Mythe de la fiscalité confiscatoire sur les hauts revenus
Question de :
Mme Eva Sas
Paris (8e circonscription) - Écologiste et Social
Mme Eva Sas alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les tranches supérieures de l'impôt sur le revenu. Le département des études et des statistiques fiscales (DESF) de la direction générale des finances publiques a produit des statistiques sur l'impôt sur le revenu de 2023 sur les revenus de 2022. Elle sont rassemblées dans un tableau intitulé « Revenus 2022 ». Ces informations concernent le revenu fiscal de référence (RFR), le nombre de foyers fiscaux par tranche de revenus, le nombre de foyers fiscaux imposés et non imposés. En 2023, sur 40,7 millions de foyers fiscaux, 8,5 millions avaient un RFR inférieur à 10 000 euros et 1,1 million de foyers avaient un RFR supérieur à 100 000 euros. Dans les données fournies par le DESF, on constate que l'impôt sur le revenu devient dégressif au-dessus de 700 000 euros de RFR. Sur la tranche de revenus entre 500 001 euros à 600 000 euros, le taux d'imposition effectif que l'on peut calculer à partir de ce tableau est de 22,02 %. Sur la tranche de revenus entre 600 001 euros à 700 000 euros, le taux d'imposition effectif est de 22,09 %. Mais sur la tranche de revenus entre 700 001 euros et 800 000 euros, qui concerne 4 783 foyers, le taux d'imposition passe à 21,97 %. Sur la tranche de revenus entre 1 et 2 millions d'euros, le taux d'imposition effectif descend à 21 %. Sur la tranche de revenus entre 4 et 5 millions d'euros, qui regroupe 533 foyers, le taux d'imposition tombe à 19,12 %. Sur la tranche de revenus supérieurs à 9 millions d'euros, qui rassemble 544 foyers, le taux d'imposition n'est plus que de 16,90 %. Et on trouve même un foyer non imposé dans cette tranche de revenus. Les données du DESF semblent contredire l'idée, pourtant très répandue, selon laquelle la fiscalité sur les hauts revenus serait confiscatoire. Elles confirment en revanche la thèse exposée dans une note de l'Institut des politiques publiques (IPP) publiée en juin 2023, intitulée « Quels impôts les milliardaires paient-ils ? », selon laquelle les très grandes fortunes ne paient que très peu d'impôts proportionnellement à leurs ressources. Elle aimerait qu'il donne des explications claires sur la dégressivité de fait de l'impôt sur le revenu pour les contribuables les plus fortunés et sur l'existence d'un foyer fiscal non imposé malgré un RFR supérieur à 9 millions d'euros ; une réponse est d'autant plus nécessaire que le principe d'une juste répartition de la charge fiscale entre les citoyens en fonction de leurs capacités n'est clairement pas respecté.
Réponse publiée le 1er avril 2025
Le rapport du CPO mentionné ci-dessus conclut que l'imposition des revenus est en France globalement progressive, sans pour autant être confiscatoire. Les points mis en évidence dans la question appellent les éléments d'information suivants : Premièrement, l'impôt net qui est indiqué dans le tableau fourni par le DESF n'inclut ni les prélèvements libératoires sur les revenus de capitaux mobiliers ou sur les revenus des autoentrepreneurs, ni l'imposition des plus-values immobilières. En revanche, ces revenus doivent être déclarés et sont donc compris dans le RFR, de sorte que les taux d'imposition mentionnés dans la question sont sous-estimés. Or, la part des revenus du capital et des plus-values immobilières dans les revenus déclarés totaux est plus importante parmi les contribuables se situant en haut de la distribution : d'après le rapport du comité des prélèvements obligatoires (CPO) intitulé « Conforter l'égalité des citoyens devant l'imposition des revenus », 61 % des revenus du dernier millième de la distribution sont des revenus du capital, cette part atteignant 86 % dans le dernier dix-millième. Deuxièmement, il s'agit seulement de l'impôt sur le revenu. Pour étudier de manière plus complète la taxation des hauts revenus, il faudrait inclure également les contributions sociales et l'IFI. Troisièmement, il convient enfin de rester très prudent sur l'interprétation de résultats obtenus sur des échantillons réduits. Les taux moyens calculés pour chaque tranche, dont certaines ne sont composées que d'une centaine de contribuables, peuvent facilement être biaisés par quelques profils atypiques. En l'occurrence, parmi les foyers avec des hauts revenus, se trouve un certain nombre d'expatriés ou de transfrontaliers dont les revenus de source étrangère sont compris dans leur RFR, mais ne sont pas imposables en France (c'est ce qui explique l'existence de foyers non-imposés, relevée dans la question). L'étude mentionnée de l'IPP fait le choix non consensuel d'intégrer les profits non distribués aux revenus des foyers. Cela conduit mécaniquement à faire diminuer le taux d'imposition, puisque ces profits ne seront taxés que lorsqu'ils seront effectivement distribués. Outre ces considérations statistiques, le caractère « confiscatoire » de l'impôt, tel que défini par la jurisprudence du Conseil constitutionnel dans le cadre de son contrôle du respect du principe d'égalité devant l'impôt, s'évalue au regard du taux marginal maximal d'imposition (décision n° 2012-662 du Conseil constitutionnel), et non du taux effectif moyen.
Auteur : Mme Eva Sas
Type de question : Question écrite
Rubrique : Impôt sur le revenu
Ministère interrogé : Économie, finances et industrie
Ministère répondant : Comptes publics
Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 1er avril 2025