Statut juridique des animaux de compagnie dans le cadre du transport aérien
Question de :
M. Thomas Ménagé
Loiret (4e circonscription) - Rassemblement National
M. Thomas Ménagé interroge M. le ministre des transports sur les conséquences de l'arrêt rendu le 16 octobre 2025 par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans l'affaire C-218/24, Felicisima c/ Iberia Lineas Aereas de Espana SA Operadora Unipersonal et IATA Espana SLU. Dans cette décision, la CJUE a interprété la convention de Montréal du 28 mai 1999, relative à l'unification de certaines règles concernant le transport aérien international, en jugeant que les animaux de compagnie ne sont pas exclus de la notion de « bagages » au sens de ces dispositions. En conséquence, les pertes ou dommages subis par des animaux transportés en soute ou en cabine relèvent du régime de responsabilité applicable aux bagages enregistrés, y compris la limitation d'indemnisation prévue à 1 288 droits de tirage spéciaux (DTS) par passager, soit environ 1 620 euros au taux actuel du fonds monétaire international (1 DTS = 1,26 euro au 18 octobre 2025). L'affaire à l'origine de cette décision concernait la perte, par la compagnie Iberia, d'un chien enregistré comme bagage lors d'un vol international. La passagère, qui réclamait une indemnisation pour son préjudice moral, avait vu la compagnie limiter son indemnisation à ce plafond. Saisie par la juridiction espagnole, la CJUE a confirmé que la convention de Montréal, en l'absence de disposition spécifique, assimile les animaux de compagnie à des bagages et ne prévoit pas de régime dérogatoire tenant compte de leur nature vivante et sensible. Cette solution suscite de nombreuses interrogations au regard des droits français et européen. La France, par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, a modifié l'article 515-14 du code civil pour reconnaître que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité » et que les dispositions relatives aux biens ne leur sont applicables que dans la mesure où elles ne leur sont pas contraires. Au niveau européen, l'article 13 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) impose à l'Union et aux États membres de tenir pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu'êtres sensibles, notamment dans le domaine des transports. Or l'arrêt du 16 octobre 2025 revient à appliquer aux animaux un régime juridique conçu pour des objets inanimés, ce qui semble contraire à cette reconnaissance de leur sensibilité bien que le droit international soit supérieur aux normes précitées. Il en résulte qu'en cas de perte ou de décès d'un animal durant un vol, le propriétaire ne peut obtenir qu'une indemnisation financière limitée, sans considération pour le préjudice affectif et moral subi. Cette situation soulève des difficultés tant éthiques que juridiques. D'un point de vue éthique, elle contrevient à l'évolution des attentes sociétales et à la reconnaissance croissante du lien affectif entre les propriétaires et leurs animaux. D'un point de vue juridique, elle met en lumière une incohérence entre le droit international du transport aérien, figé depuis 1999 et le droit interne français ainsi que le droit de l'Union relatifs au bien-être animal. La convention de Montréal, adoptée avant ces évolutions, visait à unifier les règles de responsabilité des transporteurs aériens et à préserver un équilibre entre les intérêts économiques des compagnies et les droits des passagers. Elle ne tient pas compte de la spécificité des animaux de compagnie, dont le transport relève désormais davantage de considérations éthiques et de sécurité que d'un simple transfert de biens. Le règlement (CE) n° 2027/97, modifié par le règlement (CE) n° 889/2002, a transposé cette convention dans le droit de l'Union, sans y apporter d'adaptation. En France, plusieurs associations de protection animale ont réagi à cet arrêt en demandant la création d'un statut juridique autonome pour les animaux de compagnie en transport aérien. Selon elles, le cadre actuel ne garantit ni la sécurité, ni la dignité des animaux, certaines pertes ou certains décès survenus en soute n'ayant donné lieu qu'à des compensations symboliques. Elles estiment qu'un régime spécifique devrait être instauré, fondé sur la reconnaissance du bien-être animal et sur la possibilité d'indemniser le préjudice moral distinctement du dommage matériel. Certains États non membres de l'Union, tels que le Canada et la Suisse, ont déjà engagé des réflexions sur la mise à jour des règles de la convention de Montréal dans ce domaine, notamment à la suite d'incidents médiatisés. Le Gouvernement, qui participe régulièrement aux discussions organisées sous l'égide de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), pourrait utilement promouvoir une initiative européenne en ce sens afin d'inscrire à l'ordre du jour de cette organisation une révision de la convention, ou, à défaut, encourager la Commission européenne à proposer une adaptation du règlement (CE) n° 2027/97 pour prévoir une dérogation relative aux animaux de compagnie. Une telle évolution permettrait d'harmoniser le droit international du transport aérien avec les principes contemporains de reconnaissance de la sensibilité animale et de protection des consommateurs, tout en assurant une meilleure lisibilité juridique pour les passagers et les compagnies. Il lui demande donc si, à la suite de cet arrêt, le Gouvernement compte prendre une initiative, au niveau européen ou international, en vue de faire évoluer la position retenue par la Cour de justice et de promouvoir un régime juridique distinct pour les animaux de compagnie transportés par voie aérienne, garantissant à la fois leur bien-être et une indemnisation adaptée en cas de perte, d'accident ou de décès.
Auteur : M. Thomas Ménagé
Type de question : Question écrite
Rubrique : Transports aériens
Ministère interrogé : Transports
Ministère répondant : Transports
Date :
Question publiée le 11 novembre 2025