Question écrite n° 4216 :
La fermeture éventuelle des derniers hauts-fourneaux de France

17e Législature

Question de : M. Jocelyn Dessigny
Aisne (5e circonscription) - Rassemblement National

M. Jocelyn Dessigny attire l'attention de M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie, sur la suspension par ArcelorMittal des investissements censés décarboner les quatre derniers hauts-fourneaux en France. En effet, si en 2024, l'UE a pour la première fois depuis 2021, vu sa production d'acier brut progresser, les volumes restent inférieurs à ceux enregistrés en 2020, au plus fort de la crise sanitaire. Quant à la France, si elle a vu sa production augmenter de 7,6 % en 2024 à 10,76 millions de tonnes contre 14 millions de tonnes brutes en 2021, les chiffres de 2023 étaient très mauvais après qu'un incendie a mis à l'arrêt un haut-fourneau durant plusieurs mois chez ArcelorMittal à Dunkerque. Pour le patron d'ArcelorMittal France, dans une déclaration du 23 janvier 2025, tous les sites de productions d'acier en Europe sont menacés de fermeture, ceci pouvant expliquer la suspension par ArcelorMittal des investissements censés décarboner les quatre derniers hauts-fourneaux en France. De plus, le coût trop important de l'énergie en Europe, malgré une amélioration relative pour les ménages, reste une charge très lourde pour la métallurgie française très dévoreuse d'énergie et déloyalement concurrencée par le dumping économique de la Chine qui inonde le monde avec un acier à des prix très bas. Avec des charges fiscales beaucoup plus lourdes et qui ne vont pas s'arranger à la lecture de l'endettement de la France, l'acier français ne pourra pas rivaliser et va mourir. Enfin, le troisième élément déterminant réside dans une demande intérieure atone à cause d'une économie qui tourne au ralenti. La crise qui s'annonce est violente. Il lui demande de porter une attention toute particulière sur ce risque de fermeture des derniers hauts-fourneaux de France et quelles mesures il compte prendre pour empêcher cette fermeture qui s'annonce.

Réponse publiée le 29 avril 2025

L'industrie sidérurgique est un secteur stratégique pour l'économie de l'Union européenne, car elle fournit des intrants essentiels à de nombreux secteurs comme l'automobile, l'énergie, la construction et la défense. Une transition propre et numérique ne peut se faire sans l'acier, qui se trouve à la base de nombreuses chaînes de valeur industrielles. Le Gouvernement est conscient de la situation préoccupante de la sidérurgie européenne, confrontée à plusieurs défis majeurs menaçant sa pérennité. Les coûts de production ont augmenté en raison de la hausse des coûts de l'énergie et du carbone, alors que les prix ont chuté en raison des surcapacités mondiales, de la concurrence déloyale des pays tiers et de la baisse de la demande. En conséquence, la production de l'Union européenne a diminué et l'utilisation actuelle des capacités est inférieure aux niveaux de rentabilité. Cette situation compromet la décarbonation des usines sidérurgiques européennes, plusieurs producteurs ayant interrompu leurs investissements dans des projets d'acier vert, à l'image d'ArcelorMittal à Dunkerque, dont le projet de décarbonation est une étape indispensable dans le maintien – à terme – de son activité. Cette situation tout à fait inédite unique appelle la France à s'engager au niveau national (i) et au niveau européen (ii). Au niveau national, l'État soutient ce projet stratégique, puisqu'il a signé en janvier 2024, via l'ADEME, une convention d'aide de 850 millions d'euros. Cette aide n'a pas encore été versée puisqu'elle est conditionnée à la commande effective des actifs stratégiques du projet, à savoir les fours à arc électrique (EAF) et le réacteur DRP. Par ailleurs, pour permettre à ArcelorMittal et plus généralement aux industriels électro-intensifs d'accéder à une électricité compétitive, EDF développe, dans le cadre de l'accord conclu avec l'État en novembre 2023, une nouvelle politique commerciale basée sur des contrats de long terme d'environ 10 ans, négociés bilatéralement avec les industriels dans une logique de partage du risque. En janvier 2024, ArcelorMittal a d'ailleurs annoncé avoir signé avec EDF une lettre d'intention relative à la conclusion d'un contrat d'allocation de la production nucléaire, ce qui lui permettra de sécuriser ses approvisionnements futurs en électricité en France, et ce à un prix compétitif. Au niveau européen, le Gouvernement plaide pour des mesures urgentes nécessaires pour assurer à ArcelorMittal, ainsi qu'aux autres acteurs européens, des perspectives économiques claires et porteuses lui permettant d'engager ses investissements dès 2025. En octobre dernier, la France a été à l'initiative de la réouverture de la mesure de sauvegarde afin d'améliorer la protection de la filière de l'acier européen. La France a également alerté la Commission européenne sur la nécessité d'élaborer un plan d'urgence pour l'acier européen. Ce plan a figuré parmi les priorités des 100 premiers jours du nouvel exécutif européen, en faveur d'une amélioration significative des instruments de défense commerciale, afin qu'ils soient plus efficaces et rapidement opérationnels. Il a été annoncé le 19 mars 2025 par le Commissaire Séjourné et doit désormais être mis en oeuvre. En parallèle, et pour maintenir l'enjeu de la sidérurgie européenne sur le haut de la pile des priorités de l'Union Européenne, le Gouvernement a été à l'initiative d'un « Sommet européen pour une stratégie autour de l'industrie de l'Acier » coprésidé par les ministres chargés de l'industrie de la France, de l'Italie et de l'Espagne, et soutenu par les gouvernements de la Belgique, du Luxembourg, de la Roumanie et de la Slovaquie. Ce sommet tenu à Bercy a été l'occasion de rappeler à la Commission les mesures urgentes à prendre, notamment la mobilisation complète et accélérée des instruments anti-dumping et antisubventions dès que nécessaire. L'amélioration rapide de la mesure de sauvegarde actuellement en vigueur, y compris avec la mise en place de niveaux de quotas plus adaptés à la demande européenne ou encore la présentation d'un nouveau mécanisme de défense commerciale ont aussi été évoquées. Enfin, il a été question de l'amélioration du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) pour garantir que les aciers importés supportent une tarification carbone alignée sur celle que paient déjà les sidérurgistes européens dans le cadre de l'EU-ETS. Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour assurer à ArcelorMittal un cadre national et européen lui permettant de confirmer ses investissements en France, en dessinant des perspectives solides à long terme. Il en va non seulement de notre souveraineté en matière de production d'acier, maillon essentiel de nombreuses chaînes de valeur, mais aussi de la capacité de notre sidérurgie à se décarboner, en assurant à la fois sa viabilité économique et la réalisation de nos objectifs climatiques. L'Union européenne et la France ne sauraient devenir un simple atelier de transformation d'acier produit hors du continent, toutes les grandes puissances industrielles étant également des puissances sidérurgiques.

Données clés

Auteur : M. Jocelyn Dessigny

Type de question : Question écrite

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : Industrie et énergie

Ministère répondant : Industrie et énergie

Dates :
Question publiée le 18 février 2025
Réponse publiée le 29 avril 2025

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