Question écrite n° 3212 :
Dégâts des cormorans sur la pisciculture et les milieux marins

17e Législature

Question de : Mme Caroline Colombier
Charente (3e circonscription) - Rassemblement National

Mme Caroline Colombier appelle l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la menace croissante que représentent les cormorans pour les pisciculteurs et la vie marine. Représentant à eux seuls 90 % de la prédation aviaire, la population de cormorans, autrefois menacée puis protégée à partir de 1979 par l'Union européenne, est passé de 15 000 individus en 1983 à 110 000 en 2024, soit une multiplication par dix. Ces prédateurs redoutables, chassant en groupes de quinze à trente, sont capables de consommer jusqu'à 500 grammes de poissons par jour, ce qui équivaut à un prélèvement quotidien d'environ 2,9 tonnes en France. Cet oiseau migrateur a un effet dévastateur croissant sur la production des pisciculteurs, exacerbé par sa plus grande sédentarisation à mesure qu'il est surprotégé. Cette situation se traduit par des pertes financières considérables pour une filière importante, participant activement à la préservation de la biodiversité, au stockage de l'eau, à l'économie rurale et à la souveraineté alimentaire, atteignant entre 50 000 et 55 000 euros par an et par exploitation, soit les trois-quarts de la production moyenne estimée. Malgré des préjudices importants, les exploitants ne peuvent réclamer d'indemnisation au même titre que les agriculteurs et les éleveurs de bêtes prévue respectivement à l'article L. 426-1 du code de l'environnement ainsi que par le décret relatif à l'indemnisation des dommages causés aux troupeaux domestiques par le loup, l'ours et le lynx (n° 2019-722 du 9 juillet 2019). Peu d'entreprises pourraient survivre dans ces conditions. Cette situation se traduit également par une mise en danger des équilibres écologiques locaux. En effet, malgré l'annulation d'une quinzaine d'arrêtés autorisant un quota spécifique de destruction du cormoran par département, les pisciculteurs et les acteurs de la protection de la vie marine continuent inlassablement de mettre en exergue la menace que représentent ces oiseaux. Des mesures privées de protection ont été mises en place ces dernières années par l'installation de cages-refuges immergées, dont l'efficacité a été démontrée par plusieurs études, notamment dans le cas du lac du Der dans la région Grand Est. Ces dispositifs ont permis une réduction significative de la prédation des poissons par les cormorans. Outre l'impérieuse nécessité d'élargir les quotas insuffisants de tirs et les zones de prélèvement, ainsi que de réautoriser la chasse en eaux libres, il apparaît essentiel de soutenir cette initiative. En effet, il serait bon que l'État contribue financièrement à l'installation de ces refuges, a fortiori dans un contexte de grande précarité des pisciculteurs, et à la prise en charge de la protection des installations face aux dégâts non indemnisés de ces animaux res nullius non régulés. Aussi, afin de protéger au mieux le patrimoine marin et les étangs, elle lui demande quelles mesures sont envisagées pour contrer la menace croissante que font peser les cormorans sur l'équilibre écologique et sur la filière piscicole. Elle lui demande également si elle envisage d'intervenir dans la reconnaissance et l'indemnisation du préjudice que les professionnels de la filière ont subi, dans un souci de juste égalité, mais aussi dans le soutien financier à la fabrication et à l'installation des cages-refuges. Enfin, elle lui demande si une révision des quotas de prélèvement des cormorans est envisagée, compte tenu des récentes décisions judiciaires limitant leur régulation, afin de protéger les élevages de poissons en France.

