Question écrite n° 351 :
Augmentation des violences faites aux femmes au sein du territoire français

17e Législature

Question de : M. Fabrice Brun
Ardèche (3e circonscription) - Droite Républicaine

M. Fabrice Brun attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'augmentation des violences faites aux femmes au sein du territoire français ces dernières années et sur le manque de données chiffrées du nombre de violences sexuelles faites aux femmes. En effet, alors que le Président de la République avait souhaité faire de la lutte contre ces violences une priorité nationale, il semble que ces violences aient fortement augmenté ces dernières années. Selon les chiffres du ministère de l'intérieur publiés en octobre 2023, plus de 244 000 victimes de violences conjugales ont déposé plainte en 2022, un chiffre en hausse de 15 % par rapport à 2021 et qui a même doublé comparé à 2016. Si les chiffres existent pour les violences conjugales, il n'existe pas de chiffres officiels précis pour les violences sexuelles de tous types. Il n'existerait pas non plus de données sur les personnes coupables d'agressions sexuelles, ou sur leur profil. Ce manque d'informations entraverait la compréhension de l'ampleur du problème, compromettant par la même occasion la mise en place de moyens de prévention efficaces, de protection des victimes et de poursuite des auteurs. Pour toutes ces raisons, il semble essentiel de pouvoir obtenir les chiffres précis du nombre d'agressions sexuelles et des informations sur le profil des agresseurs (âge, nationalité, motifs, antécédents judiciaires et psychologiques) ; et sur celui des victimes (âge, nationalité, relations avec l'agresseur). L'acquisition de ces données permettraient in fine d'établir un plan d'action garantissant au mieux la sécurité des concitoyens. Aussi, face à ces constatations et alors que la violence au sein de la société française ne cesse d'augmenter, il lui demande ce que le Gouvernement compte mettre en place afin de pouvoir lutter plus efficacement contre ces violences et sur le chiffrement du nombre d'agressions.

