Question écrite n° 2227 :
Logiciel de gestion AT/MP défectueux au sein des CPAM

17e Législature

Question de : M. Matthias Tavel
Loire-Atlantique (8e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

M. Matthias Tavel interroge Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur les dysfonctionnements avérés du logiciel ARPEGE (Autorisation des règlements des prestations en espèce généralisées) mis en test depuis début octobre 2024 dans les caisses primaires d'assurance maladie de Loire-Atlantique et de Vendée, en vue d'assurer le traitement des arrêts maladie et accidents de travail des assurés, mais aussi le calcul et le versement des indemnités journalières de sécurité sociale en remplacement du logiciel PROGRES. Historiquement dédié au traitement des arrêts maladie des travailleurs indépendants à compter de 2020, des dysfonctionnements du logiciel ARPEGE avaient déjà été signalés par les services. Dans un article publié le 22 octobre 2024, le journal Le Monde a révélé que plusieurs milliers d'assurés en arrêt maladie ou en accident de travail sont privés de leurs IJSS, en raison du dysfonctionnement d'un logiciel de l'assurance-maladie en phase de test depuis le 1er octobre 2024 dans les départements de la Loire-Atlantique et de la Vendée. Deux syndicats, la CGT et la CFDT, ont dénoncé que les CPAM de ces départements « ont été noyés d'appels et de visites à la suite de l'envoi, à tort, d'un courrier aux assurés indiquant qu'ils ne percevraient plus d'indemnités journalières après six mois », mais aussi « de nombreuses autres anomalies, comme des doubles paiements, des erreurs de destinataires, de règlements », ayant conduit à « un arrêt des paiements sur plusieurs jours ». En conséquence, les salariés de la CPAM de Saint-Nazaire qui travaillent au service des indemnités journalières sont victimes d'une grave dégradation de leurs conditions de travail. Les accueils physiques et téléphoniques de Nantes et de Saint-Nazaire sont surchargés. Sur près de 300 personnes qui travaillent sur le site de Saint-Nazaire, 200 personnes sont directement concernées par cet outil. Impuissants face aux drames personnels que causent les erreurs générées par le logiciel ARPEGE, ils sont empêchés de faire leur travail et de fournir aux assurés de la CPAM la couverture maladie à laquelle ils ont pourtant droit. Pour seule réponse de la CPAM, des acomptes sont adressés aux assurés en attente de leur IJSS, mais dont les montants ne correspondent pas aux indemnités journalières réellement dues. A fortiori, lorsque l'employeur est subrogé dans les droits de l'assuré, les personnels de la CPAM sont dans l'incapacité technique de verser un acompte. Cette situation crée des difficultés dans le paiement du demi-salaire par l'employeur. Des assurés en arrêt maladie ou en accident du travail sont donc purement et simplement privés de ressources, ce qui les plonge dans une détresse financière qui, pour certains, a de graves conséquences : impossibilité de rembourser la mensualité de leur emprunt immobilier, dépassement du découvert bancaire autorisé et application de pénalités et agios par leur banque, pas d'autre choix que de contracter un crédit à la consommation pour payer le loyer. Ces difficultés financières ont aussi un impact psychologique puisque, par exemple, des femmes enceintes placées en arrêt maladie fin septembre 2024 n'ont toujours pas reçu la moindre indemnité journalière. Poursuivre une fin de grossesse en étant privées depuis plusieurs semaines de ressources auxquelles elles ont droit, peut avoir des conséquences négatives sur leur état de santé et celui de l'enfant à naître. Sans ressources, certains usagers pensent à tort que ce sont les salariés de la CPAM qui sont responsables des erreurs commises dans la mauvaise gestion de leur arrêt de travail et la privation du bénéfice des indemnités journalières de sécurité sociale qu'ils subissent. Ces situations regrettables pourraient pourtant être évitées en confiant la gestion des arrêts de travail et le versement des indemnités journalières au personnel compétent des CPAM, plutôt qu'à un logiciel dont personne n'ignore que l'objectif poursuivi est de réduire le nombre des salariés des services des indemnités journalières. Les organisations syndicales ont pourtant alerté leur direction dès les premiers constats par les salariés que le logiciel ARPEGE ne fonctionnait pas correctement et générait des erreurs grossières. Or la direction de la CNAM, à l'origine de la décision de déploiement de ce logiciel, refuse d'écouter les représentants des salariés et organisations syndicales et s'entête à maintenir et à imposer aux CPAM de Loire-Atlantique et de Vendée le traitement des dossiers d'arrêt maladie et d'accident du travail par ce logiciel inopérant. Arguant d'un simple bug informatique qui serait corrigé en décembre 2024, elle maintient sa volonté de déployer ce logiciel sur l'ensemble des CPAM au niveau national à compter de la fin du 1er semestre 2025. Les personnels des CPAM de Loire-Atlantique et de Vendée réclament que l'outil ARPEGE soit purement et simplement supprimé. Il lui demande donc à quelle échéance elle entend mettre un terme à l'utilisation du logiciel ARPEGE et abandonner son expérimentation dans le traitement des arrêts maladie et accidents de travail et du calcul et versement des indemnités journalières des CPAM de Loire-Atlantique et de Vendée et, a minima, si elle entend suspendre dans les plus brefs délais l'utilisation de ce logiciel défectueux.

