Prolifération des rodéos urbains dans les communes de taille moyenne
Question de :
M. Jérôme Guedj
Essonne (6e circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Jérôme Guedj attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la prolifération des rodéos urbains, source croissante d'insécurité et de troubles pour les habitants des communes de taille moyenne de sa circonscription. Les rodéos urbains, dangereux et souvent organisés, perturbent gravement la tranquillité publique et mettent en danger la vie des habitants. Malgré les efforts considérables déployés par les maires, les associations et les policiers municipaux, les moyens à disposition des collectivités locales s'avèrent insuffisants face à l'ampleur du phénomène. La situation est exacerbée par le manque d'effectifs et de présence de la police nationale, accentué dans certains cas par des décisions de réorganisation, comme la fermeture ou le déplacement de postes de police locaux. Ces décisions fragilisent les dispositifs de sécurité dans des villes déjà éprouvées par des tensions sociales et budgétaires. M. le député rappelle également l'importance de conjuguer des réponses sécuritaires avec des politiques de prévention renforcées, qui nécessitent des investissements pérennes dans les services publics locaux, l'accompagnement des jeunes et des familles, ainsi que le soutien aux associations. En conséquence, il demande à M. le ministre quels moyens humains et financiers supplémentaires le Gouvernement entend mobiliser pour renforcer la présence et l'action de la police nationale dans les villes moyennes particulièrement touchées par les rodéos urbains. Il lui demande également quelles mesures réglementaires pourraient être envisagées pour durcir les sanctions contre les auteurs de rodéos urbains et améliorer leur mise en œuvre (saisie et destruction des véhicules, obligation d'immatriculation des engins motorisés, généralisation de la vidéo-verbalisation). Il lui demande comment le Gouvernement prévoit de renforcer le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) pour permettre aux communes de développer des actions de prévention à la hauteur des enjeux. Enfin, il lui demande quelles garanties l'État peut offrir pour éviter la fermeture ou le transfert de structures régaliennes essentielles dans des communes de taille moyenne et ainsi garantir une égalité territoriale dans l'accès à la sécurité publique.
Réponse publiée le 3 juin 2025
Le respect de la tranquillité publique et la lutte contre les nuisances et incivilités qui suscitent l'exaspération de nos concitoyens sont au cœur de la politique de sécurité qui est menée par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et qui fait du respect de l'ordre public une priorité absolue. Les plans départementaux de restauration de la sécurité du quotidien élaborés dans l'ensemble des départements, sont un vecteur majeur de cette reconquête républicaine. S'agissant des rodéos motorisés, ils constituent une préoccupation aussi bien sur le plan de l'ordre public qu'en matière de sécurité des usagers de la route et de l'espace public. Au-delà des enjeux de sécurité routière, ce phénomène est en effet un facteur d'incivilités et de nuisances sonores. Plus largement, il nourrit le sentiment d'insécurité, d'abandon et d'impuissance de l'État ressenti par une partie de la population. Le cadre juridique applicable à la lutte contre les rodéos motorisés a été enrichi ces dernières années, notamment par la loi du 26 mai 2008 relative aux conditions de commercialisation et d'utilisation de certains engins motorisés, par la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés et par la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Ces évolutions législatives permettent désormais de détruire plus rapidement les véhicules ayant servi à commettre les rodéos et de mieux identifier les auteurs des infractions en renforçant les obligations de déclaration des engins motorisés non-soumis à l'obligation d'immatriculation. Elles permettent également de procéder directement à la mise en fourrière, en cas de mise en circulation d'un véhicule n'ayant pas fait l'objet d'une réception, ou en cas d'utilisation de certains dispositifs ou équipements non homologués. Ces évolutions législatives se sont, surtout, traduites par la création d'un délit spécifique puni d'un an d'emprisonnement, de 15 000 euros d'amende (et plus en cas de circonstances aggravantes) et de plusieurs peines complémentaires, ainsi que prévu par les articles L. 236 et suivants du code de la route. Ce délit nécessite néanmoins la constatation d'une répétition volontaire de manœuvres dangereuses dans la conduite d'un véhicule motorisé. Aussi, afin de faciliter la répression des comportements dangereux, une contravention de 3ème classe a été créée le 12 juin 2024, réprimant une position ou manœuvre acrobatique ou non conforme aux conditions normales d'utilisation (art R.412-6-4 du code de la route). La lutte contre ce fléau s'intègre aux stratégies de partenariat et de réappropriation de la voie publique qui sont au cœur de la restauration de la sécurité du quotidien engagée. Les forces de l'ordre sont donc mobilisées pour contrer ces comportements et éviter les incidents graves. Des instructions ministérielles sont régulièrement adressées aux services déconcentrés pour appeler préfets et forces de police et de gendarmerie à la mobilisation, notamment en période de météorologie favorable. Dans le cadre des partenariats avec les élus, la gendarmerie nationale et la police nationale conseillent les acteurs locaux sur les mesures et les moyens réglementaires à leur disposition : développer la vidéoprotection, adapter la configuration urbaine pour limiter ces phénomènes, etc. La gendarmerie utilise notamment les possibilités offertes par l'application Gend'Elus ou par l'intervention