Réponse publiée le 10 juin 2025

La lutte contre les violences intrafamiliales, conjugales et sexuelles constitue depuis plusieurs années une politique publique de premier plan. Elle s'est traduite, notamment, par le renforcement régulier de l'arsenal législatif et réglementaire et le développement de nombreux dispositifs. Il peut par exemple être rappelé qu'en 2018 la France a été le premier pays à créer l'infraction d'outrage sexiste et que le « Grenelle des violences conjugales » de 2019 a conduit à un plan d'action national dont le premier pilier concerne la lutte contre les violences sexuelles. Par ailleurs, la « lutte contre les violences faites aux femmes » constitue le premier axe du Plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes (2023-2027). La gendarmerie nationale et la police nationale ont modernisé et renforcé leur action. Le ministère de l'Intérieur a porté des mesures significatives dans le cadre du « Grenelle des violences conjugales » : audit annuel de l'accueil des victimes dans les services de police et de gendarmerie, utilisation d'une grille d'évaluation du danger dans chaque commissariat de police et brigade de gendarmerie, hausse du nombre d'intervenants sociaux dans les services de police et de gendarmerie, formation de plus de 160 000 policiers et gendarmes, etc. Le ministère est également à l'initiative de mesures internes, notamment la saisie systématique des armes détenues par l'agresseur, dès le dépôt de plainte, la création d'un fichier de prévention des violences intrafamiliales, ou encore le développement de la prise de plainte hors des services de police et de gendarmerie (par exemple dans les locaux d'associations d'aide aux victimes ou dans les établissements hospitaliers). Dans ce cadre, la gendarmerie a déployé des mesures concrètes qui permettent le renforcement de l'accueil, de la prise en charge et de l'accompagnement des victimes. Ces mesures consistent en l'ouverture systématique d'une procédure judiciaire dès connaissance de faits susceptibles de constituer une infraction (la main courante est proscrite pour les violences intrafamiliales, sexuelles et sexistes) ; la refonte du récépissé de dépôt de plainte afin de simplifier l'information des droits de la victime en fonction de l'infraction concernée (avec par exemple l'accès à l'aide universelle d'urgence) ; la mise en place d'un canevas d'audition des victimes de violences intrafamiliales adapté à la situation de chaque victime et l'édition d'un guide à destination des enquêteurs ; la mise en place de mesure de protection de la victime : inscription sur demande au module de sécurisation des interventions et demandes particulières de protection (SIDPP), systématisation de la recherche et saisie d'armes, mise en relation avec un intervenant social gendarmerie (ISG) et/ou l'unité de gendarmerie maison de protection des familles (MPF), associations, etc. Le ministère a par ailleurs développé, à partir de novembre 2018, une plateforme de signalement des violences sexuelles et sexistes, dénommée, depuis 2022, plateforme numérique de signalement des atteintes aux personnes et d'accompagnement des victimes (PNAV), ouverte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Il doit aussi être rappelé que le 3919-Violences Femmes Info, plateforme téléphonique d'écoute, d'information et d'orientation des victimes de violences sexuelles, est accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Afin de s'adapter aux nouveaux modes de communication, les forces de sécurité intérieure se sont également rapprochées des associations qui proposent des applications d'aide aux victimes de violences. Une convention a par exemple été signée en 2022 avec les responsables de l'application « UMAY », qui a vocation à identifier des lieux sécurisés où peuvent se rendre les personnes se sentant en danger sur la voie publique (harcèlement, agression physique ou sexuelle, etc.). Les locaux de police et de gendarmerie ont ainsi été intégrés dans les « safe places » recensés dans l'application. Les services de police et de gendarmerie sont organisés pour prendre en charge les victimes de violences intrafamiliales et sexuelles de façon optimale, en assurant un traitement prioritaire de ces dossiers parmi le flux des procédures et en garantissant un suivi judiciaire. Depuis fin 2023, le déploiement progressif du fichier de prévention des violences intrafamiliales (FPVIF) constitue également un nouvel outil à la disposition des gendarmes et des policiers (fiches et cas pratiques, consultation simultanée des fichiers). La police nationale s'appuie sur des moyens spécifiques : près de 200 groupes et brigades de protection de la famille et plus de 2 000 enquêteurs spécialisés. Par ailleurs, pour garantir aux victimes l'accueil et l'accompagnement le plus adapté possible, la police nationale s'appuie sur plus de 800 « correspondants aide aux victimes » et sur plus de 600 « référents accueil ». La gendarmerie nationale s'appuie sur une chaîne territoriale complète de prise en compte des VIF. Au niveau national, une référente coordonne et anime le suivi des VIF et des missions de prévention. Au niveau départemental, 101 maisons de protection des familles (MPF) participent à la formation des militaires du département, et accompagnent les victimes, renforcés par plus de 280 intervenants sociaux en gendarmerie (ISG). Au niveau local, 1 771 référents VIF sont répartis dans toutes les unités, et les gendarmes bénéficient d'un cursus de formation spécifique à la prise en compte des victimes de violences intrafamiliales. Ce cursus couvre notamment une sensibilisation dès la formation initiale en école (13 500 gendarmes concernés en 2023), des modules de formation continue déconcentrée au niveau des groupements (plus de 39 000 gendarmes formés en 2023) et, enfin, une formation experte au niveau national. Au 30 octobre 2024, 49 086 gendarmes en activité sont formés à cette thématique sensible. Plus globalement, ils s'inscrivent pleinement dans le parcours victimes/usagers, déployé en mai 2024, qui participe au renforcement de l'offre de service en matière d'accueil et d'accompagnement de l'ensemble des usagers, notamment des publics vulnérables et des victimes (confidentialité des échanges, écoute et respect). S'agissant des données chiffrées sur les violences sexuelles (identifiées selon la nomenclature française des infractions, nomenclature statistique commune aux ministères de l'intérieur et de la justice qui s'articule avec la classification internationale des infractions à des fins statistiques