Question écrite n° 1738 :
Généralisation des chiens d'assistance judiciaire au stade des enquêtes

17e Législature

Question de : Mme Constance Le Grip
Hauts-de-Seine (6e circonscription) - Ensemble pour la République

En raison de la fin de la XVIe mandature, cette question écrite fut clôturée sans réponse, Mme Constance Le Grip appelle donc l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le dispositif de chiens d'assistance judiciaire au sein des commissariats de police et des brigades de gendarmerie. Le 10 février 2023, une convention nationale a été signée entre le ministère de la justice, d'une part, l'association Handi'Chiens, la Société protectrice des animaux et la Fédération France Victimes, d'autre part. Cette convention a acté la généralisation de la présence de chiens d'assistance judiciaire au sein des tribunaux. Ces Handi'Chiens sont intervenus dans de nombreuses audiences. La brigade de gendarmerie de Vannes a souhaité, pour la première fois en France, faire intervenir un chien d'assistance judiciaire dès l'ouverture des enquêtes, notamment dans le cadre d'auditions de mineurs victimes de violences intrafamiliales ou sexuelles lors de leurs auditions. Depuis novembre 2022, ce chien d'assistance a accompagné plus de 150 personnes lors de leurs dépositions dont 102 enfants. L'exercice de ces auditions est plus que délicat (difficile libération de la parole, blocages des émotions), mais l'enquêteur doit pourtant établir assez rapidement un lien de confiance afin d'amener l'enfant à se confier. La présence d'un chien d'assistance permet, d'une part, à l'enfant de trouver les ressources et l'apaisement nécessaire pour se confier et, d'autre part, d'apporter du réconfort aux parents accompagnant l'enfant. Ainsi, elle souhaiterait savoir si une généralisation du dispositif des chiens d'assistance judiciaire au sein des commissariats de police et des brigades de gendarmerie, notamment dans le cadre des auditions de mineurs victimes de violences intrafamiliales ou sexuelles, est envisagée par le Gouvernement.

