Nous avons enfin voté l’obligation du nutriscore, c’est une bonne nouvelle. Je veux dire à M. Rousset et à M. Ramos que nous partageons bien sûr leur volonté de préserver les AOP, comme le prévoient les sous-amendements qui ont également été adoptés. Vous conviendrez qu’on ne croise aucun producteur de Chocapic dans nos circonscriptions – c’est une bonne chose.
Cet amendement vise à rendre obligatoire la mention du nutriscore, non plus sur les produits mais sur les supports publicitaires visibles dans le métro et ailleurs. (Brouhaha.)
Mme la présidente
Nous entamons une très longue discussion commune. J’invite ceux qui souhaitent tenir des conversations particulières à le faire en dehors de l’hémicycle, afin d’éviter les bruits de fond. Poursuivez, madame Runel.
Mme Sandrine Runel
Je rappelle que l’obésité coûte 10 milliards à la sécurité sociale. Nous souhaitons ainsi protéger les consommateurs des publicités sur les produits ultratransformés industriels.
Mme la présidente
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l’amendement no 735.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Je vous remercie d’avoir voté pour les amendements précédents.
Avec ceux-ci, nous allons un peu plus loin. Nous ne visons évidemment pas les produits du terroir. Nous pensons par exemple aux publicités diffusées le mercredi, visibles par les enfants, pour des marques de produits pour le petit-déjeuner. Cet amendement prévoit donc que lorsque les industriels font de la publicité pour des produits très sucrés, le nutriscore soit affiché.
Mme la présidente
La parole est à Mme Béatrice Piron, pour soutenir le sous-amendement no 2591.
Mme Béatrice Piron
Je peux présenter en même temps mes deux sous-amendements à venir, le no 2589, qui sous-amende l’amendement no 457, et le no 2590, qui sous-amende l’amendement no 458. En effet, les amendements de cette discussion commune portent tous sur la publicité du nutriscore.
Avec ces trois sous-amendements, je tiens à signaler, sans remettre en cause le bien-fondé du nutriscore, qu’il est important de prendre en considération les spécificités du média radio, qui obéit à des contraintes de temps et d’espace uniques.
Depuis plusieurs années, les radios interpellent régulièrement sur le problème des mentions légales, qui constituent un facteur de difficultés économiques et irritent les auditeurs. Sur un spot de trente secondes, la mention légale peut représenter 50 % du temps. C’est totalement incompréhensible, d’autant plus que le message est inaudible puisqu’il est diffusé en accéléré, et c’est inutile.
Mme la présidente
La parole est à M. Denis Masséglia, pour soutenir le sous-amendement no 2610.
M. Denis Masséglia
J’irai dans le même sens que ma collègue Béatrice Piron. Les mentions légales diffusées à la radio sont presque plus longues que le message publicitaire lui-même. Certes, elles ont leur importance, mais lorsqu’on n’entend plus qu’elles, ce n’est plus de la publicité.
Mme la présidente
Le sous-amendement no 2581 de M. Jean-François Rousset est défendu.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir le sous-amendement no 2601.
M. Vincent Descoeur
Les arguments avancés lors de l’examen des amendements précédents sont encore plus pertinents cette fois-ci. Si, d’aventure, nous mettions en avant le nutriscore dans des messages qui sont censés informer, nous décernerions des pastilles vertes à des produits ultratransformés qui, parce qu’ils sont industriels, n’obéissent à aucun cahier des charges et peuvent donc adapter leurs recettes non pas pour protéger notre santé, mais pour berner les consommateurs.
M. Fabrice Brun
Vous serez complices !
Mme Sandrine Runel
Mais nous sommes d’accord !
M. Vincent Descoeur
À l’inverse, nos produits AOP seraient frappés d’une pastille rouge et le consommateur ne chercherait même pas à s’interroger sur leurs bienfaits. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Vincent Descoeur
C’est encore pire que la disposition que nous examinions précédemment ! C’est une discrimination des produits de nos terroirs !
M. Xavier Breton
Eh oui !
M. Vincent Descoeur
Alors que nous débattons du PLFSS, on s’emploie à détruire des filières ! C’est incompréhensible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
L’amendement no 457 de Mme Sandrine Runel est défendu.
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour soutenir l’amendement no 567.
Mme Sabrina Sebaihi
La défense de cet amendement, qui vise à faire afficher le nutriscore sur les publicités, me donne l’occasion de répondre à notre collègue au sujet de l’affichage sur les panneaux ou les spots télévisés publicitaires. Je rappelle que, sur tous les affichages susceptibles d’être concernés, figure la mention : « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. » Cela ne pose aucun problème car les gens comprennent le message. Il en va exactement de même du nutriscore.
À terme, il faudra envisager un encadrement très strict de la publicité dirigée vers nos enfants car il est inadmissible que des publicités et du marketing les ciblent explicitement, en leur présentant des produits ultrasucrés,…
M. Vincent Descoeur
Le fromage, ce n’est pas sucré !
Mme Sabrina Sebaihi
…ultragras et ultrasalés, dont on sait que la consommation aura des conséquences sur leur santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Mme Sandrine Runel applaudit également.)
Un dernier mot au sujet des AOP et des AOC (appellations d’origine contrôlée) : très sincèrement, quand on aime le brie, le comté ou le roquefort, même si ces produits sont notés D ou E, on continuera à en manger. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe DR.) Vous savez que c’est vrai ! La question n’est pas celle de la note mais celle de la quantité et de l’information du consommateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Mme Sandrine Runel applaudit également.)
M. Vincent Descoeur
Mangez ce que vous voulez mais ne nous détruisez pas !
Mme la présidente
La parole est à Mme Élise Leboucher, pour soutenir l’amendement no 939.
Mme Élise Leboucher
Je salue d’abord notre collègue Loïc Prud’homme, qui est engagé sur ce sujet depuis 2017. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) La disposition prévue par cet amendement était d’ailleurs contenue dans une proposition de loi déposée par le groupe LFI et votée en 2019 à l’Assemblée nationale.
À ce jour, les industriels peuvent déroger à l’obligation d’affichage du nutriscore sur les supports publicitaires en payant une contribution. Ce n’est pas acceptable si l’on se soucie tant de la prévention des conséquences d’une mauvaise alimentation que de la bonne information des consommateurs.
Le nutriscore est une initiative du ministère de la santé, saluée par l’OMS, et les organisations de consommateurs et plébiscitée par les citoyens. Il est temps de lui donner toute sa place dans notre politique de santé publique, ce qui implique de mettre fin aux stratégies de contournement permises aux industriels. De plus, le nutriscore constitue un outil pédagogique qui facilite la compréhension de la composition des produits, au sujet de laquelle on peut échanger avec les enfants pour les éduquer à l’alimentation. En outre, il livre des informations compréhensibles, conforme au Falc, c’est-à-dire faciles à lire et à comprendre pour le plus de personnes possibles.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Rousset, pour soutenir le sous-amendement no 2580, aux amendements no 457 et identiques.
M. Jean-François Rousset
Je répondrai brièvement à M. Clouet. La charte de fabrication de l’AOP roquefort date de 1925, et les industriels n’ont rien à voir avec son élaboration : elle formalise des pratiques ancestrales. Il y a six mois, lors d’un colloque, les producteurs de roquefort, les éleveurs et moi-même avons engagé une démarche visant à ce que l’AOP roquefort devienne la première AOP mondiale zéro carbone, car tous les éléments sont réunis pour que nous y parvenions. Je vous souhaite de faire de même dans tous vos territoires : c’est ce qu’il faut faire pour nos productions.
M. Hadrien Clouet
Quel est le rapport ?
Mme la présidente
Les sous-amendements identiques nos 2589 de Mme Béatrice Piron – qui s’est déjà exprimée à son sujet –, 2596 de Mme Virginie Duby-Muller, et 2608 de M. Denis Masséglia sont défendus.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir le sous-amendement no 2603.
M. Vincent Descoeur
Au risque de vous paraître insistant, je dirai qu’à l’heure de la communication, affirmer qu’apposer une pastille rouge sur un message publicitaire n’est pas grave, que ça n’aura aucun effet sur les produits, n’a pas de sens. Vous le pensez parce que vous connaissez les beaux produits que vous avez évoqués – et je vous remercie d’avoir rappelé combien ils étaient succulents et bons pour la santé. Mais les jeunes générations, les consommateurs de demain se fieront à cette pastille. Encore une fois, c’est de la discrimination !
Mme Sandra Regol
On avait compris !
M. Vincent Descoeur
Vous allez faire s’effondrer les efforts en faveur de la qualité que consentent tous ces producteurs, dans les terroirs, pour concilier bon goût et bon pour la santé. Vous rendez-vous compte de ce que vous êtes en train de faire ?
