Ouverture du numéro 3919 aux hommes victimes de violences conjugales
Question de :
Mme Christine Le Nabour
Ille-et-Vilaine (5e circonscription) - Ensemble pour la République
Mme Christine Le Nabour attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur l'ouverture du numéro 3919 aux hommes victimes de violences conjugales. Le numéro 3919 constitue depuis 2014 un dispositif d'écoute et d'orientation pour les femmes victimes de violences conjugales. Ce service, accessible 24h/24 et 7j/7, a été un outil essentiel pour soutenir les victimes dans un contexte de crise sanitaire, avec plus de 112 000 appels reçus en 2023, dont près de 74 % pour des violences faites aux femmes. Cependant, bien que les femmes constituent la majorité des victimes de violences conjugales, il est également essentiel de reconnaître la réalité des violences faites aux hommes, qu'il s'agisse de violences au sein d'un couple hétérosexuel ou homosexuel. Selon les données du ministère de l'intérieur, en 2022, environ 14 % des victimes de violences conjugales étaient des hommes, un chiffre qui ne peut être ignoré dans la prise en charge globale des violences conjugales. Le numéro 3919 joue un rôle crucial en tant que premier point de contact pour les victimes, permettant une orientation rapide vers des solutions adaptées. Pourtant, en l'état actuel, il ne prend pas en charge les hommes victimes de violences conjugales, créant ainsi une forme de déséquilibre dans l'accompagnement des victimes. Afin d'assurer une réponse complète aux violences conjugales, il semble indispensable d'étendre ce dispositif aux hommes et d'intégrer à sa gouvernance des associations spécialisées dans leur accompagnement, en complément d'une formation adaptée des écoutants. Dans le cadre du projet de loi de finances 2025, Mme la députée avait déposé un amendement en ce sens. Elle l'interroge donc sur sa volonté d'étendre le numéro 3919 aux hommes victimes de violences conjugales, dans un souci d'égalité d'écoute et de prise en charge.
Réponse publiée le 3 juin 2025
Le numéro national 3919 – Violences Femmes Info, géré par la Fédération nationale Solidarité Femmes (FNSF), est un service d'écoute, d'information et d'orientation dédié aux femmes victimes de violences. Il constitue un outil central de la politique publique de lutte contre les violences faites aux femmes en France. Ce dispositif a été conçu dès l'origine pour répondre à un besoin spécifique : celui des femmes victimes de violences systémiques, s'inscrivant dans un cadre social et historique marqué par les inégalités entre les femmes et les hommes. Il s'agit donc d'un espace sécurisé, animé par des écoutantes formées à la complexité des violences faites aux femmes. Cette spécialisation est essentielle pour permettre à ce public de s'exprimer dans un cadre de confiance, sans crainte de jugement ni de minimisation. Les enquêtes et statistiques disponibles confirment que ces violences sont massivement genrées : en 2023, selon les données du ministère de l'Intérieur, les services de sécurité ont enregistré 271 000 victimes de violences commises par leur partenaire ou ex-partenaire (+ 10% par rapport à 2022). 85% des victimes enregistrées par les services de sécurité sont des femmes et 86% des mis en cause sont des hommes. Ces chiffres ne reflètent pas uniquement une prévalence statistique, mais une réalité sociale dans laquelle les femmes sont majoritairement exposées au contrôle coercitif, aux violences physiques, psychologiques, administratives, économiques, et sexuelles s'exerçant dans un contexte d'inégalités. Ainsi, le 3919 s'inscrit dans une logique de prise en charge spécialisée, complémentaire à d'autres dispositifs d'écoute. Il ne s'agit pas d'un numéro généraliste ouvert à l'ensemble des victimes de violences conjugales, mais d'un outil dédié à un public spécifique, fondée sur une expertise construite sur plusieurs décennies. Cette logique de spécialisation n'est pas propre à la France : selon une analyse menée par la FNSF sur 107 pays, 56 % disposent d'un numéro d'écoute exclusivement dédié aux femmes, contre 16 % proposant une ligne mixte et 28 % un service généraliste. Il convient de rappeler que les hommes victimes de violences conjugales ne sont pas laissés sans solution. Plusieurs dispositifs existent et sont accessibles à toutes les victimes. Le 3039, piloté par le ministère de la Justice, numéro gratuit et anonyme qui permet d'obtenir des informations ou une aide pour accomplir une démarche juridique et de prendre rendez-vous avec un professionnel du droit. SOS Homophobie (01 48 06 42 41), pour les personnes LGBTQ+ victimes de violences dans le cadre de relations conjugales ou familiales. Enfin, le 116 006, numéro national d'aide aux victimes, géré par France Victimes. Il propose une écoute gratuite, confidentielle, et l'orientation vers les structures compétentes. Les hommes victimes de violences au sein du couple bénéficient ainsi comme toutes les victimes d'infractions pénales d'un soutien auprès de plus de 130 associations d'aide aux victimes réparties sur le territoire national. En outre, les centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), dont certaines sont agréées aide aux victimes, sont aussi susceptibles d'accompagner ce public. Enfin, lorsque des hommes appellent le 3919, ils ne sont pas laissés sans réponse. Un pré-accueil est mis en place, permettant une orientation vers les services compétents selon leur situation. Cette procédure garantit que toute victime bénéficie d'une réponse adaptée. En conclusion, l'ouverture du 3919 à un public mixte reviendrait à neutraliser son objet fondamental et à diluer la réponse spécialisée apportée aux femmes victimes. Une telle évolution risquerait également d'affaiblir le message de sensibilisation à destination du grand public, en occultant la nature systémique des violences faites aux femmes et les dynamiques de genre à l'œuvre dans les violences conjugales. Ce positionnement n'exclut en aucun cas le renforcement de la prise en charge des hommes victimes. Il souligne au contraire la nécessité de développer des parcours spécifiques et cohérents pour chaque public, en s'appuyant sur des expertises distinctes. L'enjeu n'est pas d'uniformiser les dispositifs, mais de garantir une réponse adaptée, équitable et spécialisée, à chaque situation de violence.
Auteur : Mme Christine Le Nabour
Type de question : Question écrite
Rubrique : Aide aux victimes
Ministère interrogé : Égalité entre les femmes et les hommes et lutte contre les discriminations
Ministère répondant : Égalité entre les femmes et les hommes et lutte contre les discriminations
Dates :
Question publiée le 25 mars 2025
Réponse publiée le 3 juin 2025