Pertinence de l'indicateur de position sociale (IPS)
Question de :
M. Thomas Ménagé
Loiret (4e circonscription) - Rassemblement National
M. Thomas Ménagé interroge Mme la ministre de l'éducation nationale sur l'utilisation de l'indicateur de position sociale (IPS) dans la détermination du nombre de classes au sein des établissements scolaires. L'IPS, conçu pour évaluer le niveau de fragilité sociale des élèves à partir de critères tels que la profession et le niveau de diplôme des parents, est aujourd'hui un outil central dans l'allocation des moyens éducatifs, notamment pour le calibrage des effectifs par classe. Dans certains établissements, notamment en zone prioritaire, l'IPS permettrait de justifier des effectifs réduits afin de favoriser un meilleur suivi des élèves issus de milieux défavorisés. Cependant, cette utilisation suscite des inquiétudes croissantes, en particulier dans les zones rurales où les disparités socio-économiques locales ne sont pas toujours fidèlement reflétées par cet indicateur. Le recours à l'IPS pour ouvrir ou fermer des classes ou encore déterminer les effectifs pourrait ainsi engendrer des situations injustes, avec des établissements ruraux ou périurbains pénalisés malgré des besoins réels. C'est ce qu'ont récemment dénoncé, par exemple, des enseignants, agents et parents d'élèves du collège Henri Becquerel de Sainte-Geneviève-des-Bois, dans le Loiret. De plus, la méthode de calcul de l'IPS repose sur des données qui, bien qu'établies à l'échelle nationale, ne prennent pas toujours en compte les spécificités locales, notamment celles liées à l'enclavement géographique, à la mixité sociale ou aux besoins éducatifs particuliers d'élèves en milieu rural. Par ailleurs, des enseignants et des parents d'élèves ont exprimé des réserves sur la pertinence d'un indicateur qui ne mesure que partiellement les conditions réelles d'apprentissage ou la complexité des situations familiales. Selon un rapport de la Cour des comptes publié en septembre 2023, l'utilisation croissante de l'IPS dans les décisions budgétaires et organisationnelles des rectorats pourrait accentuer certaines inégalités territoriales, en particulier dans les départements à faible densité de population où des établissements avec un IPS légèrement supérieur à la moyenne nationale risquent de voir leurs moyens diminués. Ainsi, il lui demande si le Gouvernement entend engager une réflexion sur les limites de l'utilisation de l'IPS comme critère principal pour la répartition des classes et si des ajustements sont envisagés pour prendre en compte les réalités propres aux territoires ruraux et périurbains, ajustements que permettait par exemple la classification d'un établissement en « zone rurale isolée ». Il lui demande également si d'autres indicateurs complémentaires pourraient être mobilisés pour garantir une répartition plus équitable des moyens éducatifs en vue d'assurer à tous les élèves des conditions d'apprentissage optimales.
