Qualité de l'eau à La Réunion
Publication de la réponse au Journal Officiel du 20 mai 2025, page 3704
Question de :
Mme Karine Lebon
Réunion (2e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine
Mme Karine Lebon attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques sur la qualité de la distribution d'eau dans les foyers réunionnais. Mme la députée s'inquiète de la rupture d'égalité que cela implique lorsque 96 % des Français d'Hexagone ont un accès à une eau du robinet qui respecte les limites de la potabilité, alors que seulement seulement 45 % des Réunionnais consomment une eau du robinet sécurisée par un traitement sanitaire adapté. Selon les observations de l'ARS, 55 % des Réunionnais consomment une eau qui ne garantit pas une sécurité sanitaire suffisante, parmi eux 5 % prennent des risques micro-biologiques avérés à la consommation. Cela s'explique par le fait qu'à l'heure actuelle, une bonne partie des eaux ne subit qu'un simple traitement au chlore de désinfection, qui s'avère inefficace contre les eaux troubles. Ces phénomènes sont intensifiés notamment lors des périodes de pluie où les eaux sont infestées par les bactéries et les parasites. De plus, un bon nombre d'eaux usées et d'assainissement passent par des fosses septiques non conformes, renforçant les risques de contamination. Par ailleurs, à La Réunion, plus de la moitié de la population consomme des eaux dites superficielles, venant de masses d'eau courantes ou stagnantes. Selon le CESE, ces sources d'eau auraient tendance à se dégrader et 87 % des masses d'eau concernées seraient dans un état « inférieur à bon ». Les prévisions donnent à attendre jusqu'en 2030 pour bénéficier d'une eau du robinet potable sur l'intégralité de l'île. Mme la députée s'inquiète des possibles conséquences au court et moyen terme. Elle se préoccupe notamment de l'évolution de la teneur en nitrate dans les eaux réunionnaises. Actuellement, 100 % des abonnés sont alimentés par une eau en-dessous du seuil de dangerosité du nitrate. Il est cependant important de constater que la qualité de l'eau s'est nettement dégradée entre 1983 et 2022. À l'époque, 86 % des ressources en eau étaient dépourvues de nitrate et aujourd'hui seulement 71 %. L'accès à l'eau étant une question relevant des droits de l'Homme, il est difficilement concevable de faire payer une eau de mauvaise qualité à des populations qui souffrent de plus en plus de la précarité. À cette précarité économique s'ajoute alors une précarité sanitaire. Il est donc important d'engager des mesures sociales concrètes en engageant la gratuité des premiers mètres cubes d'eau vitaux. Mme la députée demande à Mme la ministre de poursuivre les efforts engagés pour l'accès à l'eau potable pour tous les ménages. Elle lui demande également d'investir dans la prévention et de prendre les mesures nécessaires sur le contrôle des produits phytosanitaires. Enfin, l'accès à une eau potable étant un droit humain reconnu par le Haut Commissariat des droits de l'Homme, elle lui demande si elle va s'engager à rendre gratuits les premiers mètres d'eau consommés par les ménages.
Réponse publiée le 20 mai 2025
L'enjeu de l'accès et de la qualité de l'eau dans les Outre-mer, notamment à La Réunion est une préoccupation centrale pour laquelle la Ministre et le Gouvernement sont pleinement investis. Concernant l'amélioration des services publics d'eau à La Réunion, le plan « Eau DOM », lancé en 2016, a vocation à accompagner les collectivités compétentes dans la gestion de leurs services publics d'eau et d'assainissement. Pour répondre aux retards structurels importants en matière d'infrastructures de potabilisation sur le territoire, un volet sanitaire spécifique à l'eau potable, a été annexé au plan « Eau DOM ». Il constitue la feuille de route en matière d'amélioration de la qualité de l'eau destinée à la consommation humaine à La Réunion. Ce plan a permis de structurer les politiques publiques sécurisant la qualité de l'eau distribuée, et s'est traduit par la construction d'usines de potabilisation sur plusieurs secteurs du département de La Réunion (23 mises en service depuis 2016, 2 usines en cours de finalisation, devant être mise en service courant 2025). D'ici la fin d'année 2025, environ 75 % de la population réunionnaise sera alimentée par une eau de qualité maîtrisée. Ces opérations représentent plus de 130 millions d'euros de travaux, qui font l'objet d'un solide accompagnement financier à hauteur de 82 millions d'euros de subventions publiques aux collectivités organisatrices du service public d'eau potable. L'engagement et l'accompagnement de l'Etat, et des différents partenaires, aux côtés des collectivités s'est traduit à la fois par un appui