Difficultés des associations françaises de soutien aux Palestiniens
Question de :
Mme Julie Laernoes
Loire-Atlantique (4e circonscription) - Écologiste et Social
Mme Julie Laernoes appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numériques sur les difficultés multiples rencontrées par des associations françaises de soutien au peuple palestinien pour effectuer des virements bancaires à destination des territoires palestiniens. Depuis le 7 octobre 2023, plusieurs associations de soutien aux Palestiniens ne peuvent plus effectuer de virement à leurs partenaires dans le territoire palestinien occupé. En cause, des banques invoquant leur obligation de vérifier la destination des fonds. Dans un article de presse, il est possible de prendre connaissance d'exemples détaillés à ce sujet. Ainsi, une association basée à Grenoble a rencontré des difficultés pour effectuer des virements vers les banques de ses partenaires en Cisjordanie, via son compte à la Banque postale qui a notifié des refus d'effectuer des paiements de façon répétée. Le 31 octobre 2024, un groupe du Nord a reçu un refus ainsi motivé : « Vous avez fait une demande de virement vers la Palestine. Je vous informe que la Palestine ne fait plus partie de l'offre de la Banque postale ». La présidente de l'Association France Palestine solidarité Calvados (AFPS 14) a également rapporté dans cet article de presse les difficultés qu'elle a rencontrées avec leur agence de la Caisse d'épargne en Normandie, qui interdit désormais tout virement et cela sans explications. Dans l'immense majorité des exemples cités, il s'agit d'associations déclarées officiellement (en France et en Palestine) et les transferts de fonds concernent des projets spécifiques et justifiés financièrement via des rapports d'activités et ils sont régulés par des conventions de partenariat. Il y a, par ailleurs, de nombreux exemples de virements effectués par des associations de soutien aux Palestiniens sans la moindre difficulté, ce qui témoigne d'une absence de consigne claire au niveau des banques et au niveau étatique. La Cour de cassation, saisie d'un pourvoi, a rendu une décision le 14 février 2024 dans laquelle elle apporte un éclairage sur le régime applicable lorsqu'est en cause un virement réalisé dans une devise monétaire autre que l'euro : « À réception d'un ordre de virement, le banquier (...) est tenu de s'assurer que celui-ci émane bien du titulaire du compte à débiter ou de son représentant et ne présente aucune anomalie apparente, formelle ou intellectuelle, il doit vérifier que l'opération n'est pas manifestement irrégulière ou inhabituelle dans la pratique commerciale de son client ». Par ailleurs, les banques sont également tenues au respect de règles relatives à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Ainsi, les établissements bancaires auraient renforcé leur évaluation du risque représenté par des virements internationaux à destination d'artisans palestiniens, ce qui peut expliquer le plafonnement de certaines opérations, voire leur suspension temporaire. Pourtant, selon les propos du Gouverneur de la banque de France rapportés dans l'article de presse, « lorsque (et seulement lorsque) des éléments de risques sont identifiés par les établissements ». Par conséquent, elle lui demande quel est le positionnement du Gouvernement concernant les difficultés de virements que rencontrent des associations françaises qui semblent ne pas relever des procédures normales prévues par les banques.
Réponse publiée le 3 juin 2025
Le virement permet, sur la base d'une instruction donnée à un prestataire de services de paiement, de débiter un compte pour créditer celui d'un bénéficiaire. Dans le cas d'un virement international, les fonds sont envoyés en dehors de la zone SEPA et, dans la plupart des cas les virements internationaux sont effectués dans une devise étrangère (ex : dollar, yen, …). Dans certaines situations, le virement peut transiter par une banque correspondante (qui peut aussi être appelée intermédiaire) : le transfert de fonds transite alors par une autre banque que celle du donneur d'ordre. Il convient de préciser que, conformément à l'article L. 561-4-1 du code monétaire et financier, les organismes financiers sont tenus d'identifier, d'évaluer et de classer les risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme auxquels ils sont exposés en fonction, entre autres, des caractéristiques de leurs clients, ainsi que de mettre en place une politique adaptée à ces risques. Dès lors, en vertu de l'article L. 561-10-1 du code monétaire et financier, lorsqu'ils jugent que le risque de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme présenté par une relation d'affaires, un produit ou une opération est élevé, les organismes financiers doivent mettre en place des mesures de vigilance dites renforcées à leur endroit. Cette approche par les risques, sur laquelle repose le dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme en France et dans l'ensemble des pays se conformant aux recommandations du groupe d'action financière (GAFI), peut donc conduire certaines banques à prévoir dans leurs politiques et procédures internes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) que l'entrée en relation d'affaires avec certaines catégories de clients est subordonnée, par exemple, à la délivrance d'informations ou de pièces justificatives supplémentaires. La politique nationale de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ne prescrit cependant pas le rejet de toute opération à destination d'une géographie évaluée comme à risque. Il revient à l'autorité de supervision compétente en matière de LCB-FT, en l'occurrence l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pour ce qui est des banques, d'évaluer à la fois le degré de connaissance et de maîtrise par l'établissement contrôlé des risques auxquels il est exposé, mais aussi l'adéquation des mesures prises pour atténuer ces risques. Si les associations concernées s'estiment victimes de pratiques non-conformes à la réglementation bancaire ou de discrimination, elles ont la possibilité de mobiliser plusieurs voies de droit. Elles peuvent notamment adresser un signalement au service de la protection de la clientèle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR/ 4 Pl. de Budapest CS 92459, 75436 Paris / 01 49 95 40 00) qui contrôle la conformité des pratiques commerciales des établissements de crédit et sanctionne leurs manquements le cas échéant. En cas de soupçon de discrimination, il leur sera possible de saisir le Défenseur des droits de la République Française (https://www.defenseurdesdroits.fr) et si nécessaire d'effectuer un signalement. La jurisprudence a développé à ce sujet une acception large des faits relevant des pratiques discriminatoires. Cette interprétation, alliée aux aménagements de la charge de la preuve tels qu'ils résultent de la loi, sont protecteurs pour les victimes, qui demeurent libres d'ester en justice contre leur établissement bancaire si elles estiment que le refus d'ouverture de compte est constitutif d'une pratique discriminatoire. Par ailleurs, il convient de rappeler la mise à disposition d'un guide pratique sur l'accès aux services financiers des organismes à but non lucratifs qui exercent des activités de solidarité internationale.
Auteur : Mme Julie Laernoes
Type de question : Question écrite
Rubrique : Banques et établissements financiers
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Dates :
Question publiée le 4 mars 2025
Réponse publiée le 3 juin 2025