Question écrite n° 4336 :
Décès sur un chantier à Aubervilliers : agir sur les conditions de travail

17e Législature

Question de : M. Stéphane Peu
Seine-Saint-Denis (2e circonscription) - Gauche Démocrate et Républicaine

M. Stéphane Peu interroge Mme la ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi, sur le fléau des accidents du travail, notamment dans le secteur du BTP. Le samedi 15 février 2025, un nouveau drame est survenu, un ouvrier du bâtiment a chuté mortellement du troisième étage d'un immeuble en construction à Aubervilliers en Seine-Saint-Denis. Cet homme de 50 ans a basculé dans le vide quand les étais ont lâché pendant qu'il montait une balustrade à installer. Il s'agit déjà du deuxième mort du travail en Seine-Saint-Denis depuis le début de l'année. Le 16 janvier 2025 à Stains, un ouvrier était décédé enseveli par des gravats lors du creusement d'une tranchée. Ces drames posent avec acuité la question des conditions de travail des professionnels du bâtiment. La France est le pays de l'Union européenne qui compte le plus d'accidents et de décès au travail. C'est plus de 1 000 morts par an, soit la mort quotidienne d'un ouvrier du secteur BTP sur un chantier. C'est aussi un accident du travail toutes les cinq minutes. Selon Eurostat 2022, la France est l'avant-dernier des pays européens en matière de sécurité au travail avec près de 4 morts pour 100 000 travailleurs tout secteur confondu. Il y a donc urgence à mettre en place des actions fortes visant à améliorer la sécurité et la considération des travailleurs. Dans ce dessein, M. le député indique partager les demandes formulées depuis de nombreuses années par la CGT préconisant : le mieux-disant social dans les appels d'offres, publics et privés ; une limitation du recours à l'intérim aux salariés détachés dans le but de mettre fin à la précarité ; une interdiction de la sous-traitance à plus de deux niveaux et de la sous-traitance de capacité ; un renforcement de l'inspection du travail et des services de la prévention permis par une augmentation des moyens interministériels ; la création d'un observatoire national des accidents et la création d'un service d'assistance psychologique, administrative et juridique pour les familles des victimes. Il souhaite connaître son avis sur ces propositions et les mesures qu'elle envisage de prendre pour mettre un terme à ces drames.

