Question écrite n° 5286 :
Accès aux métiers des forces de l'ordre - pathologies chroniques

17e Législature

Question de : Mme Lise Magnier
Marne (4e circonscription) - Horizons & Indépendants

Mme Lise Magnier attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les difficultés rencontrées par certaines personnes atteintes de pathologies chroniques, telles que la mucoviscidose, pour accéder aux métiers de la police, de la gendarmerie et des armées. En effet, une jeune résidente de la circonscription de Mme la députée, ayant passé le concours de gardien de la paix, s'est vue déclarée inapte à la profession à l'issue de la visite médicale en raison de sa pathologie respiratoire, la mucoviscidose. Cependant, elle suit un traitement, le Kaftrio, qui améliore considérablement son état de santé, au point que sa condition peut s'apparenter à une guérison. Ce traitement lui permet aujourd'hui de mener une vie quasi normale et de poursuivre ses projets professionnels. Dans ce contexte, il semble que les critères de sélection, notamment en ce qui concerne les conditions médicales, ne tiennent pas toujours compte des progrès réalisés dans le traitement de certaines maladies chroniques et des capacités réelles des individus à remplir les fonctions exigées par ces métiers. Aussi, elle lui demande quelles sont ses réflexions et ses orientations concernant une évolution de la réglementation relative aux conditions d'accès aux métiers de la police, de la gendarmerie et des armées pour les personnes atteintes de mucoviscidose, dans un objectif de justice et d'égalité républicaine, afin de permettre un meilleur accès à ces professions pour des personnes en bonne santé, mais ayant un antécédent médical.