Franchement, on peut s’inquiéter des sodas mais, si l’on vous suit, demain, le Coca-Cola sans sucres aura un meilleur nutriscore que le fromage du Cantal ou le picodon ! Mais vous êtes où ? Vous habitez quelle planète ? (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR et sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement no 458.
Mme Sandrine Runel
Apparemment, on n’habite pas la même planète, puisque nous proposons justement, par l’amendement que je suis en train de défendre, d’exclure les supports publicitaires pour les AOP du champ d’application de l’obligation d’afficher le nutriscore. Peut-être aurions-nous pu commencer par là ! Ce n’était pas la peine de vous énerver : nous aussi, nous aimons le cantal, le roquefort, le brie, tous les fromages, tous les produits régionaux !
M. Frédéric Maillot
Ben oui !
Mme Sandrine Runel
Je vous épargne la liste des circonscriptions de mes camarades socialistes : il y a beaucoup de produits locaux que nous aimerions défendre !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Et la tomme de Savoie ?
Mme Sandrine Runel
Je ne l’oublie pas ! Mais si je dois tout mentionner, on en aura pour très longtemps ! (Sourires.) Cet amendement vise donc à exclure les produits AOP du champ d’application de l’obligation d’afficher le nutriscore, comme je l’ai dit, tout en nous permettant de continuer à prévenir nos enfants des conséquences néfastes de la consommation de produits mauvais pour leur santé, à viser les publicités pour les produits industriels et à protéger les produits français. Cela fera plaisir à tout le monde, je n’en doute pas !
M. Vincent Descoeur
Très bien !
Mme la présidente
Les sous-amendements identiques nos 2590 de Mme Béatrice Piron – qui s’est déjà exprimée à son sujet – et 2597 de Mme Virginie Duby-Muller, à l’amendement no 458, sont défendus.
La parole est à M. Denis Masséglia, pour soutenir le sous-amendement no 2609.
M. Denis Masséglia
Mon argument est toujours le même : j’aime bien écouter la radio tranquillement, sans publicité, en mangeant un bon produit. Je préfère un Led Zeppelin à une longue mention !
Mme la présidente
Un peu de poésie ce soir !
Le sous-amendement no 2577 de M. Jean-François Rousset est défendu.
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutins publics : sur les amendements no 510 et identique, par le groupe Rassemblement national ; sur les amendements no 457 et identiques, par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouveau Front populaire ; sur le sous-amendement no 2603, par le groupe Droite républicaine.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements et sous-amendements en discussion commune ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Bon ! Nous venons de voter – je n’y étais pas favorable – une taxe sur le chiffre d’affaires des industriels qui n’affichent pas le nutriscore sur leurs produits. Appliquer cette mesure ne sera pas simple, et je ne vois pas comment on y parviendra.
En plus de cette mesure, vous voulez à présent taxer les dépenses de publicité si le nutriscore ne figure pas sur les supports publicitaires. Je rappelle que les dépenses de publicité font déjà l’objet de sept taxes ; vous voudriez en créer une huitième !
M. Laurent Jacobelli
Ils adorent ça !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Notre collègue Sabrina Sebaihi a indiqué tout à l’heure ne pas vouloir que des publicités visent les enfants. Très sincèrement, si on ne le veut pas, on peut réglementer. (Mme Sandrine Runel s’exclame.) Je ne suis pas sûr que le levier fiscal soit opérant en la matière. (Mme Ségolène Amiot.)
Certains producteurs locaux n’ont pas la chance de bénéficier des labels AOP ou IGP. Savez-vous que, pour obtenir un nutriscore, il faut payer un bureau d’études ? Comment feront ceux qui vendent par circuit court ? Je ne sais pas si vous imaginez ce que cela représente sur le plan opérationnel.
Un certain nombre de membres de cette assemblée sont attachés aux réglementations européennes. Ça tombe bien : vous déposez des amendements qui visent à assujettir à une contribution les metteurs sur le marché de produits entrant dans le champ d’application du règlement européen no 1169/2011. Cela veut dire que vous embarquez tout ce règlement, pas seulement les mesures relatives à la déclaration nutritionnelle. Or cela présente une difficulté pour les compléments alimentaires, qui ne peuvent bénéficier du nutriscore et ne peuvent donc être soumis à la contribution afférente. Ce serait un peu paradoxal et techniquement impossible. L’affichage est soumis à des règles européennes et vos amendements présentent un vrai problème sur le plan du droit comme sur le fond.
Je dois dire par honnêteté que la commission a adopté les amendements no 510 et identique. Elle a en revanche rejeté les amendements nos 457 et identiques et 458. En cohérence avec tout ce que je viens de vous dire au sujet des problèmes juridiques et opérationnels que posent tous ces amendements, cette taxe sur les dépenses de publicité me paraît profondément malvenue. Personnellement, je suis donc favorable à l’ensemble des sous-amendements et défavorable à l’ensemble des amendements de cette discussion commune.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre
Je comprends qu’en vue d’introduire une mesure comme celle que vous proposez dans le PLFSS, il faille en passer par la taxation de la publicité pour rendre obligatoire le nutriscore. Comme je l’ai dit, cela pose problème du point de vue des conventions européennes.
Je voudrais évoquer aussi un chiffre. Alors qu’il n’est pas obligatoire, l’affichage du nutriscore de nos produits progresse : la part des marques qui le pratiquent passe de 21 % en 2018 à 50 % en 2020, 60 % en 2022 et 63 % en 2024. L’augmentation est donc constante et doit se poursuivre.
Je suis défavorable à l’ensemble des amendements et sous-amendements en discussion commune.
Mme la présidente
La parole est à M. Marc Fesneau.
M. Marc Fesneau
Au risque de gâcher la joie de tout le monde, et comme l’a indiqué un collègue du Rassemblement national, il faudrait étudier le règlement qui régit les règles d’étiquetage des produits agricoles et alimentaires. Il s’agit d’un règlement européen. Cela présente un intérêt, même pour ceux qui n’aiment pas l’Europe : cela nous protège et cela évite qu’il soit possible d’inscrire « Champagne » ou « Bordeaux » sur des étiquettes collées sur des bouteilles qui ne contiennent pas de vin de Champagne ou de Bordeaux, dans d’autres pays que les nôtres.
M. Antoine Léaument
Et les fromages ? Vous ne citez aucun fromage !
M. Marc Fesneau
Nous sommes donc en train d’examiner des amendements qui, par nature, ne voyageront pas cinq minutes d’un point de vue juridique !
M. Vincent Descoeur
Ça, c’est rassurant !
M. Marc Fesneau
On s’apprête donc à imposer aux producteurs, y compris ceux qui travaillent sous le signe de la qualité, une règle qui ne s’imposera pas aux autres. Cela ne tiendra pas dix minutes devant un tribunal !
Je suis désolé d’interrompre les réjouissances collectives mais la bataille du nutriscore, qui a son intérêt du point de vue de l’information du consommateur, se mène à l’échelon européen. Cela ne peut fonctionner que si on embarque l’ensemble des pays européens, sans quoi chacun gardera son étiquetage. On peut certes envoyer un message mais il me semble qu’il y a une forme d’arrogance française à toujours penser qu’on peut imposer quelque chose aux autres sans les convaincre.
(Les sous-amendements identiques nos 2591 et 2610 ainsi que les sous-amendements nos 2581 et 2601, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 510 et 735.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 233
Nombre de suffrages exprimés 226
Majorité absolue 114
Pour l’adoption 57
Contre 169
(Les amendements identiques nos 510 et 735 ne sont pas adoptés.)
(Le sous-amendement no 2580 ainsi que les sous-amendements identiques nos 2589, 2596 et 2608, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 2603.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 220
Nombre de suffrages exprimés 192
Majorité absolue 97
Pour l’adoption 69
Contre 123
(Le sous-amendement no 2603 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 457, 567 et 939.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 224
Nombre de suffrages exprimés 216
Majorité absolue 109
Pour l’adoption 85
Contre 131
(Les amendements identiques nos 457, 567 et 939 ne sont pas adoptés.)
(Les sous-amendements identiques nos 2590, 2597 et 2609 ne sont pas adoptés.)
(Le sous-amendement no 2577 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 458 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 1307 et 519, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 1307 de M. Nicolas Thierry est défendu.
La parole est à M. Thierry Sother, pour soutenir l’amendement no 519.
