Question écrite n° 6083 :
La filière française de "Kéfir de fruits" en danger

17e Législature

Question de : M. Alain David
Gironde (4e circonscription) - Socialistes et apparentés

M. Alain David appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire, sur les conséquences préoccupantes des décisions récentes des directions départementales de la protection des populations (DDPP) concernant l'usage de l'appellation « kéfir ». En effet, les DDPP enjoignent les producteurs de kéfir de fruits ou kéfir d'eau à cesser, sous peine de sanctions, d'utiliser le terme « kéfir », y compris lorsqu'il est assorti des précisions « de fruits » ou « d'eau ». Cette interdiction repose sur l'interprétation du codex alimentarius et du droit européen, qui réservent actuellement l'usage du terme « kéfir » aux seuls produits laitiers. Pourtant, le kéfir de fruits, également appelé « kéfir d'eau » ou « kéfir d'eau et de fruits », est une boisson traditionnelle obtenue par la fermentation d'eau sucrée avec des agrumes et des fruits secs, à l'aide de grains de kéfir composés de bactéries et de levures. Cette boisson ne contient aucun ingrédient d'origine laitière et bénéficie aujourd'hui d'un véritable engouement, porté par les tendances en faveur d'une alimentation saine et naturelle. L'application stricte de la réglementation actuelle, inadaptée à la réalité de ce produit, menace pourtant de freiner brutalement le développement de cette filière émergente. L'interdiction d'utiliser le mot « kéfir » sur les étiquettes priverait les producteurs d'un repère essentiel pour le consommateur et risquerait d'entraîner des pertes économiques et des suppressions d'emplois. De nombreux scientifiques et acteurs du secteur, à l'image du chercheur au CNRS Christophe Lavelle, contestent cette approche restrictive. Selon lui, le kéfir de fruits partage avec le kéfir de lait une origine historique commune et la même base fermentative (des grains de kéfir), ce qui justifie l'usage du même terme, clarifié par des mentions explicites telles que « de fruits » ou « d'eau ». Par ailleurs, les consommateurs sont aujourd'hui bien informés et ne sauraient être induits en erreur. Au regard de ces éléments, il lui demande si le Gouvernement entend engager une démarche auprès de la commission européenne pour faire évoluer la réglementation, notamment en ajoutant les termes « kéfir de fruits » et « kéfir d'eau » à la liste des dénominations autorisées figurant à l'annexe de la décision 2010/791/UE du 20 décembre 2010. Et, dans l'attente d'une telle évolution, s'il envisage la mise en place d'un moratoire national sur l'application de cette interdiction, afin de préserver une filière artisanale innovante, dynamique et en plein essor.

Réponse publiée le 15 juillet 2025

La réglementation européenne (point 2 de la partie III de l'annexe VII du règlement (UE) n° 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles) réserve l'usage de la mention « kéfir » aux produits laitiers. Il en est de même de la norme internationale du Codex Alimentarius (CODEX STAN 243-2003), qui définit le « kéfir » comme un lait fermenté par l'ajout de graine de kéfir. Le produit dénommé « kéfir de fruits », élaboré principalement à partir d'eau et de sucre, n'est donc ni un produit laitier ni un lait fermenté. Par conséquent, il n'entre pas dans le champ des produits pouvant revendiquer la dénomination « kéfir ». La décision de la commission du 20 décembre 2010 établit la liste des produits pouvant utiliser des termes en principe réservés aux produits laitiers. Cette liste a été établie sur la base des traditions de consommation de chaque Etat membre et la France n'avait pas, lors de son établissement, demandé à bénéficier d'une exception concernant le terme « kéfir ». L'arrêt du 14 juin 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire C 422/16 a confirmé que l'utilisation des dénominations laitières est réservée aux seuls produits laitiers ainsi qu'aux produits énumérés dans l'annexe de la décision de la commission du 20 décembre 2010 et que ces dénominations ne peuvent être utilisées pour un produit végétal. Ainsi, la protection de l'information loyale du consommateur reste une priorité et c'est pourquoi, il est essentiel que les opérateurs, en tant que premiers responsables de la conformité des produits, veillent à utiliser les dénominations autorisées et se conforment aux règles existantes. Aussi, en l'état du droit en vigueur les produits mis sur le marché par les entreprises de ce secteur ne peuvent porter la dénomination « kéfir de fruits ». La publicité pour les produits commercialisés ne doit pas non plus mentionner ou suggérer ce terme. Pour autant, le Gouvernement a pleinement conscience des difficultés auxquelles les entreprises font actuellement face dans le cadre de l'application de ces dispositions. C'est pourquoi les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) prendront l'attache de la commission européenne afin de l'interroger sur d'éventuelles réflexions en cours en ce qui concerne la décision du 20 décembre 2010.

Données clés

Auteur : M. Alain David

Type de question : Question écrite

Rubrique : Consommation

Ministère interrogé : Commerce, artisanat, PME, économie sociale et solidaire

Ministère répondant : Commerce, artisanat, PME, économie sociale et solidaire

Dates :
Question publiée le 22 avril 2025
Réponse publiée le 15 juillet 2025

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