Question écrite n° 5179 :
Changement enseigne des marchands de presse : une dépense coûteuse et inutile ?

17e Législature

Question de : M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - Écologiste et Social

M. Alexis Corbière interroge Mme la ministre de la culture sur sa volonté de modifier le design de l'enseigne des marchands de presse. En effet, le jeudi 6 mars 2025, le ministère de la culture a dévoilé le nouveau design de l'enseigne des marchands de presse. Alors que les Français sont habitués, depuis les années 1950, à identifier ces quelque 20 000 marchands de presse grâce à la célèbre plume rouge sur fond jaune, il a été décidé de moderniser cette enseigne. Ainsi, en 2022, le ministère de la culture la jugeait trop vieillotte et avait lancé un appel d'offre pour la redessiner. Le président du syndicat Culture presse estime par ailleurs que cette enseigne et cette plume sont des symboles « connus et reconnus » et que c'est la « signature et la vitrine » des marchands de presse. Changer cette enseigne serait, selon les arguments du ministère, nécessaire pour accompagner la transformation du métier. Cette nouvelle plume grise serait un signe plus moderne et plus attractif et contribuerait à pallier la baisse de 35 % du nombre de marchands de presse ces 20 dernières années. Pour faciliter l'installation de cette nouvelle enseigne, l'État accorde un taux de prise en charge pour ce changement d'enseigne qui sera de 80 % dans les zones urbaines et de 90 % dans les zones rurales, qui comptent 40 % des marchands de presse. Alors que les gouvernements successifs instaurent des politiques de plus en plus austéritaires, que le ministère de la culture a subi des coupes budgétaires de 210 millions d'euros pour cette année 2025 (en incluant les baisses dans l'audiovisuel public) et que les moyens alloués à la part collective du pass Culture ont été gelés de 50 millions d'euros - voire totalement supprimés pour les moins de 17 ans - M. le député s'interroge sur la nécessité et l'urgence de cette dépense. De plus, dans la communication ministérielle, il n'est nulle part mentionné le coût total de la mesure, ni comment celle-ci pourra être financée. Il n'est pas non plus précisé sur quelle temporalité les vendeurs de presse devront effectuer ces changements d'enseigne. Ainsi, dans cette période où tous les budgets, hormis celui des armées et de l'intérieur, sont drastiquement réduits, cette décision apparaît déconnectée du quotidien des Français et n'étant nullement une réponse aux problématiques que subissent les vendeurs de presse, c'est-à-dire notamment des ventes de presse transférées à la grande distribution, des abonnements proposés par les maisons d'édition à des tarifs déloyaux ou encore le manque de transparence des relations contractuelles éditeurs et marchands de presse. Oui, il est nécessaire d'aider les marchands de presse, mais cela doit passer par une réelle réforme structurelle, dans un dialogue avec les syndicats du secteur et leurs représentants. Cela ne se fera pas avec des mesurettes floues qui ne servent qu'à servir la communication gouvernementale, sans aucune action concrète pour redonner aux vendeurs de presse une plus grande indépendance, de meilleures conditions de travail ainsi qu'une meilleure rémunération. Ainsi, dans cette période où le pays subit une forte austérité budgétaire, cette modification de l'enseigne a-t-elle été spécifiquement réclamée par les vendeurs eux-mêmes ? Les syndicats du secteur ont-ils été consultés ? Mme la ministre pourrait-elle préciser les coûts déjà engagés pour financer la réalisation de cette enseigne par une entreprise privée et quelles sont les futures dépenses qui seront imputées aux remplacements des anciennes ? Enfin, il lui demande combien d'enseignes seront changées en France et quel est le délai maximum légal à respecter pour effectuer les modifications pour les marchands de presse.