Réponse publiée le 15 avril 2025

Le grand cormoran est une espèce autochtone, piscivore, protégée au niveau national. Il bénéficie également au niveau européen du régime général de la protection de toutes les espèces d'oiseaux (directive « oiseaux »).  La population de la sous-espèce Phalacrocorax carbo sinensis s'était significativement réduite jusque dans les années 1970. Depuis lors, en raison de sa protection, le nombre moyen de grands cormorans a augmenté jusqu'à atteindre une population de presque 120 000 individus hivernants en 2024, ce chiffre étant relativement stable depuis 2013. Afin de contrôler l'impact que le grand cormoran occasionne sur les piscicultures et, le cas échéant, les poissons sauvages, un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener des opérations de régulation depuis les années 1990. Ces moyens d'action font régulièrement l'objet d'ajustements, notamment en lien avec l'évolution de la population sur le territoire et les besoins des acteurs. Ainsi le nouvel arrêté-cadre du 24 février 2025 fixe les nouvelles conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de perturbation intentionnelle et de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant les grands cormorans. Ce texte autorise de nouveau la destruction de grands cormorans au titre de la protection des espèces piscicoles menacées dans les cours d'eau et plans d'eau. Au-delà des consultations obligatoires, il a fait l'objet de nombreux échanges avec les partenaires concernés afin de tenir compte de l'ensemble des remarques des parties prenantes. Il apporte un cadre rénové, plus ambitieux et plus sécurisé juridiquement, visant à la cohabitation du grand cormoran avec les pisciculteurs et à la limitation de son impact sur les écosystèmes aquatiques, dans le respect de la réglementation en vigueur pour la protection des espèces. Dans le nouvel arrêté-cadre du 24 février 2025 figurent des simplifications administratives et des assouplissements importants s'agissant des dérogations à l'interdiction de perturbation intentionnelle et de destruction de l'espèce. Ainsi la période de destruction est étendue de droit jusqu'au 30 juin pour les piscicultures. La mise en œuvre d'opérations complémentaires est permise jusqu'au 31 juillet en pisciculture sur justification (auparavant, les opérations complémentaires devaient s'achever au plus tard le 30 juin). Désormais, les plafonds de destruction autorisés au titre de la protection des poissons menacés seront fixés par les préfets en respectant le seuil maximal de 20 % de la population départementale hivernante recensée lors du comptage national, ce seuil pouvant être porté à 30 % en cas d'absence de plafond sur les piscicultures dans le département. En outre, en cas d'atteinte du plafond accordé au titre de la protection des piscicultures avant la fin de la campagne, le plafond peut être augmenté dans la limite de 10 % du nombre d'individus autorisés à la destruction sur les piscicultures dans le département. De même, afin de piloter au plus près les destructions de grand cormoran, il est ajouté un délai de transmission des comptes-rendus des opérations aux préfets de 72 heures suivant les destructions, via une plateforme en ligne simplifiée qui sera créée. Enfin, tout bénéficiaire d'une dérogation à l'interdiction de destruction pourra réaliser, aux mêmes périodes et sur les mêmes lieux que les tirs, en complément, des opérations d'effarouchement sonores et visuels, sans qu'il soit besoin d'effectuer des démarches administratives supplémentaires. L'ensemble de ces assouplissements doit cependant respecter les enjeux liés aux règlementations en vigueur, et notamment l'exigence que des mesures alternatives aient préalablement été mises en place sans succès, et le nécessaire évitement des impacts sur les autres espèces protégées. Ainsi, le texte a pour ambition d'assurer une meilleure cohabitation entre le grand cormoran et les activités de pêche et de pisciculture, tout en permettant de maintenir un bon état de conservation de l'espèce et de limiter l'impact sur le milieu des opérations menées. S'agissant du financement des mesures de protection telles que les cages-refuges, des aides à la protection des piscicultures sont déjà octroyées via le Fonds Européen pour les Affaires Maritimes, la Pêche et l'Aquaculture (FEAMPA) et mobilisables par les exploitants pour permettre l'achat de ces matériels de protection.

Données clés

Auteur : Mme Caroline Colombier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Animaux

Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

Dates :
Question publiée le 21 janvier 2025
Réponse publiée le 15 avril 2025

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