Question écrite n° 2821 :
Protection de nos concitoyens contre le démarchage téléphonique

17e Législature
Question signalée le 17 février 2025

Question de : Mme Sophia Chikirou
Paris (6e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Mme Sophia Chikirou appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargée de la consommation, sur le fléau que constitue le démarchage téléphonique dans le pays. Selon l'Observatoire de la consommation UFC - Que Choisir, en 2023, près de trois quarts des Français sont victimes chaque semaine de démarchage sur leur mobile, 38 % le sont chaque jour et 49 % d'entre eux affirment également recevoir au moins un SMS de démarchage par semaine. 97 % des citoyens déclarent d'ailleurs être « très agacés« par ces démarchages considérés comme « intempestifs ». Ces pratiques, qui génèrent un mécontentement légitime, ont des effets néfastes sur le bien-être des citoyens et viennent s'ajouter aux troubles de l'attention engendrés par toutes les interruptions numériques auxquels ils sont déjà confrontés. Les études démontrent que ces démarchages intempestifs sont un facteur de stress important, font naître un sentiment de violation de la vie privée et conduisent à une perte de confiance dans les outils numériques et les appels téléphoniques. Ce phénomène pousse les personnes à ne plus répondre aux appels qu'elles reçoivent par crainte d'un nième démarchage, ce qui peut in fine provoquer une forme d'isolement. C'est particulièrement vrai pour les personnes âgées qui sont à la fois les plus vulnérables et les plus touchées, étant les utilisatrices les plus régulières du téléphone fixe. Ce n'est pas faute d'avoir légiféré pour tenter d'endiguer le phénomène. En France, le démarchage téléphonique est encadré depuis 1989. Il y a 10 ans, Bloctel était créé et pas plus tard qu'en juillet 2020, la loi n° 2020-901 entrait en vigueur pour encadrer le démarchage téléphonique et lutter contre les appels frauduleux, renforçant les obligations des professionnels en matière d'information des consommateurs et alourdissant les sanctions. Pour autant, Bloctel constitue un échec cuisant aux yeux des Français, puisque plus de la moitié des personnes inscrites continuent à être sollicitées, que 81 % des citoyens considèrent que le dispositif n'est « pas efficace » et que 75 % jugent que les appels sont en recrudescence sur les dix dernières années. Il faut tirer les conséquences de cette inefficience. Une proposition de résolution européenne invitant le Gouvernement à se prononcer en faveur de la modification du régime de démarchage téléphonique au niveau européen, qui préconise de passer à un système de consentement plutôt qu'un système d'opposition (le consommateur n'étant plus présumé consentant sans son accord explicite), a été adoptée en commission des affaires européennes. Une proposition de loi visant à basculer vers ce système d'opt-in a également été adoptée au Sénat. Toutefois, il est extrêmement difficile de rendre ce principe effectif. Pour le groupe LFI-NFP, comme pour la plupart des citoyens et des associations de consommateurs, il est temps d'instaurer un véritable droit à la tranquillité et d'interdire purement et simplement le démarchage téléphonique. C'est déjà le cas pour certains secteurs, comme la rénovation thermique ou le compte personnel de formation. L'interdiction s'applique déjà, tous secteurs confondus, sur des plages horaires étendues (avant 10h, après 20h et les weekend et jours fériés). Elle souhaiterait donc connaître les mesures concrètes qu'elle compte proposer pour renforcer réellement la lutte contre le démarchage téléphonique, notamment en renforçant les moyens de contrôle de l'ARCEP et de la DGCCRF pour ce qui concerne la France, aller vers l'interdiction du démarchage qui crée des troubles sociaux et psychologiques chez les citoyens et les enferme dans le consumérisme et comment elle compte rendre le système du consentement opérationnel et éviter qu'il soit contourné, comme c'est massivement le cas actuellement (près de la moitié des entreprises contrôlées ne sont pas en conformité avec la réglementation en vigueur).

