Question de : M. Nicolas Meizonnet
Gard (2e circonscription) - Rassemblement National

M. Nicolas Meizonnet attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la vente illégale de tabac en France. La France est le premier pays consommateur de tabac illicite en Europe. Selon un rapport annuel réalisé par le cabinet KPMG en 2022, la part de tabac acheté en dehors du réseau officiel des buralistes est estimée à 36,9 % en Occitanie et à 39,7 % de la consommation totale en France. Si une partie de cette consommation parallèle est légale du fait de l'autorisation de ramener du tabac depuis l'étranger, une autre partie non négligeable de cette consommation achetée hors des bureaux de tabac français provient de la vente illégale. Cette dernière a très largement eu l'occasion de se développer depuis une dizaine d'années principalement du fait des hausses successives des prix du tabac en France, notamment à cause de l'augmentation des taxes, qui totalisent désormais 83 % du prix du paquet. Les consommateurs français se tournent désormais de plus en plus vers des filières illégales ou achètent du tabac à l'étranger pour satisfaire leur propre consommation. La France est aujourd'hui le premier pays consommateur de tabac illicite en Europe. Ce phénomène est notamment illustré par l'explosion des hausses de saisies de tabac par la douane française : 650 tonnes en 2022 contre 238 en 2017. Le Gouvernement a mis en place un plan d'action national de lutte contre les trafics illicites de tabac 2023-2025 avec notamment la création de groupes locaux anti-trafics de tabacs (GLATT) qui ont servi à mettre en place l'opération COLBERT en juin 2023 et COLBERT II en mars 2024. La vente illégale de tabac continue cependant de se développer et le nombre de points de vente illégaux, par exemple certaines épiceries de nuits, se multiplie. Pour se mettre en conformité avec le droit européen, la France a supprimé la limite de 200 cigarettes, soit une cartouche, qu'un fumeur était autorisé à ramener d'un autre pays de l'Union européenne pour sa consommation propre. Cette mesure prise par décret le 29 mars 2024 risque d'affecter encore plus gravement les buralistes français alors même que près de 10 000 d'entre eux ont fermé depuis 2003, portant ainsi leur nombre à environ 23 000. En parallèle, cette situation risque d'impliquer pour l'État la perte de plusieurs milliards d'euros de recette. Aussi, il souhaiterait savoir quelles sont les mesures attendues pour faire face à l'augmentation des ventes frauduleuses de tabac dans un contexte de fragilisation de la filière officielle française de vente de tabac.