Réponse publiée le 10 juin 2025

La prise en compte optimale des victimes et particulièrement des plus jeunes d'entre elles constitue une priorité permanente pour les forces de sécurité intérieure, qui sont, chaque année, fortement mobilisées dans ce domaine. La création en septembre 2023 d'un nouvel office central spécialisé, l'office mineurs (OFMIN), rattaché à la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), témoigne de l'importance apportée à cette question. Chef de file en matière de lutte contre les violences faites aux enfants, l'OFMIN va permettre de renforcer les moyens déjà mis en œuvre en matière de lutte contre les infractions commises à l'encontre de mineurs. A titre d'illustration, les gendarmes ont procédé à l'audition de 72 086 mineurs victimes en 2024, dont 860 sur commission rogatoire d'un juge d'instruction. Ces dernières années, des avancées notables ont été acquises. Un effort conséquent de formation des militaires de la gendarmerie a en effet été priorisé pour recueillir au mieux la parole des enfants. Des modules de formation et de sensibilisation à la technique d'audition, mais aussi à la conduite de l'enquête relative aux atteintes aux mineurs sont dispensés tout au long de l'année. En 2024, 6395 gendarmes sont formés à différents niveaux. 2047 gendarmes ont suivi le stage audition mineurs d'une durée de 2 semaines (protocole NICHD : National Institute of Child Health and Human Development), dont 352 sont affectés dans les 101 maisons de protection des familles (MPF), 4096 ont été sensibilisés à l'audition de mineurs victimes et 140 militaires assurent les formations locales. Pour ce qui concerne la police nationale, elle dispose de 149 brigades de protection de la famille, unités composées de policiers spécialisés dans le traitement des contentieux relatifs aux mineurs. 2 793 policiers sont formés aux spécificités de l'audition de mineurs. L'académie de police dispose en particulier, depuis 2016, de deux formations spécifiques à l'audition de l'enfant victime, et d'une troisième, créée en 2023, relative au retour d'expérience du protocole NICHD (National Institute of Child Health and Human Development). Ces formations font partie du cursus « brigade de protection de la famille ». La police nationale a ainsi formé plus de 2 000 policiers à ce type d'audition, ainsi que 74 formateurs repartis sur le territoire national. Ce renforcement impératif des pratiques professionnelles des policiers et des gendarmes s'est conjuguée avec la volonté d'offrir des conditions structurelles d'accueil des plus adaptées. De manière volontariste et historique, gendarmerie et police nationales ont mis en œuvre des dispositifs d'audition de mineurs traditionnellement appelées « Mélanie ». Fin 2024, la gendarmerie comptait 342 salles « Mélanie ». Une salle « Mélanie » est un local où est installé un kit permettant l'enregistrement d'une audition mineur lorsque l'article 706-47 du code de procédure pénale le prévoit. Par extension, ces salles sont également utilisées pour toutes les auditions de jeunes mineurs, y compris lorsque l'enregistrement n'est pas prévu. Cela représente une vraie prorité avec l'achat de 361 kits de nouvelle génération (dont 19 kits d'enregistrement conservés par les échelons locaux en « volant »). Le caractère portatif des dispositifs d'enregistrement audiovisuels permet, le cas échéant, d'auditionner des enfants dans des lieux particuliers (hôpitaux par exemple). La police nationale dispose pour sa part de 60 salles « Mélanie », utilisées par 150 services de la police nationale, et 30 nouvelles salles devraient être créées d'ici à 2025. Ce dispositif structurel est complété par les capacités offertes par les 109 unités d'accueil pédiatriques enfance en danger (UAPED). Ces structures constituent un lieu d'accueil au service de l'enfant, pour une prise en charge globale, dans une logique de complémentarité entre pédopsychiatres, psychologues, policiers, médecins légistes, travailleurs sociaux et associations de protection de l'enfance et d'aide aux victimes. Ces deux dispositifs sont complémentaires et permettent de couvrir au mieux le territoire national, même s'il existe encore des départements qui en sont dépourvus, ce qui ne facilite pas le travail des enquêteurs et allonge les délais d'enquête, au détriment des victimes. Un groupe de travail piloté par la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice r a pour objet de définir les meilleures modalités d'articulation plus étroites de ces deux dispositifs. L'initiative du chien d'assistance judiciaire s'inscrit dans ce souci constant de recherche de moyens visant à faciliter les conditions d'accueil et de libération de la parole des victimes en entretien. Consciente du soutien que l'animal peut procurer pour l'humain en général et les victimes en particulier, la gendarmerie expérimente, actuellement, dans deux groupements (Morbihan et Pas-de-Calais), l'emploi du chien lors des auditions. Ces expérimentations font l'objet d'une évaluation continue pilotée par la direction générale de la gendarmerie nationale. Un bilan global prenant en compte tous les aspects (impacts sur l'enfant, l'animal et l'enquêteur, éventuels incidents rencontrés, coût financier, etc.) sera dressé in fine. Nos homologues étrangers qui recourent au chien de soutien depuis plus longtemps que la France, à l'instar du Canada, pourront aussi utilement nous permettre de nourrir la pratique française. Cette première étape permettra d'envisager la perspective de déploiement de manière éclairée, en privilégiant une implication du chien de manière ciblée dans les phases les plus sensibles de l'enquête judiciaire. De la même manière, la police nationale met en œuvre cette expérimentation dans le Pas-de-Calais ; le bilan de cette dernière permettra d'apprécier, en association avec l'office mineurs (OFMIN), la plus-value du dispositif, pour envisager, le cas échéant, son déploiement.

Données clés

Auteur : Mme Constance Le Grip

Type de question : Question écrite

Rubrique : Police

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 5 novembre 2024
Réponse publiée le 10 juin 2025

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