Question écrite n° 5964 :
Obligations des bailleurs face aux fuites de monoxyde de carbone

17e Législature
Question signalée le 16 juin 2025

Question de : Mme Marie-Pierre Rixain
Essonne (4e circonscription) - Ensemble pour la République

Mme Marie-Pierre Rixain attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins, sur la responsabilité des bailleurs en cas de fuites de monoxyde de carbone liées à des malfaçons de construction dans les ensembles résidentiels locatifs. Le monoxyde de carbone est un gaz incolore, inodore et hautement toxique qui résulte d'une combustion incomplète de tout type de combustible et dont les fuites surviennent dans des logements insuffisamment ventilés. Chaudières, chauffe-eau, cuisinières, inserts de cheminées ou encore chauffages d'appoint peuvent alors devenir de véritables bombes à retardement pour les occupants d'un logement. Chaque année, près de 3 000 personnes sont victimes d'intoxications au monoxyde de carbone, dont certaines entraînent des séquelles graves, voire la mort. Dans la circonscription de Mme la députée, à Ballainvilliers, une résidence sociale est concernée par des fuites récurrentes de monoxyde de carbone dans plusieurs logements, exposant les habitants à des risques d'intoxication potentiellement mortels. Ces émanations trouvent leur origine dans des malfaçons structurelles du bâtiment, livré et exploité en l'état par le bailleur. Pourtant, conformément à l'article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, il appartient au bailleur de garantir aux locataires un logement décent, ne présentant aucun risque manifeste pour la santé ou la sécurité physique des personnes. De plus, dans un arrêt du 11 mai 2022 (n° 20/02161), la cour d'appel de Rouen a rappelé cette obligation en engageant la responsabilité du bailleur suite à une affaire similaire ayant entraîné une intoxication au monoxyde de carbone causée par un défaut d'entretien d'un équipement de chauffage. Depuis 2021, cette résidence connaît régulièrement des émanations de monoxyde de carbone, obligeant les habitants à couper le chauffage central et à recourir à des systèmes d'appoint, eux-mêmes potentiellement dangereux en l'absence de ventilation adéquate. Or si la législation encadre la construction et l'exploitation des logements, force est de constater que cela se révèle bien insuffisant au regard du danger que court les habitants de cet ensemble résidentiel. Aussi, elle lui demande si le Gouvernement envisage de renforcer les contrôles et les obligations à la charge des bailleurs, afin de prévenir de manière plus efficace les risques liés aux fuites de monoxyde de carbone.

Réponse publiée le 9 septembre 2025

Le Gouvernement partage ces préoccupations quant à la sécurité des habitants dans les logements collectifs, en particulier dans les résidences sociales où vivent souvent des publics vulnérables. La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 impose effectivement aux bailleurs de fournir un logement décent, qui ne présente aucun risque manifeste pour la santé ou la sécurité physique des occupants. Les réseaux de gaz et d'électricité doivent, par conséquent, être conformes aux normes en vigueur. Cette exigence est rappelée avec force dans la jurisprudence, notamment dans l'arrêt de la cour d'appel de Rouen du 11 mai 2022 mentionné dans la question. Plusieurs mécanismes juridiques sont prévus pour répondre à ce type de situation. En premier lieu, un logement exposant ses occupants à des émanations de monoxyde de carbone peut être considéré à la fois comme non décent au regard du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent, et, selon la gravité du risque, comme insalubre au sens des articles L.1331-22 et suivants du code de la santé publique : - Dans le cas du non-respect des critères de décence, le locataire dispose d'un recours de nature civile. Il doit dans un premier temps signaler les désordres au bailleur par courrier recommandé avec accusé de réception. En cas d'inaction, il peut saisir la commission départementale de conciliation ou directement le tribunal judiciaire, lequel peut ordonner la réalisation de travaux, suspendre ou réduire le loyer, ou prononcer la résiliation du bail. Il peut être accompagné dans cette démarche par l'Agence départementale d'information sur le logement (ADIL). - Si la situation présente un risque avéré pour la santé ou la sécurité des personnes, elle peut relever d'une procédure d'insalubrité. Le signalement peut être effectué par le locataire, les élus ou les services sociaux auprès de la mairie ou de l'Agence régionale de santé (ARS). Une visite des lieux est alors effectuée par les services d'hygiène ou les services techniques de l'ARS ou de la commune. Sur la base du rapport de l'ARS ou du service communal d'hygiène et de santé (SCHS, pour les 208 communes bénéficiant de la dotation générale de décentralisation), un arrêté préfectoral d'insalubrité peut être pris, imposant au bailleur la réalisation de travaux dans un délai déterminé et si nécessaire l'hébergement temporaire des occupants. Si le danger est identifié comme imminent, ces mesures peuvent être prescrites à l'issue d'une procédure d'urgence, sans contradictoire et permettant de fixer des délais d'exécution très rapides. Par ailleurs, lorsque les désordres constatés trouvent leur origine dans des malfaçons de construction, le bailleur en tant que maître d'ouvrage peut engager la responsabilité du constructeur au titre des garanties légales prévues aux articles 1792 et suivants du code civil. Trois garanties sont ainsi susceptibles de s'appliquer à compter de la date de réception des travaux : - La garantie de parfait achèvement (article 1792-6 du code civil) : Elle couvre tous les désordres signalés pendant l'année qui suit la réception, qu'ils aient été mentionnés dans le procès-verbal de réception ou notifiés postérieurement. L'entrepreneur doit être mis en demeure par écrit (lettre recommandée avec AR) d'intervenir dans un délai déterminé. À défaut, le maître d'ouvrage peut saisir le tribunal judiciaire dans le délai d'un an suivant la réception. - La garantie de bon fonctionnement (article 1792-3 du code civil) : Elle s'applique pendant deux ans après la réception pour les éléments d'équipement dissociables, tels que les chaudières ou ballons d'eau chaude. Une lettre recommandée doit être adressée à l'entrepreneur, indiquant les désordres constatés. En cas d'absence de réparation, une action en justice peut être engagée. - La garantie décennale (articles 1792 et 1792-2 du code civil) : Elle couvre pendant dix ans les dommages compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination. Sont notamment concernés : les réseaux de chauffage central, les canalisations encastrées, les défauts de ventilation intégrée, les installations électriques ou de combustion dangereuses. Le constructeur est tenu de réparer les désordres couverts, et son assurance de responsabilité décennale peut être actionnée. Dans le cas où le bailleur, bien que propriétaire du bâtiment, ne prendrait pas les mesures nécessaires pour faire jouer ces garanties, sa propre responsabilité vis-à-vis des locataires peut être engagée, y compris pour mise en danger de la vie d'autrui ou pour manquement à ses obligations contractuelles. Ces dispositifs permettent ainsi de s'assurer que les bailleurs, y compris privés, respectent leurs obligations de sécurité et de décence, notamment dans les logements à vocation sociale.

Données clés

Auteur : Mme Marie-Pierre Rixain

Type de question : Question écrite

Rubrique : Logement

Ministère interrogé : Santé et accès aux soins

Ministère répondant : Logement

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 16 juin 2025

Dates :
Question publiée le 15 avril 2025
Réponse publiée le 9 septembre 2025

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