Sauvegarde de l'emploi à Thales
Question de :
M. François Piquemal
Haute-Garonne (4e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. François Piquemal attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur les objectifs stratégiques de sauvegarde de l'emploi et de partage de la valeur en entreprise. Fleuron français hérité de la politique de soutien aux grands groupes menée par la France des années 2000, le groupe Thales se porte bien. Ses résultats sont édifiants : un chiffre d'affaires de 14,1 milliards d'euros en 2024, en hausse de 9,4 % en variation totale ; plus de 15 milliards d'euros de commande représentant une croissance totale de 26 %. La pérennité du groupe est donc confirmée, sa rentabilité n'est plus à prouver et sa capacité d'investissement est assurée. Le seul aspect présenté comme point faible par le groupe serait son volet spatial, dont les résultats demeurent stables et qui n'est donc pas en danger. Pourtant, prétextant un contexte difficile, la direction de Thales a annoncé opérer une suppression de près de 1 000 postes dans la branche Thales Alenia Space présente en France. Bien que le PDG du groupe ait assuré que ces emplois allaient être réaffectés à d'autres activités, la question demeure de la sauvegarde de l'emploi au sein d'un secteur stratégique amené à évoluer durant les prochaines années, afin d'assurer la continuité de l'autonomie stratégique française. Il est par ailleurs étonnant que le motif évoqué soit une baisse de la demande, alors que Thales Alenia Space s'élève en Europe comme un des chefs de file du secteur, au point de signer en janvier 2025 un nouveau contrat avec l'Agence spatiale européenne lui confiant le développement d'Argonaut, un atterrisseur lunaire autonome à horizon 2030, pour un montant de 862 millions d'euros. Pour les travailleurs dont l'emploi ne serait pas menacé, la situation n'est pas plus réjouissante. Les négociations annuelles ont ainsi été marquées par une absence généralisée d'augmentation salariale, alors même que le travail des salariés a permis à l'entreprise d'atteindre un montant record en bourse en 2023 et 2024, ainsi que de générer un milliard d'euros de dividendes l'an passé. C'est ce décalage criant entre rémunération du travail et du capital qu'interrogent les salariés de Thales Alenia Space, mobilisés depuis plus d'une semaine dans un large mouvement qui ne faiblit pas. Peu d'autres choix existent en réalité : l'intersyndicale, ayant désiré jouer le jeu du dialogue social et en suivre les règles, a fait face au mutisme de la direction qui a suspendu les négociations. Il semble anormal que l'évocation d'un meilleur partage de la valeur au sein des entreprises mène au repli sur soi de la part des décisionnaires. Bien que ces derniers disposent de leur liberté de gestion, l'État demeure premier actionnaire du groupe Thales en capital et en droits de vote : il possède donc une voix forte vis-à-vis des orientations prises par le groupe et devrait faire valoir les besoins futurs du pays sur le temps long dans le secteur. La continuité de la force industrielle française, tout comme des compétences en son sein, est en effet primordiale pour résister aux nouvelles pressions mondiales du spatial et assurer une indépendance stratégique face aux acteurs privés ou aux velléités expansionnistes étasuniennes et chinoises dans ce domaine. Dans ce contexte, il lui demande qu'un éclairage soit fait sur la politique de sauvegarde de l'emploi poursuivie dans les secteurs stratégiques, amenés à représenter un enjeu de sécurité nationale et de guerre économique annoncée ; ainsi que sur les dispositions prévues pour s'assurer d'un meilleur partage de la valeur au sein des grands groupes français et d'une reprise du dialogue social en cas de blocage par la direction.
Réponse publiée le 12 août 2025
En septembre 2024, le groupe Thales a annoncé un plan d'adaptation entraînant 1 300 suppressions de postes, dont 1 000 en France d'ici la fin de l'année 2025. Les postes ciblés sont localisés sur les deux sites français de la société Thales Alenia Space : 700 postes sur le site de Toulouse (31) et 300 sur le site de Cannes (06). Des négociations ont été engagées en vue de conclure un accord de gestion active de l'emploi et ont abouti à la signature d'un accord unanime avec les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise le 27 janvier 2025 (CFDT, CFE-CGC, CGT, FO). Cet accord a pour objet d'anticiper, sur la base du volontariat et sans rupture de contrat de travail les transformations d'emplois, adaptations d'effectif et besoins nouveaux en compétence envisagés à court terme. Dans ce cadre, Thales a pris l'engagement de repositionner l'ensemble des collaborateurs concernés sur des postes du groupe. Cet accord prévoit notamment des mesures permettant d'accompagner la formation des salariés : 90 000 heures de formation spécifiques seront financées par l'employeur pour les années 2024 et 2025. Les projets de mobilité interne au sein de la société Thales Alenia Space ou au sein du groupe Thales en France ou hors de France donneront lieu au versement de primes de mobilité et d'aides au déménagement. L'accord prévoit également des mesures de soutien à la création d'entreprise avec le financement des frais de formation à hauteur de 3 000 € et le versement d'une aide à la création de 30 000 €. Enfin, les salariés envisageant un départ à la retraite sans délai ou progressif pourront bénéficier de rachat de trimestres, d'une prime de départ, de l'abondement de l'employeur au compte épargne-temps, ou encore d'une réduction progressive du temps de travail. La signature d'un tel accord n'est pas sujette à un contrôle de l'autorité administrative, comme cela peut être le cas en cas de plan de sauvegarde de l'emploi et de rupture conventionnelle collective. Cela témoigne d'autant plus de la qualité du dialogue social au sein de l'entreprise, même si celui-ci n'aboutit pas toujours et dans tous les domaines à la signature d'accord. Pour ce qui concerne la négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs en 2025, la direction de Thales Alenia Space France a réuni les organisations syndicales représentatives CFDT, CFE-CGC, CGT et FO, pour participer aux six réunions de négociation organisées entre le 19 novembre 2024 et le 24 janvier 2025. Les parties à la négociation ne sont malheureusement pas parvenues à un accord sur les mesures salariales pour l'année 2025. Il est donc établi un procès-verbal de désaccord le 27 février 2025. Les services du ministère du travail et de l'emploi resteront attentifs à la mise en œuvre de cet accord et à l'évolution de l'emploi dans cette entreprise relevant de secteurs stratégiques pour la sécurité nationale.
Auteur : M. François Piquemal
Type de question : Question écrite
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles
Ministère répondant : Travail et emploi
Dates :
Question publiée le 11 février 2025
Réponse publiée le 12 août 2025