M. Thierry Sother
Qu’un enfant absorbe en l’espace de quelques minutes l’équivalent de quatre cafés en buvant une boisson sucrée à souhait et bourrée d’additifs contestés, qui peut ici considérer que c’est une bonne chose ? Pourtant, un enfant sur six de moins de 10 ans en boit plus de 4 litres par mois, 68 % des jeunes de 10 à 18 ans en sont des consommateurs réguliers. L’absorption de si grandes quantités de caféine favorise énormément, surtout à ces âges, l’apparition de problèmes de santé : troubles cardiaques dont tachycardie ou hypertension, et troubles mentaux comme l’irritabilité.
Cet amendement du groupe socialiste propose donc de créer une taxe sur les boissons énergisantes contenant au moins 150 milligrammes de caféine par litre. J’entends dire ici que les taxes comportementales sont inefficaces. Mais, s’il est vrai que cette taxe, appliquée de 2014 à 2017, ne rapportait pas grand-chose, je vous l’accorde, c’est parce que presque tous les producteurs de boissons énergisantes avaient revu leurs recettes pour passer en dessous du palier. On est aussi là pour réguler ce que l’industrie peut proposer de pire à consommer. Nous devons agir pour la santé publique !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
En clair, vous voulez créer une taxe Red Bull. Je n’en bois pas, mais j’essaie d’examiner la question avec méthode et objectivité juridique. Une telle taxe spécifique a en effet existé : l’article 19 de la LFSS pour 2014, sous François Hollande, avait créé une taxe ciblant uniquement les boissons énergisantes contenant plus de 220 milligrammes de caféine par litre, au tarif de 100 euros par hectolitre. Mais, l’année suivante, le Conseil constitutionnel avait censuré cette disposition, au motif qu’elle était contraire au principe d’égalité devant l’impôt. Cette décision avait alors eu pour suite un élargissement de la taxe à toutes les boissons, avec une incidence collatérale négative sur toute la filière. En 2016, elle était abrogée dans la loi de finances pour 2017.
Non seulement vous prenez pour modèle une ancienne contribution inefficace mais, surtout, vos amendements seraient discriminatoires puisqu’ils généreraient une double taxation, les boissons énergisantes étant déjà soumises aux taxes sur les boissons sucrées et édulcorées. La LFSS pour 2025 a d’ailleurs sacrément rehaussé – le président de la commission le sait bien – cette taxation. Je vous propose donc de les retirer. Sinon, l’avis serait défavorable. Je précise que ces amendements ont été rejetés par la commission.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre
Avis défavorable pour les mêmes raisons.
(Les amendements nos 1307 et 519, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 1098 et 1305, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement no 1098.
Mme Sandrine Runel
Cet amendement propose de créer une contribution spécifique sur les bières aromatisées, sucrées ou édulcorées, sans aucun impact – je le dis préventivement, avant que les débats s’enflamment – sur les bières artisanales. Cela permettra de responsabiliser les acteurs industriels et surtout de les faire contribuer au financement de l’assurance maladie. On sait que ces bières aromatisées ont vocation à toucher les jeunes, c’est-à-dire les 18-25 ans, par leur goût sucré et une teneur réelle en alcool. Nous proposons donc bien évidemment d’augmenter la fiscalité sur ces bières afin de mener plus efficacement une politique de prévention.
Mme la présidente
La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 1305.
M. Hendrik Davi
Quand on est un industriel qui vend de l’alcool ou du tabac, un des objectifs essentiels est de garder ses clients pendant longtemps. C’est pourquoi les publics jeunes sont une cible privilégiée. C’est vraiment une stratégie de marketing, d’autant plus qu’il est facile de créer des habitudes, voire des addictions, chez ce type de public. Tout cela est très profitable pour le commerce. Et c’est bien ce qui se passe avec les bières aromatisées. Il faut vraiment protéger nos jeunes face à ces stratégies marketing, c’est un problème de santé publique. D’où l’objectif de l’amendement : créer une taxe sur ces bières aromatisées – et aussi rapporter de l’argent à la sécurité sociale. (M. Benjamin Lucas-Lundy et M. Tristan Lahais applaudissent.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Maintenant, vous proposez de créer une taxe sur les bières aromatisées, sucrées ou édulcorées… Je concède que vous voulez tous deux en exonérer les brasseries dont la production annuelle, tous produits confondus, est inférieure à 200 000 hectolitres, mais j’ai une inquiétude tout de même pour certaines grandes brasseries régionales qui produisent beaucoup sans être pour autant de très grands groupes. Je me demande si elles ne seraient pas, elles aussi, concernées par votre taxe. Je ne nie pas que les bières aromatisées, sucrées ou édulcorées, soient une porte d’entrée vers des alcools plus forts, mais je pense que vos amendements ne sont pas les plus adaptés. Et puis surtout, le problème des alcools sucrés et aromatisés me semble déjà avoir été traité par le législateur fiscal via la taxe sur les boissons dites prémix.
Mme Sandrine Runel
Mais non !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Vous voulez toujours créer plus et plus de taxes… Cela fait quatre jours que vous faites preuve d’une grande imagination en ce domaine mais, à un moment, il faut peut-être penser à utiliser un autre levier que le levier fiscal. Avis défavorable.
M. Jérôme Guedj
À l’époque, vous vous seriez opposé aux prémix !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Lopez-Liguori.
M. Aurélien Lopez-Liguori
Chers collègues de gauche, vous avez un réflexe que je qualifierai de pavlovien (« Ah ! » sur les bancs des groupes SOC et EcoS) : dès qu’un problème se présente, vous inventez une taxe. Dans la longue série de produits que vous voulez taxer, au tour maintenant des bières aromatisées. Pourquoi pas ? Mais vous prétendez agir au nom de la santé publique alors qu’une fois encore vous confondez la prévention et la punition. Cette taxe ne changera rien aux comportements. Pire, les industriels et les distributeurs qui la subiront en répercuteront le coût sur leurs prix, comme on essaie de vous l’expliquer depuis maintenant deux heures sur l’ensemble des amendements précédents. Et ce seront encore les Français qui paieront. Ces amendements n’ont qu’un seul mérite : démontrer votre acharnement à culpabiliser, à surtaxer et à réprimer les Français. Nous ne croyons pas que la taxe soit un moyen adapté pour lutter contre les comportements addictifs. Nous voterons contre cette énième taxe socialiste, inutile pour la santé, nuisible pour l’économie et injuste pour le pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Pouria Amirshahi
Vous n’aimez pas les jeunes !
(Les amendements nos 1098 et 1305, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 1304.
M. Hendrik Davi
Même principe que notre amendement précédent, mais cette fois-ci pour les bières qui titrent à plus de 8 degrés. L’idée n’est pas de taxer pour taxer (Exclamations sur les bancs du groupe RN), mais d’augmenter les prix pour que nos jeunes se détournent de ce type de consommation. Si vous allez sur les places de nos grandes villes, vous voyez beaucoup de jeunes avec, à la main, ces bières à 8 degrés et qui, hélas, finissent, pour certains d’entre eux, aux urgences. Quand vous buvez beaucoup d’alcool, vous pouvez être plus violent – la consommation d’alcool est impliquée dans plus de 80 % des altercations du week-end – ou risquer d’avoir un accident de la route et finir, là aussi, aux urgences. J’ajoute que, sur le long terme, consommer ces bières n’est pas très bon pour votre foie – si vous faites une cirrhose, vous finissez aux urgences. C’est donc logique de discuter d’une telle taxe dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale, sachant en plus que ce type de consommation conduit à des dépenses de santé supplémentaires. Cette taxe est complètement légitime, d’une part en termes de signal-prix, pour préserver les jeunes, et d’autre part pour alimenter les caisses de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Monsieur Davi, ce que vous décrivez est un réel fléau, et on ne peut que se rejoindre sur la lutte contre l’alcoolisme des jeunes. Il y a en effet des questions de sécurité et de santé qui sont liées et sur lesquelles on doit travailler. Mais là, vous proposez une contribution sur les bières qui titrent à plus de 8 degrés, alors qu’on peut boire une bière fabriquée, par exemple, dans le Nord – une Triple, une Karmeliet – sans être pour autant alcoolique, sans se bourrer la gueule, sans être violent ni mettre en danger son foie. C’est aussi une question de quantité.
M. Pierre Cordier
Exactement !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Je pense que la solution du levier fiscal n’est pas la bonne. Mais on ne peut pas ignorer le problème que M. Davi décrit.
M. Hendrik Davi
Ah !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
En fait, le vrai levier qu’il faudrait utiliser, c’est le contrôle de la publicité et de la vente aux mineurs, madame la ministre de l’action et des comptes publics. Et il faudrait mobiliser à cet effet les services en charge du contrôle notamment des commerçants : je pense à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – DGCCRF – et à la police, ce qui ne relève pas d’un PLFSS. Mais il faut que vous puissiez vous mobiliser sur le sujet dans un cadre interministériel. On peut certes donner l’impression qu’on ne s’intéresse pas au fléau, mais il est là et il faut pouvoir le contrecarrer.
