Question écrite n° 3404 :
Licenciements discriminatoires - Inspection du travail

17e Législature

Question de : Mme Sophie Taillé-Polian
Val-de-Marne (11e circonscription) - Écologiste et Social

Mme Sophie Taillé-Polian alerte Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur les licenciements non justifiés d'inspecteurs et d'inspectrices-élèves du travail. Après avoir débuté leur cursus au sein de l'Institut national de formation des inspecteurs du travail il y a 10 mois, 8 d'entre elles et eux se sont vu notifier l'arrêt de la poursuite de leur parcours d'études sans justification, les renvoyant dans les faits à leur profession précédente. Déjà, trois stagiaires, dont deux syndicalistes et une personne RQTH, avaient été licenciés pour insuffisance professionnelle en 2024 à l'issue de leur formation à l'INTEFP. À ce jour, les organisations syndicales n'excluent pas des motivations discriminatoires à l'origine en raison du genre, de la race et du handicap - cinq de ces élèves sont en situation de handicap. Dans certains cas, certaines des pathologies sont mises en cause clairement dans les notations que les élèves ont reçues. Le caractère discriminatoire et arbitraire de ces décisions met en lumière l'incapacité d'un ministère censé porter des valeurs sociales, humaines et d'inclusion de proposer des accompagnements en lien avec la médecine du travail et d'adapter des postes de travail en fonction des situations individuelles des personnes concernées. Ces décisions s'apparentent à une double peine pour l'inspection du travail. En effet, ces dernières apparaissent d'autant plus incompréhensibles et choquantes dans un contexte de pénurie d'agents et d'agentes : on compte aujourd'hui seulement 1 750 agents de contrôle en poste sur le territoire français, ce qui représente un poste d'inspecteur pour 12 000 salariés. Pourtant il est urgent de permettre aux salariés de ce pays d'avoir accès à des professionnels en nombre œuvrant à la bonne application du droit du travail notamment en matière de santé et de sécurité. En 2023, il y a eu 759 accidents du travail et 332 accidents mortels de trajet - décès documentés par Matthieu Lépine en partenariat avec le journal L'Humanité. Ainsi, elle demande si elle compte procéder à un réexamen de toute urgence de la situation des huit inspecteurs et inspectrices du travail en formation et, plus largement, mettre fin à la maltraitance institutionnelle subie par les agents et les agentes ces dernières années.