Réponse publiée le 17 juin 2025

Le plan national de lutte contre les trafics illicites de tabacs 2023-2025 renforce encore la capacité d'action douanière contre toutes les formes de commerce illicite de tabacs. La douane intervient, en effet, comme administration cheffe de file dans la lutte contre ces trafics, qui est une des priorités de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Articulé autour de quatre engagements qui structurent l'action douanière contre ce fléau jusqu'à la fin de l'année 2025, ce plan porte sur des mesures importantes, qui correspondent à autant de nouveaux moyens déployés par la douane. D'abord, la douane a investi dans des capacités de détection permettant de lutter contre les trafics, dont ceux liés aux tabacs. En effet, différents équipements de détection non intrusive sont déployés et continueront à l'être d'ici la fin de l'année 2025. Il s'agit de caméras endoscopes (depuis septembre 2024), de scanners (depuis décembre 2024) et d'équipes maître de chien anti-tabac supplémentaires, d'ici fin 2025. Ensuite, des groupes de lutte anti trafics de tabacs (GLATT) ont été créés afin de répondre au besoin d'adapter l'organisation des services douaniers pour faire face à celle des trafiquants. Créés en 2023, dans des bassins de fraude prioritaires, ils permettent de faire travailler de façon plus efficace et coordonnée, l'ensemble des services douaniers concernés, en coopération avec des services partenaires. Ils exploitent, notamment, les fiches « Stop Trafic Tabac » émises par les buralistes pour signaler des ventes illicites de produits du tabac. Ces groupes ont été enrichis d'un réseau douanier cyber déconcentré pour lutter contre les trafics sur internet. De plus, les opérations coordonnées ou « coups de poing » constituent un levier important et nécessaire de lutte contre les trafics illicites de tabac. En plus d'inscrire la réponse étatique sur le plan médiatique, ces opérations envoient un signal fort aux trafiquants. Les opérations « COLBERT » constituent l'illustration du pilotage par la DGDDI du groupe opérationnel national antifraude (GONAF), aux côtés de la mission interministérielle de coordination antifraude (MICAF). Ces opérations ont également renforcé la présence de la douane au sein des comités opérationnels départementaux antifraudes (CODAF). Les cibles d'intérêt douanier, notamment les commerces vendant illégalement des produits du tabac, sont ainsi régulièrement inscrites dans les plans de contrôle des CODAF. L'opération nationale COLBERT II, qui a eu lieu du 20 au 27 mars 2024, a permis la saisie de 27 tonnes de tabacs sur cette période. Par ailleurs, le législateur a fait évoluer le régime juridique entourant la lutte contre les trafics de tabacs via la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Le durcissement des sanctions encourues fait écho aux échanges réguliers avec la confédération des buralistes. La peine d'emprisonnement encourue pour la fabrication, la détention frauduleuse en vue de la vente, la vente hors du monopole, l'introduction ou l'importation frauduleuse de tabacs manufacturés passe ainsi de un à trois ans, et peut aller jusqu'à cinq à dix ans pour les mêmes infractions réalisées en bande organisée ; de même, la durée de fermeture administrative encourue par les commerces revendant du tabac de manière illicite passe de 3 à 6 mois maximum encourus. En outre, une sanction pour non-respect des mesures de fermeture administrative est instaurée, l'infracteur étant désormais passible de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende. Cet affermissement de la réponse étatique vise à envoyer un signal fort aux infracteurs qui détournent des commerces de leur vocation d'origine pour s'adonner au commerce illégal de tabac. Depuis la publication du décret n° 2024-276 du 27 mars 2024, la DGDDI a mis en place un observatoire sur les achats transfrontaliers de tabacs afin de suivre au plus près les contentieux réalisés par ses services, mais également les ventes mensuelles de tabacs dans les départements concernés. En outre, ce décret offre la possibilité aux douaniers de retenir d'autres critères que celui portant que la quantité de tabacs transportés afin d'établir si un particulier rapporte du tabac d'un autre pays de l'Union européenne pour sa consommation personnelle et non pour un but commercial. Dans le cadre du plan national de lutte contre les trafics illicites de tabac 2023-2025, la douane a également entamé des travaux, en coopération avec la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), visant au développement d'une capacité publique souveraine d'estimation et d'analyse du marché parallèle des produits du tabac. Celle-ci devra permettre de mieux comprendre, de façon indépendante, les ressorts criminologiques et socio-économiques du marché parallèle de tabacs. Cette meilleure maîtrise permettra une communication publique argumentée en la matière, et améliorera le niveau de connaissance douanière des marchandises de fraude. Les premiers résultats de ces recherches seront publiés dans le courant de l'année 2025. Enfin, dans le cadre du programme national de lutte contre le tabac pour 2023-2027, co-porté par les ministères chargés de la santé et des comptes publics, une des mesures phares de l'axe 4 « Transformer les métiers du tabac et lutter contre les trafics » est d'agir au niveau de l'Union européenne et des États membres pour mieux harmoniser la politique fiscale et réduire les écarts de prix. La position française reste inchangée sur cette nécessité d'harmonisation, et des échanges réguliers avec les homologues européens permettent de garder cet objectif au centre de l'actualité en matière de tabac.

Données clés

Auteur : M. Nicolas Meizonnet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Commerce et artisanat

Ministère interrogé : Économie, finances et industrie

Ministère répondant : Comptes publics

Dates :
Question publiée le 3 décembre 2024
Réponse publiée le 17 juin 2025

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