Danger écologique que constitue le secteur des croisières aériennes
Question de :
Mme Clémence Guetté
Val-de-Marne (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
Mme Clémence Guetté appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme, sur le danger écologique que constitue le secteur des croisières aériennes. Plusieurs entreprises basées en France, comme Ciels du Monde ou Safrans du Monde, organisent des séjours itinérants durant lesquels des avions privatisés permettent de se déplacer d'un pays à un autre. Ainsi, la compagnie Ciels du Monde propose par exemple un séjour de 23 jours au départ de Paris, incluant 10 trajets en avion et permettant de visiter le Mexique, le Pérou, l'Île de Pâques, la Polynésie française, la Nouvelle-Zélande, l'Indonésie, le Cambodge, l'Inde et la Jordanie. Malgré les affirmations proclamées par les documents de communication de l'entreprise, qui évoquent « des visites conçues dans le souci de la préservation de la nature et le respect des populations », il est évident que l'existence d'un tel secteur économique est incompatible avec la nécessité de faire face à l'urgence écologique. En effet, dès l'atterrissage du premier trajet, chacun des passagers aura dépassé son budget climat individuel, entendu au sens de la quantité d'émissions de gaz à effet maximum à émettre, rapportée à la population, afin de ne pas dépasser les objectifs des Accords de Paris. Ce type de voyage est réservé à une infime minorité d'ultra-riches : le séjour évoqué précédemment coûte de 21 900 à 57 900 euros par voyageur, selon la formule choisie. La communication de l'entreprise témoigne de l'impudence de ces privilégiés : « Seul effort : grimper dans l'avion, recevoir des fleurs et déguster du champagne. Il coulera d'ailleurs durant tout le voyage, à volonté, ne serait-ce que pour détendre l'atmosphère et favoriser le lien entre tous », y lit-on. Eu égard à l'incompatibilité de ce type de tourisme avec la nécessité de réduire les émission de gaz à effet de serre, elle lui demande quelles mesures elle compte prendre afin d'empêcher des sociétés basées en France d'organiser et de faire la promotion de ce type d'activité.
Réponse publiée le 29 avril 2025
La problématique sous-jacente à votre question est celle de la compatibilité entre liberté d'entreprendre et transition écologique dans le cadre d'une prestation de « voyage à forfait ». Il est donc utile dans ce cadre d'appréhender les précédents juridiques. Il n'existe pas d'incompatibilité à première vue entre l'activité des prestataires mentionnés et les textes nationaux et européens. Les prestations de voyages à forfait sont encadrées par un règlement européen [1], qui n'interdit pas la vente de « tour du monde ». Par ailleurs, votre question soulève également l'enjeu de l'impact des mobilités touristiques. En effet, dans le calcul de l'empreinte carbone du secteur touristique en France qui a été fait par l'ADEME sur l'année 2022 [2], la mobilité touristique représente 69% des émissions du secteur dont 29% pour l'aérien. La décarbonation des mobilités touristiques peut passer par plusieurs leviers, entre autres, la sensibilisation des clients sur l'empreinte carbone des mobilités touristiques, la communication responsable ou le levier prix. Depuis le 1er janvier 2025, l'article L. 1431-3 du Code des transports prévoit que « toute personne qui commercialise ou organise une prestation de transport de personnes, de marchandises ou de déménagement doit fournir au bénéficiaire de la prestation une information relative à la quantité de gaz à effet de serre émise par le ou les modes de transport utilisés pour réaliser cette prestation. » Sa mise en œuvre progressive permettra aux clients d'être sensibilisés sur l'empreinte carbone de leurs déplacements touristiques. De plus, des travaux interministériels ont également été menés récemment, afin d'évaluer l'impact des communications commerciales sur la consommation, sur l'efficacité de leur régulation au regard des enjeux environnementaux et sur leur capacité à susciter une consommation plus durable, pour l'environnement comme pour la santé. En cours de finalisation, ces travaux feront bientôt l'objet d'une publication et ont vocation à aboutir à des propositions concrètes visant à assurer un suivi global des communications commerciales et de leur contribution à une consommation plus durable. D'autre part, les influenceurs ont un impact important sur les choix des consommateurs, et particulièrement des jeunes, en termes de choix de destinations touristiques. Le Ministère du tourisme travaille ainsi avec l'Agence de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) pour sensibiliser les influenceurs sur la question du tourisme durable. Il est prévu d'intégrer un volet tourisme durable dans la formation permettant aux créateurs de contenu d'obtenir le « Certificat de l'Influence responsable » et aussi organiser une session du Club des créateurs de contenu certifiés portant sur la thématique « Nouveaux récits et tourisme durable », en collaboration avec l'Union des métiers de l'influence et des créateurs de contenu (UMICC). En outre, l'augmentation de la taxe de solidarité sur les billets d'avions au 1er mars 2025 permet de jouer sur le levier prix. Elle touche dorénavant également les vols en jets privés au départ de la France, vols les plus émetteurs au kilomètre par passager (montant allant jusqu'à 2100€ pour un vol à plus de 5500 kms). Enfin, le Ministère du tourisme pilote un groupe de travail sur la transition des mobilités touristiques, portant notamment sur les nouveaux imaginaires du voyage à promouvoir, l'adaptation de l'offre de mobilités touristiques, l'accès à l'information et la prise en compte de la mobilité touristique dans la gouvernance des mobilités, tout en ayant une attention particulière au départ en vacances du plus grand nombre en France. Le Ministère de la transition écologique, des opérateurs de l'État (ADEME, Atout France, CEREMA) ainsi que les écosystèmes du tourisme et de la mobilité sont associés à ces travaux. Ils ont vocation, à terme, à aboutir à des propositions concrètes visant à faciliter l'usage des mobilités bas carbone dans le secteur du tourisme. [1] Directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées. [2] Bilan des émissions de GES du secteur du tourisme en France, ADEME, 2024
Auteur : Mme Clémence Guetté
Type de question : Question écrite
Rubrique : Transports aériens
Ministère interrogé : Tourisme
Ministère répondant : Tourisme
Dates :
Question publiée le 4 mars 2025
Réponse publiée le 29 avril 2025