Réponse publiée le 10 juin 2025

Le logiciel Arpège est destiné à remplacer son prédécesseur, Progrès, celui-ci reposant sur des technologies obsolètes et n'ayant plus la capacité de répondre à la complexité de la réglementation en matière d'indemnité journalière. Ainsi que l'a mentionné la Cour des comptes dans son rapport sur la loi de finances de la sécurité sociale de 2024, les dossiers complexes en la matière, s'ils ne représentent que 4 % du volume traité, mobilisent à eux seuls 15 % du temps des agents. Arpège doit en partie répondre à cet enjeu, en traitant de façon automatique un nombre plus important de dossiers. Cela répondra aussi aux besoins des assurés, qui ont vu les délais de liquidation de la première indemnité augmenter ces dernières années du fait de la complexité réglementaire. L'automatisation des traitements est l'unique solution pour répondre à l'objectif de service du public, de rembourser d'ici 2027 les indemnités journalières en moins de 20 jours partout sur le territoire, aux assurés comme aux employeurs en cas de subrogation. A cette fin, Arpège doit être déployé sur l'ensemble du territoire. Après des tests en-dehors de la production, une phase de tests in situ a débuté en octobre dans les caisses de Loire-Atlantique et de Vendée. Il s'agit d'une procédure classique dans le cadre du déploiement d'un applicatif majeur, afin de prendre en compte toute la complexité de la réalité terrain. Les données ont été transférées de Progrès vers Arpège. 99,7 % des dossiers ont été repris sans problème. Les 0,3 % restants représentaient tout de même 16 000 dossiers, qui ont rencontré des anomalies et ont dû être repris manuellement. Parmi ceux-ci, 9 000 correspondaient à des prolongations. La Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) a pris la mesure des difficultés rencontrées par les assurés et par les agents des caisses. Pour les assurés, dès octobre 2024, les prestations bloquées ont fait l'objet d'acomptes sans attendre l'issue de leur traitement. 30 000 acomptes ont ainsi été versés sur la période. La très forte sollicitation des agents des Caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) a été pour eux source d'un stress important. Pour y répondre, la CNAM a mobilisé l'entraide du réseau des CPAM pour appuyer les deux en difficulté, à hauteur de 125 équivalents temps plein. Au-delà de cette entraide, un renfort de 25 postes a été mis en place dans les caisses. Une plateforme d'appui destinée aux agents souhaitant se déclarer en détresse psychologique a été mise à disposition. A fin décembre 2024, elle n'avait pas reçu d'appel. Les anomalies rencontrées ont été étudiées en détail et le logiciel Arpège a fait l'objet de nombreuses corrections depuis octobre 2024. La CNAM s'assure d'une maîtrise de la situation avant de reprendre la phase de généralisation. Cette reprise n'est pas encore programmée. Après la phase critique connue en octobre et novembre 2024, la situation est en amélioration avec un montant déboursé similaire à celui de l'année dernière. Arpège paye déjà aujourd'hui plus de 2 M€ de prestations en espèce dans les deux départements.

Données clés

Auteur : M. Matthias Tavel

Type de question : Question écrite

Rubrique : Assurance maladie maternité

Ministère interrogé : Santé et accès aux soins

Ministère répondant : Santé et accès aux soins

Dates :
Question publiée le 26 novembre 2024
Réponse publiée le 10 juin 2025

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