Bilan de la privatisation de la Française des jeux
Publication de la réponse au Journal Officiel du 19 août 2025, page 7243
Question de :
M. Aurélien Saintoul
Hauts-de-Seine (11e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Aurélien Saintoul interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le bilan de la privatisation de la Française des jeux. Depuis le 7 novembre 2019, l'État a décidé de vendre une part considérable de ses actions dans la Française des jeux, réduisant ainsi sa participation de 72 % à environ 20 % du capital. Cette opération de privatisation a été justifiée par le Gouvernement de l'époque comme une incitation à « l'actionnariat populaire », en privilégiant notamment les particuliers. Cependant, seuls 15 % des ménages détiennent des valeurs mobilières (actions, obligations) et le taux de détention le plus élevé concerne les cadres et les professions libérales en retraite. De plus, rien n'empêche que ces actions, détenues par des particuliers, soient revendues à des investisseurs professionnels en cas d'instabilité financière. Le choix du moment reste également particulièrement surprenant : alors que la Française des jeux occupait le quatrième rang mondial dans son secteur, le deuxième en Europe derrière l'Italie et affichait des marges proches de 20 %, la décision de privatiser une part significative de son capital soulève des interrogations quant au discernement dont devraient faire preuve Bercy et Matignon. Bien que l'ensemble des taxes sur les jeux continuent d'être perçues, l'État perd une part conséquente de ses dividendes. En effet, si l'État avait conservé sa participation à son niveau de 2018, le dividende qu'il aurait perçu en 2023 se serait élevé à 245 millions d'euros et le montant des dividendes cumulés procurerait, sur huit ans, autant de recettes qu'en a procurées la cession de la moitié du capital. Une telle perte de recettes sur le long terme ne peut qu'être déplorée, d'autant plus dans un contexte de « dégradation des finances publiques ». Par ailleurs, une inquiétude persiste quant aux addictions liées aux jeux d'argent. L'Observatoire français des drogues et des tendances addictives a montré que près de la moitié des Français majeurs ont joué à un jeu d'argent ou de hasard en 2023 et que 13,4 milliards d'euros de produit brut ont été générés pour les opérateurs cette même année, soit 450 millions d'euros de plus qu'en 2022, année précédente record. Selon Jean-Michel Costes, secrétaire général de l'Observatoire des jeux, « la recherche de la croissance du chiffre d'affaires et la protection contre l'addiction au jeu sont antagonistes. Augmenter le chiffre d'affaires, c'est augmenter les dépenses des joueurs » et il existe une « corrélation nette » entre la hausse de ces dépenses et l'augmentation du nombre de joueurs pathologiques. Dans le même sens, le Conseil d'État et l'Inspection générale des finances estimaient en 2018 que l'ouverture du capital de la Française des jeux présentait des risques, car « les nouveaux actionnaires, soucieux d'accroître la rentabilité de l'entreprise, pourraient se révéler moins sensibles aux impératifs de lutte contre l'addiction au jeu ». Au regard des problématiques budgétaires actuelles, M. le député souhaiterait donc savoir s'il envisage de récupérer les actions vendues par l'État en 2019 ou de prendre des actions pour réévaluer les effets à long terme de cette privatisation sur l'ensemble du secteur des jeux d'argent et notamment sur la concurrence au sein de ce marché. Il lui demande également si le Gouvernement compte mettre en place des mesures spécifiques pour garantir que la lutte contre l'addiction au jeu reste une priorité pour l'entreprise, même après l'ouverture de son capital.
Réponse publiée le 19 août 2025
En 2019, l'État a cédé environ 50 % du capital de la Française des Jeux (« FDJ ») pour une valeur totale de presque 1,9 Md €. Sur les 100 millions d'actions vendues par l'État, plus de 40 % ont été vendus aux particuliers, salariés ou détaillants/buralistes de la Française des Jeux dont les ordres ont été servis en priorité. En tout, c'est un demi-million de particuliers qui ont participé à cette opération. C'est un résultat qui montre la réussite populaire de cette opération. En cela, l'opération d'introduction en bourse de la FDJ s'inscrivait pleinement dans l'objectif défini par la loi PACTE de mieux partager la valeur créée par les entreprises. Si rien n'empêche que ces actions, détenues par des particuliers, soient ensuite revendues (à des investisseurs professionnels ou particuliers), cet ancrage populaire fait toujours partie de l'ADN de la société puisque que l'on compte toujours près de 400 000 actionnaires individuels au capital de la FDJ. La FDJ fait ainsi partie des sociétés françaises cotées ayant le plus de particuliers à son capital. Cette opération a également été une réussite pour l'entreprise. Il faut noter que la croissance connue par la FDJ depuis 2019 a été rendue possible notamment par l'évolution de la gouvernance du groupe, dans un contexte de refonte de la régulation dans le cadre de la loi Pacte. En outre, la FDJ a accéléré ses prises de participations dans des entreprises internationales telles que ZETurf, Premier Lotteries Ireland et, en fin d‘année dernière, Kindred. Le chiffre d'affaires de la société est ainsi passé de 1 956 M € en 2019 à 3 788 M € (en 2024 pro forma) soit une croissance moyenne par année de 14 % sur la période tout en respectant son devoir de contribuer aux objectifs de jeu responsable. Cette croissance du chiffre d'affaires s'est traduite par une hausse des prélèvements publics auxquels est soumis FDJ (4,7 Mds € en 2024 contre à peine plus de 3,6 Mds € en 2019). Ainsi, sur le plan financier, si l'État perçoit une part moindre des dividendes annuels, il faut mettre en perspective ces montants de l'ordre de quelques dizaines de millions d'euros avec, d'une part, ce que l'opération de privatisation a rapporté (près de 2 Mds € qui ont été utilement réinvestis dans le soutien à l'innovation et à la deeptech en France), et, d'autre part, la hausse des prélèvements publics qui fait plus que compenser la baisse du dividende perçu et l'augmentation de la valeur patrimoniale de l'État, portée notamment par ces nouvelles acquisitions (augmentation de presque 500 M€ de la participation actuelle de l'État depuis 2019). L'État reste par ailleurs particulièrement attentifs à ce que la FDJ soit exemplaire dans le développement d'un jeu responsable. Pour cela, a été mis en place en 2019 l'Autorité nationale des Jeux, autorité administrative indépendante qui régule l'ensemble du secteur des jeux d'argent et surveille tout particulièrement la FDJ. Au regard des éléments de réponse apportés, il n'apparait pas nécessaire de racheter des titres de FDJ vendus en 2019, opération qui serait, de surcroît, coûteuse pour le budget de l'État (afin de racheter environ 50 % du capital de FDJ, le prix serait supérieur à 3 Mds €, sans compter les frais financiers, les primes par rapport au cours de bourse pour réussir une OPA et les frais de sorties de cote).
Auteur : M. Aurélien Saintoul
Type de question : Question écrite
Rubrique : Jeux et paris
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 12 mai 2025
Dates :
Question publiée le 11 mars 2025
Réponse publiée le 19 août 2025