M. Pierre Cordier
La ministre va s’exprimer !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Quoi qu’il en soit, il ne faut pas laisser croire que l’alcool n’est pas taxé. Dans notre pays, il y a actuellement entre 4 milliards et 5 milliards d’impôts sur les alcools au profit de la sécurité sociale, ce qui participe de la réponse aux problèmes de santé que vous évoquez. Voilà la réalité. Est-ce qu’il faut créer ou recréer encore d’autres taxes ? Je ne le pense pas. Avis défavorable. L’amendement a été rejeté par la commission.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’action et des comptes publics, pour donner l’avis de la commission.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics
J’interviens maintenant parce que le rapporteur général m’y invite, et je confirme que les boissons alcoolisées sont taxées : les droits sur les alcools s’élèvent à 2,3 milliards, les droits sur les bières, à 900 millions, les droits sur les vins, cidres et poirés, à 100 millions, et les cotisations sociales, c’est 700 millions. Au total, on atteint presque 4 milliards d’euros pour la sécurité sociale.
Mme Sandrine Runel
C’est bien, tant mieux !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Mme la ministre de la santé a rappelé que nous sommes l’un des pays de l’OCDE où la consommation d’alcool par personne reste une des plus élevées d’Europe, voire de l’OCDE. Et nous avons des débats pour savoir si le levier fiscal, c’est-à-dire au fond le levier du prix, est le meilleur pour réduire les risques d’addiction et les risques pour la santé qui entraînent des coûts pour la société.
Je rebondis sur un point abordé par le rapporteur général et je lui en sais gré : celui du contrôle des lieux de vente, notamment s’agissant de la vente aux mineurs. Il se trouve que, dans mon périmètre d’action, je n’ai évidemment pas autorité sur les services régaliens, ni directement sur la DGCCRF. Mais le réseau des buralistes est sous ma responsabilité et, comme on va en venir bientôt au tabac, je vous indique que j’ai rencontré, il y a quelques jours seulement, le nouveau président de la Confédération des buralistes. Nous avons échangé…
M. Pierre Cordier
N’oublions pas les buralistes frontaliers !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…sur un sujet connexe, que M. Léaument d’ailleurs a cité tout à l’heure : celui de la prévention pour les mineurs de la vente de produits qui leur sont interdits. Il faut bien reconnaître qu’une partie de ce contrôle est assurée par les tenants des bars, des lieux de festivités et autres lieux de soirées. Beaucoup de buralistes, notamment dans le nord de la France, tiennent aussi des bars et sont donc responsables de l’effectivité dudit contrôle.
Nous avons assez peu évoqué jusqu’à présent la réalité des contrôles – et je remercie le rapporteur général d’avoir soulevé la question. Si nous voulons concrètement interdire l’alcool sous toutes ses formes à la vente aux mineurs, nous devons avoir un engagement en ce sens de la part des commerçants et des tenanciers des lieux qui en vendent. À ce titre, la grande distribution, les commerces de proximité, la distribution des licences et le contrôle desdites licences sont autant d’outils que nous pourrions utiliser pour favoriser des synergies entre politiques publiques pour élargir la focale parce que, si la fiscalité est importante – je comprends bien que, pour beaucoup, c’est une solution parce qu’elle a une forme de simplicité –, je tiens à insister, comme l’a fait le rapporteur général, sur l’existence des autres leviers à notre main, qui nécessitent, eux aussi, des moyens.
Mme la présidente
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Hendrik Davi
Je siège en tant que député au conseil d’administration de Santé publique France (SPF). En 2024, une de ses réunions a été en partie consacrée à l’annulation de deux campagnes de prévention sur les risques à long terme de l’alcool décidée, d’après notre compréhension, en raison de préoccupations politiques concernant la réaction potentielle du secteur. SPF s’est inquiétée de l’annulation de deux campagnes de prévention par les gouvernements macronistes. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe EcoS.) Vous nous opposez qu’agir sur le prix de l’alcool n’est pas la bonne solution, qu’il faut raisonner en termes de santé publique. Pourtant, ces dernières années, l’agence chargée de la santé publique a été tellement mise sur la sellette que des bruits inquiétants couraient sur sa disparition. Essayez au moins de nous rassurer au sujet de son sort et sur le fait que vous continuerez à mener des campagnes de prévention ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
(L’amendement no 1304 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Nous avançons bien, ce soir, avec un rythme de vingt-sept amendements à l’heure que nous allons essayer de conserver jusqu’à minuit. Un bémol toutefois : il reste 960 amendements à examiner, ce qui, à ce rythme, nous prendrait trente-cinq heures.
Je suis saisie de deux amendements, nos 392 et 746, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Michel Lauzzana, pour soutenir l’amendement no 392.
M. Michel Lauzzana
Je suis beaucoup plus modéré que M. Davi puisque mon amendement, préparé avec la Ligue contre le cancer, vise les bières à plus de 11 degrés, certaines, récemment lancées, atteignant même 15 voire 20 degrés. M. le rapporteur général a peut-être raison de dire qu’agir sur les taxes n’est pas le meilleur moyen de décourager la consommation d’alcool, mais, dans le cadre de la partie recettes du PLFSS, c’est le seul levier à notre disposition. Nous avons presque tous arboré récemment un petit ruban dans le cadre de la campagne Octobre rose. Or, en France, l’alcool est le premier facteur de cancer du sein. Nous ne devons donc pas nous désintéresser du taux d’alcool de bières que, souvent, des jeunes consomment en pensant ne pas boire beaucoup d’alcool.
M. Fabien Di Filippo
Il n’a pas déjà parlé pendant une minute ? On a l’impression que ça en fait dix… (Mme la présidente sourit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l’amendement no 746.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Je le fais en ayant une pensée pour Axel Kahn qui soutenait ce combat. À la différence de Michel Lauzzana, je propose d’exonérer les petites brasseries qui produisent moins de 200 000 hectolitres par an.
De manière plus générale, j’aimerais que, puisque la ministre des comptes publics a indiqué que l’alcool rapportait 4 milliards d’euros, la ministre de la santé rappelle que son coût social et sanitaire est de 100 milliards. L’alcool rapporte 4 milliards ; il coûte 100 milliards. (M. Michel Lauzzana applaudit.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Elle les a rejetés. Avis défavorable.
(Les amendements nos 392 et 746, repoussés par le gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 359, 1308 et 1842.
L’amendement no 359 de Mme Béatrice Bellay est défendu.
La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 1308.
M. Hendrik Davi
Il vise à déplafonner la hausse annuelle du montant des taxes sur l’alcool, aujourd’hui limitée à 1,75 %. Pour illustrer mon propos, je vais revenir sur une décision prise par le préfet de police des Bouches-du-Rhône, l’hiver dernier. Il a interdit la vente d’alcool à partir de 20 heures dans les petits commerces comme les Carrefour Market. Tout le monde était d’accord, m’a parlé de santé publique, m’a dit que des jeunes alcoolisés créaient des problèmes, m’a assuré qu’il fallait arrêter de vendre de l’alcool le soir à Marseille. J’ai plutôt proposé, pour répondre au problème de santé publique sur lequel on m’alertait, d’augmenter les taxes sur l’alcool, mais tout le monde s’y est opposé. On a donc le droit de fermer tous les commerces d’un centre-ville à partir de 20 heures et de faire perdre du chiffre d’affaires à des commerçants mais pas d’ajouter au prix de vente d’une bière une taxe de 7 centimes qui aurait peu d’effets sur les ventes.
Mme la présidente
La parole est à Mme Ersilia Soudais, pour soutenir l’amendement no 1842.
Mme Ersilia Soudais
Il est vraiment impératif de permettre l’indexation sur l’inflation de l’évolution de la taxe sur l’alcool, comme c’est le cas pour celles sur le tabac et les boissons sucrées, considérés comme dangereux pour la santé. Je ne vous apprends rien en disant que l’alcool l’est également.
