Question écrite n° 1126 :
JOP 2024 : extension des « fichiers des résidents des zones de sécurité »

17e Législature

Question de : M. Ugo Bernalicis
Nord (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Ugo Bernalicis alerte M. le ministre de l'intérieur sur l'encadrement des données pouvant être recueillies par les « fichiers des résidents des zones de sécurité ». Le ministère de l'intérieur a pris un arrêté unique le 3 mai 2024 portant refonte de l'arrêté du 2 mai 2011 relatif aux traitements automatisés des données à caractère personnel dénommés « fichiers des résidents des zones de sécurité » créés à l'occasion d'un évènement majeur. Celui-ci octroie au directeur général de la police nationale, au directeur général de la gendarmerie nationale et au préfet de police de Paris des pouvoirs exorbitants du droit commun, à savoir l'autorisation de mise en œuvre des traitements de données de ces fichiers (article 1), en vue de l'élaboration du laissez-passer pour accéder aux zones définies préalablement par les autorités. Ainsi, pour circuler aux abords de la Seine de la rive droite à la rive gauche, du 13 au 26 juillet 2024, tous les citoyens ont eu donc l'obligation de s'enregistrer sur la plateforme de traitement en fournissant non seulement leur nom et prénom, mais aussi notamment photographie, justificatif de domicile et motifs d'un tel déplacement. En ce sens, M. le député partage les inquiétudes énoncées dans la délibération de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 25 avril 2024 portant sur le projet d'arrêté. Celle-ci relève que l'article 4 de l'arrêté précise les conditions d'accès et les destinataires des données, mais qu'aucun article n'encadre l'utilisation de ces données personnelles ; M. le député y voit une atteinte au droit à la vie privée d'autant plus inquiétante que cette collecte de données se déploie de manière concomitante à la vidéo surveillance automatisée (VSA). En outre, si l'arrêté ne rend finalement pas obligatoire la collecte des photographies, sa mise en place relève cependant de l'entière discrétion des autorités compétentes. Enfin, la durée de conservation de ces données (exceptées les pièces d'identité) s'étend bien au-delà de la fin des JOP, jusqu'au 3 décembre 2024, ce qui interroge M. le député sur l'usage ultérieur de ces bases de données. Cette même inquiétude a d'ailleurs été portée par Pierre-Eugène Burghardt, avocat au Barreau de Paris, à travers un article publié le 21 mai 2024 sur le site internet « Actu-Juridique » dans lequel il s'inquiétait de la régression des libertés individuelles à l'occasion des jeux Olympiques et Paralympiques 2024. Il dénonce l'instrumentalisation des JOP en tant que phase de test visant à préparer la société de contrôle voulue par le Gouvernement : caméras intelligentes, QR code, traçage et justification des déplacements puisque, pour les autorités chargées de la sécurité publique, toute action du citoyen, tout propos, tout déplacement est par nature suspect. Par ailleurs, M. le député relève que l'article 8-1 du décret entend étendre ces dispositions à l'ensemble du territoire national, y compris en Nouvelle-Calédonie, alors que ne s'y déroule aucune épreuve, laissant présager de la part du Gouvernement une volonté de pérennisation à l'issue des JOP. M. le député considère que le précédent ainsi créé est dangereux compte tenu de la récurrence à laquelle surviennent de grands évènements sportifs, dans la mesure où il existe un risque important que les conditions de collecte de ces données sensibles soient ultérieurement détournées à d'autres fins. Ainsi, il aimerait savoir dans quelle mesure M. le ministre entend confier l'évaluation a posteriori de l'usage de ce dispositif à une inspection indépendante et en publier le rapport ; tenir compte des recommandations formulées dans la délibération de la CNIL (précisions sur les conditions de réalisation des enquêtes administratives, limitation explicite de la collecte de la photographie aux évènements de cette ampleur) ; préciser les perspectives d'utilisation des données collectées et l'encadrement de cet usage en lien avec une conservation des données postérieure aux JOP ; confirmer ou infirmer la pérennisation du dispositif sur des évènements ultérieurs.