Réponse publiée le 15 juillet 2025

Le cadre juridique du contrôle de l'aptitude médicale est constitué, outre par les dispositions du code général de la fonction publique (notamment art. L. 321-1), par le décret du 14 mars 1986 modifié relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, par le décret du 9 mai 1995 modifié fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, et par l'arrêté du 25 novembre 2022 relatif à l'appréciation des conditions de santé particulières exigées pour l'exercice des fonctions relevant des corps actifs des services de la police nationale (complété par deux arrêtés, également du 25 novembre 2022, applicables aux policiers adjoints et aux réservistes opérationnels de la police nationale). Les règles concernant la gendarmerie, sont fixées par l'arrêté du 8 juin 2021 portant sur les conditions physiques et médicales d'aptitude exigées des personnels militaires et des candidats à l'admission. Ce cadre légal prévoit que le candidat doit respecter les conditions de santé particulières exigées pour l'exercice des fonctions de policier actif. Aux termes de l'arrêté du 25 novembre 2022 : « Les fonctions et emplois types exercés par les fonctionnaires actifs des services de la police nationale sont classés en trois catégories en fonction des conditions de santé exigées pour les occuper. Ces conditions de santé particulières traduisent le niveau d'exigence physique, physiologique, sensoriel et mental exigées pour l'accès et le maintien dans ces fonctions et emplois-types. » Les conditions de santé attendues sont liées aux contraintes et risques attachés à l'exercice des fonctions : efforts intenses et prolongés, port de la tenue d'uniforme, d'équipements lourds de protection et d'armes, emploi de la force physique, exercice professionnel en situation de stress physiologique, fonctionnel et mental, mise en œuvre des armes à feu, etc. L'arrêté du 25 novembre 2022 prévoit une visite médicale, portée par le service médical statutaire de la police nationale, destinée à évaluer les capacités médicales du candidat et à les confronter aux capacités professionnelles attendues dans l'exercice des fonctions. Cette appréciation est conduite sur la base : - de l'étude des antécédents médicaux du candidat tels que rapportés dans un questionnaire médico-biographique ; - des documents médicaux fournis par le candidat (certificats médicaux, comptes rendus d'examens, etc.) ; - de l'examen clinique du sujet ; - de mesures de certains paramètres biométriques ; - d'examens complémentaires, biologiques ou radiologiques, et d'examens médicaux spécialisés demandés en cas de découverte, dans les antécédents du candidat ou lors de son examen, d'un événement ou d'un symptôme évocateur d'une possible pathologie. S'agissant des personnes atteintes de mucoviscidose, elles bénéficient de la récente mise sur le marché de médicaments correcteurs de la déficience génétique, qui ont ouvert de nouvelles perspectives thérapeutiques et ont pour effet d'améliorer leur qualité de vie, de diminuer le recours aux traitements symptomatiques et de repousser l'échéance du recours à la transplantation pulmonaire. Pour autant, l'absence de recul sur les effets à moyen terme de ces médicaments incite à la prudence. S'il convient de se réjouir de ces avancées thérapeutiques récentes, qui ont considérablement amélioré les perspectives personnelles et professionnelles des malades, la conviction de la médecine statutaire d'aptitude demeure que les métiers de policier et gendarme ne sont pas les plus adaptés à la préservation de ces acquis. L'avis d'inaptitude médicale aux fonctions de policier et de gendarme participe de cette nécessaire préservation. Il en va du bien-être des personnes malades, dont l'état de santé doit l'emporter sur toute autre considération. Par ailleurs, si des patients atteints de mucoviscidose exercent une activité physique régulière, planifiée et contrôlée, cette pratique sportive - d'ailleurs souhaitable - ne préjuge pas de leurs capacités d'adaptation à un effort intense, imprévu et prolongé, en situation de stress physiologique et mental, comme il peut survenir dans des opérations de police. Et si des personnes atteintes de mucoviscidose exercent, de plus en plus fréquemment, une activité professionnelle, en milieu ordinaire ou protégé, grâce aux progrès de la médecine, ce n'est toutefois pas dans des conditions qui sont celles auxquelles sont ou peuvent être confrontés les fonctionnaires actifs et les militaires. Face à un candidat présentant une mucoviscidose, la position du médecin statutaire est basée sur la sensibilité du système bronchique et pulmonaire à des facteurs de risques spécifiques aux activités des FSI : - soumission aux agents infectieux, viraux et bactériens circulant dans le milieu d'activité (les surinfections bronchiques et pulmonaires récidivantes constituent le risque majeur de complication de la maladie) ; - possibilité d'exposition à des gaz irritants voire toxiques : lacrymogènes, fumées d'incendies et émissions polluantes responsables de troubles ventilatoires aigus, y compris à l'occasion d'opérations habituelles de voie publique ou de police de la route. L'obligation légale faite à l'employeur de préserver la santé des agents dans l'exercice de leurs fonctions commande d'ailleurs d'éviter de soumettre des personnes atteintes de mucoviscidose à une surexposition aux agents infectieux. En cas d'épidémie virale à manifestations respiratoires de type covid-19 ou grippe aviaire, ces personnes seraient en outre considérées comme des personnes vulnérables et être éloignées de leur environnement de travail et isolées à leur domicile. La direction générale de la police nationale a fait le choix d'exiger que les candidats aux trois corps actifs présentent un état de santé compatible avec les conditions de santé particulières du profil médical seuil II (cf. arrêté du 25 novembre 2022 et décret du 9 mai 1995 précités). La présence d'une mucoviscidose conduit donc le médecin d'aptitude à limiter les activités du candidat aux emplois relevant du profil médical seuil III et par conséquent à le déclarer inapte aux corps actifs. Ceci n'exclut donc pas qu'il rejoigne la police nationale, qui n'est pas composée que de corps actifs. Les médecins des armées s'appuient sur plusieurs textes réglementaires, à commencer par l'arrêté du 20 décembre 2012 relatif à la détermination du profil médical d'aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale, modifié par l'arrêté du 16 novembre 2017. En outre, l'arrêté du 8 juin 2021 fixe les conditions physiques et médicales requises pour les personnels militaires de la gendarmerie nationale et les candidats à l'admission en gendarmerie. Enfin, l'arrêté du 21 avril 2022 précise les modalités de détermination et de contrôle de l'aptitude médicale à servir pour l'ensemble du personnel militaire. Certaines contraintes sont accentuées au sein de la gendarmerie nationale, du fait de l'obligation d'opérer dans des environnements parfois hostiles, isolés, ou dépourvus d'infrastructure médicale (ex. postes isolés en outre-mer, projection en opération extérieure…). Les contraintes logistiques peuvent compromettre l'approvisionnement en produits de santé nécessaires au traitement de la mucoviscidose, et les conditions d'hygiène en campagne compliquer les soins de base. Dans les deux cas, l'état de santé de l'intéressé pourrait se dégrader rapidement en l'absence d'un encadrement médical sécurisé ou d'une capacité d'évacuation sanitaire rapide. L'ensemble de ces éléments fait non seulement courir un risque à l'intéressé, mais aussi à ses camarades, et in fine à la réussite de la mission. Cela est d'autant plus incompatible avec l'exigence de la capacité à servir en tout temps et en tous lieux imposée au personnel militaire, telle que définie dans le code de la défense. En conclusion, il convient de rappeler que l'aptitude médicale est conçue comme une assurance raisonnable donnée à l'administration que le candidat pourra, compte tenu de son état de santé, réaliser l'ensemble des activités et missions attendues, sans compromettre sa santé, celle de ses collègues, voire celle des usagers, ni engager la responsabilité de ses autorités d'emploi. Il appartient au médecin d'aptitude de faire particulièrement preuve de prudence et de rigueur dans l'appréciation des conditions de santé en raison des risques particuliers que les fonctions comportent pour les agents des corps actifs de police, ou pour les tiers, et des sujétions que celles-ci impliquent, alors, de surcroît, que les policiers travaillent dans un contexte de plus en plus difficile et violent. En gendarmerie nationale, les fonctions opérationnelles de terrain, soumises à des impératifs d'endurance, de mobilité, de réactivité et de sécurité collective, ne peuvent être assurées de manière fiable par une personne atteinte de pathologie chronique comme la mucoviscidose, la pathologie exposant à des risques d'incapacité subite en pleine mission. C'est pourquoi, lors de la visite d'expertise initiale, le médecin militaire ne peut que constater l'inaptitude à servir dans ces fonctions qui s'applique pour les personnels d'active comme de réserve.

Données clés

Auteur : Mme Lise Magnier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Discriminations

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 25 mars 2025
Réponse publiée le 15 juillet 2025

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