M. Pierre Cordier
C’est pour ça que j’ai arrêté de boire…
Mme Ersilia Soudais
L’alcool est à l’origine de 49 000 décès par an et, en moyenne, un gros buveur court le risque de faire un AVC dix ans plus tôt qu’une personne qui boit moins. Si cela ne suffit pas à vous émouvoir et si vous avez un porte-monnaie à la place du cœur, sachez que le coût social de l’alcool est de 102 milliards d’euros par an. Nous avons donc absolument besoin d’augmenter cette taxe pour renflouer la sécurité sociale et faire face à cet enjeu de santé publique. Par ailleurs, un certain consensus s’est opéré en commission autour de cet amendement, dont j’espère qu’il sera pris au sérieux et adopté.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Mme Soudais a parlé d’une taxe or, pour une fois, il ne s’agit pas de cela. Les amendements visent à déplafonner l’évolution annuelle de l’accise sur les boissons alcoolisées. Les taux de l’inflation en 2025 comme l’évolution des prix prévue pour les deux prochaines années sont si bas qu’ils privent de sens et d’effet ces amendements, que je vous propose de retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable même s’ils ont été approuvés en commission.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre
Défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Lopez-Liguori.
M. Aurélien Lopez-Liguori
Les Rapetou sont de retour !
Mme Léa Balage El Mariky
Oh !
M. Aurélien Lopez-Liguori
Ils siègent sur les bancs d’en face, une nouvelle fois prêts à faire les poches des Français. Vous taxez déjà les bières, le tabac, le sucre, etc. Cette fois-ci, vous faites le pas de trop : en augmentant les taxes sur les boissons alcoolisées, vous souhaitez taxer notre art de vivre. Pour vous, chaque verre de vin est une faute ; chaque plaisir populaire, une déviance qu’il faudrait à tout prix corriger à coups de taxes. Vous voulez effacer des siècles de culture, de savoir-faire et de convivialité. Votre hygiénisme et votre folie fiscale vous font oublier une évidence : le vin est une partie de notre identité. Il représente des milliers d’emplois, de coopératives et de traditions villageoises. Vous voulez voir ce monde disparaître, alors qu’il traverse une de ses plus graves crises. Pour la France, contre les idéologues et contre l’empire de l’anti-fun, nous nous opposerons à ces amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Sandra Regol
On parle français quand on se dit attaché aux traditions !
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Huyghe.
M. Sébastien Huyghe
Je m’étonne que la gauche, pour lutter contre l’alcoolisme, notamment l’alcoolisme des jeunes, n’ait d’autres solutions que l’augmentation de la fiscalité. Cela revient à créer une discrimination sociale entre les jeunes qui, parce qu’ils en ont les moyens, pourraient boire, voire devenir accros, et ceux qui, faute d’argent, n’auraient pas le droit de consommer d’alcool. La lutte contre l’alcoolisme doit passer par d’autres moyens que la fiscalité, dont la prévention. (M. Jean Terlier applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Je propose un petit retour sur terre après les propos très alambiqués que nous avons entendus. Je rappelle en premier lieu que ces amendements ont été votés en commission, où ils ont donc réuni une majorité. D’autre part, il ne s’agit pas de créer une nouvelle taxe. Ce dont nous parlons existe déjà. Toutefois, l’évolution annuelle du montant de l’accise sur l’alcool est aujourd’hui limitée par la loi à 1,75 %. Il est un des seuls produits à bénéficier d’une disposition de ce type qui fait que, si l’inflation est supérieure à 1,75 % en un an, son prix relatif recule, puisque la taxe ne suit pas. L’objet des amendements n’est donc pas d’augmenter les impôts ou les taxes, mais d’empêcher qu’en période d’inflation le prix de l’alcool baisse. Ils visent à ce que l’évolution de l’écart relatif entre les prix de différents biens ne profite pas à l’alcool dans les périodes de forte inflation. C’est cela que nous proposons et que la commission a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
(Les amendements identiques nos 359, 1308 et 1842 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 1306, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir cet amendement.
M. Hendrik Davi
Déposé par mon collègue Nicolas Thierry, il suit les recommandations de l’OMS, des associations de lutte contre les addictions et de nombreux médecins, qui soutiennent qu’il faut aller vers l’arrêt de la consommation de tabac, responsable de 75 000 décès chaque année en France. Or des études de l’OMS attestent qu’une hausse de 10 % des prix du tabac permet une baisse de la consommation de 4 %. On sait depuis 1958 que le tabac est mortel, même si les industriels ont essayé pendant des décennies de masquer cette vérité. Maintenant, tout le monde doit le savoir et nous devons essayer d’en finir avec cette terrible addiction qui est la première cause de mortalité en France. (Mme Lisa Belluco applaudit.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Après l’alcool, nous commençons à parler du tabac. La lutte contre le tabagisme mobilise plusieurs députés de notre commission, à commencer par son président, qui a organisé une table ronde à ce sujet le 24 septembre. Au vu des dégâts du tabac en termes de santé publique, je ne doute pas de la sincérité de M. Davi. Toutefois, le prix moyen d’un paquet de cigarettes a déjà connu des augmentations importantes : de 6,08 euros en 2017, il est passé à 12,53 euros en 2025. De plus, cette trajectoire est appelée à se poursuivre puisqu’il me semble que le gouvernement envisage de le porter à 13 euros en 2027. En revanche, le montant des taxes collectées diminue : il était de 13,68 milliards d’euros en 2023, on sera à 12,49 milliards cette année et on anticipe 11,8 milliards pour 2026. On voit donc bien les limites de l’approche fiscale : une augmentation continue du prix du tabac ne se traduit pas forcément en hausse des recettes mobilisables pour financer les politiques de santé.
D’autre part, la fermeture des frontières pendant la période du covid a montré que la hausse antérieure des prix avait incité les fumeurs à se fournir à l’étranger – pour les Lorrains comme moi, au Luxembourg.
M. Pierre Cordier
Bien sûr ! Les gens traversent la frontière ! Il faut créer des postes de douaniers, monsieur Bazin !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Toute augmentation de prix provoque un transfert des achats dans des pays voisins où le tabac est moins cher. Le phénomène, qui existera tant qu’une harmonisation fiscale européenne n’aura pas eu lieu, est massif. Ainsi, dès après le déconfinement, les ventes du côté français de la frontière ont chuté de 30 à 40 %.
Le levier fiscal ne me paraît pas très adapté non plus pour lutter contre le tabagisme des jeunes. Nos collègues écologistes imaginent un paquet à 25 euros en 2032. (M. Laurent Jacobelli s’esclaffe.) C’est un prix énorme qui pourrait pousser les jeunes à se fournir sur des marchés parallèles ou à acheter des produits de moindre qualité, voire des stupéfiants, qu’il ne faut surtout pas consommer. Si le levier fiscal a pu produire des effets, on en atteint désormais les limites et je pense qu’il faut être prudent. Avis défavorable à cet amendement qui a été rejeté par la commission.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je rappellerai quelques chiffres et quelques faits, afin que tout le monde comprenne les importantes évolutions qui sont intervenues depuis deux ans. Le prix du tabac a augmenté de 15 % en 2024, le prix du paquet type de cigarettes s’élevant à 12 euros, dont un euro pour le buraliste, un autre pour le fabricant, la fiscalité représentant près de la moitié de ce prix. Cela a entraîné une baisse du volume des ventes de 7 % par an entre 2017 et 2024. Aujourd’hui, le taux de prévalence du tabagisme a fortement baissé : chez les 18-75 ans, seuls 16 % des femmes et 20 % des hommes fument, contre à 30 % à 40 % environ dans les années 2000.
Les prix et les accises sur le tabac augmentent chaque année au rythme de l’inflation. Ils connaissent donc une tendance annuelle à la hausse – elle sera de 1,1 % en 2025. Les taux d’accise représentent déjà plus de la moitié du prix payé. Comparés aux autres pays européens, nous nous situons parmi les pays pratiquant les prix les plus élevés – je me réfère à une liste de prix moyens par marque de cigarettes : un paquet, d’une marque assez connue, est vendu 12,50 euros en France, 9,90 euros en Belgique, 17 euros au Royaume-Uni, 15 euros en Irlande, 14 euros en Norvège.
Vous avez tout à fait raison sur un point – il s’agit d’un des piliers de mon action en tant que ministre de tutelle des buralistes, et à ce titre chargée des questions relatives à la vente de tabac : le tabac est un enjeu européen. M. le président de la commission des affaires sociales, Frédéric Valletoux, ici présent, déposera d’ailleurs dans les prochains jours une proposition de résolution européenne pour nous aider à muscler la position française. Une nouvelle directive est en discussion, qui tend à harmoniser la fiscalité sur le tabac au niveau européen.
M. Pierre Cordier
Bien sûr !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Vu les quantités de tabac en circulation sur notre sol, les usines clandestines de cigarettes et le travail que tout cela représente pour les douaniers, nous voulons revenir à la règle d’une seule cartouche de cigarettes par personne franchissant une frontière intra-européenne. Son assouplissement à quatre cartouches a entraîné des conséquences assez massives sur les volumes de vente des départements transfrontaliers, notamment ceux qui sont proches de l’Allemagne, du Luxembourg, de l’Espagne ou de la Belgique. Il s’agit d’une mesure essentielle.
