Position dominante de SILAE et impact sur l'indépendance de nos entreprises
Question de :
M. Hubert Ott
Haut-Rhin (2e circonscription) - Les Démocrates
M. Hubert Ott attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la position et les décisions prises par l'éditeur de solutions en ressources humaines et en paie, SILAE. Le logiciel de gestion sociale SILAE est aujourd'hui utilisé par plus de 80 % des professionnels et plus de 50 % des déclarations sociales nominatives françaises sont établies par son entremise. Fort de ce succès commercial indéniable et à la suite du rachat de cette entreprise, auparavant française, par un fonds d'investissement américain (SilverLake Partners), SILAE entend désormais valoriser sa position quasi monopolistique. Après diverses hausses sous forme d'« options » obligatoires ayant abouti au triplement du prix au cours des deux dernières années, le prestataire envisage une nouvelle fois de doubler unilatéralement ses tarifs. En effet, en septembre dernier, l'entreprise avait annoncé une forte augmentation de ses tarifs, notamment pour la facturation des bulletins de paie. Lors du 79e Congrès national des experts-comptables qui s'est tenu à Marseille, le prestataire semble être revenu sur ses annonces de septembre, en précisant, à la suite de la forte mobilisation des experts-comptables, une révision de ses augmentations. Néanmoins, cette situation appelle à une très grande vigilance. Les relations entre le prestataire et ses clients vont bien au-delà de simples relations commerciales. Il en va de la pérennité des TPE/PME, qui sont et seront les premières impactées, mais aussi de l'indépendance stratégique de la France, alors que 50 % des données sociales et de la collecte fiscale afférente transitent par un prestataire étranger unique. Aussi, il souhaite connaître les mesures qui pourraient être mises en œuvre, notamment via l'Autorité de la concurrence, afin de limiter la vulnérabilité des entreprises.
Réponse publiée le 3 juin 2025
De façon générale, les pratiques anticoncurrentielles (i.e. ententes et abus de domination), sont attentivement surveillées par les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), de l'autorité de la concurrence et de la Commission européenne. S'agissant de l'existence d'un abus de position dominante, le droit français (article L. 420-2 du code de commerce) et le droit européen (article 102 du TFUE) sanctionnent les entreprises en position dominante, uniquement lorsqu'elles abusent de cette position, notamment en imposant des conditions de transaction inéquitables ou en appliquant des prix excessivement élevés. À ce titre, les autorités de concurrence ont été amenées à sanctionner des opérateurs économiques qui ont abusé de leur position dominante en pratiquant des prix qui n'avaient pas de relation raisonnable avec la valeur des produits et services commercialisés, et ce, sans justification objective. À titre d'illustration, l'autorité de la concurrence, dans une décision du 28 juillet 2009, a sanctionné France Télécom pour avoir pratiqué des prix excessifs concernant la seule liaison permettant de fournir des accès à internet haut débit à La Réunion. Dans le même sens, aux termes d'une décision du 22 décembre 2022, l'autorité de la concurrence a considéré qu'une société active sur le marché du contrôle technique des poids lourds en Guadeloupe, CTPL-AG, avait abusé de sa position dominante en fixant des tarifs à des niveaux substantiellement élevés, sans rapport raisonnable avec les coûts des prestations. Au cas d'espèce, les professionnels concernés peuvent saisir l'Autorité de la concurrence des pratiques qu'elles entendent dénoncer. L'Autorité de la concurrence peut prononcer en urgence, dans l'attente d'une décision au fond, des mesures provisoires, appelées aussi « mesures conservatoires ». Celles-ci ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt du consommateur ou à l'entreprise plaignante, conformément à l'article L. 464-1 du code de commerce. Les entreprises plaignantes peuvent également déposer plainte auprès des services de la DGCCRF, notamment auprès des directions régionales compétentes en matière de régulation concurrentielle des marchés (DREETS). Par ailleurs, il convient d'indiquer que l'opération de rachat de la société SILAE a été examinée par l'Autorité de la concurrence. En effet, dans le cadre de sa mission de contrôle des opérations de concentrations, l'Autorité de la concurrence a examiné la conformité de l'opération de prise de contrôle exclusif par Silver Lake Group de la société SILAE SAS au droit de la concurrence. En vertu de la décision n° 20-DCC-102 du 12 août 2020, l'Autorité de la concurrence a considéré que l'opération n'était pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés, et l'a, en conséquence, autorisée.
Auteur : M. Hubert Ott
Type de question : Question écrite
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : Économie, finances et industrie
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 3 juin 2025