de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime), elles sont effectivement indispensables pour appréhender le phénomène. Il convient de rappeler que l'indicateur statistique des violences sexuelles recouvre des atteintes de gravité différentes, à savoir tous les actes à caractère sexuel portant atteinte à la personne : viols ou tentatives de viol, agressions ou atteintes sexuelles, violences sexuelles non physiques (harcèlement sexuel, outrages sexistes quand ils sont des délits, voyeurisme), exploitation sexuelle (proxénétisme, etc.) et exhibition sexuelle. Ces données font l'objet de plusieurs publications, y compris dans le cadre des projets et rapports annuels de performance. De nombreux éléments statistiques et études sont produits en la matière par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) et sont disponibles sur son site internet (https://www.interieur.gouv.fr/Interstats). En outre, une vaste documentation est également disponible sur les sites internet du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, d'Arrêtons les Violences ou de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF). Ainsi, une étude spécifique sur « Les victimes de violences physiques ou sexuelles enregistrées par les services de sécurité en 2023 » a été publiée dans la revue Interstats Info Rapide n° 32 de février 2024. Le bilan annuel produit par le SSMSI (Insécurité et délinquance en 2023 : bilan statistique) comporte également de nombreuses données et analyses sur les victimes de violences sexuelles et sur les mis en cause. Le dernier bilan annuel disponible fait ainsi apparaître que, en 2023, 114 100 victimes de violences sexuelles (criminelles ou délictuelles) ont été enregistrées par les forces de police et de gendarmerie, soit une hausse de 8 % par rapport à 2022. Parmi ces victimes, 42 400 ont été victimes de viol ou de tentative de viol. Enfin, le SSMSI a récemment publié un point à mi-année 2024 faisant apparaître que 116 800 victimes de violences sexuelles ont été enregistrées de juillet 2023 à juin 2024 soit une hausse de 7 % par rapport à la mi-année 2023. Parmi ces victimes de violences sexuelles, 43 600 ont été enregistrées par les services de sécurité pour des faits de viols et tentatives de viols, soit 7 % de plus qu'à la mi-année 2023.  Le nombre de victimes de violences sexuelles a repris depuis fin 2020 sa tendance haussière constatée depuis fin 2017 dans un contexte de « libération de la parole » et d'un meilleur accueil dans les services de police et de gendarmerie. Le nombre de victimes enregistrées augmente ainsi en moyenne de 11 % par an depuis 2016. Pour permettre une comparaison avec d'autres phénomènes de délinquance, il peut être observé que, cette même année 2023, 334 900 personnes ont été victimes de coups et blessures volontaires, 4 015 de tentatives d'homicide et 54 300 de vols violents sans arme. Il convient enfin de rappeler que la délinquance enregistrée ne recouvre pas tous les actes de délinquance et que, comme pour toutes les formes de délinquance, toute analyse du phénomène implique d'examiner également les enquêtes dites de victimation, de grande ampleur, qui fournissent un éclairage complémentaire indispensable, avec notamment la prise en compte des victimes qui n'ont pas été comptabilisées par les forces de sécurité intérieure de l'État parce qu'elles n'ont pas déposé plainte. Ces enquêtes sont disponibles sur le site internet du SSMSI. La dernière enquête Vécu et Ressenti en matière de sécurité - année 2023 a été publiée le 15 novembre 2024. Au sein de l'agglomération parisienne, les femmes victimes de violences, en particulier sexuelles, sont une priorité pour les services de la préfecture de police. Afin d'assurer leur accueil dans les meilleures conditions, 37 intervenants sociaux et 21 psychologues sont affectés dans les commissariats de l'agglomération parisienne. Ils ont pour mission de renforcer la prise en charge des femmes victimes, en leur proposant un accompagnement social, juridique et/ou psychologique.  Par ailleurs, de nombreuses mesures existent, telles que la diffusion à tous les policiers de fiches réflexe, la mise à disposition de grilles d'évaluation du danger, des modèles de PV d'audition et de plainte spécifiques aux victimes de violences conjugales ou sexuelles, ou encore la création d'un dispositif d'accueil et de mise en sécurité des victimes en cas de danger avéré. D'autres dispositifs ont été mis en place, par le biais de conventions, visant à faciliter la prise de plainte en dehors des commissariats sur le ressort de la préfecture de police. Les victimes peuvent notamment porter plainte au sein des services d'urgence des établissements de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP). Si elles ne souhaitent pas immédiatement déposer plainte, elles peuvent bénéficier du « recueil de preuves sans plainte » par un médecin légiste de l'Unité Médico-Judiciaire (UMJ). Ces éléments, conservés pendant trois ans, permettent d'étayer une procédure judiciaire ultérieure.  Aussi, dans la continuité des politiques publiques priorisées par le Gouvernement, 758 721 € issus du fonds de prévention de la délinquance (FIPD) ont été alloués en 2024 à des associations dédiées aux personnes vulnérables (+ 23 000 € par rapport à 2023). Le FIPD co-finance des dispositifs en lien avec l'accueil et la prise en charge des femmes victimes de violences, notamment sexuelles. Le centre d'information sur le droit des femmes et des familles (CIDFF de Paris) portent différents projets, dont les permanences à l'unité médico-judiciaire de l'Hôtel-Dieu, qui permettent la formation des professionnels sur le sujet des violences faites aux femmes. Le FIPD soutient également le Centre Hubertine Auclert qui œuvre à la formation des policiers d'Île-de-France en matière d'accueil des victimes de violences.  Sur le plan statistique et sur le ressort de l'agglomération parisienne, 10 665 faits de violences sexuelles ont été recensés en 2024 contre 9 646 en 2023, soit une augmentation de 10,56 %. En matière d'activité policière, 4 732 faits de violences sexuelles ont été élucidés en 2024 contre 4 379 en 2023, soit une augmentation de 8,06 %. Il convient de noter que la part de "femmes" victimes de ces violences n'est pas connue, en raison de mécanismes d'anonymisation de l'identité des victimes au sein des bases de données. 

Données clés

Auteur : M. Fabrice Brun

Type de question : Question écrite

Rubrique : Femmes

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 8 octobre 2024
Réponse publiée le 10 juin 2025

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