Baisse des aides pour l'apprentissage
Question de :
Mme Sophie Blanc
Pyrénées-Orientales (1re circonscription) - Rassemblement National
Mme Sophie Blanc alerte M. le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la baisse des aides à l'apprentissage et ses conséquences désastreuses pour l'avenir des jeunes et des entreprises en France. Depuis des décennies, l'apprentissage représente en France un pilier fondamental de la formation professionnelle. Il constitue non seulement un levier efficace pour l'insertion des jeunes dans la vie active, mais aussi un outil indispensable pour répondre aux besoins en compétences des entreprises dans de nombreux secteurs économiques. Grâce à cette voie d'excellence, des centaines de milliers de jeunes Français ont pu acquérir une qualification tout en mettant un pied dans le monde du travail, assurant ainsi une transition réussie entre l'école et l'emploi. Cependant, la décision récente du Gouvernement de réduire drastiquement les aides à l'apprentissage vient compromettre cet équilibre fragile. Cette mesure, qui prévoit une diminution de près d'un milliard d'euros des primes à l'embauche d'apprentis en 2025, soulève des inquiétudes légitimes parmi les acteurs du secteur : entreprises, centres de formation d'apprentis (CFA), syndicats et bien sûr, les jeunes eux-mêmes. Des conséquences désastreuses sont à prévoir, non seulement pour les entreprises locales, mais aussi pour l'ensemble du tissu économique national. La situation est claire : en réduisant les aides, le Gouvernement rend l'apprentissage moins attractif pour les employeurs. Ces derniers, déjà confrontés à des charges sociales élevées et à des coûts de production en augmentation, ne pourront plus assumer seuls le poids financier de l'embauche des apprentis. Certaines entreprises ont d'ores et déjà annoncé leur intention de se détourner de l'apprentissage pour se tourner vers des stagiaires, beaucoup moins coûteux et dont l'encadrement est nettement moins contraignant. Cela représente un double danger : d'une part, cela prive les jeunes d'une véritable formation qualifiante et, d'autre part, cela affaiblit le lien de confiance qui existe entre les entreprises et le système éducatif. Elle lui demande comment elle justifie une telle décision, alors même que l'apprentissage était salué comme un modèle de réussite ces dernières années. Les chiffres sont éloquents : en 2023, le nombre de contrats d'apprentissage a atteint un niveau record avec près de 800 000 jeunes en alternance. Ces résultats sont le fruit d'une politique de soutien renforcé, notamment par la mise en place de primes exceptionnelles à l'embauche dans le cadre du plan de relance post-covid. En réduisant ces aides de manière aussi abrupte, le Gouvernement prend le risque de casser cette dynamique positive et de compromettre l'avenir de toute une génération. Les premières victimes de cette décision seront bien entendu les jeunes. En effet, l'apprentissage est souvent la voie choisie par ceux qui, pour diverses raisons, ne se retrouvent pas dans le modèle universitaire classique. Il offre une alternative concrète, une opportunité de se former tout en travaillant et donc de se construire un avenir professionnel solide. Avec la réduction des aides, combien de jeunes risquent de se voir refuser un contrat d'apprentissage faute de moyens de la part des entreprises ? Combien devront renoncer à leur projet professionnel par manque de soutien financier ? Les entreprises, quant à elles, subissent déjà de plein fouet les conséquences de la hausse des charges et de l'inflation. Beaucoup d'entre elles, notamment les TPE et PME, n'auront pas les ressources nécessaires pour absorber le surcoût engendré par la réduction des primes. Celles-ci constituent pourtant un levier indispensable pour encourager l'embauche des apprentis, surtout dans les secteurs qui peinent à recruter. Le bâtiment, l'artisanat, l'industrie, les métiers de bouche, tous ces secteurs sont aujourd'hui en alerte face à la décision du Gouvernement. Ils craignent, à juste titre, de devoir réduire drastiquement leurs recrutements, au détriment des jeunes en formation mais aussi de leur propre développement. L'apprentissage a toujours été présenté comme une réponse aux grands défis économiques et sociaux que traverse le pays : le chômage des jeunes, la pénurie de compétences dans certains secteurs, la nécessité de réindustrialiser notre territoire. Comment, dès lors, M. le ministre justifie-t-il cette baisse des aides qui va à l'encontre de ces objectifs ? Ne craint-il pas de