Réponse publiée le 29 avril 2025

Dans le souci de protéger les consommateurs, notamment les plus fragiles d'entre eux, d'un démarchage téléphonique intempestif et intrusif, le code de la consommation interdit cette pratique à l'égard de ceux qui sont inscrits sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique BLOCTEL. La loi n° 2020-901 du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux est venue renforcer ce dispositif. L'ensemble des mesures d'application de la loi ont désormais été prises. Ainsi, le décret n° 2021-1528 du 26 novembre 2021 détermine la nature des données essentielles de l'activité exercée par le gestionnaire de la liste d'opposition au démarchage téléphonique devant être rendues publiques dont « le nombre de réclamations déposées par les consommateurs » qui s'élève à environ 770 000 depuis le démarrage de la concession en cours, soit depuis le 1er octobre 2021, c'est-à-dire en un peu plus de trois ans. Ainsi, aujourd'hui, le nombre de professionnels adhérents au service BLOCTEL s'élève à environ 2 500, le nombre de consommateurs inscrits sur la liste d'opposition à environ 6,2 millions et le nombre de numéros de téléphone protégés à environ 12,4 millions. Depuis le début de l'année 2022, ce sont presque 25 milliards de numéros de téléphone qui ont été retirés des fichiers de prospection commerciale. Environ 360 millions de numéros sont soumis par les professionnels en moyenne par jour et 30 millions de numéros sont retirés des fichiers de prospection commerciale en moyenne par jour, soit autant d'appels évités. Outre ce décret, un autre décret déterminant les jours et horaires ainsi que la fréquence auxquels la prospection commerciale par voie téléphonique non sollicitée peut avoir lieu, y compris en vue de la fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines est paru le 14 octobre 2022 au Journal officiel (Décret n° 2022-1313). Ce décret est entré en vigueur le 1er mars 2023 et encadre mieux le démarchage téléphonique auprès des consommateurs, qui est ainsi autorisé uniquement du lundi au vendredi, de 10 heures à 13 heures et de 14 heures à 20 heures. Il est, en revanche, interdit le samedi, le dimanche et les jours fériés. Cet encadrement s'applique aussi bien aux personnes non inscrites sur BLOCTEL qu'à celles inscrites mais sollicitées dans le cadre d'un contrat en cours. Toutefois, il ne s'applique pas si le consommateur a donné son consentement exprès et préalable pour être appelé. Le professionnel, ou une personne agissant pour son compte, peut alors solliciter par voie téléphonique le consommateur consentant en dehors de ces jours et de ces plages horaires. Ce décret précise également qu'un consommateur ne peut pas être sollicité par voie téléphonique à des fins de prospection commerciale plus de quatre fois par mois (période de trente jours calendaires) par le même professionnel ou par une personne agissant pour son compte. Il convient de noter que cet encadrement de la fréquence des appels inclut les tentatives d'appels du professionnel envers un même consommateur. Enfin, lorsque le consommateur refuse ce démarchage au cours de la conversation téléphonique, le professionnel s'abstient de le contacter ou de tenter de le contacter avant l'expiration d'une période de soixante jours calendaires révolus à compter de ce refus. La violation de ces règles est sanctionnée de l'amende administrative prévue à l'article L. 242-16 du code de la consommation (75 000 € d'amende pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale). La législation ne distingue pas les appels à destination des téléphones fixes de ceux reçus sur des téléphones mobiles et protège de la même façon les consommateurs en leur permettant à enregistrer sur BLOCTEL tous les numéros de téléphone dont ils sont titulaires, les appels frauduleux à destination des téléphones mobiles étant tout autant intrusifs que ceux passés vers des téléphones fixes. Par ailleurs, après l'interdiction de la prospection commerciale par voie téléphonique en matière de rénovation énergétique prévue par la loi ° 2020-901 du 24 juillet 2020, la loi n° 2022-1587 du 19 décembre 2022 visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires, face aux pratiques dénoncées et constatées dans le domaine de la formation professionnelle, a été créé une nouvelle interdiction de sollicitation téléphonique dans ce secteur d'activités. La direction générale de la concurrence, de la consommationet de la répression des fraudes (DGCCRF) poursuit une action répressive résolue pour sanctionner les professionnels qui ne respectent pas leurs obligations légales et, de manière plus générale, les pratiques délictuelles qui s'y rattachent. Ainsi, en 2023, près de 5 300 établissements ont été contrôlés dont environ 60 % ne respectaient pas la règlementation relative au démarchage téléphonique et ont donné lieu à l'émission d'environ 4 millions d'euros d'amende. Les sanctions prononcées sont publiées sur le site de la DGCCRF et sur les comptes de ses réseaux sociaux, notamment « X » et « facebook », dans le cadre de sa politique du « name and shame » pour mieux informer les consommateurs sur les sociétés sanctionnées et renforcer l'effet dissuasif des sanctions. Ces publications sont également reprises sur le site internet bloctel.gouv.fr. Par ailleurs, depuis juillet 2023, la loi impose aux opérateurs télécoms un système