Question écrite n° 1229 :
Limitation de la vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue

17e Législature

Question de : M. Lionel Tivoli
Alpes-Maritimes (2e circonscription) - Rassemblement National

M. Lionel Tivoli attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives à la vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue. Depuis le 1er octobre 2024, le recours à ladite vidéosurveillance devient une exception au bénéfice du principe de rondes régulières et fréquentes devant être réalisées par les effectifs de police. Ces nouvelles dispositions s'inscrivent dans le cadre d'une harmonisation européenne faisant suite à certains articles de la loi dite « Sécurité globale » de 2021 censurés par le Conseil constitutionnel. Désormais, le recours aux caméras de vidéosurveillance devra faire l'objet d'une motivation spécifique par les forces de police, limité aux cas de risque d'évasion, de menace pour le gardé-à-vue ou vis-à-vis d'un tiers. Par ailleurs, le gardé-à-vue pourra à tout moment contester, par l'intermédiaire de son conseil juridique, le bien-fondé de son placement en cellule dotée de vidéosurveillance. La conséquence directe de l'application de ces nouvelles dispositions va être une complexité encore accrue de la tâche qui incombe aux policiers. En effet, les démarches administratives diverses ainsi que la mobilisation d'effectifs supplémentaires vont engendrer une diminution du temps nécessaire consacré aux enquêtes et donc à la sécurité des concitoyens. Par conséquent, il lui demande de bien vouloir lui faire part des mesures qui pourraient être prises afin de limiter, voire d'anéantir, les effets de cette nouvelle réglementation qui n'aura pour conséquence d'amoindrir encore davantage l'efficacité du travail essentiel des policiers.

Réponse publiée le 3 juin 2025

Depuis le 1er octobre 2024, les conditions de vidéosurveillance des personnes placées en garde à vue (ou en retenue douanière) ont changé en application des articles L. 256-1 et suivants du code de la sécurité intérieure. Ce nouveau cadre juridique est issu de la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Initialement destiné à combler un vide juridique concernant les dispositifs de vidéosurveillance dans les locaux de garde à vue et à tirer les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel, promu par diverses autorités de contrôle, il a été considérablement encadré et donc alourdi lors de la discussion parlementaire, puis lors de la phase d'élaboration des règlements d'application et aux différentes étapes de l'examen des textes par le Conseil d'État. Décidé « lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que [la] personne pourrait tenter de s'évader ou représenter une menace pour elle-même ou pour autrui », et devant donc être motivé, le placement sous vidéosurveillance d'un gardé à vue est désormais l'exception. Il s'accompagne de droits pour la personne filmée, dont celle-ci doit être informée, comme doit lui être notifiée la décision de la placer sous vidéosurveillance. Des diligences sont également à accomplir auprès de l'autorité judiciaire. Par ailleurs, des diligences supplémentaires s'appliquent (avocat, médecin) lorsque la personne bénéficie d'une mesure de protection juridique (tutelle, etc.) ou est mineure. Par ailleurs, un registre administratif spécifique doit être mis en place. Des diligences spécifiques sont également à accomplir en matière d'enregistrement des séquences vidéo (habilitation des agents autorisés à consulter les images, application des règles relatives à la protection des données, conservation des images, etc.). La mise en œuvre de ces nouvelles normes impose, en outre, d'équiper de nombreuses caméras d'enregistreurs, ce qui suppose des investissements financiers significatifs. Un pare-vue ou un filtre opacifiant doit également être fixé dans les cellules équipées de sanitaires. Ce nouvel encadrement juridique suscite la préoccupation voire l'incompréhension de nombre de policiers et pèse sur les services de police, qui doivent fréquemment se réorganiser pour y faire face. Il soulève donc de sérieuses interrogations dont le ministre d'État, ministre de l'Intérieur, est conscient. Ce cadre légal alourdit en effet le formalisme de la procédure alors que la simplification est une attente centrale des agents, notamment de ceux exerçant en filière investigation. La simplification de la procédure pénale constitue d'ailleurs, depuis plusieurs années, une priorité affichée par les Gouvernements successifs. Par ailleurs, avec un recours désormais restrictif à la vidéosurveillance, la charge de travail induite par la surveillance physique des cellules détourne nécessairement des policiers de missions opérationnelles, « immobilisés » dans les locaux des commissariats pour effectuer des rondes et procéder à des contrôles visuels directs de l'intérieur des cellules. Alors que les attentes des Français sont très fortes en matière de sécurité, et notamment de présence visible des forces de l'ordre sur le terrain, ce nouveau cadre juridique ne va pas dans le sens souhaité. Il convient de rappeler que le ministre d'État, ministre de l'Intérieur, a fait du renforcement de la sécurité du quotidien une priorité, qui passe par une présence accrue des patrouilles sur la voie publique. Pour la gendarmerie nationale, il convient de mentionner qu'il n'existe pas, à l'heure actuelle, de dispositif de vidéosurveillance de cellules de garde-à-vue. Néanmoins, une expérimentation de la vidéosurveillance a débuté au sein du groupement de gendarmerie du Lot-et-Garonne depuis le 17 février 2025 pour une durée de 6 mois. Elle permettra notamment d'éprouver le cadre légal d'emploi. Face aux conséquences opérationnelles et financières de ce nouveau cadre juridique, des mesures doivent être prises. Le ministre d'État, ministre de l'Intérieur, a donc demandé que soient étudiées toutes les possibilités juridiques pour réviser le cadre légal et permettre de revenir à un fonctionnement plus rationnel sur le plan opérationnel et moins coûteux sur le plan humain.Il convient en outre de rappeler que le ministre d'État, ministre de l'Intérieur, souhaite que soient intensifiés les efforts engagés depuis plusieurs années pour limiter le temps consacré aux actes de pur formalisme et réduire les contraintes administratives et les missions périphériques qui éloignent le policier et le gendarme de leur cœur de métier et notamment du terrain. Il s'agit de lutter contre des contraintes coûteuses et démotivantes et ainsi de redonner du sens au travail et à la vocation des policiers et des gendarmes, qui attendent beaucoup sur ce plan. Au-delà des indispensables évolutions législatives et réglementaires de simplification de la procédure pénale, d'importantes mesures ont déjà été prises ou sont en cours pour simplifier le travail policier : recours accru aux personnels administratifs pour exercer des fonctions non opérationnelles et pour suppléer les enquêteurs dans l'exécution des diligences procédurales, développement de l'amende forfaitaire délictuelle, réduction des missions dites périphériques, etc. Il est également fondamental que les policiers et gendarmes disposent d'outils numériques et d'aide à l'enquête performants et modernes, tant pour les gains de temps et d'efficacité, dont ils sont porteurs, que pour limiter la charge que représente une procédure pénale toujours plus complexe : déploiement progressif du programme « procédure pénale numérique », caméras mobiles, caméras embarquées et aéroportées, terminaux numériques de nouvelle génération NEO 2 et outils de plainte en mobilité, plainte en ligne et projet de visioplainte, développement de logiciels de retranscription, etc. À la demande du ministre d'État, ministre de l'Intérieur, les travaux visant à déployer le nouveau logiciel de rédaction des procédures de la police nationale, qui simplifiera la production des actes de procédure, vont en particulier être accélérés.

Données clés

Auteur : M. Lionel Tivoli

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 3 juin 2025

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