Positionnement de la France vis-à-vis du régime syrien
Question de :
Mme Christelle D'Intorni
Alpes-Maritimes (5e circonscription) - UDR
Mme Christelle D'Intorni alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le positionnement de la France vis-à-vis du régime syrien. Depuis des décennies, la France a oscillé entre rapprochements stratégiques et médiations dans les conflits régionaux. Et, la chute de Bachar al-Assad doit, avant tout, être l'occasion de s'interroger sur les relations complexes voir ambigües entre la France et la Syrie. Force est de constater que la diplomatie française n'a d'ailleurs jamais réussi à imposer sa position à ses alliés européens. Pire, durant de trop nombreuses années, notre pays, sous couvert de « realpolitik », a en réalité contribué à forger un vernis de respectabilité à des États totalitaires de la région. Historiquement, Jacques Chirac avait pour sa part décoré le dictateur Bachar el-Assad en 2001 et Nicolas Sarkozy avait invité celui-ci à parader lors du défilé militaire sur les Champs-Élysées le 14 juillet 2008. Ce faisant, en la matière, Emmanuel Macron semble une nouvelle fois avoir eu comme boussole la politique du « en même temps ». D'un côté, le Président de la République portait en bandoulière la défense des valeurs face au régime syrien en particulier aux termes de déclarations martiales. À ce titre, lors de ses vœux aux corps diplomatiques du 4 janvier 2018 le Président de la République déclarait : « Disant cela, je considère que nous devons sortir de postures morales qui parfois nous impuissantent mais que nous devons aussi sortir de concessions faites à certaines puissances qui pensent qu'à quelques-uns, reconnaissant une partie d'une opposition désignée depuis l'extérieur, ils pourraient régler de manière stable et durable la situation en Syrie ». Or, dans le même temps, le chef de l'État s'employait à décorer des proches du régime syrien participant, à certains égards, au moins indirectement à, au contraire, crédibiliser l'entourage du régime sanguinaire. À l'instar d'un photographe officiel du régime de Bachar al-Assad et proche dignitaire du dictateur déchu qui, par arrêté du 25 septembre 2017 portant nomination et promotion dans l'ordre des Arts et des Lettres, était fait Chevaliers des Arts et des Lettres. Cela, alors que ce dernier a d'ailleurs reconnu lui-même sa proximité avec le pouvoir de Bachar al-Assad et, par conséquent, son implication, tant sur le plan interne dans la diffusion de la propagande du régime, que sur le plan international en participant aux déplacements diplomatiques de l'ancien président syrien. Si bien que de nombreux intellectuels et journalistes s'interrogent aujourd'hui sur la pertinence de la conservation de telle décorations honorifiques qui engagent les valeurs du pays et sa crédibilité sur le plan diplomatique. Pour toutes ces raisons, elle souhaite connaître la position de la France sur les relations que compte désormais entretenir notre pays depuis la chute du régime de Bachar el-Assad et, plus précisément, si les décorations précitées seront retirées aux complices de son régime.
Réponse publiée le 9 septembre 2025
En 2012, dans le contexte de la guerre civile syrienne et de la répression barbare par le régime de Bachar Al-Assad contre sa population, la France a suspendu ses relations diplomatiques avec la Syrie et fermé son ambassade à Damas. Exprimant régulièrement sa pleine solidarité au peuple syrien et en continuant d'apporter un soutien, notamment humanitaire, à la population syrienne, la France a maintenu une position constante et ferme vis-à-vis du régime de Bachar Al-Assad avec lequel elle a refusé toute normalisation pendant près de 14 ans, malgré la dynamique de normalisation enclenchée par certains Etats. Le 8 décembre 2024, la France a salué la chute du régime de Bachar Al-Assad et l'ouverture d'une nouvelle phase d'espoir pour les Syriennes et les Syriens, qui pouvaient enfin saisir l'opportunité de reconstruire leur pays. Depuis l'arrivée au pouvoir de nouvelles autorités à Damas, la France appelle à la mise en œuvre d'une transition politique pacifique, juste, inclusive, répondant pleinement aux aspirations du peuple syrien à la liberté et à la dignité et respectueuse des droits de tous les Syriens. La priorité est désormais la stabilisation et la reconstruction de la Syrie. C'est pourquoi la France s'est engagée pour permettre la levée des sanctions économiques européennes, effective depuis le 27 mai. Notre politique repose aussi sur une approche pragmatique et sans complaisance vis-à-vis des nouvelles autorités syriennes. Notre réengagement avec les autorités syriennes de transition nous permet d'exprimer clairement et fermement nos attentes : inclusivité du processus de transition politique, protection et garantie des droits de tous les Syriens indépendamment de leur religion, ethnie ou genre, engagement des nouvelles autorités dans la lutte contre le terrorisme, en particulier Daech, et pour détruire les stocks d'armes chimiques du régime, engagement à ne pas menacer la sécurité des Etats voisins. La lutte contre l'impunité, pilier de notre politique étrangère vis-à-vis de la Syrie depuis plus d'une décennie, demeure également une priorité. La France appelle à la mise en place d'une justice transitionnelle, qui doit permettre de traduire en justice les responsables des crimes commis sous le régime d'Assad, mais aussi après sa chute, notamment les auteurs des massacres commis sur la côte syrienne. Il ne peut y avoir de paix durable en Syrie sans justice. Nous avons porté ces messages dès le 8 décembre, à l'occasion de la visite du ministre de l'Europe et des affaires étrangères en Syrie le 3 janvier, et le Président de la République les a réitérés auprès du président syrien de transition lors de sa visite à Paris le 7 mai dernier. La déclaration conjointe adoptée à l'issue de la conférence de Paris pour la Syrie du 13 février trace une feuille de route contenant des engagements clairs pour l'avenir de la Syrie, auxquels les autorités syriennes ont souscrit. Afin de poursuivre le dialogue engagé avec les nouvelles autorités syriennes, la France a redéployé mi-mai un dispositif diplomatique en Syrie. Un chargé d'affaires, nommé en avril et accompagné d'une équipe réduite, est basé à Beyrouth et effectue des séjours réguliers en Syrie. La réouverture officielle de l'ambassade de France en Syrie dépendra de l'évolution des conditions sécuritaires et politiques sur place.
Auteur : Mme Christelle D'Intorni
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 11 février 2025
Réponse publiée le 9 septembre 2025