Réponse publiée le 10 juin 2025
L'indice de position sociale (IPS) permet d'appréhender le statut social, économique et culturel des élèves à partir des professions et catégories sociales (PCS) de leurs parents. L'IPS agrégé au niveau d'un établissement scolaire, permet de mesurer son niveau social moyen. L'indice d'une PCS est ainsi le résumé quantitatif d'un certain nombre d'attributs socio-économiques et culturels liés à la réussite scolaire, que l'on retrouve en moyenne pour cette PCS. L'indice de position sociale présente plus d'intérêt que la part d'élèves issus de familles de PCS défavorisées, car il permet une caractérisation plus fine du milieu social, sous la forme d'un indice continu et non binaire. Cet indice permet notamment d'éviter des effets de seuil [1]. Afin d'aider aux décisions relatives à l'allocation des moyens en dotation d'emploi d'enseignants, des modèles statistiques ont été conçus par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp). Ils permettent de déterminer un montant théorique de moyens pour un territoire (ou un établissement) qui est justifié par le nombre d'élèves accueillis sur ce territoire et par ses caractéristiques. Par conséquent, ces modèles d'allocation des moyens dans le premier et le second degrés publics sont des outils statistiques d'aide à la décision : leurs résultats ne conduisent pas, de façon automatique, à l'attribution de ces moyens. Ces modèles statistiques évoluent avec le temps afin de tenir compte des évolutions du milieu scolaire, des différences territoriales et des recommandations et avis émis quant à leur conception. Ainsi, le modèle a été augmenté de critères sociaux suite à des critiques de la Cour des comptes (2017). La Depp a alors procédé à un travail de refonte des deux modèles d'allocation des moyens, l'un pour le premier degré, l'autre pour le second degré (entré en vigueur fin 2019 pour la rentrée 2020). Concrètement, les modèles prennent désormais en compte différents critères, d'une part des critères sociaux et d'autre part des critères structurels relatifs à la géographie du territoire d'implantation de l'école ou de l'établissement scolaire. Dans le modèle du premier degré public, le modèle est la combinaison d'un critère social et géographique au niveau communal. Le critère social retenu est le revenu fiscal par unité de consommation des ménages de la commune ou de l'IRIS d'implantation de l'école à partir des données de l'Insee. L'unité de consommation permet de tenir compte de la taille et de la composition du ménage (voir définition : https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1802). Les IRIS désignent les îlots regroupés pour l'information statistique. Il s'agit d'un découpage des communes les plus peuplées opéré par l'Insee à des fins de diffusion statistique (voir définition : https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1523). Le critère géographique retenu reflète les caractéristiques géographiques de la commune (la typologie urbain-rural distingue les zones urbaines, des zones intermédiaires et des zones rurales : https://www.education.gouv.fr/une-typologie-des-communes-pour-decrire-le-systeme-educatif-6524) ; Enfin, la modélisation rend compte des postes d'enseignants suivant leurs fonctions afin de proposer un diagnostic adapté aux besoins des élèves, en particulier pour les élèves à besoins éducatifs particuliers. Dans le modèle du second degré public, différents critères sont retenus. Le modèle prend conjointement en compte la part d'élèves boursiers et l'indice de position sociale afin de décrire au mieux le contexte socio-économique des familles. En plus des critères sociaux qui caractérisent les élèves, les modèles prennent en compte des critères structurels caractérisant les écoles et les établissements scolaires à l'aune de leur taille (les petites structures, plus fréquentes dans les zones rurales, ont des coûts plus élevés), leur offre de formation (les besoins varient selon la série du lycée par exemple), la présence ou non d'élèves à besoins éducatifs particuliers (les unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) ou les unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A) qui nécessitent davantage de moyens que les classes ordinaires). Enfin, à des fins de transparence, la description précise de ces modèles a fait l'objet de deux publications dans la revue Éducation & Formations [2]. Pour ce qui est des mesures concernant la carte scolaire, la décision de fermer une classe est prise par le DASEN au regard de l'évaluation des effectifs observés au regard du contexte territorial dans leque se trouve l'école. Les difficulés socio-économiques de ce dernier peuvent entrer en ligne de compte, mais l'IPS n'est jamais à lui seul déterminant pour arbitrer une fermuture de classe. [1] Un document de travail présente la méthodologie actualisée de l'IPS : Rocher Thierry, Document de travail - série méthodes, n° 2023-M01, mars 2023, DEPP. [2] Evain Franck, Monso Olivier, « La rénovation du modèle d'allocation des moyens d'enseignement dans le second degré public », Éducation & Formations, n° 102, juin 2021. Le Laidier Sylvie, Monso Olivier, « L'allocation des moyens dans le premier degré public : mise en œuvre d'un nouveau modèle », Éducation & Formations, n° 94, septembre 2017.
Auteur : M. Thomas Ménagé
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : Éducation nationale
Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Dates :
Question publiée le 26 novembre 2024
Réponse publiée le 10 juin 2025