provoquer un effondrement du nombre de contrats d'apprentissage et par là même d'aggraver la précarité des jeunes ? La situation actuelle est d'autant plus préoccupante que cette décision intervient dans un contexte où le chômage des jeunes reste particulièrement élevé en France. Alors que d'autres pays européens, comme l'Allemagne ou l'Autriche, font de l'apprentissage un véritable levier de croissance et d'insertion, la France semble prendre le chemin inverse en réduisant les moyens alloués à cette filière. Cette approche à court terme, motivée par des impératifs budgétaires, risque d'avoir des conséquences catastrophiques à long terme. Il est essentiel de rappeler que l'apprentissage n'est pas qu'un simple dispositif de formation. Il incarne une véritable passerelle entre le monde de l'éducation et celui de l'entreprise. En offrant aux jeunes une expérience professionnelle concrète, tout en leur permettant d'acquérir des compétences théoriques, il joue un rôle clé dans la lutte contre le chômage des jeunes. Plus de 70 % des apprentis trouvent un emploi à l'issue de leur formation, souvent dans l'entreprise qui les a formés. Pourquoi, alors que ce dispositif fait ses preuves, le mettre en péril par une baisse des aides qui risque de décourager tant les employeurs que les jeunes ? L'apprentissage, c'est aussi une question d'égalité des chances. Il s'agit souvent de la voie privilégiée par les jeunes issus de milieux modestes, pour qui l'accès à l'université est compliqué, voire impossible. Pour ces jeunes, l'apprentissage représente bien plus qu'un simple moyen d'acquérir une qualification : c'est une véritable opportunité d'émancipation, leur permettant d'accéder à une autonomie financière tout en se formant. En réduisant les aides, le Gouvernement fragilise cette dimension sociale de l'apprentissage et augmentez le risque d'exclusion pour des milliers de jeunes. Comment M. le ministre peut-il justifier une telle régression sociale ? À l'heure où le Gouvernement clame haut et fort sa volonté de réindustrialiser la France, d'encourager les filières d'excellence et de renforcer la compétitivité des entreprises, cette décision semble aller à contre-courant de ses propres objectifs. Le secteur industriel, en particulier, qui peine déjà à recruter des jeunes, sera l'un des premiers touchés par cette mesure. Les entreprises industrielles, qui dépendent de la formation professionnelle pour pallier la pénurie de main-d'œuvre qualifiée, verront leur capacité à former et à embaucher des jeunes se réduire. Ce paradoxe est difficile à comprendre pour les acteurs économiques, qui s'attendaient à un soutien renforcé de l'État dans cette période cruciale. Les TPE et PME sont les plus vulnérables face à cette réduction des aides. Contrairement aux grandes entreprises, elles n'ont pas toujours les marges financières suffisantes pour absorber une hausse des charges liée à l'embauche d'apprentis. Ces entreprises, qui représentent le poumon économique des territoires, risquent de se détourner de l'apprentissage, privant ainsi de nombreux jeunes d'une formation de qualité et d'un accès à l'emploi. La suppression ou la diminution des primes à l'embauche aura donc un impact direct sur le développement économique local, notamment dans les zones rurales ou les petites villes, où les opportunités d'emploi sont déjà limitées. Il est primordial de comprendre que l'apprentissage ne concerne pas uniquement les grandes métropoles ou les grands groupes industriels. Dans les zones rurales comme dans les petites communes, ce sont souvent les petites entreprises, les artisans, les commerçants qui jouent un rôle crucial dans la formation des jeunes. En réduisant les aides à l'apprentissage, le Gouvernement pénalise directement ces territoires, déjà fragilisés par la désertification économique. Les conséquences de cette mesure risquent d'être particulièrement lourdes dans des départements comme les Pyrénées-Orientales, où l'apprentissage représente un espoir pour de nombreux jeunes. Au-delà des impacts immédiats sur les jeunes et les entreprises, cette baisse des aides à l'apprentissage risque d'affaiblir la compétitivité du pays à long terme. La formation professionnelle est un enjeu stratégique pour préparer l'avenir de notre économie, en particulier dans un contexte de transition technologique et écologique. Les secteurs d'avenir, tels que l'industrie verte, les technologies numériques ou encore les énergies renouvelables, nécessitent des compétences spécifiques que seuls des parcours de formation adaptés, comme