Pour un moratoire sur l'élevage intensif
Question de :
M. Aurélien Le Coq
Nord (1re circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Aurélien Le Coq attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la nécessité d'un moratoire sur l'élevage intensif, modèle aux graves implications environnementales, sociales et éthiques. De nombreuses initiatives citoyennes et associatives alertent régulièrement sur l'impasse de ce mode de production alimentaire. Pour cela, les militants sont souvent criminalisés. Ils s'appuient pourtant sur des éléments factuels. Ce mode d'élevage accroît la pollution de l'air, des sols et des eaux. Il cause de graves souffrances animales. Il enferme aussi les éleveurs dans un système productiviste peu rémunérateur et insoutenable sur le long terme. Il est urgent de repenser les méthodes d'élevage et d'encourager des pratiques plus respectueuses de l'environnement, des animaux et des éleveurs, tous victimes de l'élevage intensif. À cet effet, un moratoire est plus que jamais nécessaire. Il souhaite connaitre sa position sur le sujet.
Réponse publiée le 16 septembre 2025
Au sortir de la Seconde guerre mondiale, la production agricole s'est organisée de manière à pouvoir répondre à l'augmentation rapide de la demande. Encore aujourd'hui, les produits issus de l'élevage conventionnel doivent répondre à une forte demande, la population ayant crû de 70 % sur la même période. La pandémie de covid-19 en 2020 a montré la nécessité de préserver la souveraineté alimentaire et la reprise économique post-restrictions a entraîné des premiers effets inflationnistes en 2021. En 2022, la guerre en Ukraine a perturbé les filières agroalimentaires, accentuant les tensions sur le marché. L'étude Harris Interactive de 2025 met en évidence l'évolution des critères d'achat de viande des ménages français. Le prix est devenu le premier facteur de décision, à 55 %, devant la provenance ou le goût, tandis que le bien-être animal ou l'environnement plafonnent respectivement à 39 % et 31 %. Ces crises ont eu des effets très concrets sur les productions sous démarche de qualité. Ainsi, entre 2022 et 2023, le nombre d'articles issus de l'agriculture biologique vendus a baissé de 11 % contre 0,8 % pour ceux issus de l'agriculture conventionnelle. S'agissant par exemple des volailles, les ventes des produits répondant au cahier des charges Label Rouge ont plongé de 17 % entre 2019 et 2023, alors que la consommation globale de volailles a augmenté sur la même période. Si l'élevage français présente des caractéristiques variées, le modèle majoritaire en élevages bovins demeure celui d'une structure familiale avec, pour la plupart de ces élevages, un accès des animaux au plein air. Ainsi, seuls 19 % des élevages de bovins ont plus de 100 vaches laitières et 36 % des élevages ont 50 vaches allaitantes ou plus, d'une manière générale 17 % des élevages de bovins ont moins de 8 unités gros bovins (UGB) ou 5 vaches (source : chiffres clés du GEB – Idèle 2023). Dans l'Union européenne (UE), la taille moyenne des exploitations est trois fois plus grande. Autre exemple, en volailles : la diversité des modes d'élevages et des espèces élevées a été préservée et la France compte près de 20 % de volailles élevées en plein air, contre seulement 5 % dans les autres pays européens. Une exploitation française standard compte, en moyenne, deux poulaillers, pour une surface totale de 2 300 m2 abritant près de 40 000 volailles, ce qui représente une taille jusqu'à 50 fois inférieure aux fermes-usines installées dans d'autres pays producteurs du monde (source : https://interpro-anvol.fr/filiere-avicole/). Bien que les modalités de mises en œuvre diffèrent en fonction du nombre d'animaux détenus et du mode d'élevage, les règles imposées en matière de bien-être animal sont les mêmes et les résultats attendus pour les animaux sont identiques. En imposant la sortie de l'élevage conventionnel, la France exposerait ses filières à des produits importés depuis des pays-tiers ne respectant pas les mêmes normes écologiques et zootechniques. Une transition vers des modèles d'élevage plus durables a d'ores et déjà été engagée. Depuis 2022, le plan stratégique national (PSN) français de la politique agricole commune (PAC) intègre