Droit de rétractation spécifique aux foires et salons
Question de :
M. Pierrick Courbon
Loire (1re circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Pierrick Courbon attire l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargée de la consommation, sur la nécessité d'instaurer le droit de rétractation pour les contrats conclus lors des foires et salons en France. Chaque année, plus de 1 200 foires et salons sont organisés en France. Or de nombreuses associations de défense des consommateurs dénoncent des pratiques commerciales abusives, avec notamment la signature de contrats parfois très onéreux dans des conditions parfois douteuses. Cependant, toute commande passée sur un stand ne peut être annulée, ce qui expose les concitoyens à des situations financières et morales insupportables. En vertu de la directive européenne 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée dans le code de la consommation par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, les étals et stands des foires et salons sont considérés comme des établissements commerciaux. En conséquence, les consommateurs ne bénéficient pas du droit de rétractation applicable aux contrats conclus à distance ou hors établissements commerciaux. Cependant, les pays voisins européens ont une lecture différente de cette directive : dans 70 % des cas, un droit de rétractation ou un examen au cas par cas est prévu pour les achats effectués en foires et salons. À l'heure où 19 des États membres ont pris des dispositions pour éviter que leurs consommateurs ne souffrent d'un gouffre financier ou d'un préjudice moral, pourquoi la France reste-t-elle silencieuse ? Ce sujet suscite d'ailleurs une forte demande, depuis de nombreuses années, avec diverses questions écrites adressées au Gouvernement et plusieurs propositions de loi sur la table. Face à ces préjudices qui pèsent sur les consommateurs français, il souhaite savoir si elle envisage de modifier le code de la consommation pour y inclure un droit de rétractation spécifique aux foires et salons, afin de garantir aux concitoyens une protection équivalente à celle offerte dans d'autres États membres de l'Union européenne.
Réponse publiée le 10 juin 2025
L'obligation qui impose aux professionnels de faire bénéficier les consommateurs d'un droit de rétractation, prévue à l'article L. 221-18 et suivants du code de la consommation, concerne les contrats à distance (notamment les contrats conclus sur internet) et les contrats hors établissement. Cette réglementation est issue de la transposition de la directive européenne 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs qui est d'harmonisation maximale. En dehors de ces contrats, par exemple pour un contrat conclu dans un établissement commercial, le choix revient au professionnel de proposer ou non aux consommateurs la possibilité de revenir sur son achat, ceci n'étant pas une obligation légale. Les contrats conclus sur les foires et salons n'entrent pas dans la catégorie des contrats conclus à distance, ni dans celle des contrats conclus hors établissement, et ne sont donc pas soumis aux dispositions précitées du code de la consommation. Il convient, cependant, d'indiquer que les contrats hors établissements s'entendent de ceux conclus en dehors d'un établissement commercial, mais également de ceux conclus dans un établissement commercial ou à distance immédiatement après que le consommateur a été sollicité « personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes » (article L. 221-1 du code de la consommation). La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a été amenée à préciser la notion « d'établissement commercial » défini dans la directive 2011/83 comme le lieu où le professionnel exerce son activité « de manière permanente ou habituelle ». À cet égard, dans un arrêt CJUE, 7 août 2018 Verbraucherzentrale Berlin eV C-485/17, la Cour a précisé que le lieu où le professionnel exerce son activité « de manière habituelle » ne devait pas être compris selon une acception temporelle mais doit être compris « comme renvoyant au caractère normal que revêt, sur le site concerné, l'exercice de l'activé en cause » (point 39). En conséquence, le stand d'une foire ou d'un salon constitue bien un établissement commercial puisque l'exercice de l'activité de vente sur ce lieu revêt un caractère normal ou courant. Cette interprétation de la CJUE est confortée par le considérant 22 de la directive 2011/83/UE précitée qui souligne : « Il convient de considérer comme établissement commercial tout établissement, de quelque type que ce soit (qu'il s'agisse par exemple d'un magasin, d'un étal ou d'un camion), servant de siège d'activité permanent ou habituel au professionnel. Les étals dans les marchés et les stands dans les foires devraient être considérés comme des établissements commerciaux s'ils satisfont à cette condition. ». Toutefois, un consommateur qui conclut un contrat sur un stand de foire ou de salon peut néanmoins se rétracter de ce contrat s'il a été conclu immédiatement après avoir été personnellement et individuellement sollicité alors qu'ils se trouvaient dans un lieu qui n'est pas un établissement commercial, par exemple dans le hall ou l'allée d'exposition de la foire (cf. ordonnance CJUE, 17 décembre 2019 B&L Elektrogeräte GmbH C-465/19). Afin d'alerter les consommateurs sur l'absence de droit de rétractation dans le cadre des contrats conclus sur les stands de foires et salons, le législateur a imposé au professionnel d'afficher sur le stand qu'il occupe, un panneau informant les consommateurs sur l'absence de droit de rétractation pour les contrats conclus sur ces lieux. Cette information doit être reprise dans un encadré apparent, rédigée en des termes clairs et lisibles, dans les offres de contrat faites dans les foires et les salons (articles L. 224-59 à L. 224-62 du code de la consommation et arrêté du 2 décembre 2014 relatif aux modalités d'information sur l'absence de délai de rétractation au bénéfice du consommateur dans les foires et salons). Par ailleurs, lorsque le contrat conclu sur un stand de foire ou de salon est assorti d'un crédit affecté, ce qui est souvent le cas pour des biens d'un certain montant, le consommateur bénéficie d'un droit de rétractation pour le crédit servant à financer son achat. S'il l'exerce, le contrat de vente financé par le crédit est alors résolu de plein droit (article L. 224-62 du code de la consommation). En outre, les pratiques commerciales trompeuses dont peuvent être victimes, le cas échéant, les consommateurs dans les foires et les salons sont sanctionnées de deux ans d'emprisonnement, voire, désormais, de trois ans d'emprisonnement lorsqu'elles sont suivies de la conclusion d'un contrat et d'une amende de 300 000 euros, pouvant être portée à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel. Les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) font preuve d'une grande vigilance et restent fortement mobilisés sur ces sujets. Des enquêtes portant sur le respect des réglementations précitées par les professionnels dans les foires et salons sont régulièrement réalisées.
Auteur : M. Pierrick Courbon
Type de question : Question écrite
Rubrique : Consommation
Ministère interrogé : Consommation
Ministère répondant : Commerce, artisanat, PME, économie sociale et solidaire
Dates :
Question publiée le 26 novembre 2024
Réponse publiée le 10 juin 2025