de référents sûreté. Des actions de prévention et de sensibilisation sont également menées par les forces de l'ordre, en lien avec les associations locales, par exemple par les centres de loisirs des jeunes (CLJ) de la police nationale. En partenariat avec les acteurs locaux (polices municipales, bailleurs sociaux, etc.) et en lien étroit avec les parquets, les policiers et gendarmes agissent en prévention et en anticipation comme en judiciaire. Des opérations de voie publique sont menées, à visée dissuasive et aux fins d'interpellations en flagrant délit : opérations de contrôle dans les parties communes d'immeubles d'habitation, identification préventive des lieux de stockage des engins, opérations de surveillance et de contrôle dans les secteurs les plus touchés en associant la police municipale, etc. Cette action préventive est complétée en amont des runs et rodéos par une recherche active du renseignement. A ce titre, la veille des réseaux sociaux utilisés pour annoncer l'évènement et réunir les participants permet d'anticiper ces manifestations pour, préventivement, essayer d'en empêcher la tenue, le plus souvent à l'appui d'un arrêté préfectoral d'interdiction de rassemblement sur la voie publique. Il est également possible pour des tiers d'effectuer un signalement anonyme via l'application « Ma Sécurité », guichet unique des forces de l'ordre et accessible dans tous les départements, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Par un appel au « 17 », les témoins peuvent aussi informer les autorités d'un run en cours ou communiquer tous les renseignements utiles (horaires, description des engins, lieux de dépôt, description des auteurs, etc.) relatifs à des phénomènes récurrents. Ces informations permettent aux forces de l'ordre soit de dissuader en amont, soit d'intervenir pour mettre fin au rodéo, soit d'apporter des preuves utiles aux enquêtes en cours et d'organiser des opérations de prévention ciblées, en lien avec les autorités locales. Sur le plan répressif, et au-delà des interpellations en flagrance, les forces de l'ordre s'appuient sur tous les moyens utiles (recours à la vidéoprotection, police technique et scientifique, recueils de témoignages, etc.) pour diligenter des enquêtes d'initiative aux fins d'identification des auteurs et de confiscation des engins. Par ailleurs, dans le cadre de sa stratégie de renforcement de l'ordre public et de lutte résolue contre les comportements délinquants, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, a exprimé sa volonté de systématiser les dispositifs de poursuite et d'interception des véhicules dont les conducteurs refusent d'obtempérer, en particulier dans les situations de rodéos motorisés. Ce type d'intervention constitue une opération de police à haut risque, marquée par une forte complexité opérationnelle et susceptible de mettre en danger tant les usagers de la voie publique que les forces de l'ordre elles-mêmes. Dès lors, l'engagement d'une poursuite doit être précédé d'une évaluation circonstanciée, fondée sur une analyse fine des enjeux en matière de sécurité, prenant en compte l'environnement de l'opération et les risques encourus. Lorsqu'une poursuite est engagée, elle doit se conformer strictement aux protocoles définis par voie d'instruction ministérielle. Ces instructions encadrent de manière précise les conditions de recours à la poursuite et à l'interception, définissent les modalités d'intervention des services de police et de gendarmerie, et imposent une application rigoureuse des principes de proportionnalité, de nécessité et de sécurité. Elles visent aussi, en toutes circonstances, à préserver l'intégrité physique des agents intervenant, des personnes poursuivies et des tiers, tout en assurant une réponse efficace et maitrisée face aux refus d'obtempérer. Les résultats obtenus témoignent de l'implication des forces de l'ordre. En 2024, les services de la police nationale ont mené plus de 29 000 opérations de lutte contre les rodéos, saisi plus de 2 400 engins motorisés et procédé à plus de 33 000 verbalisations. Au cours de l'année 2024, leur action a également permis l'interpellation de plus de 3 400 individus et le placement en garde à vue de plus de 1 300. Sur la même période, les unités de la gendarmerie nationale ont réalisé 12 700 opérations de lutte contre les rodéos, saisi 300 engins motorisés et effectué 1 750 verbalisations. Au sein de l'agglomération parisienne, les services de la préfecture de police ont mené, en 2024, 2 112 opérations de lutte contre les rodéos, saisi 425 engins motorisés et dressé 81 verbalisations. En dépit toutefois de cette mobilisation et du renforcement du cadre juridique, les rodéos urbains demeurent un sujet de préoccupation, altérant les conditions de vie au quotidien des habitants de bien des quartiers. Le droit ne suffit pas : obtenir des résultats dans la durée implique davantage de fermeté dans la réponse des pouvoirs publics et, plus largement, davantage de respect de l'autorité. La mise en œuvre, dans l'ensemble des départements, de plans d'action départementaux de restauration de la sécurité du quotidien devrait apporter de nouvelles réponses, avec, en particulier, une présence accrue des policiers et des gendarmes sur la voie publique, qui permettra de réprimer plus activement cette délinquance. Dans ce domaine comme dans d'autres, l'implication des polices municipales est indispensable, notamment pour garantir une présence forte et dissuasive sur la voie publique. Concernant la politique pénale relative au traitement de ces auteurs, y compris en amont d'un jugement, elle relève exclusivement du ministère de la justice.
Auteur : M. Jérôme Guedj
Type de question : Question écrite
Rubrique : Sécurité routière
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 7 janvier 2025
Réponse publiée le 3 juin 2025