Question écrite n° 2289 :
Maturité des prêts garantis par l'État accordés pendant la crise sanitaire

17e Législature

Question de : M. Philippe Juvin
Hauts-de-Seine (3e circonscription) - Droite Républicaine

M. Philippe Juvin interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la nécessité d'augmenter la maturité des PGE (prêts garantis par l'État) octroyés aux entreprises pendant la crise sanitaire. De nombreuses TPE / PME doivent rembourser leur PGE sur 4 ans (après en moyenne 2 ans de différé), garanti à 90 % par l'État. Or ces financements atteignent parfois jusqu'à 25 % de leur chiffre d'affaires, ce qui est hors de portée d'un grand nombre de PME qui n'ont pas un taux de marge suffisant. Dans ce contexte, les banques accordent très peu de moratoires ou de rééchelonnements des prêts. Certaines entreprises se retrouvent donc dans une situation de grande difficulté. Une récente étude du Conseil d'analyse économique (CAE) indique qu'en cas de faillite, le taux de perte sur ces PGE pourrait s'élever in fine à 4 % des prêts accordés aux PME et TPE, ce qui signifie que l'État pourrait être amené à subir une dizaine de milliards d'euros de pertes directes. En plus de ce coût direct pour l'État, s'ajouteraient les pertes liées aux coûts de faillite des entreprises concernées (prise en charge des arriérés de salaires et des indemnités de licenciements, diminution des recettes fiscales, coût social etc.). Il souhaite donc savoir si le Gouvernement a l'intention de répondre aux difficultés de ces entreprises par l'allongement des délais de remboursement des PGE, un étalement du remboursement sur 10 ans lui semblant raisonnable.

Réponse publiée le 3 juin 2025

Alors que notre pays était frappé par la crise du COVID-19, le dispositif des PGE a permis d'éviter une paralysie de l'économie. 600 000 entreprises ont pu lever ces prêts garantis par l'État (PGE) en moins de 3 mois et donc trouver une sécurisation immédiate en trésorerie. Tandis que pour celles qui n'ont pas eu recours au PGE, le fait de savoir que cette possibilité existait a permis une continuité de l'activité économique. C'est donc toute la chaîne qui a tenue grâce à ce dispositif massif, psychologiquement et financièrement impactant. En premier lieu, il est utile de rappeler que les perspectives macroéconomiques de remboursement de PGE sont encourageantes à ce stade. À la fin juin 2024, 62 % des montants octroyés ont été remboursés et cette proportion est la même quelle que soit la taille d'entreprise. Les appels en garantie s'élèvent à cette date à 4,3 Mds euros, soit 3 % du total octroyé. La part des PGE dans l'emprunt des entreprises représente désormais une portion marginale de leur dette bancaire. Pour les entreprises devant encore finir de rembourser leur PGE, le Gouvernement continue de s'attendre à ce que la très grande majorité d'entre elles soit en situation de le faire. Face aux difficultés de remboursement, le Gouvernement reste attentif au fait que les entreprises qui pourraient rencontrer des difficultés puissent effectivement utiliser les possibilités d'étalement de ces prêts au-delà de 6 ans qui ont déjà été ouvertes. Le cadre existant le permet déjà, et aucune modification du régime des PGE pour augmenter leur étalement n'est possible.  En effet, les étalements de PGE au-delà de 6 ans sont possibles dans le cadre de procédures amiables pour tout débiteur qui en aurait le besoin au vu de sa situation. En particulier, il est attendu que ces étalements soient mis en œuvre sous l'égide d'un tiers qui veille au juste partage de l'effort entre les créanciers lorsqu'il en existe plusieurs de même rang, de sorte à ce que le PGE ne soit pas systématiquement plus mal traité au motif qu'il est garanti par l'État. Ces étalements furent possibles dans le cadre européen des aides accordées lors de la crise du COVID-19. Le contexte économique a aujourd'hui changé et la France ne pourrait plus obtenir une nouvelle dérogation. Par ailleurs, le régime des aides aux entreprises en difficulté est très encadré au niveau européen afin d'éviter toute distorsion de concurrence entre les États membres. Depuis janvier 2022, une procédure simplifiée a même été créée pour les plus petits dossiers (moins de 50 000€), et fait intervenir la médiation du crédit. Cette procédure est gratuite et confidentielle, ce qui est particulièrement sécurisant pour les très petites entreprises (TPE) qui envisageraient d'y recourir, qui auraient autrement pu être découragées par les frais administratifs des procédures judiciaires amiables ou par la publicité de leurs difficultés financières. Bien que simplifiée, il s'agit néanmoins d'une procédure aboutissant le cas échéant à une restructuration amiable, ce qui signifie d'une part qu'elle nécessite in fine l'accord de la banque et du débiteur, qui doivent co-signer l'accord de restructuration du prêt, et d'autre part le classement du prêt en prêt non performant si tel n'était pas déjà le cas. Autrement dit, pour l'entreprise sollicitant un étalement de son PGE auprès de sa banque dans le cadre d'une de ces procédures, il n'y a donc jamais de certitude sur l'issue de la procédure. La banque est en effet amenée à prendre en compte une multitude de facteurs propres à la situation de l'entreprise, notamment l'état de sa trésorerie, son niveau d'activité et sa solvabilité, qui réunis permettent à la banque d'apprécier la nécessité avérée d'un allongement du prêt. L'État est garant du prêt mais le prêt en lui-même relève de l'échange entre la banque commerciale qui l'a accordé et l'entreprise bénéficiaire, sans ingérence de l'État dans cette négociation privée. En outre, la règlementation bancaire européenne en vigueur, en particulier le règlement CRR (article 178), impose aux banques de requalifier un prêt, garanti ou non, comme « prêt non-performant » dans le cas d'une restructuration telle que celle intervenant dans le cadre de la procédure mentionnée précédemment et régie par la médiation du crédit, si elle ne l'avait pas déjà fait auparavant au vu de sa perception de la dégradation de la situation financière de l'entreprise. Cependant cette requalification n'est connue que de la banque concernée. De plus, les TPE qui auraient besoin de mesures de restructuration supplémentaires à la suite d'un premier étalement obtenu à l'aide de la médiation du crédit, peuvent solliciter l'ouverture d'une procédure amiable judiciaire, où les allongements n'ont alors pas d'autre limite dans le temps que celle qu'approuvera ou constatera le juge. Pour terminer, il est utile de rappeler que ces mesures d'étalement des PGE, qui sont indispensables dans certains cas, impliquent toujours un coût accru pour l'État, qui se trouve exposé sur une durée plus longue à un risque de défaillance de l'emprunteur. Aussi, limiter les allongements de PGE aux cas où cela est réellement nécessaire et adapté à la situation de l'entreprise est une mesure essentielle pour prévenir tout dérapage du coût du dispositif pour les finances publiques. Le Gouvernement y est particulièrement attentif dans le contexte budgétaire actuel.

Données clés

Auteur : M. Philippe Juvin

Type de question : Question écrite

Rubrique : Entreprises

Ministère interrogé : Économie, finances et industrie

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Dates :
Question publiée le 26 novembre 2024
Réponse publiée le 3 juin 2025

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