Question écrite n° 5478 :
Parité dans la direction artistique et accès équitable à la culture

17e Législature

Question de : Mme Colette Capdevielle
Pyrénées-Atlantiques (5e circonscription) - Socialistes et apparentés

Mme Colette Capdevielle attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la sous-représentation des femmes à la tête des compagnies de danse en France, notamment dans les compagnies indépendantes en province, ainsi que sur les inégalités d'accès à la danse classique pour les populations issues des classes populaires et des quartiers prioritaires. Historiquement, la France est le berceau de la danse classique, une discipline qui incarne l'élégance et le raffinement culturels du pays. Cependant, cette excellence tend à se concentrer principalement dans les métropoles, au détriment des régions. Cette centralisation limite l'accès à la culture pour les populations provinciales et freine la diversité artistique. Par ailleurs, la parité femmes/hommes dans la direction artistique des compagnies de danse demeure un enjeu majeur. Selon les données disponibles, les femmes dirigent moins de 50 % des structures chorégraphiques, reflétant une inégalité persistante dans le secteur. Pourtant, une politique culturelle équilibrée et inclusive ne peut faire l'impasse sur une représentation équitable des genres dans la création artistique. Au-delà de la question de la parité, la danse classique, souvent perçue comme une discipline élitiste, doit devenir un vecteur de cohésion sociale. Les compagnies indépendantes jouent un rôle clé dans cette démocratisation culturelle en rendant la danse accessible à toutes et tous, y compris en dehors des grandes scènes parisiennes. Favoriser l'émergence de compagnies en province permettrait de renforcer le lien social à travers la culture, en offrant à un public plus large la possibilité de découvrir et de pratiquer la danse classique. Face à ces constats, quelles actions concrètes Mme la ministre entend-elle mettre en œuvre pour favoriser l'accès des femmes aux postes de direction artistique dans les compagnies de danse ? Envisage-t-elle de renforcer le soutien aux projets chorégraphiques visant à attirer un public issu des classes populaires et des quartiers prioritaires, afin de décloisonner la danse classique et d'en faire un vecteur d'inclusion sociale et culturelle ? Elle souhaite connaître les perspectives à ce sujet.