Réponse publiée le 6 mai 2025

Après une réduction significative au cours des dernières décennies, le nombre d'accidents du travail mortels semble avoir atteint un palier autour du début des années 2010. En 2023, ce sont ainsi 810 travailleurs salariés du régime général et du régime agricole qui sont décédés au travail. Parmi eux, 38 avaient moins de 25 ans. Ces accidents dramatiques laissent derrière eux des familles endeuillées et des collectifs de travail bouleversés. Pourtant, les accidents du travail ne sont pas une fatalité : la connaissance des risques professionnels, les démarches d'évaluation des risques, la formation des salariés, la mise en place d'équipements de protection collective et individuelle sont des leviers significatifs pour renforcer la prévention. C'est pourquoi le ministère chargé du travail et de l'emploi déploie une politique visant à renforcer la culture de prévention en entreprise, notamment en accompagnant les TPE-PME, et qui cible les risques professionnels prioritaires, via le déploiement du 4e Plan de santé au travail (PST4) et du Plan de prévention des accidents du travail graves et mortels (PATGM). En particulier, le PATGM prévoit 27 mesures ciblant les publics les plus vulnérables aux accidents du travail (jeunes, nouveaux arrivants, intérimaires, travailleurs détachés, etc.) et les risques prioritaires et émergents. Il prévoit à la fois la mobilisation de l'ensemble des acteurs de la santé au travail et la sensibilisation du grand public sur le sujet des accidents du travail graves et mortels. Il met en œuvre plusieurs leviers complémentaires tels que les actions de sensibilisation et de formation, le renforcement des mesures de prévention et enfin le développement des outils de connaissance et de suivi des accidents du travail graves et mortels. Dans ce cadre, des actions spécifiques sont mises en œuvre à destination des employeurs et travailleurs du Bâtiment et travaux publics (BTP). En lien avec le ministère chargé de l'éducation nationale et les organismes de prévention, de nombreuses actions de sensibilisation et de formation à la santé et sécurité au travail sont conduites à destination des jeunes en formation dans le BTP, avec l'intégration d'un socle de compétences en santé-sécurité au travail dans les diplômes de formation initiale, des interventions de l'Organisme professionnel de prévention du BTP (OPPBTP) auprès des élèves en formation initiale et universitaire, la conduite de projets pédagogiques en lien avec les établissements, un outillage des établissements de formation initiale et universitaire, la conception d'outils de sensibilisation à destination des jeunes et enfin des campagnes de communication ciblant les jeunes en formation professionnelle. Des actions spécifiques sont également conduites à destination des travailleurs intérimaires et des entreprises utilisatrices du BTP, à l'image du déploiement par l'OPPBTP de campagnes ciblées sur les entreprises utilisatrices et les travailleurs intérimaires (sensibilisation aux risques auxquels les travailleurs sont exposés, partage de bonnes pratiques relatives à l'accueil des travailleurs intérimaires, etc.). Des actions sont par ailleurs conduites sur la prévention des risques prioritaires auxquels sont exposés les travailleurs du secteur du BTP. En ce qui concerne le risque de chutes de hauteur, des actions de communication à destination des employeurs et des salariés sont organisées. Du 21 mai au 5 juillet 2024, une nouvelle campagne pour sensibiliser les professionnels aux chutes de hauteur, avec un court-métrage, des témoignages forts d'entreprises et des podcasts, avec le slogan « Parce que ça n'arrive pas qu'aux autres », a été menée par l'OPPBTP avec l'appui des partenaires institutionnels, dont la direction générale du travail. Des travaux sont également en cours avec le secteur des cordistes, particulièrement exposés, pour mieux prévenir le risque. En ce qui concerne le risque de Troubles musculosquelettiques (TMS), en complément des aides financières de la branche AT-MP, le PST4 prévoit la mise à disposition d'outils d'évaluation prédictive du risque TMS adaptés à différents secteurs et branches concernés (comme Eval Risk TMS pour le BTP). En ce qui concerne le risque d'exposition à la canicule, des travaux réglementaires sont en cours pour renforcer les obligations d'évaluation et de prévention de l'employeur. Par ailleurs, les entreprises du BTP bénéficient des dispositifs de droit commun de la politique de santé au travail, qui leur permettent d'être accompagnées dans la mise en œuvre de démarches de prévention : action des services de prévention et de santé au travail et des préventeurs, aides financières de la branche AT-MP sur la prévention de certains risques, etc. Le 3 février 2025, à l'occasion de la séance du conseil national d'orientation des conditions de travail réunissant les partenaires sociaux et les acteurs de la prévention, la ministre a insisté sur sa volonté de poursuivre et d'amplifier la lutte contre les accidents du travail graves et mortels. Pour ce faire, elle a, d'une part, annoncé l'installation d'un « groupe de contact » qui aura pour mission de mobiliser pleinement le dialogue social des branches à fort enjeu de sinistralité en faveur de l'amélioration de la prévention des accidents du travail graves et mortels. Le secteur du BTP pourra faire partie des branches engagées dans la démarche. D'autre part, la ministre a annoncé la création et la mise en route immédiate d'un volet « mobilisation », complémentaire au PATGM, via plusieurs mesures. Premièrement, l'élaboration d'une instruction par le ministère chargé du travail et de l'emploi et le ministère chargé de l'économie et des finances à destination des donneurs d'ordre publics pour les responsabiliser davantage dans leur politique d'achat, afin que celle-ci valorise davantage les démarches de prévention ambitieuses de leurs prestataires. Une instruction par le ministère chargé du travail et de l'emploi et le ministère chargé de la justice sera également élaborée pour renforcer la coopération entre les services judiciaires et l'inspection du travail en matière d'enquêtes à la suite d'accidents du travail graves et mortels. A également été actée la création d'une « équipe analyse accidents du travail », composée de préventeurs et d'agents de contrôle et placée auprès de la direction générale du travail. Cette équipe aura pour mission d'analyser, à partir des remontées de l'inspection du travail, les cas récurrents d'accidents mortels et leurs causes ainsi que d'identifier et formuler d'éventuelles évolutions règlementaires nécessaires pour limiter le nombre et la gravité des accidents et de diffuser largement les mesures de prévention. L'accompagnement des employeurs par les services de prévention et de santé au travail dans l'établissement du document unique d'évaluation des risques professionnels sera amélioré, sans que cet accompagnement ne se traduise par une tarification complémentaire. Enfin, la mobilisation du levier de la formation par l'obligation pour tout projet de certification professionnelle déposé au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) sera approfondie en prenant désormais en compte les compétences en matière de santé et de sécurité au travail. Par ailleurs, la mesure prévoit la précision accrue du cadre de la formation et des missions du salarié désigné compétent qui accompagne l'employeur dans sa démarche de prévention des risques professionnels.

Données clés

Auteur : M. Stéphane Peu

Type de question : Question écrite

Rubrique : Accidents du travail et maladies professionnelles

Ministère interrogé : Travail et emploi

Ministère répondant : Travail et emploi

Dates :
Question publiée le 25 février 2025
Réponse publiée le 6 mai 2025

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