Les prisons craquent avec la surpopulation, à quand la régulation carcérale ?
Question de :
M. Ugo Bernalicis
Nord (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Ugo Bernalicis alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les moyens de réduire la population carcérale dans les prisons françaises. En effet, au 1er septembre 2024, la France a enregistré encore une fois un nombre de personnes détenues en hausse dans ses centres pénitentiaires : soit 78 969 personnes pour 62 014 places opérationnelles. Il est important de rappeler que près de 30 % de ces personnes détenues sont prévenues, c'est-à-dire présumées innocentes et en attente de leur procès. La surpopulation carcérale devenue endémique arrive à des taux inacceptables en maisons d'arrêt de l'ordre de 153,6 % en moyenne sur le territoire français et ce sont 143 établissements ou quartiers qui ont une densité supérieure à 100 %. Pour les professionnels, le constat unanime est que la situation ne peut plus durer ! Organisations et syndicats de magistrats, du personnel pénitentiaire de direction ainsi que d'insertion et de probation, de médecins, d'avocats et associations œuvrant pour les droits des personnes détenues constatent la dégradation des conditions de détention, l'épuisement du personnel, la détérioration générale et accélérée de l'immobilier et la saturation de l'ensemble des services. L'incapacité du système pénitentiaire à remplir sa mission de réinsertion, à garantir le respect de la dignité et des droits des détenus ainsi que leur sécurité et celles des agents chargés de les garder est également identifiée par tous. Tous s'accordent sur l'impossibilité de laisser se poursuivre une telle désagrégation d'un service public. Dans ces conditions, cela fait des années que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) témoigne du profond décalage entre les normes applicables et la réalité quotidienne des conditions de vie des personnes détenues et observe les conséquences dramatiques de la surpopulation carcérale sur les droits fondamentaux. Le CGLPL estime qu'« il est inutile d'attendre que la prison puisse réinsérer quiconque dans une situation qui rend infernal également, le travail du personnel pénitentiaire ». En détention, les maux se multiplient et accablent les personnes détenues : altération des conditions d'accueil dans les établissements, banalisation du recours au matelas au sol, atteintes à l'intimité et à l'hygiène des personnes détenues, obstacle à la délivrance de soins de qualité, obstacle à l'accès aux activités, clé de la réinsertion, conditions de détention insalubres, aggravation de la vétusté des locaux, multiplication des incidents et des rixes etc. S'ajoute un mal-être persistant chez le personnel pénitentiaire de surveillance et d'insertion et de probation, qui subit également les conséquences de la dégradation des établissements. Toutes les précédentes réformes visant à la limitation de la population carcérale mais se fondant uniquement sur un changement des pratiques des magistrats ont fait la démonstration de leur échec jusqu'à ce jour. La Gouvernement se cache et s'entête avec son « ambitieux » programme immobilier de livraison de 15 000 places supplémentaires de prison. Cet argument éculé est devenu un mensonge récurent de M. le ministre, car l'augmentation continuelle du parc pénitentiaire n'a jamais permis de lutter contre la surpopulation carcérale au contraire. Comme l'a constaté le Conseil de l'Europe dans sa recommandation du 30 septembre 1999 : « L'extension du parc pénitentiaire devrait être plutôt une mesure exceptionnelle puisqu'elle n'est pas, en règle générale, propre à offrir une solution durable au problème du surpeuplement ». Selon le Gouvernement, au 1er janvier 2024, 19 établissements ont été livrés représentant 6 076 places brutes, soit 4 103 places nettes, une fois prises en compte les fermetures d'établissements. Parmi les derniers établissements livrés, trois l'ont été en 2022 pour un total de 360 places et dix l'ont été en 2023 pour un total de 1 662 places nettes. En 2024, la moitié des établissements du programme 15 000 sera opérationnelle. Ce calendrier n'a pas freiné le taux de surpopulation qui continue de croître continuellement de mois en mois depuis janvier 2024. De même, le Gouvernement prétend que « les récentes évolutions législatives sont intervenues afin de favoriser le recours aux alternatives à l'incarcération, qui constituent des leviers de régulation des effectifs en milieu fermé ». Là aussi, les chiffres sont là pour rappeler l'échec du Gouvernement et démontre l'impasse dans laquelle il est. La lutte contre la surpopulation carcérale et les conséquences qu'elle entraîne sur toutes les politiques pénitentiaires impose un ensemble de mesures structurelles et, désormais, nombreux sont les professionnels, associations et experts qui prônent la mise en place d'une politique publique de déflation carcérale, par la mise en place d'un mécanisme de régulation carcérale. C'est pourquoi il lui demande quand le Gouvernement va travailler à mettre en œuvre, de manière effective et rapide, des mécanismes contraignant de régulation carcérale.
Réponse publiée le 26 août 2025
Le ministère de la Justice poursuit son engagement afin de lutter contre la surpopulation carcérale. Le service public pénitentiaire prend en charge les PPSMJ prévenues ou condamnées, en milieux ouvert et fermé. Il contribue à leur insertion ou réinsertion et concourt à la sauvegarde de l'ordre public. Les décisions judiciaires dont il assure l'exécution relèvent de la seule compétence de l'autorité judiciaire en vertu des articles 64 et 66 de la Constitution du 4 octobre 1958. Au 1er avril 2025, le nombre de personnes écrouées détenues s'élevait à 82 921 pour 62 358 places opérationnelles, dont près de 5 000 matelas au sol. Le programme immobilier pénitentiaire lancé en 2018 prévoyait initialement la livraison de 15 000 places supplémentaires pour 2027. 22 établissements sur les 50 que prévoit le plan ont déjà été livrés, pour un total d'environ 4 500 places nettes. Pour accélérer le processus de création de places de prisons, le ministère de la Justice a lancéun appel d'offres pour la construction de 1 500 places modulaires, inspirées du modèle allemand. A Meppen, en 2021, un bâtiment fonctionnel a vu le jour en moins de 10 mois et accueille aujourd'hui une quarantaine de personnes détenues. Malgré une architecture légère, la sécurité y est décrite comme maximale par les autorités allemandes. À la différence des établissements pénitentiaires classiques, ces nouvelles structures seront préfabriquées en usine et assemblées sur place, selon un cahier des charges simplifié. Elles doivent permettre de diviser par deux le coût d'une place de prison, soit environ 200 000 € contre 400 000 € en moyenne. Les délais de livraison seront également considérablement réduits, passant de 7 ans à 18 mois. Une première structure de 50 places devrait voir le jour à l'automne 2026 dans l'Aube, à Troyes. Ces unités modulaires seront destinées en priorité à des personnes détenues en fin de peine, en semi-liberté ou condamnées pour des infractions mineures, comme les délits routiers.
Auteur : M. Ugo Bernalicis
Type de question : Question écrite
Rubrique : Lieux de privation de liberté
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 22 octobre 2024
Réponse publiée le 26 août 2025