des aides renforcées à l'agriculture biologique, aux pratiques agroécologiques et à l'amélioration des conditions d'élevage. L'amélioration du bien-être des animaux et la lutte contre la maltraitance animale sont des priorités du Gouvernement. Il existe une attente sociétale forte et croissante de la part des consommateurs et des citoyens sur les questions de bien-être animal, il faut y répondre. L'amélioration du bien-être animal est un facteur d'avenir pour les filières animales françaises comme européennes. La réglementation nationale découle de la réglementation européenne. Elle est déclinée par espèce et concerne toutes les étapes de la vie de l'animal de l'élevage, au transport et à son abattage. Quel que soit le mode d'élevage, l'application de ces réglementations par les professionnels garantit le respect des 5 libertés individuelles de l'animal que sont : l'absence de faim, de soif et de malnutrition, l'absence de peur et de détresse, l'absence de stress physique et thermique (confort), l'absence de douleur, de blessures et de maladies, et la liberté de pouvoir exprimer le comportement naturel de l'espèce. Ainsi, les élevages dits « industriels » français sont suivis par les services de l'État et sont soumis à des normes de protection animale, sanitaires et environnementales nombreuses qui limitent leurs impacts négatifs sur l'environnement, l'animal et les épizooties. Les conditions de vie dans lesquelles les animaux sont élevés sont aussi contrôlées par les agents des directions départementales chargées de la protection des populations (DDPP), autorités officielles départementales, selon une analyse de risques établie en fonction de plusieurs critères de risques parmi lesquels figure le nombre d'animaux et les densités d'élevage. Le contrôle du bien-être animal repose sur un cadre réglementaire strict défini par l'UE, notamment à travers la directive 98/58/CE, qui impose aux éleveurs de garantir l'absence de souffrance inutile pour leurs animaux. En France, les services vétérinaires des DDPP réalisent chaque année environ 12 000 inspections ciblées afin de vérifier l'application de ces normes, notamment dans les élevages identifiés comme présentant des risques. Face aux cas de maltraitance, des cellules départementales opérationnelles (CDO) ont été mises en place depuis 2018 pour coordonner les acteurs locaux (services vétérinaires, chambres d'agriculture, associations, organisations professionnelles, etc.) et proposer des solutions adaptées aux éleveurs en difficulté. Ce dispositif repose sur un double volet : la prévention et l'intervention en urgence lorsque des actes de maltraitance sont avérés. Sur la question d'un moratoire généralisé sur les élevages intensifs, il convient de rappeler que la réalité agricole française est diverse et que de nombreuses exploitations, même de taille importante, respectent déjà des normes très strictes en matière de bien-être animal. Une interdiction brutale de tout un modèle mettrait en péril des milliers d'exploitations et d'emplois, notamment en zones rurales. Pour autant, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alientaire reste vigilant sur les risques de dérive. C'est pourquoi, il œuvre à une transformation progressive du secteur, en accompagnant les éleveurs vers des pratiques plus vertueuses, sans les opposer ou les pénaliser de manière brutale. Concernant les pratiques les plus critiquées -comme les cages de gestation ou les mutilations systématiques- des évolutions sont déjà en cours, tant au niveau national qu'européen. La France soutient au sein de l'UE une révision ambitieuse de la législation sur le bien-être animal et demande que les produits importés respectent des standards équivalents à ceux qu'elle impose aux producteurs français, dans un souci de justice commerciale et de cohérence environnementale. Si ces conditions ne sont pas garanties, la France n'hésitera pas à rejeter le texte. La transition est engagée, mais elle doit se faire dans un esprit de responsabilité et de solidarité avec les agriculteurs, qui sont aussi les premiers acteurs du changement.
Auteur : M. Aurélien Le Coq
Type de question : Question écrite
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 25 mars 2025
Réponse publiée le 16 septembre 2025