Droit de vote aux élections locales suite au Brexit
Publication de la réponse au Journal Officiel du 15 juillet 2025, page 6389
Question de :
M. Vincent Caure
Français établis hors de France (3e circonscription) - Ensemble pour la République
M. Vincent Caure interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la perte récente du droit de vote aux élections locales des Français vivant au Royaume-Uni depuis le 3 mai 2024, suite au Brexit. Actuellement, les autorités locales britanniques, responsables des registres électoraux, procèdent au retrait des Français arrivés après le 31 décembre 2020 de ces registres. Seuls les ressortissants de pays de l'Union européenne (UE) arrivés avant cette date, à l'exception du Portugal, de la Pologne, l'Espagne, le Danemark et le Luxembourg et qui ont conclu des accords bilatéraux avec le Royaume-Uni conservent leur droit de vote aux élections locales. Cette perte de droits a des conséquences qui vont au-delà de la seule participation démocratique puisque l'inscription sur les registres électoraux au Royaume-Uni protège les résidents contre la fraude et a par exemple une incidence sur les credit ratings des résidents, facilitant ainsi leur accès aux prêts immobiliers ou aux contrats de téléphonie mobile. Face à cette situation, il souhaiterait savoir si le Gouvernement envisage d'engager des négociations avec le Royaume-Uni en vue d'un accord bilatéral rétablissant réciproquement le droit de vote aux élections locales pour les ressortissants français au Royaume-Uni et britanniques en France.
Réponse publiée le 15 juillet 2025
L'article 88-3 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que "sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l'Union résidant en France." Cet article interdit par conséquent à tout résident extracommunautaire, et donc aux ressortissants britanniques depuis le Brexit, de voter ou de se présenter aux élections municipales en France. La Constitution n'aborde pas les modalités de participation à d'autres types d'élections locales. Cependant le Conseil constitutionnel, dans sa décision 92-308 du 9 avril 1992, a établi que "le quatrième alinéa de l'article 3 de la Constitution implique que seuls les "nationaux français" ont le droit de vote et d'éligibilité aux élections effectuées pour la désignation de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale de la République". La Constitution réserve donc, dans le cadre des élections locales, le droit de vote et d'éligibilité aux seuls ressortissants français et, dans le cas des élections municipales, aux seuls citoyens de l'Union européenne. Le vote de ressortissants britanniques aux élections locales, quelles qu'elles soient, est donc incompatible avec la Constitution. Par conséquent, même si le gouvernement négociait et adoptait un accord bilatéral rétablissant réciproquement le droit de vote aux élections locales pour les ressortissants français au Royaume-Uni et britanniques en France, un tel accord nécessiterait une révision constitutionnelle avant de pouvoir envisager une éventuelle ratification parlementaire. En effet, les articles 54 et 55 de la Constitution, ainsi qu'une jurisprudence constante des plus hautes juridictions, établissent la supériorité de la Constitution sur les engagements internationaux. Il est vrai que d'autres Etats membres de l'Union européenne accordent aux ressortissants britanniques le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales, soit en vertu d'un accord bilatéral avec le Royaume-Uni, soit par des dispositions de droit interne. Ces Etats membres exercent leur pouvoir souverain de déterminer le périmètre du corps électoral de leurs différents types d'élections, ce qui, à l'exception des élections au Parlement européen, est une compétence strictement nationale. Cet état de fait permet à la France, dans ce domaine, de fixer des règles différentes de ses voisins, dans le respect vigilant de son ordre constitutionnel.
Auteur : M. Vincent Caure
Type de question : Question écrite
Rubrique : Français de l'étranger
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 3 mars 2025
Dates :
Question publiée le 17 décembre 2024
Réponse publiée le 15 juillet 2025