Question écrite n° 2462 :
Lutte contre l'implantation du trafic de fentanyl en France

17e Législature

Question de : M. Nicolas Meizonnet
Gard (2e circonscription) - Rassemblement National

M. Nicolas Meizonnet attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les risques de voir s'implanter et se développer en France de nouveaux trafics de drogues à base de fentanyl. Le fentanyl est un puissant analgésique opioïde synthétique initialement utilisé dans le milieu pharmaceutique pour traiter des douleurs sévères, notamment après une opération majeure ou pour aider un patient à faire face à des souffrances répétées pour lesquelles aucun autre traitement n'est efficace. Si son utilisation médicale reste très rare et n'est que rarement conseillée, le fentanyl est de plus en plus utilisé en tant que drogue récréative dans certaines régions du monde, particulièrement en Amérique du Nord. En tant que stupéfiant, le fentanyl est un produit d'une dangerosité extrême. Facile à concevoir, peu cher, difficilement repérable, particulièrement addictif, mais aussi extrêmement nocif pour la santé, le fentanyl représente une menace non négligeable sur le plan sanitaire. Utilisé en tant que drogue, le fentanyl a des effets délétères. La plupart des consommateurs tombent dans une addiction qui affecte non seulement leur santé, mais aussi leur vie sociale et professionnelle. En raison de sa puissance, le fentanyl est l'une des drogues les plus enclines à provoquer des overdoses souvent mortelles. Si l'usage récréatif du fentanyl reste très peu développé en Europe, il s'agit déjà d'un phénomène de premier plan aux États-Unis et au Canada. Principalement acheminé et vendu via des cartels mexicains, le fentanyl est une drogue relativement simple à fabriquer et dont les matières premières nécessaires sont légales et peu chères. Le coût de revient d'une dose de fentanyl peut avoisiner quelques centimes, ce qui le rend très abordable et en fait une drogue priorisée par les trafiquants. En Amérique du Nord, où une dose est souvent vendue pour moins de cinq dollars, le fentanyl est désormais un enjeu de santé publique. Les autorités l'ont récemment comparé à l'épidémie de coronavirus, rappelant qu'une réponse mondiale serait nécessaire pour répondre à cette crise. Le fentanyl connaît en effet un développement exponentiel et provoque des ravages qui en font déjà l'une des drogues les plus meurtrières proportionnellement au nombre de consommateurs. En 2010, aux États-Unis, près de 3 000 overdoses mortelles étaient attribuées au fentanyl, ce chiffre passait à 19 413 en 2016 pour finalement atteindre près de 77 000 en 2023 selon les autorités. Pour le National Institute on Drug Abuse (NIDA), ce sont même 120 000 décès qui pourraient être attribués, en 2023, à l'utilisation du fentanyl et ses dérivés. Le fentanyl représente dorénavant les deux tiers des morts par overdose aux États-Unis et son essor ne semble connaître aucun ralentissement. La plupart des observateurs estiment que cette nouvelle drogue pourrait se développer de manière tout aussi importante dans d'autres régions du monde et l'Europe paraît être l'un des territoires les plus exposés. Alors que la France connaît déjà des difficultés pour répondre au développement d'autres trafics de drogue sur son sol, il souhaiterait savoir si des mesures sont attendues pour empêcher que le trafic de fentanyl ne s'implante en France.