Le président Valletoux vous exposera certainement sa proposition, qui vise à s’assurer que les volumes de cigarettes livrées par pays correspondent à la consommation, afin de ne pas encourager de facto une forme de trafic.
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Je soutiens !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Notre engagement contre le tabagisme est total. Nous poursuivons la hausse des prix, qui a déjà été massive, mais votre amendement ne me semble pas le plus pertinent pour lutter contre ce fléau, qui tue, qui crée des cancers et qui doit donc rester une priorité de santé publique.
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Chenu.
M. Sébastien Chenu
J’entends les arguments qui ont été avancés, mais, venant de nos collègues de gauche, je trouve qu’ils sont assis sur une énorme hypocrisie. En effet, vous vous appuyez sur des arguments de santé publique en faveur de la lutte contre les addictions, soulignant la toxicité des produits en question. En parallèle, j’entends ce que vous dites hors de l’hémicycle et même en son sein : vous êtes favorables à la légalisation de certaines drogues.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Pas moi !
M. Sébastien Chenu
Vos arguments sont donc hypocrites. Vous êtes en train de faire naître une fiscalité de la facilité et de l’hypocrisie, dont – vous le savez bien – les premières victimes seront les catégories les plus populaires. Vous êtes surtout en train d’œuvrer au grand remplacement des addictions dans notre pays, toujours plus difficiles à endiguer et dont les conséquences sont connues : vous allez encourager un marché clandestin du tabac et installer un marché officiel des drogues. Nous ne voulons pas de ça ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
S’il y a une personne qui, aux côtés des autres membres du gouvernement, combat le narcotrafic, c’est bien la ministre que je suis. Avec les douaniers et les services de renseignement placés sous mon autorité, je combats toutes les drogues, qui tuent les Français.
M. Sébastien Chenu
Je ne parlais pas de vous, mais de la gauche !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Aujourd’hui, grâce à la loi visant à lutter contre le narcotrafic, que vous avez soutenue, nous saisissons des tonnes de cocaïne et d’autres produits stupéfiants. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
On ne parle pas de vous ! Vous êtes de gauche ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Les opérations destinées à contrôler les flux qui arrivent sous forme de petits colis, comme celle que nous avons menée hier à Roissy, sont essentielles, car ces flux recèlent des quantités très importantes de produits excessivement dangereux. La lutte contre le narcotrafic devrait nous unir au lieu de susciter des polémiques : ne laissez pas entendre à nos concitoyens que nous voudrions légaliser je ne sais quel produit, alors que notre détermination est totale !
Plusieurs députés du groupe RN
Il parlait de la gauche !
Mme la présidente
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Hendrik Davi
Entre 2018 et 2022, les prix du tabac ont augmenté – c’est l’un des rares secteurs dans lesquels le macronisme s’est montré courageux, il faut le reconnaître –, ce qui a entraîné une baisse, assez forte, de la consommation. Notre amendement vise donc à vous pousser à persévérer dans cette politique.
Pour répondre à M. Bazin, l’objectif principal des taxes comportementales – même si je n’aime pas ce terme – n’est pas seulement de rapporter de l’argent à la sécurité sociale, mais de faire évoluer les comportements. Par conséquent, le fait que le rendement d’une telle taxe baisse, sous l’effet de la diminution de la consommation d’alcool et de tabac, est une bonne nouvelle.
Quant aux approvisionnements transfrontaliers et aux ventes à la sauvette, ils ne représentent respectivement que 15 % et 1 % de la consommation. Je le précise, car l’industrie du tabac fait circuler des chiffres erronés, sans fondement scientifique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Mme Ségolène Amiot
Nous ne sommes pas favorables aux taxes comportementales, mais cela ne manque pas de sel d’entendre le Rassemblement national se plaindre de tout ce que nous proposons, sans rien proposer contre les addictions, en particulier contre le tabac. (M. Christophe Bentz s’exclame.)
M. Jean-François Coulomme
Rien ! Zéro !
Mme Ségolène Amiot
Je souhaite interpeller le gouvernement sur un point : au-delà des taxes, il existe des mesures de prévention et d’accompagnement, qui relèvent de la santé mentale et de l’addictologie. Or aujourd’hui, en France, ces domaines ne reçoivent plus assez d’argent : l’hôpital public est insuffisamment financé, la psychiatrie est abandonnée et les addictologues ont besoin de renforts, sans parler des associations – elles sont toutes en train de mettre la clé sous la porte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Hendrik Davi applaudit également.)
Avant d’augmenter les taxes, il conviendrait peut-être d’orienter les sous vers la santé mentale des Françaises et des Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Lauzzana.
M. Michel Lauzzana
Le Rassemblement national justifie une attitude dilatoire au moyen d’un raisonnement un peu excessif : il condamne ceux qui veulent taxer un peu plus le tabac en affirmant qu’ils voudraient autoriser toutes les drogues. Ce n’est du moins pas mon cas.
M. Sébastien Chenu
Je ne parlais pas de vous !
M. Michel Lauzzana
J’ai défendu une proposition de loi, d’ailleurs adoptée à l’unanimité, qui visait à lutter contre les cigarettes électroniques jetables. Elle a ensuite été reprise au sein du programme national de lutte contre le tabac. Celui-ci a porté ses fruits, puisque la consommation de tabac chez les jeunes a beaucoup baissé. Or il est vrai que la hausse des prix y a contribué. Est-ce une raison pour les augmenter beaucoup plus ? La trajectoire pluriannuelle d’augmentation des prix qui avait été définie me semble déjà suffisante. Je préconiserai donc de nous en tenir là.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Je souhaite d’un mot remercier la ministre pour ses propos. Il me semble que nous pouvons faire œuvre utile en matière de lutte contre le tabac en adoptant des positions, dont j’ignore si elles seront consensuelles, mais qui recueilleront sans doute l’assentiment une forte majorité.
Le 26 novembre prochain, aura lieu, à l’initiative du groupe Horizons, un débat sur une proposition de résolution européenne, tout à fait conforme à ce que disait Mme Le Pen de la nécessité de lutter contre les marchés parallèles et la contrebande. Sans doute l’Assemblée nationale et le gouvernement pourront-ils œuvrer main dans la main sur cette question.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1306.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 192
Nombre de suffrages exprimés 157
Majorité absolue 79
Pour l’adoption 34
Contre 123
(L’amendement no 1306 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l’amendement no 1667 rectifié.
Mme Mathilde Panot
Cet amendement vise tout simplement à faire appliquer le principe pollueur-payeur, puisqu’il tend à faire davantage contribuer les producteurs de pesticides, en vue d’une meilleure indemnisation des victimes de ces pesticides. Je précise qu’il a été déposé par notre collègue Mathilde Hignet, qui était ouvrière agricole avant de devenir députée et qui est à l’origine d’une proposition de loi élaborée avec les collectifs de soutien aux victimes des pesticides.
Entre 2020 et 2023, 1 970 agriculteurs ont déposé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle. En 2013, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a établi l’existence d’un lien entre l’exposition des enfants de riverains des zones d’épandage et la survenue de leucémies, de tumeurs cérébrales, de malformations congénitales et de troubles neurodéveloppementaux. (M. Damien Maudet applaudit.)
Le fonds d’indemnisation des victimes est financé par une contribution de la branche accident du travail et maladie professionnelle (AT-MP) de la sécurité sociale et par une fraction de la taxe sur les ventes de pesticides, fixée à 0,9 % par décret, alors même que les fabricants seraient parfaitement capables de financer l’intégralité de ce fonds.
Un mouvement rassemblant plus de 2 millions de citoyens l’a rappelé cet été : le cancer est une maladie politique ! Il faut donc faire contribuer davantage ceux qui créent autant de dommages pour la santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre
Avis défavorable.
Je profite de la discussion de cet amendement pour informer l’Assemblée que le décret portant création du registre des cancers, en faveur duquel vous avez voté, est en cours d’examen par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Il passera ensuite devant le Conseil d’État, de sorte que ce registre devrait voir le jour début janvier 2026.