Réponse publiée le 10 juin 2025

Le ministère de la culture est pleinement engagé dans le soutien à l'accès de l'ensemble de la population, partout sur le territoire, à une information pluraliste. Les marchands de presse assurent un maillage territorial indispensable, notamment en milieu rural, où ils contribuent non seulement à l'accès à l'information de tous mais aussi à la lecture, à la culture et au dynamisme des centres-bourgs. Dans un contexte marqué par une attrition continue du volume de ventes et afin de pallier la baisse structurelle du nombre de points de vente de presse - d'environ 3 % par an -, une aide à la modernisation des diffuseurs de presse a été créée en 2004 afin d'accompagner les marchands dans l'informatisation de leurs outils et la rénovation de leurs magasins. En 2024, 774 marchands de presse ont bénéficié de cette aide pour un montant total de 3,3 millions d'euros. Une étude menée auprès de plus de 200 bénéficiaires de l'aide entre 2018 et 2022 a souligné l'importance de ce soutien pour les marchands de presse : 92 % des répondants ont indiqué que l'aide à la modernisation des espaces de vente avait permis d'améliorer l'attractivité de leur magasin et deux tiers d'entre eux n'auraient pas rénové leur magasin sans aide publique. Aussi, l'aide a été davantage ciblée vers les modernisations d'espace de vente à compter de 2023, afin de renforcer leur attractivité et modèle économique. Ce soutien est particulièrement important pour les 40 % des points de vente situés en zone rurale et pour lesquels une aide renforcée de 10 points de pourcentage et sans plafond d'aide a également été accordée dans le cadre du Plan culture et ruralité. Dans ce contexte de modernisation du réseau, le projet de nouvelle enseigne des marchands de presse s'inscrit dans le cadre du plan de soutien à la filière presse annoncé le 27 août 2020 par le Président de la République à la suite de la crise sanitaire et en réponse à une demande exprimée par les marchands de presse. 42 projets ont été reçus par le ministère de la culture à la suite de l'appel à candidatures lancé en décembre 2022 sous la forme d'un marché public à procédure adaptée. Parmi ceux-ci, 5 ont été retenus par le comité de pilotage composé du ministère de la culture et d'acteurs du secteur, notamment Culture Presse, principale organisation représentant les marchands de presse, le réseau d'enseignes Maison de la Presse et la société de distribution France Messagerie, propriétaire de la marque de l'ancienne enseigne. La proposition in fine retenue répond aux critères de qualité, de démarche éco-responsable et de prix établis dans le cadre de ce marché public. Elle propose par ailleurs une solution de combinaison entre l'enseigne « plume » et les autres enseignes de ces commerce (tabac, jeux, etc.) pour répondre aux demandes de ces commerces multi-activité et de l'obligation croissante par de nombreuses villes et communes de ne disposer que d'une seule enseigne par magasin. Le financement de cette nouvelle enseigne s'élève à 106 220 euros hors taxe (HT), comprenant l'assistance à maîtrise d'ouvrage du cahier des charges de l'enseigne (12 200 euros HT), l'indemnité de 5 000 euros versée aux 4 candidats non sélectionnés et celle de 74 000 euros versée à l'équipe lauréate. Ce financement a été intégralement assuré par le budget déjà alloué à l'aide à la modernisation des diffuseurs de presse, sans augmentation de ces crédits. L'installation de cette enseigne, qui coûtera entre 500 et 1000 euros selon les fabricants, est soutenue à hauteur de 80 % dans les zones urbaines et de 90 % en zone rurale à travers l'aide à la modernisation des diffuseurs. Le rythme du déploiement sera naturellement très progressif. Il convient aussi de noter que, à la différence des enseignes des débitants de tabac ou des pharmacies, cette enseigne n'est pas obligatoire. Conformément aux règles interprofessionnelles, la présence d'une enseigne extérieure (ancienne enseigne, nouvelle « plume », plume de l'enseigne Maison de la presse, etc.) est l'une des conditions d'accès à la qualification de point de vente spécialiste induisant une meilleure rémunération des marchands. Au-delà de l'attractivité des points de vente de presse et de leur maillage territorial, il est essentiel de leur assurer de meilleures conditions d'exercice et de rémunération. La mission de concertation relative à la distribution de la presse imprimée confiée à Monsieur Sébastien Soriano vise notamment en ce sens à réduire le nombre de livraisons quotidiennes des points de vente en mutualisant les flux de la presse nationale et de la presse régionale et locale. C'est également le sens des travaux de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse sur la rémunération des diffuseurs, conformément à l'article 18 de la loi dite « Bichet » et pour laquelle des négociations sont en cours au sein de la filière. Ces enjeux, fondamentaux pour la viabilité du réseau, sont au cœur des priorités du ministère, en dialogue constant avec les acteurs de la filière.

Données clés

Auteur : M. Alexis Corbière

Type de question : Question écrite

Rubrique : Presse et livres

Ministère interrogé : Culture

Ministère répondant : Culture

Dates :
Question publiée le 18 mars 2025
Réponse publiée le 10 juin 2025

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