Réponse publiée le 3 juin 2025

Classé dans la famille des opioïdes de synthèse, le fentanyl est un médicament prescrit dans le traitement de maladies graves pour ses puissants effets antalgiques. Opioïde très puissant, son usage détourné, sa surconsommation et sa contrefaçon sont la cause d'une véritable crise sanitaire en Amérique du Nord depuis les années 1990. La production du fentanyl illicite est essentiellement assurée au Mexique, où il est synthétisé dans des laboratoires clandestins à partir de précurseurs chimiques importés de Chine. Le fentanyl illicite est principalement diffusé sous la forme de comprimés, empruntant le nom de médicaments licites, ou de poudre, notamment pour être mélangé à d'autres stupéfiants (héroïne, méthamphétamine, etc.). Dans l'Union européenne, si une augmentation de son usage est observée au Royaume-Uni, le fentanyl illicite se consomme surtout en Finlande et dans les pays baltes. Même si la consommation de fentanyl et de ses dérivés tend à diminuer dans l'Union européenne, les acteurs de la santé publique comme les forces de l'ordre restent vigilants. Comme pour d'autres substances en effet, des signaux indiquent que les cartels mexicains pourraient collaborer avec des groupes criminels européens pour développer le trafic de fentanyl en Europe. La production de fentanyl est en nette hausse au Mexique, alors que le marché américain est saturé, et les saisies de fentanyl, de précurseurs chimiques et d'outils de production tendent à augmenter en Estonie, aux Pays-Bas et en Belgique. En France, le fentanyl est classé comme stupéfiant depuis 1990. Il fait l'objet, avec ses précurseurs chimiques, d'une surveillance pharmaceutique renforcée. Sa consommation est plutôt faible et pour l'essentiel limitée à des cas de mésusage de fentanyl d'origine médicale. Les surdoses mortelles sont extrêmement rares. Le fentanyl pharmaceutique et le fentanyl illicite ne font pas l'objet, contrairement à d'autres stupéfiants, d'un « marché » établi et stable. Des achats de fentanyl pharmaceutique à des fins de consommation individuelle sont toutefois observés sur le « darknet » francophone, de même que des achats à partir d'ordonnances falsifiées. La vente de fentanyl illicite s'effectue principalement sur le marché numérique, en général sous la forme de poudre expédiée par voie postale. À ce jour, un seul laboratoire de fabrication de fentanyl a été démantelé sur le territoire national (à Paris, en 2018). Les saisies annuelles de fentanyl demeurent exceptionnelles, en général en interceptant des colis (expédiés des États-Unis, des Pays-Bas, etc.). Elles se comptent d'ailleurs en grammes et non en kilogrammes. En 2019, de manière exceptionnelle, 10,6 kg de fentanyl avaient été saisis lors d'une opération douanière au port de Dieppe (dont 10 kg en provenance d'Espagne et à destination du Royaume-Uni). En Europe et en France, où le phénomène est à ce stade limité, l'usage de fentanyl détourné ou contrefait n'en constitue pas moins un point de vigilance, que ce soit en matière de veille sanitaire ou sur le plan du trafic. La France participe ainsi, avec une centaine de pays et organisations, à la « coalition mondiale pour la lutte contre les drogues de synthèse » lancée par les États-Unis en juillet 2023, et les unités de gendarmerie et services de police du ministère de l'intérieur sont mobilisés, sous l'égide de l'office anti-stupéfiants (OFAST) de la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ). L'office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP), en lien direct avec le commandement pour l'environnement et la santé (CESAN) rattaché à la gendarmerie nationale, conduit la lutte contre le trafic de médicaments. Dans le cas présent, la lutte se concentre sur les médicaments qui sont détournés de leur usage légitime à d'autres fins que médicales. L'OCLAESP mène régulièrement des enquêtes en lien avec des médicaments à usage humain à base de Fentanyl obtenus illicitement dans des pharmacies. Ces médicaments peuvent alimenter divers trafics destinés à la consommation d'usagers toxicomanes. Une très grande vigilance est également portée sur le sujet des vols de ce produit, qu'il soit présenté sous forme de spécialités pharmaceutiques ou de matière première à usage pharmaceutique. Le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, est particulièrement mobilisé pour la protection de la sécurité de nos concitoyens, et pour lutter contre les ravages du narcotrafic. En témoignent l'adoption définitive de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, le 29 avril 2025, et le renforcement des moyens déployés sur le terrain. 

Données clés

Auteur : M. Nicolas Meizonnet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Drogue

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 3 décembre 2024
Réponse publiée le 3 juin 2025

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