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Je soutiens cet amendement visant à augmenter le fonds d’indemnisation des victimes de pesticides, dont je rappelle avec fierté que le groupe socialiste est à l’origine. Au terme d’une démarche transpartisane, nous avions inscrit la proposition de loi portant sa création à l’ordre du jour de notre niche parlementaire. La ministre Agnès Buzyn l’avait ensuite reprise au sein d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Aujourd’hui, ce fonds manque moins de crédits – il faut bien sûr les renforcer – que de publicité. J’interpelle, madame la ministre : le silence de la presse quotidienne régionale et de la presse agricole constitue un vrai problème pour ce fonds peu connu. Pour avoir visité le centre hospitalier universitaire (CHU) d’Amiens, qui est en pointe en matière de politique de santé publique et de détection des liens entre cancers pédiatriques et exposition aux pesticides, je peux vous dire que les questions d’imputabilité, le manque d’information ainsi que d’autres facteurs culturels demeurent un vrai problème. C’est pourquoi les crédits que vous sollicitez seraient bienvenus pour améliorer la formation agricole et permettre de mieux identifier les contaminations, notamment in utero, afin de les prévenir et de mieux les indemniser. (M. Pierre Pribetich applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme Mathilde Panot
Madame la ministre, je suis surprise que vous n’avanciez aucun argument pour motiver votre avis défavorable, alors qu’il s’agit d’un sujet aussi important.
J’insiste : non seulement les problèmes dont M. Potier a parlé à l’instant sont pendants, mais l’administration de ce fonds d’indemnisation est confiée à un conseil de gestion, où des industriels fabriquant des pesticides siègent au même titre que les représentants des victimes, ce qui est un scandale !
M. Hadrien Clouet
Scandaleux !
Mme Mathilde Panot
Pour ne citer que lui, le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante n’a confié sa gestion qu’à des représentants desdites victimes, et certainement pas des industriels de l’amiante. Je vous interpelle sur ce scandale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Au travers de cet amendement, nous demandons seulement que ce ne soit pas le régime AT-MP qui paie pour les cancers qui ont été provoqués par les industriels des pesticides. C’est tout de même la moindre des choses que de faire en sorte que ce fonds soit entièrement abondé par ceux qui sont responsables du préjudice. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Madame Panot, les recettes affectées à ce fonds sont suffisantes : l’année dernière, ses recettes s’élevaient à 20 millions d’euros pour 18 millions de dépenses, et, surtout, il dispose de 20 millions d’euros de réserves. Cette somme devrait permettre de traiter le problème de publicité et de tenir deux ans au moins. Nous pourrons réexaminer la question, si des difficultés de financement se présentent.
(L’amendement no 1667 rectifié n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l’amendement no 636.
Mme Marie-Charlotte Garin
Nous vous proposons ici la création d’un toxiscore, un peu sur le modèle du nutriscore ; ce serait un moyen de faire connaître la toxicité et la dangerosité des produits ménagers, à la fois pour la santé humaine et pour l’environnement. On sait que certains d’entre eux produisent une part importante de la pollution intérieure, ce qui engendre des problèmes de santé – je pense en particulier à l’asthme, aux allergies et aux perturbateurs endocriniens. Une telle mesure permettrait d’éclairer le consommateur.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre
C’est un sujet essentiel et je rappelle d’ailleurs que les pièces d’un logement doivent être aérées le plus possible. Cependant, je vous propose d’y travailler ensemble avant d’adopter un tel amendement, auquel je ne suis pas encore en mesure réserver un avis favorable.
(L’amendement no 636 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 404 et 940, je suis saisie par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 404.
M. Hendrik Davi
En 1997, 8,5 % des Français étaient en situation d’obésité ; aujourd’hui, ils sont 17 %. Mais il y a plus grave : ce chiffre est passé de 2 % à 9 % chez les moins de 25 ans, ce qui représente une multiplication par quatre ! Nous faisons donc face à problème de santé publique, car l’obésité entraîne des problèmes sanitaires. L’amendement vise ainsi à taxer de 10 % les publicités sur les produits trop sucrés ou trop salés. Une telle mesure ne toucherait pas le consommateur : elle s’attaquerait aux industriels et aux publicitaires.
J’ajoute que je suis choqué – j’espère que vous l’êtes toutes et tous – de voir que des publicités promeuvent des produits ultrasucrés en s’adressant notamment à nos enfants, entre deux dessins animés ; c’est absolument inadmissible et nous devrions tous y être sensibles.
Mme la présidente
La parole est à Mme Karen Erodi, pour soutenir l’amendement no 940.
Mme Karen Erodi
Taxons la publicité sur la malbouffe ! C’est une mesure de santé publique. L’OMS établit un lien entre l’obésité, de plus en plus présente chez les enfants, et la commercialisation de produits alimentaires trop riches en gras et en sucre. En un an, le nombre de personnes traitées pour le diabète a augmenté de 160 % ; dans le même temps, environ 30 % des personnes dont les revenus sont faibles déclarent ne pas avoir les moyens de manger sainement. Les études le montrent : ces mêmes personnes ont plus de mal que les autres à dégager du temps pour une activité physique ; elles vivent souvent en zone alimentaire désertique – ces quartiers moins pourvus en accès aux fruits et légumes de qualité – et sont surexposées aux produits moins chers mais surtransformés et de mauvaise qualité.
Ces publics cibles sont des proies pour les industriels que vous n’incitez jamais à assainir leurs marchandises, alors que le sucre et le gras sont leur fonds de commerce. Au contraire, les annonceurs ont accru les pressions publicitaires sur les produits alimentaires riches en sucre, en sel et en matière grasse. Une autre étude démontre que le système alimentaire coûte plus de 12 milliards au système de santé, et ce chiffre serait même sous-évalué. Miser sur la bonne volonté des industriels est un échec ; à défaut de les interdire, mettre à contribution leurs publicités agressives et incitatives est donc primordial voire vital. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Mme Ségolène Amiot
Il faut bien se rendre compte que depuis les années 1950, des dizaines d’études de neurosciences ont expliqué comment la publicité agit sur nos cerveaux ; elles ont même donné un mode d’emploi aux industriels. Nous, parlementaires, devrions nous saisir de cette littérature scientifique pour fixer des limites et réguler cette publicité, notamment lorsqu’elle vise nos enfants. Les seules personnes qui utilisent ces études, ce sont pourtant les industriels et les publicitaires, qui s’en servent pour vendre toujours plus de produits, y compris et surtout les plus malsains, à destination de nos enfants.
Nous avons déjà examiné de nombreux textes visant à protéger l’enfance ; en l’occurrence, c’est la première des protections que nous devrions instaurer. Nous pourrions tous nous entendre sur ce sujet.
Mme la présidente
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Taxer ces publicités est en effet un choix de santé publique, car les produits qu’elles promeuvent peuvent provoquer des dégâts sur la durée. S’agissant de l’obésité, j’ajoute que les produits ultrasucrés induisent des risques épigénétiques, c’est-à-dire que des gens nés sans le gène de l’obésité peuvent, une fois devenus obèses, le transmettre aux générations futures. Ne pas taxer les programmes publicitaires qui ne prennent pas en compte cette réalité, c’est donc mettre en péril les générations futures d’autant que, comme l’a dit mon collègue Hendrik Davi, l’obésité a quadruplé ces dernières années chez les jeunes et risque encore d’augmenter beaucoup si nous ne faisons rien. (M. Hendrik Davi applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
Sur le papier, lutter contre la malbouffe au nom de la santé publique est séduisant. J’avais d’ailleurs, dans un premier temps, déposé un sous-amendement à l’amendement de Mme Rousseau pour taxer ces publicités à 3 % plutôt qu’à 10 %, mais je l’ai finalement retiré, et ce pour deux raisons. Premièrement, les politiques de la taxe pour la taxe trouvent leurs limites. C’est valable aussi bien pour l’alcool que pour le tabac, le sucre ou le gras : un effet peut se faire sentir au démarrage mais on se retrouve très vite sur un plateau. Ces politiques de taxation s’avèrent donc en grande partie inefficaces.
Deuxièmement, taxer la malbouffe peut sembler séduisant quand il s’agit par exemple d’une grande entreprise américaine de restauration rapide – que je ne citerai pas mais qui nourrit mal notamment nos enfants –, mais ces amendements incluent aussi nos producteurs français du terroir, notamment les fromagers. Leurs produits sont gras, certes, mais une telle mesure contribuerait à détruire une filière française. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme Ségolène Amiot
Mais arrêtez !
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 404 et 940.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 159
Nombre de suffrages exprimés 158
Majorité absolue 80
Pour l’adoption 59
Contre 99
(Les amendements identiques nos 404 et 940 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 377, je suis saisie par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Hendrik Davi, pour le soutenir.
M. Hendrik Davi
Nous en revenons à l’alcool, qui est responsable de 49 000 morts prématurées par an et constitue la deuxième cause de cancer évitable. La consommation d’alcool est aussi présente dans un féminicide sur deux, et le risque de provoquer un accident mortel est multiplié par dix-huit chez les conducteurs alcoolisés.
