Question de : Mme Christine Engrand
Pas-de-Calais (6e circonscription) - Rassemblement National

Mme Christine Engrand attire l'attention de Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur l'absence de réglementation et d'encadrement concernant les produits à base de nicotine sans tabac, notamment les sachets de nicotine. Ces produits, largement utilisés dans certains pays comme la Suède et de plus en plus répandus à travers l'Europe, offrent une alternative intéressante au tabagisme traditionnel, qui demeure une cause majeure de mortalité et de morbidité en France. Selon Santé publique France, en 2023, le taux de fumeurs réguliers en France reste préoccupant, stagnant autour de 24 %, un des plus élevés de l'Union européenne tandis que des pays comme la Suède ont réussi à réduire de manière significative cette prévalence, avec seulement 5,6 % de fumeurs sur cette même année. Dans ce pays, l'utilisation des sachets de nicotine, montre qu'il est possible de diminuer considérablement le nombre de fumeurs sans interdire l'accès à la nicotine elle-même. Il est important de rappeler que la nicotine, bien qu'addictive, n'est pas en soi la cause des maladies liées au tabagisme, comme le soulignent de nombreux experts de la réduction des risques, y compris ceux du rapport « No Smoke Less Harm » portant sur les effets du tabac, publié le 8 mai 2024. Ce rapport insiste sur la nécessité de changer de paradigme en matière de lutte contre le tabagisme en distinguant les effets nocifs de la combustion du tabac de ceux de la nicotine elle-même, qui n'est ni cancérigène ni responsable des pathologies les plus graves associées au tabac. Le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande ont également pris des mesures pour encourager des pratiques alternatives, comme le vapotage, afin de réduire rapidement et efficacement les taux de tabagisme. En France, en revanche, il n'existe pas encore de stratégie claire visant à promouvoir des alternatives plus sûres à la consommation de tabac. Comme le montrent de nombreux spécialistes, il ne s'agit pas de choisir entre tout interdire ou tout autoriser, mais plutôt de trouver un équilibre en prenant en compte le danger réel émis par chaque produit. En France, les alternatives à la cigarette comprennent déjà les patchs de nicotine disponibles en pharmacie, les cigarettes électroniques ou e-cigarettes vendues chez les buralistes et dans les vape shops, mais aussi les sachets de nicotine, encore peu connus et non encadrés par la législation. Il convient de noter que ces sachets ne doivent pas être confondus avec le SNUS, un produit contenant du tabac, interdit en France, ou avec la Nicorette, un produit pharmaceutique destiné au sevrage tabagique. Mme la députée rappelle que le nombre de décès liés au tabac reste préoccupant avec 70 000 morts par an dans le pays. C'est pourquoi elle lui demande si elle prévoit la mise en place d'un référentiel qualité et un véritable cadre juridique pour la distribution des produits à base de nicotine sans tabac, comme les sachets de nicotine, en France. Ce référentiel permettrait d'encadrer leur composition et de fixer des limites strictes, le cadre juridique devrait quant à lui permettre d'éloigner les jeunes de la consommation de ces produits et de la cantonner à une stricte alternative à la consommation de tabac. Elle souhaite connaître sa position sur le sujet.

Réponse publiée le 16 septembre 2025

Depuis 2022, on assiste à l'émergence d'un marché de produits sans tabac contenant de la nicotine, en particulier des sachets (« pouches ») à placer sur la gencive, ainsi que sous forme de perles, gommes, billes. La facilité de consommation des produits nicotiniques à usage oral, couplée à leur marketing attractif, créent un environnement propice à la surconsommation, en particulier pour les plus jeunes, pouvant entraîner des effets sanitaires graves. Le développement de ce nouveau marché représente un nouveau défi dans la politique de prévention des addictions, en particulier celle à la nicotine. Rappelons, qu'outre son caractère addictogène, la nicotine a, elle même, des effets délétères pour la santé, en particulier chez les jeunes jusqu'à 25 ans. La consommation de nicotine affecte le cerveau et entraîne des problèmes de concentration et d'apprentissage de nouvelles compétences, deux aspects essentiels au développement des adolescents et des jeunes adultes. De plus, la nicotine peut affecter le bien-être mental, provoquant une dépression et des troubles cognitifs. Les enfants et les adolescents sont plus sensibles aux effets secondaires négatifs de la consommation de nicotine et sont également plus sujets à la dépendance que les adultes. Des effets sur le système cardiovasculaire et digestif ont également été répertoriés. Qui plus est, ces nouveaux produits contiennent parfois des doses très élevées de nicotine, ainsi que d'autres ingrédients et arômes dont les effets et risques combinés sur la santé sont inconnus. La nicotine est classée comme ayant une toxicité aiguë au niveau européen, et les préparations contenant plus de 0,1 % m/m (soit approximativement 1 mg/ml) doivent mentionner sur l'étiquette : « mortel par contact cutané », « toxique en cas d'ingestion » et « mortel en cas d'ingestion ». Elle est aussi classée d'un point de vue environnemental comme « dangereuse pour le milieu aquatique », « toxique pour les organismes aquatiques, entraine des effets néfastes à long terme ». La diffusion progressive de ce type de produits sur le territoire français a d'ailleurs conduit à une augmentation très significative des cas d'intoxication signalés aux centres antipoison. Ainsi, dans un rapport publié le 30 novembre 2023, l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail recense 131 cas d'intoxication liés à des produits à usage oral contenant de la nicotine en 2022 contre 19 en 2020, chiffres vraisemblablement sous-estimés. La majorité des personnes intoxiquées à la suite de leur consommation était des adolescents entre 12 et 17 ans qui s'étaient intoxiqués dans le cadre d'une consommation intentionnelle. Ces adolescents présentaient des syndromes nicotiniques aigus parfois sévères : vomissements prolongés avec risque de déshydratation, convulsions, troubles de la conscience, hypotension ayant nécessité un remplissage vasculaire. Ces éléments ont permis de conclure aux dangers sanitaires graves et avérés de ces produits et ont amené le Gouvernement à la décision de les interdire. Un projet de décret a été élaboré dans ce sens et notifié à la Commission européenne fin février 2025. Ce dernier prévoit d'interdire diverses opérations concernant les produits à usage oral contenant de la nicotine, dont la production, l'importation, la détention, la cession et l'offre, en vertu de l'article L. 5132-8 du code de la santé publique. Une période de statu quo a dû être respectée, permettant aux Etats membres et à la Commission européenne d'adresser à la France leur avis sur ce projet de réglementation. Suite à ce statu quo, le décret relatif à l'interdiction des produits à usage oral contenant de la nicotine a été publié le 5 septembre 2025.

Données clés

Auteur : Mme Christine Engrand

Type de question : Question écrite

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Santé et accès aux soins

Ministère répondant : Santé et accès aux soins

Dates :
Question publiée le 15 octobre 2024
Réponse publiée le 16 septembre 2025

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