l'apprentissage, peuvent offrir. Si la France veut rester compétitive face aux défis mondiaux, elle doit impérativement investir dans la formation des jeunes et notamment dans l'apprentissage. En réduisant les aides, le Gouvernement compromet non seulement l'avenir de ces jeunes, mais aussi celui de la France dans des secteurs d'excellence qui sont essentiels pour la souveraineté économique du pays. Comment M. le ministre compte-t-il garantir la montée en compétences des jeunes travailleurs dans ces filières stratégiques si vous les privez des moyens nécessaires pour se former dans de bonnes conditions ? La compétitivité d'un pays repose sur sa capacité à former une main-d'œuvre qualifiée, innovante et adaptable. Or, en dégradant le modèle d'apprentissage, le Gouvernement met en péril cette capacité. À long terme, cela pourrait se traduire par une perte d'attractivité pour les entreprises françaises, qui devront faire face à une pénurie de talents qualifiés, ou qui seront contraintes de se tourner vers des recrutements étrangers pour combler leurs besoins. Est-ce cela que M. le ministre souhaite pour l'avenir du pays ? Face à cette menace qui pèse sur l'apprentissage, les acteurs économiques, syndicats professionnels et associations de jeunes se mobilisent pour faire entendre leur voix. Les organisations patronales, notamment l'U2P (Union des entreprises de proximité) et le MEDEF, ont tiré la sonnette d'alarme. Ils soulignent que la suppression ou la diminution des aides à l'embauche mettra en péril le recrutement d'apprentis et entraînera une baisse significative du nombre de contrats signés. Même les organisations d'apprentis et de jeunes diplômés s'inquiètent des conséquences de cette mesure sur leur parcours professionnel et sur l'accès à l'emploi pour les générations futures. Les CFA (centres de formation des apprentis), qui jouent un rôle central dans l'encadrement et la formation des jeunes, risquent de voir leur mission grandement affectée. Une diminution des contrats d'apprentissage entraînerait un recul de l'activité des CFA, fragilisant l'ensemble du système de formation professionnelle. Ces centres, souvent implantés au cœur des territoires, sont des acteurs essentiels du développement local et de la transmission des savoir-faire. Il est inconcevable de les affaiblir à un moment où la France a plus que jamais besoin d'investir dans la formation de ses jeunes talents. Il est urgent de revoir cette décision et de rétablir un soutien financier conséquent à l'apprentissage. Des alternatives existent pour réajuster les politiques budgétaires sans pour autant sacrifier l'avenir de notre jeunesse et l'économie des territoires. Pourquoi ne pas envisager des dispositifs d'incitation fiscale pour les entreprises qui embauchent des apprentis, ou un allègement des charges sociales spécifiquement ciblé sur l'apprentissage ? Ces mesures permettraient de maintenir la dynamique actuelle, tout en offrant une solution pérenne à la hausse des coûts du travail, sans pour autant fragiliser les budgets publics de manière excessive. De plus, il serait judicieux de renforcer les partenariats entre les entreprises et les CFA pour garantir une meilleure insertion professionnelle des jeunes apprentis. L'État doit également encourager la création de filières d'apprentissage dans des secteurs stratégiques, comme l'industrie numérique ou l'économie verte, afin de répondre aux enjeux de demain tout en assurant une montée en compétences des jeunes travailleurs. Comment M. le ministre justifie-t-il une telle mesure, alors que le Gouvernement ne cesse de rappeler l'importance de la formation professionnelle et de l'insertion des jeunes dans l'emploi ? Comment explique-t-il que, d'un côté, il promeuve l'apprentissage comme une solution à la crise du chômage des jeunes et que, de l'autre, il réduise les aides qui rendent ce dispositif accessible et attractif ? Cette contradiction est non seulement incompréhensible, mais également inacceptable. Le discours officiel du Gouvernement sur la valorisation de l'apprentissage doit s'accompagner de mesures concrètes, en phase avec les réalités économiques des entreprises et des jeunes. En affaiblissant le modèle d'apprentissage, M. le ministre envoie un signal négatif aux employeurs et aux jeunes qui aspirent à construire leur avenir professionnel dans cette voie. Il brise une dynamique positive qui, jusqu'à présent, avait permis à des centaines de milliers de jeunes d'accéder à une formation qualifiante et à un emploi durable. Elle lui demande son avis à ce sujet.