Réponse publiée le 3 juin 2025

L'arrêté du 2 mai 2011 relatif aux traitements automatisés de données à caractère personnel dénommés « fichiers des résidents des zones de sécurité » créés à l'occasion d'un événement majeur a pour finalité la gestion des titres permettant l'accès des personnes ou des véhicules aux zones à l'intérieur desquelles sont apportées des restrictions à la libre circulation et à l'exercice de certaines activités, afin de prévenir les troubles à l'ordre public et de garantir la sécurité d'un événement majeur. Cet arrêté constitue un acte-cadre au sens du IV de l'article 31 de la loi dite « informatique et libertés ». Il n'est pas spécifique au traitement mis en œuvre par la préfecture de police à l'occasion des jeux Olympiques et Paralympiques, mais autorise de manière générale la direction générale de la police nationale, la direction générale de la gendarmerie nationale et la préfecture de police à mettre en œuvre des traitements dans le respect du cadre qu'il fixe, après envoi d'un engagement de conformité à la CNIL. Ainsi, chacun de ces responsables de traitement peut mettre en œuvre tout ou partie du traitement autorisé par cet acte réglementaire.  La modification de cet arrêté, et notamment l'extension des données à caractère personnel dont il autorise la collecte, a été rendue nécessaire par le dispositif particulier mis en place pour garantir la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. En effet, le préfet de police de Paris a institué, à cette occasion, plusieurs périmètres autour de la cérémonie d'ouverture et des compétitions sportives au sein desquels des restrictions à la circulation des personnes et des véhicules ont été apportées, en particulier un périmètre de protection au sens de l'article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure. Par conséquent, le respect de certains de ces périmètres, et notamment de ce dernier, s'est appuyé sur un dispositif de « laissez-passer » dématérialisé destiné à permettre aux riverains et aux personnes ayant un motif légitime d'y accéder, à la condition de s'être préalablement enregistré sur la plateforme dédiée. Ainsi, l'arrêté du 3 mai 2024 prévoit la collecte de la photographie de la personne et la copie du titre d'identité pour permettre de sécuriser la délivrance du « laissez-passer ». En outre, afin de permettre à la préfecture de police de statuer sur les demandes d'accès, il a été prévu l'enregistrement des pièces justificatives et de la copie du certificat d'immatriculation fournies par les usagers. Les évolutions induites par cet arrêté ne remettent pas en cause le cadre et les caractéristiques essentielles du dispositif qui existait jusqu'à présent, mais les ont adaptés aux circonstances particulières liées à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. En outre, le ministère de l'intérieur a pris en compte les demandes de la CNIL en entourant ces évolutions de garanties destinées à assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, la sécurité de cet évènement majeur, et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée des personnes. En effet, comme l'indique l'article 2 de l'arrêté du 2 mai 2011, les catégories de données listées « peuvent » être collectées. Si une collecte de la photographie a eu lieu lors des jeux Olympiques et Paralympiques compte tenu du volume significatif de personnes accédant aux périmètres, cela ne sera pas nécessairement le cas pour l'ensemble des « fichiers des résidents des zones de sécurité » qui seront mis en œuvre ultérieurement sur le fondement de cet arrêté. Ces fichiers ne collectent aucune donnée « sensible » au sens de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 précitée et les personnes mineures de moins de treize ans ne sont pas soumises au dispositif de « laissez-passer ». En outre, l'arrêté prévoit une durée de conservation réduite pour la copie du titre d'identité, qui est uniquement conservée jusqu'à la délivrance du titre d'accès ; en tout état de cause, la durée de trois mois prévue par l'article 3 de l'arrêté du 2 mai 2011 est une durée maximale. D'ailleurs, le Conseil d'Etat a validé au contentieux l'arrêté du 3 mai 2024 précité, jugeant qu'il ne porte pas d'atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale « eu égard, notamment, aux finalités de protection de l'ordre public et de la sécurité à l'occasion d'un événement majeur poursuivies lors de la création d'un fichier des résidents des zones de sécurité, à la brièveté de la durée de conservation des données collectées, à l'utilité de l'accès des différentes catégories de personnes autorisées aux données collectées et à la stricte limitation de cet accès à leur seul besoin d'un connaître » (décision n° 495220 du 25 juillet 2024, considérant 17).

Données clés

Auteur : M. Ugo Bernalicis

Type de question : Question écrite

Rubrique : Droits fondamentaux

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 3 juin 2025

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