Réponse publiée le 27 mai 2025

Le ministère de la culture partage l'objectif d'une représentation équilibrée entre femmes et hommes à la tête des compagnies chorégraphiques en France. Avec les professionnels, le ministère de la culture poursuit une stratégie au long cours et les progrès sont désormais manifestes au niveau des aides déconcentrées au spectacle vivant (ADSV) qui soutiennent la production et la diffusion des œuvres des compagnies indépendantes. Ces aides sont attribuées par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), après consultation de commissions consultatives composées d'experts de la société civile reconnues pour leur connaissance de la danse et des régions concernées. Ces aides sont, soit au projet, soit pluriannuelles sur convention (de 2, 3, voire exceptionnellement 4 ans). Pour renforcer ces efforts, le ministère a inscrit en 2021 l'objectif de la parité dans le décret n° 2015-641 régissant le dispositif (ADSV), et dans ce cadre les conseillers des DRAC ont déployé sur le terrain une attention particulière pour encourager et accompagner le développement des parcours des chorégraphes femmes. L'équilibre en nombre d'aides se consolide au plan national et tend à se stabiliser : ainsi en 2023 45 % des compagnies aidées par le ministère de la culture au titre de la production et la diffusion des œuvres étaient majoritairement dirigées par des hommes et 42 % par des femmes, 13 % par des directions à composition mixte. Le ministère de la culture poursuit l'effort sur l'approfondissement de la parité de ses aides déconcentrées : les aides au projet sont majoritairement attribuées aux chorégraphes femmes depuis 2022, comme les conventionnements à deux ans, soit le plus grand nombre d'aides accordées (227 aides sur 325 en 2023). Il s'agit maintenant de progresser dans une répartition plus paritaire des conventionnements à trois ans, qui constituent l'aide la plus élevée (32 % sont aujourd'hui accordées aux équipes dirigées majoritairement par des femmes contre 55 % aux hommes et 13 % à des équipes de composition mixte). Parallèlement, le ministère a veillé depuis 1998 à l'amélioration de la répartition de ses aides sur le territoire national : 41 % des ADSV danse étaient versées en Île-de-France en 2018, contre 23 à 24 % ces dernières années, sachant que cette région restera singulière par l'exceptionnelle densité de sa population et de l'implantation de lieux d'appui pour la danse. La région Nouvelle-Aquitaine a, elle aussi, fortement bénéficié du rééquilibrage avec 22 aides ADSV danse et 800 000 euros de crédits en 2023 (soit 6 % des crédits nationaux contre 3 % en 1998). Atteindre un objectif d'une répartition plus paritaire des soutiens invite à ce que les collectivités territoriales partagent la détermination de l'État pour rééquilibrer ensemble, progressivement, la situation en agissant sur les différents leviers : par les décisions d'aides aux équipes accordées, par les lieux de résidence proposés, par l'attention des lieux de diffusion. Cela implique de travailler tout le long des étapes de la filière professionnelle, de l'émergence des talents de chorégraphes (à partir d'un vivier d'interprètes chorégraphiques où les femmes prédominent en nombre) jusqu'à la reconnaissance des parcours les plus remarqués. Par ailleurs, Madame la députée a attiré l'attention sur les perspectives d'actions pour l'accès des classes populaires et des quartiers prioritaires à la danse classique et en faire ainsi un vecteur d'inclusion sociale et culturelle. Les ballets sont le creuset où se fabrique et se renouvelle la danse classique professionnelle, de par la taille de l'effectif de danseurs et l'accompagnement technique qu'ils peuvent offrir. Très peu de compagnies indépendantes d'esthétique classique sont en activité en France en raison des dépenses fixes auxquelles leur économie doit faire face afin de maintenir une qualité technique nécessitant des cours et des répétitions presque quotidiens. Par conséquent, ce sont les ballets en théâtre lyrique qui sont l'espace où cette esthétique peut être conservée et développée dans les meilleures conditions, avec les subventions de collectivités territoriales et du ministère de la culture : au total 103 danseurs exercent ainsi dans les ballets des Opéras nationaux de Bordeaux, du Rhin (Colmar Mulhouse Strasbourg), de Toulouse, auxquels s'ajoutent les 54 danseurs des Opéras d'Avignon, de Metz, de Nice, outre les 154 danseurs du ballet de l'Opéra national de Paris. Ces ballets développent principalement leurs activités dans des métropoles, pouvant assumer les budgets en jeu et en partager les fruits avec leur environnement géographique ; cependant les tournées peuvent être un moyen de diffuser dans des territoires plus éloignés, de même que les actions culturelles en direction des différents publics vivant en espace urbain ou rural. Ces actions font partie intégrante des missions de tous ces établissements. Le ministère de la culture partage l'attachement à la danse classique et souhaite pouvoir compter sur le soutien du plus grand nombre de collectivités territoriales pour consolider les forces des Ballets en théâtre lyrique et élargir l'accès à leurs spectacles et à la rencontre de leurs interprètes. Dans le département des Pyrénées-Atlantiques, le Centre chorégraphique national (CCN) Malandain Ballet Biarritz développe une esthétique de « classique d'aujourd'hui » ou néo-classique qui peut offrir également la découverte de ces vocabulaires. Ce CCN a su faire preuve de grande inventivité pour le développement de tous les publics : il s'ouvre aux différents territoires urbains ou ruraux par la décentralisation de son festival « Le Temps d'aimer la danse », par des actions culturelles disséminées, par des ateliers pour amateurs en milieu scolaire ou non, par sa « gigabarre » dans l'espace public, etc. L'offre de transport très fournie de la communauté d'agglomération du Pays basque est un complément décisif d'une telle stratégie et illustre la coopération nécessaire entre les collectivités territoriales et l'État pour associer l'offre culturelle et les mobilités pour y accéder. Ainsi, la danse classique pourra-t-elle continuer à être partagée jusque dans l'ensemble des territoires, dans le pays qui en a été le berceau.

Données clés

Auteur : Mme Colette Capdevielle

Type de question : Question écrite

Rubrique : Arts et spectacles

Ministère interrogé : Culture

Ministère répondant : Culture

Dates :
Question publiée le 1er avril 2025
Réponse publiée le 27 mai 2025

partager