Réponse publiée le 22 avril 2025
L'apprentissage représente une solution privilégiée de formation pour les plus jeunes et les premiers niveaux de qualifications, car il constitue une voie pertinente et efficace d'insertion dans l'emploi durable. De plus, le développement de l'apprentissage dans l'enseignement supérieur participe à l'amélioration de l'image de l'apprentissage, qui permet désormais d'accéder, dans une logique de parcours, à des hauts niveaux de qualification. Il est aussi un solide vecteur d'égalité des chances et d'activation de l'ascenseur social, puisqu'il permet aujourd'hui à des jeunes, qui n'auraient pas pu le faire sous statut scolaire, d'accéder à des études supérieures gratuites tout en bénéficiant d'une rémunération. Le recours à l'apprentissage constitue également une solution pour répondre aux besoins en compétences des entreprises. En effet, ce dispositif permet de préparer l'avenir de l'entreprise, en formant de potentiels futurs collaborateurs et de transmettre son savoir-faire en découvrant de nouvelles idées et pratiques. Cette voie de formation initiale constitue ainsi un mode d'accès privilégié à des compétences nouvelles et à des profils adaptés aux besoins spécifiques des entreprises. L'offre de formation en apprentissage est assurée par les Centres de formation d'apprentis (CFA) qui, grâce à la réforme de 2018, ont aujourd'hui la capacité de se développer de manière réactive et de proposer sur tout le territoire des formations en adéquation avec les besoins en compétences des entreprises et les demandes des jeunes souhaitant intégrer cette voie de formation. Les entreprises peuvent également créer leur propre CFA pour répondre à leurs besoins de compétences. Ainsi, le nombre de CFA qui était de 954 avant la loi de 2018, s'élevait en septembre 2024 à plus de 3 900. Ce développement permet ainsi de répondre au mieux aux besoins des entreprises et permet d'élargir l'offre de formations par apprentissage à destination des jeunes. L'aide unique aux employeurs d'apprentis, mise en place par la loi du 5 septembre 2018, a été remplacée par une aide plus favorable, notamment dans le cadre de la crise sanitaire puis du fait de la subsistance des tensions de recrutement sur le marché du travail. Ainsi, l'aide aux employeurs d'apprentis prévue par le décret n° 2022-1714 du 29 décembre 2022 s'élèvait à un montant de 6 000 € pour le recrutement d'un apprenti, quel que soit son âge, et était versée pour la seule première année du contrat. Ce dispositif de soutien a fait l'objet d'une prolongation sur les mêmes paramètres jusqu'au 31 décembre 2024. Si la dynamique et les effets positifs de l'apprentissage pour les jeunes et leur insertion durable sur le marché du travail sont indéniables, il est indispensable de garantir la soutenabilité financière du système. En effet, l'aide aux employeurs d'apprentis a représenté un investissement de près de 3,9 milliards d'euros en 2024 et, dans un contexte de forte tension sur le budget de l'Etat, il convient de revenir à un niveau de dépense plus raisonnable. Ainsi, pour 2025, l'aide financière aux employeurs d'apprentis est maintenue et ses modalités ont été fixées par le décret n° 2025-174 du 22 février 2025 relatif à l'aide unique aux employeurs d'apprentis et à l'aide exceptionnelle aux employeurs d'apprentis selon les paramètres suivants : - comme auparavant pour la première année du contrat d'apprentissage et sans distinction selon le niveau du diplôme préparé ; - d'un montant de 5 000 € pour les entreprises de moins de 250 salariés et de 2 000 € pour les autres ; - pour les entreprises 250 salariés et plus, elles devront, comme en 2024, s'engager à atteindre un seuil de contrats d'alternance ou de contrats favorisant l'insertion professionnelle dans leur effectif pour bénéficier de l'aide ; - d'un montant de 6 000 € pour les apprentis en situation de handicap (1,5 % des contrats).
Auteur : Mme Sophie Blanc
Type de question : Question écrite
Rubrique : Formation professionnelle et apprentissage
Ministère interrogé : Enseignement supérieur et recherche
Ministère répondant : Travail et emploi
Dates :
Question publiée le 29 octobre 2024
Réponse publiée le 22 avril 2025