Échec du dispositif Mon soutien psy
Question de :
M. Emmanuel Fernandes
Bas-Rhin (2e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire
M. Emmanuel Fernandes attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur l'échec manifeste du dispositif « Mon soutien psy » et l'urgence d'une réforme profonde de la prise en charge des soins psychologiques en France. Conçu sans concertation avec les psychologues et les associations d'usagers, ce dispositif, financé à hauteur de 170 millions d'euros en 2024, s'avère sans surprise incapable de répondre aux besoins psychiques réels de la population. Les critères d'exclusion instaurés à ce dispositif, dans une vision uniquement budgétaire, en limitant l'accès aux seuls patients souffrant de troubles légers à modérés, empêchent une prise en charge adéquate des troubles plus graves et chroniques. Actuellement, ces patients se retrouvent sans solution viable, les centres médico-psychologiques (CMP) étant asphyxiés par un manque criant de moyens et des délais de prise en charge de plusieurs années. Après recueil de nombreux témoignages de professionnels du secteur, il s'avère que la limitation à 12 séances par an et l'absence de possibilité de dépassement d'honoraires aboutissent à une offre de soins « low cost » inadaptée au temps thérapeutique nécessaire pour traiter durablement les troubles psychiques. Ces contraintes expliquent la désaffection massive des psychologues pour ce dispositif, qui ne leur permet ni de proposer des soins de qualité, ni de percevoir une rémunération décente. Par ailleurs, la précarité est un facteur aggravant des troubles psychiques et pourtant, seuls 11 % des bénéficiaires du dispositif « Mon soutien psy » sont en situation de précarité. Le dispositif est en inadéquation totale avec l'objectif affiché d'amélioration de l'accès aux soins pour toutes et tous. L'urgence est pourtant bien réelle : un Français sur cinq est concerné chaque année par un trouble psychique et les épisodes dépressifs ont explosé ces dernières années, notamment depuis la crise du covid-19. La santé mentale des jeunes est particulièrement alarmante : selon l'enquête nationale de la LMDE, 70 % des étudiants souffrent de symptômes de mal-être et 36 % ont eu des pensées suicidaires en 2024. Face à ces constats, il est impératif d'adopter une politique de santé publique à la hauteur de l'enjeu. Avec les 170 millions d'euros alloués à « Mon Soutien Psy » en 2024, il aurait été possible de financer 2 500 postes de psychologues en CMP, permettant ainsi de soulager ces centres et d'offrir une prise en charge réellement gratuite et adaptée pour toutes et tous. Dans ce contexte, il est légitime de s'interroger sur l'utilité de poursuivre un dispositif qui ne répond ni aux attentes des patients ni aux exigences des professionnels de santé mentale. M. Fernandes demande donc à Mme la ministre si elle envisage de réaffecter les crédits alloués à « Mon soutien psy » vers la création de postes de psychologues en CMP, accompagnée d'une véritable revalorisation salariale pour attirer davantage de praticiens dans le secteur public, de lever les critères d'exclusion actuels, afin de garantir un accès aux soins psychologiques aux patients nécessitant un suivi, sans distinction de gravité du trouble, de supprimer le plafonnement arbitraire des 12 séances par an afin d'instaurer une prise en charge adaptée aux besoins réels des patients et surtout de mettre enfin en place un cadre concerté avec les psychologues, en organisant des élections professionnelles permettant aux praticiens de choisir eux-mêmes leurs représentants et ainsi garantir une meilleure structuration de la profession. Impliquer les professionnels, premiers concernés par la situation, dans la recherche de solutions semble être d'une évidence telle qu'il est incompréhensible que cela n'ait pas encore été mis en place. M. le député souhaite enfin rappeler que la santé mentale ne peut plus être reléguée au second plan au vu de l'ampleur de la détresse psychologique dans le pays et qu'un véritable plan national ambitieux et structuré est indispensable pour faire face à cette crise. La santé mentale est censée être la grande cause nationale de l'année 2025, il est temps de joindre la parole aux actes. Il souhaite connaître ses intentions à ce sujet.
Réponse publiée le 10 juin 2025
Le dispositif « Mon soutien psy », annoncé par le Président de la République lors des Assises de la santé mentale en 2021, a pour objectif d'améliorer l'accès à un accompagnement psychologique pour la population en ville. Il s'adresse aux personnes présentant un trouble anxieux ou dépressif d'intensité légère à modérée, un mésusage du tabac, de l'alcool et/ou du cannabis ou un trouble du comportement alimentaire sans critères de gravité. Le dispositif prenait en charge, à l'origine, un entretien d'évaluation et 7 séances réalisées par un psychologue conventionné par l'Assurance maladie, après adressage par un médecin, une sage-femme ou un professionnel de santé des services de la médecine scolaire. En juin 2024, le dispositif a fait l'objet de certaines évolutions permettant de moderniser et d'améliorer le parcours proposé aux patients concernés. Ainsi, tout d'abord, les critères d'inclusion ont été élargis, permettant aux patients sous antidépresseurs depuis moins de 6 mois (contre 3 mois initialement), d'être éligibles au dispositif, en conformité avec les recommandations de la haute autorité de santé. Par ailleurs, la condition de l'adressage préalable par un médecin, une sage-femme ou un professionnel de santé de la médecine scolaire à la prise en charge par l'Assurance maladie de séances de suivi psychologique a été supprimée. Le patient éligible au dispositif choisit librement le psychologue conventionné auquel il décide d'avoir recours. Un échange entre le psychologue et le médecin ne peut avoir lieu qu'à l'occasion de l'entretien d'évaluation et de la dernière séance, avec l'accord du patient. D'autre part, les tarifs, à l'origine fixés à 40 euros pour l'entretien d'évaluation et à 30 euros pour chaque séance d'accompagnement psychologique, ont été réhaussés et sont remboursés à présent à hauteur de 50 euros chacun, de manière à répondre à une insatisfaction de la profession. Enfin, le nombre de séances prises en charge est passé de 8 à 12 séances par an afin d'offrir aux patients un parcours adapté à leurs besoins. Au total, ce sont 3,1 millions de séances qui ont été réalisées depuis le début du dispositif en 2022. Les récentes évolutions du dispositif ont donc permis d'améliorer l'accès à la prise en charge de l'accompagnement psychologique puisque 586 858 patients (fin février 2025) ont intégré le dispositif, dont 43 % après la réforme de juin 2024. Par ailleurs, 5 217 psychologues sont conventionnés (fin février 2025), dont 56 % après cette même réforme. Par ailleurs, le ministre chargé de la santé précise que le dispositif n'est pas ouvert aux psychothérapeutes. Néanmoins, des réflexions sur la formation de la profession ont été initiées et le dispositif pourra à plus long terme être amplifié en ajoutant une « seconde brique » dédiée aux troubles plus sévères, et donc aux psychothérapies.
Auteur : M. Emmanuel Fernandes
Type de question : Question écrite
Rubrique : Maladies
Ministère interrogé : Travail, santé, solidarités et familles
Ministère répondant : Santé et accès aux soins
Dates :
Question publiée le 25 mars 2025
Réponse publiée le 10 juin 2025