d'authentification des numéros de téléphone et l'interruption des appels qui ne seraient pas authentifiés. Confrontés à des difficultés techniques, les opérateurs n'ont pas immédiatement été en mesure de respecter cette obligation, mais ont annoncé que depuis le 1er juin 2024 le mécanisme d'authentification est opérationnel et que l'interruption des appels non authentifiés est possible depuis le 1er octobre 2024. Dit autrement, cela permettra de remonter plus facilement aux donneurs d'ordre d'appels téléphoniques illicites et donc de les sanctionner tout en faisant drastiquement diminuer le démarchage téléphonique usurpant des numéros. Le Gouvernement est pleinement conscient que pour beaucoup de nos concitoyens, les appels téléphoniques, non désirés et répétés, effectués à tout moment de la journée, dans le but de leur vendre un produit ou de leur fournir un service qu'ils ne souhaitent pas, constituent une véritable nuisance. Il continuera donc à agir pour renforcer la lutte contre ces pratiques. S'agissant de l'évolution du cadre juridique existant que vous appelez de vos vœux en vue de n'autoriser le démarchage téléphonique qu'auprès des personnes qui auraient expressément et préalablement consentis à être sollicités par ce canal, il convient d'indiquer que lors de l'examen en première lecture de la proposition de loi renforçant la lutte contre les fraudes aux aides publiques, le Parlement a adopté une disposition précisant : « Il est interdit [à un professionnel] de démarcher téléphoniquement, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers agissant pour son compte, un consommateur qui n'a pas exprimé préalablement son consentement à faire l'objet de prospections commerciales par ce moyen ». Au sens de ce texte, à l'issue de son examen par le Sénat le 02 avril dernier, le consentement s'entend de « toute manifestation de volonté libre, spécifique, éclairée, univoque et révocable par laquelle une personne accepte, par un acte positif clair, que des données à caractère personnel la concernant soient utilisées à des fins de prospection commerciale par voie téléphonique. » Il appartiendra au professionnel d'apporter la preuve que le consentement du consommateur a été recueilli dans les conditions précitées. Ainsi, ce texte, soutenu par le Gouvernement, procède à un changement de paradigme en instaurant, en 2026, sans qu'à ce stade, la date exacte ne soit encore connue, un régime dit « d'opt-in », afin de mieux protéger les consommateurs contre les appels intrusifs. Enfin, afin de renforcer l'efficacité de l'action publique de lutte contre le démarchage téléphonique illicite et intrusif, la proposition de loi donne une base juridique aux échanges d'information entre la DGCCRF, l'ARCEP et la CNIL afin de lutter plus efficacement contre les fraudes relevant des champs de compétence respectifs de ces trois autorités. Les agents de la DGCCRF, de l'ARCEP et de la CNIL pourront ainsi se communiquer toute information obtenue dans le cadre de leurs missions respectives et susceptible d'être exploitée par l'une ou l'autre de ces autorités dans son champ de compétence. Actuellement, les échanges d'informations couvertes par le secret de l'enquête et de l'instruction entre agents de la DGCCRF, de la CNIL et de l'ARCEP ne sont pas autorisés légalement. Une disposition législative, telle que proposée par cet amendement, autoriserait ces échanges d'informations entre les agents de ces différentes autorités. Au cours de leurs enquêtes, les services de la DGCCRF relèvent régulièrement des pratiques illicites de la part de certains opérateurs au regard des règles encadrant l'utilisation du plan de numérotation. Par exemple, certains opérateurs téléphoniques attribuent directement des lignes à des centres d'appels installés à l'étranger pratiquant le démarchage téléphonique, sans représentant et/ou donneur d'ordre établi en France. Ces informations seraient susceptibles d'intéresser l'ARCEP dans le cadre de ses contrôles du respect du bon usage du plan de numérotation français. La proposition de loi renforçant la lutte contre les fraudes aux aides publiques, sur laquelle le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, doit encore faire l'objet, le 6 mai prochain, d'un examen en commission mixte paritaire afin de de tenter de trouver un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur les dispositions restant en discussion. Le texte commun élaboré par la commission mixte paritaire devra ensuite être adopté par chacune des assemblées dans les mêmes termes. La loi sera, ensuite, transmise pour promulgation. Le Gouvernement est pleinement conscient que pour beaucoup de nos concitoyens, les appels téléphoniques, non désirés et répétés, effectués à tout moment de la journée, dans le but de leur vendre un produit ou de leur fournir un service qu'ils ne souhaitent pas, constituent une véritable nuisance. Il continuera donc à agir pour renforcer la lutte contre ces pratiques.

Données clés

Auteur : Mme Sophia Chikirou

Type de question : Question écrite

Rubrique : Télécommunications

Ministère interrogé : Consommation

Ministère répondant : Commerce, artisanat, PME, économie sociale et solidaire

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 17 février 2025

Dates :
Question publiée le 10 décembre 2024
Réponse publiée le 29 avril 2025

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