technique et par un soutien financier. Une nouvelle mouture du plan eau potable 2025-2029 est en cours de validation et aura pour objectif de poursuivre les efforts en matière de sécurisation de systèmes de production et de distribution d'eau potable. Ce nouveau plan s'inscrit dans une démarche de sécurité sanitaire globale telle que le prévoit la nouvelle directive européenne. Il s'agit à la fois de construire et d'adapter les filières de traitement de potabilisation non encore réalisées ou dysfonctionnelles, mais aussi d'améliorer la protection et la préservation des ressources en eau, de renforcer la surveillance de la qualité de l'eau, de mettre en œuvre la politique d'accès à l'eau pour tous, et enfin de contribuer à une meilleure compréhension par la population des sujets et enjeux relatifs à l'eau du robinet. À l'issue du second volet du plan eau potable, il est attendu que 92 % des réunionnais bénéficient d'une eau de qualité maîtrisée à leur robinet et que 90 % des captages soient protégés par des périmètres de protection. Pour ce faire, les financements disponibles doivent clairement flécher les projets de sécurisation du service d'eau potable afin d'inciter les collectivités à réaliser les investissements nécessaires. Concernant la dégradation de la qualité des nappes souterraines de La Réunion, il est en effet constaté un enrichissement progressif en nitrates imputable principalement aux activités agricoles et aux rejets insuffisamment maîtrisés notamment domestiques. La nouvelle réglementation eau potable a introduit les plans de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE). Il s'agit d'une démarche globale visant à garantir en permanence la sécurité sanitaire de l'approvisionnement en eau depuis la zone de captage jusqu'au robinet. Il est attendu d'ici juillet 2027 que les personnes responsables de la production et de la distribution de l'eau ou (PRPDE) réalisent les PGSSE relatifs à la partie captages. Pour les captages dits sensibles, les collectivités devront établir un plan d'action visant à contribuer au maintien ou à l'amélioration de la qualité de la ressource. Concernant l'accès à l'eau pour tous, la nouvelle directive européenne demande aux États membres d'identifier les personnes n'ayant pas accès à l'eau potable et les solutions alternatives à leurs dispositions, et de favoriser l'utilisation d'eau potable dans les lieux publics. Les collectivités sont en cours de réalisation de leur diagnostic territorial. Concernant la politique sociale de l'eau, depuis 2019, les collectivités sont autorisées à mettre en œuvre des mesures sociales visant à rendre effectif le droit d'accéder à l'eau potable et à l'assainissement dans des conditions économiquement acceptables par tous. Les aides forfaitaires telles que l'allocation eau ou le chèque eau – et la tarification sociale de l'eau permettant notamment la réduction d'une part fixe, pouvant aller jusqu'à la gratuité, sont les principaux dispositifs de la politique sociale de l'eau. Le choix de recourir à la politique sociale de l'eau et, le cas échéant, le choix du dispositif à mettre en œuvre, relèvent de la libre administration des collectivités territoriales. Toutefois, l'ordonnance n° 2022-1611 du 22 décembre 2022 relative à l'accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine oblige désormais les communes et leurs établissements public de coopération à améliorer l'accès à l'eau sur leur territoire, et la politique sociale de l'eau fait partie des solutions à disposition des collectivités pour remplir cette obligation nouvelle. Ainsi, une augmentation du nombre de collectivités ayant recours aux mesures sociales favorisant l'accès à l'eau est attendue. Il convient de préciser que la politique sociale de l'eau est généralement financée par le budget « eau » des services publics d'eau et d'assainissement c'est-à-dire, par les redevances du service. Toutefois, pour tenir compte des difficultés de financement de certains services, les collectivités sont autorisées à prendre en charge dans leur budget propre tout ou partie du montant des dépenses prévues à cet effet par les services publics d'eau et d'assainissement, dans la limite de 2 % des montants hors taxes des redevances d'eau ou d'assainissement perçues (L.2224-12-1-1 CGCT). Le Gouvernement reste bien évidement très mobilisé sur cette question, et sur la mise en place de ces nouvelles mesures.
Auteur : Mme Karine Lebon
Type de question : Question écrite
Rubrique : Eau et assainissement
Ministère interrogé : Transition écologique, énergie, climat et prévention des risques
Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 31 mars 2025
Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 20 mai 2025