Réponse publiée le 3 juin 2025

Concernant la fin de scolarité des 8 inspecteurs élèves du travail de la promotion d'inspecteurs élèves issue du concours 2023 (entrée en formation à l'Institut national du travail de l'emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) en février 2024),  la formation statutaire des inspecteurs du travail est organisée par le décret statutaire du corps de l'inspection du travail (décret n° 2003-770 du 20 août 2003 portant statut particulier du corps de l'inspection du travail). Elle comporte deux périodes : une première période de 12 mois, pendant laquelle les admis aux concours sont inspecteurs-élèves du travail, faisant l'objet en fin de scolarité d'une évaluation par un jury et une seconde période de 6 mois, pendant laquelle les inspecteurs élèves sont affectés au sein des services en qualité d'inspecteurs du travail stagiaires. Cette seconde période de formation est également évaluée par une commission de titularisation, qui propose la liste des inspecteurs stagiaires qui peuvent être titularisés dans le corps des inspecteurs du travail. Le jury de fin de première période a pour mission propre d'apprécier l'aptitude des inspecteurs-élèves du travail à être présélectionnés dans la perspective d'une nomination en qualité de stagiaire. Le jury établit la liste de classement dans les conditions définies par arrêté du ministre chargé du travail (arrêté du 16 novembre 2021 relatif aux modalités de la formation et aux conditions d'évaluation et de sanction de la scolarité des inspecteurs élèves du travail) qui dispose que seuls les élèves ayant obtenu un minimum de 65 points peuvent être classés par le jury en vue de leur pré-affectation pour la période de stage. C'est sur la base de la seule liste de classement établie par le jury que la ministre chargée du travail nomme les inspecteurs-élèves en qualité d'inspecteurs du travail stagiaires, étant donné qu'ils sont les seuls reconnus par le jury comme aptes à réaliser cette seconde période probatoire. Sur une promotion de 180 élèves, le jury de fin de première période n'a pas proposé à la ministre en charge du travail l'affectation en qualité de stagiaires pour 8 élèves et a proposé le redoublement pour l'une des 8 élèves concernés. Ce redoublement a été accepté par l'élève, qui a repris une formation initiale d'inspectrice élève au sein de la promotion 2025. Le jury, souverain, s'est prononcé dans la stricte application des dispositions statutaires et des éléments constitutifs du dossier d'évaluation de chaque élève. Parmi les 7 élèves, 5 sont en situation de handicap. Il est à noter que la promotion comptait 19 élèves en situation de handicap (12 recrutés par contrat, et 7 élèves ayant fait connaître à l'INTEFP une reconnaissance de qualité de travailleur handicapé). 12 élèves en situation de handicap poursuivent donc actuellement leur formation en qualité d'inspecteurs du travail stagiaires, attestant de la qualité de leur accompagnement par l'INTEFP comme par les services qui accueillent ces élèves en stage, depuis leur entrée en formation. Une jurisprudence administrative constante, portant sur les décisions de jurys, acte de leur caractère souverain, à l'exclusion de la démonstration d'une erreur manifeste d'appréciation. La ministre a par suite compétence liée et ne peut prendre de décision s'écartant de la proposition du jury. Chaque élève concerné a par ailleurs été informé de son droit à recours devant le juge administratif. Concernant les mesures prises au sujet du renforcement des effectifs de l'inspection du travail,  après une période de baisse significative des effectifs de contrôle, des actions fortes ont été conduites pour renverser cette tendance, via une politique active de recrutement et des mesures de nature à renforcer la visibilité et l'attractivité du métier d'inspecteur du travail. Une politique active de recrutement a été menée. D'une part, en doublant le nombre de postes ouverts aux concours, pendant une période de trois années consécutives. En effet,  alors que 100 postes avaient été ouverts en 2021, ce sont 200 postes qui ont été ouverts au titre des trois concours (externe, interne et troisième concours) en 2022, 2023 et 2024. D'autre part, en ouvrant une nouvelle voie d'accès au corps de l'inspection du travail par la voie du détachement, assortie d'une formation réservée à ces fonctionnaires détachés. La première promotion d'inspecteurs du travail par la voie du détachement a été recrutée en 2021. Le recrutement de fonctionnaires en détachement est mobilisé tout particulièrement afin de pourvoir des postes qui n'auraient pas été pourvus par la voie des concours. En parallèle, des mesures ont été prises pour mieux faire connaître les missions des inspecteurs du travail et permettre d'accroître le nombre de candidats aux concours : campagnes de recrutement vers l'extérieur organisées régulièrement via les réseaux sociaux, communiqués de presse, vidéo de promotion du métier d'inspecteur du travail mettant en scène un contrôle de terrain en ligne sur le site du ministère, organisation de live sur LinkedIn, le dernier ayant eu lieu le 6 février 2025 (300 personnes connectées, plus de 6 000 vues sur le replay). Enfin, des ambassadeurs du métier d'inspecteur du travail (80 agents de contrôle volontaires) ont été mis en place dans chaque région, afin de promouvoir le métier. Plus de 150 interventions ont ainsi été effectuées au cours de l'année 2024. Par ailleurs, pour renforcer l'attractivité du métier d'inspecteur du travail, des mesures de revalorisation salariales des agents ont également été mises en œuvre depuis 2022 afin de renforcer l'attractivité du corps. Grâce à cette mobilisation, ce sont plus de 600 inspecteurs du travail qui ont été recrutés entre 2021 et 2024, avec 125 inspecteurs élèves du travail en 2022, 168 en 2023 et 161 en 2024 et en complémentarité le recrutement, par la voie du détachement, de 180 inspecteurs du travail entre 2021 et 2024. Ainsi, ce sont aujourd'hui 1 845 agents (inspecteurs et contrôleurs du travail) qui exercent des missions de contrôle en unités de contrôle départementales ou régionales. Ce chiffre est en hausse de 4,5 % sur un an et de 9,2 % par rapport à décembre 2022. Le pourcentage de sections pourvues a fortement progressé en septembre 2024, pour retrouver un niveau équivalent à celui de fin 2020 (86 % de sections pourvues). Dans le même temps, un rééquilibrage entre régions est engagé, pour permettre la création de sections là où c'est le plus nécessaire.

Données clés

Auteur : Mme Sophie Taillé-Polian

Type de question : Question écrite

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles

Ministère répondant : Travail et emploi

Dates :
Question publiée le 21 janvier 2025
Réponse publiée le 3 juin 2025

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