Pour lutter plus efficacement contre ce fléau, nous proposons ici d’instaurer un prix minimum par litre d’alcool. Une telle mesure a été appliquée depuis 2018 en Écosse, où un prix plancher a été fixé à 0,50 livre sterling par unité d’alcool. L’évaluation produite par les pouvoirs publics écossais montre une baisse des ventes concentrées chez les plus gros consommateurs ainsi qu’une diminution des décès et des hospitalisations directement attribuables à l’alcool, mais sans impact significatif sur l’industrie.
L’application de cette mesure à la France a fait l’objet de modélisations qui ont montré qu’elle pourrait faire réduire de 15 % les volumes achetés et de 22 % la mortalité ; en outre, les profits des producteurs indépendants augmenteraient de 39 % tandis que ceux des grands industriels et distributeurs baisseraient de près de 40 %. Voilà qui devrait vous faire réfléchir !
M. Alexis Corbière
Bravo !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve
Vous confondez le vin et l’abus de vin, l’alcool et l’abus d’alcool ! (Sourires et exclamations sur divers bancs.) Stigmatiser nos viticulteurs ne me paraît pas être une bonne chose. Par ailleurs, votre idée brillante – encore une nouvelle taxe, même si vous utilisez un faux nez – consiste à instaurer un prix minimum : vous allez ainsi pénaliser les boissons peu alcoolisées, d’entrée de gamme, et pas du tout les boissons très alcoolisées que sont le gin, le whisky ou d’autres spiritueux.
Enfin, je crois que nos viticulteurs souffrent suffisamment de la déconsommation, des taxes qui se multiplient notamment aux États-Unis et en Chine et de l’image du vin que véhiculent certains Français – et certains d’entre vous. Je veux redire toute mon admiration pour la filière viticole, tout en précisant que chacun doit bien évidemment contrôler sa consommation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 377.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 161
Nombre de suffrages exprimés 138
Majorité absolue 70
Pour l’adoption 21
Contre 117
(L’amendement no 377 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 941, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour le soutenir.
Mme Ségolène Amiot
Nous avons déjà tous entendu la phrase suivante : « Il a perdu l’équivalent de son loyer aux courses. » Tout le monde est conscient que parier sur les courses hippiques, c’est jouer à un jeu d’argent et de hasard.
M. Emeric Salmon
C’est l’économie, enfin !
Mme Ségolène Amiot
Pourtant, cette activité n’est pas considérée comme telle, puisqu’elle n’est pas soumise à la contribution des opérateurs de jeu d’argent et de hasard au financement des dépenses d’assurance maladie. L’addiction aux paris hippiques appartient néanmoins à la catégorie des addictions aux jeux d’argent : pour en sortir, les personnes touchées ont besoin du même type d’accompagnement en addictologie, et elles sont en proie aux mêmes difficultés – anxiété, perte d’estime de soi, problèmes d’argent.
Il est donc grand temps d’inclure à nouveau les courses hippiques dans les jeux d’argent et de hasard pour les faire participer au financement de la sécurité sociale. (Mme Élisa Martin applaudit.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Nous allons achever la séance avec une énième taxe, comme nous en avons examiné beaucoup depuis le début de la semaine. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Jérôme Guedj
Ça s’appelle la partie recettes du PLFSS !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Vous revenez sur le sujet des paris hippiques. Nous avons décidé, l’an dernier, de les exclure de l’assujettissement à cette contribution, parce que la filière concernée est au cœur d’enjeux essentiels.
M. Emeric Salmon
Eh oui !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Une mission a d’ailleurs été confiée à Éric Woerth sur ce sujet.
M. Jean-François Coulomme
Ben voyons !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Cela n’enlève rien au fait que les addictions au jeu doivent être combattues, mais la filière hippique est pourvoyeuse d’emplois directs et indirects dans nos territoires ; je vous rappelle aussi qu’il s’agit du premier sport féminin en France et que les paris servent à financer des équipements et des formations dont bénéficient tous les territoires.
M. Emeric Salmon
Ils n’aiment pas les chevaux ! Ils veulent les tuer ! Ils veulent faire des steaks avec les chevaux !
M. Thibault Bazin, rapporteur général
Si nous adoptions votre amendement, nous porterions donc atteinte à toute une filière. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous pouvez vous en moquer mais c’est une affaire très sérieuse, qui mérite notre respect et notre considération.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Les paris hippiques font déjà l’objet d’une taxation importante : 27 % sur les points de vente physiques et 52 % sur les paris hippiques en ligne.
Mme Ségolène Amiot
Ces taxes ne profitent pas à la sécurité sociale !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le bénéfice du PMU, contrairement aux autres jeux de hasard, a pour objectif, au-delà de ce qui est versé au budget de l’État, de financer la filière hippique elle-même. Celle-ci représente 15 000 emplois qui, dans tous nos territoires, permettent non seulement l’élevage et la sélection mais aussi l’accompagnement.
Mme Élisa Martin
Remplacez les chevaux par des lapins, ça coûtera moins cher !
M. Alexis Corbière
6,6 milliards d’euros de mises l’an dernier !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je peux vous dire que l’entreprise PMU ne va pas bien.
M. Alexis Corbière
6,6 milliards !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ce sont 100 millions d’euros de moins qui ont été versés à tous les acteurs de la filière hippique cette année. Certains d’entre vous viennent de Normandie, par exemple de l’Orne et d’autres territoires où cette filière a une emprise particulièrement importante ; je vous confirme que le gouvernement a demandé à Éric Woerth, il y a quelques mois, de préfigurer une nouvelle stratégie pour qu’elle ne pâtisse pas d’un changement de génération mais aussi de pratiques. On dit parfois que l’eau paie l’eau ; en l’espèce, le cheval paie le cheval. C’est une mécanique vertueuse que nous voulons soutenir.
Mme la présidente
La parole est à Mme Élisa Martin.
Mme Élisa Martin
Ce que vous dites est tout à fait inexact. Vous confondez, évidemment à dessein, les jeux d’argent et la filière équine, alors que les enjeux dans ces deux domaines sont distincts.
Le secteur des jeux et des paris est en plein développement. On compte dans notre pays 14 000 points PMU et 235 hippodromes. Des stratégies marketing particulièrement bien rodées sont déployées, notamment en direction des familles et des jeunes, aussi bien dans les hippodromes et les points PMU que sur internet. Sur les chaînes dédiées, on peut voir une course toutes les quinze minutes de midi à 20 heures ! Comment osez-vous nous servir un tel discours ? Franchement, les bras m’en tombent ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
Vous voulez détruire l’économie française !
Mme Élisa Martin
Il va de soi que ces logiques marketing provoquent des pratiques problématiques.
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Huyghe.
M. Sébastien Huyghe
Renseignez-vous, madame Martin : le PMU va très mal, l’ensemble de la filière équine est en grand danger et ses 60 000 emplois salariés sont menacés.
M. Xavier Breton
Tout à fait !
M. Sébastien Huyghe
Pour lutter contre les addictions, il existe d’autres moyens que la sanction fiscale.
Mme Élisa Martin
Ce n’est pas une sanction fiscale ! Tu casses, tu payes, tu répares ! D’ordinaire vous aimez bien ce slogan !
M. Sébastien Huyghe
On peut faire de la prévention. Une fois de plus, vous faites de la discrimination sociale : les gens les moins fortunés ne pourront plus faire leur petit PMU du dimanche (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP), alors que ceux qui en ont les moyens pourront continuer à jouer – sans pour autant que cela devienne une addiction.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 941.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 150
Nombre de suffrages exprimés 148
Majorité absolue 75
Pour l’adoption 42
Contre 106
(L’amendement no 941 n’est pas adopté.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument, pour un rappel au règlement. Sur le fondement de quel article du règlement le formulez-vous ?
M. Antoine Léaument
L’article 70, alinéa 2, relatif à la scène tumultueuse.
Tout à l’heure, il a été question de divers fromages. Pour bien finir la soirée, je voudrais dire que nous avons entendu une abondance d’arguments – des arguments beaux, forts et même brillants. Mais j’ai parfois eu l’impression que certains en faisaient tout un fromage. J’oserais même dire que d’aucuns en ont fait des « tommes », parlant d’une voix rauque, fort, nous prenant même pour des bleus, nous accusant de… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Quelques députés du groupe LFI-NFP applaudissent ce dernier.)
Mme la présidente
Merci, monsieur Léaument. Je suppose que c’est votre manière de nous souhaiter à tous une bonne nuit ; c’est très aimable à vous !
M. Antoine Léaument
Je n’avais pas fini !
Un député du groupe RN
Quel guignol !
Mme la présidente
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra